(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 1105) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)
M. Huveners fait l’appel nominal à une heure un quart. La séance est ouverte..
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
(page 1106) M. Huveners fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Bernard Vulhopp, capitaine au long court, à Anvers, né à Lohne (Oldenbourg), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice
« Le sieur Stenze prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Tack, sous-intendant militaire de 1er classe en non activité, réclame de nouveau l’intervention de la chambre pour obtenir le payement d’une partie de son traitement, perçue au moins du 1er septembre au 1er octobre 1831 . »
M. Osy – Je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec prière de nous faire un rapport avant la discussion du budget de la guerre.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs habitants de Gheel, demandent que la colonie d’insensés, qui se trouve dans cette commune, soit placée sous la direction et la surveillance exclusive du gouvernement ».
- Même renvoi.
« Plusieurs cultivateurs et propriétaires à Costel-Noirmont prient la chambre de s’occuper du projet de loi sur les céréales et demandent, en cas de rejet de la proposition, la suppression ou au moins le dégrèvement de la plus grande partie de l’impôt sur les contribuables ».
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner la proposition de loi sur les céréales.
« Cinquante à soixante propriétaires de la ville et de la province de Liége demandent une nouvelle loi sur la chasse.
M. de Tornaco – Plusieurs pétitions qui ont le même objet ont déjà été adressées à la chambre qui les a renvoyées à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport. Je demande que la requête dont il vient de vous être fait l’analyse suive le sort des autres, soit aussi renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
M. Castiau – Sans qu’il y ait toutefois acte d’adhésion de la part de la chambre.
M. de Tornaco – Cela ne préjuge rien.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport est adopté.
« Les brasseurs de la ville de Diest présentent des observations contre la proposition de loi qui tend à établir sur le houblon étranger un droit d’entrée de 20 fr. par 100 kil. »
M. de Man d’Attenrode – Ces pétitionnaires réclament contre la proposition de la commission d’industrie, qui tend à majorer les droits sur les houblons et à rendre la position des brasseurs plus fâcheuse encore.
Je demanderai que cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion de la commission d’industrie.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs habitants de Gouy-le-Piéton demandent des modifications à la législation sur les céréales ».
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner la proposition de loi sur les céréales.
Message du sénat faisant connaître l’adoption du projet de loi relatif aux péages du chemin de fer.
- Pris pour notification.
M. Lesoinne présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la libre entrée des machines en Belgique.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Il s’agit d’une loi de prorogation. Je pense que le terme est expiré. Il y a donc des motifs d’urgence pour comprendre ce projet parmi ceux de l’ordre du jour et le discuter, soit entre les deux votes du budget des travaux publics, soit immédiatement après.
M. de Garcia – Il y a d’autres lois très-urgentes à l’ordre du jour, notamment celle qui concerne les étrangers. Je crois qu’on pourrait mettre cette loi à l’ordre du jour après celles qui y sont déjà.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je propose la mise à l’ordre du jour, entre les deux votes du budget du département des travaux publics, après les projets déjà à l’ordre du jour.
M. Osy – Je rappellerai à la chambre qu’elle a à son ordre du jour, entre les deux votes, le rapport sur les pétitions des raffineurs de sucres. Il importe que la chambre examine cette question avant de se séparer, afin que M. le ministre des finances puisse s’en occuper pendant nos vacances.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Nous sommes d’accord. Je n’ai demandé la mise à l’ordre du jour entre les deux votes, qu’après l’ordre du jour déjà fixé.
M. le président – La chambre a à son ordre du jour entre les deux votes du budget des travaux publics : 1° le projet de loi relatif au canal de Turnhout ; 2° le rapport sur les pétitions des raffineurs de sucres. Ce projet de loi viendrait en troisième lieu.
M. David – Et le rapport sur la pétition de M. Marcellis ?
M. le président – La chambre en a joint la discussion à celle du chapitre du budget des travaux publics, relatif aux bâtiments civils.
M. Eloy de Burdinne - Il serait à désirer que l’on discute en même temps une pétition déposée hier et qui tend à concilier les intérêts des raffineurs et ceux des producteurs ; ce que je désire vivement.
M. Osy – Tout ce que l’on pourrait faire serait de demander que la commission d’industrie fût convoquée demain pour voir s’il y a lieu de présenter un rapport spécial sur cette pétition. Mais je ne le pense pas ; je crois que le rapport de l’honorable M. Smits embrasse toutes les questions.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je ferai remarquer que nous ne devons nous occuper en ce moment que de la mise à l’ordre du jour du rapport qui vient d’être présenté. Lorsque la chambre aura décidé ce point, l’honorable M. Eloy de Burdinne sera libre de faire telle proposition qu’il jugera convenable, sur la pétition des raffineurs de Gand, mais nous ne devons pas confondre deux choses qui n’ont aucun rapport entre elles.
M. Fallon – Il ne s’agit que de la prorogation d’une loi expirée. C’est un objet qui ne peut donner lieu à aucune espèce de difficultés. Il semble donc qu’on pourrait ouvrir immédiatement la discussion sur le projet dont il s’agit, comme on le fait ordinairement pour des projets de ce genre.
M. d’Elhoungne – Je crois qu’il s’agit de la prorogation de la loi qui permet la libre entrée des machines d’une construction inconnue (Oui). Messieurs, M. le ministre de l’intérieur nous a soumis sur cet objet un rapport très-volumineux.
Nous ne pouvons évidemment pas discuter ce projet de loi maintenant sans qu’il ait été mis à l’ordre du jour, et lorsque M. le ministre de l’intérieur n’est pas même présent à la séance.
M. Fallon – Du moment qu’il y a la moindre opposition, je retire ma proposition.
- La chambre décide qu’elle discutera le projet entre les deux votes du budget des travaux publics.
M. le président – Il y a maintenant la proposition de M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de Burdinne – Je demande seulement qu’il soit fait le plus tôt possible un rapport sur la pétition des raffineurs de Gand, afin qu’on puisse discuter sur cette pétition en même temps que sur le rapport de l’honorable M. Smits.
M. Manilius – Messieurs, la chambre a pris hier une décision sur cette pétition. Je voulais prendre la parole lorsqu’on nous en a présenté l’analyse, mais M. le président a prévenu mon désir en proposant le dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport de M. Smits. Cette proposition a été adoptée par la chambre et elle était toute naturelle, car il faut nécessairement que la pétition des raffineurs de Gand suive le sort de toutes les autres pétitions relatives à la question des sucres. Je suis étonné qu’il revienne aujourd’hui sur ce point ; il me semble que la chambre ne peut pas défaire le lendemain ce qu’elle a fait la veille.
Le rapport de M. Smits doit être discuté très-prochainement ; il se trouve déjà indiqué sur nos bulletins comme un des premiers objets à l’ordre du jour ; eh bien, lorsque cette discussion sera ouverte, la pétition sera déposée sur le bureau. On pourra en prendre connaissance et faire alors, si on le juge convenable, une proposition spéciale relativement à cette pétition, mais c’est ce qu’on ne peut pas faire aujourd’hui, alors qu’on ne connaît pas même la pétition, qu’on ne sait pas ce qu’elle contient.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je crois que cette pétition a passé inaperçue. Personne n’a pris la parole pour en demander le renvoi soit à la commission d’industrie, soit à la commission des pétitions. Cependant, il paraît qu’elle est très-importante, qu’elle indique le moyen de concilier les deux industries ; et certes, à ce titre, elle mérite d’être mûrement examinée. On devrait donc la renvoyer à une commission, car si l’on se borne à la déposer sur le bureau, personne ne pourra en prendre suffisamment connaissance.
Plusieurs membres - On pourrait l’insérer au Moniteur.
M. Eloy de Burdinne – Eh bien, oui, si on ne veut pas faire un rapport, je demanderai l’insertion au Moniteur.
- L’insertion au Moniteur est mise aux voix et adoptée.
M. de Man d’Attenrode, au nom de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux publics, présente le rapport sur la partie de ce projet qui concerne le chemin de fer. Il demande que la chambre discute cette partie du projet à la suite des objets qui se trouvent déjà à l’ordre du jour.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, il serait utile à l’ordre même de la discussion que la chambre pût s’occuper du projet relatif au chemin de fer, immédiatement après la discussion du budget des travaux publics, nous resterions ainsi dans le même ordre d’idées.
Un membre – Le canal de Turnhout.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Le projet concernant le canal de Turnhout vient entre les 2 votes. Mais le projet relatif au chemin de fer viendrait immédiatement après le vote définitif du budget. Ce serait faire suivre la discussion sur le chemin de fer, d’une nouvelle discussion sur le chemin de fer.
M. d’Elhoungne – Il est bien entendu que la question des sucres reste fixée entre les deux votes (Oui, oui)
- La proposition de M. le ministre des travaux publics est mise aux voix et adoptée.
La discussion continue sur l’art. 1er du chapitre III.
M. Osy – Messieurs, dans toutes les occasions, j’ai fait ressortir les (page 1107) avantages que le chemin de fer procure à l’industrie et au commerce ; mais j’ai souvent entendu dans cette enceinte des personnes qui considèrent le chemin de fer comme une très-forte charge pour le pays. Il est donc tout naturel que je saisisse avec empressement toutes les occasions de réduire les dépenses de cette entreprise.
Dèjà hier un honorable membre nous a parlé, messieurs, des traitements des employés du chemin de fer. Nous trouvons également dans le rapport de la section centrale des observations sur l’arrêté du 8 avril 1843, relatif à la fixation des traitements. Mais la section centrale ne parle pas des admissions et de l’avancement. L’honorable ministre des travaux publics a répondu à la section centrale qu’il fallait quelquefois s’écarter de cet arrêté en ce qui concerne l’admission des employés, mais M. le ministre n’a rien dit des traitements. Les traitements ont été fixés par l’arrêté du 8 avril 1843, et dans les recherches que j’ai faites dans les développements à la suite du budget, j’ai trouvé que l’on a donné des augmentations qui détruisent complètement l’effet de cet arrêté. J’ai trouvé entre autres à la page 16, que les ingénieurs dont le traitement est fixé à 5,200 fr. ont reçu une augmentation de 3,400 fr. de manière qu’ils ont eu 8,600 fr. Pour les conducteurs, les ingénieurs et les sous-ingénieurs, il en a été de même. Enfin, vous voyez page 80 qu’un fonctionnaire dont le traitement avait été fixé à 6 mille francs a reçu un supplément de 4 mille francs, ce qui porte son traitement à 10 mille francs.
J’ai souvent demandé, à l’occasion de tous les budgets, que les traitements des employés fussent fixés ou par des arrêtés royaux, ou par une loi, mais lorsque je vois de quelle manière on exécute les arrêtés royaux, je demande que les traitements soient fixés par une loi.
L’honorable M. Desmaisières nous a dit hier quelques mots sur l’arrêté du 8 avril 1843 ; cet honorable membre a quitté le ministère peu de jours après la publication de cet arrêté. C’est donc à son successeur, à M. le ministre actuel que j’adresse mes observations. Je lui demanderai comment il est possible, lorsque l’arrêté du 8 avril n’est pas rapporté, d’accorder des suppléments de traitements qui sont en opposition formelle avec cet arrêté, surtout l’art. 22.
J’insiste donc pour que, dans la session prochaine, le gouvernement présente un projet de loi fixant les traitements des fonctionnaires et employés de tous les ministères et de toutes les administrations. Car vous le savez, messieurs, les arrêtés royaux ne sont plus suivis : on fixe les traitements par un arrêté royal, et immédiatement après, on accorde des suppléments de traitements tellement considérables qu’on n’ose pas même les imputer sur les articles des ponts et chaussées et même sur l’emprunt.
L’honorable M. Verhaegen nous a donné lecture hier de divers arrêtés par lesquels on accorde des suppléments de traitements que l’on impute tout bonnement sur le crédit de 17 millions que nous avons voté en 1842 pour le chemin de fer.
Puisque j’ai la parole, je dirai à M. le ministre des travaux publics que je suis très étonné que pour les travaux de la station de Bruxelles, on se soit adressé à un architecte particulier. Il est porté au budget 450,000 fr. pour les ponts et chaussées et le génie civil ; il me semble que, parmi ces ingénieurs, on devrait trouver des architectes pour faire les plans des travaux et pour les faire exécuter. Je demanderai une explication cet égard à M. le ministre des travaux publics.
M. Mast de Vries, rapporteur – A la fin de la séance d’hier, l’honorable M. Verhaegen et aujourd’hui l’honorable membre qui vient de prendre la parole ont fait des critiques sur l’administration générale du chemin de fer. Ces critiques porteraient également sur la section centrale si elle avait négligé cette question importante. Mais il n’en est pas ainsi. La section centrale, comme l’honorable M. Verhaegen, comme l’honorable M. Osy, s’est occupée de cette question, mais elle ne l’a pas tranchée, parce que M. le ministre a donné l’assurance qu’il s’occupait d’un projet qui aurait pour résultat de mettre un terme à cet abus. Il en est parlé à la page 24 du rapport.
M. le ministre pense qu’il est impossible de supprimer tout à fait les indemnités, c’est-à-dire que, si on les supprimait, il faudrait employer un autre moyen d’indemniser les employés.
Je partage l’opinion du ministre que ceux des employés qui auraient droit à des traitements variables puissent être admis à une partie des bénéfices de l’exploitation.
Si ce système était bien coordonné, je crois qu’il obvierait à tous les abus qui ont été signalés jusqu’ici.
En présence des résultats inespérés que donnent les produits du chemin de fer, la section centrale n’a pas cru devoir entrer dans tous les détails de cette question. Convenons que, s’il y a encore quelques abus dans l’administration des chemins de fer, les résultats surpassent tout ce que nous pouvions espérer. En effet, nous voyons à la page XLIV du compte-rendu que le produit net ou l’excédant des recettes sur les dépenses d’exploitation ont été de 5 fr. 82 en 1841, 8 fr. 68 en 1842, 9 fr. 57 en 1843, et a atteint 11 fr. 60 en 1844.
Ainsi, de 1841 à 1844, le bénéfice est doublé. Ce résultat est inespéré. Nous pouvons maintenant avoir la certitude que l’année prochaine, ou au plus tard en 1846, le chemin de fer pourra, comme je l’avais annoncé les années précédentes, couvrir non-seulement les intérêts du capital employé, mais encore l’amortissement.
Je tenais surtout à justifier la section centrale et à vous faire voir qu’elle s’est occupée de cette question.
M. David – Je n’aurai qu’un mot à dire relativement aux traitements et indemnités des fonctionnaires. Il s’agit d’un point sur lequel je ne puis espérer obtenir une réponse immédiate de M. le ministre, parce que la chose commence à vieillir.
Mais ce point, tout ancien qu’il est, fait encore causer le public. Je veux parler de l’ancienne commission des tarifs, des péages, nommée par arrêté royal. Cette commission était ou est encore composée de sept personnes : de plusieurs membres de la chambre et de personnes très-distinguées en dehors de cette assemblée. On demande pourquoi l’on ne réforme pas cette commission. On demande si ses membres ont encore des cartes qui leur permettent de circuler gratuitement sur le chemin de fer, sans plus s’occuper de leur ancienne besogne. Je ne pense pas que la chose soit ainsi, mais je désirerais cependant que M. le ministre ou une autre personne répondit à cette question pour apaiser et mettre fin à ces questions.
M. Mast de Vries, rapporteur – Je devrais demander la parole pour un fait personnel. J’ai eu l’honneur de faire partie de la commission des tarifs. Nous n’avons pas voyagé, nous ne voyageons pas à ce titre aux frais du gouvernement. La commission n’a compté que les mois de travail pendant lesquels la chambre n’était pas réunie. Lorsque la chambre était réunie, les membres de la commission ne touchaient aucune indemnité.
Depuis 1843 elle n’a pas été réunie ; nous devons penser qu’elle n’existe plus ; elle est morte sans que ses membres jusqu’à ce jour soient enterrés. Ce qui le prouve, c’est que le général Evain, qui la présidait, vient d’être nommé président d’une autre commission qui la remplace ; car elle a dans ses attributions la fixation des péages.
M. de Garcia – Je considère les indemnités accordées aux fonctionnaires du chemin de fer comme consacrant l’un des plus graves abus qui puissent exister dans une administration publique. Je conçois les indemnités à titre de frais de voyage et de séjour. Mais autrement, les indemnités sont propres à amener un système de corruption. Tout fonctionnaire public doit remplir convenablement ses fonctions à peine de s’exposer à une destitution. Sans doute, il faut une énergie convenable pour mettre un terme à des abus existant depuis longtemps. Ces abus ont surtout pris naissance et développement dans l’administration des chemins de fer.
Je convie donc M. le ministre à ne pas reculer devant les difficultés et à se faire, contre ces abus, une arme des observations des honorables MM. Verhaegen et Osy et autres membres de cette assemblée ; la section centrale elle-même, dont l’organe vient de rendre les pensées, vous a déclaré que ces faits signalés ont aussi attiré son attention et mérite de sa part des observations critiques.
Dans les autres services publics, accorde-t-on des indemnités aux fonctionnaires qui s’acquittent avec zèle et activité de leurs fonctions ? Mais non. Là on ne connaît, généralement, que les traitements fixes et pas d’autre indemnité aux membres des députations provinciales, qui sont souvent appelés sur les lieux pour terminer des contestations administratives, pour faire des expropriations pour des routes provinciales. Souvent, ils y apportent le zèle le plus remarquable ; ils lèvent les difficultés ; ils mettent sans longueurs et sans grands frais les provinces en possession de terrains qui doivent être expropriés pour l’utilité provinciale. Pourtant pour cette besogne ils ne reçoivent que des frais tarifés de voyage et de séjour ; naguère encore, messieurs, à l’occasion de la loi relative aux traitements des membres de l’ordre judiciaire, vous avez proscrit d’une manière absolue les indemnités ; est-il bien conséquent dès-lors de maintenir ce qui existe à l’administration des travaux publics ? Je ne le pense pas.
La voie dans laquelle on est entré et dans laquelle on continue à nous entraîner pour tous les fonctionnaires du chemin de fer est des plus dangereuses pour la chose publique, et ne peut conduire qu’à un système de corruption. Je conjure donc instamment M. le ministre d’y mettre un terme. Au surplus, je pense que ce système trouverait fin, si nous avions une bonne organisation de la comptabilité de l’Etat, et une organisation définitive de la cour des comptes ; une bonne législation, à ce double point de vue, empêcherait qu’on ne puisse donner aux allocations du budget une autre affectation que celle entendue par la législature.
A la séance d’hier comme à celle de ce jour l’on a signalé des faits intolérables. L’on a dit entre autres que les fonctionnaires du chemin de fer touchaient le supplément de traitement qu’on leur alloue sur l’emprunt et les fonds destinés à la construction. Messieurs, est-il jamais entré dans les pensées de la législature, lorsqu’elle a voté des emprunts pour construction de chemin de fer, qu’on pût puiser dans ce fonds pour accorder des indemnités à des fonctionnaires salariés aux termes des arrêtés existants. Une semblable manière d’agir ne me paraît ni justifiée, ni tolérable.
Je convie donc de nouveau M. le ministre des travaux publics à l’abandonner, ou à donner aux fonctionnaires un traitement qui corresponde aux fonctions qu’ils sont appelés à remplir ; mais qu’on n’aille pas au delà. Tout autre système, je le répète, ne peut conduire qu’à la corruption.
Toutes les années, messieurs, la cour des comptes nous présente, à cet égard, des observations de la plus haute importance, et ce n’est pas seulement à l’occasion des travaux publics, mais encore sous beaucoup d’autres rapports qui démontrent la nécessité de la confection des lois que je viens de vous parler. Vous en aurez la preuve lorsque vous aurez à vous occuper du projet de loi sur les pensions à accorder à d’anciens fonctionnaires, sur laquelle je vous ai il y a quelques jours présenté le rapport.
Là encore la cour des comptes vous signale de véritables abus ; il paraît que ce corps, qui est l’intermédiaire entre le pouvoir législatif et le gouvernement se trouve, dans l’état actuel des choses, impuissant pour accomplir son importante mission.
Messieurs, on nous reproche constamment de faire de l’administration mais nous sommes réduits à ce triste et pénible rôle. En effet, devant les (page 1108) objections de ce corps élevé, le gouvernement lui dit : Visez telle dépense, nous prenons cet acte sous notre responsabilité. Un ordre de choses semblable nous conduit invinciblement à faire de l’administration, et, ce qui est surtout pénible, à soulever des questions de personnes ; ce qui ne devrait jamais avoir lieu dans une assemblée.
Je pense donc que, par les considérations qui ont été présentées par d’autres honorables collègues, et par celles que je viens d’ajouter, on mettra un terme à l’ordre de choses qui existe dans l’administration des chemins de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La discussion soulevée hier par l’honorable M. Verhaegen, et renouvelée aujourd’hui par plusieurs honorables membres touche, en effet à une des questions les plus graves que l’on puisse traiter à l’endroit des chemins de fer. Je voudrais, à cause de la fatigue de la chambre, être bref dans la réponse à faire aux observations qui ont été émises ; mais je demanderai la permission à la chambre, puisque chaque année on revient surtout sur cette question, de donner quelques explications qui pourront éclaircir des faits imparfaitement connus et à l’égard desquels une certaine confusion existe dans l’esprit de plusieurs membres.
Avant d’examiner la question des traitements fixes et des indemnités allouées à certains fonctionnaires des chemins de fer, j’ai besoin de rectifier quelques erreurs dans lesquelles l’honorable M. Verhaegen est tombé hier.
L’honorable M. Verhaegen, après avoir critiqué l’arrêté du 8 avril 1843, organique du personnel des chemins de fer, m’a fait le reproche de ne pas exécuter fidèlement cet arrêté par rapport aux indemnités. L’honorable membre (et l’honorable M. Osy vient de verser dans la même erreur) a supposé que l’arrêté du 8 avril ne concernait que les traitements fixes et mettait obstacle à l’allocation des indemnités. L’honorable M. Verhaegen m’a demandé en vertu de quel pouvoir j’avais pris quatre arrêtés dont il vous a donné lecture hier et fixant les indemnités pour l’exercice 1844 ; et en second lieu sur quel crédit j’avais imputé ces indemnités.
Messieurs, si l’honorable M. Verhaegen qui a cité l’arrêté du 8 avril, l’avait lu jusqu’au bout, il se serait aperçu que ce pouvoir je l’ai puisé dans l’arrêté même qu’il me reproche de ne pas avoir exécuté. L’art. 21 de cet arrêté dit : « Les indemnités pour frais de déplacement, de séjour et de bureau, sont réglées par disposition ministérielle d’après l’importance des services ». L’arrêté du 8 avril a donc prévu les indemnités.
J’aurai pu puiser ce pouvoir dans un autre arrêté royal, celui du 26 juillet 1834, par lequel le ministre est autorisé à régler, d’après l’importance des services, les traitements et indemnités de route des employés attachés à l’administration du chemin de fer.
Ainsi, c’est en exécution de ces arrêtes royaux que j’ai pris les arrêtes ministériels que l’honorable membre regardait hier comme entachés sinon d’illégalité, du moins d’irrégularité. Les considérants mêmes de ces arrêtés ministériels auraient dû tirer l’honorable membre de son erreur.
L’honorable M. Verhaegen m’a demandé sur quel crédit j’avais imputé le montant de ces indemnités. Mais, messieurs, si l’honorable M. Verhaegen avait lu, avec plus d’attention, les arrêtés ministériels qu’il avait entre les mains, il aurait vu que ces indemnités sont imputées sur les articles 1er, 6 et 8 du budget. L’honorable M. Verhaegen a supposé que les articles du budget relatif au personnel ne comprenaient pas les indemnités de déplacement, et il a cru que les sommes de ces indemnités avaient été payées irrégulièrement sur l’article des travaux. C’est là une nouvelle erreur : ouvrez le budget et vous y verrez à chaque article cet intitulé : « Traitement et indemnités des fonctionnaires ».
L’honorable M. Verhaegen a dit : Mais non-seulement on alloue des indemnités imputées sur le budget, mais on en impute sur le fonds spécial de construction. Il m’a cité un arrêté que j’avais pris, l’arrêté du mois de juin 1844, par lequel les indemnités sont imputées sur le fonds de construction du chemin de fer. Messieurs, c’est parce que la cour des comptes a admis pour règle générale que l’indemnité doit être imputée sur le même crédit que le traitement lui-même. Or, les traitements des fonctionnaires qui figurent dans l’arrêté ministériel dont a parlé l’honorable M. Verhaegen, sont payés sur le fonds de construction du chemin de fer.
Du reste, cette irrégularité, si irrégularité il y a, va disparaître, parce que le fonds spécial lui-même va disparaître. Il est maintenant à peu près épuisé.
Il reste donc peu de choses des observations que l’honorable M. Verhaegen avait faites.
Messieurs, la chambre fera bien de ne pas perdre de vue que j’ai demandé pour l’exercice 1845 une somme pour le personnel du chemin de fer, inférieure de 25,215 fr. à celle qui avait été demandée pour l’exercice 1844. Or, messieurs, en 1845, l’extension considérable des transports, dont vous pouvez vous faire une idée par la différence des recettes de 9 millions à 11,230,000 fr., exigera inévitablement une augmentation de personnel correspondante à cette extension de transports. Il a donc fallu, comme l’a fait remarquer la section centrale, que le gouvernement trouvât des économies sur d’autres chiffres pour pouvoir demander en 1845 une allocation inférieure à celle du budget de 1844.
Messieurs, on semble croire qu’au chemin de fer rien n’est organisé, que c’est une espèce de dédale de comptabilité auquel il faut mettre un terme. Mais l’administration des chemins de fer est précisément presque la seule administration en Belgique, qui soit réglée par arrêté organique, que quelques honorables membres voudraient voir adopter pour tous les départements. L’arrêté du 8 avril fixe les cadres du personnel, détermine les traitements nouveaux, affectés à chaque grade, indique les règles d’admission, l’obligation d’un examen préalable à l’admission aux emplois, le temps du surnumérariat exigé, le temps que chaque employé doit passer dans chaque grade.
En général, les traitements fixes, déterminés par l’arrêté du 8 avril 1843 sont modérés. Les honorables membres qui ont traité cette question l’ont reconnu pour les rangs subalternes. Ainsi, pour les employés des bureaux, les traitements varient de 600 à 1,800 fr. Les chefs de station, qui ont un service pénible, touchent un traitement qui flotte entre 2,100 et 2,700 fr. Plusieurs membres de la chambre ont même réclamé contre la modicité de ces traitements.
Passons à la catégorie des ingénieurs. Un ingénieur en chef touche de 5,200 à 6,300 fr. Si j’examine ce qui a lieu dans d’autres administrations, je vois que les directeurs du trésor, les directeurs des contributions en province, les directeurs des postes, les directeurs de l’enregistrement qui ont un grade correspondant à celui d’ingénieur en chef en province, touchent un traitement qui varie de 8,000 à 10,000 francs.
Les ingénieurs ordinaires, selon la classe à laquelle ils appartiennent, ont un traitement de 3,200 à 3,800 francs, tandis que les traitements des inspecteurs du cadastre, des inspecteurs d’arrondissement, des inspecteurs des contributions et de l’enregistrement, s’élèvent à 4,000 et 4,600 francs.
Je pourrais pousser plus loin cette comparaison. Les traitements des ingénieurs en général sont faibles. Ils ont été fixés à un taux faible, précisément pour permettre au gouvernement de leur allouer des indemnités de déplacement, parce que leur service est un service actif, un service de surveillance continue, on a cru que par les indemnités de déplacement le gouvernement avait un moyen de stimuler leur zèle et leur activité.
Le traitement fixé représente le grade en lui-même ; l’indemnité allouée aux fonctionnaires du service actif représente les frais de déplacement, les frais attachés à ce service. L’ingénieur qui doit faire des études, des travaux sur le terrain, ne peut pas être assimilé à un autre fonctionnaire de même grade, en service sédentaire ; il dépensera quelquefois une somme égale à son traitement, et si vous ne l’indemnisez pas, vous devez, pour être juste, augmenter son traitement fixe.
Si la chambre veut bien me le permettre, je lui ferai en peu de mots l’historique de la question des indemnités accordées depuis 1834.
Ces indemnités ont été accordées, en vertu d’un arrêté royal de 1834, qui autorise le ministre à fixer les traitements et les indemnités des employés du chemin de fer.
Jusqu’en 1838, les ingénieurs, les conducteurs, etc., présentaient des états de frais de route et de séjour. Des abus se sont introduits. On est arrivé à ce résultat que presque tous les employés touchaient des indemnités de frais de route et de séjour qui s’élevaient jusqu’à la totalité des traitements. C’est en présence de l’abus de déplacements fictifs que M. le ministre des travaux publics, par son arrêté du 31 octobre 1838 a supprimé les frais de route et de séjour sur déclaration. Cette indemnité est remplacée par une indemnité variable qui pouvait s’élever jusqu’à la moitié du traitement en faveur des ingénieurs, des conducteurs et des inspecteurs du chemin de fer ; en outre, on allouait certains frais de bureaux très-modérés.
On obtint des résultats utiles. Cependant d’autres abus s’introduisirent et on arriva à voir des employés du chemin de fer qui touchaient à la fin quatre catégories de traitement, le traitement fixe, le traitement variable d’après l’arrêté de 1838, le traitement supplémentaire d’après l’arrêté de 1838 et des frais de bureau.
A mesure que l’achèvement des lignes a permis de réduire le nombre des employés spéciaux chargés de la surveillance des travaux, on a pris successivement des dispositions pour réduire ces indemnités.
Ainsi un arrêté du 30 juin 1842, tout en maintenant le principe de l’arrêté de 1838, qui fixait le maximum des indemnités à la moitié du traitement fixe, cet arrêté, dis-je, réduisit ce maximum au quart du traitement fixe.
L’arrêté du 8 avril 1843 a introduit un autre principe. Le ministre, par des arrêtés, fixe annuellement les indemnités d’après l’importance des services des employés qui sont tenus à des frais de déplacement et de surveillance.
Messieurs, c’est en vertu de cet arrêté royal du 8 avril, que j’ai pris les arrêtés ministériels, arrêtés que l’honorable M. Verhaegen a cru être en opposition avec l’arrêté du 8 avril et qui n’en étaient que l’exécution littérale.
J’ai pris, sous la date du 31 octobre 1844, un arrêté qui supprime définitivement tous les traitements variables dont jouissaient un grand nombre d’employés du chemin de fer, en vertu de l’arrêté de 1842.
L’économie qui résulte de la suppression des indemnités variables est de 30,400 fr. en ce qui concerne le fonds du budget, et de 20,900 fr. pour ce qui concerne le fonds de construction ; c’est cette économie de 31,300 fr. qui m’a permis de demander à la chambre, malgré l’extension considérable du service de transport, une allocation moindre pour le personnel, que celle qu’on avait réclamée pour 1844.
Ainsi, je ne puis accepter le reproche de l’honorable M. Verhaegen, que j’aurais multiplié les abus, au lieu de les supprimer.
Le chiffre total des indemnités pour frais de déplacement monte, sur un chiffre d’un million 42,000 fr. de traitement, à 64,721 imputés sur les fonds du budget et à 14,600 fr. imputés sur les fonds de construction. Trente-neuf employés de l’exploitation seulement touchent ces indemnités.
Ainsi, vous voyez, messieurs, que le principe de l’indemnité ne peut pas être contesté, car en supprimant les indemnités pour frais de déplacement et de surveillance, vous êtes inévitablement amenés à augmenter les traitements fixés pour cette catégorie de fonctionnaires.
(page 1009) Qu’on en croie pas cependant que je veuille conclure de ces observations qu’il n’y a aucune réforme à faire ; je pense qu’il y a une réforme à introduire ; mais dans mon opinion, cette réforme doit être faite dans un sens tout opposé à celui qui a été indiqué par d’honorables membres.
Plusieurs honorables membres voudraient ramener tout à des traitements fixes ; je pense, au contraire, que la réforme doit conduire à rendre variable une partie des traitements fixes. Je vais m’expliquer.
Mon opinion est qu’il faudrait transformer une partie des traitements fixes et les indemnités en un tantième à recevoir, non pas sur les recettes, mais sur l’excédant des recettes sur les dépenses, c’est-à-dire sur le bénéfice de l’exploitation, afin d’intéresser les employés du chemin de fer, d’un côté, à faire augmenter les transports et partant les recettes, et d’un autre côté, à diminuer les dépenses, à opérer des économies.
Messieurs, l’administration publique de l’Etat a un grand avantage sur l’administration privée sous le rapport de la sécurité, sous le rapport des vues d’ensemble, des services à rendre à la généralité du pays, mais il faut reconnaître aussi qu’une administration privée a un avantage incontestable sur l’administration publique sous le rapport de l’économie d’exploitation et d’administration.
Il ne faut pas oublier non plus que le chemin de fer ne peut être comparé à aucune autre espèce d’administration ; non-seulement il s’agit là de construction et de travaux d’art, mais il s’agit d’une entreprise de transport généraux, d’une entreprise commerciale, et dans semblable entreprise, il faut tâcher d’introduire l’aiguillon de l’intérêt privé.
Or, dans l’état actuel des choses, au chemin de fer les employés n’ont aucun intérêt personnel à l’augmentation des transports. Plus il y a de transports, plus on demande aux employés. Ce surcroît de besogne laisse le traitement de l’employé invariable ; son intérêt personnel est donc contraire à l’extension des transports. D’un autre côté, ils n’ont aucun intérêt personnel à opérer des économies. Dans une station ou dans un bureau, plus le personnel sera nombreux, plus le travail sera réparti, moins il sera considérable pour chaque employé sur la participation à un tantième dans le bénéfice net de l’entreprise, évidemment les employés acquièrent un intérêt puissant à amener l’augmentation des recettes, à attirer les transports par leur zèle et par leur activité, et, d’une autre côté, à diminuer le personnel et à apporter des économies dans le système d’exploitation. Il y aurait une tendance générale à pousser dehors, permettez-moi ce terme, les bouches inutiles, et le principe qui dominerait l’administration toute entière serait un principe d’activité et d’économie.
Vous voyez, messieurs, que mon opinion est toute contraire à celle des honorables membres auxquels je réponds ; je voudrais, en associant les employés des chemins de fer à l’Etat lui-même, rendre les traitements moins fixes qu’ils ne le sont. Nous avons fait une expérience partielle de ce système, en accordant des primes aux machinistes, en proportion des économies opérées. Une expérience plus générale en a été faite par la compagnie du chemin de fer d’Orléans qui s’applaudit d’avoir introduit cette grande amélioration.
Je me suis occupé sérieusement de cette question. Le principe a été posé dans l’arrêté pris par l’honorable M. Rogier en 1840 et par M. Desmaisières dans celui du 8 avril 1843. Certaines difficultés d’exécution existent, mais je crois pouvoir les lever.
Je pense avoir justifié, en partie du moins, l’état actuel des choses que plusieurs avaient mal apprécié. Cependant je l’ai déjà dit, je n’en veux pas conclure qu’il n’y ait pas de réformes à faire ; j’ai même indiqué dans quel ordre d’idées je pensais que cette réforme devait avoir lieu.
M. David – Les explications que vient de donner l’honorable rapporteur de la section centrale m’ont fait souvenir qu’il était un des membres de la commission des péages. Je me plais à croire en tous points aux déclarations qu’il fait à cette tribune. Mais, de mon côté, je puis attester que des cartes ont été montrées au surveillant des voitures, et qu’au moyen de ces cartes, la commission pouvait voyager gratuitement. Je l’ai vu moi-même, mes voisins l’ont vu comme moi. Maintenant, disait le public, quel usage fait-on de ces cartes, n’en use-t-on que quand on voyage pour le service de la commission des péages ? Les membres de la commission sont des personnes délicates, incapables d’user des cartes de service qu’on leur a remises, on ne sait que répondre à ces questions. Les membres de la commission doivent être enchantés que cette question ait été soulevée, et qu’elle soit enfin résolue.
Tout le monde a pu penser que cette commission était nommée à vie (On rit) puisqu’il n’y a eu ni révocation, ni retrait de cartes. Dans tous les cas il est évident que le décès de cette commission a été clandestin. Je demande à M. le ministre de vouloir bien retirer les cartes et révoquer l’arrêté royal. Je félicite les honorables membres de la commission de n’avoir pas eu le même sort que leurs tarifs démolis de cette époque. Il n’en reste plus rien, pas même le squelette.
M. Mast de Vries – Depuis 1843, la commission ne s’est plus réunie ; je crois que les dernières réunions ont eu lieu en juillet 1843, et je puis vous assurer qu’aucun de ses membres ne fait usage des cartes qui lui ont été remises. On ne s’en est servi que pendant le premier mois de son existence, et les cartes ont été rendues au ministre de cette époque, M. Desmaisières.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La commission des tarifs a été instituée dans un but déterminé et temporaire, celui de suivre l’expérience des tarifs du 10 avril 1841. Elle a publié les rapports qui contiennent le résultat de cet examen. Depuis lors, la commission des tarifs, comme l’a fait observer l’honorable M. Mast de Vries, ne s’est plus assemblée, parce que l’objet pour lequel elle avait été instituée n’existait plus.
Quant au fait que des cartes de faveur signalé par l’honorable M. David, il doit être ancien, car j’ai pris un arrête en 1844 qui supprime complètement les cartes de faveur au chemin de fer et désigne les fonctionnaires qui peuvent circuler gratuitement sur le chemin de fer ; je crois qu’ils sont au nombre de 16. Les membres de la commission des tarifs ne sont pas compris dans cet arrêté.
M. David – Le fait dont j’ai parlé a eu lieu un an après la nomination de la commission.
M. de Garcia – Je remercie M. le ministre des travaux publics, des renseignements qu’il vient de nous donner sur les indemnités accordées à certains employés du chemin de fer. D’après ces explications, ces indemnités ne seraient plus accordées aujourd’hui qu’à titre de frais de déplacement et de séjour. S’il en est ainsi, M. le ministre doit avoir réglé pour le chemin de fer, comme cela se pratique dans toutes les autres administrations, le tarif des frais de voyage et de séjour. Je lui demanderai ce qu’un fonctionnaire de son administration peut obtenir de ce chef. Il nous a dit que dans les subsides pétitionnés, une somme de 79 mille francs, je pense, était destinée à couvrir ces indemnités.
Je demanderai à M. le ministre sur quel pied il entend répartir cette somme. Tout en manifestant l’intention d’abandonner la voie suivie jusqu’à ce jour.
L’honorable ministre des travaux publics nous a fait part de quelques considérations qui sont dignes d’attention. Ce serait de supprimer toute espèce d’indemnité directe et de faire participer les fonctionnaires dans une partie du bénéfice.
En théorie, c’est fort beau ; mais en pratique, je crains que cela ne corresponde pas à ce qu’on semble devoir en espérer, et de plus, l’application de ces idées ne peut présenter un système complet. Je conçois qu’on l’applique aux fonctionnaires attachés à l’exploitation, mais je ne le conçois pas pour les fonctionnaires du département des travaux publics étrangers à l’exploitation.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est comme cela que je l’entends.
M. de Garcia – Dès lors, je demanderai à M. le ministre s’il refuserait à ces derniers toute espèce d’indemnité, car il a combattu nos objections contre les indemnités en disant que, quant à lui, ces indemnités étaient utiles à l’administration, mais qu’il voulait les établir sur une autre base et sur une participation aux bénéfices. D’après cela, il pourrait y avoir des indemnités de deux espèces. Une partie des fonctionnaires de l’administration des travaux publics, outre le traitement normal, continuerait à recevoir les indemnités que nous improuvons, et les fonctionnaires attachés à l’exploitation recevraient un dividende dans le bénéfice. J’admets que cette dernière partie du système de M. le ministre puisse s’exécuter, mais je n’en conçois pas l’application générale à tous les fonctionnaires de l’administration du chemin de fer. Empressons-nous, dès lors, à le constater. Le système que vient de présenter M. le ministre est incomplet et pourrait laisser vivre en partie les abus que l’on attaque.
A la première vue je suis assez portée à donner les mains à une partie des mesures indiquées, je crois même qu’elles sont de nature à favoriser les revenus du chemin de fer ; je désire savoir, si, au delà de cette mesure, on continuera à donner encore d’autres indemnités à certains fonctionnaires de l’administration du chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. de Garcia a demandé d’après quelles bases on donnait les indemnités dont j’ai parlé. J’ai fait connaître les différents systèmes successivement adoptés depuis 1834. D’après moi, il n’y a que deux systèmes possibles : le remboursement sur état de frais de route qui était en usage avant 1838, ou celui du 8 avril 1843 qui est appliqué maintenant, système d’après lequel le ministre fixe annuellement, par arrêté ministériel, les indemnités de déplacement, suivant l’importance des services de chacun. Le ministre apprécie l’importance des services et détermine le taux des indemnités. De cette manière, il n’y a jamais de droits acquis, parce que le fonctionnaire mérite l’indemnité. Ce système a été admis, parce qu’on a été frappé des abus des états de frais de route sur lesquels on remboursait avant 1838. je sais que par des mesures de stricte surveillance, de haut contrôle, on pourrait remédier à ces abus, mais je prétends que le second système est plus économique que le premier.
Le système dont j’ai parlé qui consisterait à faire participer les employés pour un tantième des bénéfices du chemin de fer, ne concerne que ceux qui sont attachés à l’exploitation du chemin de fer ; je n’ai pas voulu toucher à ce qui existe, quant aux ponts et chaussées, aux postes et aux mines. Il y a des indemnités de frais de route et de séjour qu’il est impossible de supprimer, par les considérations générales que j’ai fait valoir.
M. Osy – M. le ministre, en combattant les observations que nous avions faites, a dit que, cependant, il était d’avis qu’il y avait une réforme à faire. Je désirerais qu’il pût trouver un moyen de déterminer les indemnités d’une manière fixe, soit par une loi, soit par un arrêté royal, de façon qu’en votant le budget, nous pussions les y arrêter définitivement. Il a dit que nous avions perdu de vue l’art. 21 de l’arrêté du 8 avril 1843. cet article ne parle que des frais de déplacement qui ne figurent plus au budget et dont par conséquent nous n’avons plus à nous occuper ; M. le ministre dit d’ailleurs qu’ils étaient définitivement supprimés.
Mais l’art. 22, que M. le ministre n’a pas cité, porte :
« Art. 22. Outre leur traitement fixe, les fonctionnaires et employés qui sont dans le cas d’exercer une influence marquée sur la balance des recettes et des dépenses, toucheront un tantième du produit net, conformément (page 1100) aux bases que nous nous réservons de fixer ultérieurement sur la proposition de notre ministre des travaux publics ».
Ainsi, il faut un arrêté royal. Tant qu’il n’y en a pas, nous ne devons rien allouer à ce titre.
Je vois dans les développements qu’une quantité de personnes qui ne se déplacent jamais reçoivent des indemnités ; par exemple, l’employé chargé de l’indicateur aux archives, qui a un traitement de 1,800 fr. et une indemnité de 900 fr.
Je demande positivement que, d’ici à la session prochaine M. le ministre des travaux publics trouve un moyen d’économie qui offre de la stabilité et qui soit une garantie contre les préférences. Il faut que chacun sache ce qu’il doit avoir.
Si M. le ministre croit qu’il convient d’accorder aux employés un tantième sur le produit du chemin de fer, il faut que ce soit stipulé par arrêté royal. Aussi longtemps qu’il n’y en aura pas, je demande qu’on n’accorde aucune indemnité. L’art. 22 est positif.
M. Fleussu – Il y a quelques années, à l’apparition de ces cartes de faveur, avec lesquelles on pouvait voyager gratis sur le chemin de fer, quelques réclamations se sont élevées dans cette chambre. Je pensais qu’elles avaient été alors supprimées et qu’il n’y avait plus à en parler. Mais on s’est borné à changer la forme de ces cartes qui subsistent encore. Les premières cartes avaient une forme particulière. Aujourd’hui, l’on en distribue qui ont la forme des billets que l’on prend au bureau. Le voyageur croit donc que ces billets sont de la même nature que celui qui l’a payé. Mais il m’est arrivé de voir des individus se borner à montrer ces billets aux garde-convois qui les leur laissaient. Ainsi les fonctionnaires peuvent prêter ces billets à d’autres. Il n’y a donc plus de contrôle possible. Il est urgent de faire cesser tous ces abus.
Mais il en est un qui vient d’être avoué par M. le ministre des travaux publics. Il a dit avoir autorisé une foule de fonctionnaires à circuler gratuitement sur le chemin de fer. Je lui demanderai en vertu de quel pouvoir il a accordé cette dispense. Les produits du chemin de fer forment un des revenus de l’Etat ; or, aux termes de l’art. 112 de la constitution : « Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôt. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi ». Si des fonctionnaires du chemin de fer doivent voyager, donnez-leur des frais de route ; mais qu’ils payent, comme d’autres individus, leur place au chemin de fer.
Ainsi vous resterez dans la légalité.
On a demandé s’il convenait d’intéresser les employés à la prospérité de l’exploitation du chemin de fer, en leur accordant un tantième sur ses produits. Je sais que dans un écrit qui a fait beaucoup de bruit, quelqu’un a émis l’idée d’associer tous les ouvriers, tous les employés d’une fabrique au revenu du propriétaire de l’établissement. C’est une idée neuve qui nous a frappés tous à la lecture de certain écrit. Serait-ce là le principe que M. le ministre veut appliquer au chemin de fer ? Je n’en sais rien. Je n’en fait pas la critique. Je crois même que c’est chose à essayer pour l’industrie particulière. Mais je ne sais si on peut en faire utilement l’application au chemin de fer de l’Etat.
A la page 56 du document distribué à la chambre, je vois qu’un fonctionnaire du chemin de fer qui a un traitement fort élevé (12,000 fr.) a reçu, indépendamment de cela, une somme de 15,000 fr. répartie sur deux exercices. Le motif de cette largesse serait qu’il aurait appliqué des perfectionnement aux locomotives, et que, pour y parvenir, il aurait dû faire des dépenses extraordinaires.
Je prie M. le ministre de vouloir bien dire quels sont ces perfectionnement et à combien de locomotives ils ont été appliqués.
M. le président – La parole est à M. Delfosse.
M. Delfosse – J’y renonce. Je voulais faire les observations que vient de présenter l’honorable M. Fleussu.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Plusieurs systèmes ont été mis en usage, relativement aux voyages de certains fonctionnaires sur le chemin de fer, qui ont un service de surveillance à y exercer. D’abord on avait accordé des cartes de faveur. Des abus ont été signalés. Ces cartes ont été supprimées. On les a remplacées par les coupons de service dont se plaint l’honorable M. Fleussu, mais ces coupons de service ont été aussi supprimés. J’ai adopté un troisième système que plusieurs honorables membres ont critiqué, celui de désigner nominativement certains fonctionnaires qui doivent voyager presque quotidiennement sur le chemin de fer. On ne peut les assujettir à prendre à chaque voyage un billet au bureau, pour leur en rembourser le montant au bout du mois. Ce mode n’est pas réalisable en pratique.
L’honorable membre trouve que le système que j’ai adopté a quelque chose d’irrégulier, d’inconstitutionnel, que c’est une espèce d’exemption d’impôt. Si j’astreignais ces fonctionnaires à payer leurs places sur le chemin de fer, je leur rembourserais ces frais. Or, je viens de vous démontrer combien en pratique il serait impossible de suivre ce mode indiqué par l’honorable M. Fleussu.
L’honorable membre, sans critiquer le système que j’ai exposé dans ses généralités tout à l’heure, le système de faire participer par un tantième les employés du chemin de fer aux bénéfices nets de l’exploitation, vous a dit qu’il avait retrouvé ce système dans des écrits modernes. Messieurs, je ne vois pas en quoi cela pourrait lui nuire ; mais j’ajouterai une réflexion que j’avais oubliée, c’est que nous avons fait l’expérience de ce système. Ainsi on accorde aux machinistes une prime proportionnelle aux économies qu’ils obtiennent sur le combustible, et comme vous en avez la démonstration par le compte-rendu, nous avons obtenu par ce système et par les améliorations qui ont été apportées aux locomotives, les résultats les plus satisfaisants.
Cette expérience est aussi faite au chemin de fer d’Orléans. Tous les employés sont associés à l’administration, c’est-à-dire participent aux bénéfices de l’exploitation ; et l’administration, dans ses derniers rapports, se loue beaucoup des résultats obtenus par ce système.
L’honorable M. Fleussu m’a demandé des explications relativement à une récompense, c’est le mot, accordée à l’ingénieur Cabry pour les perfectionnements apportés aux locomotives par son système d’expansion. Messieurs, il y a quelques années le département de l’intérieur avait offert une prime de récompense de 30,000 fr. à celui qui apporterait un perfectionnement notable dans les machines. Lorsque le système de M. Cabry a été appliqué au chemin de fer, cette sommes n’était plus mise à la disposition du département de l’intérieur ; évidemment, s’il l’eût encore eu à sa disposition, cette récompense aurait été accordée à M. l’ingénieur Cabry pour les perfectionnement notables qu’il a apportés dans la construction des locomotives. C’est un système d’expansion.
M. Castiau – Quels sont les avantages de ce système ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est de permettre sur les routes à pentes et contre-pentes de ne pas utiliser toute la vapeur de la locomotive. Ainsi lorsqu’on se trouve sur une pente, vous empêchez la vapeur de se produire et vous obtenez une très-grande économie dans l’expansion de la vapeur.
Ce système n’est pas nouveau. Stephenson l’avait inventé. Mais M. Cabry y a ajouté des perfectionnements notables, et qu’on a adoptés maintenant en Allemagne et même en Angleterre. Je ne saurais pas dire de mémoire à combien de locomotives ce système est appliqué.
M. Fleussu – A deux ou trois ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pardonnez-moi. La plupart de nos locomotives de 14 à 15 pouces, toutes celles sortant de Seraing sont à expansion. Mais je n’en saurais dire le nombre.
M. Delfosse – Messieurs, si les fonctionnaires qui ont la faveur de voyager gratuitement appartiennent tous à l’administration du chemin de fer, je n’ai rien à dire. Il est très-naturel que les employés supérieurs du chemin de fer ne soient pas astreints à prendre un coupon au bureau chaque fois qu’ils doivent se transporter d’un lieu à l’autre. Mais si quelques-uns de ces fonctionnaires appartiennent à d’autres administrations, je dois blâmer la mesure ; ce serait alors une exemption en matière d’impôt, ce serait un acte inconstitutionnel, le gouvernement aurait outre-passé ses pouvoirs. La faculté de voyager gratis sur le chemin de fer est tout aussi blâmable que le serait une distribution gratuite de timbres.
M. le ministre des travaux publics doit donc s’empresser de révoquer son arrêté, s’il concerne d’autres fonctionnaires que ceux qui appartiennent à l’administration du chemin de fer.
On m’a encore signalé un autre abus : on m’a assuré qu’il y aurait, entre les ingénieurs belges et les ingénieurs français, une convention en vertu de laquelle les ingénieurs belges pourraient voyager gratis sur les chemins de fer français, et les ingénieurs français sur les chemins de fer belges.
Un membre – Il n’y a pas de mal à cela.
M. Delfosse – Comment, il n’y a pas de mal à cela ? Mais c’est un abus grave, un abus criant. Les ingénieurs belges, lorsqu’ils voyagent en France, les ingénieurs français, lorsqu’ils voyagent en Belgique, doivent être considérés comme de simples particuliers. Il n’y a pas de raisons pour qu’on les dispenser de payer.
J’entends dire à mes côtés que les princes étrangers voyagent aussi gratis, eh bien c’est encore là un abus. Lorsque le chemin de fer n’existait pas, des princes étrangers devaient payer la poste. Pourquoi la Belgique supportera-t-elle les frais de voyage des princes étrangers ? Je dis qu’il faut faire payer tout le monde.
Il paraît, messieurs, que les abus sont nombreux dans l’administration du chemin de fer. L’honorable M. Verhaegen et d’autres collègues en ont signalé quelques-unes, les réponses de M. le ministre des travaux publics ne m’ont pas paru entièrement satisfaisantes. Toutefois, il a promis des réformes dont nous lui saurions gré s’il a le courage de les réaliser.
M. le ministre nous disait tantôt, que l’administration du chemin de fer est la seule qui soit réglée, par un arrêté organique ; c’est là, selon lui, un grand avantage. J’avoue que je trouve cet avantage fort insignifiant ; les garanties de l’arrêté organique sont tout à fait illusoires.
Qu’importe, en effet, que les traitements soient fixés par un arrêté royal. Qu’importe que M. le ministre n’ait pas le droit de les modifier, alors qu’une disposition de ce même arrêté lui donne le droit d’accorder arbitrairement des indemnités ; alors qu’on accorde des indemnités qui doublent le traitement ? Cette disposition laisse la porte ouverte à tous les abus.
M. le ministre des travaux publics nous a fait part du projet qu’il a conçu ; de faire pénétrer l’aiguillon de l’intérêt privé dans l’administration du chemin de fer, en accordant aux employés un tantième sur les bénéfices. Ce projet peut être bon s’il est restreint dans certaines limites ; il ne faut pas que ce tantième soit accordé à tous les employés. Il en est, parmi eux, qui ne peuvent exercer aucune influence sur les résultats financiers, par exemple, les receveurs dont toute la besogne consiste à donner des coupons et à recevoir l’argent en échange.
Je conseille à M. le ministre de mettre beaucoup de circonspection dans l’application de ce système. Ce système est bon jusqu’à un certain point ; mais appliqué à tous les employés indistinctement, il serait loin de produire les résultats qu’on en attend.
M. Pirmez – Je désire avoir quelques explications sur le système dans lequel on paraît vouloir entrer.
On dit que ce système sera établi par un arrêté royal ; mais c’est une chose qui me paraît exorbitante que de laisser régler des intérêts aussi (page 1111) considérables par un arrêté. Il me paraît qu’il faudrait une loi pour décider une question aussi grave que celle de savoir si les employés doivent avoir une part dans les bénéfices du chemin de fer.
Ensuite, je ne comprends pas très-bien ce qu’on entend par bénéfice. Ainsi nous avons aujourd’hui une recette qui s’élève à telle somme. Si, l’année prochaine, cette recette s’élève à une somme plus considérable, tous les employés recevront-ils un traitement plus considérable ? Je crois, par exemple, que l’année prochaine les recettes du chemin de fer seront supérieures à celles de cette année. Considérera-t-on ce surplus comme un bénéfice sur lequel les employés obtiendront un tantième ?
Il faudrait donc donner une idée de ce qu’on entend par bénéfices du chemin de fer.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – C’est l’excédant des recettes sur les dépenses.
M. Pirmez – C’est ce que je suppose. Ainsi si nos recettes sont plus fortes l’année prochaine que cette année, tous les employés du chemin de fer recevront une augmentation de traitement.
Messieurs, il ne faut jamais établir de comparaison entre l’Etat et des sociétés. Une société fait un corps particulier, fait un tout. Une société du chemin de fer, par exemple, forme tout l’état de la compagnie. Mais l’administration du chemin de fer en Belgique ne forme qu’une très-petite partie de la société nationale. Il est donc impossible d’établir une comparaison entre les opérations du gouvernement sur ce point, et ce que peuvent faire telle et telle société, et c’est ce qu’on perd trop de vue.
Je ne dis pas que le système dans lequel on veut entrer soit mauvais ; mais je crois qu’il faudrait au moins, avant de l’établir par un arrêté, la soumettre à la publicité. Il ne serait pas impossible que lorsqu’on serait entré dans cette voie, on reconnût que ce mode serait très-onéreux à l’Etat.
M. de Man d’Attenrode – J’ai demandé la parole pour obtenir quelques renseignements de M. le ministre des travaux publics.
Vous avez tous vu annoncer quelquefois dans les journaux d’une manière assez pompeuse que des ingénieurs du chemin de fer belge sont appelés par des puissances étrangères pour présider à la construction de chemins de fer. Je désirerais que M. le ministre des travaux publics nous dit comment leur position est réglée, lorsqu’ils se rendent dans ces pays étrangers, si on leur conserve leur traitement ou si on ne leur en paye qu’une partie.
Je désirerais aussi savoir dans quels pays nous avons des ingénieurs détachés de l’administration belge.
Messieurs, si l’administration des chemins de fer peut se passer de ces fonctionnaires envoyés à l’étranger, sans que notre service en souffre, dans un moment surtout où l’on est dans tout le feu de la construction des travaux publics, cela me fait croire que le personnel est beaucoup trop considérable. S’il n’en est pas ainsi, l’absence de ces ingénieurs dans les circonstances actuelles doit faire tort au service des constructions qui se font dans le pays.
M. Jadot – Je ne m’étais pas proposé de parler sur le chemin de fer précisément parce qu’il y a trop à dire sur cet objet.
Mais je dois une observation sur l’opinion émise par M. le ministre et par l’honorable M. Osy, qui attribuent aux arrêtés royaux en matière de comptabilité une portée que je leur conteste. Je soutiens, moi, que les arrêtés ne sont que des décisions ministérielles sous une autre forme, puisqu’ils ne peuvent rien les chambres appelées à voter et à juger les traitements et les indemnités, et à déterminer l’importance alors même qu’elle a été fixée par des arrêtés royaux qui se trouvent encore exposés à être annulés ou modifiés, ce qu’il faut éviter.
Il en résulte que les traitements et indemnités doivent être fixés par la loi. Je me réserve de développer mon opinion à cet égard dans une autre circonstance.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. Delfosse a bien voulu convenir que l’arrêté dont j’ai parlé ne serait blâmable que dans le cas où il concernerait des fonctionnaires pris en dehors du chemin de fer. Messieurs, cet arrêté ne concerne que les fonctionnaires attachés au chemin de fer et ceux qui, comme les inspecteurs des ponts et chaussées, exercent une surveillance sur tous les travaux des lignes.
Il est vrai, messieurs, que l’administration des chemins de fer français et allemands font la gracieuseté de se refuser à tout payement de coupons de la part du directeur de notre chemin de fer et des fonctionnaires qui l’accompagnent, et qu’en échange de bons procédés, j’ai accordé la même faveur aux directeurs de ces chemins de fer étrangers.
Je ne pense pas que la chambre puisse trouver ce bon procédé blâmable ; il me semble qu’il y aurait un manque d’égard et de convenance d’en agir autrement.
L’honorable M. Pirmez a soutenu que le règlement des traitements et indemnités au moyen d’un tantième, devrait être déterminé par une loi et non pas par un arrêté royal. Mais messieurs, la chambre continuera, comme elle l’a toujours fait, à fixer au budget la somme des traitements et indemnités, elle sera donc toujours juge des mesures qui auront été prises à cet égard par le gouvernement.
L’honorable M. de Man a demandé s’il était vrai que le gouvernement eût autorisé des ingénieurs belges a dirigé les travaux des chemins de fer dans les pays étrangers.
Messieurs, ce fait est trop honorable pour la Belgique, pour que je ne me plaise pas à le constater ici. Le gouvernement de la Saxe a demandé à M. l’inspecteur-général des ponts et chaussées de diriger les études du chemin de fer de la Saxe, où l’on rencontre d’immenses difficultés de construction. C’est notre conseil des ponts et chaussées qui a discuté les plans, et le gouvernement saxon m’a fait témoigner toute sa satisfaction du résultat de ces études.
Des ingénieurs belges sont maintenant dans la Hesse-Electorale, pour diriger tous les travaux du chemin de fer de Hese-Cassel, où l’on rencontre également de grandes difficultés à vaincre. Quelques membres du corps des ponts et chaussées dirigent aussi les travaux du chemin de fer de Bonn à Coblence. Le gouvernement sarde se dispose, je crois, à nous demander des ingénieurs du chemin de fer pour présider à la construction du réseau complet des chemins de fer en Sardaigne. Le Portugal et le Mexique nous ont fait la même demande.
Je me plais, messieurs, à signaler ce faits qui, je le répète, font honneur à la Belgique, qui est surtout connue à l’étranger pour ses beaux travaux publics.
Je me permets d’ajouter que ces faits prouvent qu’on est loin, à l’étranger, de partager certaines préventions à l’égard des ingénieurs qui se sont manifestées chez nous.
Messieurs, les ingénieurs qui sont autorisés par le gouvernement à diriger pendant un temps limité ces études à l’étranger, ne reçoivent pas de traitements pendant leur absence. Cela va de soi. Il ne faut pas oublier, messieurs, que toutes les lignes du chemin de fer étant exécutées, plusieurs ingénieurs qui avaient été attachés à la construction, peuvent, sans nuire au service et en attendant d’autres constructions, s’absenter pendant quelques temps.
Du reste, la chambre comprendra que la présence de nos ingénieurs dans ces pays doit aider à créer des relations avec eux. Ainsi la plupart de ces pays ont l’intention de se pourvoir en Belgique du matériel pour leurs chemins de fer, de locomotives et de rails. C’est donc là un moyen d’étendre les relations entre la Belgique et l’étranger et, je le répète, c’est un fait qui fait honneur au pays et que je suis heureux d’avoir l’occasion de faire connaître.
M. Delfosse - M. le ministre des travaux publics, vient de nous dire que la mesure dont j’ai parlé ne s’applique qu’aux directeurs du chemin de fer et aux personnes qui les accompagnent. On m’avait assuré qu’elle s’appliquait aussi aux ingénieurs. Je m’en rapporte à l’affirmation de M. le ministre des travaux publics ; l’abus est moins grave qu’on ne me l’avait dit, mais ce n’en est pas moins un abus.
M. le ministre prétend qu’il doit y avoir une réciprocité de bons procédés entre les administrations des chemins de fer étrangers et l’administration de notre chemin de fer. Messieurs, la réciprocité qui existe est une réciprocité d’un tout nouveau genre ; l’administration du chemin de fer rhénan compte 11 à 12 directeurs, la nôtre n’en a qu’un ; on permet aux 11 à 12 directeurs du chemin de fer rhénan, de voyager gratis en Belgique avec leur famille et leur suite, et en échange de cet avantage accordé à 11 ou 12 personnes, la Belgique obtient la faveur insigne de faire voyager gratis un seul fonctionnaire.
Je demande si c’est là de la réciprocité. Je sais bien que si l’on faisait payer ces 11 ou 12 directeurs, il n’en résulterait pas une recette très-considérable ; mais tout abus présente un danger par cela seul qu’il est abus ; dans le principe ce n’est rien, peu à peu l’abus s’étend, il grossit et il finit pas prendre une large part au budget. Vous devez, messieurs, le savoir par expérience, tout abus qu’on n’a pas arrêté à sa naissance devient très-difficile à extirper, et on l’invoque plus tard comme précédent.
M. le ministre des travaux publics n’a rien répondu à ce que j’ai dit des princes étrangers qui voyagent en Belgique ; il aura probablement trouvé qu’il n’y avait rien à répondre ; je persiste à soutenir que les princes étrangers qui voyagent en Belgique devraient payer pour eux et pour leur suite. Il ne convient pas que les personnes les plus riches soient justement celles qui voyagent aux frais des contribuables belges. Encore si ces princes voyageaient comme d’autres par les convois ordinaires, mais non, il leur faut des convois spéciaux ! Si l’on n’y met ordre, cela deviendra très coûteux ; car de nos jours les princes aiment à voyager et la Belgique, outre qu’elle est un lieu de passage, paraît avoir des attraits pour eux.
M. d’Elhoungne – J’ai demandé la parole, messieurs, pour relever une allégation qui est échappée à M. le ministre des travaux publics, dans la chaleur de l’improvisation sans doute. M. le ministre des travaux publics a présenté, comme une chose très-honorable pour la Belgique, que l’étranger fit un appel aux lumières et au talent de nos ingénieurs. Je pense que la chambre toute entière s’est associée à l’opinion que M. le ministre des travaux publics a exprimée sur ce point. Mais il n’est pas de même quant à une autre conséquence que M. le ministre a tirée du même fait, à savoir, que cet appel prouvait qu’à l’étranger on ne partageait pas cette espèce de défaveur et de préjugé qui se manifestent dans le pays contre nos ingénieurs. Personne, que je sache, ne méconnaît et ne conteste le talent de nos ingénieurs, et les services qu’ils ont déjà rendus à la Belgique. Ce n’est pas l’étranger seulement qui leur rend justice.
Si, dans une circonstance récente, la chambre a ordonné une enquête pour rechercher les causes de l’accident de Cumptich, elle ne l’a pas fait dans un esprit d'hostilité contre le corps des ingénieurs belges, elle ne l’a pas fait parce qu’elle doutait de leur science et de leur habilité ; mais elle l’a fait précisément par un esprit de justice, afin que le blâme, s’il y avait lieu, pût se concentrer sur ceux qui ont failli ; afin par conséquent que cet événement malheureux ne pesât pas sur le corps des ingénieurs tout entier. Messieurs, c’est pour qu’on ne se méprît pas sur la pensée de M. le ministre que j’ai cru devoir faire cette observation.
(page 1112) M. le président – Si personne ne demande plus la parole, je mettrai l’art. 1er aux voix. Il est ainsi conçu :
« Art. 1er – Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 216,000. »
- Cet article est adopté.
« Art. 2. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, etc. : fr. 146,000. »
M. David – Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, s’il est exact que différents ingénieurs du chemin de fer viennent prendre des fournitures de bureau à Bruxelles, indépendamment des sommes qui leur sont allouées pour frais de bureau. Les ingénieurs des ponts et chaussées reçoivent 600 fr. pour frais de bureau, mais alors toutes les fournitures de bureau sont à leur charge. Il y aurait donc, sous ce rapport, une exception en faveur des ingénieurs du chemin de fer. Or cela ne doit pas être.
Je crois, messieurs, que c’est ici, le lieu de revenir sur l’affermage des buffets des stations, dont il a déjà été question précédemment. Une pétition nous a été adressée à cet égard, par plusieurs hôteliers et tenant cafés à Verviers. La chambre a décidé que cette pétition serait déposée sur le bureau, mais je ne l’ai pas trouvée, sans cela, je me serais permis de vous en lire quelques passages. Quoi qu’il en soit, la grande raison que les pétitionnaires font valoir, c’est que les buffets des stations sont improductifs pour l’Etat ; ils font remarquer ensuite que c’est là un objet de faveur, que ceux à qui l’on permet de tenir ces buffets, ces restaurations, obtiennent une espèce de privilège. Je désirerais que M. le ministre des travaux publics fît cesser cet état de choses. Je suis persuadé que l’adjudication des buffets des stations pourrait rapporter une somme considérable ; on pourrait en quelque sorte comparer cela aux barrières qui procurent un grand revenu au gouvernement. J’engage M. le ministre à examiner quels seraient les avantages et les inconvénients de ce que demandent les pétitionnaires. Il me semble que leurs observations sont dignes de son attention.
J’ai fait remarquer aussi, messieurs, que les cartes de circulation sur le chemin de fer pourraient produire un revenu notable pour le trésor. On pourrait, en quelque sorte, assimiler ces cartes aux ports d’armes, aux passe-ports ; il me semble qu’on pourrait en tirer parti sans qu’il en résultât plus d’inconvénients qu’il n’en résulte actuellement de la circulation des personnes qui obtiennent ces cartes gratuitement. On pourrait consacrer le produit de ces cartes à un grand acte d’humanité, par exemple, à la formation d’une caisse pour venir au secours de ceux qui seraient victimes d’un malheur au chemin de fer. Lorsque nous voyons des catastrophes comme celle qui est arrivée au chemin de fer de Versailles, où tant de personnes ont été horriblement mutilées, il me semble que nous devrions bien songer à faire quelque chose pour ceux qui seraient un jour victimes de quelque catastrophe en Belgique.
Je ferai une dernière observation. Je prierai M. le ministre de bien vouloir faire parvenir le Moniteur aux principales stations du royaume. On a déjà eu l’occasion de reconnaître qu’il serait extrêmement utile, dans certaines stations, d’avoir les documents officiels que le Moniteur publie. A chaque instant, des observations importantes sont faites dans les chambres, par exemple, relativement aux douanes ; il serait utile de faire connaître ces observations par la voie du Moniteur aux employés qui sont éloignés du centre de l’administration. C’est surtout sous le rapport des douanes que l’envoi du Moniteur serait utile. Je recommande ce point à l’attention de M. le ministre des travaux publics.
- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 122,125 »
M. Brabant – Messieurs, je me suis livré à l’examen du tableau n°5 inséré aux pages 31, 32 et 33 des développements du budget du chemin de fer. J’ai besoin d’explications sur cet article.
Le personnel du service d’entretien, sur l’ensemble de notre chemin de fer, coûte, en moyenne, 1,090 francs par lieue. Mais c’est loin d’être réparti proportionnellement à l’étendue. Ainsi, je trouve que sur la ligne de l’Est, une lieue de surveillance coûte 2,410 francs ; sur la ligne du Nord, 1,817 francs ; sur la ligne de l’Est, 1,400 francs ; sur la ligne du Midi, 1,100 francs ; sur la ligne de l’Ouest, 600 francs, et sur celle de Braine-le-Comte à Namur, 423 francs.
Le développement du chemin de fer de Braine-le-Comte à Namur est précisément égal à celui du chemin de fer de Bruxelles à Quiévrain. La surveillance sur la route de Braine-le-Comte à Namur, n’a demandé, jusqu’à présent, que 3,200 francs. Il est vrai qu’on réclame un crédit éventuel de 3,565 francs pour les employés du service de Braine-le-Comte à Namur. Mais en admettant que ce crédit soit employé immédiatement, nous n’aurons, pour la surveillance de 16 lieues, que 6,765 francs ; or, les 16 lieues, de Bruxelles à Quiévrain, coûtent 17,550 francs, c’est-à-dire près du triple.
Je crois que le personnel du service d’entretien doit être à peu de chose près proportionnel aux difficultés qu’on a rencontrées dans la construction de la route, et je ne pense pas que la route de Namur à Braine-le-Comte soit celle qui a présenté les moindres difficultés. La section qui, certainement a surpassé toutes les autres à cette égard, celle de la Vesdre, ne coûte que 1,400 mille fr. par lieue pour frais du personnel d’entretien, tandis que la ligne de l’est, qui, à l’exception de deux ou trois points, et entre autres du malheureux tunnel de Cumptich, ne présente presqu’aucune difficulté, coûte 2,410 mille francs par lieue d’entretien.
Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien s’expliquer sur des différences aussi saillantes. Si je n’avais pas mes apaisements, je devrais voter contre l’article.
M. David – Je prierai en même temps M. le ministre des travaux publics, de vouloir bien répondre aux quatre points que je lui ai indiqués tout à l’heure.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, j’avais cru que l’honorable M. David n’ait eu l’intention que d’émettre des objections, afin que je puisse en tenir compte.
En ce qui concerne la pétition de Verviers cette requête a été renvoyée à mon examen. J’ai demandé immédiatement les renseignements nécessaires à l’administration du chemin de fer, au sujet des inconvénients et des avantages que présenterait l’affermage des restaurants des stations et je poursuivrai ces examens.
L’honorable M. David a fait observer ensuite que les ingénieurs des ponts et chaussées reçoivent six cents francs pour fournitures du bureau, tandis que ceux attachés aux chemins de fer reçoivent leurs fournitures de bureaux de l’administration centrale du chemin de fer.
M. David – Pardon, ils reçoivent également une allocation pour leurs fournitures, et indépendamment de cette allocation, ils vont encore puiser au magasin. Voilà ce qui ma été affirmé.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je pense que ce fait est inexact. Du reste, je le vérifierai. Je pense que les employés qui vont s’approvisionner de fournitures de bureau au magasin central, ne reçoivent aucune allocation pour frais de bureau.
Relativement aux cartes du chemin de fer, j’ai déjà eu l’occasion, lors de la discussion du budget de 1844, de faire remarquer à l’honorable préopinant, l’inconvénient qu’il y aurait à accorder des cartes de chemin de fer à tous ceux qui les payeraient. Il est certain qu’on pourrait arriver à de graves abus. D’après le système actuel, le gouvernement peut au moins apprécier à qui il confie ces cartes. S’il y avait une rétribution, chacun pourrait s’en procurer…
M. David – On ne donne pas de ports d’armes à tout le monde.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – En France et en Allemagne, les stations sont complètement clôturées, et les employés ne peuvent y entrer. Ce système est infiniment préférable à celui qui est suivi en Belgique. Le grand nombre de personnes qui souvent encombrent les stations, nécessitent des frais de police et de surveillance qui seraient moindres, si les stations étaient entièrement clôturées. Mais les habitudes sont tellement prises depuis 1835 qu’il serait excessivement difficile d’admettre le système allemand et français.
L’honorable M. Brabant a fait remarquer que le service du personnel d’entretien et de surveillance variait d’une manière assez notable sur les différentes lignes du chemin de fer.
Messieurs, je ne pourrais pas immédiatement expliquer pour quels motifs spéciaux le chiffre pour telle ligne est plus considérable que celui de telle autre ligne. Cependant, en général, l’honorable membre reconnaît qu’il est impossible d’arriver à un chiffre uniforme ; comme il l’a dit lui-même, la surveillance d’entretien d’une route doit varier d’après les difficultés même qu’on y a rencontrées dans l’exécution. Toutes les routes ne sont pas dans les mêmes conditions d’entretien.
Ainsi sur la ligne de l’est, par exemple, des renouvellements de billes de rails ont eu lieu, et dès-lors le service de cette ligne demandera un personnel d’entretien plus considérable. Mais je n’ai pas sous les yeux les détails nécessaires pour satisfaire d’une manière complète à la demande d’explications que m’a faite l’honorable M. Brabant.
- Personne ne demandant la parole, l’art. 3 est mis aux voix et adopté.
« Art. 4 Main d’œuvre, travaux, fournitures, etc. : fr. 1,097,000 »
- Adopté
« Art. 5. Renouvellement de billes et fer : fr. 360,000 »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 127,000 »
M. David – Messieurs, je crois que c’est ici le lieu de revenir sur la question du plan incliné de Liége.
Su le plan incliné de Liége, on paye un triple prix de parcours à la descente et à la remonte. Cette triple taxe (3 lieues pour une) est une injustice au point de vue de l’intérêt général, et une injustice plus grande encore au point de vue de l’intérêt particulier.
Voici, par exemple, ce qui arrive à l’intérêt particulier.
Des houillères, des établissements, situés au sommet, ne déversent en grande partie leurs produits que vers la vallée de la Meuse. Il en résulte que le plan incliné est, pour ainsi dire, une chose favorable au transport des marchandises vers Liége, puisque l’administration n’y fait usage d’aucun moyen de traction ; par conséquent, ce transport ne coûte absolument rien au chemin de fer que l’usage des freins. Les waggons remontent vides, car il est évident qu’on ne prend pas de charge et qu’il n’y a pas de charge pour remonter avec ces waggons jusqu’aux établissements qui sont situés au sommet du plan incliné.
Je demande si l’injustice n’est pas flagrante pour l’intérêt particulier. Ce qui ne coûte absolument rien du tout, on le lui fait payer triple. Je demanderai au moins qu’on ne fasse payer que le simple parcours. Cela est de la dernière équité.
(page 1113) C’est une différence de 200 p.c. que cette taxe triple sur le parcours d’une lieue. Si cette lieue était englobée dans un parcours de 40 ou de 50 lieues, cela passerait d’une manière inaperçue, homéopathique en quelque sorte (On rit). On ne s’y arrêterait pas autant. Mais lorsque vous faites porter cette triple taxe sur une aussi faible distance, le plan incliné devient pour les établissements situés au sommet le véritable rocher de Sisyphe (Hilarité).
Je puis en dire autant des industries de toute la province, sur lesquelles il pèse, qu’il écrase.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, j’ai déjà eu l’occasion de faire connaître à la chambre qu’un tableau des distances sur le chemin de fer est annexé au projet de loi, fixant le tarif des voyageurs et des bagages. Le gouvernement a tenu compte dans ce tableau des anomalies qui ont souvent été signalées. D’après ce tableau, on ne payera sur le plan incliné qu’à raison de la distance réelle parcourue, tandis qu’aujourd’hui on paye pour un parcours de trois lieues.
M. de Mérode – Messieurs, en appréciant la distance, comme vient de le faire l’honorable M. David, on n’apprécie pas la dépense qu’a entraînée la construction du plan incliné. Les plans inclinés coûtent beaucoup plus à l’Etat que les terrains plats. Si l’on diminue constamment les recettes du chemin de fer, il faudra établir d’autres contributions.
Si on n’avait pas fait de chemin de fer, je voudrais bien savoir si les établissements dont parlent l’honorable préopinant se seraient trouvés dans une meilleure situation. Si, au contraire, leur position s’est grandement améliorée, ils n’ont certes pas à se plaindre de l’ordre établi, et je trouve que M. le ministre des travaux publics est beaucoup trop facile dans ses concessions.
Qu’on ne l’oublie pas, nous ne faisons ici aucune réduction qui ne doive être immédiatement remplacée, soit par des bons du trésor qui sont un très-mauvais système, soit par d’autres contributions.
Je trouve que ceux qui sont si près du chemin de fer, pour lesquels tous les frais du plan incliné ont été faits, n’ont pas lieu de se plaindre des facilités qu’ils ont obtenues, et qu’ils ne sont pas fondés à réclamer une nouvelle réduction dans les revenus que le plan incliné peut produire.
M. Fleussu – Pour que le raisonnement de l’honorable M. de Mérode fût exact, il faudrait l’étendre à toutes les lignes du chemin de fer. Ainsi le chemin de la Vesdre qui, à raison des accidents de terrain qu’il présentait, a coûté des sommes considérables, devrait avoir un tarif particulier, proportionné au chiffre des dépenses qu’il a entraînées pour l’Etat.
Messieurs, je crois que cette simple réflexion suffit pour détruire tout ce qu’a dit M. le comte de Mérode. Ce ne sont pas les habitants de la localité où le chemin de fer est établi, qui paient pour le parcourir, mais tous ceux qui passent par cette localité. S’il était vrai qu’on dût avoir égard aux difficultés et aux dépenses que certains terrains ont occasionnées, vous devriez faire payer beaucoup plus cher chaque fois qu’on passe sous un tunnel. Il y répartition à faire de toutes les dépenses et un tarif général à établir pour tout le chemin de fer.
M. Lesoinne – Je pense que l’honorable M. Fleussu a répondu suffisamment à l’argumentation de M. le comte de Mérode, qui voudrait qu’on augmentât sur les frais de construction, le tarif sur les plans inclinés de Liége. Mais j’ai demandé la parole pour rassurer l’honorable comte qui a exprimé la crainte qu’il n’y eût un déficit si on réduisait le tarif des plans inclinés ; je lui dirai qu’il est au contraire probable que l’abolition des surtaxes amènera un plus grand mouvement sur le chemin de fer, et que la recette augmentera au lieu de diminuer. Cette surtaxe est une barrière à l’exportation de beaucoup de matières pondéreuses de la vallée de la Meuse qui pourraient profiter de cette voie de communication si la surtaxe était abolie.
M. de Mérode – Si on doit avoir plus de revenu en supprimant la surtaxe, je ne m’y oppose plus. Mais quant au principe d’égalité absolue de tarif sur toutes les lignes, je ne puis l’admettre. Ce principe est établi, je ne vois pas de justice dans un pareil régime. Sur une route ordinaire qui est accidentée, il faut de plus forts attelages ; eh bien ! on fait payer aux barrières en raison du nombre de chevaux attelés, et celui qui a ses chevaux doit encore les nourrir. Mais sur les chemins de fer on a inventé un autre système. Le chemin coûtât-il un million par kilomètre, on veut faire payer le même prix que sur une route plate, comme celle de Malines à Gand. Il devrait y avoir un système analogue à celui qui existe sur les routes ordinaires et les canaux. Sur un canal coupé par une multitude d’écluses, on payerait plus que sur un canal comme celui de Vilvorde à Bruxelles, où il n’y en a qu’une. Je trouve injuste le système contraire qu’on a voulu faire prévaloir jusqu’ici dans la fixation des tarifs du chemin de fer.
M. David – L’honorable comte de Mérode ne veut pas admettre l’uniformité des tarifs sur toutes les lignes. Mais si on établissait des tarifs différentiels suivant les frais de construction, on rendrait les tarifs mille fois plus embrouillés qu’ils ne le sont déjà. Par exemple, pour les Flandres on établirait un tarif très bas, parce que là les chemins ont peu coûté et que dans les plaines on ne transporte que très-peu de choses par chemins de fer, des cotons, des dentelles, par exemple ; mais ce n’est pas là ce qui produit, ce sont les montagnes qui ont la puissance de produire, ce sont des montagnes que nous nous transportons. C’est donc nous qui donnons l’aliment, qui rendons le chemin de fer productif, car c’est nous qui lui donnons toutes les matières pondéreuses. Que l’honorable membre ne vienne pas nous faire de comparaison avec les transports par les chevaux sur les routes ordinaires, car c’est là nous faire rebrousser aux calendes grecques.
Que l’honorable membre veuille bien remarquer qu’il y a deux machines fixes qui fonctionnent toujours au plan incliné, qu’il y ait charge ou non.
L’honorable M. Osy a parlé de l’insuffisance de notre matériel. Je crois que c’est le moment d’en dire encore un :mot, car j’ai une observation à faire relativement au parcours que fait notre matériel sur le chemin de fer rhénan.
Je suppose que notre matériel parte de Liége, il parcourt huit lieues avant d’arriver à la frontière. Voilà le parcours de notre matériel sur notre territoire. Mais il va jusqu’au Rhin, de sorte que nous avons un matériel pour la Prusse, plutôt que pour nous, puisqu’il fait un parcours trois fois plus long et dis fois plus lent sur le chemin de fer prussien que sur le nôtre. Un jour, qui peut-être n’est pas bien éloigné, on ira jusqu’à Berlin, à Paris, si nous continuons notre système, si nous ne faisons pas décharger notre matériel à Aix-la-Chapelle, ou à la frontière. Il n’y a pas de raison pour qu’il n’aille pas jusqu’à Berlin et de l’autre côté jusqu’à Paris. D’ailleurs, je ne vois pas qu’avec le système actuellement suivi nous puissions jamais présenter de calcul exact sur l’insuffisance de notre matériel. Nous ne saurons jamais à quoi nous arrêter. Dans nos exigences sous ce rapport, nous aurons des demandes extrêmement exagérées, qui augmenteront à mesure que le chemin de fer se prolongera.
M. Mast de Vries – Je ne partage pas l’opinion de l’honorable M. de Mérode qui voudrait qu’on établît des péages différents suivant la dépense de construction. L’exemple qui a cité du péage des barrières pour les chevaux employés dans les pays de montagnes ne m’a pas touché le moins du monde.
Tout à l’heure l’honorable M. David nous a dit que les tarifs de la commission n’existaient plus. C’est une erreur ; ils existent toujours. L’année dernière, j’engageai M. le ministre à appliquer les tarifs partout. Si M. le ministre veut y prendre garde il verra ce qu’il y a encore à faire sous ce rapport. Entr’autres, la ligne des Flandres ne se trouve point sur le même pied que les autres lignes. Convaincu que le tarif sur la ligne des Flandres est beaucoup moins fort que celui des autres lignes, j’ai été le premier à demander qu’il fût réduit. On l’a fait ; peut-être ne l’a-t-on pas assez réduit ; mais quant à la ligne des Flandres, le tarif est de 18 à 20 pour cent inférieur à ceux de toutes les autres lignes du pays.
Je demande que le gouvernement, quelque soit le tarif qu’il adopte, l’applique dans toutes les directions ; il ne faut pas d’exception en faveur d’une province plutôt qu’en faveur d’une autre.
M. Delfosse – Savez-vous, messieurs, quel serait le résultat du système de l’honorable comte de Mérode ? C’est qu’il faudrait deux ou trois cent tarifs au lieu d’un seul. Il faudrait un tarif pour les plans inclinés, il en faudrait un pour chaque tunnel, pour chaque pont, pour chaque déblai ou remblai un peu considérable. Il est étonnant qu’alors que le gouvernement consent à faire cesser cet abus, l’honorable comte de Mérode vienne s’en constituer le défenseur. Il est reconnu par tout le monde que le tarif exceptionnel des plans inclinés est une injustice.
M. de Mérode - Il est évident que si on établissait un tarif différent à chaque kilomètre, il en faudrait à l’infini. J’entendais qu’on établit un tarif d’une manière un peu large, plus élevé vers certaines localités faciles à distinguer. En effet, il est très-facile d’apprécier la différence qui existe entre le transport d’Ans à Verviers et celui de Malines à Gand. Il en est de même d’autres sections dont la construction a coûté également cher. Pour établir les différences que je voudrais, il suffirait d’avoir cinq ou six espèces de tarif. On arriverait ainsi à une bonne justice distributive ; mais si l’on veut pousser le principe à l’excès, il est évident qu’on en rend l’application impossible.
M. Delfosse – C’est-à-dire qu’après avoir posé ce principe, l’honorable comte de Mérode recule devant les conséquences ! Son principe est que les frais de transport soient établis d’après les frais de construction, et dans l’application il se contenterait d’un tarif très-modéré pour des parties de chemin de fer qui ont entraîné de très-grandes dépenses.
- L’article 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Main-d’œuvre, travaux et fournitures de : fr. 2,785,000. »
- Adopté.
« Art. 8 Traitements et indemnités des fonctionnaires, employés et gardes-convois : fr. 578,500 fr. »
M. Lesoinne – Messieurs, des irrégularités ont été signalées dans la remise des marchandises de Liége à Malines et à Bruxelles. Les marchandises qu’on expédie par le chemin de fer mettent trois et quatre jours pour arriver à leur destination.
M. le ministre a dit qu’il avait préparé un projet de tarif de différents prix suivant le temps qu’on laisserait à l’administration pour la remise des objets à sa destination. Je voudrais que quand une marchandise ne peut pas être expédiée tout de suite, on en avertit l’expéditeur, car souvent il résulte du retard des choses extrêmement préjudiciables du commerce.
Les marchandises restent pour compte des expéditeurs. J’avais demandé qu’un registre fût ouvert dans le bureau des marchandises pour y consigner les réclamations du commerce. Je sais qu’il y en a un pour recevoir les réclamations des voyageurs ; mais quant à ce service, il n’excitera jamais de grandes réclamations ; il se fait régulièrement ; on en est généralement satisfait.
Quant au service du transport de marchandises, beaucoup de plaintes se sont élevées.
Je demanderai donc à M. le ministre s’il trouverait quelque inconvénient à ce qu’il fût ouvert un registre, pour les réclamations aux bureau des marchandises (page 1114). Le gouvernement lui-même pourrait profiter des observations qui seraient consignées sur ce registre.
Comme on l’a dit, l’administration du chemin de fer est jeune. Elle aime à s’entourer de lumières. Je crois que le moyen que j’indique en produirait.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)– Je n’y vois aucun inconvénient.
- L’art. 8 est mis aux voix et adopté.
« Art. 9. Main-d’œuvre, travaux, fournitures, indemnités pour pertes et avaries : fr. 573,000 »
- Adopté.
« Art. 10. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 198,500. »
- Adopté.
Art. 11. Loyer des locaux : fr. 7,800.
- Adopté.
« Art. 12. Traitements de l’inspecteur général, des directeurs provinciaux, contrôleurs, percepteurs, commis, adjoints-commis, distributeurs, facteurs-ruraux, boîtiers, etc. : fr. 900,000 »
M. Jadot – Depuis longtemps les journaux ont fait connaître que des pétitions avaient été adressées au gouvernement sans demander la suppression du service de la malle-poste sur l’ancienne route de Namur à Arlon par Marche et Bastogne, pour le transférer sur la nouvelle route passant par Rochefort et St.-Hubert.
J’ai toujours cru et je crois encore que le gouvernement, animé de l’esprit de justice qu’il doit prendre à ses délibérations, ne consentira jamais à une pareille spoliation.
Cependant, je viens d’apprendre que ces étranges prétentions qui semblaient avoir été abandonnées viennent de se renouveler plus vives que jamais, et que pour obliger le gouvernement à les accueillir, on menace de supprimer un service de diligence aujourd’hui établi.
J’aime à croire, pour l’honneur du gouvernement, que cette menace n’exercera aucune influence sur sa résolution.
Que des entrepreneurs de diligence établissent des services où bon leur semblera, ils en sont bien libres, mais c’est précisément parce qu’ils sont libres de les établir et de les supprimer ensuite à leur gré, que Marche, Bastogne et toutes les localités sur l’ancienne route demandent à conserver un service qui n’est à la merci de personne.
Nous ne demandons qu’à conserver ce que nous possédons depuis qu’il existe des lignes de postes ; nous faisons des vœux pour qu’il soit pourvu aux besoins de ce genre dans tout le royaume, mais sans dépouiller personne.
Je prie M. le ministre de vouloir bien rassurer les intérêts que les demandes qui lui ont été adressées tendent à compromettre. Je désire qu’il veuille bien me rassurer à cet égard avant la discussion du chapitre des postes.
M. Rodenbach – J’ai, en 1842 et 1843, provoqué la réforme postale. Je la réclame encore aujourd’hui. Quelques membres de la chambre qui craignaient que cette réforme diminuât les produits du trésor ne doivent pas être effrayés de ma proposition. Je commence par déclarer que je n’admets pas du tout le système anglais. Je le repousse au contraire. Je ne demande pas l’uniformité de la taxe. En Angleterre où la taxe des lettres était en moyenne de 10 pence, elle a été brusquement réduite à 1 penny. Aussi quelles qu’aient été l’augmentation du nombre de lettres, et la diminution du transport des lettres en fraude, le produit qui était de 40 millions est-il tombé d’un coup à 12 millions. Depuis il est remonté ; mais il n’est arrivé qu’au chiffre de 20 millions. Il y a donc une diminution de moitié dans les produits.
Pour moi, je ne veux pas diminuer le revenu du trésor. Je demande que M. le ministre établisse un système analogue à celui admis en Prusse. Là une lettre est taxée comme suit :
Pour une distance de 5 milles et au-dessous 1 silbergros (12 c. ½) ; 10 milles, 1 ½ ; 15 milles, 2. Au delà de 15 milles et dans toute l’étendue de la monarchie prussienne 6.
J’ai demandé la suppression du décime rural. Je renouvelle cette demande. La balance ne doit pas toujours pencher en faveur des villes. C’est une injustice.
Je demande qu’il y ait 3 taxes comme suit : dans le canton 10 c., pour une distance moyenne à déterminer 20 c., pour une distance plus grande maximum 30 c.
Le transport des lettres coûte en moyenne à l’Etat 5 c. et lui en rapporte 35, soit 6/7 de bénéfice. C’est un monopole très-lucratif. La recette est de 3,300,000 fr. ; la dépense de 1,300,000 francs ; bénéfice net deux millions.
Si le gouvernement n’entre pas dans la voie de la réforme, qu’il craigne d’être débordé en France. Là l’initiative a été prise par un député ; le principe de la taxe uniforme a été admis à la majorité des voix. L’ensemble de la loi n’a été rejeté que par parité de suffrages. Que le gouvernement y songe sérieusement ; car nous ne pouvons consentir à ce que la Belgique, qui pour ses chemins de fer et tous les progrès a toujours été l’avant-garde, consente à rester stationnaire, à se laisser dépasser par les pays qui d’ordinaire, repoussent toute espèce de progrès. J’engage donc de toutes mes forces le gouvernement à nous présenter un projet de loi dans le sens que j’ai indiqué. La suppression du décime rural est réellement urgente. Car cet impôt n’est pas digne d’un gouvernement juste.
Messieurs, je ne suis pas le seul qui réclame cette réforme, plusieurs honorables membres de cette chambre l’ont aussi demandée. D’ailleurs le commerce de Bruxelles vous a aussi adressé naguère une pétition à cet égard ; c’est, je crois, l’honorable M. Mast de Vries qui nous a fait un rapport sur cette pétition, et il a conclu à une demande à M. le ministre d’explications que l’on a renvoyée à cette discussion.
Messieurs, le gouvernement a le monopole de la poste aux lettres, mais il a aussi un autre monopole, c’est celui des chemins de fer. Eh bien, messieurs, si l’on a une lettre à expédier d’Ostende à Verviers, si l’on y attache une pierre et si l’on envoie ce paquet par le chemin de fer, on payera moins qu’en mettant la lettre à la poste. Il y a là une anomalie qui ne peut continuer. Il en est de même pour le transport de l’argent. On fait payer à la poste 5 p.c. C’est encore le chemin de fer qui transporte les fonds, et qui les transporte à infiniment meilleur marché que la poste. Vous voyez donc que le chemin de fer fait une concurrence très-forte à la poste aux lettres. Ceci vous prouve qu’il y a des modifications à introduire quant à cette dernière. M. le ministre lui-même a dû convenir que la suppression du décime rural n’amènerait aucun inconvénient, tandis que son maintien en offre beaucoup. Il a dû convenir qu’il était intolérable de faire payer 20 centimes dans un même canton. D’ailleurs, les messagers transportent les lettres à un prix moindre. Je concevrais, messieurs, que l’on maintînt l’état des choses si les produits de la poste n’étaient pas prospères. Mais ils sont très-prospères.
J’espère donc que M. le ministre des travaux publics voudra bien nous présenter prochainement un projet. Sans cela, je le répète, le gouvernement sera dépassé, et nous serons forcés d’user de notre initiative.
J’attendrai qu’on veuille bien me répondre, avant de présenter d’autres observations.
M. Verhaegen – Un arrêté royal du 6 avril 1841 a réorganisé le service des postes, et cet arrêté, comme beaucoup d’autres, est resté sans exécution. Des arrêtés ministériels ont pris la place de l’arrêté royal.
L’article 26 de l’arrêté organique du 6 avril 1841 porte :
« Son nommés par le roi :
« L’inspecteur général ;
« Les directeurs ;
« Les contrôleurs ;
« Les percepteurs ;
« Tous autres agents sont à la nomination du ministre. »
L’art. 30 du même arrêté porte :
« Notre ministre des travaux publics prendra toutes les dispositions et arrêtera provisoirement les règlements reconnus nécessaires pour l’exécution du présent arrêté. Ces règlements seront coordonnés et soumis à notre approbation dans le délai d’une année. ».
Par arrêté du même jour, 6 avril 1841, un inspecteur-général, des directeurs, contrôleurs et percepteurs ont été nommés, et il est dit dans ces arrêtés :
« Art. 2. Notre ministre des travaux publics répartira les directeurs et contrôleurs entre les neuf provinces du royaume.
« Art. 3. Il fixera provisoirement les traitements, indemnités et émoluments des fonctionnaires nommés par le présent arrêté.
« Nous nous réservons de statuer définitivement, à cet égard, à l’époque où les règlements généraux des services des postes seront soumis à notre approbation » (c’est-à-dire, dans l’année aux termes de l’art. 30 de l’arrêté organique).
Eh bien, nonobstant une disposition aussi formelle tous les directeurs, contrôleurs et percepteurs des postes du royaume, n’ont encore qu’une nomination du ministre avec résidence, traitement et indemnités provisoires, et les règlements que le roi devait approuver endéans l’année n’ont pas encore vu le jour.
Cette position provisoire alarme tous ceux qui s’y trouvent et paralyse considérablement leur zèle, incertains qu’ils sont de leur avenir.
Les volontés du roi ont été méconnues. Le Roi a voulu donner aux fonctionnaires des postes une nomination définitive dans le délai d’une année.
Le ministre, malgré que ses pouvoirs de nomination soient expirés depuis 3 années, n’en continue pas moins de faire encore tous les jours des nominations de contrôleurs et de percepteurs. Cela n’est-il pas illégal ?
M. Osy – Messieurs, dans une autre occasion j’ai félicité le gouvernement d’avoir conclu un arrangement postal avec la Grande-Bretagne. Mais en examinant d’autres conventions, j’ai trouvé que nous n’avions pas été traités aussi favorablement que nos voisins, que les Pays-Bas et les villes anséatiques. Ainsi, messieurs, on a fixé le port des lettres de la Grande-Bretagne pour la Belgique a un schelling ou 12 décimes, tandis que pour la Hollande, le port n’a été fixé qu’à 8 décimes ; et même pour Hambourg qui est bien plus éloigné de l’Angleterre, ce port n’est que de 6 décimes. Mais j’ajoute tout de suite que le territoire hambourgeois étant très-petit, il est naturel que le port que les Hambourgeois reçoivent pour eux-mêmes soit moindre que celui que la Belgique reçoit. Mais en tout cas la disproportion est encore énorme.
Cependant il y a une grande amélioration et je suis charmé que nous (page 1115) ayons pu obtenir cet arrangement, et surtout qu’on ait supprimé l’affranchissement forcé.
Messieurs, en examinant avec attention la convention faite avec la Grande-Bretagne, on voit qu’elle établit ce que nous réclamons depuis longtemps pour la Belgique, c’est-à-dire le port uniforme des lettres ; car dans le schelling ou les 12 décimes qui sont payés, l’Angleterre en touche 8 et la Belgique 4 . Ainsi, que la lettre venant de l’Angleterre soit pour Ostende ou pour Arlon, elle paye au gouvernement belge 4 décimes. Vous voyez que le principe de la mesure que nous réclamons depuis longtemps est admis dans la convention, et j’espère que ce sera un acheminement à la réforme postale pour l’intérieur du pays.
Je dirai cependant que comme d’après la statistique, le port des lettres belges est en moyenne de 37 centimes, il me paraît qu’en établissant le port des lettres anglaises pour la Belgique à 40 centimes, on a été trop loin. Le gouvernement aurait peut-être pu faire fixer le port total à 10 ou 11 pence au lieu d’un schelling, et se contenter pour la Belgique de 30 centimes au lieu de 40.
Messieurs, tous les pays pensent à réformer leur système postal. En France vous avez vu que cette année on a proposé un projet de loi qui malheureusement a été rejeté. Mais dans un pays voisin, en Prusse, un recrit royal du mois d’octobre diminue le port des lettres de 50 p.c.
Le territoire prussien, vous le savez, est très-étendu, de sorte que la Prusse n’a pu adopter un tarif uniforme pour tout le pays ; mais je le répète, la réduction a été de 50 p.c.
J’ajouterai que la Prusse, qui est très-adroite dans tout ce qui concerne les négociations, a déclaré qu’aucun des peuples voisins ne jouirait de cette réduction de port, si elle n’obtenait pas les mêmes avantages ; de sorte que ni la Belgique, ni la France, ni les autres pays qui n’ont pas d’arrangement postal avec la Prusse, ne profitent de la réduction et sont assujettis aux ports anciens.
Messieurs, aujourd’hui que nos affaires avec l’Allemagne augmentent et doivent augmenter encore, il serait bon que nous fissions un arrangement avec la Prusse, et la Prusse ne consentira pas à cet arrangement, tant que vous n’aurez pas adopté un système uniforme.
Messieurs, je suis persuadé qu’avec le chemin de fer il se fait aujourd’hui une fraude énorme dans le transport des lettres ; que beaucoup de lettres sont transportées par des voyageurs. Et même souvent on n’écrit plus ; on fait ses affaires soi-même. Aussi je suis persuadé qu’en réduisant le port des lettres à deux décimes, par exemple, en moins d’un an le revenu de la poste augmenterait.
Je crois donc, messieurs, qu’il est très-urgent que M. le ministre des travaux publics s’occupe de cette question.
Les Etats-Unis, messieurs, qui ont un si vaste territoire, viennent aussi d’adopter un nouveau système. Ils n’ont pas admis le système uniforme mais ils ont établi un tarif tellement bas qu’en le prenant pour comparaison vous ne pouvez pas trouver extraordinaire que je propose une taxe uniforme de 20 c. pour toute la Belgique. Ainsi le nouveau tarif des Etats-Unis établit une taxe de 50 centimes pour un parcours de 100 milles ou de 33 lieues, et seulement de moitié ou de 25 centimes pour un parcours de moins de 33 lieues.
Je crois donc, messieurs, que le trésor ne courrait, en effet, aucun risque d’éprouver un déficit si l’on adoptait une taxe uniforme de 20 centimes ; mais il faudrait agir comme le fait la Prusse, c’est-à-dire ne pas faire jouir nos voisins de la réduction sans qu’ils nous accordent le même avantage. La Prusse a opéré une grande diminution sur la taxe des lettres, nous pourrions donc lui accorder le bénéfice de la réduction ; avec l’Angleterre il en serait de même puisque nous avons un arrangement postal avec cette puissance ; mais la Hollande et la France ne devraient profiter de la réduction que lorsqu’un traité avec ces pays serait intervenu.
J’engage M. le ministre des travaux publics à examiner cette question afin de pouvoir nous présenter un projet de loi dans la session prochaine. Ce sera un grand bien non-seulement pour le trésor, mais encore et surtout pour les relations commerciales.
Avant la révolution nous faisions aussi beaucoup d’affaires avec l’Allemagne, mais alors nous ne pouvions pas faire des affaires de détail avec ce pays. Alors pour l’achat de mille balles de café, il s’écrivait seulement deux ou trois lettres, mais aujourd’hui, lorsque nous envoyons mille balles de café dans les provinces rhénanes ou même au delà du Rhin, ces mille balles sont réparties entre 15 ou 20 négociants ; il en résulte, nécessairement une correspondance beaucoup plus multipliée. Eh bien, messieurs, une lettre coûte beaucoup plus d’Anvers à Aix-la-Chapelle que d’Aix-la-Chapelle à Berlin.
Je me bornerai, messieurs, à ces seules observations pour ne pas vous retenir plus longtemps, mais je recommande cet objet à toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.
- La séance est levée à 3 heures ¾.