(Moniteur belge n°56, du 25 février 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure un quart.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
« Le sieur Mamette demande que les fonds adressés au gouvernement par l’intermédiaire de la poste soient affranchis de la taxe de 5 p. c. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Le sieur Canonne, maître de poste à Tervueren, prie la chambre de s’occuper du projet de loi sur la poste aux chevaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. le président. - Le bureau de la chambre a nommé M. Van Cutsem membre de la commission de circonscription cantonale, en remplacement de M. Angillis, décédé.
M. Zoude. - La veuve du lieutenant-colonel Beaulieu, directeur de la division du génie au ministère de la guerre, expose à la chambre que la mort prématurée de son mari la laisse avec ses 4 enfants dans une position qui paraît de nature à lui mériter quelque intérêt.
On peut dire, en effet, que le colonel Beaulieu est mort sur le champ de bataille, non pas atteint par le fer ennemi, mais par l’épuisement de ses forces à la suite des travaux excessifs auxquels il s’est livré, car le champ de bataille d’un ingénieur militaire est bien le travail qui doit procurer au pays le meilleur système de défense, et c’est à ce travail que le colonel Beaulieu a succombé.
Tout entier à son devoir envers l’Etat, l’intérêt de famille n’occupa jamais un instant sa pensée.
Aussi l’hommage déposé sur sa tombe par l’honorable général comte Goblet, fut qu’il était digne de servir de modèle aux officiers du corps du génie.
Martyr de son devoir, ses services sont peut-être de nature à mériter à sa veuve un acte de munificence nationale. Votre commission croit qu’il importe que la chambre soit éclairée à cet égard ; c’est pourquoi elle a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande de renseignements.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Roo, au nom de la commission des pétitions, dépose le rapport sur une pétition contre le droit de patente auquel sont soumis les cultivateurs qui débitent sur les marchés la viande provenant de leur propre bétail. La commission propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et en renvoie la discussion après le vote des budgets.
M. le président (M. d’Hoffschmidt). La parole est à M. Osy, pour une motion d’ordre.
M. Osy (pour une motion d'ordre). - J’y renonce, M. le président. Je voulais demander à M. le ministre des travaux publics, comme renseignements relatifs au chapitre « Chemin de fer, » la convention conclue avec la société rhénane pour le transport des marchandises et le règlement de cette société elle-même Mais M. le ministre, à qui je viens de m adresser, a eu l’obligeance d’envoyer chercher ces documents ; nous les aurons tout à l’heure.
M. le président. - La chambre est parvenue à la section IV du chapitre II, relative aux bâtiments civils.
« Art.21. Entretien et réparations des hôtels, édifices, et monuments de l’Etat : fr. 34,000
« Entretien et réparation des propriétés cédées à l’Etat par le traité du 5 novembre 1842 : fr. 3,000
« Entretien et réparation des propriétés cédées à l’Etat par la ville de Bruxelles : fr. 15,000 »
- Adopté.
« Art. 22. Constructions nouvelles et travaux d’amélioration : fr. 72,100
« 1° Etablissement de persiennes au nouveau bâtiment construit au département de la justice, pour les bureaux de la sûreté publique : fr. 3,100
« 2° Construction d’un passage couvert au département.de l’intérieur : fr. 2,000
« 3° Travaux d’appropriation à l’hôtel du département des travaux publics, fr. 42,000
« 4° Travaux d’appropriation à l’hôtel du gouvernement provincial à Mons : fr. 25,000
« Total, 72,100 »
M. Osy. - Vous avez vu dans le rapport de la section centrale qu’elle blâme qu’on ait commencé les travaux au palais actuellement occupé par le ministère des travaux publics, sans le consentement de la chambre. Je crois que nous ferons très bien d’appeler l’attention du gouvernement sur cette irrégularité, pour qu’elle ne se reproduise plus. Mais je dois convenir que, d’après le rapport de la section centrale, le blâme pèse plutôt sur l’ancien ministère, parce qu’il a eu tout le temps nécessaire pour proposer la dépense ayant la clôture des chambres. J’engage le gouvernement à ne plus faire commencer les travaux avant d’avoir obtenu un crédit des chambres.
M. Lys. - Je trouve ce qui suit dans le rapport de la section centrale :
« Le ministère des travaux publics a occupé, depuis la fin de 1840, trois maisons particulières et distinctes : la principale de ces maisons contient les appartements du ministre, les bureaux du secrétariat-général et ceux des 1ère, 3ème, 4ème et 5ème divisions du département.
« Dans la 2ème se trouvent placés les bureaux du chemin de fer en construction et en exploitation, formant les 2ème et 6ème divisions.
« La 3ème maison est occupée par la régie du chemin de fer et le bureau des rebuts de l’administration des postes.
« Le bâtiment principal est loué au prix annuel de fr. 9,000
« Les deux autres, au prix de fr. 4,600
« En total de fr. 13,600. »
Ensuite pour justifier l’occupation du palais de la Place Royale, on dit à la page 18 :
« On reconnaît que la mesure prise peut être critiquée au point de vue de la légalité, en ce que la mise à exécution des travaux a précédé le vote des chambres ; mais il est à considérer qu’elle était commandée par des motifs de haute utilité et par l’intérêt même du trésor, puisqu’au moyen d’une dépense de 82,000 fr., l’Etat se trouvera désormais libéré d’une charge annuelle de 13,000 fr., représentant un capital de 260,000 fr. ; qu’en outre le département des travaux publics se trouvera convenablement logé dans une propriété de l’Etat, dont la valeur sera augmentée du prix des nouvelles constructions qui y auront été ajoutées.
« Déjà, la somme de 9,000 fr., allouée jusqu’ici pour le bail de la partie principale des locaux provisoires du département des travaux publics, ne figure plus au budget des dépenses de l’administration centrale des travaux publics. »
D’après cela, on serait tenté de croire à une économie réelle. Mais nous lisons à la page 22 du rapport :
« Par suite de l’occupation de l’hôtel du prince d’Orange, par le ministère des travaux publics, les bureaux de la direction du chemin de fer vont s’établir à l’hôtel quitté par le ministre. La différence qui existe entre le loyer de cet hôtel et les maisons occupées jusqu’à ce jour par la direction est d’environ 1,500 fr. ; cette différence sera compensée par les économies à faire dans les gens de service ; les bureaux n’étant plus disséminés, ce personnel pourra être réduit. »
Je n’ai trouvé nulle part dans le budget du ministère des travaux publics qu’il y eût réduction des gens de service pour le chemin de fer.
D’après ce qu’on dit à la page 22 il n’y a plus aucune économie quelconque.
L’administration du chemin de fer va être logée dans un très bel hôtel ; elle quittera les deux maisons qu’elle occupait auparavant.
On dit qu’il n’y aura là qu’une augmentation de dépenses de 1,500 fr. Je trouve qu’elle est beaucoup plus forte ; car d’après ce qu’on dit à la page 16, il faut déduire 4,600 fr. de 9,000 fr. La différence est non pas de 1,500 fr., mais de 4,400 fr. Aujourd’hui, au lieu d’une économie de 9,000 fr., il y a une augmentation de dépense. Je ne vois pas pourquoi on laisse dans ces maisons l’administration du chemin de fer ; car ces maisons, si je suis bien renseigné, n’auraient pas des bureaux pour unique destination.
Je ne vois pas pourquoi on ne transporterait pas cette administration à l’Allée-Verte. Il y a là des salles d’attente et des bureaux qui sont maintenant inoccupés. Il y aurait à cela une véritable économie. Je ne vois pas pourquoi l’administration du chemin de fer occuperait à l’avenir l’hôtel du ministère des travaux publics.
J’ai aussi à critiquer les constructions faites au ministère des travaux publics. Ces constructions doivent être mises en adjudication, On sait combien l’Etat perd quand il en est autrement. C’est toujours la conduite qu’on tient au ministère des travaux publics et au chemin de fer. On traite toujours de la main à la main. On fait rarement des adjudications publiques. L’Etat est ainsi entraîné dans des dépenses plus fortes. Vous savez que c’est parce qu’on a opéré de cette manière que l’hôtel du ministère de la guerre a coûté des centaines de mille francs,
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - J’ai donné la section centrale tous les renseignements désirables pour justifier non par ce qu’il pouvait y avoir d’irrégulier dans la forme, mais l’acte administratif en lui-même, qui était appuyé sur des raisons de convenance et d’économie. La note insérée dans le rapport de la section centrale vous a fait connaître que j’avais trouvé la chose engagée. Vous vous souvenez tous que mon honorable prédécesseur avait déclaré à la section centrale, l’année dernière, sur une demande d’explications qui lui avait été faite, que son intention était de transférer, par des motifs d’utilité que vous connaissez, les bureaux du département des travaux publics au nouvel hôtel que le traité du 5 novembre mettait à la disposition du gouvernement et auquel on ne pouvait donner une meilleure destination que celle-là.
Lors de la discussion du précédent budget des travaux publics au sénat, plusieurs membres de cette assemblée avaient interpellé l’honorable M. Desmaisières et lui avaient démontré que ce transfert constituerait une mesure économique et utile sous tous les rapports. En leur répondant, mon honorable prédécesseur annonça formellement qu’une demande de crédit serait présentée prochainement aux chambres. Un arrêté royal avait autorisé le ministre à présenter aux chambres un projet de loi de crédit supplémentaire. Par des motifs que je n’ai pas à apprécier, et dont je ne suis pas juge, mon honorable prédécesseur n’a pas présenté cette demande de crédit.
J’ai donc trouvé la chose engagée. Je n’étais plus libre, à moins de faire un acte de mauvaise administration, de ne pas opérer ce transfert.
L’honorable M. Lys a contesté qu’il y aurait économie dans ce déplacement des bureaux ; mais les observations reposent sur une erreur de fait. Cet honorable membre vous a dit que les bureaux du chemin de fer, situés au boulevard du jardin de Botanique, coûtent en location 13,600 fr., 9000 fr. pour le bâtiment principal et 4,600 pour les deux autres.
Mais, à la page 22 du rapport, dit l’honorable membre, nous voyons que le gouvernement a l’intention de transférer les bureaux de la direction du chemin de fer dans le local que le département abandonne, de manière que la différence n’est pas de 1,500 fr., comme on l’indique à la page 112, mais plus considérable, puisqu’il faut déduire en outre la somme de 4,600 fr.
C’est là une erreur. La direction du chemin de fer et les nombreux bureaux qui y sont attachés ne sont pas logés dans les locaux indiqués à la page 16, dont le loyer monte à 4,600 fr. ; ce sont deux divisions du ministère des travaux publics, celle de la construction et de l’exploitation du chemin de fer, ainsi que la direction de la régie.
Mais il ne s’agit pas là des bureaux de la direction, qui sont maintenant logés dans plusieurs maisons disséminées près de l’ancienne station et qui prendront bientôt la place occupée par le département des travaux publics au boulevard du jardin Botanique.
La location des divers bâtiments où se trouvent actuellement les bureaux de la direction du chemin de fer, monte à une somme de 7,500 fr., si je ne me trompe. Le bail est résiliable à volonté ; de manière que le gouvernement va résilier immédiatement le bail, et ce loyer viendra à cesser.
J’ai ajouté dans la note que j’ai adressée à la section centrale, que la différence qu’il y aurait ne serait que de 1,500 fr., mais qu’elle serait compensée par les économies qu’il sera, je crois, possible de faire, parce que les bureaux actuels de la direction étant disséminés, le personnel devait être plus nombreux et pourra être réduit.
J’ai la conviction que j’aurai la possibilité de réduire les traitements du personnel de manière à combler cette légère différence de 1,500 fr.
M. Lys. - Il était difficile pour moi de ne pas commettre une erreur, avant d’avoir entendu ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics ; car j’avais vu dans le rapport de la section centrale qu’il y a trois maisons, l’une pour le ministère des travaux publics, les deux autres pour les bureaux du chemin de fer.
Quant à moi, je ne puis voir que le rapport, et ce qu’il y a de désagréable, c’est qu’il faut chercher dans 3 ou 4 parties différentes pour trouver ce qui concerne un article. C’est toujours ainsi pour le chemin de fer. C’est un véritable embrouillamini,
Je suis loin de m’être adressé spécialement à M. le ministre des travaux publics actuel. J’ai parlé généralement. J’ai parlé de ses prédécesseurs comme de lui-même. Je sais du reste que ce n’est pas lui qui a dirigé les premières dépenses faites pour l’hôtel du ministère. Mais je dis qu’on a eu un premier tort : celui de faire ces dépenses, sans avoir obtenu un crédit des chambres ; et un second tort, celui de les avoir faites, non par adjudication publique, mais de la main à la main. D’où il résulte une différence de 25 p. c., au préjudice de l’Etat. Voilà ce que j’ai critiqué.
Je persiste à demander que l’administration du chemin de fer soit transférée dans les bâtiments inoccupés de l’ancienne station de l’Allée-Verte. Le directeur-général y a déjà ses bureaux. Lorsque le ministre des travaux publics avait son palais au boulevard du jardin Botanique, je comprends que les bureaux du chemin de fer fussent placés dans son voisinage, mais aujourd’hui qu’il est transféré à la place Royale, je ne vois plus de motifs pour ne pas réunir les bureaux au chemin de fer dans le voisinage de celui de son directeur,
- L’art. 22 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre passe à la section 5.
« Art. 23. A. Traitements des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de déplacement, indemnités et dépenses éventuelles : fr. 442,800
« B. Frais des jurys d’examen de l’école du génie civil ; voyages des élèves : fr. 6,000 »
- Ces deux litt. sont successivement adoptés.
L’ensemble de l’article est adopté.
M. le président. - La chambre passe au chapitre III « chemin de fer et postes ».
La discussion est ouverte sur l’ensemble de ce chapitre.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, la discussion du budget des dépenses des chemins de fer a acquis, cette année, une importance toute nouvelle.
En effet, si tous les travaux qu’exige leur achèvement ne sont pas terminés encore, du moins toutes les lignes décrétées sont livrées à la circulation, et nous en sommes arrivés à une époque où l’intérêt public exige que l’exploitation révèle des formes normales et régulières, et que le service de la construction établisse enfin la comptabilité de ses dépenses.
De plus, l’administration a posé deux faits importants :
D’abord l’arrêté du 8 avril 1843, qui a pour objet de donner des bases fixes au personnel et à ses traitements ;
Puis la distribution d’un budget fractionné en quelques articles, accompagné de nombreux développements.
Dans cette situation, il m’a semblé nécessaire de faire quelques réserves ; car voter le budget sans observations, ce serait approuver pour l’avenir la continuation du système d’administration suivi dans le passé, et c’est ce que je ne puis accepter.
Je commencerai par remercier M. le ministre des travaux publics de la bonne volonté dont il a fait preuve, eu mettant à notre disposition des renseignements nombreux qui tendent à jeter un jour inaccoutumé sur les rouages de l’administration des chemins de fer.
Cette conduite ne peut qu’augmenter la confiance personnelle qu’il m’inspire, mais cette confiance ne peut être illimitée ; car l’homme doué de l’intelligence la plus élevée, de l’intégrité la plus entière, ne jouit pas du don de seconde vue ; il est sujet à se tromper.
Si dans ce que j’ai à dire je rappelle un passé qui nous échappe, ce n’est pas pour récriminer, comme le disait l’autre jour un de mes honorables amis, c’est afin de poser des limites à un état de choses qui ne peut qu’être nuisible et aux intérêts du pays et même à ceux de la grande entreprise qui l’honore.
Pendant les premières années de la construction de nos chemins de fer, qui furent aussi les premières de notre indépendance nationale, nous étions pleins de confiance, pleins de cette confiance qu’inspire la jeunesse ; l’exécution en était à l’état d’expérience ; nous laissâmes donc faire. Mais petit à petit, cette confiance alla s’amoindrissant, au fur et à mesure, que de nouvelles demandes d’emprunt vinrent nous révéler ce que nous coûtaient nos chemins de fer ; car, remarquez-le, messieurs, aucun compte des dépenses de cette immense entreprise ne nous a été soumis jusqu’à présent, et nous ne connaissons nos dépenses que par les emprunts que nous avons votés.
La confiance fit donc place à de la méfiance, à de l’inquiétude même, quand l’inexorable expérience nous eût appris que les estimations des gens de l’art n’étaient que des déceptions ; on s’étonna de mécomptes, qui cependant ne font jamais défaut, quand on se livre à leur merci, en fait de dépenses ; on s’étonna de l’absence de formes administratives, du manque d’économie, comme si cela pouvait s’exiger d’eux, comme si les gens de l’art avaient à s’occuper d’économies et des formalités en usage dans l’administration, comme si leur métier n’était pas de faire beaucoup dépenser et le plus possible, parce que toute leur existence est basée sur la dépense.
La chambre me permettra de ramener son attention vers les documents où ont été posées les bases des dépenses, les garanties pour le trésor public, et l’on verra que ces garanties sont insignifiantes, et quelles sont encore insuffisantes à l’heure qu’il est.
L’exploitation du chemin de fer, commencé en mai 1835, ne figure au budget ordinaire de l’Etat que depuis le 1er janvier 1837 ; pendant les 20 mois précédents, les frais d’exploitation furent imputés sur les fonds de construction ; cette première époque n’offre que confusion ; c’est à dater du 1er janvier 1837 seulement que le chemin de fer commence à prendre des formes saisissables. J’ouvre donc d’abord le rapport du 1er mars 1837, et je m’arrête au chapitre des dépenses d’établissement et d’entretien. Le ministre, dans ce rapport, ne fait d’autre observation sur ce chapitre, si ce n’est qu’il est l’ouvrage des ingénieurs, et qu’il appelle l’attention de la chambre sur son contenu ; c’est ce qu’on peut voir à la page 7.
Quelques citations de ce chapitre vous apprendront quels étaient alors les principes en fait de dépenses admis par le gouvernement, et ces principes ont subi peu de modifications.
« Cet heureux résultat, disaient les ingénieurs, en s’adressant au ministre, est dû au mode d’exécution et d’entreprise adoptée ; mode que votre département a bien voulu admettre sur nos propositions, et c’est au choix du personnel spécial, au système économique de nos ouvrages, aux bordereaux de prix, bases de nos adjudications, et même à l’adoption sans adjudication de marchés particuliers pour certaines fournitures, à l’emploi dans certains cas d’une régie judicieuse, etc. ; c’est à l’ensemble de ces modifications contraires à la routine, que l’on doit l’économie et la promptitude obtenues dans les travaux.
« Pense-t-on, disaient-ils encore, que si on avait été obligé de suivre, pour l’établissement du chemin de fer, les formalités administratives ordinaires des autres travaux publics, impuissantes pour le bien, impuissantes contre le mal ; pense-t-on qu’on aurait obtenu d’aussi prompts, d’aussi beaux résultats ? »
Plus loin, je remarque encore le passage suivant : contrairement au système en usage pour les entreprises des travaux publics, au lieu de les adjuger à forfait, avec la condition des risques et périls pour l’entrepreneur, condition que l’on sait être illusoire, nous conseillâmes, et l’administration supérieure adopta, le mode par bordereau de prix, où l’adjudicataire capable est à l’abri de toute chance de perte, et qui n’oblige le gouvernement à payer que les constructions réellement exécutées d’après les ordres de l’administration ; suivant ce mode, si des travaux sont mal construits, l’ingénieur n’a point d’excuse, puisqu’il devait les voir par lui-même ou les faire suivre par ses lieutenants.
« On ne pouvait pas non plus traiter par adjudication à forfait ni même à bordereau pour les bâtiments des stations.
« La pose et la fondation du railway ne firent qu’une seule fois l’objet d’une adjudication publique.
« Nous n’avons pas balancé d’employer la régie partout où nous l’avons cru nécessaire, nous l’avons employée pour tenir en état de viabilité les routes livrées à la circulation avant leur entier achèvement, etc., etc. »
Ce système a été adopté, comme nous le savons, même pour la construction des voitures ; des ateliers furent par suite organisés, il fut aussi adopté pour la fabrication du coak.
Ainsi les bases établies en 1837 pour les dépenses de l’établissement de nos chemins de fer consistaient :
Dans la suppression en principe des formalités administratives ;
Dans des adjudications à bordereau de prix, qui, en livrant le gouvernement à la merci des ingénieurs, chargeaient ceux-ci d’une responsabilité immense qui, après tout, ne signifiait rien, et qui mettaient les entrepreneurs à l’abri de toute pertes ;
Dans un système étendu de marchés de gré à gré.
Enfin dans un large système de régie s’étendant à l’achèvement des routes livrées à la circulation avant leur entier achèvement, s’étendant à la fabrication des voitures et d’un attirail immense dans des ateliers appartenant à l’Etat, s’étendant à la fabrication du coak, au paiement des ouvriers commis à la sûreté et à l’entretien de la route, et, comme on le verra plus loin, au paiement des emprises de terrains et des indemnités pour récoltes, et au camionnage.
Il est incontestable que ce système de dépenses devait avoir pour résultat d’en abandonner le règlement presque sans contrôle à la discrétion des hommes de l’art, de secouer les formes administratives en usage dans les gouvernements réguliers pour garantir les intérêts du trésor public.
Deux ans après, le gouvernement paraît avoir compris, au moins en partie, les dangers de ce système.
En effet, le rapport du ministre des travaux publics du 12 novembre 1839 contient la note que voici : L’expérience acquise par l’administration et par les entrepreneurs permettait d’aller plus loin encore en substituant au marché à bordereau de prix le marché en bloc. Toutefois, en revenant à ce système, « j’y ai introduit une modification importante, qui consiste à conserver le bordereau de prix comma mode exceptionnel de règlement de compte, applicable aux quantités en plus ou en moins, à résulter éventuellement de modifications dont l’opportunité serait reconnue durant l’exécution, et qu’il appartiendrait au ministre seul d’ordonner. »
La force des choses a voulu que l’administration de l’exploitation, indépendamment de son service ordinaire, restât chargée des travaux d’achèvement des lignes livrées à la circulation, ainsi que des travaux des stations.
L’on voit par cette note que le gouvernement comprit la nécessité d’en revenir du système onéreux des adjudications à bordereau de prix ; mais les améliorations, qui en résultèrent, ne furent guère sensibles : car ce système des bordereaux de prix étant admis comme mode exceptionnel applicable aux quantités en plus ou en moins ; ce système continua à être appliqué à une grande partie des travaux et à prévaloir même, et voici comment :
Presque toujours les plans ont été dressés avec une telle négligence, avec une telle imprévoyance, que souvent les travaux imprévus égalaient ou dépassaient même l’entreprise principale, de sorte que quand un entrepreneur semblait prendre des engagements onéreux pour lui, il s’en dédommageait largement par les travaux supplémentaires ; voici l’observation de la cour des comptes sur cet abus ; elle est consignée dans son dernier cahier d’observations : « C’est surtout dans l’exécution des travaux imprévus ou supplémentaires, que les intérêts du trésor sont le plus gravement compromis. Ces travaux s’exécutent ordinairement aux prix du bordereau de l’entreprise principale ; mais comme les prix portés dans les devis des travaux, qui doivent être soumis à une adjudication publique, sont, au dire même de l’administration, des prix arbitraires, c’est-à-dire, des prix qui ne représentent pas réellement la dépense des travaux à exécuter, mais bien des prix établis de manière à pouvoir subir un rabais, il arrive que, lorsque l’administration consent à ce que les travaux imprévus, supplémentaires, extraordinaires, ou de parachèvement ou de force majeure, etc., quelle que soit la dénomination qu’on leur donne, soient effectuées sans rabais, elle fait profiter l’entrepreneur, au préjudice du trésor, un bénéfice qu’elle aurait retiré par le rabais de l’adjudication publique, rabais qui varie de 10 à 25 p. c.
« Une autre grave irrégularité, ajoute la cour, c’est que les travaux imprévus ont été souvent exécutés sans devis préalables et sans que l’autorité supérieure les ait autorisés. Les travaux se font alors d’après les ordres de l’ingénieur dans les proportions qu’il juge nécessaires. Le devis estimatif est rédigé après l’exécution, puis un état de réception est dressé, et l’entrepreneur, de concert avec l’ingénieur, fait sa soumission. Ce n’est que 2 ou 3 mois après l’achèvement, qu’un arrêté approuve à la fois le devis, la soumission et l’état de réception ; or il est impossible, qu’un mode pareil ne soit pas onéreux pour le trésor, car les exigences des entrepreneurs s’accroissent en proportion de l’importance des travaux. »
C’est ainsi que 47,889 fr. 77 centimes ont été dépensés sur la section de Mons à Quiévrain.
C’est ainsi que pour hâter les travaux sur la ligne de Tirlemont à Ans, un ingénieur se permit d’accorder, de son propre chef, à l’entrepreneur et en sus du prix du bordereau, des gratifications aux ouvriers pour chaque journée de présence sur les travaux, et leurs frais de voyage, et ces dépenses se sont élevées à 125,238 francs 16 centimes. On accorda ensuite à l’entrepreneur, pour frais extraordinaires, pour primes d’achèvement, des sommes qui s’élevèrent à plus de 100,000 fr. »
C’est ainsi que des dépenses de toute nature, qui, par les termes des contrats, devaient être à la charge des entrepreneurs, furent mises à la charge du trésor.
Cette citation démontre quel a été le résultat de ce mépris des règles administratives, et de cet abandon à la responsabilité des ingénieurs ! Cette citation ne prouve-t-elle pas que les gens de l’art disposent de nos fonds pour les chemins de fer, sans même l’agréation du ministre ? Que penser de cette sollicitude inqualifiable pour les entrepreneurs aux dépens du trésor.
C’est surtout ce qui s’est passé sur la section de Chênée à Pepinster qui nous a prouvé ce que ce système avait d’absurde et d’onéreux pour le pays. Cette section avait fait l’objet d’une adjudication à forfait, moyennant une somme de fr. 4,158,000 ; mais les plans et devis avaient été dressés avec une telle imprévoyance, que le gouvernement fut obligé de violer lui-même le cahier des charges ; on procéda ensuite par le mode onéreux des travaux supplémentaires, par le mode de primes pour hâter les travaux ; un procès ne tarda pas à surgir par-dessus le marché, qui finit par une transaction, au moyen d’une petite prime de 325,000 fr.
Puis ce qui restait de travaux pour achever le section fut abandonné à la régie ; des crédits lui furent ouverts jusqu’à concurrence de fr. 3,100,000, et la cour des comptes n’en avait pas encore reçu la justification, lors de la publication de ses observations.
De sorte que les travaux de la section de Chênée à Pepinster ayant été adjugés pour 4,008,000, les travaux imprévus et extraordinaires se sont élevés à peu près à la même somme, à 4,002,951 fr. 89 c.
La cour fait ensuite cette remarque, qui me semble très fondée :
« C’est à l’administration à justifier d’un mécompte aussi considérable ; la cour se bornera à déclarer que les travaux ont manqué d’une conduite régulière. » La cour des comptes a d’ailleurs démontré maintes fois, dans ses cahiers, que le trésor avait éprouvé des pertes considérables par le système de dépenses suivi aux travaux publics ; et je suis convaincu qu’elle a raison.
Les travaux et les fournitures qui n’ont eu d’autre base que des contrats de la main à la main, sans rabais, se sont élevés en 1843 à fr. 2,676,676 60 Cette énorme somme a été dépensé sans aucune des garanties qu’exigent les intérêts du trésor ; il s’est trouve des hommes qui ont pris cette grave responsabilité. Quant à moi, je déclare ici ne vouloir en assumer aucune comme représentant de mon pays.
Quant aux dépenses exécutées en régie, elles s’élevaient pour 1843 au 1er novembre à fr. 4,145,541 70 ; et celles qui restaient encore à justifier pour les années antérieures s’élevaient à fr 7,518,986 25.
Dans les gouvernements qui n’ont pas, comme le nôtre, secoué le joug des règles administratives, en France, par exemple, les avances de fonds pour faciliter les services qui exigent le système de régie ne peuvent jamais s’élever à plus de 20,000 fr. à la fois ; il doit en être justifié dans le mois, et de nouvelles avances ne peuvent être faites qu’après justification des premières. A l’administration des chemins de fer belges on y va avec plus de largeur ; ce n’est pas par 20,000 qu’on procède, mais c’est par des avances de plusieurs 100,000 fr. ; et l’on se trouve en arrière de justification pour des millions après 3 et 4 ans ; ces graves abus, je dirai plutôt ce désordre intolérable a fait même l’objet d’une correspondance du ministre des finances ; voici ce qu’il écrivait à la cour des comptes, sous la date du 3 novembre 1841 :
« Les budgets de l’exercice 1839, seront définitivement clos le 31 décembre prochain. Cependant le département des travaux publics n’a pas encore justifié de la totalité des crédits qui ont été mis à la disposition de M. le directeur de la régie des chemins de fer. J’écris aujourd’hui à M. le ministre des travaux publics à ce sujet, etc. » Et voici ce qu’il lui écrivait :
« Votre département est le seul, et spécialement pour les crédits ouverts pour les dépenses du chemin de fer, qui ait mis le département des finances dans la nécessite de rendre des comptes définitifs des exercices 1836, 1837 et 1838 sans pouvoir justifier de la totalité des fonds sortis des caisses de l’Etat, etc. » Et remarquez-le, messieurs, le budget reste ouvert trois ans en Belgique, l’exercice est de trois années.
Les chiffres des sommes qui sont mises chaque année la disposition de la régie, vous donneront une idée de l’immense développement donné à ce mode de dépenses.
Le personnel de la régie coûte à l’Etat 27,000 fr., sans compter le loyer des bâtiments, l’ameublement, feu, lumière, frais de bureaux, frais de logement et de séjour du directeur.
Un auteur, qui a acquis de l’autorité en fait de comptabilité, a dit récemment :
« Les services dont les travaux s’exécutent à l’aide d’une régie, s’appellent services régis par économie ; mais il n’est pas bien prouvé que cette dénomination ne soit pas une antiphrase ; lors même qu’il n’y a pas d’abus, la dépense n’est pas régie par des intérêts contradictoires ; ce mode devrait être renfermé dans des conditions très étroites, et être soumis à un régime spécial. »
Remarquez-le, messieurs, les dépenses en régie sont des dépenses qui échappent au contrôle préalable de la cour des comptes, et au nôtre par conséquent ; elles échappent même au contrôle du ministre ; son contrôle est au moins insuffisant, incomplet ; car il est impossible qu’il y voir clair. Des dépenses en régie nécessitent un personnel nombreux, destiné à tenir la comptabilité, à payer directement les travaux, un personnel considérable chargé de surveiller les travailleurs, de tenir note des journées, cette besogne est délicate et exige une intégrité à toute épreuve, impossible à espérer dans un personnel nombreux ; enfin un personnel immense d’ouvriers, et l’on sait comment travaillent les ouvriers, quand c’est surtout pour le compte direct de l’Etat.
Les particuliers eux-mêmes comprennent la nécessité d’éviter ce système de dépenses, quand elles sont un peu considérables ; leur intérêt leur dit qu’il faut avoir recours à des marches, à des conditions, à des contrats ; les intérêts de l’Etat, que nous avons à défendre ici, ne nous disent-ils pas qu’à plus forte raison il faut en agir de même pour les dépenses qui concernent les travaux publics ? Le corps des ingénieurs aura beau remettre un avis favorable au système de régie, je dirai qu’ils sont incompétents dans cette matière, parce que c’est l’intérêt de corps qui les inspire.
Aussi est-ce avec regret que j’ai entendu M. le ministre des travaux publics venir parler en faveur du mode de régie pour la main-d’œuvre de l’entretien de ses routes. L’Etat aurait donc à surveiller lui-même des ouvriers travaillant à ses frais et à la journée.
Je crois qu’il est inutile d’entrer davantage dans le détail des abus que ce mode est de nature à faire naître. Si les cahiers des charges étaient bien faits, si on mettait de la fermeté à les faire observer, on ne viendrait pas proposer ici l’entretien des routes en régie.
J’en reviens à celle du chemin de fer ; je pense que l’intérêt du trésor exige qu’elle soit réduite aux services qu’il est impossible ou dangereux d’abandonner à la concurrence publique. Il faut, pour y parvenir, que l’Etat cesse de jouer le rôle de fabricant, qu’il cesse de construire des voitures, un immense attirail, et même du coak ; il faut que ses ateliers se bornent à l’entretien du matériel ; il faut que l’Etat ne se mêle de fabriquer que lorsque l’industrie est hors d’état de lui fournir, ce dont il a besoin dans les conditions voulues. Etendre les paiements de la régie au-delà des limites des salaires des ouvriers indispensables, et de fournitures très minimes, qui ne permettent ni déplacement ni retard, c’est, comme le dit la cour des comptes, fournir le moyen, comme l’expérience l’a démontré, de créer une caisse prête à pourvoir à des dépenses irrégulières. Il faut, en un mot, que l’administration des chemins de fer se soumette à des formes sans lesquelles elle ne mérite pas le nom d’administration.
Parmi les services que la régie a été appelée à rendre au département des travaux publics, nous voyons au dernier rapport de M. le ministre que la régie a liquidé les indemnités pour emprises de terrains, et celles pour pertes de récoltes et engrais ; le rapport ne nous dit pas si le mode suivi jusqu’à présent sera continué à l’avenir. Comme ce mode m’a semblé très onéreux pour le trésor public, je vais entrer dans quelques détails qui feront apprécier les conséquences des formes suivies jusqu’à présent, et qui ont sans doute pour base le rapport de 1837, qui ne voulait pas de formes administratives.
Nous avons vu au rapport de 1843, que ce sont des experts et des notaires délégués qui traitent avec les propriétaires, sous réserve d’approbation du ministre, pour les terrains à acquérir ; des contrats sont ensuite passés, ils sont soumis aux directeurs des travaux, et s’ils les jugent acceptables, ils en font dresser des tableaux, qui sont soumis au ministre pour approbation. Ces opérations sont surveillées par les ingénieurs : un même expert opère avec trois ou quatre notaires, et cette marche a procuré à la fois économie et promptitude, assurait le gouvernement dans une dépêche à la cour des comptes. Je ne puis mieux faire pour y répondre que d’emprunter les paroles de cet honorable corps, qui, pendant ces années de désordres financiers, n’a cessé de défendre les intérêts du trésor public. Voici cette réponse adressée au gouvernement :
« Ce système peut avoir présenté de la promptitude, mais il lui est impossible de le considérer comme ayant pu offrir de l’économie ; que la cour au contraire était portée à l’envisager comme plutôt propre à amener une élévation croissante dans les indemnités, par le motif que ce système ne présente pas autant de garanties, que lorsque la valeur des emprises est préalablement constatée par des procès-verbaux d’expertise.
« Dans le mode adopté, tout se débat et se règle en réalité entre les notaires, les experts délégués et les propriétaires, sans base régulière, sans procès-verbal.
« Bien que le prix convenu soit soumis à l’approbation supérieure, il est cependant à remarquer que, sans procès-verbal d’expertise, l’administration est elle-même dépourvue du seul document capable de lui donner des renseignements utiles à consulter, ce qui la place ordinairement dans la position à devoir admettre le prix convenu entre les propriétaires, les notaires et les experts ; de sorte qu’en résultat la fixation des prix est véritablement l’œuvre de ces dernières.
« Il est d’ailleurs à remarquer que les tableaux d’emprises dressés par les experts et les notaires, et adressés à la cour ne contiennent aucune indication propre à donner des éclaircissements sur la valeur des emprises.
« Or, ajoute la cour n’y a-t-il pas danger à laisser en quelque sorte à des intermédiaires seuls, le soin de déterminer les indemnités sans les éléments indispensables d’un contrat ? »
Je dirai, quant à moi, pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas la loi du 17 avril 1837 sur les expropriations pour utilité publique, qui a été faite exprès en vue de faciliter les emprises des chemins de fer ? Cette loi maintient formellement les dispositions de celles des 10 septembre 1807 et 8 mars 1810 ; et quelles sont ces dispositions ? Par l’art. 49, les terrains nécessaires pour l’ouverture des routes, etc. seront payés à leurs propriétaires, à dire d’experts d’après leur valeur avant l’entreprise des travaux, sans nulle augmentation du prix d’estimation. D’après l’art. 57, le contrôleur et le directeur des contributions donneront leur avis sur le procès-verbal d’expertise, qui sera soumis par le préfet à la délibération du conseil de préfecture ; le préfet pourra, en tous cas, faire faire une nouvelle expertise.
Eh bien, messieurs, aucune de ces dispositions, si favorables au trésor, n’ont été observées.
Les emprises ont été payées à des prix très supérieurs à celui existant avant l’entreprise des travaux. On en a payé à raison de 20 et 30,000 fr l’hectare !
On s’est passé du directeur des contributions, de la députation provinciale, de procès-verbaux d’expertise, et bientôt on viendra nous proposer encore un emprunt pour terminer les chemins de fer !
Quant aux paiements des emprises, on a trouvé moyen de les faire faire directement par la régie ; ce qui a obligé les intéressés à se rendre tous à Bruxelles pour passer dans trois bureaux. Il eût été plus simple, me semble-t-il, d’émettre des ordonnances de paiement, payables chez tous les agents du trésor.
Maintenant, messieurs, on se demandera pourquoi ce système onéreux sous le rapport financier, absurde au point de vue administratif, illégal même, comme je viens de l’indiquer pour les emprises, s’est-il perpétué jusqu’aujourd’hui. Eh bien, je répondrai : c’est que les gens de l’art, gâtés par notre tolérance, par notre confiance, se sont habitués à disposer de nos ressources et de les appliquer sans règle à l’exécution de leurs conceptions ; ils se sont habitués à administrer, ce qui est peu leur affaire, sans avoir même à respecter les formalités administratives.
On me répondra sans aucun doute : mais vous faites bien bon marché de la haute intervention du ministre, qui tient le haut bout de cette administration ; ma réponse est facile ; quelle importance voulez-vous que j’attache à l’intervention d’un homme, qui ordinairement, sans précédents administratifs, se trouve tout à coup jeté à la tête d’un ministère, par suite des hasards d’une lutte parlementaire ; à peine maître des fils de son administration, après des études pénibles, une nouvelle complication politique surgit, le renverse, et puis c’est à recommencer pour son successeur. Il est clair que dans une situation semblable, des chefs d’administration rompus aux affaires doivent avoir, sur l’homme politique qu’on leur a donné pour chef, une supériorité incontestable ; c’est pour balancer cette influence en fait de dépenses, surtout, que j’avais demandé, l’année dernière, la création d’un comite permanent.
M. le ministre nous a dit que cette combinaison annulerait peut-être la responsabilité ministérielle, je ne puis être de son avis ; car un comité qui ne délibérerait que sur les questions qui lui seraient soumises, qui n’aurait aucune action directe sur l’administration, ne pourrait avoir cette portée ; un comité semblable serait un appui contre les exigences des ingénieurs en fait de dépenses, et ne nuirait en rien à la liberté d’action ministérielle. L’année dernière, la chambre paraissant d’accord sur la nécessité de ce comité, le gouvernement parut même se rallier à cette opinion ; s’il ne prit pas d’engagements formels, il en prit d’indirects, si ma mémoire est fidèle, car je me rappelle fort bien que du banc des ministres on me faisait signe de ne pas insister davantage, que cette garantie serait accordée ; depuis lors les travaux publics ont changé de chef, et aujourd’hui on vient nous dire qu’un comité nuirait à la responsabilité ministérielle ; on sait du reste de quelle valeur est cette responsabilité, on en parle sans cesse, mais la mise en pratique est plus difficile.
Maintenant je me borne à dire au gouvernement : Faites en sorte que ce qui est passé ne se renouvelle plus ; l’administration des chemins de fer a besoin de confiance pour marcher ; que vos mesures tendent à lui ramener cette confiance.
J’en viens maintenant plus directement à l’exploitation ; l’honorable M. Nothomb, alors ministre des travaux publics, nous disait dans son rapport de 1837 : « Les frais d’entretien et de perception devant à l’avenir être imputés sur le budget ordinaire de l’Etat, et les frais d’exécution et de rétablissement seuls sur les fonds de l’emprunt, la distinction des dépenses, qui n’était qu’une précaution administrative, sera désormais une obligation légale. »
Eh bien, messieurs, malgré cet engagement, si conforme aux règles d’une bonne comptabilité, l’exploitation a continué à prélever des sommes considérables sur le fonds de nos emprunts, sur le fond de construction.
Quelle valeur peut-on, dès lors, accorder aux calculs du gouvernement, qui nous dit : L’exploitation et l’entretien coûtent autant, elle produit autant ; donc nos chemins de fer nous rapportent autant d’intérêts. Tout le monde sera d’accord que ces calculs sont insignifiants et qu’il ne faut y attacher aucune importance.
J’insisterai donc pour que le gouvernement s’efforce de séparer les frais d’exploitation et d’entretien de ceux de l’établissement ; il me semble qu’au point où en sont les travaux de construction, cette séparation est possible, et qu’elle est de plus indispensable.
Cette observation m’amène à vous dire un mot du personnel ; un arrête pris par l’honorable M. Desmaisières en quittant le ministère fixe le personnel quant au cadre et quant aux traitements.
Cet arrête me semble tout a fait prématuré et tend à nous charger d’un personnel beaucoup trop nombreux ; l’autre jour, M. le ministre, en répondant à mon interpellation sur le nombre des étrangers admis à l’administration, a répondu que les étrangers n’étaient pas trop nombreux eu égard à un personnel de 1,024 employés recevant des traitements ; mais dans ce nombre, déjà si élevé, n’est pas compris je pense, ce nombre immense d’employés à la sûreté, à l’entretien de la route, gardes-ponts, gardes-tunnels, gardes-barrières, etc., parce que leur traitement, fixe cependant, est considéré comme un salaire, qui est payé tous les quinze jours par la régie. Je suis fondé à croire ce personnel trop nombreux pour l’avenir, et voici pourquoi : la gloriole ministérielle a fait ouvrir, comme le disait l’honorable comte de Mérode, presque touts les sections bien avant leur achèvement ; c’est l’exploitation qui a été chargée de ces immenses travaux supplémentaires, et nous savons tous avec quelles onéreuses conditions, par des marchés particuliers, et surtout au moyen des ouvriers de la régie.
Ces travaux d’achèvement doivent cependant finir un jour, et il est positif que le personnel attaché à l’exploitation, qui dirige ces travaux supplémentaires d’achèvement, de parachèvement, etc., deviendra inutile lorsque ces travaux seront terminés. Je ne puis donc attacher aucune importance à cet arrêté, quant au cadre ; cet arrêté est prématuré, et je regrette que l’honorable M. Dechamps l’ait soumis à la signature royale, car il n’avait pas encore reçu cette sanction quand il est entré au ministère. Je demanderai donc, en attendant que les travaux d’établissement soient entièrement terminés, qu’on n’admette plus personne dans les cadres de l’administration.
Si plus tard il y a des places vacantes, il faut les réserver à ceux qui ont été employés dans le service de l’établissement et qui doivent se trouver sans besogne pour le moment ; je demanderai même à M. le ministre ce qu’est devenu ce nombreux personnel, s’il est à charge de l’Etat ?
J’hésite à émettre une opinion de détail sur le chiffre du personnel. Il faudrait appartenir à l’administration pour en parler avec autorité. Voici cependant le personnel spécial de la station (Nord) de Bruxelles ; ce personnel me paraît immense. Il se compose de 91 individus, ainsi répartis :
Service de station, 9 employés, y compris 3 portiers.
Ouvriers au
- nettoyage des voitures 10, y compris 1 portier et 4 garçons de bureau.
- bagages, 8
- petites marchandises, 11
- grosses marchandises, 24
- perception, voyageurs, 8
- perception, bagages, 5
- petites marchandises, 10
- grosses marchandises, 9
total, 91 employés.
Si ensuite je passe à la station d’une commune rurale, je trouve dans celle de Tubise, six personnes chargées des services suivants :
Un chef de station au rang de 3ème commis,
Un 2ème commis chargé de la perception,
Un portier,
Un chef chargeur,
Un chargeur,
Et un peseur,
Cette commune est peu considérable, aucune route importante ne vient y aboutir. Un personnel de six personnes pour la station de Tubise doit paraître exagéré, pour tous ceux qui connaissent cette localité, et comme il est probable que les autres stations sont montées avec le même luxe de personnel, ne sommes-nous pas fondés à dire que le personnel est de beaucoup trop nombreux ?
La même observation peut se faire pour les gardes de convois ; il est beaucoup moins nombreux sur les chemins de fer anglais et français.
Je demanderai quelle est, au point où en sont les travaux, quelle est l’utilité d’un bureau complet avec un chef géomètre ? Dans un personnel aussi nombreux d’ingénieurs, de sous-ingénieurs, de conducteurs, il ne doit pas manquer d’hommes capables, et qui ont le loisir de faire cette besogne, quand le service l’exige.
Je demanderai quelle peut être l’utilité de charger l’Etat des traitements de trois architectes ? un seul suffirait, et encore cette place ne devrait être que temporaire.
Je demanderai encore des explications sur ce grand nombre de surveillants, qui remplissent les fonctions de commis dans les bureaux, et qui presque tous jouissent de traitements élevés ? Je croyais que le service d’un surveillant aux travaux publics consistait à veiller aux travaux sur le terrain, et non pas à remplir des fonctions de commis aux écritures.
L’examen des traitements me fait faire une observation, qui a déjà été faite par l’honorable M. Osy ; en général, il est de règle, dans les administrations régulières, que les traitements soient proportionnés en raison de l’élévation des grades hiérarchiques ; mais il n’en est pas ainsi à l’administration des chemins de fer ; il suffira d’ouvrir les développements pour vous en convaincre ; dès la première page des annexes, je remarque un chef de bureau à 2,400 fr. de traitement, puis suivent, dans des grades inférieurs, deux surveillants principaux à 2,625 chaque, un surveillant de première classe à 2,700 et un premier commis à 2,200 ; le chef de bureau n’a que 200 fr. de plus que le premier commis, et quant à ces surveillants implantés dans les bureaux, ils ont des traitements supérieurs à leur chef de bureau, A la page 2 je vois un chef de bureau à 2,100 fr., son premier commis a à peu près le même traitement 2,000 fr., et le troisième commis est payé à peu de chose près comme ses supérieurs en grade, il a 1,980 francs. Plus loin un expéditionnaire à 900 fr., et un commis à l’essai jouit déjà de 1,200 fr. A la page 17 je remarque un surveillant de deuxième classe à 1,500, et le surveillant de troisième classe, qui soit, a le même traitement. Vous verrez qu’un premier commis a 1,800, et que le surveillant, qui le suit a 2,625 fr.
Il serait fastidieux de pousser plus loin ces citations, mais il est remarquable que les employés à l’essai sont presque tous aussi bien rétribués que ceux du même grade, qui sont engagés définitivement.
Que dire ensuite de tous ces suppléments de traitements laissés à l’arbitraire ministériel ; c’est un grave abus auquel nous pourrons parer peut-être dans la loi de comptabilité.
Tout ce que je puis dire, c’est que je ne puis envisager que comme provisoire cette organisation du personnel de l’exploitation ; cette organisation devrait être révisée avant d’être définitive, et elle devrait l’être par des hommes désintéressés dans cette question, par une commission nommée par le gouvernement lui-même.
J’en viens à une dernière question ; car messieurs, j’ai usé trop longtemps de vos moments, j’en viens à la question importante de la recette. L’honorable ministre des travaux publics a résolu l’autre jour cette question en faveur de son département, et il s’est basé sur un travail fait par une commission mixte d’ingénieurs et de hauts fonctionnaires des finances ; cette question ne peut faire l’objet que d’opinions dans cette chambre, elle se résoudra plus tard par le vote d’un des articles de la loi de comptabilité ; il me semble que si le gouvernement a trouvé dans le rapport de la commission des motifs pour arrêter son opinion, ce rapport nous est indispensable pour arrêter la nôtre ; je demanderai donc que le rapport de la commission mixte soit déposé sur le bureau de la chambre.
Je n’émettrai donc pas d’opinion aujourd’hui sur cette grave question, parce que je désire m’éclairer encore ; je me bornerai à faire observer que nous avons déjà admis le principe de l’incompatibilité des fonctions d’administrateur et de comptable dans l’art. 52 de la loi communale ; s’il y a eu des motifs pour adopter cette disposition pour les recettes communales, ces mêmes motifs doivent exister pour des recettes beaucoup plus importantes. Je me bornerai à cette observation ; la question ne me semble pas assez mûrie pour pénétrer dans les détails, elle fera bientôt le sujet d’une discussion approfondie, suivie d’un acte parlementaire.
Enfin, messieurs, je termine par une observation d’un ordre plus élevé.
Personne ne contestera que les croyances religieuses ne soient une des bases les plus assurées de la morale publique. Eh bien, faites en sorte, dirai-je à M. le ministre des travaux publics, que le service ne rende pas l’accomplissement des devoirs religieux impossible ; tâchez de concilier l’accomplissement de tous les devoirs, des devoirs du chrétien et des devoirs envers l’Etat, Je fais cette observation parce que j’ai appris que quelques chefs se prêtaient peu à faciliter l’accomplissement des devoirs religieux. Je demanderai donc que M. le ministre veuille bien songer à la question de savoir s’il n’y aurait pas moyen de rédiger un règlement qui tracerait aux chefs de station la conduite qu’ils ont à tenir, pour faciliter, autant que faire se peut, à leurs subordonnés les moyens de remplir leurs devoirs religieux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce règlement existe.
M. Lys. - J’ajouterai peu de mots, messieurs, aux observations générales que je vous ai exposées, relativement à l’administration financière du chemin de fer. Ce n’est pas ici une opinion isolée, une opinion qui m’est propre, que je vous ai développée. C’est celle de votre cour des comptes, c’était celle aussi de l’honorable M. d’Huart, lorsqu’il était au ministère des finances. Il a soutenu alors, comme je le soutiens aujourd’hui, que l’administration financière du chemin de fer devait ressortir directement au ministère des finances, et je pense que l’honorable M. d’Huart persiste encore dans cette opinion.
Les vœux que je vous ai manifestés étaient donc partagés, messieurs, par une cour fort respectable et par un ministre très distingué.
Dans notre système, la partie comptable serait séparée de la partie d’art ; le service des routes et de locomotion ressortirait aux ingénieurs et le service des péages ressortirait aux comptables. Je ne vois pas là la plus légère difficulté, et je ne pense pas que les raisonnements de M. le ministre des travaux publics aient affaibli ce qui a été dit à cet égard.
En effet, messieurs, n’est-il pas extrêmement facile de faire contrôler les recettes qui se font au chemin de fer par des employés ressortissant directement au ministère des finances, tels que sont les contrôleurs, les vérificateurs, les inspecteurs ? Je n’y vois pas le plus léger empêchement je ne vois pas ce qui, dans cette mesure, pourrait troubler l’ordre dans l’administration.
J’ai eu l’honneur de vous démontrer qu’en admettant ce système, les frais d’administration centrale seraient considérablement diminués, puisque la même administration chargée au ministère des finances serait aussi chargée au chemin de fer.
M. le ministre des finances nous a dit qu’il y aurait alors des employés mixtes. Messieurs, je ne trouve pas encore de grandes difficultés à ce que des employés ressortissent en même temps et au ministère des travaux publics et au ministère des finances. Remarquez d’ailleurs qu’il existe déjà un précédent : car votre bateau de Tamise est déjà sous la direction d’employés mixtes.
Voyez, messieurs, ce qui se passe en France. En France, il n’existe, pour ainsi dire, que deux tronçons de chemin de fer, et déjà les péages y sont administrés par des employés du ministère des finances, et non par des employés du ministère des travaux publics. Aussi la France a-t-elle une loi à cet égard, c’est celle du 31 mai 1838, par laquelle il est stipulé qu’aucune manutention des deniers de l’Etat ne peut être exercée, aucune caisse publique ne peut être gérée que par un agent placé sous les ordres du ministre des finances, nommé par lui, responsable envers lui de sa gestion et justiciable de la cour des comptes.
Je partage, messieurs, l’idée émise par l’honorable comte de Mérode : « Le tort des ministres, vous a-t-il dit, est malheureusement de ne s’occuper que des intérêts de leur administration, et de ne pas songer sérieusement aux intérêts divers, aux intérêts généraux de l’Etat. »
Si nous attaquons l’administration du chemin de fer, messieurs, on ne doit pas en inférer que nous ne portons pas le plus grand intérêt à cet établissement. Nous voulons au contraire démontrer par là que nous sommes loin d’être ses antagonistes, mais que nous voulons, par des économies réelles, lui faire produire au-delà de ce qu’il a produit jusqu’aujourd’hui, et en obtenir ainsi des revenus qui satisfassent ceux qui pourraient encore lui être opposés.
Nous avons, messieurs, des exemples qui nous démontrent combien d’erreurs peinent être commises dans l’administration du chemin de fer. Je rends justice au talent dont les ingénieurs ont fait preuve. Il suffit de voir le chemin de fer d’Ans à la frontière prussienne pour se convaincre qu’il a été construit par des hommes d’un grand génie ; mais très souvent ces hommes d’un grand génie ne sont point des hommes économes. Aussi remarquez-vous combien ont coûté tous les grands travaux faits par le gouvernement, et combien l’Etat peut être victime du défaut de précautions c’est ainsi qu’une partie du chemin de fer mise en adjudication pour 4 millions a nécessité pour 4 autres millions de dépenses extraordinaires. Vous voyez donc, messieurs, combien il est nécessaire qu’il y ait de l’ordre dans l’administration du chemin de fer.
J’ai insisté aussi, messieurs, sur la grande différence qu’il y a entre certains traitements, et à cela M. le ministre des travaux publics n’a rien répondu ; j’ai cité, entre autres, des employés du chemin de fer à la station de Bruxelles, qui ne reçoivent que 900 fr. tandis que d’autres employés du même grade et seulement à l’essai, dans d’autres stations, reçoivent 1,000 à 1,200 fr. il est certain que ce sont la des défauts d’ordre, car il est constant qu’on ne doit pas avoir à Bruxelles des employés recevant un traitement plus faible que celui des employés du même grade attachés à la station de Mons et aux stations inférieures.
J’ai aussi attaqué le système des indemnités que l’on accorde aux employés supérieurs. La encore j’ai suivi ce qui était dit par la cour des comptes. Voici en effet, ce que dit la cour des comptes :
« Une mesure d’économie relative aux traitements variables des employés du chemin de fera été introduite par arrêté du 30 juin 1842.
« Le maximum du traitement variable qui, par arrêté du 21 décembre 1838, avait été porté à la moitié du traitement fixe affecté au grade des ingénieurs, conducteurs ou surveillants attachés aux chemins de fer en construction ou en exploitation, à été réduit au quart de ce traitement fixe, par l’arrêté du 30 juin précité.
« Cette décision pouvait toutefois être modifiée, lorsque, dans une circonstance exceptionnelle, le chef de service croyait devoir proposer en faveur d’un ingénieur, conducteur ou surveillant sous ses ordres, une indemnité variable de plus du quart du traitement fixe, sans que cette indemnité pût jamais dépasser la moitie du traitement. Alors une proposition spéciale et individuelle devait être faite au département des travaux publics, et indiquer avec précision les services extraordinaires dont elle avait pour objet d’assurer la rémunération.
« La proposition devait en outre être soumise à l’avis du conseil ou de la commission permanente du corps des ponts et chaussées. »
Ainsi, messieurs, il y avait là un arrêté qui avait établi plus d’ordre qu’il n’y en avait auparavant. Cet arrêté avait statué que les traitements variables ne pourraient dépasser de plus d’un quart le chiffre des traitements fixes. Eh bien, messieurs, malheureusement le ministre avait le droit d’apporter des modifications à cet arrêté, et la cour des comptes reconnaît qu’il y a été introduit des modifications telles que l’arrêté n’a produit aucun effet.
« L’arrêté du 30 juin, dit la cour des comptes, fut d’abord mis à exécution.
« L’arrêté du 30 juin fut d’abord mis à exécution, mais il fut ensuite adressé à la cour des états supplémentaires généraux d’indemnités, qui réduisirent le bénéfice de cet arrêté à presque rien, et laissèrent les choses à peu d’exception près dans le même état qu’auparavant.
« L’exécution rigoureuse de l’arrêté du 30 juin 1842 semblait cependant d’autant plus rationnelle, que les grands travaux du chemin de fer étaient pour la plupart terminés. »
M. le ministre nous a dit qu’il y avait eu, relativement au personnel du chemin de fer, un arrêté qui avait établi le montant des traitements et que, par suite de l’exécution de cet arrêté, les différences dont je m’étais plaint disparaîtraient à l’avenir. Eh bien, messieurs, cet arrêté n’est nullement suivi, car vous voyez dans le rapport sur le chemin de fer, que les chefs d’ateliers jouissent, en très grande partie, d’un traitement de 5,000 fr., tandis que par l’arrêté dont il s’agit, et qui porte la date du 8 avril 1843, les traitements des chefs d’ateliers sont fixés à 2,500 fr. seulement.
Vous voyez donc, messieurs, que l’arrêté du 8 avril n’est nullement appliqué.
Je trouve, messieurs, quelque chose de bien plus extraordinaire dans cet arrêté du 8 avril. Je ne pense pas que la chambre puisse approuver l’art. 22 de cet arrêté réglementaire, comme l’a appelé M. le ministre des travaux publics. Voici ce que porte cet article :
« Outre leur traitement fixe, les fonctionnaires et employés qui sont dans le cas d’exercer une influence marquée sur la balance des recettes et dépenses, toucheront un tantième du produit net, conformément aux bases que nous nous réservons de fixer ultérieurement, sur la proposition de notre ministre des travaux publics. »
Voilà donc un arrêté par lequel on décide que les traitements n’auront plus aucune base fixe, quelconque, car il dépendra du ministre d’accorder des récompenses telles, des tantièmes tels que les traitements seront augmentés considérablement. Or, je vous le demande, messieurs, que deviennent vos recettes, lorsque, par arrêté, l’on peut prendre de semblables dispositions ?
Il y a aussi dans cet arrêté réglementaire du 8 avril, une disposition relative à la fabrication du coak. Voici ce que porte l’art. 13 :
« Sont attachés au service de la fabrication du coak :
1 ingénieur,
1 conducteur,
1 commis,
6 surveillants,
1 messager,
2 portiers. »
Je vous demande, messieurs, ce qui peut nécessiter la présence de deux portiers dans la fabrication du coak. Il me semble que c’est là un règlement tout à fait singulier, pour ne rien dire de plus.
J’ai aussi demandé la suppression des ateliers de construction. Vous avez, messieurs, au chemin de fer, des ateliers de construction et des ateliers de réparation ; les ateliers de réparation sont strictement nécessaires, vous ne pouvez point vous en passer, mais les ateliers de construction sont complètement inutiles. Je ne reviendrai point sur ce que j’ai dit à cet égard, car j’ai développé assez longuement les raisons qui démontrent cette inutilité. Nous pouvons obtenir du commerce les chars-à-bancs, les waggons, les diligences à bien meilleur marché que nous ne pouvons les construire. Dès que le gouvernement devient fabricant, il dépense beaucoup plus que ce que dépense l’industrie particulière pour obtenir les mêmes produits. Aussi M. le ministre des travaux publics n’a rien répondu à ce que j’ai dit à cet égard ; il a gardé sur ce point le plus profond silence.
M. le ministre des travaux publics a traité de spécieux ce que j’ai dit relativement aux fours à coak établis à Ostende. J’avais fait remarquer que si l’on établissait les fours à coak à proximité des lieux d’extraction de la houille, il y aurait une économie notable.
M. le ministre a objecté que le coak est d’un transport très difficile, et à certains égards, il peut avoir raison ; mais je ne vois nulle nécessité de conduire la houille à l’extrémité du chemin de fer à Ostende, pour ramener ensuite le coak à Bruges. Il est évident qu’il serait beaucoup plus économique de fabriquer le coak à Bruges, où l’on en consomme des quantités beaucoup plus considérables qu’à Ostende. D’abord, la houille ne serait transportée que jusqu’à Bruges, ensuite le coak ne serait pas obligé d’y revenir d’Ostende.
Cette observation, messieurs, que je présentais relativement au transport du coak, n’était faite qu’accessoirement. Je voulais démontrer au gouvernement qu’il ne devait point fabriquer du coak, qu’il devait acheter le coak dont il avait besoin, et les raisons que j’avais fait valoir en faveur de la suppression des ateliers de construction s’appliquaient également aux fours à coak.
Il serait fort difficile d’examiner quels sont les résultats de la fabrication du coak par le gouvernement ; en effet, dans les pièces jointes au budget relativement au chemin de fer, on ne vous parle que de cinq établissements de fours à coak , et cependant, lorsqu’on examine le compte-rendu de l’administration du chemin de fer pour 1842, on voit qu’il y a des fours à coak non seulement à Malines, à Gand, à Ostende, à Ans et à Hal, mais encore à Mon-Plaisir, à Anvers, à Jemmapes, etc. Voilà donc plusieurs fours à coak dont il n’est nullement rendu compte.
Par les renseignements que je me suis procurés, j’ai acquis la certitude que l’on obtiendrait une économie considérable en prenant le coak des entrepreneurs. A Charleroy, le gouvernement ne paierait que 17 fr. 80 c. ; l’établissement de Seraing ne paye le coak que 15 fr. 63 c. Eh bien, messieurs, si vous examinez les documents fournis par le gouvernement, vous verrez que le coak fourni par les fours de l’Etat coûte beaucoup plus cher,
Je ne suis nullement contraire à ce que le gouvernement conserve des fours là où il peut faire du coak à bon marché ; mais je désire qu’en règle générale il mette la fourniture du coak en adjudication publique.
Voyez un peu quel est le personnel attaché aux fours à coak du gouvernement : vous avez un ingénieur, un sous-ingénieur, des conducteurs, en un mot, une masse d’employés ; vous avez jusqu’à des chefs d’employés, et ces chefs d’ouvriers coûtent 1,200 francs. Un particulier, au contraire, qui fait du coak, a pour trois fours, 2 ouvriers, et ces deux ouvriers coûtent chacun deux francs par jour, et savez-vous ce que coûte le maître ouvrier ? Il coûte 10 centimes de plus que les ouvriers, tandis que votre maître ouvrier vous coûte 1,200 fr., sans parler de votre petit état-major pour surveiller la construction.
Une autre plaie pour le chemin de fer, c’est que dans toutes les parties du service, où l’on pourrait très bien se borner à n’employer que des ouvriers, on paie encore des chefs d’ouvriers. Ainsi, par exemple, à côté des chargeurs, vous avez des chefs chargeurs, et quand une fois ces ouvriers sont chefs, ils doivent avoir un traitement double de celui qui est alloué aux ouvriers ordinaires. N’est-ce pas là une dépense entièrement utile ? Quand vous avez des chargeurs, vous avez tout ce qu’il vous faut.
Il y a une autre économie qu’on pourrait faire au chemin de fer, Dans le temps, ce qu’on appelait le petit coak se vendait généralement 60 centimes les 100 kilog, ; eh bien, depuis longtemps on ne vend plus le petit coak, ou l’emploie, au lieu de sable, de sorte qu’il faut voir la différence qu’il y a dans certaines localités entre le sable et le petit coak. D’un autre côté, le petit coak offrait une ressource précieuse aux gens de la classe malheureuse, qui pendant l’hiver auraient un approvisionnement à bon marché pour leur chauffage.
Dès lors, le gouvernement, tout en réalisant une économie, pourrait faire ici un acte de bienfaisance. Je pense que, dans la plupart de nos stations, la vente du petit coak pourrait rapporter une somme bien supérieure à celle qu’on paierait pour le sable qu’on évite d’acheter aujourd’hui.
Messieurs, ce que je désire, ainsi que je l’ai déjà dit plus d’une fois, voir établir au chemin de fer, ce sont les marchés publics ; je désire que l’on renonce au système de marchés particuliers, des marchés de la main à la main : c’est là un point que je ne puis trop recommander à M. le ministre des travaux publics. Il est certain que les marchés de la main à la main favorisent toujours l’un ou l’autre ; il ne faut pas se faire illusion à cet égard, et je puis encore administrer la preuve de ce que j’avance en citant des faits.
On avait, à la station de Saint-Ghislain, fait un marché, pour la fourniture du coak, à 23,50 fr. or, si je ne me trompe pas, Saint-Ghislain est entre Mons et Quiévrain. Or, après avoir fait un marché à 23 fr. 50, on s’est borné à une ou deux livraisons tout au plus, et l’on a fait un autre marché pour fournir à Quiévrain le coak à 25 fr. Eh bien, il est certain qu’en faisant un marché pour livrer le coak à Quiévrain, vous avez encore des frais de transport pour arriver à Saint-Ghislain. Ainsi, vous payez le coak un fr. 50 c. plus cher, et vous avez encore les frais de transport. Cela s’est encore fait par un marché de la main à la main.
M. le ministre des travaux publics m’a dit qu’il est nécessaire que le gouvernement fabrique lui-même la plus grande partie de son coak, parce que s’il se mettait à la merci des fournisseurs, le service pourrait se trouver compromis.
Ce raisonnement, messieurs, est plus que spécieux. Ne voyons-nous pas les diverses compagnies françaises venir s’approvisionner en Belgique du coak qui leur est nécessaire ; et remarquez que ces compagnies sont à une distance de 40, 50 ou 60 lieues. Elles n’ont pas songé à établir des fours à coak, et cependant elles ne manquent pas de coak, et de coak convenable. Le service se fait en France avec régularité ; pourquoi n’en pourrait-il pas être de même en Belgique ? Le service se fait en France avec économie, et nous pourrions également faire le nôtre avec économie. Il faut donc convenir que les fournisseurs qui livrent à la France pourraient fournir à la Belgique.
Il est certain que, si vous craignez de vous mettre à la discrétion des fabricants de coak, vous avez, à plus forte raison, à craindre de vous mettre à la merci des extracteurs de houille.
Je me suis plaint encore que les localités avaient été mal choisies pour l’établissement de la plus grande partie de nos fours à coak. C’est ainsi qu’on a établi un four à coak à Jemmapes ; or, si les renseignements que j’ai reçus sont exacts, et j’ai lieu de croire qu’ils sont tels, il n’y a dans cette localité qu’une seule houillère qui puisse fournir de la houille convenable pour la fabrication du coak, tandis que si l’on avait établi le four à coak à Boussu, qui n’est pas fort éloigné de Jemmapes, on se serait trouvé au point d’intersection du chemin de fer de l’Etat et de celui qui conduit au canal tous les charbons du Borinage. L’établissement du four à coak à Boussu aurait fait faire à l’Etat un bénéfice d’au moins 10 p. c. sur la fabrication du coak.
Messieurs, il me reste à vous parler des 4.000 actions prises par la Belgique dans le chemin de fer rhénan. Je dois, pour cela, vous mettre au courant des faits.
Vous vous rappellerez, messieurs, que trois banquiers de Cologne avaient souscrit au chemin de fer rhénan pour les 4,000 actions que le gouvernement belge a prises. Les besoins pour la construction du chemin de fer devenaient alors pressants ; il fallait faire verser la totalité des actions. Les trois banquiers dont je parle ne se trouvaient pas en position de verser le montant des 4,000 actions ; l’administration du chemin de fer rhénan allait donc se trouver arrêtée dans ses travaux, et elle ne vit d’autre ressource que d’offrir à la Belgique l’acquisition des 4,000 actions. La Belgique accepta l’offre, et prit l’engagement de payer une somme de 3,750,000 francs pour les 4,000 actions.
Ce fut M. Hansemann, l’un des directeurs du chemin de fer rhénan, qui vint négocier cette affaire à Bruxelles. La nécessité d’unir l’Escaut au Rhin, engagea la Belgique à faire cette acquisition ; nous avions fait des dépenses énormes pour conduire le chemin de fer jusqu’aux limites de la Prusse, et si le chemin de fer rhénan ne s’achevait pas, le chemin de fer belge allait nécessairement perdre une somme considérable. Voilà donc le motif qui détermina la Belgique à faire cette acquisition, acquisition qui fut extrêmement profitable aux trois banquiers de Cologne, premiers acquéreurs des 4,000 actions. Vous savez, messieurs, qu’il fut convenu, par le traité passé avec l’administration du chemin de fer rhénan que la Belgique escompterait tous les intérêts qui écheraient jusqu’au 30 juin 1843, au taux de 5 p. c. l’an, en les diminuant du prix d’acquisition, et ne versait ainsi que la somme restante. On prévoyait déjà qu’au bout de quatre ou cinq années, les intérêts ne pourraient pas être payés intégralement, et c’est pour parer à cette éventualité que la Belgique prenait ces précautions.
Ainsi, messieurs, la Belgique ne versa sur les 4,000 actions, que 3,349,600 francs. Les trois banquiers de Cologne coururent la chance des intérêts, vis-à-vis de l’administration du chemin de fer, et ce qui avait été prévu est arrivé : pour 1843, il n’y a pas eu de fonds en caisse pour payer l’annuité échue le 2 janvier14844.
La gestion de la société du chemin de fer à Cologne est confiée à onze directeurs. Dix de ces directeurs furent d’avis que les intérêts pour 1843 ne pouvaient pas être payés aux actionnaires, parce qu’il n’y avait pas en caisse de quoi faire face à ce payement.
Le onzième directeur, qui est l’un des banquiers intéressés, fait seul de l’opposition, et a voulu qu’on payât les intérêts de l’année 1843 aux actionnaires, intérêts qui n’échaient que le 2 janvier 1844. Les dix autres directeurs, connaissant les engagements pris envers la Belgique, ne voulaient pas qu’elle fût dupe de sa généreuse intervention en faveur du chemin de fer rhénan ; les dix autres directeurs, dis-je, persistèrent dans l’opinion qu’on ne devait pas engager le revenu futur du chemin de fer, qu’on ne devait pas, si je puis me servir de cette expression, manger son bien en herbe ; ils déclarèrent qu’ils donneraient leur démission si cet arrangement n’était pas fait ainsi ; le onzième directeur s’opiniâtra dans son opinion, tout à fait intéressée, et quoiqu’il n’y eût en caisse qu’un p. c., il voulut qu’on payât aux actionnaires les 5 p. c. d’intérêt.
Les dix directeurs ayant donné leur démission, on dut nécessairement convoquer tous les intéressés pour les remplacer. La Belgique se faisait ordinairement représenter aux assemblées des actionnaires par une masse de personnes, parce que vous savez que dans les sociétés on a autant de voix que d’action, et si vous ne les distribuez sur un grand nombre de personnes, vous perdez un certain nombre de vos voix. D’ailleurs, la Belgique avait encore un second intérêt, elle ne voulait pas agir comme gouvernement chez un gouvernement étranger, et dans cette dernière assemblée, il n’a pas agi ainsi. On a envoyé MM. Lejeune et Mazui pour représenter la Belgique ; je ne veux pas jeter du blâme sur ce qu’ont fait ces messieurs, ils ont agi en gens d’honneur, il n’y a rien à dire à leur conduite, ils ne pouvaient pas sortir des pouvoirs qui leur avaient été donnés. Mais rien de plus singulier que ces pouvoirs. Je puis vous en donner la substance. Le ministre envoya, pour le représenter, MM. Mazui et Lejeune, avec mission de tâcher d’amener une réconciliation entre les membres de la commission directrice ; mais en cas de non-réussite, ils ne devaient pas être hostiles envers les dix membres démissionnaires, mais en même temps ils devaient se garder d’agir contre le onzième ; ils avaient ordre de réélire ce dernier s’il donnait sa démission, et de voter contre sa révocation, si elle était proposée en vertu de l’art. 31 du code de commerce. Est-ce là gérer les intérêts de la Belgique, que de vouloir maintenir dans une commission un homme répudié par ses dix collègues qui défendent, non leur intérêt particulier, mais celui de la Belgique, en restant fidèles à leur promesse, et quand cet homme, qu’on veut maintenir dans les fonctions de directeur, agit dans son propre intérêt et au préjudice de la Belgique ; car il y va pour lui de 93,000 fr. avec ses deux collègues.
Voilà les pouvoirs donnés à MM. Lejeune et Mazui, et dont ils ne pouvaient pas sortir.
Et dans cette assemblée ; la personne qui fut le plus contraire aux envoyés de la Belgique, fut ce onzième directeur. Il finit par contester les pouvoirs des envoyés belges ; M. Lejeune protesta et fit respecter ses pouvoirs. Malgré cela, nous avons voulu ménager celui qui soutenait ses propres intérêts au détriment de la Belgique. Je crois que quand on veut concilier de cette manière on finit par être la dupe et perdre. C’est ce qui a finit par arriver ; on est convenu par voie de transaction qu’on paierait trois mois d’intérêt. La Belgique a perdu de cette manière 47,000 fr.
Le résultat de la conduite de notre gouvernement est que les intérêts de la Belgique ont été sacrifiés ; nous avons voulu ménager celui qui ne travaillait que pour son intérêt particulier, et nous n’avons pas voulu croire au désintéressement des dix autres directeurs, qui ne voulaient pas engager l’avenir au détriment de la Belgique.
M. David. - Messieurs, lorsque dans la discussion qui à déjà eu lieu il y a quelques jours, sur le chemin de fer, M. le ministre a repoussé une allégation par laquelle j’annonçais des prix de faveur ou des prix très bas sur de grandes expéditions de fonte et de fer que nous connaissons tous. Je dois, messieurs, justifier mon allégation.
Je trouve dans le tableau du mouvement du transport des grosses marchandises n°9(9), fourni par M. le ministre, que Liége a expédié sur Verviers 8,547 tonneaux de marchandises de 1ère classe ;
Et dans le tableau correspondant des recettes n°10(3) que ce transport de 8,547 tonneaux de 1ère classe a donné une recette de fr. 24,268, ce qui fait pour la tonne-lieue de Liège à Verviers, 5 lieues de distance 57 c.
On trouve dans ces deux mêmes tableaux, que Liége a expédié sur Herbesthal, en grosses marchandises, 12,722 tonnes qui ont produit une recette de fr. 49,670. Ce qui fait (la distance de Liége à Herbesthal, comptée pour 8 lieues) pour la tonne-lieue 49 c.
Ainsi, comment se fait-il qu’on paye, pour la marchandise de 1ère classe qui s’arrête à Verviers, 57 c. par tonne et par lieue, tandis qu’on ne paye, quand on va jusqu’à Herbesthal que 49 c., également par tonne et par lieue, c’est-à-dire, que l’on paye pour Verviers 8 de plus sur 49, soit 16 p. c. de différence.
Mais ce n’est pas là seulement où je crois remarquer de la faveur. Car je ferai observer que ces marchandises (la fonte) n’ont pas été transportées à Herbesthal, mais jusqu’en Prusse même par notre matériel de waggons, tandis qu’on en laissait manquer la ligne du Midi de Namur à Charleroy et Bruxelles.
Ainsi si on avait tenu compte de l’emploi de ce matériel, qui a chômé longtemps en Prusse, et qui est revenu sans chargement, on devrait évidemment trouver un prix par tonne et par lieue plus élevé pour les marchandises conduites jusqu’en Prusse que pour celles de même classe transportées à Verviers. C’est tout juste le contraire qui a lieu. En ma qualité de député de Verviers, je crois devoir demander quelques explications sur ce fait à M. le ministre des travaux publics.
Que l’on ne croie pas cependant, messieurs, que, par ces demandes d’explication, je veuille improuver en rien ce qu’a fait M. le ministre des travaux publics dans cette circonstance. A sa place, dans l’intérêt du chemin de fer et du commerce, j’en eusse fait tout autant, mais ce que je demande ce que j’eusse fait également à sa place, c’est de ne pas borner ce bienfait à une seule industrie, à un certain nombre d’industriels, mais de l’accorder généralement et aux mêmes conditions pour tous les transports de marchandises de même classe, houilles, briques, pierres, tuiles, cendres de mer, etc., puisque vous voyez jusqu’à l’évidence, comme je l’ai toujours prétendu, que ce sont les seules qui amènent les résultats favorables.
M. Dumont ne me paraît pas avoir interprété dans son véritable sens la loi du 1er mai 1834. Qu’est-il arrivé à l’époque de cette discussion ? Qu’un honorable membre, qui ne siège plus dans cette enceinte, devinant déjà la supériorité possible du mode de transport des marchandises pondéreuses par les chemins de fer, craignant un abaissement successif de tarif, abaissement tel que le nouveau système de locomotion vînt paralyser les canaux, fit décider que, dans aucun cas, les chemins de fer ne pourraient transporter à meilleur compte que les canaux. Mais est-ce à dire, messieurs, que dès ce moment vous enchaîniez les chemins de fer, cette œuvre nouvelle dont au début on ne pouvait et on ne peut encore apprécier les effets et la portée ; est-ce à dire qu’à toujours, si l’on avait maintenu des prix élevés pour les canaux, il fallût également les maintenir pour les chemins de fer ? Assurément non ; le législateur ne pouvait être ni aussi inconsidéré, ni aussi exigeant. Sa pensée n’a pu être que celle de vouloir la concurrence possible avec les canaux, et cette concurrence, je ne veux pas moi-même la détruire, mais ce que je veux, c’est que, si comme l’a dit l’honorable M. Dumont, les prix par les canaux sont aujourd’hui plus élevés que ceux du chemin de fer, que l’on abaisse les péages des canaux de manière à ce qu’ils soient au niveau des tarifs du railway.
Il est sans doute inutile d’expliquer, messieurs, comment opérer en sens inverse serait faire chose illogique. Vous ne voulez probablement pas mettre les chemins de fer sous la tutelle des canaux ? Les canaux n’auront sans doute pas la prétention de paralyser par caprice les nouveaux moyens de traction et de locomotion, s’il leur prenait la fantaisie de revenir à des péages élevés ?
Je suis loin d’être, messieurs, l’adversaire des canaux ; ce qui prouve à l’évidence que je fais des vœux pour leur prospérité, c’est que je demande l’abaissement des tarifs du chemin de fer, et qu’en demandant cet abaissement, j’en connais les conséquences. Je sais à l’avance que je place les canaux dans les mêmes conditions de faveur que le railway.
Mais est-il bien sûr que l’honorable M. Dumont pourrait nous prouver que le chemin de fer marche en-dessous des canaux ? J’en doute. Ici la question se complique de conditions de rapprochement ou d’éloignement des établissements qui donnent à transporter, des frais de chargement et déchargement, etc.
Toutes ces circonstances devront être comparées entre elles, car l’honorable M. Dumont sera probablement assez généreux pour ne pas calculer sur le coût de la tonne-lieue seulement de tel point à tel point, sans tenir aucun compte des frais en plus qu’occasionnerait l’emploi du chemin en sus des frais connus qu’exigent les canaux au point de départ et d’arrivée également.
Messieurs, quand ces frais auront été calculés, on verra que le chemin de fer coûte beaucoup plus cher encore aujourd’hui que les canaux, qui ne l’emporteront pas toujours sur lui, mais lui feront encore longtemps concurrence, surtout pour les petites distances par les causes que je viens d’indiquer.
Dans la même discussion générale, qui a eu lieu il y a quelques jours, en me ripostant, M. le ministre des travaux publics m’a fait observer que les tarifs actuels étaient peut-être même plus bas que les tarifs Rogier eux-mêmes, que l’on a si souvent invoqués.
A cela, messieurs, il me semble qu’il est facile de répondre et de prouver que ce ne sont pas seulement les prix qui constituent véritablement les tarifs, mais les conditions auxquelles sont soumises les tarifications. Par exemple, sous l’empire du tarif Rogier, me direz- vous, que, comme aujourd’hui, il fallût indispensablement recourir aux messagistes, qui seuls maintenant sont en vrai rapport avec le chemin de fer. Certainement, sous le tarif Rogier tout le commerce pouvait s’adresser directement au chemin de fer, parce que ces malheureux ou malencontreux 1,000 kil. pleins n’étaient pas exigés pour jouir de certains prix. Il ne fallait pas la réunion de masses exigées aujourd’hui pour pouvoir expédier avec quelque avantage ; le tarif Rogier descendait aux 100 kil. Il semblait à M. Rogier que la nombreuse comptabilité employée à nos bureaux de station pourrait opérer comme le font celles des notabilités messagistes de Belgique ; il semblait à l’honorable M. Rogier que l’administration de nos chemins de fer ayant à sa disposition une puissance et un matériel immense, elle pouvait égaler ou rivaliser avec l’entente, l’activité du service des grands messagistes ; enfin, que chacun pouvait se servir soi-même. Mais, messieurs, il n’en a rien été. Qu’a-t-on fait du système, du tarif et des conditions Rogier ? Tout, excepté le bien. Après lui, on a opéré de manière a faire avorter, à démolir son œuvre, et nous vivons encore sous l’influence de ces abus. Il semblerait que nos comptables au chemin de fer ne fussent pas capables de faire ce que les diligences, ce que les bureaux de messageries ont réalisé dans le bon vieux temps. Du reste, je reviendrai à cette question à l’occasion des péages.
Voici, messieurs, quelques observations sur l’arrêté royal du 22 mars 1842 et les dispositions ministérielles :
L’art. 34 dit : « Toutes marchandises acceptées et inscrites seront expédiées dans les 4 heures, si elles forment la charge complète d’un waggon, et au plus tard dans les trois jours, si elles n’en comportent qu’une partie. »
Ainsi, 2 à 3 mille kilog. remis dans une station, soit dans celle du Nord à Bruxelles, pour être expédiée à Anvers, resteront dans les magasins de l’administration pendant trois jours, si on n’a pas de quoi compléter la charge du waggon, et comme cela a lieu journellement, les expéditions se font de Bruxelles à Anvers et vice-versa par eau, afin de les recevoir plus vite que par le chemin de fer et à meilleur compte, car on expédie d’Anvers à Bruxelles, à raison de 25 c. par 100 kilog. jusqu’au port, ce qui représente le transport de station à station par tarif 7, qui coûte 70 c. pour la deuxième classe, laquelle comprend la majeure partie des marchandises ; celles de la première classe coûtent 45 c. et celles de la troisième classe 90 c.
Le transport s’effectue moins vite par le chemin de fer, tarif 7, que par la voie du canal de Bruxelles à Anvers et vice-versa, ainsi que d’Anvers à Louvain ; il n’y a donc pas lieu de s’étonner en voyant des masses de marchandises être transportées par les canaux, 1° parce que le prix du tarif 7 est encore trop élevé ; 2° parce que l’administration des chemins de fer tient des marchandises pendant trois jours dans les stations, si elles ne comportent pas la charge complète d’un waggon ; 3° par cause du cubage qui est des plus vexatoires pour le commerce ; on cube très souvent les marchandises les plus ordinaires ; il en résulte que l’expéditeur doit payer le port de 2 a 300 kil., tandis le poids réel n’est que de 100 kil. C’est ce qui n’a pas lieu sur le chemin de fer belge-rhénan ; vous n’y voyez cuber aucune marchandise ; pas même celles de Nuremberg, qui sont toujours très volumineuses ; elles ne sont tarifées qu’à la deuxième classe, l’administration belge les transporte aussi, au poids réel. Pourquoi donc accorder aux marchandises d’Allemagne une préférence que vous refusez à celles venant de France et du pays ; ainsi, un négociant de Liège recevra une caisse de joujoux de Nuremberg, il en payera le port sur le poids brut, et si de Liége il veut en expédier pour une ville quelconque de la Belgique, il en payera le port d’après le cubage, ce qui lui fera une différence en plus de 2 à 300 p. c. sur le poids ; pourquoi cette différence de tarif pour des marchandises remises à la frontière et celles remises à l’intérieur pour le transport, lorsqu’elles sont de la même nature ?
Autre observation : pourquoi faire payer par le tarif 7 de cent en cent kilog. ? Pourquoi ne pas taxer de 10 en 10 kilog. ? Ainsi, par exemple, 610 kilog. payeront pour 600 kilog., ou 606 kilog. payeront pour 700 kilog. ! N’est-ce pas la du ridicule, pour ne pas dire plus ; je me demande souvent là où notre directeur et nos inspecteurs ont découvert que l’on devait payer plus qu’on avait de poids ; allez dans les bureaux des messageries, on ne vous y fera pas payer un kilog. de plus que le poids réel.
Pour vous donner une idée du peu de bon vouloir, ou plutôt du manque de connaissance de l’administration pour faire fructifier les chemins de fer, présentez à l’expédition deux tonneaux de bière, ou de tout autre liquide, pesant ensemble 500 kil., l’administration vous fera payer pour 1,000 kil. si le transport doit s’effectuer par tarif 7 ; et si c’est par tarif 4, vous payerez pour 500 kil., mais à la troisième classe dont le prix est beaucoup plus élevé que celui d’aucun roulage. Le roulage n’a jamais craint de placer des liquides à côté d’autres marchandises, et cependant le cahot d’un chariot roulant est beaucoup plus fort que celui d’un waggon ; pourquoi donc faire une différence du transport des liquides avec les autres marchandises ?
On se plaint généralement aussi que les bâches des waggons sont beaucoup trop petites ; les expéditeurs doivent souvent payer une ou deux bâches supplémentaires : où fait-on figurer cette recette, ainsi que celle de deux francs pour frais de chargement d’un waggon ?
Je dis que le vice de nos chemins de fer réside tout entier dans l’impulsion défectueuse imprimée à leur administration.
Quant à ce qui concerne le transport des petites marchandises et des valeurs, les messageries le font à bien meilleur compte par leurs fourgons que le chemin de fer par tarif 4 et 8 ; si MM. les administrateurs, directeurs, inspecteurs, etc., connaissaient un peu mieux les affaires commerciales, ou pour mieux dire, avaient des connaissances pratiques en matière de transport, le chemin de fer ne devrait-il pas obtenir la préférence ? mais non, il paraît généralement reconnu qu’il y a incapacité chez toute l’administration, et à tel point que dans une station on admet ce que l’autre refuse, ce qui prouve à l’évidence qu’il n’y a ni ordre ni ensemble dans le service du transport des marchandises, ni dans l’application des tarifs qui ont besoin d’une révision générale, si on veut servir le commerce suivant le but qu’on s’est proposé en établissant les chemins de fer. En voici une autre preuve : les clous sont admis à la première classe et les chaînes sont tarifées dans la deuxième ; les verres à vitre sont de la première, et la céruse, marchandise très massive, qui n’expose à aucune avarie, est de la deuxième classe, et une infinité d’autres marchandises de même nature et d’une valeur très minime sont tarifées, sans aucun motif plausible, dans la deuxième ou la troisième classe. Il y aurait bien plus d’observations à faire sur le même chapitre ; mais il deviendrait trop long, les exemples ci-dessus doivent suffire.
Pourquoi l’administration demande-t-elle 15 c. par 100 kilog. pour la prise à domicile, tandis qu’elle ne paye que 10 c. pour le même objet aux entrepreneurs du camionnage ? Il résulte de cette différence, que les négociants ne se mettront pas en rapport direct avec le chemin de fer ; ils continueront à remettre leurs marchandises aux commissionnaires qui font le camionnage à raison de 10 c. Il est certain que du moment où le commerce trouve un moyen de transport plus économique que celui qui lui est offert par l’administration des chemins de fer, il s’en servira ; tant il est vrai que cette administration donne des ordres qui sont exécutés ici d’une manière et ailleurs d’une autre, ou interprétés différemment.
L’ordre de service, en date du 15 octobre 1843, prescrit, par l’article 29, au chef de station de Verviers, de tenir une note exacte des waggons de chaque administration, qui dépasseront les frontières, ou sa station. Il est probable que cette disposition a pour but de régler, à la fin de chaque mois, ce qui est dû par les waggons belges qui ont circulé jusqu’à Aix, ou au-delà, ainsi que par les waggons d’Allemagne entrés en Belgique ; il est donc utile de connaître si ce décompte se fait régulièrement et sur quelle base il est établi, c’est-à-dire, si c’est sur le poids transporté ou sur la distance parcourue ; cette question est relative au matériel des deux administrations. Il est hors de doute que la Belgique expédie beaucoup plus de marchandises en Allemagne qu’elle n’en reçoit de ce pays ; par conséquent, le résultat du décompte en question doit être à l’avantage de l’administration belge.
Il existe un abus que je dois signaler encore, c’est de laisser se détériorer, ou sans autre emploi que celui qui convient aux entrepreneurs et autres d’en faire, une quantité de maisons, de bâtiments et emprises de terrains situés sur toutes les lignes du chemin de fer et notamment sur celle de Chênée à Herbesthal, qui m’est la mieux connue.
Pourquoi l’administration des travaux publics ne met-elle pas l’administration des finances en possession de ces biens ? Pourquoi en laisser jouir des entrepreneurs et des étrangers ? Pourquoi laisser détruire des propriétés bâties, qui pourraient se vendre avantageusement ?
Je citerai quelques faits : Une maison sise à Fraipont, vendue par le sieur Ziane, au prix de 7,000 fr., est presque démolie ; la ferme dite : la Chic-chac, à Verviers, est occupée par une quantité d’ouvriers, etc., etc.
Il me semble, messieurs, qu’il suffit de signaler ces faits à M. le ministre des travaux publics pour qu’il soit mis un terme à l’abus que je dénonce.
Les terrains dans la vallée de la Vesdre se vendraient très bien, et si dès aujourd’hui la vente de quelques-uns d’eux ne pouvait avoir lieu, à cause de certains travaux futurs ou probables, encore pourrait-on les louer fort avantageusement.
J’appelle l’attention de l’honorable ministre des travaux publics sur les observations qui précèdent.
Je termine, messieurs, en appuyant formellement la motion de l’honorable M. de Theux pour une commission, prise, choisie parmi les personnes les plus désintéressées et connaissant le mieux les affaires commerciales, en dedans et en dehors de la chambre, en dedans et en dehors de l’administration, commission qui se bornerait à faire des rapports, signaler les abus, et qui dans aucun cas n’aurait la puissance ni le droit d’entraver l’administration du chemin de fer.
M. Dumont. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - Je crois que rien n’a été dit qui vous soit personnel.
M. Dumont. - Si vous ne jugez pas que l’interpellation qui m’a été adressée par l’honorable préopinant et le défi qu’il m’a porté de prouver que le péage sur le chemin de fer soit plus bas que le péage sur les canaux, je n’insisterai pas.
M. le président. - Vous pourrez répondre à votre tour d’inscription.
M. Fleussu (pour une motion d’ordre). - Messieurs, les industriels de la province que j’ai l’honneur de représenter se plaignent de ce qu’à l’exportation de leurs fabricats, ils ne jouissent pas de la faveur de la remise de 30 p. c. accordée pour les exportations par les frontières autres que la frontière d’Allemagne.
Ils se sont plaints et se sont adressés à M. le ministre des travaux publics, qui leur a répondu que la convention faite avec l’administration du chemin de fer rhénan était un obstacle à ce qu’on les fît jouir de cette remise de 30 p. c. Je demanderai s’il y aurait quelque inconvénient à ce que cette convention fût rendue publique par la voie du il, d’ici à lundi. Il me paraît que la discussion doive se terminer aujourd’hui, car il y a encore plusieurs orateurs inscrits. Je pense que la législature devrait être saisie de cette convention, car c’est une convention faite avec une administration d’un pays étranger, qui est de nature peut-être à compromettre jusqu’à un certain point les intérêts belges. Je n’en sais rien, je ne la connais pas ; pour l’apprécier, il faudrait qu’elle fût rendue publique. Je demande donc à M. le ministre s’il ne trouve pas d’inconvénient à la faire insérer au Moniteur.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Cette convention est imprimée, je pourrai la faire distribuer aux membres et insérer au Moniteur.
M. Fleussu. - D’après ce que vient d’avancer M. ministre, l’objet de ma motion serait rempli.
C’est un industriel qui m’a donné des renseignements sur cette affaire. Il m’a dit que M. le ministre des travaux publics invoquait la convention faite avec l’administration du chemin de fer rhénan, pour refuser aux exportations par la frontière d’Allemagne la restitution de 30 p. c. accordée aux exportations par les autres frontières. Je ne comprends pas l’obstacle, puisque c’est sur le parcours fait sur le sol belge, et non sur le parcours fait sur le sol étranger, que la faveur est réclamée. Du reste, j’attendrai l’impression de la convention ; nous verrons lundi.
Plusieurs membres. - A lundi ! à lundi !
- La discussion est renvoyée à lundi.
La séance est levée à 4 heures un quart.