(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Dumont.)
(page 780) M. Huveners procède à l'appel nominal à 2 1/4 heures.
Il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.
Il communique ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur François-Philippe-Ed.-Natalie le Boucq de Beaudignies, propriétaire à Saint-Josse-ten-Noode, né à Prague, demande la naturalisation ordinaire. »
« Même demande du sieur Pierre-Joseph-François-Emile Lagrange, capitaine-adjudant-major au 2ème régiment de chasseurs à pied. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Piron, ancien garde du corps du prince-évêque de Liège, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la commission de pétitions.
« Le sieur Mennard, propriétaire cultivateur, à Gouy-lez-Piéron, demande que l'Etat, propriétaire du canal de Bruxelles à Charleroy, prenne des mesures pour que les contre-fossés de ce canal puissent toujours opérer l'écoulement des eaux pluviales. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« Plusieurs marchands de bois de la ville de Liège, demandent que les ventes de bois sciés faites à l'encan, aient lieu sur des marchés ou sur les ports, et par lots d'une valeur d'au moins trois cents francs. »
- Dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi sur les ventes à l'encan.
« La chambre de commerce et des fabriques de Verviers présente des observations contre la convention de commerce conclue entre la Belgique et la France le 13 décembre 1845. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner cette convention.
« L'administration du mont-de-piétè de Bruxelles prie la chambre de réserver aux monts de-piété la faculté de vendre les marchandises neuves que ces établissements seront dans le cas d'engager. »
M. Rodenbach. - Messieurs, la pétition dont on vient de faire l'analyse nous a été adressée par l'administration du mont-de-piété de Bruxelles. Il paraît que cette administration demande à être autorisée à vendre les marchandises neuves, alors que dans le projet on veut en défendre la vente en détail ; de sorte que cette administration de mont-de-piété demande une faveur spéciale. Pour couper court à de pareilles prétentions, M. le ministre devrait présenter promptement le projet de loi qu'il nous a promis sur les monts-de-piété. Du reste, je ne m'oppose pas à ce que la pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
- Le dépôt de cette pétition sur le bureau, pendant la discussion dû projet, est ordonné.
« Le conseil communal de Bruges présente des observations contre le projet de loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »
M. Rodenbach. - La requête qui vient d'être analysée vous a été adressée par le conseil de régence de Bruges ; il prétend que le projet de loi relatif à la création d'un nouveau canal entre Deynze et le canal de Gand à Bruges, serait très préjudiciable à la Flandre occidentale, ainsi qu'à la ville de Bruges, que ce canal nuirait à l'agriculture du nord de cette province. Dans un mémoire très longuement développé, elle fait comprendre que tous les avantages de cette construction sont pour la ville de Gand, au détriment de la Flandre occidentale.
Je demande le renvoi de cette requête à la section centrale, avec invitation de faire un rapport sur cette pétition, avant de déposer son rapport sur le projet de loi ; quand une province est froissée par une mesure qui (page 781) en favorise une autre, le projet doit être examiné avec le plus grand soin et on doit préalablement discuter la réclamation de la province lésée.
Je demande donc le renvoi de cette pétition à la section centrale, avec invitation de faire un prompt rapport.
M. d’Elhoungne. - Je ne m'oppose pas à la motion de l'honorable M. Rodenbach, en ce qui concerne le renvoi de la pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au canal de dérivation de la Lys ; mais je m'oppose à la partie de cette motion qui demande un rapport spécial sur cette pétition avant le dépôt du rapport sur le projet de loi lui-même. La chambre doit comprendre que la réclamation de la ville de Bruges rentre dans l'examen dont la section centrale est chargée. On ne peut donc demander à la section centrale de scinder son travail et de présenter son rapport en deux volumes.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - J'appuie les observations de l'honorable M. d'Elhoungne. Je ne m'oppose pas au renvoi de la pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif au canal de dérivation de la Lys ; ce renvoi me semble tout naturel ; mais je crois que l'objet dont il est question aura été soigneusement examiné par la section centrale et que son rapport s'occupera de cette question spéciale ; le gouvernement lui-même n'a pas négligé d'examiner ce côté de la question ; une commission d'ingénieurs dont faisait partie l'ingénieur en chef chargé dans ce moment du service de la Flandre occidentale a examiné ce point, et les conclusions de son rapport sont contraires aux craintes exprimées par les pétitionnaires. Du reste, la section centrale est saisie de ce rapport, elle pourra en apprécier toutes les considérations, et dans le rapport qu'elle vous présentera, cette question spéciale sera examinée en même temps que le projet lui-même.
M. Devaux. - Je ne connais pas la pétition dont il s'agit, elle ne m'a pas encore été communiquée. Il m'est assez indifférent que le rapport soit fait sous telle forme ou telle autre par la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif au canal de Schipdonck ; ce que je désire, c'est que cette pétition soit connue de la chambre. Il y a, dans le projet de loi, deux intérêts en lutte, celui de la province ou des provinces qu'on veut décharger de leurs eaux et celui de la province qui se croit menacée par les mesures qu'on propose au profit des premières.
La section centrale chargée d'examiner le projet de loi est, je crois, composée exclusivement de membres appartenant aux provinces qu'on veut décharger de leurs eaux et ne comprend aucun membre appartenant à la province dont on veut faire un fonds servant pour l'écoulement des eaux. C'est pourquoi j'attache assez peu de prix à la forme que doit revêtir le rapport sur la pétition du conseil de régence de Bruges.
M. le ministre des travaux publics vient de parler d'une instruction qui a eu lieu dans la Flandre occidentale sur la question soulevée par la pétition. Je lui demanderai quand cette instruction a eu lieu, si c’est avant ou après la présentation du projet de loi. Autre chose est de faire une enquête préalable, autre chose de demander, après la présentation d'un projet de loi, à un subordonné du ministre s'il n'a pas eu tort de le lui présenter.
Il n'y a pas d'exemple dans le pays que l'on fasse des travaux d'écoulement au travers d'une province, sans faire d'enquête dans cette province même ; ni les conseils communaux, ni les ingénieurs de la province, ni la députation permanente n'ont été consultés.
Je le répète, il n'y a pas d'exemple de la manière dont cette affaire a été instruite. On a traité la Flandre occidentale comme si c'était un terrain vague.
Quand le projet de loi sera en discussion, nous aurons d'autres observations à présenter sur la manière dont cette question a été mûrie avant d'être résolue par le gouvernement.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, il n'est pas de question qui ait été plus mûrement examinée que celle du canal de dérivation des eaux de la Lys ; car la chambre sait, en effet, que depuis plusieurs années, elle était l'objet des études d'une commission spéciale composée d'un grand nombre de membres auxquels on avait adjoint les ingénieurs les plus capables de l'éclairer ; non seulement l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, mais aussi un inspecteur divisionnaire chargé du service des deux provinces. Après un examen approfondi, la commission a rédigé un rapport très étendu ; je ne sais si l'honorable membre a pris connaissance de ce travail ; mais je ne pense pas qu'en présence d'un rapport aussi complet, on soit fondé à dire que la question n'a point été étudiée. Le conseil des ponts et chaussées a également donné son avis. Le gouvernement ne s'est point borné à cet avis. La question spéciale à la ville de Bruges et à la Flandre occidentale a fait l'objet d'un rapport particulier du conseil des ponts et chaussées, que le gouvernement a demandé par suite des craintes qui avaient été exprimées. Ce rapport est postérieur à la présentation du projet de loi ; mais antérieurement cette question avait déjà été mûrement examinée. Voilà la réponse que je crois devoir faire quant à présent ; quand le projet sera en discussion, nous pourrons entrer dans d'autres développements.
M. Rodenbach. - J'ai demandé le renvoi à la section centrale avec invitation de nous faire un rapport préalable au dépôt de son rapport sur le projet de loi ; mais je crois que les observations de l'honorable député de Gand sont assez justes. Je me bornerai donc à demander un simple rapport de cette section centrale, comme cela se fait ordinairement, mais je demanderai, en outre, l’impression au Moniteur. Cette pétition est très remarquable ; j’y ai jeté un coup d’œil rapide, je la crois digne d’occuper l'attention de la chambre. Je crois qu'il est question de commencer les travaux de Deynze jusqu'au canal ; si l'ensemble des travaux ne s'exécute pas tout à la fois, il est prouvé que le nord de Bruges pourrait être inondé, qu'on empêcherait la navigation entre Bruges et Ostende. Comme un conseil de régence vient de manifester cette crainte, on doit examiner la chose avec la plus grande attention.
Je demande donc l'impression au Moniteur et le renvoi à la section centrale.
M. Mast de Vries. - Avant que le projet de loi relatif au canal de dérivation de la Lys fût présenté, vous avez renvoyé à la section centrale du budget des travaux publics, des pétitions qui vous avaient été adressées relativement aux inondations du bas Escaut et de la Lys ; je demanderai le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif au canal de dérivation de la Lys ; elles rentrent plutôt dans le travail dont elle est chargée que dans celui de la section centrale du budget des travaux publics.
- Le renvoi de la pétition de la régence de Bruges à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif du canal de dérivation de la Lys est ordonné.
L'impression de cette pétition au Moniteur est ordonnée.
La chambre renvoie également à cette section centrale les pétitions indiquées par M. Mast de Vries.
Par divers messages en date des 16, 20, 24 et 25 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté :
le projet de loi sur les entrepôts de commerce ;
le projet de loi qui ouvre au département de la guerre un crédit destiné à l'exécution de travaux militaires et autorise l'aliénation de certaines propriétés ;
le projet de loi contenant les budgets des non-valeurs, des remboursements et péages et des dépenses pour ordre pour l'exrcice 1846 ;
le projet de loi approuvant la vente des terrains et bâtiments de l’hôtel du gouvernement provincial à Liège.
- Pris pour notification.
Par messages en date des 16 et 21 février, le sénat renvoie à la chambre les projets de loi amendés suivants :
le projet de loi portant règlement de l'exercice 1830 ;
le projet de loi portant règlement de l'exercice 1831 ;
le projet de loi portant règlement de l'exercice 1832 ;
et le projet de loi interprétatif de l'article 442 du code de commerce.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Il me semble qu'on pourrait renvoyer à la commission des finances les trois projets ds règlement de compte. Je crois que l'impression en retarderait inutilement l'examen ; Il ne s'agit que de substituer 1846 à 1845. Je propose donc le renvoi à la commission des finances, sans faire imprimer les projets.
- Cette proposition est adoptée.
La chambré renvoie ensuite à une commission spéciale le projet amendé par le sénat.
M. Duvivier informe la chambre qu'il est retenu chez lui par une indisposition.
- Pris pour information.
Il est fait hommage à la chambre, par M. Quetelet, de 100 exemplaires de l'Annuaire de l'Académie royale de Belgique pour 1846.
- Dépôt à la bibliothèque et distribution à MM. les membres de la chambre.
Il est fait nommage à la chambre, par M. Ph. Vandermaelen, d'un exemplaire de la carte générale des chemins de fer exécutés, concédés et projetés en Belgique. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le ministre de la justice, chargé par interim du département de la guerre, adresse à la chambre deux exemplaires de l’Annuaire militaire officiel pour 1846.
- Dépôt à la bibliothèque.
Il est fait hommage à la chambre, par M. Becart, d’un exemplaire de son ouvrage, intitulé : Exposé des facultés des lois et des opérations de l’âme, de l'esprit et de la pensée, etc, et d'un exemplaire de l’OEdipe-roi de Sophocle.
- Dépôt à la bibliothèque.
Première section
Président : M. Delfosse
Vice-président : M. Delehaye
Secrétaire : M. Henot
Rapporteur de pétitions : M. Biebuyck
Deuxième section
Président : M. de Theux
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Loos
Rapporteur de pétitions : M. Zoude
Troisième section
Président : M. de Man d’Attenrode
Vice-président : M. Verwilghen
Secrétaire : M. de Corswarem
Rapporteur de pétitions : M. de Naeyer
Quatrième section
Président : M. de Garcia
Vice-président : M. Osy
Secrétaire : M. Sigart
Rapporteur de pétitions : M. Maertens
Cinquième section
Président : M. Desmet
Vice-président : M. Desmaisières
Secrétaire : M. A. Dubus
Rapporteur de pétitions : M. Orban
Sixième section
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. Fallon
Secrétaire : M. Van Cutsem
Rapporteur de pétitions : M. de Sécus
M. Vanden Eynde., au nom de la commission qui a examiné le projet de loi tendant à modifier le tracé du chemin de fer projeté de Louvain à la Sambre, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et, sur la proposition de M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt)., met ce projet de loi a l'ordre du jour après la discussion du projet de loi sur la comptabilité de l'Etat.
M. Osy, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à la publication d'un nouveau tarif officiel de douanes, dépose le rapport sur ce projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L’intention de la chambre n'est sans doute pas, à l'occasion du rapport qui vient d'être présenté, de discuter la question des sucres.
Le gouvernement vous ayant soumis un projet de loi, il me semble plus naturel de renvoyer les pétitions à la section centrale ; j'en fais la proposition.
M. Osy. - Avec impression du rapport.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Sans doute, comme faisant partie du compte rendu de la séance.
Je saisirai cette occasion pour faire connaître combien il est urgent de s'occuper de ce projet de loi. Tous les intérêts sont en souffrance ; l'intérêt de la production indigène, si l'état actuel des choses se prolongeait, pourrait surtout être fortement lésé.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. Zoude, rapporteur. -Vous avez demandé un prompt rapport sur les pétitions relatives à l'industrie sucrière, et votre commission se serait empressée de satisfaire à vos désirs, si, pour ménager vos loisirs, elle n'avait cru, messieurs, qu'il était convenable d'entendre un plus grand nombre de défenseurs des deux industries rivales, pour ne vous présenter qu'un seul rapport.
C'est l'analyse succincte et surtout fidèle de toutes ces pétitions, dont je vais avoir l'honneur d'entretenir la chambre.
Pétitions n°1184 et 1723. - Par ces deux pétitions, l'une du conseil provincial du Hainaut, et l'autre de la députation permanente agissant en vertu d'un mandat du même conseil, les pétitionnaires disent à la chambre que le véritable intérêt du trésor, ainsi que les principes de justice et d'équité exigent que la loi de 1843 soit révisée en faveur de la sucrerie indigène, puisqu'elle emploie une nombreuse classe ouvrière, qu'elle est précieuse à l'agriculture ainsi qu'à la fabrication des machines, et en un mot, parce qu'elle contribue puissamment à développer les sources principales de la richesse publique.
Il est évident, disent-ils, que la fixation du rendement détruit entièrement la fabrication du sucre indigène. En effet, le rendement réel étant de 85 p. c, réduit par la loi à 55, il en résulte qu'une quantité de 30 p. c. est livrée à la consommation, indemne de tout droit, tandis que la même quantité de sucre indigène doit payer 6 francs, le droit actuel étant de 20 fr. les 100 kil.
Les principaux habitants, le bureau de bienfaisance et le conseil communal de Boussu demandent que, dans la révision de la loi, la chambre veuille écarter tout ce qu'il y a d'injuste dans la prétention des raffineurs de sucre exotique, et qu'elle accorde des conditions de vitalité et de fixité au sucre indigène qui est une industrie nationale et une source de prospérité pour les localités où les fabriques sont établies.
L'administrateur de la Société charbonnière de Bernissart a exposé que cette production indigène ne s'opère qu'au moyen d'une grande consommation de charbon ; il cite en preuve qu'une usine de moyenne importance en emploie de 12 à 15 mille kil.
Cette industrie est d'ailleurs bien précieuse par les ressources qu'elle présente à la classe ouvrière dont elle emploie un grand nombre dans la saison d'hiver ; enfin c'est une juste place au soleil qu'il demande pour cette industrie comprimée par les prétentions exagérées de l'industrie rivale.
L'administration communale, le bureau de bienfaisance et les principaux habitants de Quiévrain font valoir les mêmes arguments ; ils ajoutent que depuis l'établissement d'une sucrerie dans leur commune, l'agriculture y a fait un immense progrès.
La chambre de commerce de Tournay tient un langage plus sévère. Ce que veulent, disent-ils, leurs adversaires, c'est de ruiner tout d'un coup une industrie précieuse acquise désormais à la Belgique ; c'est de réduire à l'inaction une multitude d'ouvriers, de nous forcer enfin à acheter à l'étranger, pour plusieurs millions, une denrée que la Belgique peut produire elle-même.
Demander l'égalité de droits, serait trancher une question vitale de la manière la plus dérisoire.
Deux produits sont en présence : l'un fabriqué dans la Belgique, l'autre au dehors. La règle universelle exige de protéger la première contre la concurrence de la seconde.
Il est à remarquer, dit cette chambre, qu'il existe à peine une différence entre les prix du sucre brut dans les entrepôts et le sucre raffiné, après l'exportation à Hambourg.
De cette remarque, il s'ensuit que l'égalité de droits serait non seulement une injustice, mais une faveur toute spéciale pour le sucre étranger. En effet, notre pays ne produit du sucre que sous toutes les charges qui pèsent sur nos terres et sur nos travailleurs ; égaliser les droits serait donc un véritable privilège envers l'étranger ; ce serait provoquer la ruine d'un genre de travail intérieur qui produit le plus grand bien dans le pays et qui offre du pain à une classe nombreuse d'ouvriers.
L'administration communale, la commission des hospices et des bureaux de bienfaisance de Saint-Trond viennent, au nom d'une classe nombreuse d'ouvriers, réclamer toute la sollitude de la chambre envers la fabrication du sucre indigène. C'est la cause des malheureux qu'elles viennent défendre : huit ou neuf cents ouvriers de leur localité y sont occupés l'hiver, et un égal nombre de tout âge et de tout sexe, y trouve également de l'ouvrage l'été.
Les trois fabriques qui sont autour de Saint-Trond y répandent annuellement, pour salaires journaliers seulement, une somme de 130 mille francs.
Le bureau de bienfaisance et le conseil communal de Bauffe adressent la même prière à la chambre.
Le conseil communal de Tirlemont déclare que l'égalité de droits sur les deux sucres anéantirait la fabrication du sucre indigène et tarirait ainsi la source du travail de plusieurs centaines d'ouvriers attachés aux deux fabriques de Tirlemont.
Il est d'ailleurs connu, dit-il, que la culture de la betterave améliore les terres, rend les récoltes des céréales plus abondantes. ; Enfin, il réclame pour le sucre la même protection qui est accordée à l'industrie linière avec laquelle il y a similitude parfaite : la matière première de l'une et de l'autre est le produit du sol qui procure à toutes deux une main-d'œuvre considérable.
Le conseil provincial du Limbourg vous dit que peu d'industries réunissent plus d'avantages que la fabrication du sucre de betterave, et que peu ont plus de titres et de droits à une sage protection.
Jusqu'à présent, les nations qui parviennent à se procurer chez elles ce qu'à grands frais elles devraient chercher ailleurs, n'ont pas hésité à décerner des récompenses à ceux qui les affranchissaient du tribut qu'elles payaient à l'étranger.
Si un système contraire devait prévaloir, au dire des partisans du sucre exotique, la ruine des hommes qui ont engagé leur fortune dans une entreprise nationale serait consommée.
On demande ce que deviendraient les filateurs à la main, qui ne font usage que de matières premières produites dans le pays, si on exigeait le sacrifice de leur industrie en faveur des filatures à la mécanique, parce que celles-ci tirent leur lin de l'Ecosse ou de Riga ?
On a dit que la Belgique ne produisait pas assez de céréales, qu'elle devrait employer toutes ses terres à leur culture ; mais qu'on augmente la valeur de celles qui sont en exploitation, et l'on rendra bientôt productifs les milliers d’hectares qui sont en friche ; et puis si nous devons acheter du grain à l'étranger, n'est-ce pas aussi à l'étranger que nous achetons la canne à sucre ?
Ce conseil entre ensuite dans des considérations d'un ordre plus élevé. La Belgique, dit-il, possède en elle-même assez d’éléments de prospérité, ainsi que des avantages solides et durables ; mais en présence de l'incertitude du maintien de la paix entre les puissances maritimes, il faut de la prudence et de la circonspection, et c'est aux grands pouvoirs de l'Etat qu’il appartient de répartir, pour le bien commun, tout ce que le pays renferme de forces vitales ; c'est à eux qu'il appartient de défendre les intérêts du trésor et des consommateurs contre les exigences outrées d'un étroit égoïsme.
Il termine en vous recommandant, messieurs, la défense d'une industrie qui se rattache à tous les grands intérêts de la patrie, et qui, pour le Limbourg en particulier, est une source féconde de prospérité.
Nous abordons maintenant les pétitions en faveur du sucre exotique. Des raffineurs de Gand exposent que leur industrie est une des plus anciennes du pays, et qu'ils ont lieu d'espérer que leurs droits ne seront pas plus longtemps méconnus.
En France, en Angleterre, en Hollande, où une législation à peu près similaire à la nôtre est en vigueur, on a adopté le principe de l'égalité de l'impôt pour les deux sucres, égalité, disent-ils, qui est en harmonie avec les intérêts de l'industrie, du commerce et celui du trésor.
D'ailleurs, cet impôt est un droit d'accise et non pas un droit protecteur, et cette égalité est même une faveur pour la betterave dont un quart échappe à l'action du fisc, à quoi ajoutant le droit de douane, on trouve une protection de 20 p. c. en faveur des sucres indigènes ; et puis l'exemple de la France prouve que la sucrerie indigène sait se maintenir en présence de l'égalité de droit.
Des raffineurs d'Anvers déclarent s'associer aux vœux exprimés par les raffineurs de Gand, et demandent la prompte discussion de la loi.
Vous parler des raffineries de sucre, dit le président de l'association commerciale et industrielle d'Anvers, c'est attirer vos regards sur la plus grande, la plus rapide décadence qu'ait subie une des branches les plus importantes de la richesse nationale.
Il provoque l'attention de la chambre sur la situation actuelle du raffinage du sucre exotique en Belgique, et celle qu'une autre législation a faite dans un pays voisin.
En 1845, ou a mis en fabrication en Belgique 10 millions de sucre brut, dont 4 millions ont été exportés ; ce qui a donné lieu en tout à un mouvement commercial de 14 millions.
En Hollande, on en a raffiné 69 millions, dont 42 ont été exportés. Ainsi, pour le sucre seulement, il y a eu un mouvement de 111 millions, ou huit fois autant qu'en Belgique.
Tels sont, dit ce président, les effets de la loi de 1843, qui a enrichi la Hollande de nos dépouilles.
Il provoque avec instance la présentation d'une loi nouvelle, qui sera (page 783) peut-être encore trop tardive pour réparer les désastres occasionnés par elle qui est encore en vigueur.
La chambre de commerce et les fabriques de Gand s'empresse de joindre ses vœux à ceux des raffineurs du sucre exotique, dans l'espoir qu'ils n'auront pas présenté en vain leurs doléances à la chambre.
Le conseil communal de Gand, témoin des désastres dont la loi de 1843 a été féconde pour les établissements de cette ville, appuie de tout son pouvoir la demande des raffineurs.
Cette demande, dit-il, d'un corps institué pour veiller aux intérêts de toutes les industries, est un sûr garant de la réalité des souffrances que l'on éprouve et de la nécessité d'y porter remède.
Le conseil provincial d'Anvers, ému de la situation déplorable dans laquelle se trouvent l'industrie et le commerce du sucre exotique, vient réclamer de la chambre des modifications à la loi de 1843 qui, au lieu de ménager les deux industries, n'a produit que des mécomptes et des désastres.
De nombreuses industries joignent leur témoignage à celui du conseil, pour prouver l'importance du commerce du sucre exotique auquel leur fortune a été constamment liée, prospérant et souffrant avec lui.
Les chiffres inexorables que présentera la commission d'enquête instituée par le gouvernement, prouveront à toute évidence que les intérêts vitaux du pays ont été sacrifiés par la loi actuelle, qu'il est urgent de réviser, dans l'intérêt du commerce, de la navigation et de l'industrie.
Enfin, le sieur Bricous, vérificateur des contributions, présente un projet tout entier, que votre commission n'a pas eu le loisir d'analyser.
Elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de toutes les pétitions à M. le ministre des finances.
M. de La Coste. - Je voulais demander le renvoi à la section centrale, qui vient d'être proposé. Ainsi que l'a dit M. le ministre des finances, ce n'est pas le moment de discuter la question ; mais puisqu'on propose l'impression du rapport, ce à quoi je ne m'oppose pas, je crois devoir rectifier un fait qui s'y trouve indiqué, d'autant plus qu'il est également énoncé dans l'exposé des motifs du projet de loi.
On suppose qu'en France existe le régime de l'égalité des droits. C'est une erreur. En France, il y a trois sucres : le sucre indigène, le sucre colonial (celui des colonies françaises) et le sucre exotique.
Il y a égalité entre le sucre indigène et le sucre colonial. Mais il n'y a pas égalité entre le sucre français et le sucre étranger.
- La chambre consultée renvoie les pétitions à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Malou). présente un projet de loi de crédit supplémentaire de 56,420 fr. pour payement de dépenses arriérées concernant les exercices 1844 et 1845, concernant le département de la justice.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi et en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à la section centrale qui a examiné le budget du département de la justice.
M. le président - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je pense que la discussion qui s'ouvre pourra s'établir utilement sur le projet de la section centrale.
J'expliquerai successivement les dispositions en très grand nombre auxquelles je crois pouvoir me rallier. Il en est quelques autres sur lesquelles j'aurai des amendements à proposer ou des observations à faire. Mais pour une loi si étendue et si importante, je crois qu'il serait difficile d'expliquer dès à présent quelles sont les dispositions sur lesquelles il y a dissentiment entre le gouvernement et la section centrale.
M. Osy. - Si M. le ministre des finances avait des amendements à proposer, je crois qu'il ferait très bien de les faire imprimer et distribuer ; cela faciliterait la discussion.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je ferai imprimer les amendements que je me propose de soumettre à la chambre. Mais il doit être entendu que la discussion continuera. (Adhésion.)
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet de la section centrale.
M. de Bonne. - Réglementer la comptabilité de l'Etat est une des mesures les plus importantes de tout gouvernement. C'est le seul moyen de s'assurer le bon emploi des deniers publics, et d'assurer leur application aux dépenses que vous avez votées.
C'est encore le moyen de connaître la vraie situation des finances de l'Etat et la nécessité des réformes que cette situation pourrait demander.
Quoique je méconnaisse fort peu, pour ne pas dire du tout, en finance et en comptabilité, le projet de loi soumis à votre examen me semble, je ne dirai pas imparfait mais incomplet ; la discussion pourra rectifier mes idées et m'éclairer.
Je n'ai pas la prétention d'examiner le projet en détail : je me propose seulement de signaler quelques points sur lesquels j'appelle votre attention et celle du gouvernement ; les voici :
La section centrale propose la suppression de l'article premier.
Je crois que cet article doit être maintenu tout en le modifiant ; mes motifs sont : qu'un ministre des finances doit avoir l'administration et la direction générale de tous les revenus de l'Etat et de tout ce qui concerne les finances tant ordinaires qu'extraordinaires. Il en est ainsi dans tous les pays, et quand cela ne serait pas cela devrait être. Simplifier l'administration est un moyen de régulariser la comptabilité et de faciliter la vérification que vous êtes appelés à faire.
Je ne cache pas mon but, c'est de faire ressortir la recette des chemins de fer au département des finances.
Il est tout à fait irrégulier de laisser au département des travaux publics la gestion financière d'un revenu de ce département.
Dans ce système, on devrait donner à chique ministre la comptabilité des produits ressortissant à son département : à celui de la justice, l'administration des droits de greffe, timbre, enregistrement, hypothèques, etc. ; à celui de l'intérieur, les droits de barrières, douanes, etc. ; en un mot le ministère des finances pourrait être supprimé.
Le ministre des finances doit justifier son titre, c'est le trésorier : il faut que tout ce que l'on paye à l'Etat soit dans ses attributions.
J'ajouterai que je crois utile d'insérer dans la loi la disposition formelle que tout agent du gouvernement est constitué comptable par le seul fait de la recette des fonds de l'Etat et justiciable de la cour des comptes.
Une disposition à peu près semblable se trouve dans l'ordonnance française de 1838, article 67.
Le principe me paraît bon, et je propose de le consacrer dans notre loi.
Quoique cela ne soit pas clairement exprimé dans le projet de loi, il résulte de quelques-unes de ses dispositions, que l'apurement de la comptabilité de tous les agents du trésor est soumis à la cour des comptes.
Mais pourquoi ne pas le dire positivement et s'exposer à des interprétations plus ou moins difficiles ? Soyons clairs s'il est possible.
Je propose donc d'ajouter une disposition ainsi conçue : « La cour des comptes est chargée de juger tous les comptes de recettes et dépenses des agents comptables de l'Etat, ou réputés tels. »
Cette addition me paraît d'autant plus nécessaire que les cas prévus par les articles 8, 9, 10 et 11 du projet ne désignent pas à quel juge sera soumise l'appréciation du cas de vol, de force majeure, de diligences faites pour le recouvrement, de l'impossibilité du recouvrement, etc. Indubitablement ce sera à la cour des comptes à décider de ces faits et circonstances ; mais encore faut-il le dire et ne pas le laisser deviner.
La conséquence naturelle de ce que je viens de dire est la suppression de l'article 11 du projet. La cour des comptes rendra ses arrêts, et je ne crois pas que vous puissiez admettre que la responsabilité des surveillants des deniers de l'Etat, en défaut d'avoir rempli leur devoir, puisse jamais être réglée par un arrêté royal.
Un autre point à examiner est celui des difficultés qui peuvent s'élever entre le gouvernement et les particuliers sur des matières spéciales qui se rattachent à l'administration publique.
Les articles 16, 17 et 18 permettent de faire des marchés pour travaux, livraisons, fournitures, les uns par adjudication publique, les autres de gré à gré.
Ces actes ont pour objet un service public. S'il faut recourir à la justice ordinaire, que de longueurs et de frais ! Le service public peut même en souffrir.
Ces sortes d'affaires sont simples, faciles à décider : bonne ou mauvaise livraison, bons ou mauvais travaux, la cour des comptes pourrait donc en décider.
Et pourquoi ne le pourrait-elle pas ? L'article 8 le la Constitution n'est pas un obstacle ; « nul ne peut être distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne », dit cet article, mais chacun peut « de son gré » prendre un autre juge.
En faisant un marché, en se rendant adjudicataire, le particulier sait d'avance qu'il se donne un autre juge ; en cas de difficulté, il ne peut se plaindre, c'est une condition du contrat.
Pourquoi l'Etat ne pourrait-il faire ce qui est permis à tout citoyen, qui peut dans un acte stipuler que tout différend serait décidé soit par des arbitres soit par tel ou tel tribunal.
On ne plaiderait que sur mémoires et sans être tenu à d'autres formalités qu'a leur signification réciproque comme pour les causes domaniales. Cette juridiction exceptionnelle existe en Prusse, et, je crois, en Angleterre et en France. Dans tous les cas, je trouve la disposition bonne à prendre.
En France le ministre décide d'abord en premier degré de juridiction, mais il y a appel au conseil d'Etat. Si l'on voulait maintenir le ministre comme premier juge, comme chez nous il n'y a pas de conseil d'Etat on pourrait en degré d'appel renvoyer devant la cour des comptes et même devant la cour de cassation.
Les articles 35 et 36 prononcent une prescription de 5 ans pour les saisies-arrêts, oppositions et délégations, à moins de significations régulières à l'administration des traite,. jugements ou actes intervenus entre les parties. Ces dispositions donnent lieu à une comptabilité particulière, compliquée, et il en résulte que la remise des comptes définitifs serait retardée.
Pour simplifier l'administration des finances, ne serait-il pas préférable d'ordonner qu'à la fin de l’année qui suit l'exercice écoulé, le ministre fût tenu de verser dans la caisse des consignations tous les fonds saisis arrêtés à la charge de toutes les saisies-arrêts et oppositions, comme aussi des siennes propres ? Les droits de toutes les parties seraient conservés, et le ministre des finances débarrassé d'une complication d'écritures étrangères à son département.
Cette proposition doit, je pense, lui convenir ; la caisse des consignations (page 784) serait dans ses attributions ; un projet de loi sur cette matière-a été présenté et se trouve soumis à votre examen.
Une proposition que je crois devoir faire en terminant, c'est de réunir la loi sur la comptabilité des finances de l'Etat à celle sur l'organisation de la cour des comptes.
Ces deux projets sont connexes, c'est une même matière à régler ; l'un concerne les principes, l'autre leur application.
Il suffirait de diviser la loi en deux titres, comme on l'a fait en France pour la loi du 31 mai 1838. Cette réunion est même nécessaire psur obtenir une exécution prompte de la loi en discussion ; car sans la loi sur l'organisation de la cour des comptes, il sera impossible d'exécuter celle sur la comptabilité. Résumant mes observations, j'ai l'honneur de proposer le maintien de l'article premier avec une modification et de dire :
« L'administration des recettes et dépenses de l'Etat appartient au département des finances.
Je proposerai en outre à l'article 6 une disposition additionnelle ainsi conçue :
« Tout agent du gouvernement est constitué comptable par le seul fait de la recette des fonds de l'Etat et justiciable de la cour des comptes.
« La cour des comptes est chargée de juger tous les comptes de recettes et dépenses des agents comptables de l'Etat ou réputés tels.
« Les contestations relatives à des marchés, adjudications, fournitures, trtavaux, transports, et autres conventions, rappelés dans les articles 19, 20 et 21 de la présente loi seront jugées par la cour des comptes. »
Ma dernière proposition a pour objet de faire réunir la loi sur la comptabilité de l'Etat à celle sur l'organisation de la cour des comptes, et de diviser cette loi en deux titres pour que l'exécution soit effectuée en même temps.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L’honorable préopinant, indépendamment de plusieurs observations qui se rattachent à des articles et auxquelles je répondra plus tard, a proposé à la chambre de réunir en une seule loi les deux projets qui vous ont été présentés par le gouvernement. Je pense que cette proposition ne doit pas être adoptée par la chambre.
La loi sur la comptabilité de l'Etat et la loi relative à l'organisation de la cour des comptes ont entre elles, il est vrai, quelques points de connexité ; elle ont cependant un objet entièrement distinct.
Les propositions faites par le gouvernement me paraissent, d'après tous les précédents de la chambre, devoir être discutées comme elles ont été faites.
Je ne puis d'ailleurs comprendre l'avantage qu'il y aurait à réunir les deux projets. D'une part, il s'agit de déterminer en quelque sorte les principes généraux de notre comptabilité publique. D'autre part, il s’agit de déterminer les attributions un peu plus variables (qu'il me soit permis de le dire) d'une de nos institutions.
Dans l’intérêt du travail de la chambre, laissons séparées ces deux questions réellement distinctes.
L'honorable préopinant, si j'ai bien saisi les motifs de cette proposition, la fonde uniquement sur ce qu'une loi ne serait pas exécutable sans l'autre ; mais je crois que c'est une erreur. Le projet relatif à la cour des comptes est, à certains égards, la reproduction du décret de 1830 ; il lève quelques doutes qui ont surgi depuis la mise en vigueur de ce décret. Mais la loi relative à la cour des comptes peut parfaitement être séparée du projet relatif à la comptabilité générale.
En effet, depuis plusieurs années, la chambre est saisie d'un projet de loi sur la cour des comptes, qui est dû à l'initiative d'un de nos honorables collègues. Jamais il n'a été question de le joindre au projet relatif à la comptabilité.
- La proposition de M. de Bonne est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
La discussion générale est close.
Article premier (du projet du gouvernement)
La discussion est ouverte sur l'article premier du projet du gouvernement, dont la section centrale propose la suppression ; il est ainsi conçu :
« Art. 1er. la haute direction de la trésorerie nationale appartient au département des finances, de même que l'administration des recettes et des dépenses de l'Etat. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie à la suppression proposée par la section centrale. l'article premier est une définition d'attributions ministérielles. Il existe dans certains pays un ministère de la trésorerie. Bien que la création d'un ministère semblable ne soit pas probable en Belgique, je pense qu'il ne faut pas définir par une loi organique des attributions ministérielles.
M. de Bonne. - J'ai proposé de remplacer l'article supprimé par la section centrale, par le suivant :
« L'administration des recettes et des dépenses de l'Etat appartient au département des finances. »
De celle manière tout ce qui concerne les revenus tant ordinaires qu'extraordinaires, devra ressortir au département des finances ; c'est ce qui n'est pas dit dans le projet.
Je vous ai expliqué mon intention, c'est qu'à l'avenir l'administration des recettes du chemin de fer rentre dans le département des finances.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Il me semble, d'après ce que vient de dire l'honorable M. de Bonne, que son intention, en présentant son amendement, est de mettre obstacle à ce qu'à l'avenir les recettes du chemin de fer continuent à se faire par les agents du département des travaux publics. Si l'honorable membre avait lu attentivement l'article 7, qui a été introduit par la section centrale, ainsi que les développements qui sont consignés au rapport, il aurait vu que son amendement était tout à fait inutile.
Que dit en effet cet article 7 ? Il exprime qu'aucune manutention de deniers ne peut être exercée, qu'aucune caisse publique ne peut être gérée, que par un agent placé sous les ordres du ministre des finances, nommé par lui ou sur sa présentation, responsable envers lui de sa gestion, et justiciable de la cour des comptes.
Si l'honorable M. de Bonne désire que les recettes du chemin de fer se fassent par des agents de l'administration de finances, il votera l'article 7 et il atteindra ainsi son but. Il me paraît donc qu'il peut retirer son amendement.
M. de Bonne. - Je retirerai volontiers mon amendement jusqu'à la discussion de l'article 7. Mais comme l'état de choses que je propose n'existe pas actuellement, on aurait pu entendre que l'administration des travaux publics aurait conservé la direction des finances du chemin de fer, et c'est ce que je voulais prévenir par la disposition générale que je vous avais présentée.
- La suppression de l'article premier du projet du gouvernement est mise aux voix et adoptée.
« Art. 1er (du projet de la section centrale). Les recettes et les dépenses publiques à effectuer pour le service de chaque exercice sont autorisées par les lois annuelles de finances et forment le budget général de l'Etat. »
- Adopté.
« Art. 2. L'exercice commence le 1er janvier et finit le 31 décembre de la même année ; toutefois les recettes et dépenses qui s'y rattachent seront imputés sur le même exercice jusqu'à l'expiration de l'année suivante.
« Sont seuls considérés comme appartenant à un exercice, les services faits et les droits acquis à l’Etat et à ses créanciers pendant l'année qui donne sa dénomination à l'exercice. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je me rallie au principe de l'article 2 du projet de la section centrale. Mais je pense que le dernier paragraphe serait mieux rédigé en ces termes :
« Toutefois, pour compléter les opérations relatives au recouvrement des produits, à la liquidation et à l'ordonnancement des dépenses, la durée de l'exercice se prolonge jusqu'au 31 octobre de l'année suivante. »
Le paragraphe ainsi formulé me paraît plus clair et on comprend mieux quel est le but de l'article.
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, il me semble difficile d'admettre l'amendement que vient de proposer l’honorable ministre des finances ; il en résulterait que l'exercice serait prolongé de dix mois. D'après l'intention de la section centrale, et même d'après l'article rédigé par le gouvernement, l'exercice n'est que d'un an, et les dix mois qui sont accordés en plus, ne le sont que pour réaliser les droits créés pour parfaire les actes posés pendant l'année qui donne son nom à l'exercice.
Je ne pense pas qu'il puisse entrer dans l'intention de la chambre de prolonger l'exercice de dix mois. En France, l'exercice n'est que le service fait pendant une année et dix mois sont accordés pour parfaire les actes posés pendant l'exercice.
Il y a donc une distinction à faire entre les douze mois qui constituent l'exercice et la période de dix mois accordée pour compléter les opérations. Cette distinction est essentielle pour mettre de l'ordre dans la comptabilité. Cette règle tend à accélérer la marche des services, l'acquittement des dépenses ; on s'en est fort bien trouvé en France.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Nous sommes réellement d'accord. Je propose de dire : « la durée de l'exercice se prolonge jusqu'au 31 octobre de l'année suivante, » au lieu de : « la durée de la période se prolonge jusqu'au 1er octobre de la deuxième année. » Je ne sais ce qu'on entend par la période et quelle est la première année.
M. de La Coste. - Je pense que M. le ministre des finances et M. le rapporteur sont parfaitement d'accord. Mais je ferai une observation sur le mot « exercice ». L'exercice est d'une année, et M. le ministre des finances propose de dire que l'exercice se prolonge au-delà de cette année, jusqu'à la fin de la suivante. Je ne sais si cette rédaction est bien correcte.
M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai cru, par la rédaction que je propose, rendre mieux la pensée contenue dans le dernier paragraphe de l'article de la section centrale. Cependant si l'on croit la rédaction de celui-ci préférable, je ne m'opposerai pas à son adoption.
M. Devaux. - Je proposerai la rédaction suivante :
« Toutefois les opérations relatives au recouvrement des produits, à là liquidation et à l'ordonnancement des dépenses, pourront se prolonger jusqu'au 31 octobre de l'année suivante. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me rallie à cette rédactions
M. Rogier. - Messieurs, M. le ministre des finances se rallie à la proposition de la section centrale qui modifie celle du gouvernement.
Le gouvernement demandait de pouvoir continuer les dépenses d'un exercice pendant l'année tout entière qui suit cet exercice. La section centrale restreint ce pouvoir à dix mois.
Dans l'état actuel des choses, la durée d'un exercice se prolonge pendant trois ans. Substituer deux années à trois, c'était déjà s'imposer à soi-même des restrictions. Aujourd'hui M. le ministre des finances se rallie encore à (page 785) une restriction nouvelle. Je demande s'il ne craint pas que l’action du gouvernement se trouve parfois paralysée par cette substitution de 22 mois à la durée de 24 mois.
Cette restriction apportée à la durée de l'exercice n'est pas dans nos habitudes administratives. Sous le gouvernement des Pays-Bas, l'exercice se prolongeait pendant trois années. Voilà trente ans que nous vivrons sous ce régime. Il me paraît qu'il eût été sage de conserver au moins une durée de deux années.
Je ferai une autre observation sur l'article 2. Vous savez que chaque année la chambre se trouve dans la pénible nécessité de voter des crédits provisoires. Depuis très longtemps il ne nous est pas arrivé de pouvoir voter les budgets avant l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent.
Cette année encore, les budgets les plus importants ne sont pas votés, les ministres ont été forcés de demander des crédits provisoires. Il est possible même que les crédits provisoires ne suffisent pas, qu'on soit obligé d'en voter de nouveaux. Cet état de choses présente de graves inconvénients. On a cherché les moyens d'y porter remède ; mais les propositions qui ont été faites ont été ajournées jusqu'au moment où l'on discuterait la loi sur la comptabilité.
Le moment me semble venu de prendre une mesure qui fasse sortir la chambre de ces inconvénients qui se représentent annuellement. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il aurait des objections à faire à l'adoption d'une proposition d'après laquelle les budgets des recettes et des dépenses devraient être présentés six mois au moins avant l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent.
En France, le budget est voté près d'un an avant l'ouverture de l'exercice. En ce moment ce n'est pas le budget de 1846 que l'on discute, il est voté depuis près d'une année déjà ; aujourd'hui, on s'occupe en France du budget de 1847.
Il y aurait avantage à ce que le budget de 1847 fût présenté avant le mois de juillet, et il faudrait que la chambre fût animée de bien peu de zèle pour ne pas le voter avant le 31 décembre 1846.
Les travaux de la chambre, en ce qui concerne la comptabilité, sont, il faut bien le reconnaître, peu honorables pour elle. Nous donnons, sous ce rapport, depuis longtemps le plus fâcheux exemple. Une commune qui n'aurait pas arrêté en temps opportun son budget, son compte annuel, serait réprimandée par le gouverneur et par la députation, s'ils remplissaient leurs devoirs. Il n'est pas à ma connaissance qu'aucun conseil provincial, depuis que les conseils provinciaux existent, ait manqué de voter chaque année ses comptes et son budget. La chambre, au contraire, qui doit donner aù pays les bons exemples en toutes choses, ne parvient jamais à voter son budget en temps opportun.
Pour les comptes, c'est bien pis. Quoique la Constitution nous impose l'obligation formelle d'arrêter les comptes chaque année, nous sommes de dix ans en arrière. En principe nous devrions arrêter les comptes avant le budget ; la première base d'un budget, c'est, en effet, le compte des l'exercice écoulé. Voilà par où nous devrions commencer. C'est ce que nous sommes bien loin de faire. Cela est déplorable. Il m'est arrivé à vingt reprises de signaler ce fait à la chambre ; malgré mes efforts et ceux de plusieurs de mes honorables collègues, on n'est pas parvenu à plus de régularité.
Au moyen de la disposition que j'indique, si la loi passe cette année, nous aurions l'assurance que le budget de 1847 serait présenté avant la fin de la session. Nous aurions fait cesser ainsi une grande irrégularité, nous aurions mis un terme à ces crédits provisoires que nous sommes obligés de voter d'année en année, comme si nous étions à l'état permanent de révolution. Cet état de choses donne au pays, aux chambres, au gouvernement, une attitude que nous devons avoir à cœur de faire cesser. Il faut de la stabilité dans l'administration, de la régularité dans les travaux de la chambre. A moins donc que M. le ministre des finances ne présente des objections qui. me fassent changer d'avis, je déposerai une disposition additionnelle qui serait ainsi conçue :
« Les budgets des recettes et des dépenses seront présentés aux chambres, six mois au moins avant l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent. »
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'honorable préopinant a soulevé trois questions : La première consiste à savoir s'il convient de restreindre la durée de l'exercice, ainsi que le propose la section centrale d'accord avec le gouvernement.
L'exercice a aujourd'hui une durée de trois années. Il s'agit de restreindre ce terme à vingt-deux mois, c'est une des innovations les plus heureuses du projet.
Il est une autre disposition sur laquelle j'appelle l'attention de l'honorable membre. L'article 26-29 du projet de loi est ainsi conçu :
« Lorsque, à la clôture d'un exercice, certaines allocations du budget sont grevées de droits en faveur de créanciers de l'Etat, pour travaux adjugés et en cours d'exécution, la partie d'allocation encore nécessaire pour solder la créance, est transférée à l'exercice suivant, après décompte vérifié préalablement par la cour des comptes. »
Cette disposition et le délai qui reste après la clôture légale de l'exercice suffisent pour assurer la marche du gouvernement.
La deuxième question, relative à l'époque de la présentation des budgets, a très souvent occupé la chambre. Cette année, tous les inconvénients de la marche suivie depuis quinze ans se sont révélés avec plus d'intensité que jamais.
Au sénat, on a insisté très vivement pour que cette assemblée reçût les budgets assez à temps pour pouvoir les examiner. Si je n'ai pas pris alors un engagement formel, j'ai du moins promis de faire tous les efforts pour que les chambres pussent voler doux budgets dans le cours de cette session,, de manière à gagner une année.
Si la marche des travaux de la chambre le permet, mon intention est de lui soumettre les budgets à l'exercice prochain. Alors la disposition que réclame M. Rogier aura reçu son exécution en fait ; mais je ne pense pas, qu'il convienne d'imposer au gouvernement, par la loi, l'obligation indiquée par l'honorable M. Rogier.
Le gouvernement s'associe aux vœux plusieurs fois énoncés au sein de la chambre ; il désire qu'il soit voté deux budgets en une session et qu'on ne soit plus dans la nécessité de présenter le budget pour ainsi dire à la veille de l'exercice.
Quant aux comptes, il est très vrai que nous sommes encore fort loin de les avoir réglés tous. Au commencement de la séance, le sénat nous a renvoyé les comptes des exercices 1830. 1831 et 1832. Récemment il a été fait rapport sur les trois exercices suivants. J'espère que, dans le courant de cette session, ces lois de comptes pourront être votées. Les circonstances ont eu une grande part dans ce retard que je regrette autant que personne. Les chambres, dans les premières années de la révolution, ont été absorbées par d'autres soins. Les difficultés qui se rattachent à cette époque ont aussi retardé les travaux de la commission, quelque zèle qu'elle ait apporté dans ce travail.
M. Osy. - Je désirerais appuyer la proposition de l'honorable M. Rogier, mais je pense qu'il serait dangereux d'imposer par la loi au gouvernement l'obligation de présenter les budgets neuf mois au moins à l'avance. Si nous étions certains de présenter dans cette session le budget de 1847, il n'y aurait aucune difficulté. A chaque session nous voterions, comme en France, le budget de l'exercice suivant.
Je désire que nous puissions voter cette année par anticipation le budget de 1847. mais nous sommes tellement en retard que je crains que nous ne le fassions pas. Il faudrait que le gouvernement prît l'engagement formel, de présenter les budgets dans un bref délai ; peut-être alors pourrions-nous les avoir votés pour le mois d'août. (Réclamations.) Plus tôt me paraît impossible. En effet nous avons à nous occuper de trois lois importantes, qui certes ne seront pas votées d'ici à Pâques.
Pour les comptes, comme l'a dit M. le ministre des finances, ce sont les grandes occupations qu'on a eues depuis 1830 qui n'ont pas permis de les régler. Mais nous avons un rapporteur qui y met tant de zèle qu'avant peu, j'en suis persuadé, nous aurons les comptes réglés jusqu'en l841.
J'engage donc M. le minisire des finances à présenter sans retard les, règlements de comptes dont nous ne sommes pas encore saisis.
M. de Mérode. - Je ne suis pas favorable aux crédits provisoires tels que vous êtes obliges de les voter tous les ans. Mais d'un autre côté, si l'on vote un budget aussi longtemps à l'avance, on ne saura pas quelles dépenses il faudra faire ; on votera sans connaissance de cause suffisante.
Ainsi, cette année nous avons été obligés de voter un crédit particulier, par suite de la maladie des pommes de terre. Mais cette calamité n'est arrivée qu'à une époque très rapprochée de la présentation du budget de l'année 1846 ; on n'a pas pu la prévoir ; c'est une circonstance tout à fait spéciale ; or, souvent, lorsqu'une année entière s'écoulera entre le vote d'un budget et l'application de ce budget, il surviendra bien d'autres événements qui dérouteront toutes les prévisions.
Un de nos anciens collègues, M. Cogels, a plusieurs fois proposé d'établir l'année financière à dater du 1er juillet. Si cela pouvait se faire, on obvierait à tous les inconvénients qui ont été signalés. Le vote du budget ne serait pas aussi éloigné de l'exercice auquel il s'applique, que si l'on adoptait le système qui est suivi en France.
Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire s'il trouverait un inconvénient grave à fixer le commencement de l'année financière au premier du mois de juillet, au lieu du 1er janvier. Je reconnais que les habitudes sont contraires à ce mode de procéder, que les comptes des particuliers ne se règlent pas ainsi. Mais pour l'Etat, il y a une position spéciale résultant de nécessités parlementaires qui entraîne plus d'avantage dans l'adoption de ce mode que dans le système communément suivi,
M. Rogier. - Messieurs, M. le ministre des finances en répondant à ma première observation, relative à la restriction apportée par la section centrale à la durée de l'exercice, restriction à laquelle M. le ministre s'est rallié, a déclaré qu'il trouvait un remède à l'inconvénient qui pouvait résulter de cette restriction nouvelle, dans l'article 26 du projet du gouvernement.
Je ferai remarquer à M. le ministre des finances que, dans l'opinion première du gouvernement, l'article 26 n'apportait pas un remède suffisant à cet inconvénient, puisque, malgré cet article, le gouvernement avait demandé d'abord une durée de 2 ans.
Du reste, si M. le ministre pense que la marche de l'administration ne se ressentira pas d'une manière fâcheuse, de cette restriction nouvelle, je ne puis pas être plus administratif que lui dans cette circonstance, et M. le ministre, je n'insisterai pas.
J'ai demandé à M. le ministre des finances s'il verrait de l'inconvénient à ce que la loi fixât une époque pour la présentation des budgets ; M. le ministre n'a pas dit qu'il y trouvait de l'inconvénient ; il s'est seulement engagé à faire présenter les budgets assez à temps, pour qu'ils pussent être votés avant le 1er' janvier 1847. C'est une assurance personnelle que nous donne M. le ministre des finances ; je préférerais une prescription égale à une assurance personnelle qui ne lierait pas les successeurs de l’actuel.
Un honorable préopinant a demandé que l'année financière commençât (page 786) du 1er juillet : tout en faisant cette demande, il a trouvé des inconvénients à ce que le budget fût voté trop longtemps à l'avance, parce que, dit-il, les dépenses ne pourraient pas être prévues six mois avant les besoins.
Eh bien, en proposant de fixer au mois de juillet l'ouverture de l'année financière, l'honorable préopinant va plus loin que je ne vais. En effet, les budgets sont ordinairement déposés à l'ouverture des sessions ; nos sessions s'ouvrent au mois de novembre ; du mois de novembre au mois de juillet, il y a huit mois ; je ne demande que six mois entre la présentation du budget et le commencement de l'exercice auquel il s'applique.
Je n'ai pas trouvé dans les observations présentées par M. le ministre des finances, un motif pour renoncer à la proposition que je voulais faire. A voir ce qui se passe, je crois que M. le ministre des finances sera charmé lui-même, et que tous ses successeurs ne pourraient que s'applaudir d'avoir en quelque sorte la main forcée par la loi.
Nous porterons ainsi un remède à un mal qui est reconnu par tout le monde. Il est fort à craindre que ce mal ne se renouvelle encore pendant plusieurs années, si, pour y obvier, nous n'insérons pas une prescription dans la loi.
L'ouverture de la session est trop rapprochée du commencement de l'exercice financier, pour que les chambres aient jamais le temps nécessaire afin de discuter convenablement les budgets. Il est impossible que nous votions dans ce court intervalle les budgets, alors que, dans les premiers jours de notre réunion, nous avons à discuter l'adresse, et quelquefois d'autres projets urgents.
Comme, du reste, M. le ministre des finances n'a pas vu d'inconvénient à la proposition que j'avais annoncée, j'ai l'honneur de la déposer ; elle est ainsi conçue :
« Le budget des recettes et celui des dépenses seront présentés aux chambres six mois au moins avant l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent. »
M. de Man d'Attenrode, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas parfaitement saisi la portée de l'amendement de l'honorable M. Rogier. L'honorable membre, je pense, désire surtout que le vote du budget ait lieu avant le 1er janvier. D'après son amendement, le gouvernement serait tenu de déposer le budget au moins six mois avant cette date ; la présentation aurait donc lieu vers le 1er juillet. Or, la chambre, dans les circonstances ordinaires, ne siège plus à cette époque. A quoi donc aboutirait le dépôt du budget ? Nous en serions saisis plus tôt. J'avoue qu'il nous serait fort utile de pouvoir consacrer une partie de nos vacances à l'examen des budgets. Maintes fois, je me suis plaint de ce qu'on ne les déposait qu'à l'ouverture des sessions ; mais je crois pouvoir être moins exigeant que l'honorable M. Rogier, et si les budgets nous étaient remis deux mois avant notre réunion, cet intervalle serait suffisant.
Si nous sommes si arriérés cette année, c'est d'abord parce que les budgets ont été présentés trop tard, comme ils l'ont été les années précédentes. Ensuite nous avons débuté par une longue discussion politique sur l'adresse ; Il nous a été alors en quelque sorte impossible de partager notre attention, et de nous occuper des affaires matérielles de l'Etat.
Au reste, voici une circonstance que j'ai observée tous les ans, c'est qu'à l'époque de l'examen des budgets dans les sections, la chambre met toujours à l'ordre du jour quelques projets de loi, pour être discutes en séance publique, et cela pour obliger certains membres à rester à leur poste. Il résulte de là que les hommes laborieux de la chambre sont forcés à la fois de faire face aux travaux pénibles des sections, de se préparer à la discussion publique des projets de loi mis à l'ordre du jour, et d'assister à cette discussion. Il n'est possible de faire face à des travaux aussi multipliés, qu'en y consacrant ses nuits, et je vous avoue que je ne suis pas de force à mener une vie semblable.
C'est là la véritable raison pour laquelle les budgets sont si arriérés. Je pense, d'ailleurs, que quand nous discuterons les comptes à l'époque prescrite, cette discussion abrégera beaucoup celle des budgets.
L'honorable M. Rogier avait demandé à M. le ministre des finances s'il pourrait consentir à réduire à dix mois, au lieu de douze, le terme destiné à parfaire un exercice. J'ai été heureux de voir. M. le ministre des finances se rallier à la proposition de la section centrale. Si l'honorable M. Rogier avait persisté dans son opinion, je lui aurais dit que si on avait continué à accorder douze mois, cette disposition aurait apporté un grand obstacle au dépôt des comptes en temps opportun.
En n'accordant que dix mois, le gouvernement peut, dès le commencement de novembre, s'occuper à réunir les éléments du compte, et la cour des comptes peut en être saisie plus tôt. Du reste, puisque ce point n'est pas contesté je n'en dirai pas davantage à cet égard.
Quant à la rédaction nouvelle, proposée par M. le ministre des finances, je ne vois pas un grand inconvénient à l'adopter ; puisque pour le fond nous sommes d'accord. Je préfère cependant la rédaction de la section centrale, rédaction qui est adoptée dans la législation françaises; et je crois qu'en général les lois françaises sont parfaitement rédigées. Je désirerais donc que le paragraphe 3 de l'article 2 du projet de la section centrale fût maintenu.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, dans les observations que j'ai eu l'honneur de présenter tout à l'heure, je crois avoir indiqué qu'il était impossible de dire dès à présent par la loi que les budgets seraient présentés à une époque déterminée, par exemple six mois au moins avant l'exercice auquel ils s'appliquent.
L'honorable M. Rogier désire que les budgets soient discutés vers la fin de la session pour l'année suivante. Il est évident, en effet, que s'il était possible de distribuer les budgets un mois avant l'ouverture de la session, on n'aurait pas atteint le résultat qu'on a en vue, et que les budgets ne seraient, pas plus qu'aujourd'hui, votés avant le 1er janvier. Ordinairement la présentation des budgets a lieu dans la première huitaine après l'ouverture de la session ; et nous voici cependant arrivés à la fin de février, et nous avons encore à discuter plusieurs budgets. Pour atteindre le résultat qu'on désire, il faut que nous parvenions à voter deux budgets de dépenses dans le cours d'une session.
Déjà, pénétré de cette nécessité, désirant dans l'intérêt des travaux de la chambre, que nous puissions arriver à voter deux budgets dans le cours d'une session, j'ai prié mes collègues de préparer leur budget pour l'exercice prochain. Mais la chambre appréciera les motifs qui m'empêchent de prendre un engagement formel ; cela dépendra de la marche des travaux de la session, mais si mon projet peut se réaliser cette disposition qu'on propose deviendra inutile et le résultat qu'on a en vue se trouvera atteint.
M. Devaux. - L'important est d'arriver à voter une fois deux budgets dans une session. Mais voici bien longtemps que nous avons cette intention et que le gouvernement l'a comme nous, et cependant elle ne s'est pas réalisée. Je ne fais à cet égard aucun reproche au ministère actuel, car tous les ministères ont agi de même. Si nous voulons arriver à ce que ce désir se réalise, il faut en faire l'objet d'une disposition de loi. Je n'insisterai pas pour que la mesure soit exécutée cette année, je reconnais que ce serait difficile ; mais puisque nous nous occupons de la comptabilité de l'Etat et que nous en sommes au chapitre relatif au budget, je pense que nous devons y insérer une disposition pour l'avenir, sauf à faire cette année pour le transitoire ce qui sera possible. Sans cela il n'y a pas de raison pour qu'à l'avenir les choses se passent autrement que par le passé.
Je sais que M. le ministre des finances a déjà prié ses collègues de rédiger leur budget pour l'exercice de 1847 ; mais déjà plusieurs fois, la même prière a été faite sans résultat ; pour arriver à un état normal, il faut donc nécessairement inscrire l'obligation dans la loi comme règle pour l'avenir.
Je pense que pour arriver à un état de choses normal, il ne suffit pas que le budget soit présenté au mois de juin. Ce n'est pas pour le voir pendant les vacances que nous les demandons ; sans doute nous aurions le loisir de l'examiner, mais cela ne dispenserait pas de devoir voter des crédits provisoires, car cela ne ferait pas non plus que le sénat aurait plus le temps de discuter les budgets avant la fin de l'année, quand par hasard nous pouvons le faire. C'est au mois de mars qu'il faudrait que les budgets fussent présentés, pour pouvoir être discutés et votés avant la fin de la session.
Voici, selon moi, comment les choses devraient se passer. Le budget des dépenses serait présenté et voté avant la fin des sessions.
Quant au budget des voies et moyens, il doit être présenté en même temps que celui des dépenses, car pour régler les dépenses, il est désirable qu'on ait les ressources en regard. Mais je comprendrais qu'on en retardât le vote jusque vers la fin de l'année. et si à cette époque la nécessité de dépenses, non prévues au budget des dépenses, se faisait sentir, on présentera une loi supplémentaire au budget des dépenses, qui serait votée en même temps que le budget des voies et moyens. On arriverait ainsi à un mode de procéder régulier, sans rencontrer les difficultés signalées par l'honorable M. de Mérode.
Je pense donc qu'il faut écrire dans la loi que le budget des dépenses doit, à l'avenir, être présenté 10 mois avant l'ouverture de l'exercice, sauf une disposition transitoire.
M. Osy. - Je partage l'opinion de l'honorable M. Devaux, mais je crois qu'il serait dangereux de l'écrire dans la loi ; cette année, l'honorable membre reconnaît que cela ne pourra pas se faire ; l'année prochaine, nous avons le renouvellement de la moitié de la chambre et du sénat ; la session ne sera pas longue ; au mois de mai nous ne serons plus ici, comment voter deux budgets dans une si courte session ?
Si le budget de 1847 nous est présenté dans le courant de cette session, ce sera assez, car je crois que, sans nous engager formellement, nous pourrions prendre l'engagement tacite de le voter cette année si c'est possible ; sans cela nous ne pourrons pas exécuter notre projet avant 1849.
M. Lebeau. - La bonne volonté ne manque à personne ; il y a cinq ou six ans que chaque ministère témoigne le désir, cela se conçoit, car un grand intérêt administratif trouverait sa satisfaction, chaque ministère, dis-je, témoigne le ferme désir de faire voter deux budgets dans une session. Mais si nous ne nous mettons pas en présence d'une contrainte légale, nous en serons pour nos protestations.
L'honorable M. Osy nous a parlé de la brièveté de la session prochaine qui ne nous permettrait pas de voter deux budgets. Je ferai remarquer qu'il n'y aurait pas obligation de les discuter et de les voter. Ce serait déjà un grand bienfait de pouvoir emporter le budget avec soi pour l'étudier à loisir pendant les vacances. Quant à l'obligation de discuter le budget pendant la session qui précède l'ouverture de l'exercice, ce n'est pas celle-là qu'il s'agit d'inscrire dans la loi, et c'est à celle-là que l'honorable membre faisait allusion. Si la nécessité reconnue de voter le budget avant le commencement de l'année fait des progrès, la brièveté de la session prochaine ne serait pas un obstacle, vous n'auriez qu'à amener le gouvernement à devancer l'époque ordinaire de l'ouverture de la session, car cette époque est une espèce de délai fatal. Il dépend du gouvernement si le bien de l'administration l'exige, dans le cas où la clôture de la session précédente aurait été avancée, de convoquer les chambres pour les premiers jours d'octobre.
Un membre. - Et les chasseurs ?
M. Lebeau. - Quant aux chasseurs, ils arriveraient un mois plus tard.
(page 787) Je crois que si nous ne nous lions pas par une disposition légale, nous en serons pour nos protestations ; l'année prochaine nous les renouvellerons et nous ne voterons pas plus que cette année deux budgets dans une session.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je partage à certains égards l'opinion de l'honorable M. Osy ; seulement, je ne désespère pas comme lui de réaliser, cette année, ce qu'on a tenté inutilement jusqu'à présent. Si l'examen des budgets marche plus rapidement, la fin de la session n'étant pas limitée par le renouvellement partiel de la chambre, l'on pourra discuter les budgets de 1847 ; alors vous n'auriez pas les budgets six mois ou dix mois avant l'ouverture de l'exercice, mais dès le commencement de l'exercice.
Si le gouvernement présente les budgets aux derniers jours d'une session, c'est comme s'il les présentait à l'ouverture de la session suivante, car l'examen des sections et celui de la section centrale sont les causes bien connues du retard qu'éprouve le vote des budgets. Cette année, ils ont été présentés dans la première huitaine de la session ; ils étaient imprimés et ce nonobstant, le travail préparatoire des sections a absorbé plusieurs mois. Pour entrer dans la voie normale, ce que je désire, il faut s'efforcer de voter deux budgets dans la session actuelle, parce que l'année prochaine il sera impossible de discuter deux budgets à cause de la brièveté forcée de la session ordinaire.
M. Delfosse. - D'après le projet du gouvernement, les opérations relatives au recouvrement des produits, à la liquidation et à l'ordonnancement des dépenses d'un exercice auraient pu se prolonger jusqu'au 31 décembre de l'année suivante.
En France ces opérations ne peuvent se prolonger que jusqu'au 31 octobre. La section centrale nous propose d'adopter sur ce point la disposition de la loi française, probablement afin que les résultats définitifs de l'exercice clos puissent être communiqués aux chambres dans les premiers jours de l'ouverture de la session.
Mais en France la session ne s'ouvre qu'à la fin du mois de décembre, il y a donc un intervalle d'environ deux mois entre l'époque fixée pour la clôture des opérations d'un exercice et l'ouverture des chambres. Chez nous où la session des chambres s'ouvre au plus tard le deuxième mardi de novembre, cette intervalle ne serait que de quelques jours.
Il me semble qu'on devrait tenir compte de cette différence et fixer la clôture des opérations d'un exercice au 30 septembre au lieu du 31 octobre ; ce changement, qui serait avantageux en ce que le gouvernement aurait plus de temps pour se mettre en mesure de communiquer aux chambres les résultats définitifs de l'exercice clos, ne peut présenter aucune espèce d'inconvénient, puisque, comme M. le ministre des finances l'a dit tantôt, les allocations qui n'auront pas été dépensées au 30 septembre devront, aux termes de l'article 26, être transférées à l'exercice suivant.
M. le ministre des finances s'étant rallié à l'amendement de la section centrale, je le prie de vouloir bien s'expliquer sur les changements que je propose.
M. le ministre des finances (M. Malou). - L'honorable membre suppose l'intervention de la législature dans ces reports. Rapprochons les diverses dispositions du projet, nous verrons qu'il n'y a pas de difficulté. L'exercice n'est chargé que des dépenses qui s'y rapportent et des engagements pris par le gouvernement pendant le cours de cet exercice. L'exception prévue dans le paragraphe 3 n'est relative qu'aux engagements pris et aux services faits pendant l'exercice. L'article 26 suppose encore des payements à faire à raison de ces engagements antérieurs.
Et alors il s'établit un décompte vérifié préalablement par la cour des comptes ; mais ce transport ne doit pas être soumis à la législature.
L'article 26 lui-même se lie à d'autres dispositions du projet. Ainsi l'exercice étant clos le 31 octobre, le ministre des finances doit arrêter l'exercice à cette date et soumettre le compte général des finances à la cour des comptes dans le délai fixé par l'article 41. Tous les délais sont échelonnés de manière que les chambres puissent voter les lois de compte avant le budget. Ces délais peuvent donc être maintenus sans qu'il résulte aucun inconvénient de l'époque habituelle de la réunion des chambres.
M. Osy. - Le gouvernement avait proposé de clôturer au 31 décembre l'exercice précédent. La section centrale a proposé la date du 31 octobre, parce que nous avons prévu le cas où les budgets seraient votés d'avance, comme nous en avons l’espoir.
Ainsi, le gouvernement pourra, dès les premiers mois de la session, remettre les comptes de l'année pénultième pour qu'ils soient vérifiés avant le budget.
Je crois qu'il est désirable que les budgets soient votés d'avance ; nous devons, sous ce rapport, faire appel au zèle du ministère et au zèle de la chambre. Mais il me paraît impossible d'établir cette obligation par la loi. Je ne puis donc appuyer ici l'amendement de l'honorable M. Rogier, ni celui de l'honorable M. Devaux.
M. Delfosse. - Les observations que M. le ministre des finances vient de présenter ne m'ont pas fait changer d'avis, je persiste à croire qu'il serait utile de fixer la clôture des opérations d'un exercice au 30 septembre au lieu du 31 octobre.
Nous devons désirer tous qu'au moment de l'ouverture des chambres, le gouvernement puisse être en mesure de nous faire connaître, autant que possible, la situation financière du pays.
Si la clôture des opérations d'un exercice est trop rapprochée de l'époque de l'ouverture de la session, il ne sera guère possible au gouvernement de nous communiquer les résultats définitifs de cet exercice, il ne pourra nous communiquer que des résultats provisoires ; il y aura, au moment de la présentation des budgets, deux exercices dont les résultats seront encore douteux, l'exercice en cours d'exécution et l'exercice clos.
Ainsi, pour citer un exemple, lorsque le gouvernement nous présentera au mois de novembre 1847 le budget de 1848, nous ne connaîtrons qu'imparfaitement la situation de l'exercice 1846 et plus imparfaitement encore celle de l'exercice 1847.
Si l'exercice 1846, au lieu d'être clos le 31 octobre 1847, l'était le 30 septembre, le gouvernement aurait assez de temps pour nous communiquer les résultats définitifs de cet exercice, dès l'ouverture de la session, notre situation financières serait mieux connue.
Il y a des administrations provinciales qui ont, pour terminer les opérations relatives à un exercice, bien moins de temps que l'Etat n'en aurait d'après ma proposition. Dans la province de Liège la clôture des opérations est fixée au mois d'avril. Je sais bien que les affaires de l'Etat sont plus compliquées que celles d'une province, mais il y a loin du mois de septembre au mois d'avril ; l'Etat aurait neuf mois alors que l'administration provinciale de Liège n'en a que trois, et il me semble que c'est bien assez.
Tantôt, lorsque l'honorable M. Rogier demandait à M. le ministre des finances si le terme de dix mois proposé par la section centrale ne serait pas insuffisant. M. le ministre des finances a répondu par l'article 26 qui ordonne le report à l'exercice suivant des sommes dues mais non payées. Si M. le ministre des finances m'objectait que le terme de neuf mois ne suffit pas, je lui ferais la réponse qu'il a faite à l'honorable M. Rogier ; je lui dirais : L'article 26 lève toute difficulté ; si le terme est de neuf mois au lieu de dix, il y aura quelques reports de plus, mais c'est là un faible inconvénient qui sera bien compensé par les avantages de la mesure que je propose. D'ailleurs, moins le terme accordé pour la clôture des opérations sera prolongé, plus le gouvernement sentira la nécessité de mettre de la diligence dans ses actes, et cela sera encore un bien.
M. Devaux. - Je propose l'amendement suivant :
« Les budgets des dépenses et des voies et moyens seront présentés six mois au moins avant l'ouverture de l'exercice.
« La présente disposition ne sera pas applicable aux budgets de 1847 et de 1848.»
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.