(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)
(page 539) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les habitants des communes de Berg, S’Heeren-Elderen, Freren, Mall, Slusse, Rixingen et Henis réclament l’exécution du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres.
M. Simons – Je demande que ces pétitions soient renvoyées à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Les fabricants de cordes de Hamme demandent la révision de la loi sur les sucres. »
- Renvoi à la commission permanente d’industrie.
« Plusieurs habitants d’Eeghem demandent que le gouvernement ouvre des négociations avec la France pour obtenir le retrait de l’amendement de Lespaul. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bergé présente des observations contre un rapport fait dans la séance du 10 décembre sur la pétition du sieur Meurant, qui demande l’abrogation de la loi sur l’expulsion des étrangers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Verpoorten, maître armurier, à Anvers, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement des armes que les troupes hollandaises ont enlevées à son domicile en 1830. »
- Même renvoi.
« Plusieurs négociants de Bruxelles demandent un droit uniforme pour le port des lettres. »
M. Verhaegen – La pétition des négociants de Bruxelles, dont on vient de vous parler, demande un droit uniforme sur le port des lettres. Cette question, messieurs, est très-urgente dans la position où nous nous trouvons placés par suite de la convention postale que nous avons faite avec l’Angleterre. Déjà, par cette convention, le droit uniforme est adopté en principe. Car une lettre qui vient de l’Angleterre et qui est adressée à Arlon ne paye pas plus qu’une lettre adressée à Anvers.
Il me paraît que cette pétition devrait être renvoyée à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics et qui doit encore se réunir ; les postes, vous le savez, se trouvent dans les attributions de M. le ministre des travaux publics.
Je proposerai donc, vu l’urgence, le renvoi de la pétition à la section centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics, avec prière d’un prompt rapport.
M. Rodenbach – Messieurs, j’appuie l’envoi de la requête à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des travaux publics. Voilà déjà trois ans que, lors de la discussion de ce budget, j’ai demandé une modification dans la texte des lettres. J’ai encore demandé cette année la suppression du décime rural. Les négociants de Bruxelles, au nombre, je crois, de plus de cent, demandent aussi la suppression du décime rural qui est une véritable injustice ; car je ne vois pas de raisons pour que les habitants des campagnes payent le port de leurs lettres plus cher que les habitants des villes.
Messieurs, les négociants de Bruxelles prétendent que, par l’établissement du système de taxe uniforme, le trésor, au lieu d’y perdre, y gagnerait. Ce système est conçu à peu près comme je vais avoir l’honneur de vous le dire : 1° le décime rural serait supprimé ; 2° les lettres qui seraient adressées de province à province payerait une taxe uniforme de 20 c., et celles qui seraient adressées de commune à commune dans une même province, payeraient une taxe uniforme de 10 c. Les pétitionnaires prouvent par des chiffres qu’il résulterait de ce système une augmentation de revenus.
Messieurs, nous nous sommes montrés progressifs en fait de chemins de fer ; mais en matière de régime postal nous sommes tout à fait arriérés. Non-seulement l’Angleterre a montré l’exemple, mais l’Autriche, qui est souvent très-stationaire, modifie aussi son système et commence à établir une taxe uniforme pour le port des lettres. La Prusse suit la même voie, et en Belgique, pays qui par sa position topographique, demande la prompte exécution de cette réforme, nous réclamons en vain depuis plusieurs années. Je dois dire cependant que M. le ministre des travaux publics, dont je regrette en ce moment l’absence, nous a promis un projet.
J’appuie donc, messieurs, la proposition de l’honorable M. Verhaegen, tendant à renvoyer la pétition à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des travaux publics, en la priant de faire un prompt rapport.
M. Coghen – Je viens appuyer le renvoi de la pétition à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics, avec prière de s’occuper immédiatement de cette question, qui est très-importante.
Toutefois, il serait bon qu’on pût soumettre à la chambre les résultats probables pour les finances du pays, de la réforme qu’on propose. Car nos voies et moyens étant déjà déterminés pour cette année, il faudrait savoir si, en établissant, à l’exemple d’autres pays, la taxe uniforme des lettres, il n’en résulterait pas un déficit dans les revenus de l’exercice courant. Je crois, quant à moi, que le résultat sera le même en Belgique que dans les autres pays, c’est-à-dire que le revenu, au lieu de diminuer, augmentera, par suite de l’accroissement du nombre de lettres, qui aujourd’hui circulent encore par beaucoup d’autres moyens que par celui de la poste.
- Le renvoi à la section centrale qui a été chargée d’examiner le budget des travaux publics, avec prière d’un prompt rapport, est adopté.
M. de Corswarem, assigné comme témoin devant le tribunal de Tongres, demande un congé de trois jours.
Ce congé est accordé.
M. Zoude, au nom de la commission des pétitions, fait rapport sur les requêtes suivantes :
« Le conseil communal de Tongres demande la construction du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres, dont la concession a été sollicitée par les sieurs Blyckaerts et Detiége. »
« Même demande du conseil communal de Konixheim, arrondissement de Tongres. »
M. Zoude – Messieurs, deux projets sont présentés pour relier Hasselt au chemin de fer de l’Etat.
Le premier, par le gouvernement, qui soumet à votre approbation une convention faite avec Mackensie pour le prolongement du chemin de fer de St-Trond à Hasselt ; ce projet est fortement appuyé par le conseil communal de cette dernière ville.
Le deuxième projet, dont l’exécution est réclamée par les conseils communaux de Tongres et de Konixheim, ferait communiquer Hasselt avec Liége en passant par Tongres et traversant ainsi la partie la plus fertile et la plus populeuse de la province.
Une société sérieuse, celle de Blyckaerts et Detiége, demande au gouvernement la concession de cette route qui rendrait les communications plus faciles, plus directes et plus économiques avec Liége, qui est en possession de fournir à la province tous les objets qui lui sont les plus indispensables, tels que houille, fer, ardoises, etc., tandis que Liége, à son tour, recevrait plus tôt les produits du Limbourg ; tels que le genièvre, dont Hasselt est le principal centre de fabrication, les bois, bestiaux gras, etc.
Si tous les avantages préconisés par les pétitionnaires étaient aussi importants pour Hasselt, on devrait s’étonner que les autorités de cette ville, qui doivent avoir connaissance des intérêts de leur localité, réclament cependant une direction contraire à celle proposée par le gouvernement ; c’est que Hasselt, par le chemin de fer de St-Trond, conserverait ses deux rapport avec le Brabant et Liége ; pour ces derniers, à la vérité, avec un détour de trois lieues, ce qui lui paraît insignifiant. Ce n’est, en effet, qu’un retard de quelques minutes pour arriver à la station de Liége.
Sous ce point de vue, il est évident que Hasselt doit désirer l’adoption du projet du gouvernement.
Cependant un chemin de fer doit favoriser les populations les plus nombreuses, traverser les pays qui offrent les relations les plus faciles, les plus étendues, et sous ces divers rapports Tongres a des droits incontestables à faire valoir ; s’ils ne sont pas écoutés, Tongres et son territoire resteront dans l’isolement et seront à jamais privés du bienfait des chemins de fer. C’est au gouvernement à peser, dans sa sagesse, quelle est la direction la plus utile au bien-être général.
Votre commission vous propose le renvoi de ces deux pétitions au département des travaux publics.
M. Simons – Messieurs, j’appuie la proposition que vous fait la commission des pétitions, et je demanderai, en outre, que M. le ministre des travaux publics soit invité à nous faire un prompt rapport. En effet, il ne suffit pas que la commission ait fait son rapport et que les pétitions soient renvoyées à M. le ministre. Il nous importe que M. le ministre nous donne le plus tôt possible des explications pour que nous puissions, en examinant en sections le projet qui nous est soumis voir quelle est celle des deux voies qui présente le plus d’utilité.
Je sais bien que, pour faire un rapport sur une pétition de cette nature, il faut que des études soient faites sur le terrain. Mais il est à ma connaissance que déjà un ingénieur se trouve sur les lieux, et je ne doute pas que d’ici à quelques jours il pourra faire un rapport préliminaire, rapport qui prouvera la possibilité de la construction que réclament les pétitionnaires, et nous mettra à même de juger celui des deux chemins de fer qui sera le plus avantageux à la province du Limbourg.
M. de Theux – Je ne m’oppose en aucune manière au renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics, ni même à ce qu’il soit prié de donner des explications à la chambre ; bien entendu que ceci ne soit en aucune manière contraire à la décision que la chambre a prise sur l’examen du projet de loi.
M. Simons – Mon intention n’est nullement d’entraver l’examen du projet de loi qui vous a été présenté ; au contraire, mon but est de presser (page 540) le rapport de M. le ministre, afin qu’on puisse, dans les sections, examiner mûrement les deux poins qui font l’objet de la contestation.
M. de Theux – Mon observation est celle-ci : C’est que la demande du rapport de M. le ministre ne doit pas arrêter l’examen du projet de loi.
M. de Renesse – Je crois devoir répondre quelques mots à l’honorable M. de Theux.
Deux projets sont en présence. Pour savoir lequel de ces deux projets est réellement le plus utile à la province de Limbourg, il faut que la chambre ait sous les yeux un rapport détaillé de celui qui est appuyé par le conseil communal de Tongres et par plusieurs autres communes. Si l’on examine en sections le projet qui nous a été présenté par M. le ministre des travaux publics, et si la chambre prend une décision sur ce projet, avant que la demande en concession des sieurs Blyckaerts et Detiége soit suffisamment instruite, évidemment vous déciderez sans connaissance de cause.
Il faut, nécessairement, pour que vous puissiez prendre une résolution sur un intérêt aussi majeur pour l’arrondissement le plus populeux du Limbourg et pour une grande partie de cette province, que vous soyez saisis de toutes les pièces de la question. Il faut, par exemple, que vous sachiez quel est le mouvement du commerce de Hasselt vers Liége, et si la province de Limbourg ne retirerait pas un plus grand avantage, par l’exécution du chemin de fer d’Ans à Hasselt par Tongres, que la direction proposée par le gouvernement.
Il faut, enfin, que la chambre puisse juger si réellement Hasselt n’a pas intérêt à ce que le chemin de fer soit dirigé par Tongres sur Liége. L’examen que nous demandons pourra tout au plus occasionner un retard de quinze jours ; car le rapport de M. le ministre des travaux publics pourra être fait avant quinze jours. Eh bien, alors, nous connaîtrons ce que le chemin de fer devra coûter, et il y aura un cautionnement fourni ; tout le monde saura alors que le projet est sérieux.
Je pense donc, messieurs, qu’il ne faut pas emporter à la hâte un projet de loi qui aurait les conséquences les plus funestes pour les parties les plus populeuses de la province, et je demande que les sections n’examinent la proposition relative au contrat Mackensie que lorsque M. le ministre des travaux publics nous aura fait un rapport détaillé sur la demande du conseil communal de Tongres.
M. d’Hoffschmidt – Avant de prendre une décision à cet égard, il serait bon d’attendre la présence de M. le ministre des travaux publics. Il pourra donner des renseignements à la chambre ou faire quelque proposition.
- La chambre décide qu’elle statuera sur les conclusions de la commission des pétitions et sur la proposition de M. de Renesse lorsque M. le ministre des travaux publics sera présent.
M. le ministre de la justice (M. d'Anethan) présente un projet de loi tendant à réprimer la vente d'effets militaires.
- La chambre ordonne l'impression de ce projet e le renvoie à l'examen d'une commission spéciale qui sera nommée par le bureau.
M. Lesoinne présente le rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’invasion de maladies contagieuses parmi les bestiaux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Quelles sont les conclusions ?
M. Lesoinne – La commission a pensé que la loi devait être temporaire ; elle en a fixé la durée à 2 ans. Elle a , en outre, introduit une modification dans l’art. 4 pour ôter toute incertitude sur l’application des peines.
M. le président – Le rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion du projet ?
M. Eloy de Burdinne – Comme le projet est urgent, je prierai le bureau de vouloir accélérer l’impression du rapport. Je crois que la discussion ne sera pas longue, et si le rapport pouvait être distribué demain, il serait bon de mettre ce projet à l’ordre du jour immédiatement après celui qui est relatif à l’entrée du bétail étranger, qui sera probablement discuté demain.
M. le président – Le rapport sera imprimé demain.
M. de Theux – Alors, je proposerai de mettre le projet à l’ordre du jour après celui qui est relatif à l’entrée du bétail étranger.
- Cette proposition est acceptée.
M. le président – L’ordre du jour appelle, en premier lieu, la discussion du projet de loi de péréquation de la contribution foncière. La section centrale, d’accord avec M. le ministre des finances, propose d’adopter l’art. 1er, et d’ajourner les autres dispositions. La loi se trouve donc restreinte à l’art. 1er, qui est ainsi conçu :
« La somme de quinze millions cinq cent mille francs, formant le principal de la contribution foncière, fixé par la loi du budget des voies et moyens pour l’exercice 1845, est répartie entre les neuf provinces du royaume, d’après les résultats du cadastre, comme suit :
« Anvers : fr. 1,346,103 ; Brabant : fr. 2,817,373 ; Flandre occidentale : fr. 2,35,033 ; Flandre orientale : fr. 2,606,153 ; Hainaut : fr. 2,637,527 ; Liége : fr. 1,520,525 ; Namur : fr. 977,978 ; Limbourg : fr. 686,156 ; Luxembourg : fr. 556,152.
« Total : fr. 15,500,000. »
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, dans toutes les circonstances où le trésor a besoin de ressources, c’est à la propriété et à l’industrie agricole qu’on s’adresse pour obtenir des subsides.
Il ne se passe pas d’année qu’on ne s’adresse à elle pour l’aggraver de nouvelles charges ; je vais vous le démontrer.
Pour subvenir à l’augmentation du traitement des membres de l’ordre judiciaire, on a augmenté les droits d’enregistrement sur certains actes, dont plus des trois quarts sont supportés par la propriété.
Nous examinons actuellement dans les sections un projet de loi qui a pour but d’augmenter les droits d’enregistrement sur les donations, etc., etc. ; nouvelle charge imposée à la propriété.
Sos le prétexte vrai ou exagéré des besoins du trésor, nous allons ajouté au contingent de l’impôt foncier plus de 500 mille francs.
Comme cette addition n’est que pour une année, je m’abstiendrai d’entrer dans de longs raisonnements pour démontrer l’erreur dans laquelle est tombé M. le ministre quand il a prétendu que cette augmentation n’était pas une charge nouvelle.
Pour se convaincre de cette erreur, il suffirait de se rappeler le mode suivi dans les sept provinces, lors de la péréquation entre elles, loi votée par les chambres en 1835.
Qu’avons-nous fait alors ? Rien autre que de répartir au marc le franc le contingent qui alors était supporté par les sept provinces, d’après le revenu imposable fixé par les opérations cadastrales.
Et pourquoi aujourd’hui que les provinces du Limbourg et du Luxemburg sont cadastrées, agit-on autrement ?
On me donnera pour motif que les besoins du trésor exigent une augmentation de ressources !
Je répondrai à cette objection qu’il est injuste de toujours recourir à la propriété quand il s’agit de frapper des impôts.
En 1835, lors de la péréquation, le trésor avait aussi besoin de se créer des ressources qu’on aurait pu s’en procurer en suivant le même système. Comment le ministère d’alors, au lieu de suivre la marche qui fut alors adoptée, n’a-t-il pas proposé de frapper l’impôt foncier au taux de la province la plus imposée, sur les six autres provinces, par exemple : si la province de la Flandre orientale payait à raison de 12 cent. par franc de son revenu cadastral, pourquoi n’a-t-on pas proposé de frapper les six autres provinces, d’un contingent égal, soit aussi à raison de 12 cent. par franc sur le revenu fixé par le cadastre sur leurs propriétés ? Je doute fort, messieurs, que si semblable proposition eût été faite, nous l’eussions acceptée.
Le moment est-il bien choisi pour aggraver la propriété ? Non, messieurs, pas plus actuellement qu’en 1835. Je dirai plus : le moment est plus désastreux ; loin d’aggraver les charges qui pèsent sur la propriété, nous devrions chercher à les diminuer, et ce n’est qu’en réduisant nos dépenses que nous pouvons y parvenir ou en cherchant d’autres ressources, qui soient de nature à ne pas peser sur la propriété.
Un seul motif me fait pencher à voter cette augmentation : c’est l’espoir que le montant de cette augmentation sera voté en dépense au budget de l’intérieur et destiné à l’amélioration des chemins vicinaux ; et, j’en conviens, cette dépense est non-seulement dans l’intérêt de l’agriculture et de la propriété, mais elle intéresse en même temps l’industrie et le commerce qui n’en seront nullement grevés. Toute la dépense sera à charge de la propriété comme de coutume ; je me réserve de vous administrer la preuve de cette vérité lors de la discussion du budget de l’intérieur.
Alors je vous prouverai mathématiquement que la propriété, en Belgique, paye plus de 13/16 des impôts, comme je l’ai avancé précédemment.
On paye, en Belgique, non compris les droits de douane et la redevance sur les mines : fr. 72,704 750
Par la propriété : fr. 61,124 750 tant directement qu’indirectement, soit, 11,580,000, environ 2 ½ 16me.
Les droits de douanes pour la plus grande partie sont payés, par l’étranger.
La redevance sur les mines est une faible restitution des dépenses faites en leur faveur par le gouvernement. Je me borne à vous citer un fait, j’en démontrerai l’exactitude lors de la discussion du budget de l’intérieur.
Je m’abstiendrai d’entrer dans plus de détails, afin d’activer le vote d’une loi que je considère comme urgente. Je voterai pour, à la condition que si, contre l’attente de M. le ministre des finances, il arrivait que l’augmentation du contingent ne pût être perçu intégralement et que le déficit ne pût être couvert par les fonds de non-valeur, il ne sera pas réimposé ; ce à quoi M. le ministre a consenti ; j’attends de son obligeance qu’il voudra bien ratifier cette promesse, qu’il nous a été faite à la section centrale.
C’est aussi dans l’espoir d’obtenir une allocation pour la réparation des (p. 541) chemins vicinaux, de 4 à 500 mille francs, que j’accorderai l’augmentation du contingent de l’impôt foncier.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, lorsque nous avons discuté le budget des voies et moyens, il a été convenu que les questions de principe et d’application, en ce qui concernait l’augmentation du contingent de la contribution foncière, seraient réservés à la discussion du projet de loi dont nous nous occupons en ce moment. Maintenant par suite de la proposition qui nous est faite par la section centrale et par suite du caractère d’urgence que présente le projet de loi, nous serons forcés d’ajourner encore l’examen de ces questions. Cependant, messieurs, je crois devoir présenter dés à présent quelques observations relativement aux provinces nouvellement cadastrées.
Le projet de loi qui nous est soumis est basé sur la loi du 31 décembre 1835 ; cependant on a omis dans le projet actuel une disposition fort importante qui figure dans la loi de 1835, prise en faveur des provinces qui, par suite des opérations cadastrales, ont vu augmente leur contingent à cette époque. Voici, messieurs, ce que porte l’art. 2 de la loi du 31 décembre 1835 :
« Cette nouvelle répartition s’effectuera de manière que les augmentations et les diminutions des contingents qui résultent de la péréquation entre les provinces, soient opérées pour 1/3 en 1836, pour 2/3 en 1837, et pour la totalité en 1838. »
Voilà, messieurs, la mesure qu’on a cru devoir rependre en 1835, en faveur des provinces dont le contingent était augmenté. L’augmentation frappait les provinces de Brabant, du Hainaut, de Liége et de Namur, tandis que les provinces d’Anvers, de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, obtenaient une réduction considérable. On a pris cette mesure pour ménager une espèce de transition entre les contingents qui existaient alors et ceux qu étaient fixés par suite des opérations cadastrales. On craignait qu’une espèce de perturbation ne fût portée dans les provinces par une perception trop prompte des augmentations considérables qui les frappaient.
Eh bien, pour le Limbourg et le Luxembourg, qui ont aujourd’hui leurs contingents considérablement augmentés par suite des opérations cadastrales, on n’a pas cru devoir adopter ces ménagements.
Or, je crains que cette augmentation, qui va peser d’une année à l’autre dans sa totalité sur des provinces pauvres, ne cause une grande gêne pour les contribuables.
Voici quelles sont ces augmentations (montant du contingent).
Limbourg : en 1844 : 493,297 fr. ; en 1845 : 686,156 fr. Augmentation : fr. 192,859 fr.
Luxembourg : en 1844 : 415,432 fr. ; en 1845 : 556,152 fr. Augmentation : fr. 140,720.
Mais là ne se borne pas l’augmentation ; il faut y ajouter les centimes additionnels qui pèsent sur le principal de la contribution foncière au profit, non-seulement de l’Etat, mais encore des provinces et des communes. Ainsi, dans le Luxembourg, il est perçu 29 centimes additionnels au profit de la province, auxquels il faut ajouter 18 centimes au profit de l’Etat, ce qui fait 47 centimes additionnels ; de sorte que l’augmentation qui va peser sur les contribuables du Luxembourg, pour 1845, dépassera 200,000 fr.
Or, je le répète, je crains qu’une augmentation aussi forte, un prélèvement aussi considérable, opérée tout à coup sur une province pauvre, où plusieurs branches d’industrie sont en souffrance, ne soit pour cette province une cause réelle de gêne.
Je crois qu’il eût été prudent et équitable tout à la fois d’adopter les ménagements que l’on a eus en 1835, pour les provinces qui ont vu leur contingent augmenté par suite des opérations cadastrales de cette époque.
Je fais cette observation, non pas que je veuille présenter une proposition à la chambre ; car lorsque, et le gouvernement et la section centrale s’en sont abstenus, il est probable que celle que je pourrais présenter n’aurait guère de chance de succès. Mais je fais ces observations parce que je crois qu’elles sont un motif puissant pour que l’administration des finances use des ménagements nécessaires envers les provinces nouvellement cadastrées.
L’augmentation provient, nous dit-on, de ce qu’un grand nombre de propriétés avait échappé jusqu’à présent à l’impôt. J’avoue que j’ai été surpris de voir le grand nombre d’hectares qui n’étaient pas soumis à l’impôt. Il y en a 131,000 dans le Luxembourg et plus de 70,000 dans le Limbourg.
J’aurais désiré avoir les documents nécessaires pour juger quelle est la nature de ces propriétés qui ne sont pas soumises à l’impôt, et comment les agents du cadastre avaient autrefois pu laisser dans l’oubli une aussi grande quantité de terres. Ces renseignements, la section centrale n’a pas pu les donner aujourd’hui, parce qu’il y avait hâte de voter le projet de loi.
Il existe, vous le savez, dans ces provinces (surtout dans le Luxembourg) une grande quantité de bruyères d’où l’on tire tous les vingt ou vingt-cinq ans, quelques faibles récoltes de seigle. J’eusse désiré aussi savoir si le produit net de ces sortes de propriétés n’a pas été exagéré.
Un honorable sénateur du Luxembourg, très-compétent en cette matière, a présenté au sénat des observations en ce sens.
Cependant j’aime à le dire, généralement dans ma province on a rendu justice à la loyauté, à l’impartialité des agents du cadastre.
Pour les bois, je suis porté à croire, à raison de la période que l’on a choisie, qu’on a exagéré l’évaluation du produit net. On a pris pour base la période de 1812 à 1826. Or il est évident que, dans les temps actuels, le revenu des propriétés foncières est inférieur à ce qu’il était alors.
Pendant les années 1812, 1813 et 1814, la forgerie au bois était dans l’état le plus prospère, et par conséquent le prix des bois était, dans les provinces du Luxembourg et de Namur, fort élevé. Sous le gouvernement précédent, cette prospérité ne s’est pas maintenue ; mais c’est la substitution de la forgerie au coke à la forgerie au bois qui est la cause dominante de l’affaiblissement du revenu de la propriété forestière. Cette substitution a commencé à s’opérer, en Belgique, vers 1821. C’est alors que John Cockerill a importé, en Belgique, la méthode anglaise. Pendant plusieurs années, cette nouvelle méthode n’a pas été redoutable pour sa rivale. La qualité de ses produits était tellement inférieure à celle des produits de la forgerie au bois, qu’elle n’exerçait sur cette industrie aucune influence. Mais quelques années après, l’industrie métallurgique au coke, par suite de perfectionnements successifs, s’est substituée entièrement à l’industrie métallurgique au bois, et dès lors il y a eu dépréciation marquée dans les produits des propriétés boisées.
Il résulte de là que la période adoptée (de 1812 à 1826) est tout à fait désavantageuse à la propriété boisée, et qu’il est très-probable que les propriétés de bois payent non pas 10 p.c. mais 25 p.c. du revenu net actuel.
Il s’ensuit également que l’égalité proportionnelle de l’impôt, qui est le principal fondamental du cadastre, n’est point appliquée aux bois de la province de Luxembourg.
J’appelle donc toute l’attention de M. le ministre des finances sur cet objet, pour qu’il puisse, lors de la discussion définitive du projet de loi de péréquation cadastrale, nous donner tous les renseignements nécessaires ; pour qu’il examine, d’ici à cette époque, s’il n’est pas nécessaire de dégrever la contribution qui pèse actuellement sur les bois, en d’autres termes, si la période de 1812 à 1826, qui a été adoptée pour les évaluations, représente bien le revenu moyen des bois. C’est ce que, pour ma part, je ne crois pas.
Lors de la discussion du budget des voies et moyens, M. le ministre des finances a été interpellé par l’honorable M. de Theux, sur ses intentions, relativement aux exemptions prévues par la loi de frimaire an VII. J’ai entendu avec plaisir M. le ministre des finances donner, à cet égard, les explications les plus satisfaisantes. Il résulte de ces explications que toutes les exemptions seront maintenues, quand bien même les déclarations n’aurait pas été faites en temps utile.
Je crois, en effet, qu’il importe que les propriétaires qui se sont livrés au défrichement des bruyères, soient fortement encouragés et profitent de tous les avantages que la loi a voulu leur accorder. Ce n’est pas parce qu’ils auraient négligé d’accomplir une simple formalité, qu’on devrait prononcer leur déchéance du bénéfice de l’exemption accordée par la loi. Mais je crois qu’il serait fort important qu’ils fussent dûment avertis qu’ils doivent faire leurs réclamations ; car beaucoup de cultivateurs peuvent ignorer les dispositions de la loi. On ferait très-bien, je pense, de donner un avertissement à cet égard dans les extraits de rôle que leur seront adressés.
Je bornerai là mes observations, la loi que nous votons n’étant que provisoire. Je me réserve d’examiner la question d’une manière plus approfondie lorsque nous discuterons dans la session prochaine la loi définitive de péréquation cadastrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je crois utile de faire connaître à la chambre le motif pour lequel le gouvernement n’a pas proposé dans le projet de loi qui est en discussion une disposition analogue à celle que renferme la loi de péréquation de 1835, en ce qui concerne les provinces qui devaient subir une augmentation de contingent : les provinces du Limbourg et du Luxembourg, par suite d’une circonstance tout à fait fortuite, ont joui pendant neuf ans d’une grande modération de l’impôt foncier. On sait que l’ajournement des opérations cadastrales dans ces deux provinces provient de ce que les archives étaient restées dans les villes de Luxembourg et de Maestricht. Si cette circonstance n’avait pas existé, ces deux provinces auraient été soumises, dès 1835, à une augmentation d’impôt. Avant de prendre une détermination, j’ai calculé que le Limbourg et le Luxembourg avait joui, depuis cette époque, d’un bénéfice de 3 millions sur la contribution foncière, en prenant pour terme de comparaison les lois qui ont frappé les autres provinces.
Messieurs, l’honorable préopinant a appelé l’attention du gouvernement sur les évaluations du revenu cadastral ; lui-même a rendu hommage à l’impartialité et aux soins qui ont présidé aux travaux du cadastre dans le Luxembourg. En effet, toutes les évaluations ont, conformément à la loi, été soumises à des assemblées cantonales ; peu de réclamations ont été produites et le plus grand nombre d’entre elles ont été reconnues non fondées ; il a été fait droit à celles dont on avait admis la légitimité, après un examen attentif.
Mon honorable ami a ajouté qu’il était porté à croire que les bois, entre autres, étaient sur-évalués, non parce que les opérations du cadastre n’auraient pas été bien-exécutées, mais parce que la période des baux, sur laquelle les évaluations sont basées, présenteraient des prix trop élevés.
Il est vrai que la valeur des bois est actuellement assez dépréciés ; cependant j’ai des motifs de croire qu’aujourd’hui même cette valeur n’est pas en-dessous de ce qu’elle était en moyenne dans la période 1812 à 1826. D’après des renseignements que j’ai sous les yeux, les évaluations basées sur cette période sont même inférieures aux prix de plusieurs ventes qui se sont opérées en 1843. Je me dispenserai d’indiquer des chiffres pour ne pas abuser des moments de la chambre.
M. Desmet – Je ne vois aucune utilité de répondre en ce moment à l’honorable député du Luxembourg, sur les observations qu’il a faites sur le projet de la péréquation par province, parce que la loi ne sera votée que provisoirement et n’aura de durée que pour un an. L’an prochain nous pourrons examiner et approfondir le projet de péréquation, et l’objet est certainement assez important pour qu’il soit approfondi et qu’un vote ne soit (page 542) donné à la légère ; mais je saisis cette occasion et surtout la présence de M. le ministre des finances, pour appeler son attention sur un objet très-important, sur un objet qui intéresse particulièrement les ouvriers et les petits fermiers.
Dans une partie des Flandres et du Hainaut, on ne cesse de se plaindre vivement de l’abus qui s’y commet, en ce qui concerne la monnaie de cuivre étrangère.
Les chefs de fabrique obligent leurs ouvriers de recevoir, pour le payement de leur salaire, des pièces françaises de dix et de cinq centimes.
Les fabricants et d’autres qui ont des ouvriers gagent souvent de 10 à 20 p.c. par cette monnaie, et les ouvriers perdent beaucoup sur leur salaire ; quoiqu’ils perçoivent la totalité de leur salaire, ils perdent ordinairement 10 p.c., parce que quand ils se rendent aux boutiques pour acheter leurs provisions, ils doivent les payer d’autant plus cher, par la raison que les détaillants savent qu’ils ne peuvent échanger cette monnaie ou en faire usage sans y perdre un dixième ; et c’est ainsi que ceux qui payent leurs ouvriers avec les gros sous font souvent un bénéfice de 20 p.c., 10 p.c. quand ils ont de la monnaie d’argent en échange pour se la procurer, et ensuite 10 p.c. quand ils la reçoivent en échange des détaillants.
On me répondra que le cours de la monnaie de cuivre n’est pas légal ; qu’on a fait même afficher l’avis qu’on ne doit pas recevoir cette monnaie. Cela ne suffit pas. Les ouvriers, ainsi que les petits fermiers, qui vont vendre des denrées au marché, tels que des œufs, etc. sont bien obligés de recevoir de la monnaie de cuivre puisqu’on ne veut pas leur en donner d’autre. Je crois que le gouvernement devrait recourir à d’autres moyens. Je crois qu’il devrait appliquer une loi qui doit exister. Cette loi interdit l’usage de la monnaie de cuivre étrangère. Si je ne me trompe, un décret du 11 mai 1807 défend l’entrée de la monnaie de cuivre étrangère sous de fores pénalités.
Il doit exister également en France d’autres actes qui comminent des peines contre les individus qui obligent à recevoir de la monnaie de cuivre étrangère, et contre ceux qui la reçoivent comme monnaie. Je voudrais que M. le ministre des finances voulût examiner si ces dispositions législatives ne peuvent pas être appliquées en Belgique, ou si l’on ne pourrait pas en prendre de semblables.
Je dois encore faire une observations à cet égard : c’est que dans une partie des Flandres et du Hainaut, on perçoit aux barrières les décimes et les pièces de cinq centimes de la monnaie républicaine de France ; ce que voyant, le public s’imagine que le cours de cette monnaie est légal. L’interdiction de la percevoir aux barrières produirait, je crois, un très-bon effet : le public serait par là averti qu’il n’est pas obligé d’accepter ces espèces, mais quand il voit que les fermiers de barrières les perçoivent, il croit alors que le cours en est légal et qu’il ne peut pas les refuser.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le gouvernement portera son attention sur les observations que l’honorable membre vient de présenter. Il avisera aux moyens de restreindre, sinon d’empêcher tout à fait l’usage de la monnaie de cuivre étrangère ; jusqu’aujourd’hui, cet usage a pu être nécessaire, à défaut d’une quantité suffisante de monnaie de cuivre nationale. Une loi a autorisé le gouvernement à faire battre pour 300,000 fr. de cette monnaie ; elle est dirigée vers les différents points du pays ; bientôt la quantité sera suffisante pour tous les besoins, et nous pourrons alors nous montrer plus sévères, quant à l’usage de la monnaie de cuivre étrangère.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je ne me propose pas de prolonger la discussion. Cependant, je dois répondre quelques mots à ce qu’a dit mon honorable ami, M. le ministre des finances.
D’après M. le ministre, les provinces du Limbourg et du Luxembourg auraient, par suite d’une circonstance fortuite, joui pendant 9 ans d’une exemption qui leur aurait procuré un bénéfice de 3 millions.
Il est vrai que ces provinces ont joui, pendant ce laps de temps, de cet avantage. Mais je dirai d’abord que ce n’est pas à elle qu’on peut s’en prendre, si elles ont eu le bénéfice de cette exemption. Placées successivement sous le coup d’une menace de guerre, elles se trouvaient dans une position tout à fait exceptionnelle, et ces circonstances, si pénibles pour elles, n’ont pris fin que par un traité qui a été pour elles une grande calamité. L’avantage qui résultait de la modération de l’impôt cadastral était donc une espèce de compensation dans la position malheureuse où étaient ces deux provinces.
En outre, l’argument qu’on met en avant, aurait pu, en 1835, s’appliquer avec autant de raison aux provinces pour lesquelles on a usé de ménagement. On pouvait dire aussi à ces provinces qu’elles avaient joui d’un privilège pendant de longues années. Il y avait même plus à cet époque : c’est que les provinces qui avaient obtenu une diminution de leur contingent, n’ont vu cette diminution s’effectuer qu’en trois années. Ces provinces auraient pu réclamer vivement, en prétendant que, si cette diminution était un acte de justice, elle devait être opérée immédiatement.
Cependant, en 1835, pour user de ménagements en faveur des provinces dont le contingent était augmenté, on n’a pas hésité à opérer en trois années successivement la diminution accordée aux provinces qui avaient été surtaxées. Maintenant le trésor seul en aurait souffert ; on n’aurait pas reporté sur les autres provinces les deux tiers de la majoration du contingent des provinces du Limbourg et du Luxembourg. Si l’on adoptait la marche qui a été suivie en 1835, il y aurait une diminution de 220,000 francs de revenu pour le trésor en 1845, et la moitié de cette somme en 1846.
En présence d’une excédant de recette de 1,200,000 fr. , cette somme aurait pu manquer au trésor sans un grave inconvénient. Cependant je conçois la vive sollicitude que montre M. le ministre des finances pour rétablir l’équilibre dans nos finances, et je ne veux pas l’entraver par une proposition quelconque, de nature à diminuer les recettes dont le chiffre a, d’ailleurs, été fixé dans le budget des voies et moyens.
M. de Theux – J’ai demandé la parole pour expliquer à l’honorable M. d’Hoffschmidt comme la section centrale ne s’est pas occupée de cette question. Il avait été décidé, dans le budget des voies et moyens, que l’augmentation aurait lieu pour l’année 1845 ; mais alors toutes les questions avaient été réservées pour la loi de péréquation cadastrale. La section centrale a dû se conformer à cette décision, puisqu’elle n’adoptait que pour 1845 la péréquation proposée au projet dont il s’agit ; de sorte que toutes les questions demeurent entières et pourront être décidées lorsqu’on s’occupera de la loi définitive.
- L’art. 1 du projet, devenu l’article unique, est mis aux voix et adopté.
Il est procédé ensuite au vote par appel nominal.
Le projet est adopté à l’unanimité des 55 membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l’appel sont : MM. Lange, Lesoinne, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Thyrion, Van Cutsem, Van den Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Coghen, Coppieters, d’Anethan, de Baillet, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia, de La Coste, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, Deprey, de Renesse, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus (aîné), Albéric Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloi de Burdinne, Fleussu, Henot, Jadot, Kervyn et Liedts.
M. le président – Veut-on revenir sur la pétition sur laquelle il a été fait rapport au commencement de la séance ? (Oui ! oui !)
Cette pétition est relative à la direction à donner au chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt. La commission a proposé de la renvoyer purement et simplement au ministre des travaux publics. M. Simons demande que M. le ministre soit invité à faire un prompt rapport à la chambre sur cet objet ; et M. de Renesse demande que les sections suspendent l’examen du projet de loi concernant ce chemin de fer jusqu’après le rapport de M. Simons.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La motion de l’honorable M. de Renesse a déjà été jugée par la chambre ; et je ne pense pas que la chambre veuille revenir sur la décision qu’elle a prise. Il est impossible que l’on suspende l’examen en sections du projet relatif au chemin de fer du Limbourg sans ajourner en même temps l’examen de celui du Hainaut, puisque ces deux projets sont compris dans une seule soumission celle de la compagnie Mackensie ; ils forment un tout indivisible. Il serait donc impossible d’en scinder la discussion et l’examen. Quand le gouvernement a présenté le projet de loi soumis en ce moment à l’examen des sections, une proposition a été faite tendant à changer le tracé adopté pour le chemin de fer de Hasselt ; mais ce serait une erreur de croire que c’est un contre-projet qu’on a présenté ; non ce n’est pas un projet étudié, mais simplement une idée indiquée et manquant de base.
Le gouvernement aurait, à la rigueur, le droit d’exiger des demandeurs en concession la présentation d’un contre-projet avec les plans, profils, devis, calculs de produits probables, afin de pouvoir les vérifier et s’assurer des avantages qu’on attribuait à ce tracé ; mais dans l’état actuel des choses, le gouvernement n’a rien à vérifier, puisque rien ne lui a été présenté, sinon une idée vague. Cependant, afin d’éclairer la chambre et de faciliter l’examen en section centrale, j’ai chargé l’ingénieur Groetaers qui a fait les études préliminaires, de me faire non pas un travail complet, mais un avant-rapport, si je puis m’exprimer ainsi, pour que la chambre possède toutes les lumières possibles pour éclairer le débat.
Quand ce travail me sera adressé, je pourra en saisir la section centrale, qui procède à un examen plus spécial et plus approfondi des questions. La section centrale, entourée de ces renseignements, pourra se prononcer en connaissance de cause. Je le répète, dans l’état actuel des choses, il est impossible de suspendre l’examen en sections ; et quant au rapport demandé par l’honorable M. Simons, je pense qu’il est inutile de l’adresser à la chambre, et qu’il vaut mieux le produire pour servir à la discussion qui doit s’ouvrir en section centrale.
M. de Renesse – Si les sections procèdent à l’examen du contrat passé avec la société Mackensie avant d’être saisies de la demande en concession des sieurs Blyckaerts et Detiège, elles ne pourront pas apprécier si le projet de ces derniers est plus ou moins avantageux que l’autre, qui a été désigné par le gouvernement en 1837, contre le vœu du conseil provincial. Alors le conseil provincial du Limbourg a présenté une pétition au gouvernement pour que le chemin de fer fût dirigé vers la partie populeuse de la province, vers le canal de Hoch. On n’a pas eu égard à la pétition du conseil provincial ; cependant un grand nombre de communes étaient intéressées à ce qu’on donnât au chemin de fer la direction qu’il réclamait, et elles avaient pétitionné dans ce sens.
Le 3 décembre de l’année dernière, les demandeurs en concession se sont adressés à M. le ministre des travaux publics. Depuis ce temps, si M. le ministre avait eu l’intention de faire examiner la demande des concessionnaires, on aurait pu avoir terminé les études, le temps était très-propice. Maintenant, elles pourraient être entravées à cause du mauvais temps ; mais 15 jours suffiraient pour faire, sinon des études complètes, du moins un avant-projet. Si les sections doivent se prononcer avant d’avoir reçu ces renseignements, elles devront nécessairement accepter le tracé proposé par le (page 543) gouvernement, puisqu’elles ne pourront pas comparer l’utilité de l’autre tracé. Je demande donc qu’on ajourne l’examen de cette question ou qu’on ne l’examine qu’en dernier lieu dans les sections. Nous avons à examiner le crédit demandé pour le chemin de fer et le canal de la Campine, le projet de chemin de fer d’Entre-Sambre-et-Meuse et le canal de la Meuse, après l’examen de ces questions ; dans huit ou dix jours viendrait l’examen du contrat avec la société Mackensie.
Je ne demande pas un ajournement indéfini, mais seulement suffisant pour examiner la question de savoir s’il est dans l’intérêt du Limbourg d’avoir une voie plus directe de Hasselt à Liége, où il exporte ses produits, et s’il ne serait pas très contraire à ses intérêts de faire faire un détour au chemin projeté.
C’est probablement par erreur que M. le rapporteur de la commission des pétitions a dit que la différence entre les deux tracés n’était que de trois lieues. Il est établi, par le rapport de M. l’ingénieur en chef Groetaers que par St-Trond la distance est de 13 lieues, tandis qu’elle n’est que de 6 lieues et demie par le chemin de fer proposé d’Ans à Hasselt par Tongres.
Je demande qu’un examen sérieux sur la direction du chemin de fer à décréter dans la province de Limbourg, pour qu’on ne froisse pas les intérêts majeurs, qui méritent toute l’attention de la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Quand le gouvernement présente aux chambres un projet de loi, appuyé sur des études sérieuses, je ne pense pas qu’il suffise à un demandeur en concession de venir jeter en avant des contre-projets en forme d’obstacles, pour que la chambre consente à l’instant même à surseoir à l’examen auquel elle se livre en sections. Il est impossible que le gouvernement consente à la suspension de l’examen jusqu’après la présentation du rapport demandé.
L’honorable compte de Renesse vient de dire qu’en 1837 la proposition de préférer le tracé par Tongres à celui de St-Trond avait été faite, et que le conseil provincial de Limbourg l’avait appuyée. Messieurs, je ne veux pas discuter le fond ; mais cet argument serait peut-être le plus fort qu’on pourrait présenter contre le projet en question ; car on pourrait soutenir que, dès 1837, cette question avait été, par conséquent, définitivement jugée.
M. le président – C’est le fond.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable comte de Renesse s’est étendu sur cette considération. Je dois en dire quelques mots. Je ne serai pas long.
Je répète qu’en 1837 le gouvernement a examiné la question de savoir à quel tracé il devait donner la préférence. Cette question a été jugée par le gouvernement et il pourrait prétendre qu’il n’a plus à y revenir.
Mais, comme vient de le faire remarquer M. le président, je ne veux pas m’engager dans le fond même du débat. Je promets à la chambre de communiquer à la section centrale (car il faudra quelque temps pour réunir ces documents) tous les renseignements que le gouvernement recueille. La section centrale sera entourée de nouvelles lumières. Mais je persiste à dire que le gouvernement serait dans son droit en soutenant qu’on n’est pas redevable de lui demander ces nouveaux renseignements. Il pourrait exiger des auteurs de la proposition nouvelle, la présentation d’un projet formel, d’une étude complète, afin que le gouvernement eût à le vérifier et non pas à faire de nouvelles études qui sont complètes à ses yeux.
M. Simons – Il serait infiniment mieux que M. le ministre pût faire un rapport avant l’examen des sections. Si cela est impossible, si ce rapport ne peut être fait que lorsque la section centrale sera saisie du projet de loi, il faudra bien que nous nous en contentions.
Je ne veux entrer, messieurs, dans le fond de la question. Sans cela, je prouverais qu’en 1837 aucune étude sérieuse n’a été faite. Je rappellerais même que j’ai dit qu’en donnant au chemin de fer la direction que l’on a adoptée, c’était de l’argent jeté, et que nous préférerions que la province reçût le capital employé pour la construction de routes ordinaires. On nous a répondu que nous aurions le chemin de fer dans cette direction malgré nous. L’expérience a prouvé combien nous avions raison, puisque le gouvernement fait chaque jour une perte d’une centaine de francs.
Je demanderai donc à M. le ministre des travaux publics si son intention est de faire faire sérieusement les études du nouveau projet, afin que la chambre puisse juger en connaissance de cause quel est le tracé le plus utile, non-seulement à la province de Limbourg, mais au trésor. S’il me donne cette garantie, je m’en contenterai. Si, au contraire, on ne veut pas faire sérieusement ces études, qu’on le dise positivement, nous saurons à quoi nous en tenir.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pour répondre d’abord à la première demande qui m’a été faite par l’honorable M. Simons, je consens volontiers à faire imprimer comme document de la chambre le rapport que j’ai demandé à M. l’ingénieur en chef Groetaers, aussitôt que ce rapport me sera parvenu. Il pourra ainsi servir pour la discussion.
L’honorable M. Simons me demande si mon intention formelle est d’ordonner une étude sérieuse sur ce projet. Messieurs, je ne veux pas subordonner le sort du projet de loi que j’ai présentée à un engagement que je prendrais de compléter les études nouvelles. J’ai présenté un projet de loi à la chambre ; je maintiens ce projet de loi.
Je n’ai pu demander à M. l’ingénieur Groetaers des études définitives. Pour compléter de pareilles études, pour lever les plans, indiquer les profils des chemins de fer de St-Trond à Hasselt, les ingénieurs du gouvernement ont passé dans le Limbourg, non pas quelques mois, mais une année entière. Je ne puis donc m’engager à subordonner la discussion du projet de loi à l’achèvement des études telles qu’on vient de les demander. Mais je produirai assez de renseignements pour éclairer complètement la section centrale et les membres de la chambre. J’ai demandé à M. l’ingénieur Groetaers que son rapport fût aussi complet qu’il lui sera possible de me le faire, dans le temps limité qui nous sépare de la discussion du projet de loi.
M. le président – Les conclusions de la commission tendent au renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre s’étant engagé à communiquer à la chambre le plus promptement possible les documents qu’il aura à sa disposition, je me bornerai à mettre aux voix les conclusions de la commission.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont mises aux voix et adoptées.
M. le président – Nous en sommes resté à l’art. 7 ainsi conçu :
« Art. 7. Le Moniteur et le Recueil seront exempts de la formalité du timbre et circuleront en franchise ; chaque feuille du Moniteur portera l’empreinte du sceau de l’Etat. »
M. le ministre de la justice vient de déposer sur le bureau une nouvelle rédaction ainsi conçue :
« Le Recueil sera exempt de la formalité du timbre et circulera en franchise.
« Chaque feuille du Moniteur et du recueil portera l’empreinte du sceau de l’Etat. »
- Cette nouvelle rédaction est mise aux voix et adoptée.
« Art. 8. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
M. le président – Des amendements ayant été introduits dans le projet, le second vote est renvoyé à après-demain.
- La séance est levée à 4 heures.