(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 539) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Melan, tisserand à Vilvorde, demande que son fils Jean-Baptiste soit exempté du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Landrieu demande que les créances des pertes causées par les événements de guerre de la révolution soient, avec les intérêts arriérés, liquidées en inscriptions de rentes à 5 p. c. »
- Même renvoi.
« Le sieur Decerf, propriétaire cultivateur à Jandrain, demande une disposition législative en vertu de laquelle on puisse lui faire remise du droit sur le sel dont il se sert dans la composition d'un nouvel engrais pour améliorer l'agriculture. »
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, cette pétition tend à ce que l'on autorise l'emploi du sel pour former les engrais nécessaires à amender les terres. Un essai a été fait et a donné les meilleurs résultats. Mais cet engrais deviendrait trop cher si le sel qui entre dans sa composition devait acquitter les droits d'accise. On a trouvé le moyen de mélanger le sel destiné à la nourriture du bétail, de certaines matières qui le rendent impropre à être consommé par l'homme ; et je pense qu'il sera bien plus facile encore d'opérer un semblable mélange pour le sel qui devrait entrer dans la composition des engrais. Il n'y aurait donc aucune espèce de fraude à craindre. L'engrais dont il s'agit est destiné à remplacer la cendre de tourbe, et il s'obtiendra à très bon compte si l'on peut y employer le sel en franchise des droits. Comme cet engrais devra s'employer à la fin de mars ou au commencement d'avril, je demanderai que la pétition soit renvoyée à la commission d’industrie, avec prière d'en faire l'objet d'un prompt rapport.
En attendant qu'une disposition législative puisse être adoptée à cet égard, je demanderai, afin qu'on puisse mieux se convaincre de l'utilité de la découverte dont il s'agit, si M. le ministre ne pourrait pas, à titre d'essai, autoriser le sieur Decerf à faire usage, en franchise des droits, d'une certaine quantité de sel qui serait mélangé de manière à donner toute garantie au fisc ; il faudrait que le pétitionnaire put faire un essai un peu en grand pour qu'on put se convaincre de la réalité de ce qu'il avance.
M. le ministre des finances (M. Malou). - A l'occasion de l'analyse qui vient d'être faite de cette pétition, je ne discuterai pas, messieurs, la question qu'elle soulève. L'honorable membre demande si l'on ne pourrait pas autoriser un essai avec exemption du droit d'accise. Je rappellerai à la chambre que les causes d'exemption sont déterminées par la loi ; il n'y a exemption que pour la pêche, pour la fabrication du sulfate de soude, si mes souvenirs sont fidèles, et pour le sel employé à la nourriture du bétail, et ce sel doit être préalablement dénaturé.
J'examinerai néanmoins, d'après le désir que témoigne l'honorable préopinant, s'il est possible de permettre, pour une quantité limitée et moyennant des garanties pour le trésor, de faire un essai qui puisse démontrer si la découverte que le pétitionnaire prétend avoir faite est réellement d'une grande utilité.
- La pétition est renvoyée à la commission d'industrie, avec demande d'un prompt rapport.
« La commission centrale de statistique adresse à la chambre 100 exemplaires de la deuxième partie du tome II de son Bulletin. »
- Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
M. le président. - Le département de l'intérieur vient de transmettre les documents qu'il communique annuellement à la chambre, pour faciliter la nomination des membres du jury d'examen, qui est chargé de délivrer les grades académiques. Je propose à la chambre d'ordonner l'impression de ces documents.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je prie la chambre de vouloir bien ordonner l'impression, comme annexes au projet de loi que j ai l'honneur de lui soumettre, de quelques pièces, relatives à la vente de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège. Je ne me proposais d'abord que de citer ces pièces dans la discussion, mais j'ai cru que la discussion serait plus courte, plus facile pour les membres de cette chambre, si les pièces étaient préalablement imprimées et leur étaient distribuées.
Le projet de loi étant à l'ordre du jour, je pense qu’il faudra hâter l'impression de ces pièces, et qu'elle pourrait être terminée pour demain ; des lors l'ordre du jour me paraît pouvoir être maintenu, parce qu'il est probable que le second vote de la loi sur la chasse tiendra une grande partie de la séance de lundi. (Interruption.)
Si ce second vote tient plus de la séance de lundi, l’objection que je me suis faite à moi-même serait résolue d'avance, et la chambre aurait eu tout le temps nécessaire pour lire les pièces. Je voulais seulement faire observer que, même en supposant que le second vole du projet de loi sur la chasse n'absorberait qu'une partie de la séance de lundi, l'on pourrait prendre connaissance des nouvelles pièces que j'ai annoncées, et commencer mardi la discussion du projet de loi relatif à la vente de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège.
- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
En conséquence, l'impression des pièces dont il s'agit est ordonnée.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter un projet de loi qui a pour objet d'autoriser le gouvernement à apporter des modifications à la concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué aux membres de la chambre.
M. le président. - De quelle manière la chambre veut-elle examiner le projet de loi ?
Des membres. - En section.
M. de La Coste. - Messieurs, il me semble que puisque ce projet n'est pour ainsi dire que la suite d'une loi déjà votée par la chambre, on pourrait le renvoyer à l'examen d'une commission. Divers projets de cette nature ont été renvoyés à une même commission ; cette commission était celle qui avait été formée pour l'examen du projet de loi relatif au chemin de fer d'Entre-Sambre-et Meuse.
Je proposerais de renvoyer ce projet à la même commission, en un mot, de ne pas s'écarter de la marche suivie, si ce n'était qu'un membre de cette commission a cessé de faire partie de la chambre, et de plus que la commission, ayant été nommée pour examiner le projet de chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, il ne s'y trouve aucun membre qui connaisse les localités. On pourrait, au reste, compléter la commission de manière à faire tomber cette objection.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Quel que soit le mode d'examen que la chambre veuille adopter, je la prie de hâter la discussion du projet de loi autant que ce sera possible, attendu que les travaux d'exécution du chemin de fer devront commencer aussitôt l'adoption du projet de loi, et que c'est ainsi un moyen de donner du travail à la classe ouvrière
M. Mast de Vries. - Je demande le renvoi à la commission qui a examiné le projet primitif ; l'honorable M. Cogels est le seul membre de cette commission qui ait cessé de faire partie de la chambre.
M. de Garcia. - J'appuie de tout mon pouvoir les observations de M. le ministre des travaux publics, qui l'an dernier a demandé à la chambre de nommer des commissions spéciales pour examiner les projets de loi de concession de chemins de fer qui lui étaient soumis.
Il y a plus de raisons cette année d'adopter ce système que l'an dernier ; car il y a urgence de procurer autant que possible du travail à la classe ouvrière. En effet dans la partie de la province de Namur où doit passer la route dont il s'agit, on manque de travail. J'ai reçu à cet égard des lettres de mes commettants. J'appuie donc les observations de M. le ministre des travaux publics, surtout après la remarque de l'honorable M. Mast de Vries, qu'un seul membre de la commission a cessé de faire partie de la chambre. On pourrait charger le bureau de le remplacer.
Au reste, si l'on préférait un autre mode d'examen, il y a la section centrale du budget des travaux publics qui pourrait faire son rapport avec empressement. Elle le ferait, j'en suis persuadé, dans le plus bref délai possible.
M. Dumortier. - Je suis très opposé au renvoi à une commission. Je demande le renvoi aux sections.
M. Lejeune. - La commission existe.
M. Dumortier. - C'est précisément pour cela que je n'en veux pas. Qu'est-il arrivé l'an dernier, quand on a présenté tous ces projets de loi de chemins de fer ? Il en est résulté ce grave inconvénient que tous ces projets de loi ont été renvoyés à l'examen de la commission qui avait été nommée pour l'examen du projet de loi relatif au chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse. Or il s'est trouvé, quand on a examiné les autres projets de loi, qu'il n'y a pas eu dans la commission de spécialités pour l'examen de ces projets de loi. Vous avez vu les inconvénients qui en sont résultés ; car il est notoire que plusieurs projets présentés par la commission et adoptés par la chambre ne se sont pas réalisés en actes.
Ainsi le canal d'Erquelinnes n'est pas exécutable.
(page 340) Ainsi il y a tel chemin de fer, tel autre canal qui ne sont plus cotés aujourd'hui à la bourse de Londres ; on a versé sur les actions 4 liv. st. ; il y a eu jusqu'à 2 liv. st. de prime, et maintenant ces actions se vendent 3 schellings à Londres.
Il faut donc convenir que nous avons été un peu trop vite. Il faut prendre garde d'agir de même en cette circonstance.
Le renvoi aux sections me paraît nécessaire. L'honorable M. de La Coste le prouve lui-même, en regrettant qu'il n'y ait personne dans la commission qui représente les intérêts locaux. Je veux que les intérêts locaux soient représentés, mais je veux aussi qu'ils soient contrôlés. Vous aurez ce résultat par le renvoi aux sections.
Cette question a son importance ; car vous allez poser un précédent ; si le projet est renvoyé à la commission du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, il en sera de même de tous les projets qui seront présentés dans le cours de la session. Je regarderais cela comme très dangereux. Il faut, pour l'examen préparatoire de projets de cette importance, les lumières de tous les membres de l'assemblée.
Je demande le renvoi aux sections qui seraient convoquées à cet effet la semaine prochaine.
La section centrale serait invitée à présenter son rapport la semaine prochaine. Il n'y aurait pas de retard, et au moins ce serait régulier.
M. de La Coste. - Il y a ici une première question : renverra-t-on aux sections, ou à une commission ? Dans le dernier cas, il y aura une deuxième question : A quelle commission ? Je voudrais que l'on décidât d'abord la première question. La seconde m'est comparativement indifférente.
Le renvoi aux sections doit nécessairement occasionner des lenteurs qui ne sont nullement nécessaires à la bonne instruction de l'affaire, puisqu'il ne s'agit que de la suite d'une affaire déjà instruite. Ces lenteurs seraient au contraire extrêmement à déplorer.
Je m'étonne que l'honorable M. Dumortier insiste pour une marche qui reculerait pour les populations une occasion de travail, ce qui est si important dans les circonstances où nous nous trouvons ; car les travaux doivent commencer aussitôt après l'adoption du projet de loi.
Quant à moi, je ne voudrais pas m'associer à la responsabilité qu'assume ainsi l'honorable M. Dumortier.
Je crois qu'il faut hâter l'instruction du projet de loi, et qu'il n'y a pour cela qu'un moyen, c'est de le renvoyer à une commission.
Quelle sera cette commission ? Sera-ce la section centrale du budget des travaux publics ? Ce serait encore un moyen de ralentir l'instruction ; car cette section centrale doit être fort occupée. Je demande donc le renvoi à une autre commission ; quant au choix de ses membres, je m'en rapporte parfaitement au bureau.
Je prie l'honorable M. Dumortier de se souvenir que, dans une occasion semblable, j'ai été heureux de lui faciliter les moyens de donner à des travaux auxquels il attachait une juste importance, l'impulsion qu'il désirait leur imprimer.
M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Je crois devoir faire connaître à la chambre que par un des articles de la convention conclue entre les concessionnaires et le ministre des travaux publics, les concessionnaires se sont engagés formellement à commencer les travaux de la section de Louvain à Wavre dans les 15 jours de la promulgation de la loi. Cette considération doit faire hâter l'examen du projet par la chambre.
Du reste si le renvoi aux sections était prononcé, je suis convaincu que les sections y mettraient tout l'empressement possible, et que nous serions bientôt saisis du rapport de la section centrale.
M. Lesoinne. - S'il s'agissait d'un nouveau chemin de fer, je comprendrais l'insistance de l'honorable M. Dumortier ; mais il s'agit uniquement d'un changement de tracé indispensable. Le premier était défectueux, il présentait de graves inconvénients. Je n'insisterai pas pour le renvoi à l'ancienne commission. Je ferai seulement remarquer que si l'on a renvoyé les projets de loi de concession de chemins de fer à une commission spéciale, cela ne doit pas former précédent ; car cela tient uniquement à ce que ces projets de loi ont été présentés à la fin de la session, alors que la chambre avait hâte de se séparer.
M. Vanden Eynde. - J'avais demandé la parole pour faire la même observation. J'ajouterai que la ville de Louvain, pour donner du travail à la classe ouvrière, a fait commencer les déblais à la station projetée sur son terrain. Il est désirable qu'elle sache le plus tôt possible si ces travaux doivent être continués.
M. Pirmez. - Puisqu'il ne s'agit que d'un changement à l'ancien projet, la marche la plus naturelle est évidemment le renvoi à la commission qui l’a examiné. Cette commission pourrait être complétée par le bureau.
M. Dumortier. - Ce à quoi je tiens, avant tout, c'est à ce qu'on ne perpétue pas la commission de l'an dernier. Je ne veux pas qu'on pose des précédents qui lieraient la chambre, lorsqu'on présenterait d'autres projets de concession de chemin de fer. Ce serait un abus.
Je préférerais le renvoi aux sections.
La chambre me paraît disposée à renvoyer le projet à une commission. Je voudrais au moins que ce fût une commission nouvelle nommée par le bureau.
- La chambre consultée renvoie le projet de loi à la commission qui a examiné le projet de loi primitif ; elle décide que cette commission sera complétée par le bureau.
M. de Villegas. - « Les maîtres de carrières du bassin de la Meuse demandent que, dans les négociations avec la Hollande, on stipule des mesures de protection en faveur de leur industrie. »
M. de Garcia. - Cette pétition contient des considérations fort importantes sur nos relations commerciales avec la Hollande. Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui a pour objet d'apporter des modifications au tarif des douanes.
Un membre. - Il faut en ordonner l'insertion au Moniteur.
M. de Garcia. - Je ne suis pas de cet avis. Je pense que, dans les questions politiques, il ne faut pas trop de publicité. Je me borne à demander le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif au tarif de douane.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Fallon. - Dans une précédente séance, vous avez renvoyé à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif aux circonscriptions cantonales, une requête de la Flandre occidentale. Avant de convoquer cette commission, il est indispensable qu'elle soit complétée ; MM. Cogels et Jadot ne font plus partie de la chambre, et M. d'Hoffschmidt ne fait plus partie de la commission. Je demande que ces trois membres soient remplacés.
- La chambre, consultée, décide que cette commission sera complétée par le bureau.
M. le président. - Nous en étions arrivés aux amendements de M. Savart, au nombre de 7. Le premier est ainsi conçu :
« Dans le cas de dommage aux champs, fruits et récoltes, occasionné par le fait des chasseurs, leurs chiens ou chevaux, le bourgmestre de la localité constatera, sur la simple plainte de la partie intéressée, la hauteur du dommage ; et dans les trois fois 24 heures, il remettra au juge de paix compétent son procès-verbal qu'il affirmera sincère et véritable.
« Ce procès-verbal ne sera soumis à aucune autre formalité. »
M. Savart-Martel. - Messieurs, j'ai toujours désiré une loi sur la chasse aussi complète que possible, afin que le public et le chasseur surtout puissent y trouver l'étendue de leurs droits et de leurs obligations.
Après nous être occupés des moyens de faire cesser le braconnage ; après nous être occupés de la conservation du gibier, et par contrecoup, de l'intérêt des chasseurs, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots maintenant en faveur de l'agriculture, cette bonne mère nourricière de votre énorme budget.
Rappeler le principe général que le laboureur a droit à la réparation du dommage causé par le fait de la chasse, serait une amère dérision, si, dans le fait, vous ne facilitez l'obtention de la réparation sous l'empire de la loi nouvelle ; car nous savons tous que pour obtenir le dommage, il en coûterait au cultivateur beaucoup plus de frais et d'embarras que la valeur de l'indemnité.
Cette vérité est incontestable, et, pour me servir de la pensée d'un ingénieur célèbre que citait dernièrement l'honorable M. Delfosse, je dirai que cette vérité est certaine autant que la mort de l'homme.
Pour être bref, j'en appelle à la conscience de chacun de vous, et notamment aux honorables membres ayant des connaissances particulières en pratique.
Hormis d'être guidé par un tout autre motif que l'intérêt proprement dit, force serait-il au cultivateur lésé, de se morfondre et d'abandonner son droit. Il est à craindre que, dans cette position, la chasse même deviendra chose odieuse et occasionnera des rixes et voies de fait.
Il serait par trop commode de nous renvoyer au droit commun. Sous la loi de 1790, le seul fait d'avoir chassé sur le terrain d'autrui, entraînait une indemnité en faveur de l'intérêt privé ; et quoique cette indemnité fût due ipso jure (et abstraction faite de tout dommage physique), il était rare que dix francs ne suffissent point pour couvrir le préjudice réel. De plus, la voie de police correctionnelle était ouverte.
Il n'en sera plus de même par la suite, car l'indemnité légale est supprimée, et la loi n'accorde l'action en dommages-intérêts que s'il y a lieu, c'est-à-dire si l'on peut justifier d'un préjudice quelconque.
Or, les fruits, champs et récoltes du laboureur peuvent avoir souffert, sans qu'il y ail délit ; il faudra donc recourir à la voie civile pour la répression.
Le projet, tel qu'il est sorti des mains de la section centrale, laissait subsister, article 2, l’indemnité ; dès lors il se conçoit qu'elle n'ait point dérogé au droit commun, et n'ait fait à cet égard aucune proposition.
J'observerai, dès ce moment, que malgré la rapidité de la procédure que je propose, on y trouve toutes les garanties raisonnables, puisque le chasseur sera entendu, si bon lui semble ; que l'exécution provisoire est soumise à la solvabilité du plaignant ou au cautionnement ; et que sur opposition tous les moyens de défense, toutes les exceptions sont conservés ; surtout que je modifie le paragraphe qui accordait pleine foi à l'évaluation du bourgmestre ; et que, pour ne pas nuire à l'Etat, je supprime même le pénultième article gui dispensait du droit de timbre et d'enregistrement.
C'est bien assez que j'aie contre mon projet le département de la justice, je ne veux pas guerroyer ici avec la finance.
Messieurs, vous voulez, sans doute, justice pour tout le monde ; vous devez protéger spécialement le laboureur au cas actuel. Or, ce que vous lui accordez en droit, vous le lui refusez en fait ; cela ne peut être nommé justice, mais dérision, si vous le renvoyez aux formes ordinaires de la procédure.
Sans doute, la grande majorité des chasseurs ne subira aucun inconvénient des mesures que je propose, car s'ils étaient cause d'un dommage, ils (page 541) tiendraient à honneur de le réparer volontairement ; mais dans cette enceinte, et en dehors de cette enceinte, notre loi a élé accusée de favoriser la classe aisée de la société. Dans le siècle où nous vivons, les meilleures intentions sont souvent dénaturées ; il importe de prouver au pays que dans la loi même l'intérêt du laboureur a été conservé d'une manière spéciale.
Ne laissons pas dire au XIXème siècle que les cultivateurs seraient encore gens taillables et corvéables à merci et miséricorde. Et, rappelons-nous que la casaque de toile doit avoir aujourd'hui les mêmes droits que le riche citadin.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - La chambre apprécie et approuve le but que s'est proposé l'honorable M. Savart en présentant les amendements qui vous sont soumis. L'honorable membre vous a dit qu'il voulait venir en aide aux agriculteurs dont les intérêts ne lui paraissent pas suffisamment garantis par les lois existantes, et leur fournir les moyens d'obtenir avec le moins de frais possible des dommages-intérêts, quand un préjudice aurait été fait à leurs propriétés. Nous voulons tous faciliter la même chose, nous voulons tous que les cultivateurs obtiennent facilement la réparation des dégâts qu'on peut causer à leurs champs.
L'honorable M. Savart a ajouté que si on lui démontrait ou si quelqu'un pouvait affirmer que les lois actuelles donnent au cultivateur la même facilité que les dispositions qu'il présente, il s'empresserait de les retirer.
Eh bien, messieurs, cette démonstration, à laquelle l'honorable membre fait appel, je pense qu'il ne me sera pas difficile de la lui fournir.
Je répondrai d'abord à une observation faite par l'honorable membre. L'honorable M. Savart vous a dit, messieurs : « Il y a nécessité de proposer des dispositions nouvelles, parce que, dans les articles du projet, déjà adoptés, on a supprimé l'indemnité fixe due au propriétaire des fruits. » Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas la conséquence que l'honorable membre veut tirer de cette suppression, car l'indemnité dont il s'agit ne pouvait jamais être accordée à l'individu sur le terrain duquel on avait chassé, que lorsqu'il y avait délit de chasse constaté. Or, rien n'est changé quant à cette nécessité ; le seul changement introduit consiste à n'accorder l'indemnité qu'en cas de dommage réel ; mais la personne lésée pourra, comme par le passé, se constituer partie civile. L'honorable membre semble croire que l'indemnité stipulée par la loi de 1790 pourrait être due lorsqu'il n'y avait pas de délit ; c'est, je le répète, une erreur ; l'indemnité fixe ne pouvait être prononcée, aux termes de la loi de 1790, que lorsqu'un délit de chasse avait été constaté ; mais alors, comme maintenant, il y avait possibilité d'obtenir des dommages-intérêts plus élevés lorsqu'une lésion plus grande était constatée. Eh bien, messieurs, qu'a fait la loi actuelle ? Elle a supprimé l'indemnité fixe, l'indemnité due dans tous les cas, même sans qu'il y eut lésion. Je ne conçois donc pas comment la suppression de cette indemnité pourrait exercer une influence quelconque sur la procédure, comment elle pourrait justifier la proposition qui vous est soumise.
Je passerai maintenant en revue les différents articles du projet présenté par l'honorable M. Savart et je pense que c'est la meilleure manière de faire la démonstration que j'ai promise à l'honorable membre.
L'article premier, messieurs, constitue une innovation, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire hier, en ce sens qu'il confie aux bourgmestres le droit que l'article 7 de la loi de 1791 confiait aux juges de paix.
Eh bien, messieurs, je trouve que cette innovation n'est pas heureuse ; je pense même qu'elle va contre le but que se propose M. Savart. D'abord, je crois qu'en général les juges de paix sont plus compétents que les bourgmestres pour constater de semblables dégâts.
Cet article porte :
« Art. 1er. Dans le cas de dommage aux champs, fruits et récoltes occasionnés par le fait des chasseurs, leurs chiens ou leurs chevaux, le bourgmestre de la localité constatera, sur la simple plainte de la partie intéressée, la hauteur du dommage ; et dans les trois fois 24 heures, il remettra an juge de paix compétent son procès-verbal qu'il affirmera sincère et véritable.
« Ce procès-verbal ne sera sonmis à aucune formalité. »
M. Savart-Martel. - J'accepte la substitution des juges de paix aux bourgmestres.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Ainsi, l'article vient à tomber.
Je passe donc à l'article 2. Cet article porte ;
« Art. 2. Le juge de paix déclarera la somme ainsi évaluée exécutoire à la charge du chasseur, par une simple ordonnance à la suite de la minute dudit procès-verbal ; il y fera mettre par son greffier le mandat exécutorial. »
Ainsi, messieurs, le juge de paix (que l'honorable M. Savart consent maintenant à substituer au bourgmestre) le juge de paix, ayant constaté le dégât, va déclarer la somme à laquelle ce dégât est évalué, exécutoire à la charge du chasseur, sans que celui-ci ait comparu, sans qu'il ait été mis à même de se défendre, sans que l'on sache même s'il y a eu un chasseur, car le dégât peut fort bien avoir été causé par tout autre individu non chassant ; et veuillez remarquer que les dégâts causés aux champs le sont bien plus fréquemment par d'autres individus que par des personnes qui se livrent au plaisir de la chasse. Quoi qu'il en soit, messieurs, il s'agirait de consacrer ce principe exorbitant qu'on pourra délivrer un exécutoire non seulement contre un individu qui n'a pas été entendu, qui n'a pas été mis à même de se défendre, mais encore contre un individu qui sera uniquement indiqué par le plaignant. Je crois que la chambre ne voudra pas admettre une semblable procédure, et il sera probablement inutile que je m'arrête davantage à l'article 2, qui ne me semble, sous aucun rapport, susceptible d'être adopté.
L'article 3 est ainsi conçu ;
« Art. 3. Il pourra déclarer son ordonnance exécutoire nonobstant opposition pour les frais, comme pour le principal, si le plaignant lui paraît solvable, ou consigne au greffe une somme triple de l'évaluation du dommage. »
D'abord, je ferai observer à la chambre que l'honorable M. Savart modifie totalement les principes en matière de procédure. L'article 137 du code de procédure civile défend d'une manière formelle de déclarer un jugement provisoirement exécutoire, quant aux dépens ; c'est cependant ce que l'honorable membre veut faire par l'article que j'examine en ce moment, et cela, comme nous l'avons vu tout à l'heure, à la charge d'un individu qui n'a pas été entendu, qui n'a pas été cité, que souvent l'on ne connaîtra même que d'une manière imparfaite.
Maintenant, messieurs, pour obtenir cette exécution provisoire, il faudra que le plaignant dont M. Savart prend les intérêts à cœur, dépose, s'il est jugé insolvable, d'une manière obligatoire une somme assez forte, ce qui le privera de tous les avantages de l'exécution provisoire.
L'article 4 est conçu dans les termes suivants :
« Art. 4. En cas d'opposition, elle sera notifiée au plaignant, dans les trois jours de la signification de l'ordonnance, outre le délai de dislance, avec indication d'un domicile d'élection dans le chef-lieu du canton de la justice de paix compétente ; sinon l'opposition ne sera plus recevable, et l'exécution sera continuée sans qu'il faille la faire ordonner. »
Cet article n'est que la reproduction de l'article 20 du code de procédure-civile ; il n'y introduit aucune espèce de modification, et dès lors il est complétement inutile.
« L'opposition, dit l'article 5, emportera de plein droit citation à la première audience du juge de paix, où il sera procédé, s'il y a lieu, et prononce comme de droit.
« Ce jugement, fût-il par défaut, ne sera susceptible d'aucune opposition. »
Cette disposition, messieurs, est -encore la reproduction d'un article du code de procédure civile, de l'article 22, qui consacre le principe qu on ne peut pas se porter opposant d'un second jugement par défaut.
L'honorable membre avait ajouté à cet article la disposition suivante :
« Aucune critique ni opposition ne seront admises contre l'évaluation faite par les bourgmestres, parties entières dans tous leurs autres moyens.» Il a renoncé à cette partie de son amendement et il était en effet, difficile de maintenir une semblable disposition, surtout en présence d'une évaluation non-contradictoirement faite.
L'honorable membre renonce également à l'article suivant qui dispensait du payement des droits de timbre et d'enregistrement, l'individu qui aurait réclamé un dommage évalué à une somme inférieure à 50 fr. Je pense, en effet, que cette disposition n'est pas nécessaire, car l'article 3 de l'arrêté du 24 mai 1834 sur le pro-deo donne toutes les facilités possibles à celui qui se trouve dans le cas prévu par l'honorable M. Savart ; il est dispensé du payement des droits de timbre, d'enregistrement et de greffe, et de plus, lorsqu'il s'agit d'une affaire devant le juge de paix, il lui suffit d'aller chez ce magistrat, de lui faire connaître.sa position en la justifiant, pour que la procédure sans frais soit immédiatement autorisée.
Le dernier article, porte :
« Il n'est point innové par la présente aux diverses dispositions du Code pénal et du Code d'instruction criminelle. »
Cet article est inutile. En effet, aucune des dispositions qui précèdent n'a rapport ni au Code pénal, ni au Code d'instruction criminelle.
Messieurs, je viens de passer rapidement en revue les divers amendements de l'honorable M. Savart ; je crois avoir prouvé que les uns sont inadmissibles, et que les autres se bornent à consacrer des principes qui sont maintenant en vigueur.
Je soutiens que les amendements de l'honorable M. Savart ne peuvent pas atteindre le but que l'honorable membre se propose ; et je pense que ce but est suffisamment atteint par la législation actuelle.
Lorsqu'un individu veut réclamer un dommage, après que le dommage a été constaté par le juge de paix, il peut s'adresser à celui-ci pour qu'il mande purement et simplement devant lui l'auteur présumé du dommage ; ainsi, il n'y a, pour le réclamant, ni frais d'huissier, ni frais de citation ; le juge de paix prononce ensuite sans aucune formalité. Je demande s'il est possible de trouver rien de plus sommaire et de plus simple qu'une semblable procédure.
Cette faculté donnée au juge de paix est consacrée par la loi de 1841. Le cultivateur lésé ne devra donc pas avoir recours au ministère d'un huissier et si, par suite du refus de son adversaire de comparaître, il est forcé d'y recourir, il pourra être exempté par le juge de paix du payement de tous frais d'huissier, de timbre et d'enregistrement.
Messieurs, s'il faut une garantie pour les cultivateurs dont les intérêts ont été lésés, il en faut une aussi pour celui que le cultivateur pourrait sans raison citer en justice. Il ne faut pas deux poids et deux mesures ; il ne faut pas qu'il soit consacré dans une loi qu'un individu sera condamné au payement d'une somme quelconque, sans avoir été entendu. Cela me paraît impossible, et l'intérêt qu'à juste titre l'honorable M. Savart porte à l'agriculture, ne peut aller jusqu'à établir un principe qui serait une véritable violation de toutes les règles consacrées, qui serait, dans beaucoup de cas, une véritable injustice.
Les dispositions proposées par l'honorable membre, au sujet de l'opposition, existent également déjà. Quant à l'appel, l'honorable M. Savart n'en parle pas. La loi de 1841 établit également la compétence des juges de paix pour prononcer sans appel jusqu'à une valeur assez considérable.
Ainsi, il me semble qu'il est pleinement satisfait aux vœux légitimes, de (page 542) l'honorable M. Savart, par les dispositions, actuellement existantes ; il me semble encore que les dispositions qu'il veut substituer à celles-ci n'atteindraient pas le but que l'honorable membre a eu en vue.
M. Desmet. - Messieurs, je demande la parole non pas pour appuyer toutes les dispositions de l'honorable M. Savart, mais surtout pour en appuyer le principe, pour attirer l'attention de la chambre et du gouvernement sur la nécessite de fournir aux fermiers, aux cultivateurs, un moyen facile de se garantir contre les abus de la chasse, contre les dégâts que les chasseurs pourraient faire aux récoltes et champs préparés.
Messieurs, l'honorable M. Savart l'a fait remarquer avec raison, nous avons tout fait pour garantir la chasse contre les abus du braconnage et pour assurer la conservation du gibier. La loi que vous allez voter prévoit tous les faits de chasse, le plus simple fait de chasse est transformé en un délit par votre loi ; je transporte un faisan, une caille, un lièvre, détruis des nids ou des couvées de perdrix, de cailles, etc., ce fait devient un délit et donne lieu à la confiscation et à l'emprisonnement ou à de fortes amendes.
Je me demande si, quand on fait tant pour le plaisir, on ne pourrait rien faire pour garantir le cultivateur qui se donne toutes les peines pour nous nourrir et qui supporte tout le fardeau de la société, pour le mettre à l'abri des dommages que les chasseurs pourraient lui causer.
Nos anciennes lois avaient pourvu à cette nécessité, je dirai même que la loi de 1790 n'avait pas négligé cet objet important. Aujourd'hui, messieurs, dans la loi que nous discutons, il n'y a aucune action publique pour le fermier ; celui-ci n'a que l'action civile, c'est-à-dire que la voie des procès ; or, dans les campagnes on aura recours rarement aux procès dont les frais seraient plus considérables que les dommages-intérêts qu'on réclamerait. Ainsi, les intérêts du cultivateur qui doit supporter tous les dommages, sont négligés, tandis qu'il y a action publique pour les délits de chasse.
On a cru que les articles 471 et 475 du Code pénal donnaient une action publique suffisante, pour garantir les fermiers contre les dommages causés à leurs terres par les chasseurs, mais il n'en est rien ; les chasseurs peuvent commettre des dégâts dans les terres des cultivateurs, et ceux-ci n'ont d'autre recours, pour obtenir des dommages-intérêts, que l'action civile, et ils n'useront pas de cette faculté.
Qu'on ne dise pas que ce que je dis n'aura pas de réalité dans la suite. On doit savoir que les dégâts faits aux champs par les chasseurs, porteurs de port d'armes, sont très nombreux ; ils se font soit par les chasseurs, soit par les chiens et même par les chevaux, quand la chasse se fait à cheval.
On me dira que cela n'a pas eu lieu dans ce pays. Eh bien, le tribunal de première instance d'Audenarde, tribunal auquel ressortit une partie du district d'Alost, a été saisi d'une plainte concernant un délit de chasse commis à cheval ; M. de Villegas pourrait confirmer ce fait ; et cependant dans le district d'Alost il n'y a pas de grandes forêts ni de grandes chasses qui pourraient nécessiter une chasse à cheval.
On doit le reconnaître, le cultivateur n'a aucune garantie contre le dommage qui lui est causé. Et cependant, vous ne pourrez pas méconnaître que vous devez prendre des mesures pour que les champs ne soient pas quotidiennement endommagés par la chasse, et que vous fassiez quelque chose pour le malheureux fermier, afin qu'il ait un moyen facile et peu coûteux pour se garantir contre les dégâts qu'on lui fera, et M. le ministre de la justice doit savoir qu'une simple action civile n'est pas un moyen suffisant que nous donnerons au fermier lésé ; il préférera supporter tous les torts qu'on lui fera, plutôt que d'intenter un procès.
Je demande donc que, d'ici au second vote, le gouvernement examine s'il n'y aurait pas moyen de prendre une mesure quelconque en faveur des fermiers.
J'ai lieu de m'étonner que sur le banc des ministres je n'aperçoive rien qui puisse me faire espérer qu'on fera quelque chose ; cependant, il est bien déplorable que le gouvernement ne sente pas la position des cultivateurs-fermiers. Je dois encore le répéter, c'est cette classe intéressante mais malheureuse, qui soigne partout ce dont nous avons besoin. Qu'auriez-vous si vous n'aviez pas des fermiers qui vous donnent les subsistances pour vivre et de l'argent pour vos dépenses ?
J'ose donc espérer que la loi ne sera pas définitivement votée sans que nous ayons fait quelque chose d'utile et d'efficace pour ceux qui cultivent nos terres, et qu'au second vote le gouvernement y songera. Il est donc nécessaire de ne pas clore définitivement la discussion de cet objet important, et je demanderai que la chambre déclare qu'au second vote on pourra y revenir.
M. Rodenbach. - Messieurs, dans la loi que nous discutons, les pénalités ont été fortement augmentées contre les braconniers ; on a également prohibé la vente du gibier, hors du temps de la chasse ; on a aussi, en faveur de la classe aisée de la société, fait tout ce qu'on a pu, pour que le gibier ne soit pas détruit.
Enfin, il paraît que cette loi sera tout à fait selon le vœu des chasseurs. Mais si j'en dois croire plusieurs honorables collègues qui siègent dans les tribunaux, on n'a rien fait en faveur des agriculteurs. Au contraire, il paraît que maintenant ils auront moins d'avantage que précédemment pour obtenir la réparation des dommages qu'on pourra leur causer. Je ne suis pas compétent, je laisse aux honorables collègues qui connaissent cette question le soin de présenter des amendements, si réellement, au lieu d'avoir amélioré le sort des agriculteurs dans cette occurrence, on l'a empiré.
Si je dois croire ces honorables membres, quand on aura fait des ravages dans les champs, lorsque avec des meutes on aura détruit les fruits de la terre, un agriculteur qui ne cultive que quelques pièces de terre, sera obligé, pour obtenir la réparation du dommage, d'intenter une action civile, de prendre un avocat et de suivre un procès qui lui occasionnera d'immenses frais qui dépasseront l'indemnité qu'on pourra lui accorder. S'il est vrai qu'il en est ainsi, on aura rendu un très mauvais service au pays en votant cette loi.
J'invite de nouveau les membres qui ont des connaissances spéciales, s'ils trouvent inexécutable ce que propose l'honorable député de Tournay, de présenter d'autres amendements. La justice, il faut le dire, est souvent lente. Si, pour l'obtenir, il faut payer des avocats et des avoués, ce sera encore le faible qui sera victime. Il n'osera pas lutter contre le fort, car il craindre d'y perdre de l'argent. Je crois que la chose mérite d'être examinée mûrement.
M. Savart-Martel. - Je répondrai successivement à tout ce que vient de dire l'honorable ministre de la justice.
1° Il ne veut pas que le bourgmestre dresse le procès-verbal d'estimation parce que, suivant lui, c'est au juge de paix qu'appartiendrait ce droit ; soit, j'accepte le juge de paix ; mais il m'avait paru inconvenant que celui qui est appelé à juger le mérite de l'estimation, puisse être lui-même cet expert. La chambre verra à qui de nous deux il faut donner raison.
2° Le ministre se plaint que le chasseur puisse être condamné sans avoir été entendu préalablement ; mais je n'ai point fait cette proposition.
Un mandat exécutoire susceptible d'opposition n'est point une condamnation.
A tort le ministère voit-il là quelque chose sans exemple. Tous les jours les tribunaux décernent pareils mandats. Et le ministère même le pratique ainsi, quand il décerne une contrainte qu'il fait viser pour être exécutoire dans l'intérêt fiscal. Il n'y a donc là rien d'insolite.
3° M. le ministre dit encore qu'il ne comprend pas qu'on puisse exiger caution d'un homme dont l'insolvabilité serait douteuse ; mais c'est précisément ce que prévoient toutes nos lois en matière d'exécution provisoire. C'est ce qu'indiquent de la manière la plus claire et la plus positive notamment les articles 439, 440 et 441 du code de procédure civile.
4° Il prétend qu'on léserait, en ce qui concerne les frais, l'article 137 du code de procédure qui défend l'exécution provisoire pour les frais, mais indépendamment que nous sommes ici législateurs, pouvant innover au droit existant, je suis loin d'admettre qu'on tiendrait généralement que l'article 137 s'appliquerait aux justices de paix.
5° M. le ministre déclare inutile l'article 4 parce qu’il n'est, dit-il, que la répétition de l'article 20 du code de procédure.
Je réponds que cet article ne serait point si étrange, si exotique qu'on le disait ; mais il diffère dudit article 20 en ce qu'il oblige à une élection de domicile, et de plus, en ce qu'il oblige de venir à la première séance, lors même qu'il n'y aurait point assignation formelle.
L'article 5 diffère encore de cet article 20, en ce qu'il n'admet point l'opposition à la sentence par défaut.
6° Quant à l'immense confiance que je voulais donner au procès-verbal d'estimation, sans préjudice à tous autres moyens de défense ; inutile de nous en occuper puisque j'ai retiré cette proposition, ainsi que l'article qui concernait le timbre et l'enregistrement, formant l'article 6.
Enfin l'article 7 a pour but de faire reconnaître que l'action civile n'empêche pas l'action correctionnelle ou criminelle, ni même l'action de police, au cas où le tort éprouvé par le cultivateur serait le résultat d'un crime, d'un délit ou d'une contravention.
Mes moyens subsistent donc dans leur entier, et j'y persiste, bien que la fatigue de la chambre me place sur un mauvais terrain.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, d'après les honorables MM. Desmet et Rodenbach, il semblerait qu'au lieu d'avoir fait une loi favorable à l'agriculture, on aurait fait une loi qui serait désastreuse pour cette branche intéressante de la richesse du pays. Messieurs, la chambre n'oubliera pas sans doute les paroles par lesquelles M. le ministre de l'intérieur a commencé. Mon honorable collègue vous a dit que la loi avait été provoquée par des demandes nombreuses non seulement d'amateurs de chasse, mais principalement de cultivateurs. Les pétitions nombreuses qui ont été adressées au ministère et à la chambre sont là pour justifier ces paroles, et prouver que le gouvernement n'a fait que céder au vœu des cultivateurs.
Messieurs, y a-t-il dans la loi une disposition quelconque de nature à léser les intérêts de l'agriculture ? Avons-nous mal compris ces intérêts ? Est-ce qu'en proposant des dispositions pour réprimer le braconnage, nous n'avons pas eu principalement en vue d'empêcher les dévastations dont les récolles sont si souvent l'objet ? Certes, ni l'honorable M. Desmet ni l'honorable M. Rodenbach ne pourront nier qu'empêcher le braconnage est faire chose utile pour l'agriculture. Ils ne nieront pas qu'en établissant des peines très sévères contre les braconniers, en leur ôtant surtout l'appât qu'ils trouvaient dans la vente du gibier en temps prohibé, nous n'ayons rendu un très grand service à l'agriculture.
Je ne conçois donc pas les plaintes et les critiques des honorables membres ; je ne conçois pas qu'une loi faite évidemment dans l'intérêt de l'agriculture, soit considérée par ces honorables membres comme contraire à ce même intérêt.
L'honorable M. Desmet reconnaît que des peines très sévères sont prononcées contre tous les faits de chasse quelconques ; il dit que pour réprimer ces faits l'action publique est ouverte ; mais, que relativement aux malheureux cultivateurs dont les récoltes ont été dévastées il n'y a que l'action privée. Messieurs, c'est une erreur. Nous n'avons pas touché, par la loi que nous venons de discuter, au code pénal ni à la loi de 1791. Les articles 471 et 475 du code pénal subsistent et doivent être appliqués. Comment donc, en présence de ces dispositions, peut-on soutenir que les cultivateurs sont privés de protection ?
(page 543) Ces dispositions, messieurs, ont suffi jusqu'à présent ; je ne sais ais comment tout à coup elles ne suffiraient plus, alors surtout que le braconnage étant interdit par des peines plus sévères, il y a lieu de penser que l'application de ces articles deviendra moins fréquente et sera moins souvent réclamée. Comment, messieurs, sous la loi de 1790 personne ne réclamait contre les dispositions des articles 471 et 475 du Code pénal, et contre la loi de 1971, et maintenant que l'on veut interdire d'une manière plus efficace le braconnage, on viendra dire que ces dispositions sont insuffisantes ! Si ces dispositions sont insuffisantes, cette insuffisance ne peut pas être attribuée à la loi actuelle.
Voilà, messieurs, ce que j'avais à répondre à l'honorable M. Desmet et à l'honorable M. Rodenbach. Quant à l'honorable M. Savart, j'espérais lui avoir démontré, en combattant son amendement, qu'il n'était pas utile et que, sous différents rapports, il était inadmissible.
L'honorable membre a principalement répondu à l'argument que je faisais valoir contre le principe d'après lequel on aurait pu déclarer un jugement exécutoire contre un individu qui n'aurait pas été entendu ; il vous a dit : M. le ministre de la justice a probablement oublié qu'il existe des dispositions semblables qui sont tous les jours appliquées, que tous les jours l'administration des domaines décerne contre des individus des contraintes qui sont déclarées exécutoires sans que ces individus aient été entendus. Messieurs, il y a une énorme différence entre les contraintes auxquelles l'honorable M. Savart fait allusion et le mandat exécutorial. comme il l'appelle, qui devrait être délivré par le juge de paix. Veuillez remarquer que lorsqu'il s'agit de contrainte en matière d'enregistrement, il y a un individu bien connu, bien désigné, tandis que, dans le système de l'honorable membre, il faudrait que l'on décernât un exécutoire contre un individu signalé seulement par le plaignant. Ainsi, le propriétaire d'un champ dira que des dommages ont été causés à ce champ ; il croira avoir reconnu l'individu qui lui a causé ce dommage, et sur sa simple déclaration devant le juge de paix, sans que cette personne ait été mise à même de répondre, le juge de paix déclarera que la somme évaluée par lui est exécutoire contre le prétendu délinquant.
Messieurs, un système qui conduit à de pareils résultats me paraît inadmissible. D'ailleurs, je le demande encore, pourquoi ne pas permettre, au moins comme le font les lois actuelles, que l'individu contre lequel une demande semblable est faite, soit assigné devant le juge de paix, soit du moins invité par celui-ci à comparaître devant lui ? C'est bien le moins, me semble-t-il, qu'on puisse lui accorder, qu'on lui permette au moins de s'expliquer et de démontrer, s'il y a lieu, que les dommages-intérêts qu'on réclame, ne sont pas dus, que le dommage n'est pas son fait.
Je pense donc, messieurs, comme je vous le disais tout à l'heure, que les dispositions actuelles suffisent. Ces dispositions permettent une procédure très abrégée, très sommaire et très peu coûteuse. Je dis même que, sous bien des rapports, les lois actuelles sont plus favorables aux cultivateurs, que ne le seraient les amendements de l'honorable M. Savart. Je ne pense donc pas que la chambre puisse adopter ces amendements, alors surtout que nous avons voulu nous borner à faire une loi sur la chasse dans laquelle ne doit pas entrer, me paraît-il, un titre du Code de procédure.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Je me bornerai à répondre un simple mot à M. le ministre. Il vous a dit que je veux qu'on déclare un exécutoire contre un individu qui n'est pas connu. Mais il est évident que si l'individu qui a causé le dommage n'est pas connu, je ne demanderai pas un mandat exécutorial à sa charge, et que la procédure sommaire que je propose ne peut être dirigée que contre l'individu qui est bien connu.
M. de Corswarem. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice soutient que les dispositions des articles 471 et 475 du Code pénal ont suffi jusqu'à présent et suffiront encore. Je soutiens, par contre, que ces dispositions n'ont pas suffi pour garantir les intérêts de l'agriculture.
Messieurs, vous savez tous que lorsque des chasseurs aux chiens d'arrêt voient un gibier quelconque reposer dans une pièce d'avoine, de sarrasin ou de quelque autre récolte, il ne se font très souvent aucun scrupule pour envoyer leurs chiens dans ce champ, le faire fouiller dans tous les sens, et causer ainsi les plus grands dommages aux cultivateurs. Eh bien, ce délit n'est pas prévu par les articles 471 et 475 du Code pénal, puisque ces articles ne parlent que des bestiaux, des bêtes de somme, de trait ou de monture. Si l'on peut me prouver que les chiens font partie des bestiaux, je conviendrai que j'ai tort. Mais aussi longtemps que l'on ne me prouve pas que les chiens sont des bêles de trait, de somme ou de monture, je soutiens que le délit, dont je viens de parler, n'est pas punissable.
Je demande donc si l'on ne peut insérer dans la loi une disposition qui justifie également ce délit ou qui rende les articles 471 et 475 du code pénal applicables aux chiens comme aux bestiaux.
La loi de 1790, messieurs, protégeait sous quelques rapports l'agriculture. Mais cette loi est abolie. Quant à la loi nouvelle, je soutiens qu'elle est préjudiciable à l'agriculture au lieu de lui être favorable. Je crois que si l'on a voulu favoriser l'agriculture, on a complétement manqué le but. C'est là la raison principale, mais ce n'est pas la seule qui me fera voter contre la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, les observations que vient de faire l'honorable préopinant sont de nature, dans l'intérêt de l’agriculture, à être prises en sérieuse considération par le gouvernement du Roi, qui, d'ici au second vote, examinera mûrement et ces observations et celles qui ont été présentées par l'honorable M. Desmet. Si la nécessité d'une disposition spéciale est reconnue par nous, nous aurons l'honneur de la présenter. (Très bien ! très bien.)
M. Desmet. - Ainsi nous attendons du gouvernement une disposition quelconque de nature à garantir les cultivateurs contre les dégâts commis par les chasseurs, et dans tous les cas il est entendu que nous pourrons revenir sur cette question au second vote. (Adhésion.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Dans l'énumération des honorables membres qui ont présenté des observations dans l'intérêt de l'agriculture, il est juste aussi de comprendre l'honorable M. Jonet qui, dans la plupart de ses amendements, n'a eu en vue que cet intérêt. Toutes ces observations seront soigneusement examinées et, je le répète, si la nécessité d'une disposition nouvelle est reconnue, le gouvernement s'empressera, comme il est de son devoir de le faire, de présenter cette disposition à la chambre.
M. Lys. - M. le ministre de l'intérieur vient de déclarer que le gouvernement s'occupera, d'ici au second vote, des moyens de faire obtenir aux agriculteurs les dommages-intérêts qu'ils auraient à réclamer à la charge des chasseurs délinquants, et dès lors il me reste peu de chose à dire. Je voulais faire observer que le cultivateur qui n'a souvent à réclamer qu'une indemnité de 10 fr., serait obligé de suivre toutes les formalités prescrites par le code de procédure II devrait faire citer le délinquant et n'obtiendrait souvent qu'un jugement par défaut ; il devrait faire lever ce jugement, le faire signifier ; le délinquant ferait opposition ; il en résulterait une nouvelle procédure et un deuxième jugement ; en un mot le cultivateur, qui n'a souvent que 10 fr. à réclamer devrait commencer par débourser au moins 50 fr. en frais de procédure. Vous sentez, messieurs, que dans cette position il négligerait de réclamer l'indemnité et que, par conséquent, les dispositions relatives aux dommages-intérêts seraient complétement illusoires.
J'attendrai les mesures que M. le ministre de l'intérieur proposera au second vote.
M. Savart-Martel. - Je demanderai si je pourrai reproduire mes propositions au second vote, dans le cas où le gouvernement ne proposerait pas des mesures propres à faire droit aux observations présentées dans l'intérêt de l'agriculture. Si les choses étaient entendues de cette manière, je retirerais mes amendements, sinon je devrais y persister.
M. le président. - Si vous persistez dans vos amendements et si la chambre les rejette, vous ne pourrez plus les reproduire.
M. Rodenbach. - M. le ministre de l'intérieur a déclaré que le gouvernement examinera, s'il y a lieu de présenter, au second vote, une disposition dans l'intérêt de l'agriculture. Je crois donc qu'il ne faut pas voter maintenant sur les amendements de l'honorable député de Tournay, qui ont cet intérêt en vue, mais que ces amendements doivent rester déposés sur le bureau, afin que nous puissions y revenir dans le cas où le gouvernement ne ferait pas une proposition satisfaisante.
Quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, si je dois en croire des jurisconsultes distingués de la chambre, l'agriculture sera froissée dans ses intérêts. Je conjure donc le gouvernement de vous présenter au second vote une disposition qui dispense les cultivateurs de remplir les formalités si coûteuses de la procédure ordinaire. Dans tous les cas, il doit être entendu que si le gouvernement ne fait pas une proposition satisfaisante à cet égard, l'honorable M. Savart pourra reproduire ses amendements au second vote.
- L'article premier des amendements de M. Savart est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - M. Savart désire-t-il que je mette aux voix les autres articles qui ne sont que l'exécution du principe sur lequel la chambre vient de statuer ?
M. Savart-Martel. - Non, M. le président.
M. le président. - Ainsi la chambre s'est prononcée sur toutes les dispositions du projet. Le second vote aura lieu lundi.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense, messieurs, qu'il serait désirable de ne fixer le second vote qu'à mercredi. Beaucoup d'amendements ont été introduits dans la loi et maintenant encore différentes questions se trouvent soumises au gouvernement ; il faut qu'il puisse examiner ces questions, et dans l'intérêt de la loi elle-même il importe qu'il ait le temps de la revoir pour en coordonner toute les dispositions.
- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.
M. Lys. - Je ferai remarquer à la chambre que, par suite de cette décision, il n'y a rien à l'ordre du jour de lundi.
Un membre. - La loi sur les étrangers.
M. Castiau. - La loi sur la milice.
M. Lys. - Il y a une loi dont la discussion a été fixée entre les deux votes du projet de loi sur la chasse, et à l'égard de laquelle M. le ministre des finances doit fournir des renseignements. Ces renseignements doivent être imprimés, et dès lors, il me semble difficile que la discussion ait lieu avant mercredi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait laisser à l'ordre du jour de lundi la loi relative aux étrangers, et les explications que je donnerai, sur l'affaire dont l'honorable M. Lys vient de parler. La discussion commencerait ainsi mardi.
M. Delfosse. - On pourrait mettre à l'ordre du jour de lundi, un petit projet de loi présenté il y a quelques jours par la commission d'industrie et relatif à rétablissement d'un droit d'entrée sur les pièces d'armes. Ce projet ne prendra pas beaucoup de temps ; il est probable qu'il ne donnera lieu à aucune discussion.
M. le président. - Il y a encore un projet de loi qui ne demandera qu'un vote ; c'est celui qui tend à proroger la loi sur les primes pour la construction de navires.
(page 544) M. le ministre des finances (M. Malou). - Mon honorable collègue le ministre des affaires étrangères, qui a le commerce dans ses attributions, n'étant pas maintenant présent, je demanderai que la chambre ne décide rien aujourd'hui sur la motion de l'honorable M. Delfosse. Il s'agit d'une question de tarif, et je désire que le gouvernement puisse l'examiner avant qu'elle soit mise à l'ordre lu jour.
M. Delfosse. - Je ne puis pas m'opposer à l'examen que le gouvernement veut faire ; mais je demande que cet examen ait lieu le plus tôt possible.
M. Orban. - Il y a quelques projets de loi relatifs à des séparations de communes ; je demanderai qu'ils soient mis à l'ordre du jour de lundi.
- Cette proposition est adoptée.
M. Simons. - Il y a notamment un ancien projet sur la délimitation des communes de.....et de Malaigne-la-Grande, je propose de le mettre également à l'ordre du jour de lundi.
M. le président. - Le gouvernement doit soumettre ce projet à une nouvelle instruction.
M. Fallon. - Je demanderai qu'on ne s'occupe pas lundi du projet de loi relatif à la séparation des communes de Lambusart et de...... J'attends à cet égard des renseignements que je désire communiquer à la chambre. (Adhésion.)
M. le président. - Ainsi l'ordre du jour de lundi serait fixé de la manière suivante :
discussion du projet de loi relatif aux étrangers ;
projet de loi concernant les primes pour constructions navales ;
divers projets de loi sur des délimitations de communes ;
explications de M. le ministre des finances, relatives au gouvernement provincial de Liège.
Quant au vote définitif du projet de loi sur la chasse, il est fixé à mercredi.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je crois que la décision de la chambre, en ce qui concerne ce dernier objet, doit être entendue en ce sens que le second vote de la loi sur la chasse viendra à la suite de la discussion de la loi relative aux terrains-et bâtiments de l'ancien gouvernement provincial de Liège, de manière que cette discussion ne sera pas interrompue, dans le cas où on ne la terminerait pas mardi. (Assentiment.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de présenter à la chambre le projet de loi suivant :
« Léopold, Roi des Belges, A tous présents et à venir salut.
« Sur la proposition de Notre ministre de l'intérieur, Nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de l'intérieur présentera aux chambres, en Notre nom, le projet de loi dont la teneur suit :
« Art. 1er. Dans les vingt-quatre heures, après la clôture définitive de la liste des électeurs communaux, le collège des bourgmestre et échevins transmettra au commissariat d'arrondissement un double de ladite liste, pour y demeurer en dépôt.
« Art. 2. Dans le cas où la liste des électeurs communaux n'aura point été révisée à l'époque déterminée par la loi, ou que la liste révisée aura été perdue ou détruite, il y sera suppléé de la manière suivante :
« Un arrêté royal prescrira la formation d'une liste d'électeurs, en fixant l'époque à laquelle cette liste sera arrêtée et affichée.
« Il sera procédé à l'examen et au jugement des réclamations et observations, tendant à la rectification de la liste, dans la forme et dans les délais prescrits par les art. 14, 15, 16, 17 et 18 de la loi communale du 30 mars 1836.
« Léopold.
« Par le Roi :
« Le ministre de l'intérieur, Sylvain Van de Weyer. »
Comme ce projet présente un certain caractère d'urgence,, je prierai la chambre de bien vouloir en accélérer l'examen.
M. Dumortier. - Je désirerais que M. le ministre donnât lecture de l'exposé des motifs.
Plusieurs membres. - L'impression.
D’autres membres. - La lecture ! la lecture !
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer) donne lecture de l'exposé des motifs, qui est ainsi conçu :
Messieurs,
L'article 9 de la loi électorale du 3 mars 1831 statue que les listes des électeurs, pour la formation des chambres législatives, doivent être tenues en double, dont l'un reste déposé au secrétariat de la commune, tandis que l'autre est adressé au commissaire d'arrondissement.
Cette utile disposition n'a point été insérée dans la loi communale, d'où il suit que la conservation des listes des électeurs communaux n'est point garantie par des précautions suffisantes. On sait, en effet, que, particulièrement dans les communes rurales, les archives administratives ne sont pas toujours dans un ordre parfait, et que des pièces ou documents s'égarent assez fréquemment.
La liste des électeurs communaux ne sont point tenue en double, et étant, en outre, sujette à des déplacements, est peut-être plus exposée que tout autre acte de l'administration à être égarée.
Ce fait a eu lieu, l'année dernière, dans une commune de l'arrondissement de Bruxelles, et a produit des conséquences très fâcheuses, dont il importe de prévenir le retour.
A défaut de la liste officielle, on a fait usage, dans cette commune, d'une liste dont la confection n'avait pu être accompagnée des formalités prescrites par la loi.
Dans une autre commune de l'arrondissement de Nivelles, on a aussi fait usage d'une semblable liste, l'administration communale n'ayant point procédé à la révision annuelle de la liste électorale, à l'époque prescrite par la loi.
La députation permanente crut, avec raison, devoir prononcer l'annulation des élections qui avaient été faites d'après ces listes irrégulières.
Mais alors l'absence de la liste régulière et l'expiration du délai utile pour en former une autre, soulevèrent une difficulté que l'on espéra lever en employant la liste de l'année antérieure. Mais il est de principe que l'on ne peut suivre, pour les élections, que la liste de l'année dans laquelle l'élection se fait, et ce principe a été consacré par un arrêté royal, en date du 29 août 1840, portant convocation du collège électoral de Büdingen, province de Brabant, ledit arrêté ayant été pris sur l'avis conforme de la députation permanente de cette province.
Les irrégularités diverses dont la perte ou la destruction d'une liste électorale unique, ou sa non-existence, peuvent être la source, ont frappé le gouvernement, qui a cru devoir proposer à la législature l'adoption de mesures propres à remédier au mal.
Tel est le but du projet de loi ci-joint, que le Roi m'a ordonné de soumettre aux délibérations de la chambre des représentants.
Il se compose de deux dispositions, dont l'une a pour objet d'appliquée aux listes des électeurs communaux, le principe de conservation consacré par la loi pour les listes des électeurs pour les chambres législatives ; l'autre confère au gouvernement, dans des circonstances exceptionnelles, les pouvoirs nécessaires afin d'empêcher qu'une commune demeure privée d'une partie de son conseil communal.
- La chambre ordonne l'impression du projet, ainsi que de l'exposé de» motifs, et le renvoie à l'examen des sections.
M. de Roo. - Je demanderai si le projet de loi sur la milice est maintenu à l'ordre du jour.
M. le président. - Oui, après les objets que j'ai indiqués tout à l'heure.
M. de Roo. - J'aurai l'honneur de faire observer à la chambre que le projet de loi sur la milice, tel qu'il se trouve actuellement, ne peut pas être discuté ; il faudra le renvoyer aux sections ; la section centrale s'est bornée à proposer l'ajournement du projet, et n'a pas fait un rapport sur les articles de la loi.
M. le président. - Nous ne pouvons plus rien changera l'ordre du jour, puisque nous ne sommes plus en nombre.
- La séance est levée à 4 heures.