(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1403) (Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
« Plusieurs cultivateurs de Bommershoven demandent l’adoption de la proposition de loi sur les céréales, signée par 21 députés. »
« Même demande des conseils communaux de Zepperen, Nieuwerkerken et des cultivateurs de Mielen sur Aelst, Corthys, Goyes, Buvingen, Borloo, Corswarem. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner la proposition de loi.
« Le conseil communal de Jemeppe-sur-Meuse demande le rejet de la loi sur les céréales, signée par 21 députés. »
- Même renvoi.
« Le sieur Franck, blessé en septembre 1830, réclame l’intervention de la chambre pour un subside ou une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Beauvechain prie la chambre d’autoriser la concession du chemin de fer de Jemeppe à Louvain. »
« Même demande des conseils communaux de Tourinnes-la-Grosse, Grand-Manil, de la chambre de commerce de Namur, des membres du conseil communal et des habitants d’Onox, Saint-Martin-et-Balâtre, des habitants de Namur, des propriétaires des charbonnages, carrières, usines, etc., situés entre Namur et Charleroy. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner les projets de loi relatifs au chemin de fer.
« Le conseil communal et la chambre de commerce et des fabriques de Louvain demandent que la concession du chemin de fer de Louvain à Jemeppe soit autorisée avec la condition d’établir la station dans la ville, près des bassins du canal et de faire partie de Louvain par Aerschot le prolongement ultérieur de la route vers Diest. »
- Même renvoi.
« La veuve Ortmans-Lonhienne et les sieurs Grosfils, brasseurs à Verviers, demande qu’on leur restitue ce qu’ils ont payé de trop sur leur fabrication. »
- Sur la proposition de M. David, renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Le conseil communal de Thourout présente des observations contre le tracé du chemin de fer de Bruges à Thielt, dont on demande la concession. »
- Sur la proposition de M. Maertens, renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
M. Rodenbach demande en outre l’insertion au Moniteur ; cette proposition n’est pas adoptée.
« Le sieur François Carton demande qu’on accorde à son fils Emile, milicien de 1843, un congé définitif. »
- Sur la proposition de M. Dumortier, renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
M. Henot informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.
- Pris pour information.
M. Verhaegen – Il y a quelques temps, une pétition a été présentée à la chambre pour la séparation d’un faubourg de Charleroy de la commune de Charleroy. J’ai demandé des explications à M. le ministre de l’intérieur, et le dépôt de tous les documents au greffe. Cette affaire est urgente. Je désirerais savoir si M. le ministre pourra donner ces explications avant la fin de la session.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois avoir transmis depuis longtemps ces explications à la chambre. Je vérifierai le fait. Si les pièces ne sont pas encore au greffe, je les y ferai déposer.
M. Desmaisières – Dans une précédente séance, vous avez renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif aux chemins de fer de Tournay et de Hasselt une pétition du conseil communal de Jurbise, tendant à obtenir que le chemin de fer de raccordement du chemin de fer de Tournay se fasse à Soignies plutôt qu’à Jurbise.
La section centrale qui a examiné les considérations dans lesquelles est entré le conseil communal de Soignies, a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande d’explications à donner avant ou pendant la discussion du projet de loi relatif au chemin de fer de Tournay et de Hasselt.
La chambre adopte définitivement les amendements introduits dans l’article 2 et l’amendement qui forme l’article 6.
M. David – Dans la supposition de la démolition des places fortes, on a admis la proposition de la section centrale de réduire le nombre des gardes du génie à 24 au lieu de 29. Comme le statu quo a été décidé, il va en résulter que des pères de famille, des comptables préposés aux places fortes en qualité de gardes d’artillerie vont perdre leur place ; il faudra les remplacer par des intérimaires, qui perdront l’usage de leur service. Je demanderai à M. le ministre de la guerre d’avoir égard à leur position. Je ne prêche pas la dépense. Mais je ne crois pas qu’il y ait là augmentation de dépense, puisque des intérimaires seraient nécessaires. Ne serait-il pas préférable de conserver à ces pères de famille leur position.
M. Malou – La section centrale n’a nullement entendu préjuger la démolition des places fortes. Elle a laissé cette question entièrement en dehors du projet.
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) – J’ai consenti à une réduction sur le nombre de grades et des commandants d’artillerie en résidence. Par contre, vous avez voté le reste des chiffres de l’artillerie et des autres troupes.
Le règlement s’oppose à ce que l’on revienne sur le premier vote relatif aux grades d’artillerie. Je trouverai, messieurs, dans le corps de l’artillerie assez de ressources pour pourvoir aux emplois dont il est question.
Lorsqu’il s’agira de faire les suppressions indiquées par la loi, je prendrai en considération les droits de tous. C’est après avoir fait la balance de ces droits que je déciderai quels sont les officiers qui devront passer au cadre de réserve. Plus tard, quand les places se présenteront, ces militaires se trouveront dans le cas de tous les autres sous-officiers du cadre de réserve, ils auront droit, selon moi, à une partie au moins des emplois vacants.
Messieurs, puisque j’ai la parole, et probablement pour la dernière fois dans cette discussion, qu’il me soit permis d’exprimer ma vive reconnaissance pour les sentiments de bienveillance envers l’armée qui ont dominé dans les débats auxquels vous vous êtes livrés, pour le chaleureux appui que cette cause a trouvé dans les brillants discours de M. le rapporteur et de tant d’orateurs distingués, pour l’examen bienveillant et consciencieux de la section centrale.
Vous avez accordé au gouvernement ce qu’il vous a demandé : nous acceptons toute la responsabilité qui nous incombe de ce fait, et l’armée, messieurs, que vous avez voulue forte et bonne, répondra toujours dignement à votre confiance. Quelque difficile que puisse être sa mission, elle saura la remplir : son sincère dévouement au roi est la garantie que les soldats belges d’aujourd’hui sauront aussi jeter du lustre sur notre histoire.
M. Malou – J’ai remarqué, messieurs, que dans tout le tableau joint (page 1404) à l’art. 2, il y a, sous la rubrique du corps, les mots : « Officier supérieurs », en italique, et ensuite dans l’énumération des différents gardes, il y a, sous la même rubrique : « Officiers subalternes » ; c’est une espèce de non-sens. Je citerai pour exemple ce qui est relatif à l’artillerie et au train. Il y est dit :
« Etat-major
« Officiers supérieurs.
« Colonels, 4.
« Lieutenants-colonels, 5.
« Majors, 5.
« Puis :
« Officiers subalternes, 14. »
Il faudrait, messieurs, effacer partout les mots : « Officiers supérieurs ». (Assentiment.)
M. le président – Cette rectification sera faite.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.
76 membres prennent part au vote.
58 adoptent.
18 rejettent.
En conséquence, le projet est adopté.
Ont voté l’adoption : de Man d’Attenrode, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (Albéric), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Jadot, Lange, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Smits, Thienpont, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Van Volxem,Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Coghen, Coppieters, d’Anethan, de Baillet, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Haerne et de La Coste.
On voté le rejet : MM. de Meester, de Tornaco, Dubus (aîné), Huveners, Lesoinne, Lys, Manilius, Osy, Sigart, Vanden Eynde, Verwilghen, Brabant, Castiau, David, de Corswarem, De Garcia de la Vega, Delehaye et Delfosse.
M. le président – L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. La loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages (Bulletin officier, n°519, LIII), est prorogée au 1er février 1847.
« Néanmoins, aucune ligne de chemin de fer, destinée au transport des voyageurs et des marchandises et d’une étendue de plus de dix kilomètres, ne pourra être concédée qu’en vertu d’une loi. »
La discussion est ouverte.
M. David – A l’occasion du projet de loi qui nous est soumis relativement à la prorogation de la loi concernant les concessions de péages, je me félicite d’avoir à louer M. le ministre des travaux publics, de l’usage qu’il en a fait jusqu’ici, au point d’attirer les capitaux étrangers, qui vont jusqu’à se disputer l’avantage de venir compléter notre grand système de communications.
Déjà on a mis la main à l’œuvre au chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse et sous peu nous aurons à nous occuper des demandes en concession de chemins de fer à établir de Liége à Namur, de St-Trond ou d’Ans à Hasselt, de Jurbise à Tournay, de Courtray à Ypres et Menin, enfin de la Sambre à Louvain.
Si toutes ces entreprises réussissent, jamais aucune administration n’aura obtenu un semblable résultat et surtout sans grever le trésor.
Si j’en crois l’un des membres d’une société qui doit s’être adressée à M. le ministre des travaux publics, déjà depuis longtemps nous pourrions obtenir en même temps, et cette fois en diminuant les charges du trésor, le complément naturel du chemin de fer de Namur à Liége, par son prolongement jusqu’à Maestricht où il aboutirait au bassin du canal de Bois-le-Duc, dit Willemsvaart.
J’entends, messieurs, des interruptions multipliées, mais que l’on ne s’effraye pas ! Je le déclare. Je veux le canal ou le chemin de fer, mais au premier aperçu, le chemin de fer est mille fois plus séduisant. Je le prouverai en temps et lieu.
Je crois ici, messieurs, devoir apporter toute l’attention de M. le ministre des travaux publics, sur ce superbe et utile projet, qui sera sans contredit, s’il se réalise, l’affluent le plus productif de tous nos chemins de fer, car ce sera mettre la population de Maestricht et de tous ses environs, ainsi que les populations de Visé, Herstal, etc, en rapport direct par Liége avec toutes les villes de la Belgique. Liége ne sera plus séparée de Maestricht que par 45 minutes, et Verviers par 1 heure et 45 minutes au plus ; c’est une population de 100 mille voyageurs, conquise pour nos chemins de fer ; heureuse compensation à la concurrence plus ou moins inévitable que les autres lignes concédées ou à concéder pourraient peut-être venir faire à notre réseau du chemin de fer de l’Etat.
D’après la demande qui doit reposer dans les mains de M. le ministre des travaux publics, ce chemin de fer pourrait s’exécuter aux frais, risques et périls des concessionnaires, sans aucune charge pour l’Etat, et ce, moyennant la concession de péages, à des prix de transport extrêmement avantageux pour le public, pour le commerce et l’industrie. Les marchandises pondéreuses, telles que houilles, fontes, pierres, chaux, etc., se transporteraient à raison de 35 c. par tonne-lieue, et tous les autres transports, voyageurs, bagages et marchandises, aux prix actuels du tarif du chambre de l’Etat.
Jusqu’aujourd’hui, on n’a comparé les avantages du canal latéral à exécuter de Liège à Maestricht qu’à ceux à provenir de l’amélioration de la navigation de la Meuse ; mais on n’a jamais, que je sache, mis en parallèle les avantages à retirer, soit de l’exécution d’un canal à ouvrir entre Liège et Maestricht, soit de l’établissement d’un chemin de fer entre ces mêmes lignes.
Je pense qu’il serait éminemment convenable et prudent, qu’il en est temps encore, de soumettre simultanément, à l’examen de la Chambre, la proposition de l’exécution, aux frais de l’Etat, de la construction du canal susmentionné et la proposition de cette société concessionnaire, exécutant, sans charge aucune pour l’Etat, un chemin de fer entre les deux villes. La Chambre aurait à décider auquel de ces deux projets elle devrait décerner la préférence. Pour moi la question ne fait pas doute. J’ai dit tout à l’heure que le chemin de fer de Liège à Maestricht serait le complément naturel du chemin de fer de Namur à Liége, et vous allez comprendre pourquoi.
M. le président – M. David, permettez-moi de vous faire remarquer que ceci est tout à fait en dehors de la loi actuelle.
M. David – M. le président, je vous prie de me laisser continuer. Je n’ai plus que quelques mots à vous dire. L’importance de cette question est très-grande, en vaut la peine.
M. Lesoinne – Ce n’est pas du tout la question à l’ordre du jour.
M. le président – Nous aborderons, dans quelques jours, la discussion du projet de loi relatif au canal latéral à la Meuse. Vous serez amené naturellement alors à discuter cette question spéciale.
M. David – Je ferai observer que, dans quelques jours, il ne sera plus temps ; car la proposition que j’ai l’intention de faire à l’occasion des concessions de péage, est celle-ci : c’est que la question relative au canal et celle relative au chemin de fer soient discutée simultanément.
M. Lesoinne – C’est impossible, il n’y a pas de projet pour le chemin de fer.
M. le président – La loi actuelle se borne aux concessions que le gouvernement peut faire par arrêté royal.
M. David – En ce cas, je ferai de ma proposition l’objet d’une motion d’ordre.
Je demanderai, puisque nous allons aborder prochainement la discussion du projet de loi relatif à la construction du canal latéral à la Meuse, que la discussion s’établisse en même temps sur la question de la construction d’un chemin de fer.
M. Lesoinne – C’est impossible.
(page 1405) M. le président – Je répète que le projet en discussion ne concerne que les concessions que le gouvernement peut faire par arrêté royal.
M. David – Si vous me permettez de continuer encore quelques instants, M. le ministre des travaux publics trouvera peut-être à propos de me répondre quelques mots.
M. le président – Dans ce cas, je devrai lui faire la même observation qu’à vous.
M. de Brouckere – Je demande la parole pour un rappel au règlement.
L’honorable M. David comprendra très-bien que le sujet qu’il traite n’a aucun rapport avec le projet en discussion.
M. David – Pardonnez-moi.
M. de Brouckere – Je me permets alors de lui dire que ce sujet n’a aucun rapport avec le projet en discussion.
Mais l’honorable M. David répond : Laissez-moi achever mon discours et M. le ministre des travaux publics dira peut-être quelques mots en réponse à ce discours. Mais je ferai remarquer à l’honorable M. David que, quand l’honorable M. Dechamps aura répondu, il restera plusieurs membres dans la chambre auxquels les opinions émises par l’honorable membre ne conviennent en aucun manière et qui seront dans la nécessité de lui répondre. De cette manière, au lieu d’avoir une discussion sur le point de savoir si l’on maintiendra la loi sur les péages, nous allons avoir une discussion fort longue sur la question de savoir s’il vaut mieux joindre Maestricht à Liége par un chemin de fer que par un canal, ou par un canal que par un chemin de fer. Or, ce n’est pas là la matière à l’ordre du jour.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, effectivement l’honorable M. David a traité d’une question complètement en dehors de l’ordre du jour, et qui trouvera sa place lorsque nous discuterons, un de ces jours, le projet de loi relatif au canal latéral à la Meuse. Alors l’honorable membre aura la faculté, par motion d’ordre ou par amendement, de proposer la substitution d’un chemin de fer à concéder au canal latéral à la Meuse. La question pourra alors être approfondie et discutée ; mais elle ne peut l’être incidemment à l’occasion d’une loi de concession de péages.
M. Lesoinne – Le sujet que vient de traiter l’honorable M. David est, comme l’a dit l’honorable M. de Brouckere, tout à fait étranger à la question en discussion. L’honorable M. David demande la discussion simultanée de deux projets : l’un sur lequel le rapport vous a été fait et distribué, l’autre qui n’est même pas proposé. Cela est tout à fait impossible.
M. David – M. le président, je croyais que la question que j’avais à traiter rencontrerait, en présence de son importance, plus de sympathie dans la chambre.
Je savais bien du reste, que j’allais soulever un orage autour de moi. Je ne le redoute cependant pas. Nous allons arriver à la discussion du projet de loi relatif au canal latéral à la Meuse ; je fera alors la motion d’ordre que M. le ministre des travaux publics vient de signaler. J’espère qu’alors on ne refusera pas de m’entendre. Car on ne peut voter les yeux fermés. Je suis bien loin de ne pas vouloir de canal de Liège à Maestricht. Je ferai une condition lors de la discussion, une condition formelle d’avoir l’un ou l’autre.
M. Delfosse – L’honorable M. David vient de nous dire qu’il s’attendait à un orage. Mais l’orage n’existe que dans son imagination. Il y a eu un rappel au règlement, et voilà tout.
M. Brabant – Messieurs, je ne discuterai ni le principe, ni l’opportunité du renouvellement de la loi qui est maintenant en discussion ; mais j’ai à signaler un abus qui a été commis dans le district que j’ai l’honneur de représenter, abus qui vous a été signalé par des pétitions qui ont été renvoyées à M. le ministre des travaux publics avec demande d’explications, explications qui n’ont pas encore été fournies jusqu’aujourd’hui.
Un arrêté royal a autorisé des concessionnaires à construire une route de Ligny à Denée.
L’art. 17 du cahier des charges porte :
« A dater de l’ouverture de la route, le concessionnaire percevra à son profit, pendant quatre-vingt-dix ans, un droit de barrière à six bureaux établis comme suit :
« Le premier à environ 1,000 mètres de la route de Charleroy à Namur, au point d’intersection du chemin de Fleurus à Boignée ;
« Le deuxième à environ 5,000 mètres plus loin sous la commune de Velaine ;
« Les quatre autres à des distances d’environ 5,000 mètres chacune. »
Ce que je vous lis ici, messieurs, est un rapport de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées de la province, adressé à M. le gouverneur.
Or, il résulte des mesurages qui ont été faits, que les points fixes déterminés par les arrêtés se trouvent ainsi placés :
« Le point fixé du poteau n°1 de l’origine de la route à la barrière n°1 : 1,536 mètres
« Du n°2 au n° 3 : 4,731 mètres.
« Du n°3 au n° 4 : 4,586 mètres.
« Du n°4 au n° 5 : 3,847 mètres.
« Du n°5 au n° 6 : 4,200 mètres.
« A la fin de la route : 3,500 mètres. »
Vous voyez que le mot « environ » a été interprété très-largement par les concessionnaires. Ce placement des barrières cause un préjudice très-considérable aux habitants de plusieurs communes. J’attellerai l’attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point ; je le prie de vouloir bien fournir, le plus tôt possible, des renseignements à la chambre ; je le prie surtout de vouloir rectifier une infraction au cahier des charges, qui me paraît flagrante.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, lorsque les pétitions dont il s’agit ont été renvoyées à mon examen, j’ai demandé à M. l’inspecteur général des renseignements circonstanciés sur le placement des barrières sur la route de Ligny à Denée. Dès que ces renseignements me seront parvenus, je fournirai à la chambre les explications qu’elle m’a demandées.
M. Rogier – Messieurs, la loi de concession des péages a une très grande importance, parce qu’en vertu de cette loi, le gouvernement est autorisé à concéder non-seulement des routes, mais des canaux et même des chemins de fer.
Quant aux chemins de fer, la législation a posé certaines limites à ce droit considérable accordé au gouvernement ; il ne peut en concéder, sans l’intervention de la législature, que jusqu’à une étendue de deux lieues.
Une autre restriction a été apportée au droit du gouvernement pour la concession de canaux : le gouvernement ne peut pas concéder la canalisation des fleuves et des rivières ; la législature s’est réservée le droit d’intervenir pour la concession de ces canalisations.
Mais cet article exige une explication précise, sinon une disposition nouvelle.
Depuis un certain temps, le pays est inondé de demande de concessions ; la fureur est telle qu’avant même que les concessions soient accordées, avant même que les projets aient pour ainsi dire paru, les actions sont déjà négociées et cotées à la bourse de Londres. J’en conclus qu’il y a autre chose que l’utilité publique dans toutes ces demandes de concessions. Il est évident pour moi, et je n’en tire pas d’autre conclusion pour le moment, mais il est évident pour moi qu’il y a là agiotage ; car je ne comprendrais pas comment un projet qui existe à peine sur le papier se trouve déjà coté à la bourse de Londres avec un agio considérable.
Quelques personnes voient un immense avantage pour le pays dans cet élan nouveau que semble prendre l’esprit de construction de routes et canaux. Sans doute, il est rarement arrivé qu’une route ou un canal n’apportât pas des avantages au pays. Cependant j’espère que la chambre ne se laissera pas entraîner trop facilement à cet élan qui nous vient surtout du dehors ; qu’elle procédera avec beaucoup de circonspection et de réserve, avant de livrer le pays à ce que j’appellerai la spéculation étrangère.
On nous a présenté un grand nombre de projets de loi. La section centrale a été, directement et d’urgence, saisie de l’examen de ces projets qui ont été à peine étudiés : nous n’en avons ni les plans, ni les devis, ni même le profil pour plusieurs. C’est un raison de plus pour la chambre, après l’examen de la section centrale, de ne pas se précipiter en aveugle dans toutes ces demandes. Je n’entends pas dire que toutes ces concessions soient mauvaises, qu’elles doivent nécessairement porter préjudice au pays, mais je tiens seulement à appeler l’attention sérieuse de la chambre sur les faits nouveaux qui se sont produits depuis quelque temps.
Eh bien, en présence de cette spéculation étrangère qui se précipite sur la Belgique, je vous demande si nous pouvons encore donner au gouvernement une latitude aussi grande que celle qui résulte de l’art. 1er, § 2e, de la loi sur les concessions ; je veux parler de l’autorisation donnée à l’Etat de concéder certains travaux de canalisation. Et pour m’en expliquer plus clairement, je demanderai à M. le ministre comment il interprète cet article : entend-il qu’il reste maître de concéder sans le concours du parlement, non pas la canalisation directe d’une rivière, mais la canalisation latérale à une rivière, en d’autres termes, si, ne touchant pas à la rivière elle-même, il se croirait autorisé à accorder un canal qui suivrait à quelque distance la rivière elle-même.
J’attends de la bonne foi de M. le ministre une réponse catégorique à cet égard. Quant à moi, j’entends la loi de cette manière, que le gouvernement ne peut accorder de canalisation, soit en lit de rivière, soit latéralement à une rivière. Si M. le ministre des travaux publics déclare d’une manière nette et précise qu’il l’entend ainsi, peut-être me croirai-je dispensé de présenter un amendement.
M. Dumortier – Je voulais faire la même motion que l’honorable M. Rogier ; je me rallie complètement à ce qu’a dit l’honorable membre.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, l’honorable M. Rogier a appelé l’attention de la chambre sur un fait qui s’est produit dans ces derniers temps, c’est-à-dire sur l’abondance des capitaux étrangers qui se dirigent vers les entreprises de chemins de fer. L’honorable membre vous a dit qu’à la bourse de Londres on cotait des actions de chemins de fer qui viennent à peine d’être concédés en Belgique ; cela démontre, a ajouté l’honorable membre, qu’il y a autre chose que des questions d’utilité publique, qu’il y a aussi de la spéculation.
Cela est hors de doute ; mais cependant je dois ajouter que les capitalistes anglais qui ont signé des conventions pour l’exécution de voies ferrées en Belgique, sont des capitalistes sérieux dont le but est l’entreprise elle-même, mais ils ne peuvent pas empêcher que le jeu ne porte sur les actions de leurs entreprises.
Du reste, quelle est la conclusion à tirer des faits signalés par l’honorable membre, c’est que le gouvernement ne doit instruire ces affaires qu’avec circonspection et prudence. Or, c’est ce que je crois avoir fait.
Le gouvernement a cru devoir prendre d’avance toutes les précautions nécessaires, d’abord pour discerner entre les compagnies sérieuses et les compagnies qui n’auraient que la spéculation en vue, et ensuite pour s’assurer de toutes les garanties contre les abus possibles de l’agiotage. Je pense que ces garanties ont été complètement obtenues, et que nous avons peu à craindre de voir les abus que l’on craint s’introduire en Belgique.
En Angleterre, je le sais, on procède, je ne dirai pas légèrement, mais avec plus de laisser aller. Le comité des chemins de fer du parlement propose (page 1406) chaque semaine à cette assemblée, qui les vote presque sans discussion, des projets de concession de chemins de fer. Je ne veux pas aller jusqu’à là. Des demandes nombreuses m’ont été faites ; mais j’ai tâché, en m’entourant de tous les renseignements nécessaires, de ne comprendre dans les projets de loi que les lignes utiles demandées par des compagnies offrant toute sécurité au gouvernement.
L’honorable M. Rogier m’a demandé comment j’interprète un article de la loi du 19 juillet 1832 qui pose une restriction au pouvoir du gouvernement, relativement à des travaux de canalisation en lit de rivières, il m’a demandé si le gouvernement croyait avoir le droit de concéder, dans l’intervention de la législature, les canaux latéraux à des rivières. Le gouvernement a toujours cru avoir ce droit. C’est ainsi que la loi de 1832 a été jusqu’ici interprétée.
Et, messieurs, veuillez ne pas l’oublier, la plupart des canaux en projet en Belgique sont des canaux latéraux à des rivières, jusqu’à un certain point du moins.
Ainsi, presque tous les projets qui sont compris dans le grand travail de M. Vifquain sur le système des voies navigables en Belgique, font une certaine concurrence à des rivières. Cela se conçoit sans peine : un canal ne peut pas se diriger à travers des montagnes ; il doit toujours suivre des vallons au milieu desquels coulent des rivières.
Je pense donc que le gouvernement, d’après la loi, est investi de ce pouvoir. La restriction est relative aux travaux de canalisation en lit de rivières. Si on mettait une réserve au pouvoir que la loi de 1832 confère au gouvernement, en lui interdisant le droit de concéder ceux qui sont latéraux à des rivières, l’interdiction serait absolue ; il lui serait interdit de concéder un canal quel qu’il soit en Belgique. Je connais peu de canaux qui ne soient pas latéraux à des rivières. Ce serait revenir sur la loi de 1832.
Les considérations qu’a fait valoir l’honorable M. Rogier sur le danger de laisser des pouvoirs trop étendus au gouvernement ne concernent pas les canaux mais les chemins de fer, car malheureusement les capitaux ne se dirigent pas assez vers ces entreprises de voies navigables. Le danger ne pourrait exister que pour les concessions de chemins de fer ; or, une disposition de la loi exige l’intervention de la législature pour la concession de toute chemin de fer d’une étendue de plus de 10 kilomètres, c’est-à-dire de quelque importance.
M. Rodenbach – Messieurs, lorsqu’une compagnie demande la concession d’un chemin de fer de deux lieues, il faut une loi et M. le ministre des travaux publics dit que, pour les concessions de canaux, il n’en faut pas ; de sorte qu’il pourrait concéder 15, 20 lieues de canal, ce qui constituerait une dépense de 25 à 30 millions. Je trouve exorbitant qu’un ministre puisse accorder une semblable concession sans loi. Je partage l’opinion de ceux qui ont signalé l’anomalie, qu’il y a à ce que le gouvernement puisse concéder un canal de 20 lieues, quand il ne peut pas concéder un chemin de fer de plus de deux lieues.
Il me semble que la chambre doit être frappée de ce que ce pouvoir a d’exorbitant.
Je dirai deux mots des concessions demandées par des sociétés anglo-belges. Je pense qu’effectivement nous devons procéder très-sagement ; mais tout en faisant observer que trop de prudence pourrait devenir de la maladresse ; car puisqu’il y a enthousiasme dans un pays voisin pour acheter des actions de chemin de fer, je ne vois pas pourquoi nous n’en profiterions pas, surtout quand les chemins de fer qu’il s’agit de concéder ne font pas concurrence au chemin de fer de l’Etat. Si donc ces demandes ne sont pas de nature à nuire à notre chemin de fer, nous devons les accueillir et les accueillir promptement. Je pense que le ministre, qui doit avoir à cœur les intérêts du pays, ne consentira pas légèrement à présenter une loi en faveur de demandeurs en concession, quand il ne sera pas convaincu que l’intérêt des chemins de fer de l’Etat n’est pas compromis.
Nos capitalistes ne prendront des actions que quand ils seront sûrs d’un intérêt de 6 p.c. au moins. En Angleterre, les capitaux seront à meilleur marché ; l’intérêt n’est que de 3 p.c. Il est possible que des Anglais se contenteraient d’un revenu de 3 p.c. sur les chemins de fer à construire en Belgique. Il est possible que l’agiotage soit pour quelque chose dans ce que nous voyons, mais il se peut aussi que des personnes ne recherchent que ce revenu. Si des millions peuvent nous venir d’outre-mer, nous devons nous empresser de les accueillir. Les chemins de fer dont la concession est demandée, sont d’une étendue de 110 lieues ; c’est au moins cinq années de travail qu’on assure à nos ouvriers. Plusieurs concessions sont demandées dans les Flandres ; ne fût-ce que pour donner de l’ouvrage aux ouvriers, j’appuierai les projets présentés. Je demanderai qu’on les examine promptement en sections.
Pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse, il y avait un grand empressement de capitalistes qui demandaient un minimum d’intérêt de 3 p.c. et 1 p.c. d’amortissement, en tout 4 p.c. ; cela faisait sur le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse 600,000 fr. qu’on demandait à l’Etat. Parce que la spéculation s’est jetée sur le chemin de fer, une autre société s’est présentée ; il en est résulté pour nous un bénéfice de 600,000 fr. Avant d’obtenir une concession, il faut déposer un cautionnement du dixième. Si le chemin de fer qu’on demande comporte dix millions, il faut déposer un million. Quand on peut déposer un million, on n’est pas un agioteur à craindre. Le ministre a donc des garanties en espèces. Je dis qu’en ce cas on peut se fier aux demandeurs. Loin de vouloir ralentir l’affluence des capitaux étrangers dans notre pays, je désire que le gouvernement acquiesce aux demandes qui lui sont faites, quand elles ne sont pas de nature à nuire à nos chemins de fer, à diminuer les recettes du trésor.
M. Dumortier – Je viens appuyer les observations de l’honorable M. Rodenbach. Certainement, c’est une grave anomalie que le gouvernement ne puisse pas concéder, sans l’intervention de la législature, un chemin de fer de deux lieues et qu’il puisse concéder un canal de cinq, dix, quinze et vingt lieues. Permettez-moi de rappeler à ceux qui siégeaient dans cette enceinte en 1832 et d’indiquer à ceux qui ne s’y trouvaient pas, dans quelles circonstances la loi du 19 juillet 1832 a été votée. La session avait été ouverte le 8 septembre, elle avait duré neuf mois ; nous étions au moment de nous séparer. Le gouvernement se trouvait sans aucun pouvoir pour concéder des péages, même pour des routes pavées.
C’est dans cet état de choses, eu égard à la séparation prochaine, qu’on a dû voter la loi de 1832. Ceux qui siégeaient alors doivent se rappeler qu’il a reconnu que quand les lois d’organisation auraient été votées, le droit de concession de canaux devait rentrer dans le domaine législatif. Par conséquent, il n’y a dans ma proposition rien de personnel, rien d’hostile au ministre des travaux publics. Mais puisqu’il s’agit de voter une loi qui proroge la loi des péages pour trois ans, il est indispensable de faire rentrer la concession des canaux dans les limites établies pour les concessions de chemins de fer.
Le gouvernement ne peut concéder un chemin de fer de deux lieues, sans l’intervention de la législature. Il pourrait, sans son assentiment, concéder un canal de toute la longueur du cours de la Meuse ou de l’Escaut, et le pourrait sans aucune espèce de vote de la législature. Il faut convenir que cela serait très-sérieux, cependant cela est possible. Je pense qu’il est indispensable qu’une mesure soit prise pour les canaux, comme on l’a fait pour les chemins de fer. Il y a même plus de raison d’en agir ainsi pour les canaux, car un canal coupe les propriétés, interrompt toute communication entre les parties divisées. Il est nécessaire que tous les intérêts, toutes les localités puissent être entendues.
L’examen convenable en pareille matière est celui qui se fait dans le corps législatif. Un canal peut favoriser certains intérêts, nuire à d’autres intérêts. Dans les deux chambres tous les intérêts sont représentés, ils peuvent faire valoir leurs droits. La chambre statue en dernier ressort sur le mieux-être des propositions ; tandis qu’il peut arriver qu’un ministre soit soumis aux obsessions de quelque intérêt privé et concède de guerre lasse ou par des considérations politiques à des conditions préjudiciables au pays. Vous avez des canaux qui constituent un revenu considérable. La concession d’un canal faite sans lui, par un simple arrêté, peut priver le pays d’un million et demi de revenu. Cela est très-grave. Je ne conteste pas qu’il a fallu passer au-dessus de ces considérations, mais je crois que le moment est venu d’introduire dans la loi une disposition pour que les concessions de canaux soient votées par les chambres.
Nous avons déterminé les grandes questions d’organisation intérieure, les lois communales et provinciales, les questions internationales sont également terminées ; nous avons terminé l’organisation de l’armée. Nous n’avons plus maintenant que le courant, que peut-on faire de mieux, que de s’occuper des intérêts matériels du pays et de résoudre les questions qu’ils soulèvent ?
Il y aura urgence que la chambre décide que c’est à elle à prononcer sur les questions de concessions de canaux. Le gouvernement pourra accorder toutes les concessions de pavés. Une très-grande latitude sera accordé à cet égard au gouvernement. Il y a une grande différence entre un pavé et un canal. Un pavé relie des propriétés, des localités ; un canal les divise. C’est donc en pareille matière que l’examen des chambres est nécessaire. Si le gouvernement avait donné en concession le canal latéral à la Meuse proposé à la chambre, il aurait pu être fait sans que la législature eût pu examiner, s’il est bon ou mauvais. Je ne prétends pas ici examiner cette question, mais je dis que le canal eût été concédé sans que la chambre eût eu à voter.
Je propose donc, messieurs, que dans l’art. 1er entre les mots : « néanmoins » et « aucune ligne de chemin de fer » on intercale ceux-ci : « aucun canal » ; de manière que l’on dirait : « néanmoins aucun canal, aucune ligne de chemin de fer, etc. »
Je le répète, messieurs, il n’y a dans cette proposition aucune espèce d’hostilité contre M. le ministre des travaux publics, mais il est nécessaire que la chambre se réserve ce qu’à l’origine il était dans son intention de se réserver ; car, encore une fois, lorsqu’on a fait la loi, ces pouvoirs n’ont été donnés au gouvernement que parce que la session, qui avait été excessivement longue, touchait à sa fin et que nous avions à voter toutes les lois organiques. Aujourd’hui ces lois organiques sont votées et rien ne nous empêchera d’examiner par nous-mêmes les concessions de canaux qui pourront être demandés.
Je bornerai ici mes observations. J’ajouterai seulement qu’en France et en Angleterre les canaux ne peuvent être concédés que par une loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, l’honorable M. Dumortier a semblé croire que le gouvernement avait une faculté absolue de concéder des canaux, sans aucune garantie pour les intérêts des localités que ces canaux doivent traverser. L’honorable membre a perdu de vue qu’il existe un arrêté de 1836 qui soumet l’instruction de ces concessions comme celle des concessions de routes, à des formalités qui donnent garanties complètes à tous ces intérêts. Ainsi, une enquête est ouverte, tous les intéressés sont entendus, et avant de prendre une décision, le gouvernement a une instruction complète. A cette marche, l’honorable membre voudrait substituer la discussion publique, qui serait, j’en conviens, un autre mode d’enquête, mais qui ne donnerait pas, je pense, aux divers intérêts des garanties plus fortes que celles qui résultent de l’arrêté de 1836.
(page 1407) Je ne comprends pas, messieurs, la distinction que vient de faire l’honorable membre entre les canaux et les routes : si l’interdiction qu’il propose est bonne pour les canaux, elle doit être bonne pour les routes. Il dit qu’un canal divise les propriétés ; mais un canal, de même qu’une route, est destiné à relier entre elles diverses localités, divers centres industriels ou agricoles ; pour être logique, il faudrait donc étendre aux routes l’interdiction dont il s’agit.
Messieurs, le gouvernement possède une grande quantité de routes ; on pourrait dire aussi qu’il faut examiner si la route qu’il s’agissait de concéder ne peut faire concurrence à une route de l’Etat, et nuire ainsi aux revenus du trésor public. Au fond, la question est la même.
Mais, messieurs, le danger dont on se préoccupe n’existe pas. D’abord, je pourrais demander de quel abus l’on a eu à se plaindre depuis 1832, en ce qui concerne la concession de canaux ? Depuis 1832, trois canaux ont été concédés : le canal de l’Espierre, le canal de Jemappes à Alost et le canal de Mons à la Sambre. Ce dernier, messieurs, est le plus important de tous, et cependant, depuis un grand nombre d’années qu’il est concédé, les concessionnaires ne sont pas parvenus à trouver les capitaux nécessaires pour l’exécuter. Le canal de Jemappes à Alost se trouve, jusqu’à présent, dans la même situation : il y a, je pense, quatre ans que la concession provisoire a été accordée, mais les capitaux nécessaires ne sont pas encore réunis. Quant au canal de l’Espierre, si l’on a trouvé des capitaux suffisants pour le commencer, on n’a pas encore ceux qu’il faudrait pour l’achever.
Ainsi, jusqu’à présent, de quoi doit-on se préoccuper ? Depuis 1832, trois essais de concessions ont été faits et ils ont, au moins en partie, avorté. Le danger que l’on semble craindre n’existe pas.
L’honorable M. Dumortier a été plus loin que l’honorable M. Rogier : M. Rogier voulait seulement établir l’interdiction pour les canaux latéraux aux rivières. Eh bien, messieurs, quels sont les canaux dont la concession pourrait être demandée ? Le canal de Jemappes à Alost est concédé ; je viens de dire dans quelle situation il se trouve ; le canal de l’Escaut à la Sambre par la vallée de la Trouille ; ce canal fait concurrence à des rivières, comme le canal de Termonde, latéral à la Dendre, tandis que le canal de la Haine, qui est le plus important et dont la concession a été demandée autrefois, est latéral à la Haine. Le canal de Liége à Maestricht, qu’il s’agit de construire aux frais de l’Etat, est latéral à la Meuse. Le canal de Diest est latéral au Demer. Enfin je ne connais point de canal qui puisse être concédé qui ne soit latéral à une rivière.
L’honorable M. Dumortier a dit tout à l’heure : « S’il s’était présenté des concessionnaires pour le canal latéral à la Meuse, le gouvernement aurait pu le concéder sans que la chambre eût un mot à dire relativement à cette grande entreprise de travaux publics. » Mais, messieurs, si cette concession avait pu être accordée sans l’intervention de la chambre, c’est qu’il n’y aurait pas eu de subside à donner pour le trésor et je pense que c’eût été là une chose fort heureuse. Certainement personne n’eût à se plaindre si le gouvernement avait pu concéder le canal latéral à la Meuse sans subside du trésor et moyennant un péage modéré. C’est précisément parce qu’une semblable adjudication n’a pas été possible, que le gouvernement demande les fonds nécessaires pour exécuter lui-même cette voie de communication.
La chambre pourrait se convaincre par la lecture de l’ingénieur Vifquain que la concession d’aucun canal, si je ne me trompe, n’est possible sans que le gouvernement alloue un subside élevé ; sans cela on ne pourrait obtenir des péages modérés, qui forment la condition de l’importance commerciale de ces voies de navigation. D’après tous les calculs qui se trouvent insérés dans le grand travail de M. Vifquain, la concession d’aucun des canaux indiqués comme utiles dans ce travail, la concession d’aucun de ces canaux ne serait possible sans un subside très-élevé. Or, dès que des subsides sont exigés, l’intervention de la législature est de droit.
Je pense donc, messieurs, que les dangers que l’on a pu craindre devoir exister pour les chemins de fer, n’existent pas pour les canaux. Le passé vous répond que le gouvernement ne pourra pas abuser et n’abusera pas de la faculté que la loi sur les péages lui confère. Du reste, je le répète, le gouvernement ne peut accorder des concessions qu’en se conformant à toutes les garanties qui sont renfermées dans l’arrêté royal de 1836.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, en présence de cette espèce de fièvre de concessions, qui a envahi le pays depuis quelques temps, je vous avoue que je ne puis m’empêcher d’être plus ou moins favorable à la proposition de l’honorable M. Dumortier.
Nous ne pouvons nous dissimuler qu’une partie des ressources du trésor public se base sur le produit des canaux et des rivières.
Il me semble que laisser au gouvernement la faculté, sans contrôle de la législature, de concéder des voies navigables qui pourraient nuire au trésor, c’est lui donner un pouvoir que je ne puis lui accorder. Je me sens donc très-porté à adopter l’amendement proposé.
J’y suis d’autant plus disposé, que l’expérience nous prouve que le pouvoir n’est pas assez fort pour résister aux obsessions de l’intérêt privé.
Vous vous rappellerez, messieurs, à la suite de quelles circonstances a été intercalée, dans la loi de concessions de péages, la disposition dont on nous propose le renouvellement cette année, et qui consiste à exiger que toute concession de chemin de fer de plus de 10 kil. ne pourra être autorisée que par une loi.
Cette disposition, si ma mémoire est fidèle, a été introduite par le sénat à la suite de la concession faite, par le gouvernement, du chemin de fer de Gand à Anvers par St-Nicolas.
Le gouvernement avait posé là un acte fort grave, qui a engagé à un haut point la responsabilité de celui qui en est l’auteur.
Cet acte m’a surpris, m’a inspiré de la méfiance, et j’aurais voulu m’y opposer, mais on m’a appris que c’était un acte accompli d’une manière légale, attendu qu’aucune loi ne s’y opposait ; et force m’a été de céder devant ces considérations et de me taire.
Mais le gouvernement ne s’est pas contenté de poser cet acte si grave, puisqu’il a établit un chemin de fer exécuté en concession, qui fera concurrence à notre railway national, pour lequel nous avons fait d’immenses dépenses.
Afin de favoriser le chemin de fer, qui aboutit à la Tête-de-Flandre, le gouvernement, si mes renseignements sont exacts, a pris une nouvelle mesure, un autre acte dont je conteste la légalité.
Un péage est exigé pour traverser l’Escaut d’Anvers à la Tête-de-Flandre au profit du trésor.
Nous avons fait la dépense de bateaux à vapeur pour favoriser ce péage et le passage du public.
Eh bien, qu’a fait le gouvernement ? Il a cru pouvoir accorder à la compagnie concessionnaire du chemin de fer la remise du péage.
Cet acte me semble contraire à la Constitution, car le deuxième paragraphe de l’art 112 s’y oppose formellement ; il est ainsi conçu : Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi.
Je demanderai des explications à M. le ministre des travaux publics sur cet acte. Si le fait est réel, et j’ai lieu de le croire ainsi, il constituerait un acte qui dépasse ses pouvoirs.
Il ne lui appartient pas de porter atteinte aux revenus publics.
La loi seule peut l’autoriser à diminuer les produits du trésor. La Constitution a posé ce principe d’une manière formelle.
M. David – Messieurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les paroles de l’honorable M. Rogier. Je partage sa sollicitude pour le grand réseau des chemins de fer de l’Etat. Je ne veux pas et je serais le premier à m’opposer à ce qu’on y portât la moindre atteinte. Je n’ai jamais parlé qu’en faveur de lignes qui me paraissent propres à l’enrichir et non à l’appauvrir.
Messieurs, ceci m’amène à vous présenter quelques observations pour appeler votre attention sur une brochure qui vous a été distribuée à tous. Cette brochure, qui de premier abord exerce une grande influence sur les esprits, cherche à prouver que les chemins de fer que l’on voudrait concéder, que ces nombreuses demandes de concessions de voies ferrées qui nous arrivent aujourd’hui de toutes parts, pourraient finir par appauvrir le grand railway de l’Etat.
Messieurs, si l’on parcourt avec attention le rapport qui vous a été présenté par M. le ministre des travaux publics pour 1844, on y trouvera un tableau que je n’avais cessé de demander avec instance depuis plusieurs années et qu’on avait toujours paru vouloir me refuser ; ce tableau vous donnera le contre-poison de la brochure qui vous a été distribuée.
Veuillez, messieurs, examiner ce tableau, aux renseignements sur les voyageurs, de station en station, et station à destination. Vous y verrez ce qui s’est passé en Belgique et vous l’y verrez d’une manière tout à fait statistique, d’une manière tout à fait positive.
Voici ce que nous y trouvons : Les deux stations ouvertes à la circulation française sur le railway belge sont Mouscron et Quiévrain. Or, croiriez-vous que le proportion suivante puisse exister ; sur 60 à 70 mille voyageurs qui sont entrés par Quiévrain et Mouscron, 200 seulement ont suivi tout le parcours de station à station et sont sortis de la Belgique au point de Herbesthal.
Dès lors, messieurs, quel préjudice voulez-vous qu’une ligne latérale au chemin de fer de l’Etat puisse lui porter ? Je prétends que non seulement aucune ligne ne pourrait lui être défavorable, mais que toutes celles qui seront construites, lui seront favorables.
Considérez donc quel sera alors l’accroissement du mouvement. Ainsi le chemin de fer de Paris une fois achevé, un bien plus grand nombre de voyageurs va arriver. Et de combien sera le nombre de ceux qui sortiront alors de la Belgique ? Evidemment, il sera toujours excessivement restreint par la route de Namur ; les chiffres que je viens de vous citer le prouvent. Les voyageurs se rendent dans la capitale, ils se rendent dans les grandes villes. Ainsi, vous voyez combien sur les 70,000 voyageurs, en ont attiré la ville de Bruxelles, la ville de Gand, de Tournay, de Courtrai, de Liége, etc.
Messieurs, ce que je viens de dire, quant aux voyageurs, s’applique aussi aux grosses marchandises, et c’est ici que la chose est réellement frappante.
Ainsi il est entré par Quiévrain 2,315 tonneaux de grosses marchandises, et sur cette quantité il en est sorti, par Herbesthal 107 tonneaux. Voilà quel a été tout notre transit.
A Mouscron il est entré 469 tonneaux de grosses marchandises dont il est sorti 0.
Voilà donc que sur 2,784 tonneaux de grosses marchandises venant de France, il n’en a transité que 107 tonneaux.
Prenez les petites marchandises. Quiévrain a reçu 1,153 tonneaux ; il en a transité par Herbesthal 63. Mouscron a reçu 291 tonneaux ; il en a transité 0.
Dès lors, messieurs, comment la brochure dont je vous ai parlé pourrait-elle persuader les voyageurs qui voudront aller en ligne directe seront plus nombreux qui ceux qui s’arrêteront en Belgique ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Votre conclusion ?
M. David – Ma conclusion est qu’aucune ligne, pour ainsi dire ne (page 1408) peut être nuisible, que toutes ne peuvent être que des affluents utiles, et même celles que l’on pourrait considérer au premier abord comme désavantageuses pour le chemin de fer de l’Etat. Je ne veux du reste pas préjuger cette importante question. Je l’examinerai encore.
Ce sont des questions graves à examiner. Je ne veux pas les résoudre. Je vous soumets seulement mes idées, et vous indiquer ici un moyen de vous convaincre que la brochure que vous avez reçue s’appuie sur des arguments qui sont absolument sans fondement, qui sont hypothétiques ; et moi je cite des faits.
Messieurs, j’espère que l’honorable M. Rogier n’a pas voulu faire allusion à moi quand il a parlé d’agiotage à propos des chemins de fer. Tout l’intérêt qui me guide dans cette circonstance, c’est l’intérêt du pays, celui de faire rechercher avec soin par la chambre quel était le meilleur moyen de transport entre Liége et Maestricht, si c’est le canal ou un chemin de fer. Du reste, je veux et on nous accordera l’un ou l’autre.
C’est ce que la chambre décidera lorsque la question lui sera soumise. Je n’ai d’autre intérêt que celui-ci et il est des plus graves. Je ne crains pas de déclarer que je désire que les choses aillent au mieux, que les marchandises soient transportées au meilleur marché possible, et je crois que mes honorables collègues de Liége doivent avoir le même désir.
Je finis, messieurs, en demandant que puisqu’on s’est opposé à me laisser achever ce que j’avais à dire, la chambre m’autorise à faire insérer au Moniteur mes dernières réflexions (Oui ! Oui ! appuyé !). J’espère que la chambre voudra bien lire mon discours avec attention au Moniteur. Il s’agit d’une question vitale, qui doit être traitée prochainement et déjà je l’ai développée assez largement pour que vous puissiez avoir un pressentiment de l’opinion que vous vous formerez lorsque nous aborderons cette importante discussion.
M. Rogier (pour un fait personnel) - Messieurs, je n’ai nullement voulu faire allusion à l’honorable M. David avec lequel je suis très-souvent d’accord dans les questions des chemins de fer, et pas plus à lui qu’à tout autre membre de la chambre. J’espère que tout le monde l’a ainsi compris.
M. Meeus – Messieurs, j’ai demandé la parole pour combattre l’amendement de l’honorable M. Dumortier, ou tout au moins pour demander qu’il soit modifié.
Comme l’honorable ministre des travaux publics vous l’a dit, depuis 1832 trois concessions de canaux ont été accordées et aucune n’a pu être mise à exécution ; le motif, c’est qu’il n’y a pas eu moyen pour les concessionnaires de trouver des capitaux.
Messieurs, on comprend que pour les chemins de fer on ait fait une exception que l’on n’a pas faite pour les canaux. Le chemin de fer de l’Etat est devenu et deviendra de plus en plus une des sources principales des revenus de l’Etat.
La chambre a donc dû se préoccuper de la question de savoir jusqu’à quel point les concessions de chemins de fer pouvaient nuire à celui de l’Etat.
Elle a voulu examiner elle-même jusqu’à quel point les intérêts généraux devaient l’emporter, dans certaines circonstances, sur l’intérêt du trésor public.
Mais, messieurs, ce qui est vrai, ou ce qui peut être vrai pour les chemins de fer, ne me semble pouvoir jamais l’être pour les canaux. Ce n’est pas, messieurs, que je ne partage pas, à un certain point, l’opinion de l’honorable M. David, et je suis très-porté à croire, avec lui, qu’à très-peu d’exceptions près, les concessions de chemins de fer, bien loin de nuire au railway de l’Etat, seront presque toujours des affluents utiles, des affluents qui viendront augmenter les revenus du trésor.
Mais pour les canaux, messieurs, il ne peut jamais y avoir, quant au trésor, qu’un intérêt très-secondaire. Admettre, messieurs, que le gouvernement pourrait concéder un canal qui viendrait déplacer les intérêts généraux du pays, de manière à favoriser une partie de la population au détriment d’une autre ; mais c’est supposer que le gouvernement irait trahir son mandat ; et quelque défiance qu’on puisse avoir, on ne peut pas la porter jusque-là. D’ailleurs, messieurs, si un homme d’Etat pouvait jamais commettre une telle extravagance, l’opinion publique viendrait redresser le gouvernement dans sa marche.
Mais encore une fois, je me demande quand une semblable combinaison pourrait arriver. Quant à moi, messieurs, je jette les yeux sur la carte de la Belgique, je vois que partout où l’on peut faire des canaux en Belgique, il est à désirer qu’on le fasse, et chaque fois qu’on en construira on fera une chose éminemment utile au pays.
Maintenant, messieurs, si vous allez, en adoptant l’amendement de l’honorable M. Dumortier, arrêter le gouvernement dans la marche qu’il pourra peut-être suivre d’ici à quelque temps pour les concessions de canaux, vous laisserez échapper des circonstances qui peuvent être très-favorables.
On vous l’a dit, messieurs, et on vous l’a dit avec raison, c’est un moment extraordinaire, que celui dans lequel nous nous trouvons. La conversion de la dette anglaise, l’abondance des capitaux en Angleterre, font que les capitalistes de ce pays se trouvent heureux de pouvoir venir sur le continent placer leurs fonds en chemins de fer, et tout à l’heure peut-être en canaux, dussent-ils ne retirer que 4, 5 et 6 p.c., tandis que les nationaux ne veulent placer leurs capitaux dans de semblables entreprises qu’avec la perspective d’avoir 7, 8, 9 et 10 p.c.
D’ailleurs, messieurs, il faut bien le dire, même sans le besoin d’avoir un intérêt plus fort de nos capitaux, nous n’avons pas cette patience dans les entreprises que les Anglais possèdent à un grand degré.
Nous avons fait des entreprises en Belgique, et nous en avons même fait sur le territoire français. Je vous citerai la Sambre canalisée ; elle a été faite en grande partie à l’aide de capitaux belges ; ainsi que le canal de jonction de la Sambre à l’Oise. Eh bien ! qu’est-il arrivé ? Les capitaux belges ont dû patienter, par exemple, pour le canal de la Sambre canalisée qui, aujourd’hui, est en pleine prospérité ; ils ont dû patienter 3 années sans avoir d’intérêt ; la quatrième année ils ont eu 1 p.c., la cinquième ils ont eu 2 p.c., la sixième ils ont touché 5 p.c. Eh bien, les capitalistes belges n’aiment pas cela ; on a beau leur dire aujourd’hui : « Vous aurez 10 p.c. dans quelques années » ils ne veulent pas attendre. Les Anglais, au contraire, habitués à ces sortes d’opérations, ne craignent point le temps ; pourvu qu’une affaire leur semble productive dans un avenir, ils savent se passer des intérêts de leurs capitaux. Nous n’en sommes pas là.
Aujourd’hui que les capitalistes anglais viennent déverser leur capitaux en Belgique pour des travaux éminemment utiles au pays, pour des chemins de fer, ne pouvons-nous espérer que tout à l’heure ils examineront la question des canaux, qui, à leur tour, je ne crains pas de le dire, offrent aux capitalistes anglais des avantages qu’ils ne présentent pas pour nous, parce que, encore une fois, les Anglais ne demandent ni à jouir aussi promptement que nous voulons le faire, ni à toucher des intérêts aussi élevés.
Maintenant, messieurs, que certain engouement existe, et que nous sommes à la veille de nous séparer, allez-vous lier les mains au gouvernement ? Et s’il se présente des capitalistes (que n’ont pu trouver, depuis 1832, les concessionnaires des 3 canaux qui nous ont été cités), s’il se présente des capitalistes anglais pour entreprendre la construction d’un canal utile au pays ; le gouvernement devra-t-il leur dire : « A l’année prochaine ». Mais, messieurs, en affaires il faut profiter des circonstances favorables : les circonstances favorables naissent aujourd’hui, subsistent quelquefois un jour et n’existent plus deux jours après.
Pour ma part donc, messieurs, je ne pourrai souscrire à l’amendement de l’honorable M. Dumortier ; ou, du moins, je ne pourrai y souscrire qu’à une condition, c’est qu’au moins le gouvernement ne dût recourir à la législature que quand la législature est réunie. Je ne voudrais pas qu’en l’absence de la législature, le gouvernement dût laisser échapper l’occasion favorable au pays, et cela pourquoi ? Parce que, par une défiance excessive, vous iriez croire que le gouvernement ne saura pas apprécier des questions que tout le monde peut apprécier.
Messieurs, puisque j’ai la parole, je dois, avant de terminer, dire quelques mots sur les expressions d’ « agiotage » dont on s’est servi par rapport aux capitalistes anglais. Messieurs, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’agiotage, ni même qu’il y en ait dans les faits qui nous sont signalés par rapport aux entreprises de chemins de fer en Belgique. Les compagnies anglaises sont très-sérieuses de leur nature. Elles le sont d’abord parce que ce ne sont pas des sociétés anonymes. Remarquez bien qu’en Angleterre les sociétés se composent en général de telle manière que les associés restent responsables les uns vis-à-vis des autres. Aussi lorsqu’une vente d’actions a lieu, on n’admet l’acheteur qu’à une condition, c’est qu’il présente assez de garanties pour remplacer convenablement le vendeur.
Aussi, je ne crains pas de le dire, je connais la formation de quelques-unes de ces compagnies et elles présentent toutes les garanties que l’on peut désirer. Ce n’est pas que quand le gouvernement a demandé un cautionnement d’un million, il n’ait parfaitement bien fait ; il aurait demandé deux millions qu’on les eût versés. Certes, messieurs, ces compagnies exécuteront ce qu’elles ont entrepris ; elles sont constituées de telle manière qu’il ne peut en être autrement, à moins de supposer de ces catastrophes terribles qui ne sont pas à prévoir.
Je me résume, messieurs, je ne crois pas qu’il serait utile aux intérêts du pays de priver le gouvernement du droit de concéder ces canaux. Comme on l’a dit, il y a une différence immense entre la position de la législature vis-à-vis de la concession des canaux et vis-à-vis de la concession des chemins de fer. Le pays exploitant par lui-même un vaste réseau de chemin de fer, nous ne pouvons pas laisser toucher à une des sources du trésor public, sans avoir examiné jusqu’à quel point la satisfaction donnée aux intérêts généraux peut compenser le détriment que pourrait éprouver le chemin de fer de l’Etat par suite d’une concession ; car je le répète, bien que je suis d’accord avec l’honorable M. David sur l’utilité des concessions en général, il est cependant des concessions qui pourraient être extrêmement nuisibles au chemin de fer de l’Etat. Par exemple, un chemin de fer de Bruxelles à Louvain, s’il était concédé, ferait nécessairement un grand tort au railway national. Il ne peut en être ainsi des canaux. Je déclare donc que je ne voterai pas l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Je pourrais le voter tout au plus à la condition que le gouvernement n’eût point les mains liées en l’absence des chambres.
M. Dubus (aîné) – Je viens appuyer l’amendement de mon honorable ami. Je le crois tout à fait dans l’esprit de la loi qu’il s’agit de proroger. A la vérité, cette loi n’a réservé que la canalisation des rivières, mais il a été fait à cet égard une observation, c’est qu’un canal latéral à une rivière doit être mis sur la même ligne que la canalisation de cette rivière elle-même ; le résultat est le même, c’est toujours l’aliénation, au profit de particuliers, d’une voie navigable appartenant à l’Etat. Il est évident qu’un canal latéral à une rivière navigable annule tout à fait cette rivière. Or, une voie navigable de l’Etat est une partie trop importante du domaine public pour que l’aliénation puisse en avoir lieu autrement que par une loi.
Il en est de même, messieurs, de toute autre canal ; la concession d’un canal (page 1409) quelconque est aussi une aliénation d’une partie du domaine public, aliénation d’une importance extrême, et dès lors, en principe, il n’appartient qu’à la loi d’opérer une pareille aliénation. Pour que le droit de la faire fût abandonné au gouvernement, il faudrait les motifs les plus puissants, et ces motifs on ne les a pas exposés. Je suis à les attendre.
On nous dit, messieurs, que la loi actuelle n’a pas présenté d’inconvénient, et l’on nous a fait remarquer que, depuis qu’elle existe, deux concessions de canaux seulement ont été accordées. Mais les concessions de canaux sont si rares, qu’il n’y en a eu que deux en quatorze années, cela ne prouve-t-il pas qu’il n’y a aucune nécessité d’attribuer au gouvernement le droit d’accorder des concessions, cela ne prouve-t-il pas qu’il n’y a pas le moindre inconvénient à exiger le concours de la législature ? non-seulement cela ne présente pas d’inconvénients, mais, dans ma conviction intime, cela présente de très-grands avantages, et sur ce point, je m’appuierai d’un exemple qui a été cité. On a parlé du canal de l’Espierre. Je me souviens d’un peu d’histoire du canal de l’Espierre ; je me souviens que le gouvernement avait à choisir entre deux voies navigables pour mettre en communication l’Escaut et la Lys, et pour donner un moyen d’écoulement aux marchandises du Hainaut vers la West-Flandre ; deux voies se présentaient ; l’une était entièrement belge, l’autre empruntait en très-grande partie un territoire étranger ; eh bien, c’est l’étranger que le gouvernement a favorisé en accordant la concession du canal de l’Espierre, et en accordant cette concession, il a rendu impossible l’exécution du canal de Bossuyt à Courtray. Voilà ce qui est constant.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est ce que je n’admets pas.
M. Dubus (aîné) – C’est un fait.
Cela fait voir, messieurs, quel usage le gouvernement a fait de ce pouvoir extraordinaire qu’il demande à la législature, pour un cas qui se présentera deux fois en 14 années.
Comment les choses se sont-elles passées, messieurs ? A la veille de l’ouverture de la session, alors qu’on savait que la chambre serait saisie de la question afin de lui présenter un fait accompli, afin d’empêcher que la discussion ne pût avoir une influence quelconque sur la décision du gouvernement, la veille de l’ouverture de la session, le gouvernement a concédé le canal de l’Espierre, et quand la session était ouverte on est venu dire : C’est un fait accompli.
Voilà l’usage que l’on a fait du pouvoir dont on demande aujourd’hui la continuation. Il est certain que si un pareil pouvoir n’avait pas été attribué au gouvernement, le canal de l’Espierre n’aurait pas été concédé, que c’est le canal de Bossuyt à Courtray qui eût la préférence et que nous posséderions cette voie navigable infiniment précieuse au pays et notamment à la Flandre et au Hainaut.
Les canaux, messieurs, sont d’une importance aussi grande que les chemins de fer. Sous le point de vue de l’importance des concessions, il y a tout à fait les mêmes motifs pour réserver au pouvoir législatif la concession des canaux que pour lui réserver la concession des chemins de fer.
Mais, dit-on, votre argumentation irait jusqu’à cette conséquence qu’il faudrait aussi réserver au pouvoir législatif la concession des routes. Je ferai observer, messieurs, que le vice de ce raisonnement, c’est de conclure du moins au plus ; les routes n’ont certainement pas une importance comparable, il s’en faut de beaucoup, à l’importance des canaux et des chemins de fer, et c’est précisément parce que d’une part ce sont des concessions d’une importance beaucoup moindre, d’une importance quelquefois minime, et d’autre part, parce que ces sortes de concessions sont extrêmement nombreuses, c’est pour ce double motif qu’on les a attribuées au pouvoir exécutif, mais ni l’un ni l’autre de ces motifs ne permet d’attribuer au pouvoir exécutif la concession des canaux.
On a dit qu’un embranchement de chemin de fer peut nuire considérablement au chemin de fer de l’Etat. Mais une concession de canal peut nuire aussi au pays, peut porter un préjudice considérable à des provinces entières ; une concession de canal peut empêcher l’exécution d’un autre canal, peut rendre une voie navigable, appartenant à l’Etat, presque complètement inutile. Vous voyez donc qu’il y a des motifs d’intérêt public extrêmement puissants pour réserver au pouvoir législatif de semblables concessions.
Je me bornerai à ce peu d’observations ; j’appuie de toutes mes forces l’amendement qui vous a été présenté.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je demande pardon à l’honorable membre de l’avoir interrompu ; mais je n’admets pas que lorsqu’il s’est agi du canal de l’Espierre, le gouvernement a eu à choisir entre la construction du canal de l’Espierre et la construction du canal de Bossuyt à Courtray : ces deux canaux avaient des destinations différentes, ils n’avaient pas le même but ; c’est ce qui a été démontré à l’évidence dans la discussion qui a eu lieu quelques temps après dans cette assemblée.
J’ajouterai que je suis convaincu que si on avait porté directement devant la chambre la question de la concession du canal de l’Espierre, cette concession aurait été autorisée par la chambre.
M. Dumortier – Non, non.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – J’en suis convaincu, à la suite des études qui avaient été faites et des explications qui ont été données. Je suis convaincu, en outre, que si la construction du canal de Bossuyt avait été concédée, la chambre aurait posé un acte inutile ; ce canal ne se serait pas fait. (Interruption.) Ce n’est pas le canal de l’Espierre qui l’a rendu impossible ; les deux canaux ont des destinations différentes, cela a été démontré à l’évidence.
Du reste, je prends uniquement la parole pour dire que je persiste dans l’opinion que j’ai défendue alors, et que depuis il n’est survenu aucune circonstance qui ait fait naître chez moi le moindre repentir. Je ne veux pas, au surplus, donner occasion de rentrer dans le fond même de la discussion.
M. Rogier – La réponse de M. le ministre ne m’a pas satisfait. Il donne évidemment à la loi une portée qu’elle n’a pas. Mais, après ce qui a été dit par d’honorables préopinants, et autre autres par l’honorable M. Dubus, M. le ministre reconnaîtra, sans doute, que son opinion ne peut rester debout. Je crois même que, pour épargner les moments de la chambre, et pour s’épargner à lui-même une lutte inutile, M. le ministre ferait mieux de se rallier tout d’un coup à l’amendement de l’honorable M. Dumortier, que de chercher à le combattre. Il est évident qu’aujourd’hui le combat serait vain et l’amendement passera.
Ces débats soulèvent, messieurs, beaucoup de questions ; je me bornerai à quelques observations générales. Les réflexions plus étendues que je me propose de soumettre à l’attention de l’assemblée, viendront en leur temps ; lorsque nous aborderons la discussion des divers projets de loi sur les concessions de chemin de fer.
Quant à présent, je dirai, sans être l’adversaire absolu des concessions, que, dans mon opinion, la chambre et le gouvernement ne doivent marcher dans cette voie qu’avec un grande réserve, avec une extrême prudence.
En ce qui concerne particulièrement les canaux, si l’on vous faisait l’histoire de la canalisation, par voie de concession, en Belgique, vous serez effrayés de tous les inconvénients et de toutes les charges qui en sont résultées pour l’Etat. Qui dit : concession de travaux publics, en Belgique, dit : procès de transaction onéreuse ou rachat. Faut-il vous faire l’énumération des canaux concédés ?
Canal de la Sambre, procès et longs procès, suivi d’une transaction.
Canal de Charleroy, procès ou menace de procès, suivi d’une transaction.
Canal de Pommeroeul à Antoing, racheté par le gouvernement, avec un million de florins de bénéfice pour les concessionnaires.
Vous rappellerai-je encore le canal de Meuse et de Moselle, cette malheureuse concession qui pèse encore aujourd’hui d’un poids si lourd sur le pays, et qui suspend en partie la navigation de l’Ourthe entre la province de Liége et celle de Luxembourg ? N’est-ce pas à l’occasion de cette même concession, que l’Etat soutient depuis près de 15 ans un procès dont il ne peut sortir, et qu’on voit l’intérêt particulier tenir enchaîné l’intérêt général ?
Voilà des faits sur lesquels il est utile de fixer l’attention de la chambre ; j’espère qu’elle sentira la nécessité de ne pas livrer, sans un examen approfondi, le pays presque tout entier aux intérêts particuliers, et qu’elle réfléchira mûrement avant de le couvrir d’un réseau dont l’Etat ne pourrait peut-être sortir sans les plus grands sacrifices, sans les plus grands inconvénients.
On s’est élevé contre le système de l’intervention de l’Etat dans l’exécution des travaux publics ; à mon tour, j’ai dû signaler les dangers qui s’attachent aux concessions légèrement livrées à l’intérêt particulier.
Je ne dis pas que les faits que j’ai cités doivent faire renoncer à tout système de concessions ; mais, au milieu de cette agitation de capitaux, de cet engouement, de cet agiotage, je répète le mot, ils doivent nous engager à apporter de nouvelles restrictions aux facilités qu’avait le gouvernement de concéder des canaux.
J’appuierai donc l’amendement de l’honorable M. Dumortier. M. le ministre des travaux publics n’a pas réussi à le combattre ; les raisons mêmes qu’il a fait valoir contre l’amendement plaide en sa faveur. En effet, M. le ministre est venu vous dire qu’il ne ferait pas de concession de canal sans subside de l’Etat, et que dès lors le gouvernement serait obligé de déférer la question aux chambres.
Mais, si M. le ministre est pénétré de cette idée, qu’un canal ne peut être concédé en Belgique sans subside de l’Etat, quel inconvénient peut-il y avoir dès lors à présenter, en même temps que la demande de subside, la demande de concession ?
Mais l’honorable M. Meeus a une grande frayeur ; il craint qu’en l’absence des chambres, des capitaux ne viennent se présenter en foule dans le pays, et que la décision ne soit tellement urgente qu’il faille obtenir une concession à tel jour, à telle heure, sans étude aucune probablement. Dès lors, voyez le malheur pour le pays ! nous serions peut-être privés d’un grand travail !
Je dirai à l’honorable M. Meeus que des demandeurs en concession qui seraient si pressés, ne doivent cependant pas être plus pressés que le pays, que la représentation nationale ; et que bien certainement ils se donneront bien le temps d’attendre, sur la promesse du gouvernement, que la représentation nationale ait examiné si dans l’occurrence, les intérêts généraux sont bien d’accord avec les intérêts particuliers. Je ne vois pas que les demandeurs de concessions soient si difficiles, si pressés : avec quel patience persévérante n’ont-ils pas attendu la concession du chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ?
A propos de ce chemin de fer, j’ai parlé d’agiotage. Je tiens à justifier mon dire. Que se passe-t-il en ce moment en Angleterre ? On n’a pas encore donné le premier coup de pioche pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Eh bien, mardi dernier 14 avril, le cours de la bourse de Londres portait pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse : payé 2 £, vendu 8 £ ¾. (J’extrais ce renseignement du journal anglais que la chambre reçoit.) Si ce n’est pas de l’agiotage, je ne sais pas ce qu’il faut appeler agiotage. (Interruption.)
Il y a eu pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse un premier (page 1410) versement de 2 £, et ce versement vaut aujourd’hui sur le marché de Londres 8 £ ¾.
Les circonstances ne nous font-elles pas dès lors un devoir d’arrêter le gouvernement sur la pente des concessions trop faibles où il pourrait être entraîné ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, au début de cette discussion, l’honorable M. Rogier m’a demandé quel sens j’attachais à l’un des articles de la loi du 19 juillet 1832 ; c’était une question d’interprétation.
J’ai dit à l’honorable membre que le gouvernement avait toujours interprété la loi de cette manière, que la restriction apportée à la loi de 1832, relativement à la canalisation des rivières, ne concerne pas les canaux.
Messieurs, je n’attache pas au fond une très-grande importance à l’interprétation que la chambre paraît vouloir donner à la loi ; je l’ai dit tout à l’heure : en Belgique, les canaux en projet ne peuvent être exécutés, selon moi, que par le concours direct de l’Etat, ou à l’aide de subsides élevés.
Je ne connais qu’un canal qui puisse se passer de subsides de l’Etat avec chances de bénéfices pour l’entreprise, c’est le canal de Jemeppe au bas Escaut ; et ce canal est concédé. Aussi, messieurs, en général, j’attache assez peu d’importance à la question qui s’agite en ce moment, parce que ou l’Etat exécutera lui-même ou bien il interviendra à l’aide de subventions ; il devra donc presque toujours recourir à la législature.
Messieurs, la raison pour laquelle j’ai insisté tout à l’heure pour conserver l’autorisation que, selon moi, la loi de 1832 confère au gouvernement c’est précisément les circonstances au milieu desquelles nous sommes placés.
J’envisage ces circonstances à un autre point de vue que l’honorable M. Rogier. Il est possible que cette affluence de capitaux qui existe en Angleterre et paraissent concerner uniquement les entreprises des chemins de fer, se dirigent aussi vers les entreprises de canalisation.
Bien loin de craindre cet élan, je désirerai qu’il eût lieu. Or, nous sommes à la veille de la clôture de la session, et si, à cause des circonstances extraordinaires où nous nous trouvons, il arrivait qu’une société de capitalistes se formât et demandât la concession d’un de ces canaux qui tous sont d’une haute utilité publique, ne serait-il pas regrettable que, dans l’intervalle de deux sessions, le gouvernement, ayant les mains liées, ne pût pas accorder cette concession ? Cette société pourrait ne pas pouvoir laisser ses capitaux réunis jusqu’à l’ouverture de la session prochaine, et dans l’impossibilité de leur donner la destination projetée, elle devrait en chercher une autre.
En général, je le répète, j’attache assez peu d’importance à la question soulevée, parce que presque toujours la législature interviendra pour les concessions de canaux. Mais l’argument sur lequel je m’appuie pour désirer que la loi ne soit pas changée, est précisément ce sur quoi s’appuie M. Rogier pour me combattre, ce sont les circonstances exceptionnelles où nous sommes placés. La chambre verra s’il ne serait pas imprudent de lier les mains au gouvernement au moins pendant l’intervalle des sessions.
Cette question a déjà été agitée, si j’ai bonne mémoire ; l’honorable M. Dumortier a été l’auteur de l’amendement inséré dans la loi sur les péages ; il a soutenu qu’il y avait attaché le sens que lui donne l’honorable M. Rogier, c’est-à-dire l’interdiction de travaux de canalisation. Le gouvernement avait interprété la loi d’une manière plus large ; la chambre verra si elle restreindra cette interprétation.
M. de Haerne – Je viens aussi appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Dumortier. Mais, d’après ce que M. le ministre des travaux publics vient de vous dire, je ne sais s’il sera nécessaire d’insister, car il n’y paraît pas tout à fait hostile. Cependant il craint qu’il ne soit dangereux de lier les mains du gouvernement dans les circonstances actuelles, à cause des capitaux qui affluent de l’étranger. Je crois aussi qu’il faut profiter de la circonstance, attirer autant que possible les capitaux étrangers dans notre patrie, pour donner un plus grand élan à l’industrie et au commerce ; mais je partage la crainte manifestée par l’honorable M. Rogier, quant à l’agiotage.
Il est vrai que cet agiotage, d’après les précautions prises par le gouvernement, ne paraît pas devoir être dangereux pour les indigènes ; mais s’il allait trop loin à l’étranger, il pourrait en résulter un effet fâcheux pour le pays sous le rapport politique, il pourrait nuire à sa considération et à la considération de son gouvernement. De cette observation, je ne conclus pas qu’il faille s’opposer au mouvement des capitaux qui affluent chez nous, mais qu’il faut être prudent. Sous ce rapport il n’y a pas d’inconvénient, et il y a utilité à adopter l’amendement de M. Dumortier. Il me semble qu’il y a parité entre les canaux et les chemins de fer. Si, par des chemins de fer plus ou moins latéraux, on peut porter préjudice à ceux de l’Etat, on peut nuire aux voies navigables de l’Etat par des canaux plus ou moins latéraux.
Je pense que si l’amendement de M. Dumortier avait été une disposition légale, depuis longtemps bien des fautes auraient été évitées.
Je dois dire un mot de l’observation présentée par l’honorable M. Dumortier, quant au canal de l’Espierre et à celui de Bossuyt. Je suis persuadé que si cette concession avait été portée devant la chambre, elle n’y aurait jamais donné les mains ; jamais elle n’aurait consenti à ce qu’on sacrifiât l’intérêt du pays à l’intérêt de l’étranger.
C’est là le résultat de la concession du canal. Je n’irai pas jusqu’à dire que la construction du canal de Bossuyt est devenue tout à fait impossible par suite de la construction du canal de l’Espierre ; je me réfère sur ce point à une réponse de M. le ministre des travaux publics à une interpellation que j’avais pris la liberté de lui adresser. Il m’a dit que le canal de Bossuyt n’était pas impossible, mais que, par suite de la construction du chemin de fer, la question était devenue plus compliquée, qu’il fallait l’envisager dans son ensemble, la combiner avec les projets de chemin de fer dont la concession était demandée.
Pour moi, je ne considère pas le canal de Bossuyt comme impossible, mais je soutiens qu’il est devenu plus difficile qu’il ne l’eût été si la concession du canal de l’Espierre n’avait pas été faite à la France.
M. le ministre de l'intérieur vient de dire qu’il y avait une grande différence entre les deux destinations de ces voies de communication. J’admets cette différence jusqu’à un certain point. Oui, le canal de Bossuyt à Courtray avait partiellement une autre destination que le canal de l’Espierre. Sa destination principale était de joindre directement l’Escaut à la Lys, et de porter à la Flandre occidentale les matières premières du Hainaut. C’était une destination partielle, et les concessionnaires qui s’étaient présentés pour la construction du canal de Bossuyt ne comptaient pas seulement sur cette destination ; ils avaient porté leurs vues plus loin, ils y rattachaient la navigation vers la France, ce qui est devenu impossible par la construction du canal de l’Espierre ; et c’est en comptant sur ces deux avantages qu’ils avaient fait leur demande. Voilà comment il faudrait présenter la question. Je dis donc que la faute n’aurait pas été commise, qu’on n’aurait pas concédé le canal de l’Espierre, si la disposition proposée par M. Dumortier avait existé. Mais je ne vois pas si loin que lui, je ne dis pas que le canal de Bossuyt est devenu impossible, mais plus difficile. Par ces motifs, j’adhère à l’amendement de M. Dumortier.
M. Meeus – Comme l’honorable M. de Haerne, je pense que le canal de Bossuyt à Courtray n’est nullement impossible. Si je suis bien informé, je crois même que dans ce moment on s’en occupe ; c’est-à-dire qu’on m’a assuré qu’il y a des capitalistes qui s’occupent de cette voie de communication. Eh bien, si d’ici à la session prochaine une société de capitalistes venait se présenter pour faire le canal de Bossuyt, et qu’elle ne voulût pas attendre jusqu’à votre prochaine réunion, ou que des événements majeurs vinssent compromettre le crédit qui peut exister aujourd’hui pour ces sortes d’entreprises, je demande si les partisans du canal de Bossuyt à Courtray seraient charmés d’avoir lié les mains au gouvernement.
Je trouve qu’on porte la défiance trop loin.
J’ai demandé la parole pour répondre à l’honorable M. Rogier qui a dit que les actions d’Entre-Sambre-et-Meuse, sur lesquelles il n’avait été versé que deux livres, se vendaient à la bourse de Londres 8 livres 1/3 et qui a ajouté : Si ce n’est pas là de l’agiotage, je ne sais plus ce que c’est que de l’agiotage.
L’honorable M. Rogier dit qu’il ne sait pas ce que c’est que l’agiotage ; alors il est possible que nous finissions par tomber d’accord.
Ce n’est pas de l’agiotage que l’appréciation d’une valeur quelconque, alors que l’on n’a pas acheté pour vendre, mais pour placer des capitaux. Qu’il y ait 20 ou 30 p.c. de plus value sur ce que j’ai acheté la veille, c’est ce qui se rencontre chaque jour, même en fond de terre. J’ai connu plus d’un propriétaire qui, ayant acheté une propriété, ne l’aurait pas cédée le lendemain à 20 p.c. de bénéfice.
Que s’est-il passé, messieurs, pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse ? Il faut tenir compte des circonstances. Le chemin de fer a été entrepris, ou plutôt la concession a été demandée dans un moment où l’industrie métallurgique était dans les conditions les plus déplorables. Depuis six semaines (car tout cela est récent), on allume de nouveau les hauts fourneaux dans le bassin de Charleroi. La compagnie envoie sur les lieux l’ingénieur anglais le plus recommandable, M. Stephenson ; on lui demande un travail sur l’entreprise. Est-il étonnant que ce chemin de fer soit apprécié, dans les conditions actuelles, valoir 55 pour cent de plus qu’on ne croyait qu’il valait il y a deux mois ?
D’ailleurs, messieurs, je vous l’ai dit, les capitalistes anglais qui ont obtenu la concession de ce chemin sont engagés en nom et répondent les uns des autres. Si donc les deux livres qu’on a versées se payent 8 livres, il y a à la vérité 6 livres de prime ; mais ces six livres de prime ne portent pas sur 2 livres, elles portent sur 20 livres.
M. Verhaegen – C’est déjà beau.
M. Meeus – Je ne dis pas que ce n’est pas beau. Je reconnais avec l’honorable M. Verhaegen que c’est très-beau. Mais, messieurs, nous avons vu souvent des faits semblables. Un gouvernement fait un emprunt (et nous avons eu ces exemples en Belgique) ; le premier versement n’est que de 10 ou 15 p.c., le crédit public s’élève cependant et avant un second versement on peut obtenir un bénéfice considérable. Cela s’est vu en maintes occasions, qu’y a-t-il en cela de blâmable ?
Ce sont là les conditions ordinaires des affaires, et je ne saurais pas appeler cela agiotage. Ce que j’appelle agiotage, c’est le trafic que font ceux qui, indifférents aux entreprises que représentent les actions émises sur des différences de bourse, et jouent à la hausse ou à la baisse souvent même sur des éventualités d’entreprises.
Mais encore une fois les capitalistes qui se présentent pour obtenir les concessions de chemins de fer en Belgique, ne sont pas dans cette position. Dans toutes les sociétés qu’ils ont formées, la responsabilité personnelle est en jeu et la plupart des actions qui se vendent, se vendent entre personnes qui se lient personnellement au succès de l’entreprise, les actions n’étant pas au porteur. Ce ne sont donc pas des affaires qui se font avec légèreté. J’appelle volontiers agiotage ce qui se fait à Paris où l’on ne craint pas de spéculer sur des chemins de fer qui ne sont pas concédés, pour lesquels il se forme cinq ou six compagnies qui vendent chacune leur actions.
(page 1411) M. Rogier – On spécule aussi en Angleterre sur des actions de chemins de fer qui ne sont pas encore concédées.
M. Meeus – Je ne dis pas le contraire. Mais il n’en est pas de même pour le chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse. Pour celui-ci on ne peut admettre la qualification d’agiotage, parce que c’est une affaire certaine et pour laquelle des intérêts personnels sont engagés.
J’insiste sur ce point, messieurs ; après tout, je crois que nous n’avons pas à nous occuper de la question de savoir si l’on se livre ou non à l’agiotage en Angleterre ; cette question regarde le gouvernement anglais. Mais je ne sais pourquoi nous irions jeter à la tête de capitalistes honorables, dont plusieurs sont connus en Belgique, des mots qui blessent toujours. Je dis que ces personnes ont fait des affaires sérieuses, et il ne peut leur être agréable d’entendre constamment ce mot d’agiotage. Je dirai même que, dans l’intérêt des travaux publics en Belgique, il faut être un peu plus circonspect.
M. Dumortier – Messieurs, j’avais demandé la parole, lorsque j’ai entendu M. le ministre des travaux publics donner une explication interprétative du deuxième paragraphe de l’art. 1er de la loi de juillet 1832. Ayant été moi-même l’auteur de l’amendement qui a été inséré dans la loi, je crois pouvoir dire que jamais je n’ai entendu, ni pu entendre le texte de la manière dont le gouvernement paraît avoir voulu l’entendre.
Lorsque j’ai présenté mon amendement à la chambre, en 1832, j’ai surtout fait valoir l’importance des rivières navigables, l’intérêt qui s’y rattache, ainsi qu’aux prairies avoisinantes ; j’ai fait remarquer qu’il était nécessaire de réserver à la législature tout ce qui tenait au régime des rivières navigables, tout ce qui tenait à la détérioration des immenses prairies avoisinantes qui forment une des plus belles sources de la richesse publique et du domaine privé.
Dès lors, messieurs, il a été entendu que des réserves qui étaient faites par la loi pour la canalisation des rivières, devaient aussi nécessairement d’appliquer aux canaux latéraux. Car ces canaux latéraux empruntent à chaque instant sur les rivières elles-mêmes ; elles viennent emprunter les tournants de ces rivières et détruire les voies navigables qui faisaient partie du domaine public.
Voilà, messieurs, dans quel sens la loi aurait dû être entendue, et si elle ne l’a pas été ainsi, je dois le regretter. Je puis dire que cette interprétation est parfaitement exacte. Qu’on recoure au Moniteur, qu’on prenne l’avis de toutes les personnes qui étaient présentes à la discussion, et on aura la preuve que jamais mon amendement n’a été présenté à un autre point de vue que celui que je viens d’indiquer.
Messieurs, on dit que si l’amendement que je viens d’avoir l’honneur de présenter était admis, le gouvernement, dans l’intervalle des sessions, ne pourrait pas accorder certaines concessions qui seraient demandées. Messieurs, je répondrai à cela, que toutes les formalités prescrites par la loi pour les concessions à accorder par le gouvernement sont telles que ce n’est pas en quinze jours ou en trois semaines qu’elles peuvent être remplies, et que, dès lors, le gouvernement aura toujours le loisir de recourir à l’intervention de la législature.
Du reste, vous avez un exemple bien frappant de l’inconvénient de l’état actuel des choses ; c’est celui que vous a cité mon honorable ami. Vous aviez en présence le canal de l’Espierre, qui devait mener la navigation du Hainaut vers la Flandre occidentale par la France, et le canal de Bossuyt, qui devait mener cette navigation par votre propre territoire, qui était un canal éminemment national, et qui, de plus, devait être une ligne de défense militaire pour la Belgique. Tout militait donc pour la construction de ce dernier canal. Aussi le roi Guillaume, qui, à travers beaucoup de torts envers la Belgique, en comprenait cependant quelque peu les intérêts matériels, n’avait jamais voulu accorder la concession du canal de l’Espierre, et avait toujours poussé à la construction du canal de Bossuyt, qui mettait les houillères du Hainaut en rapport direct avec la Flandre orientale, tout en étant une ligne de défense militaire.
Cependant, messieurs, qu’est-il arrivé ? Malgré toute l’opposition des provinces, l’honorable M. Nothomb, se trouvant à la tête du département des travaux publics, est venu concéder ce canal, et, comme on vous l’a dit, il l’a concédé à la veille de l’ouverture de la session. Et cela pourquoi ? Parce qu’on savait parfaitement bien que si la question eût été entière, la chambre n’aurait jamais consenti à la construction du canal de l’Espierre, et aurait exigé impérieusement la construction du canal de Bossuyt, ligne éminemment nationale, et qui offrait tous les avantages qu’un canal peut présenter.
Mais, vous dit-on, la construction du canal de l’Espierre n’empêchera pas celle du canal de Bossuyt. Messieurs, le contraire a été démontré à la dernière évidence dans la discussion, et les faits sont venus prouver ce qui en était. Une concession était demandé pour le canal de Bossuyt ; eh bien, du jour où la construction du canal de l’Espierre a été décidée, les concessionnaires, voyant que l’intérêt privé parlait plus que la voix des ministres, se sont retirés.
C’est en présence de pareils faits, messieurs, que je dis qu’il est de toute nécessité qu’à l’avenir les constructions de canaux qui ont plus de deux lieues, c’est-à-dire qui se trouvent dans des conditions analogues à celles dans lesquelles la législature a réservé le vote pour la loi pour les chemins de fer, soient décrétées par les chambres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, je ne sais s’il entre dans les intentions de renouveler la discussion sur le canal de l’Espierre. S’il en était ainsi, je démontrerais que l’honorable membre se trompe complètement dans ses appréciations.
M. le président – la chambre n’est plus en nombre.
M. Smits (au nom de la commission permanente d’industrie.) – Messieurs, une omission involontaire, suite d’une très-longue discussion sur le système des droits différentiels, a été signalée dans la loi du 21 juillet 1844, et a fait immédiatement l’objet des délibérations de votre commission permanente d’industrie et de commerce dont j’ai l’honneur d’être l’organe dans ce moment.
Voici, messieurs, de quoi il s’agit :
Vous aviez décidé que les sucres introduits des ports européens par navires nationaux seraient assujettis à un droit de 2 fr. 75 c. par 100 kilog. et que ce droit serait de 4 fr. 25 c. lorsque l’importation aurait lieu par navires étrangers. En même temps, il fut résolu que les sucres venant directement des lieux de production seraient favorisés, mais que, lorsque leur importation aurait lieu par navires étrangers faisant relâche dans la Manche, ils subiraient le régime du haut droit, celui de 4 fr. 25 c. par 100 kilog.
Ces deux dispositions étaient hautement rationnelles dans le sens de la loi, et répondaient au but qu’on se proposait d’atteindre.
Mais, plus tard, vous vous le rappellerez, messieurs, on est revenu sur la question relative aux importations des ports européens : on a dit alors que les relatons directes qu’il s’agissait de créer avec les pays transatlantiques et les Grandes-Indes ne pouvant s’établir de suite et comme par enchantement, il fallait de toute nécessité ménager, pendant quelque temps encore, les relations indirectes, c’est-à-dire les arrivages des entrepôts d’Europe qui servaient à alimenter les approvisionnements nécessaires à nos raffineries ; que conséquemment, il fallait aussi amener graduellement la transition d’un régime à l’autre en déclarant que la différence entre l’ancien droit de 20 centimes par 100 kilogrammes sur les importations du sucre brut par navires belges, et le nouveau droit de 2 fr. 75 c., applicable à ces importations des ports européens, ne serait prélevée que par quart, d’année en année.
Ce système fut admis ; mais on oublia de l’appliquer aux navires étrangers venant directement des lieux de production ou d’un port au-delà du cap de Bonne-Espérance et qui, faisant relâche à Cowes, étaient, de ce fait, astreints au payement des droits les plus élevés.
De cet oubli est résultée la contradiction suivante : c’est que les sucres importés des ports d’Europe, par navires nationaux, ne supportent aujourd’hui (première année), qu’un droit de 84 c. 65/100 par cent kilogrammes, tandis que les sucres apportés directement des colonies, par navires étrangers, prenant seulement des ordres à Cowes ou autres ports de la Manche, sont frappés d’un droit de 4 fr. 25 c.
Jusqu’ici cependant, cette dernière disposition de la loi n’avait produit aucune conséquence fâcheuse, d’abord ; parce qu’elle n’est devenue obligatoire que depuis le 1er janvier dernier ; en second lieu, parce que le long hiver que nous venons de subir a empêché les arrivages. Mais aujourd’hui que la navigation est ouverte, que les approvisionnement sont devenus rares ; aujourd’hui que les désastres arrivés aux récoltes de la Havane ont, en diminuant les produits, occasionné une hausse considérable dans les prix ; aujourd’hui enfin que l’industrie du raffinage, déjà si souffrante et si digne de notre sollicitude, aura de nouvelles luttes à soutenir avec les pays étrangers pour se procurer la matière première nécessaire à son travail, l’omission que je viens de signaler à votre attention a dû se révéler tout à coup.
Votre commission permanente de commerce et d’industrie s’en est émue, messieurs ; et je m’estime heureux de pouvoir vous présenter, en son nom, un projet de loi de nature à faire disparaître la lacune qui existe et qu’il est de la plus haute urgence de faire disparaître.
Voici, messieurs, le projet de loi auquel j’annexe la pétition des raffineurs d’Anvers, qui a donné lieu aux délibérations de votre commission :
« Léopold, etc.
« Le § 2 de l’art. 2 de la loi du 21 juillet 1844 (Bulletin officiel, n° 149) sera applicable aux sucres bruts importés par navires étrangers des contrées transatlantiques ou d’un port au-delà du cap de Bonne-Espérance, et qui, par suite de la relâche des navires à Cowes ou autres ports de la Manche, se trouveraient assimilés aux sucres importés des marchés européens. »
Il me reste à prier la chambre de vouloir mettre la discussion de ce projet à l’ordre du jour immédiatement après les objets qui s’y trouvent déjà.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.
La séance est levée à 4 heures.