(Moniteur belge n°240, du 28 août 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Cardon présente des observations concernant le projet de loi pour compléter les mesures d’exécution de la convention commerciale avec la France. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
« Plusieurs sauniers de diverses villes demandent que la chambre adopte le projet de loi sur le sel, présenté par M. le ministre des finances. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
« Des secrétaires communaux du canton d’Ath demandent une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets de loi tendant à modifier la loi communale, et ensuite renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
« Le sieur C.-M.M.-J. Begasse, fabricant, à Liége, né à Schleiden (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
Dépêche de M. le ministre de l’intérieur accompagnant l’envoi du tome 11 des Annales de l’observatoire royal de Bruxelles.»
- Ces exemplaires seront distribués aux membres de la chambre.
M. Zoude, rapporteur. - Les avoués près le tribunal de première instance à Liége exposent à la chambre que le tarif des dépens, décrété le 16 février 1807, n’est établi que pour les tribunaux de Paris, Lyon, Bordeaux, Rouen et Bruxelles ; que pour les autres villes dont la population excéderait 30,000 âmes, ce tarif serait réduit à 1/10 ;
Qu’il en résulte une disproportion choquante entre les avoués de Bruxelles et ceux de Liège ; que cependant ces tribunaux sont tous deux de première classe, que leurs membres reçoivent un traitement égal, que les avoués, mis au même rang, devraient être également rétribués ;
Qu’en fait, la vie est au moins aussi chère à Liége qu’à Bruxelles, que le tribunal de Liége a perdu beaucoup de son importance par la création de celui de Verviers ;
Que le nombre des avoués de Liége dépasse celui de Bruxelles, qui cependant est plus étendu ;
Qu’ils se sont adressés plusieurs fois au gouvernement, qui a qualité pour rétablir le niveau entre les avoués des deux sièges, puisque cette mesure ne serait que la conséquence des lois sur l’organisation judiciaire.
Qu’en effet, disent-ils, sur une interpellation faite au sénat, M. le ministre de la justice prit l’engagement de provoquer, de Sa Majesté, des dispositions propres à apaiser leur plainte, mais que cette promesse est restée stérile.
C’est dans cet état de choses, qu’ils provoquent de la chambre une mesure qui règle des droits qu’ils déclarent justement acquis.
La question que cette pétition soulève est de savoir si les règlements qui fixent les émoluments des officiers ministériels doivent être déterminés par mesure législative, ou par une simple mesure réglementaire d’administration.
On a invoqué, pour la solution de cette question, l’art. 621 du code de commerce, qui renvoie à un règlement d’administration publique la fixation des vacations des officiers ministériels près les tribunaux de commerce.
On a dit encore qu’il résulte de l’arrêt de la cour de cassation de Belgique, du 16 août 1841, que le gouvernement peut modifier les décrets impériaux pris en exécution des lois ; que le premier décret a donc été généralisé ; que la réduction du 1/10 par le second décret est une exception pour certain ressort ; que ce n’est donc pas une mesure législative, puisqu’il est de la nature des lois de ne contenir que des règles générales.
Or, dès qu’une disposition sur la taxe des dépens ne contient pas de mesure législative, il résulte de l’art. 104 du code de procédure civile que le pouvoir exécutif peut le changer.
Il peut donc modifier la disposition relative à la réduction du 1/10.
Telle est l’opinion de votre commission, qui ne s’est prononcée qu’après s’être entourée des lumières des membres qui s’occupent spécialement de jurisprudence.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, avec demande d’explications.
M. Delfosse. - Le rapport soulève une question assez importante. Je demande qu’il soit inséré au Moniteur, pour être discuté dans une prochaine séance. Il est bon qu’avant la discussion, les membres de la chambre puissent prendre connaissance de rapport.
M. Raikem. - Je conçois que les difficultés soulevées par la pétition sur laquelle l’honorable M. Zoude vient de faire son rapport puissent donner lieu à de graves méditations. Cependant je prie la chambre de remarquer que le rapport conclut simplement au renvoi à M. le ministre de la justice, avec demande d’explication. Ainsi le rapport en lui-même ne préjuge rien sur la question qu’il soulève. D’après cela, ne serait-il pas plus convenable de ne discuter les questions soulevées par le rapport, que lorsque nous aurons reçu les explications de M. le ministre de la justice ? Il me semble qu’il n’y aurait aucune difficulté à adopter d’abord les conclusions du rapport, puisque, je le répète, il ne préjuge rien, et à ce que la discussion n’ait lieu qu’après que la chambre aura reçu les explications de M. le ministre de la justice ; car elle s’établira beaucoup mieux alors.
M. Delfosse. - Je me rallie aux observations de l’honorable M. Raikem. Je pense qu’il conviendrait que le rapport fût inséré au Moniteur.
M. le président. - C’est de droit.
Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Mast de Vries dépose le rapport de la commission des finances sur le projet de loi relatif aux créances arriérées du département de la guerre.
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. Donny. - J’ai demandé la parole afin d’appeler l’attention toute particulière de M. le ministre des finances sur une affaire dans laquelle sa religion a été surprise, d’une manière que je pourrais qualifier en termes très sévères. Pour ne pas abuser de vos moments, je ne ferai qu’un simple exposé des faits ; je laissera chacun de vous le soin de tirer de ces faits les conséquences naturelles.
Depuis environ deux siècles, une société d’archers établie à Ostende sous le nom de Confrérie de Saint-Sébastien est propriétaire d’un grand terrain destiné à ses exercices. Sur un coin de ce terrain, la société a permis dans le temps à un particulier d’élever un bâtiment, sous la condition d’y construire une grande salle à l’usage des réunions de la société. Le bâtiment a été construit et, depuis lors, c’est-à-dire depuis deux siècles jusqu’au 3 juin 1842. la société a paisiblement joui de son terrain et de sa salle ; je dois cependant vous dire, pour être exact, qu’à l’époque de la confection du cadastre, le terrain dont il s’agit a été porté sur les registres de l’administration, comme dépendance du bâtiment ; de sorte que, sur ces registres, le propriétaire du bâtiment figure aussi comme propriétaire des terrains de la société.
Le 13 mai dernier, le propriétaire du bâtiment, désirant acquérir une partie du terrain de la société, s’est adressé à celle-ci ; et lui a offert 4,000 fr. (je vous prie de faire attention à ce fait), pour cette partie seulement du terrain. Il y a eu refus ; mais le propriétaire du bâtiment ne s’est pas tenu pour battu. Il s’est tourné vers l’administration des domaines, et lui a représenté le terrain d’exercice comme un bien celé au domaine ; il a donc dit au domaine, lui membre de la société, qu’aux termes d’une loi de 1793, qui supprime les confréries, le terrain de St.-Sébastien était devenu propriété de l’Etat, et il s’est suivi de là, que le domaine a pris possession de ce bien.
Le propriétaire du bâtiment n’avait pas encore obtenu par là le terrain qu’il désirait, mais il a fait un pas de plus : il a demandé que le terrain de la société, devenu bien de l’Etat, lui fût donné au bail, ou bien lui fût cédé pour 2,000 fr. Il a voulu acquérir pour 2,000 fr. la totalité d’un bien pour une partie duquel il avait offert 4,000 fr. quelques jours auparavant. Et, chose singulière, il a trouvé le moyen de faire croire à l’administration supérieure qu’en effet le bien celé ne valait pas davantage.
J’ai voulu appeler l’attention de M. le ministre des finances sur ces faits, afin que, s’il en est temps encore, il prenne les mesures nécessaires pour empêcher le succès d’une machination semblable.
Si le gouvernement persiste à maintenir sa prise de possession, et s’il veut accepter une transaction de 2,000 fr., la société fera des sacrifices pour payer cette somme à l’Etat ; mais il serait doublement douloureux pour elle de perdre sa propriété et de la passer, à vil prix, entre les mains d’un tiers qui n’a pas rougi d’abuser de sa position, et de celle de la société dont il fait partie.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je ne pense pas que ma religion ait été surprise dans l’affaire dont l’honorable M. Donny vient de vous parler et à laquelle il paraît s’intéresser si vivement. Je sais parfaitement que le bien dont il s’agit est rentré au domaine de l’Etat ; mais s’il en est temps encore, je tâcherai d’éviter qu’il ne soit vendu pour 2,000 francs, alors qu’on en aurait offert 4,000. Au reste, et sur la recommandation de l’honorable membre, je vais voir immédiatement ce qu’il y a à faire.
M. Donny. - Je suis satisfait.
M. le ministre des finances (M. Smits) présente un projet de loi de crédit extraordinaire de 247,000 fr., pour faire face à la dépense résultant de condamnations prononcées contre l’Etat, dans tous les degrés de juridiction, au profit des anciens commissaires aux recherches des biens appartenant à l’Etat.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen de la commission des finances.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement de M. .Osy, qui consiste à dire dans l’article unique, § 1er (projet de la section centrale) :
« Une remise égale à la réduction, etc. » ; au lieu de : « Une remise égale à la moitié de la réduction. »
M. Osy. - Je viens seulement, par quelques mots, analyser les raisons qui m’ont fait demander la réduction entière, pour les marchands de vins, de la diminution des droits d’accise que nous venons d’accorder, par suite de la convention du 16 juillet.
Je suis contre tout principe de rétroactivité en fait de lois financières, jamais je ne l’accorderai pour ce qui concerne les droits d’entrée et de douane, parce qu’une fois les droits payés, le trésor n’a plus rien à y voir ; mais pour les droits d’accise il peut y avoir des exceptions à la règle, et je considère les crédits à terme comme remplaçant, pour les marchands de vins, l’entrepôt ; ces crédits à terme leur ont été accordés, parce qu’à l’entrepôt ils ne peuvent pas soigner leurs vins, et que même dans des entrepôt particuliers, il y a trop de formalités pour la surveillance de l’administration, ne pouvant jamais y entrer sans des employés.
Ensuite, en 1833, le gouvernement même a donné l’exemple de restitution des droits, et comme en 1830 et 1831 le gouvernement a perçu l’augmentation de droits en vertu de la loi de 1829, fait à la suite du recensement, et qu’on a refusé de faire droit aux vives réclamations des marchands de vins, je trouve qu’il y a justice et équité, et sans préjudice pour la suite, de donner aujourd’hui la réduction des 25 p.c. dont nous venons de réduire les vins français.
Finalement la convention n’a été acceptée par nous que forcés et contraints pour soulager une industrie qui occupe 3 à 400,000 habitants ; et je ne veux pas que la compensation que nous avons accordée à la France retombe sur une autre branche d’industrie et de commerce, qui est également nombreuse, car si je ne me trompe, il y dans le pays plus de 450 marchands de vins.
Je considère donc le projet que nous allons voter comme un acte de justice et une indemnité équitable, et je regrette que le gouvernement n’ait pas partagé notre manière de voir.
M. Zoude, rapporteur. - Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je passerai rapidement en revue les principales objections qu’on a faites aux conclusions de la section centrale.
Je dois cependant commencer par répondre à un honorable orateur qui, contrairement à ce que j’avais avancé, a voulu prouver que le gouvernement provisoire et les chambres avaient posé des actes de rétroactivité.
Le gouvernement provisoire, a-t-il dit, a rétroagi lorsqu’il a fait remise des amendes encourues par contravention aux lois de mouture et d’abattage.
Mais le gouvernement provisoire était investi de l’autorité souveraine ; il avait le droit de faire grâce, mais ce n’est pas de ce droit dont il a usé, c’est à un devoir qu’il a obéi ; il est de principe, en effet, que l’abolition d’une loi qui commine des pénalités doit entraîner pour première conséquence la remise de toutes les peines encourues par la violation de cette loi, lorsqu’elle était en vigueur et c’est ce que le gouvernement provisoire a fait par sou arrêté-loi d’amnistie.
Le second fait qui lui a été imputé n’est guère plus significatif, c’est lorsqu’il a réduit de 7 à 5 litres la quantité de genièvre à prendre en charge par hectolitre de matière. Aussi l’honorable contradicteur justifie lui-même la mesure, lorsqu’il dit que dans la première tourmente révolutionnaire, les distilleries étaient abandonnées sans surveillance, et qu’ainsi, une des branches principales du revenu public allait tarir ; le gouvernement pactisa avec les distilleries et il accepta un mezzo-termine pour le temps où la loi avait été frappée d’impuissance, et il obtint ainsi par composition ce qu’il n’avait pas obtenu par la rigueur.
Prendre argument des dispositions commandées par une impérieuse dans un moment de convulsion, et vouloir les assimiler à un acte régulier d’administration, n’est pas, il faut en convenir, chose sérieuse dans la bouche de cet orateur.
Je ne réfuterai pas davantage l’exemple qu’il a cru rencontrer dans la loi de 1833 ; le rapport s’est suffisamment expliqué à cet égard.
On a insinué ensuite que le commerce de vin regrettait la conversion du crédit permanent en crédit à terme ; mais si cette conversion doit inspirer des regrets, c’est bien au gouvernement.
Sous le crédit permanent, il ne pouvait guère y avoir de fraude ; on n’eût remboursé le droit que sur les quantités réellement existantes ; mais avec le mode qu’on veut adopter. Dieu sait les abus qui se commettent, combien on restituera de droits qui ont remboursés depuis longtemps par les consommateurs.
Mais la fraude ne se suppose pas, a-t-on dit.
Je demanderai ce que l’on peut opposer à l’expérience ; n’est-elle pas là pour prouver que lorsqu’il est question d’un supplément de droit, les magasins se vident par enchantement, le contraire arrive lorsqu’il est question d’une réduction; et ce qui s’opérera, si vous maintenez le premier vote, vous l’apprendra davantage.
La loi porte que l’accise est due au moment de l’importation ; mais on a ajouté de plusieurs côtés qu’elle n’était due qu’à raison de la consommation.
Cependant, lorsque la quantité de vin importé n’atteint pas le droit de 500 fr., il est payable en une fois et dans le mois.
C’est ainsi qu’un marchand qui recevrait à la fois par Ostende une quantité de vin passible du droit de 499 fr., une même quantité par Anvers, et enfin une troisième expédition par terre, ce marchand paierait tout à la fois dans le mois une somme de 1,500, même 3,000 fr., il est cependant évident que tous les vins dont les droits auront été acquittes, n’auront pas été livrés à la consommation ; il est donc vrai de dire que le droit est acquis au moment de l’importation et que le crédit n’est qu’une faveur.
Et voilà cependant des vins auxquels on n’accordera pas de restitution, parce que les droits en auront été acquittés.
D’honorables orateurs ont éloquemment cherché à démontrer que l’adoption des conclusions de la section centrale serait l’anéantissement du commerce de vin, serait la ruine des marchands de vins. L’honorable M. Cogels a fait justice d’une partie de ces expressions.
Je me permettrai seulement de leur faire observer que si la chambre accorde la restitution concédée par la majorité de la section centrale, cette ruine désastreuse se bornerait a une perte sur les bénéfices de 4 p. c.
On a fait remarquer que la section était en erreur, lorsqu’elle avait établi ses calculs sur une contenance moyenne de 2 hectolitres par pièce qui est la jauge de Champagne ; nous adoptons pour moyenne celle de Bordeaux de 220 litres, et nous réduisons la moyenne des valeurs à 200 litres, et alors la perte sur les bénéfices n’est guère encore que de 4 p. c.
Je maintiens donc la conclusion de la section centrale.
M. Cogels. - Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit dans une séance précédente. Je me bornerai à présenter quelques arguments que j’ai négligé alors de faire valoir.
Vous le savez, je n’ai pas contesté que de la convention du 16 juillet il ne peut résulter quelque désavantage momentané pour le commerce des vins, mais une chose qu’on ne peut contester, c’est que cette convention est essentiellement favorable à ce même commerce. J’essaierai de le démontrer. Quel but a eu la France en demandant une réduction du droit d’accise sur les vins. Ce but est facile à comprendre. Ou la convention n’a pas de sens, ou elle tend à accroître les exportations en Belgique des vins français ; elle aura par conséquent, sur le commerce des vins une influence favorable, c’est-à-dire que ce commerce acquerra un nouveau développement, cela est incontestable.
D’après l’amendement de l’honorable M. Osy (je l’ai entendu avec plaisir), les marchands de vins eux-mêmes seraient contraires à tout principe de rétroactivité ; aussi n’invoquent-ils pas ce droit, ils ne réclament qu’une espèce d’indemnité. Et je le conçois facilement. Car nous ne pouvons pas nous dissimuler une chose : c’est que d’ici à quatre ans la convention avec la France expirera et que probablement nous ne pourrons pas la renouveler. La France ne voudra plus nous accorder la même faveur pour les fils et pour les toiles, parce que ce commerce, ou pour mieux dire cette industrie aura pris un développement tel qu’elle aura à se défendre contre la Belgique, tout comme elle se défend aujourd’hui contre l’Angleterre.
Cependant, messieurs, il n’est pas probable que d’ici là les besoins de notre trésor soient diminués. Nous aurons assez de peine à nous créer des ressources, et ce qui est très probable, c’est que d’ici à quatre ans nous devrons redemander avec usure à la consommation des vins, la faveur que nous lui accordons aujourd’hui. Je conçois que lorsque nous en serons là, le principe de la rétroactivité sera condamné.
Maintenant, messieurs, pour ne pas abuser plus longtemps des moments de la chambre, je dirai seulement que si c’est à titre d’indemnité qu’on réclame la restitution intégrale qui résulte de l’amendement de l’honorable M. Osy, il y aura toujours cette injustice que quelques négociants, les négociants en gros principalement, recevront tout et recevront peut-être plus qu’ils ne perdront ; car il est certain qu’une grande partie des commerçants ne feront pas immédiatement aux consommateurs la même réduction que celle qui leur sera accordée, tandis que les marchands qui n’ont pas de crédits à termes, les détaillants qui perdent également, auront à soutenir contre les marchands en gros une concurrence d’autant plus redoutable qu’ils ne recevront rien.
Ce sont ces motifs qui me feront persister à voter contre la proposition que vous avez adoptée.
M. Mercier. - Messieurs, lorsque, dans une précédente séance, j’ai pris la parole en faveur des réclamations des marchands de vin, j’ai voulu prouver que dans différentes occasions la loi avait eu en faveur du commerce ou des redevables un effet rétroactif. Ce mot, à la vérité, n’est pas, à proprement parler, celui qui devrait être employé, et en cela d’honorables membres de cette chambre ont fait de justes observations. Il n’y a pas d’effet rétroactif quand des marchandises, se trouvant en magasin, sont dégrevées, alors que l’impôt est diminué dans la même proportion. Il n’y a pas effet rétroactif, parce que le négociant est l’intermédiaire entre le consommateur et le trésor, et que les marchandises, en raison desquelles le dégrèvement est accordé, ne sont pas encore livrées à la consommation. Toutefois, je vous l’ai dit, je me suis bien gardé de traiter la question de principe ; je ne veux pas qu’il soit posé de principe absolu, et je crois avoir démontré, d’une manière péremptoire, qu’un pareil principe entraînerait des inconvénients et des dangers.
A l’appui de mon opinion, j’ai cité l’arrêté du gouvernement provisoire du 1er octobre 1830. L’honorable rapporteur de la section centrale m’a fait cette objection, que lorsqu’on supprime un impôt, il est de règle que l’on fasse aussi remise de toute pénalité encourue en contravention aux lois qui régissaient cet impôt. J’accorde que cette observation peut être vraie en ce qui concerne les pénalités, les amendes, niais nullement en ce qui a rapport aux droits ; le paiement des droits n’est pas une pénalité, et je n’ai entendu parler que du paiement des droits. Ainsi la raison que j’ai alléguée subsiste en son entier.
Quant à l’arrêté du 17 octobre 1830, quels que soient les motifs qui l’aient fait prendre, je ne l’ai cité non plus que comme une nouvelle preuve à l’appui de ce que j’avançais, qu’il y avait eu plusieurs actes depuis 1830, en matière de finances, qui avaient eu un effet rétroactif en faveur du commerce. Je répéterai que l’exécution de cet arrêté qui, pris sous la date du 17 octobre, ne devait, d’après la législation existante sur la promulgation des lois, recevoir ses effets que le 6 novembre, a cependant été remontée au 1er octobre ; qu’ainsi alors encore il a été pris une disposition rétroactive en faveur des redevables.
L’honorable M. Cogels a cru que dans une séance précédente où j’avais pris la parole, je n’avais pas fait mention de la réduction apportée par le gouvernement provisoire à la quotité du droit d’accises, en ce qui concerne les eaux-de-vie indigènes. C’est une erreur, j’en avais longuement parlé et j’avais expliqué pourquoi il ne s’était agi alors d’autre effet rétroactif que de faire remonter l’exécution de cet arrêté au 1er octobre. J’ai dit que pendant le mois de septembre, et même pendant le mois d’août, il avait régné dans le pays beaucoup de confusion, qu’il n’y avait pas eu de surveillance suffisante sur les distilleries et que des importations frauduleuses considérables avaient pu se faire par nos frontières dégarnies d’employés de douane ; que c’étaient là les raisons pour lesquelles je supposais que le gouvernement provisoire n’avait pas donné plus d’extension à la mesure qu’il avait prise dans l’intérêt de l’industrie.
Messieurs, je ne reviendrai pas sur la loi de 1833. Il est bien évident qu’alors sur les genièvres en magasin on n’acquitta que les nouveaux droits, sauf une différence assez légère.
J’insisterai surtout, messieurs, sur cette remarque que depuis 1830 toutes les dispositions législatives ont été prises en faveur des redevables, toutes sans aucune exception, et que les négociants en vins ont dû nécessairement croire que ce qu’on avait fait jusqu’aujourd’hui, on le ferait encore pour eux. S’ils avaient pu craindre que le gouvernement agît plus sévèrement à leur égard qu’envers les autres commerçants ou industriels, je suis persuadé que beaucoup d’entre eux n’auraient pas déclaré autant de marchandise sous crédit à terme.
Je viens de dire que dans toutes les mesures d’accises depuis 1830 on avait disposé en faveur des redevables. Je vous ai cité trois exemples. J’ai aussi fait mention de ce qui s’était passé à l’égard des eaux-de-vie étrangères ; ici ce n’était pas un effet rétroactif formellement établi, mais il résultait du régime sous lequel l’accise se trouvait alors, c’est-à-dire du régime des crédits permanents ; plus tard on a élevé l’impôt sur les eaux-de-vie indigènes ; c’est encore en faveur du redevable qu’on a tranché la question, puisqu’on n’a rien exigé d’eux comme supplément de droit.
Je suis donc dans le vrai lorsque je dis que, depuis 1830, jamais, dans une question de finances en matière d’accises, ou n’a agi autrement qu’en faveur des redevables.
Eh bien ! ce qu’on a fait jusqu’à présent, ira-t-on, sans qu’on dût s’y attendre, ne plus le faire ? Changera-t-on brusquement ? Renoncera-t-on à toute tolérance, lorsqu’une industrie se trouve frappée malheureusement, lorsque cette industrie se trouve dans un cas exceptionnel lorsque, seule peut-être, elle doit lutter contre l’étranger, vis-à-vis des consommateurs mêmes ? Messieurs, n’y eût-il en faveur des marchands de vin que cette dernière considération, elle seule motiverait une exception, si l’on n’avait autre chose à faire qu’à réclamer pour eux l’application. de la règle générale suivie jusqu’aujourd’hui.
J’insiste sur cette observation ; on a toujours été favorable aux redevables dans toutes les mesures financières ; aujourd’hui il y a une raison spéciale qui n’existait pas pour les autres industries, et on en agirait autrement ! Voilà ce que je ne comprendrais pas.
On a dit que, d’après la proposition qui avait été adoptée, il ne serait pas fait complète justice. J’en conviens ; mais j’aime encore mieux, quant à moi, une justice partielle que pas du tout de justice. J’ai soutenu l’amendement de l’honorable M. Delehaye, parce que je le croyais le plus juste : au moyen de cet amendement, tous les négociants qui ont des vins en magasin auraient participé au dégrèvement dans une certaine proportion ; mais cet amendement a été rejeté par la majorité de la chambre, qui a admis une autre disposition.
Je dois faire observer pourtant que la justice relative n’est pas aussi grande qu’on pourrait le supposer, parce que la raison principale, qui a été alléguée dans cette discussion n’existe pas envers les marchands en détail au même point qu’envers les négociants en gros : en effet, ce qui surtout nous intéresse à la cause des réclamants, nous ne cesserons de le répéter, c’est que nos négociants ont à lutter contre les négociants étrangers qui viennent s’adresser directement aux consommateurs. Or les négociants étrangers ne s’adressent pas en général à la clientèle des petits marchands, mais bien à celle des négociants en gros, parce qu’ils ne font pas des expéditions de 5 ou 10 bouteilles de vin. Ainsi le motif dominant qui existe en faveur des négociants en gros n’est pas applicable aux marchands en détail.
Par ces motifs, puisque l’amendement de l’honorable M. Delehaye n’est plus en discussion, je persiste dans l’opinion que j’ai émise et qui est pour l’adoption de la proposition admise au premier vote.
M. Delehaye. - Messieurs, l’honorable M. Cogels a combattu la proposition que vous avez adoptée ; mais il me semble qu’il aurait dû reconnaître que les arguments qu’il a fait valoir avaient été combattus d’avance par l’honorable M. de Brouckere. L’honorable M. de Brouckere vous a fait voir que non seulement il y avait désavantage momentané pour les négociants en vin, mais que ce désavantage irait en augmentant si vous n’adoptez pas la disposition en leur faveur.
Il y a momentanément, dit M. Cogels, un désavantage réel pour les marchands de vin ; leur position actuelle est fâcheuse. Eh bien ! n’y eût-il que ce désavantage momentané et la position ne dût-elle pas empirer, je dis qu’il serait de la dignité de la chambre et du gouvernement d’accorder à des maisons belges une compensation pour le désavantage qui résulte d’une mesure que vous avez sanctionnée pour venir au secours d’une autre industrie.
Mais est-il vrai que le désavantage ne soit que momentané ? La France, dit l’honorable M. Cogels, n’a demandé une diminution de droits sur les vins, que parce qu’elle savait qu’il en résulterait une augmentation dans la consommation. Il est vrai, messieurs, que le gouvernement français a insisté sur une diminution de droits dans l’espoir que la consommation augmenterait. Telle est l’espoir de la France ; mais pour ceux qui apprécient bien la position de la Belgique, qui tiennent compte de la consommation de vins qui s’y fait depuis plusieurs années, il est certain que cette consommation n’augmentera pas. Ce n’est pas d’ailleurs pour une diminution de 25 francs par pièce qu’on consommera plus de vins.
Mais la consommation augmentât-elle, quel en serait le résultat ? C’est que si les marchands belges se trouvent maintenant dans l’impossibilité de vendre, les négociants français s’empareront de leur clientèle, et ils la conserveront. Mais il y a plus, c’est que, si vous n’accordez pas une indemnité aux marchands belges, vous contribuez à leur faire perdre leur clientèle, car les négociants français ne manqueront pas de dire : Comment voulez-vous que les négociants belges luttent contre nous, puisqu’ils se trouvent en perte de 25 fr. par pièce ? Ne faut-il pas qu’ils se rattrapent sur la qualité ? Et voila ce qui déjà se dit et même s’imprime.
Vous voyez, messieurs, que ce nouvel argument de M. Cogels n’est guère plus fort que le première. Mais dans une précédente séance, cet honorable membre a combattu ma proposition.
Messieurs, la chambre a rejeté ma proposition ; je respecte sa décision ; je persiste toutefois croire que mon amendement était plus juste que celui qui a été adopté.
M. Cogels. - C’est vrai.
M. Delehaye. - L’honorable M. Cogels trouve que ce que je viens de dire est vrai. Mais alors je lui demanderai comment il se fait qu’il m’ait combattu, surtout qu’il m’ait prêté un argument tout à fait ridicule ? « Comment, dit-il, on prétend que les marchands de vins seront ruinés, et on demande, pour les soustraire à cette ruine, une somme de 350,000 fr. ! » Mais, messieurs, je n’ai pas dit qu’au moyen de ces 350,000 fr., on fera échapper les marchands de vins à toute espèce de perte ; je sais fort bien aussi que les marchands de vins peuvent fort bien supporter une perte de 350,000 fr. ; mais autre chose est de ruiner le commerce des vins qui se fait par les Belges, et autre chose est de ruiner ceux qui se livrent à ce commerce. Il est certain que le commerce des vins ne pourra pas continuer à se faire par des maisons belges alors que vous aurez accordé un avantage de 2 p. c. aux maisons françaises.
Dans une précédente séance, messieurs, l’honorable ministre des finances a dit que ce n’est pas dans l’intérêt du trésor, mais par respect pour un principe qu’il combattait la proposition, Eh bien, messieurs, il est prouvé à l’évidence qu’il n’existe aucun principe qui puisse engager le gouvernement à repousser la demande des marchands de vins. Si donc ce n’est pas dans l’intérêt du trésor que M. le ministre combat la proposition, c’est une raison de plus pour adopter cette proposition, car beaucoup de ceux qui ont pris la parole contre la proposition ne l’ont fait que dans l’intérêt du trésor.
Je bornerai là mes observations, et je persisterai à voter pour l’amendement de M. Osy.
M. Pirmez. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l’honorable M. Mercier, qui a soutenu vivement le principe de la rétroactivité. Cet honorable membre a fait remarquer que depuis 1830 on a toujours agi comme il désire qu’on agisse en ce moment. Cela peut être vrai, qu’on a agi ainsi ; mais je ne pense pas que ce soit une raison pour agir encore de la même manière. Depuis 1830, nous sommes dans une position dans laquelle peu d’Etats se trouvent ; c’est-à-dire que les prétentions individuelles ont une puissance immense et que l’intérêt du trésor n’a aucune force pour résister à ces prétentions.
Il est vrai que le principe de la non-rétroactivité n’est pas inscrit dans les lois, mais dans l’intérêt du pays nous devons tâcher de le faire admettre. Aussi je dis que M. le ministre des finances, dans une séance précédente, a vu les choses en sage administrateur, lorsqu’il a insisté pour que nous ne nous écartions point de ce grand principe.
Si vous admettez, messieurs, qu’il n’y a point de principes et qu’il faut agir selon les circonstances, soyez bien convaincus que le trésor public aura presque toujours tort. Il faut bien, messieurs, vous rendre compte de notre situation ; il faut ne pas perdre de vue quelle est, dans notre organisation politique, la puissance des intérêts privés, devant lesquels le trésor public est complètement désarmé. Nous devons, dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt de tous les hommes publics, proclamer ce principe de la non-rétroactivité qui sera une espèce de rempart derrière lequel les hommes chargés de la défense des intérêts de l’Etat pourront s’abriter pour résister aux attaques incessantes des prétentions individuelles.
Dans l’état actuel des choses, il est presque impossible qu’un homme public, qui veut rester homme public, résiste aux demandes qui lui sont faites soit légitimement soit illégitimement, au détriment du trésor public. Il compromet plus sa position en repoussant une prétention individuelle qu’en faisant perdre au trésor 10 millions.
Comment voulez-vous, messieurs, que nous puissions résister à l’intérêt privé, lorsque des corporations puissantes mettent tout en œuvre, articles de journaux, brochures, remuent ciel et terre pour arriver leurs fins. N’abandonnons donc pas la faible ressource que nous offre le principe de la non-rétroactivité, proclamons hautement ce principe derrière lequel nous pourrons nous retrancher lorsque les intérêts du trésor seront menacés.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Ainsi que vient de le dire l’honorable M. Pirmez il n’est pas toujours facile, messieurs, de lutter contre les intérêts privés qui, dans des Etats comme le nôtre, ont tant de moyens de se faire jour. Cependant, malgré la puissance de ces intérêts, je n’en considère pas moins comme un impérieux devoir de repousser les réclamations qui vous sont soumises.
Je répéterai d’abord, et ceci en réponse à l’honorable M. Delehaye, qu’en repoussant la proposition qui vous est soumise, le gouvernement n’a été guidé par aucune pensée financière ou de fiscalité. Nous avons combattu les réclamations des marchands de vins, dans l’intérêt d’un grand principe économique et commercial ; nous avons voulu maintenir intact le principe de la non-rétroactivité ; car, messieurs, si nous laissions s’infiltrer dans nos lois le principe contraire, celui de la rétroactivité, il n’y aurait plus aucune sécurité pour les transactions commerciales et industrielles. Tout le monde paraît d’accord avec nous sur ce point ; personne ne veut faire rétroagir les lois en matière d’impôt ; on convient que ce système ne saurait être admis en Belgique, et cependant on veut, dans la circonstance actuelle, l’appliquer par exception. Eh bien, messieurs, je ne crains pas de dire que si l’on agit de cette manière, l’exception deviendra bientôt la règle ; dans quelques années, ce principe sera admis, et alors ceux qui le réclament aujourd’hui avec le plus d’instance en seront les premières victimes.
Encore, messieurs, s’il y avait équité à admettre les réclamations des marchands de vins, je concevrais l’accueil que ces réclamations reçoivent dans la chambre ; niais cette équité n’existe point. Pour que l’on pût l’invoquer, il faudrait d’abord prouver que le trésor public a pu exercer son recours contre le commerce, alors que les taxes ont été augmentées ; il faudrait prouver que l’Etat a recouvré dans ce dernier cas le supplément de droits. Or, c’est précisément là ce qu’on ne peut pas prouver ; chaque fois qu’il y a eu augmentation d’une accise ou d’une taxe quelconque, le principe de la non-rétroactivité a été appliqué. Jamais, je le répète, les négociants ou les industriels n’ont eu à payer l’augmentation des droits. Ainsi aucun des précédents que l’on a invoqués n’est applicable dans la circonstance présente.
Maintenant, messieurs, je demanderai s’il y aurait équité à indemniser, par exemple, les négociants qui, dans la crainte de représailles contre la France, ont déclaré leurs vins en consommation pour échapper à l’augmentation de l’impôt, dans le but de priver l’Etat d’une partie du droit qui aurait été établi ?
Ensuite, messieurs, y aurait-il équité à indemniser les grands négociants sans indemniser ceux qui sont moins riches, et qui, n’ayant pas de grandes quantités à déclarer en consommation, n’ont pu obtenir des termes de crédit ? C’est cependant là où aboutirait la proposition de l’honorable M. Osy. D’après cette proposition, la remise du droit serait accordée aux négociants riches, et elle ne serait pas accordée aux autres, parce que ceux-ci, n’ayant pas des quantités assez considérables, n’ont pas pu obtenir des termes de crédit. Eh bien ! comment voulez-vous que le petit marchand, qui n’aura rien obtenu, puisse soutenir la concurrence de celui qui aura obtenu une réduction de 2 pour cent ?
Ne voyez-vous pas, messieurs, qu’il y aurait un privilège injuste qui pourrait peut-être être considéré comme inconstitutionnel puisqu’aux termes de l’art. 112 de la constitution il ne peut être établi aucun privilège en matière d’impôt. Je sais bien que l’art. 112 de la constitution permet d’accorder des modérations d’impôt, mais il ne le permet qu’autant qu’il n’y ait point de privilège. Or, n’y aurait-il point ici privilège en faveur d’une classe de négociants, au détriment d’une autre classe ? Je ne veux point, messieurs trancher la question ; je me borne à la soulever.
Messieurs, dans une des dernières séances, je vous disais que les marchands de soieries, qui ont également eu à subir une diminution de droits, auraient eu bien plus de titres à invoquer que les marchands de vins.
En effet, les marchands de vins jouissent déjà d’un avantage notable, puisqu’ils ne doivent pas payer immédiatement la taxe ; ils ont des termes de crédit assez considérables, tandis que les marchands de soieries ont dû acquitter l’impôt immédiatement.
Mais, indépendamment de cette faveur que la loi accorde aux marchands de vins, ils sont parvenus, à Bruxelles, à s’en faire une autre. Voici ce qui se pratique, contrairement à la loi : Plusieurs négociants se coalisent ; un seul est charge de déclarer à l’entrée ; celui-ci déclare également à la sortie ; mais son compte est chargé de fortes quantités, il obtient les crédits à termes les plus longs, c’est-à-dire de dix à dix-huit mois ; ensuite, lorsque les vins sont sortis de l’entrepôt, ils sont répartis entre les associés, de manière que chacun reprend la quantité qu’il avait apportée. Eh bien, dans l’intervalle de ces 18 mois, ils vendent leurs vins, et le consommateur leur rembourse les droits ; ils reçoivent ainsi d’avance le montant des droits qu’ils auront à payer au trésor ; ils font valoir ces fonds et par ce moyen ils se procurent un bénéfice au moins égal à la perte que l’exécution pure et simple de la convention avec la France pourrait leur faire subir.
A Anvers, messieurs, c’est autre chose ; à Anvers, une cargaison entière de vins est déclarée souvent par un seul commissionnaire ; ce commissionnaire déclare immédiatement à la consommation, et jouit par conséquent des termes de crédit les plus longs ; après le déchargement du bâtiment, il répartit le vin entre ceux qui en ont fait la commande ; tous les droits qui lui sont dus, lui sont payés à l’instant même ; il en fait usage ; il les fait valoir pendant 48 mois, et c’est à ce commissionnaire, et non pas aux détenteurs que vous irez rembourser les 5 p. c., car lui seul est connu à la douane.
Il n’aura plus les vins, me dira-t-on, et conséquemment il n’aura pas droit aux remises que la loi en discussion tend à accorder ; mais, messieurs, il saura s’en procurer : les caves sont suffisamment garnies ; soyez persuadés que si le recensement s’opère, on trouvera des quantités de vins excédant de beaucoup le montant des crédits à terme, déclarés à l’administration.
J’ai déjà dit, messieurs, qu’un recensement serait une chose complètement illusoire ; je vais plus loin maintenant, je dis qu’on recensement serait dangereux ; car si vous posez aujourd’hui dans la loi le recensement obligatoire pour accorder l’indemnité à laquelle la chambre pourra consentir, vous décidez implicitement que plus tard vous l’exigerez aussi, quand il s’agira de faire rétroagir la loi. Mais soyez-en persuadés, messieurs, dans ce cas les quantités qui se trouveront aujourd’hui en abondance, puisqu’il s’agit de disposer sur le trésor, ne se trouveront plus alors qu’il s’agira d’exercer une reprise contre le négociant. Pour prévenir ce danger, je proposerai à la chambre un amendement nouveau, pour le cas seulement où une indemnité serait consentie en principe par la chambre.
De cette manière l’administration aura une base sûre ; on restituera d’après les écritures de l’administration, et nous n’aurons pas un recensement dangereux et illusoire à faire ; mais, je le répète, je ne propose l’amendement qu’autant que la chambre déciderait en principe qu’il y aura une indemnité. Je demanderai donc qu’on vote d’abord la question de principe.
M. de Brouckere. - Messieurs, les considérations qu’on a fait valoir aujourd’hui contre le projet de loi que nous discutons pour la seconde fois, ne sont guère que la reproduction de celles qu’on a présentées lors de la première discussion. L’honorable M. Cogels me fait un signe négatif ; je répondrai tout à l’heure à deux arguments que cet honorable membre a développés pour la première fois, mais qui, à mes yeux, n’ont aucune espèce de consistance.
Messieurs, je dois reconnaître que l’honorable M. Pirmez a tenu un langage plein de sagesse et de raison ; il vous a démontré qu’il y avait danger, et danger très grave, à admettre aujourd’hui le principe de la rétroactivité, si ce principe pouvait être invoqué plus tard comme un antécédent.
Ce que l’honorable M. Pirmez vous a dit de l’influence des individus dans un gouvernement constitutionnel, et surtout dans un petit pays comme la Belgique, est encore très vrai ; mais ce que je ne puis pas adopter, c’est le remède que propose l’honorable M. Pirmez. Il vous dit, afin que plus tard l’on ne vienne plus invoquer le bénéfice de la rétroactivité ; afin que chacun de vous surtout puisse échapper plus facilement aux influences individuelles, il vous dit que ce qu’il y aurait de mieux à faire, ce serait de proclamer aujourd’hui, et une fois pour toutes, le principe de la non-rétroactivité.
Messieurs, si le principe était mis aux voix aujourd’hui, s’il fallait déclarer aujourd’hui si dans toutes les occasions l’on admettra la rétroactivité, ou si l’on rejettera le principe, je serais pour le rejet. Mais je ne crois pas, messieurs, que nous devions, ni même que nous puissions voter un principe à cet égard. Il faut que nous conservions toute notre liberté. Quant à moi, je déclare qu’en règle générale, je suis favorable au principe de la non-rétroactivité ; mais je ne veux pas de règle absolue, parce que, et l’honorable M. Pirmez s’est empressé de le reconnaître, il est des cas où une exception est fondée sur la justice ou la raison. Eh bien, je ne veux pas me lier les mains ; si en règle générale, je suis favorable au principe de la non-rétroactivité, je prétends rester libre et voter dans un sens contraire, lorsqu’il m’est démontré que la justice et la raison réclament un semblable vote.
Messieurs, vous n’avez nullement à craindre pour l’avenir les conséquences du vote que vous émettrez aujourd’hui et pourquoi ? parce que tous les orateurs qui se sont montrés favorables au projet de loi se sont empressés de reconnaître qu’ils n’entendaient pas consacrer le principe de la rétroactivité.
Ce serait donc à tort, et ce serait sans succès que, soit les marchands de vins, soit tous autres négociants viendraient, dans un temps plus éloigné, vous dire : « Vous ne pouvez plus reculer devant le principe de la rétroactivité, parce que vous l’avez adopté » ; chacun de nous répondrait que nous n’avons rien adopté en principe ; que dans un cas spécial, isolé, nous avons reconnu qu’il y aurait lieu à accorder une indemnité à certains commerçants, mais que, loin de consacrer un principe, chacun des orateurs qui ont parlé pour ou contre le projet s’est élevé en règle générale contre le principe de la rétroactivité ; cela est-il vrai, messieurs ? J’en appelle à vous tous.
Ainsi, loin que le vote que nous avons émis et qui, je l’espère, sera confirmé, soit pour l’avenir un précédent fâcheux, je dis que ce sera un antécédent favorable au trésor, parce que le gouvernement, et chacun de nous, pourra s’appuyer sur la discussion, pour se déclarer contre le principe de la rétroactivité.
Messieurs, l’on avait invoqué quelques actes antérieurs ; l’on avait démontré que dans certaines circonstances les lois augmentant ou diminuant les impôts avaient eu un effet rétroactif. M. le ministre des finances a répondu que les exemples qu’on avait cités ne signifiaient rien ; que pour qu’ils puissent exercer ici quelque influence, il faudrait démontrer que, dans un cas donné, le trésor a aussi profité du principe, que lui ministre a combattu et qui a été ratifié dans le cas spécial dont nous nous occupons, par le projet de loi que nous avons voté.
Je suppose que M. le ministre des finances n’a voulu parler que du gouvernement qui existe depuis 1830.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui.
M. de Brouckere. - Eh bien ! M. le ministre a raison ; jusqu’ici le trésor n’a jamais pu exercer aucune reprise ; mais s’ensuit-il que les antécédents qu’on avait cités ne signifient rien ? Aucunement ; je prétends qu’ils signifient beaucoup, et je répéterai ce que d’autres ont dit avant moi, c’est que tous les marchands de vins ont dû croire que si, d’une manière prompte, sans qu’ils fussent prévenus, on diminuait le droit d’accise, la restitution leur serait faite, comme cela a eu lieu antérieurement ; s’il n’y avait pas eu d’antécédents, je pose en fait que tous les marchands de vins eussent agi avec plus de prudence et plus de circonspection ; je pose en fait qu’une très grande quantité de vins qui se trouvent aujourd’hui sous le bénéfice du crédit à terme, seraient restés en entrepôt, et je pense que personne ne pourra nier la vérité de cette assertion.
Messieurs, l’on a fait valoir de nouveau une considération qu’on avait déjà longuement développé : c’est que nous ne faisons qu’une demi-justice, nous accordons une indemnité que nous croyons juste aux grands marchands, et, dit-on, nous ne faisons rien pour les petits, et l’on en tire la conséquence qu’il ne faut rien faire.
Eh bien, je nie que cette conséquence soit juste. S’il est vrai que la mesure d’équité que nous allons prendre ne s’étend pas également à tous les intéressés, je dis que ce n’est pas une raison pour refuser justice à ceux auxquels il est si facile de la rendre. C’est toujours un mauvais argument à opposer à Pierre qui vous demande justice, que de lui dire : Je ne puis pas vous la rendre, parce que je ne puis pas la rendre en même temps à Paul. Commencez par accorder justice à ceux à qui il vous est facile de l’accorder, et vous déplorerez ensuite l’impossibilité où vous vous trouvez de ne pouvoir pas être justes envers tout le monde. Je vous prie de croire du reste que cette espèce d’injustice relative n’est pas aussi grande qu’on l’a dit, car le ministre des finances s’est combattu lui-même. En effet, il vous a démontré que, dans beaucoup de localités, les petits marchands se coalisaient pour faire inscrire sous un seul nom les quantités de vins qu’ils ont fait venir. Pour ceux qui se sont ainsi coalisés, la mesure proposée n’aura pas les conséquences fâcheuses qu’on a supposées ; je m’en réjouis puisque votre justice s’étend à une quantité de petits marchands dont on déplorait le sort.
M. le ministre des finances craint la fraude. Il croit que les marchands de vins qui n’auront pas les quantités suffisantes pour obtenir la restitution de droits sur les crédits non échus sauront trouver les moyens de remplir leur cave. Ceux qui n’auront pas les quantités nécessaires ne trouveront pas moyen de se les procurer. Le vin n’est pas une marchandise qui se transporte si facilement, le transport lui fait perdre. On ne trouve pas facilement un ami complaisant à qui on puisse dire : prêtez-moi 25 ou 30 pièces de vins, je vous les rendrai dans trois ou quatre semaines. Cela n’est pas possible ; si c’est possible, je dirai au gouvernement : Employez les mesures que vous croyez utiles pour prévenir la fraude. Nous vous donnons un pouvoir arbitraire pour employer tous les moyens que vous croiriez nécessaires pour prévenir ha fraude.
L’honorable M. Cogels croit avoir fait valoir un bien grand argument quand il vous a dit : Les marchands de vins, loin de se plaindre du traité fait avec la France, devraient s’en réjouir, car s’il leur fait un tort momentané, il leur fera faire plus tard de grands bénéfices, parce que la consommation du vin sera considérablement augmentée. La preuve, c’est que c’est dans ce but que la France a exigé de notre part une concession relative aux vins.
Voilà, je crois, l’argument dans toute sa pureté. Moi, je n’admets pas que la consommation du vin va augmenter en Belgique par suite de la réduction de droit.
Oui, la consommation des vins français augmentera, mais la consommation des autres vins diminuera. J’admets que la réduction fera débiter dans le pays plus de vins français, mais au préjudice des vins d’Allemagne et d’Espagne. Les Français ont fait une chose sage, ils cherchent à augmenter la consommation de leurs vins, mais les marchands de vins ne gagneront pas la moindre chose à ce traité.
Si on accorde la même faveur aux autres pays, peut-être pourra-t-il en résulter quelque avantage pour les marchands de vins.
M. le ministre des finances a présenté un amendement contre lequel je vous avoue que je n’ai rien à dire. Mais je crois qu’il portera un véritable préjudice au trésor. D’après cet amendement, la restitution doit avoir lieu sur tous les vins qui jouissaient du crédit à terme à l’époque du 16 août, qu’ils soient ou non en cave. C’est évidemment augmenter la restitution à faire ; c’est payer le maximum de ce que l’on payera si le recensement a lieu. Car on ne peut jamais payer plus que la restitution sur tous les vins couverts par des crédits à terme ; donc M. le ministre adopte le maximum. A sa place, je ne reculerais pas devant quelques embarras de recensement, et faire ainsi bénéficier une somme quelconque au trésor. Si le ministre préfère son amendement, je ne m’y oppose pas, mais je lui en laisse la responsabilité.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable préopinant vient de défendre d’autant plus habilement la réclamation qui vous est soumise, qu’il a laissé de côté les arguments tout à fait nouveaux que j’ai présentés sur l’injustice qu’il y aurait d’accorder les indemnités demandées. En effet, l’honorable membre n’a pas parlé des avantages dont jouissent les marchands de vins qui jouissent des crédits à terme, des capitaux qu’ils doivent à l’Etat et qu’ils font valoir, alors qu’ils se sont fait remboursés par les consommateurs. Cet argument méritait cependant quelque attention.
M. Delehaye. - Mais il y a alors vol !
M. le ministre des finances (M. Smits) - Il n’y a pas de vol dedans. C’est une faveur de la loi, et il est naturel que chacun cherche à jouir des avantages de sa position.
Ainsi ce fait que j’ai cité reste debout. Vous allez accorder des indemnités à des individus qui n’y ont aucun droit et qui sauront se procurer et vous représenter les quantités de vins prises en charge. L’honorable membre pense qu’en ne faisant pas de recensement, le trésor sera lésé ; c’est une erreur, car les quantités se trouveront, mais la douane n’aurait pas de frais à faire. Dans des grandes villes comme Bruxelles, Gand, Liège, les recensements ne peuvent pas se faire dans le même jour. A peine un magasin sera-t-il recensé, les vins seront transportés dans d’autres magasins, On aura la ressource des anciens approvisionnements dans le pays de Liége et de Namur, on aura la ressource des vins du pays. Ainsi la chambre ne doit avoir aucune crainte sous ce rapport ; mon amendement ne fera supporter aucun dommage au trésor public.
Les marchands de vins, a dit l’honorable M. de Brouckere, ont dû croire à la restitution qu’on demande en leur faveur. Je nie cette proposition ; car jamais la législature, pour aucun cas d’accise quelconque, n’a ordonné la rétroactivité. On aurait dû cité un exemple sur lequel les marchands aient pu s’appuyer pour croire qu’on mettrait la rétroactivité de la réduction de droit.
Un membre. - Les genièvres ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - J’entends parler du genièvre ; mais on a si peu admis le principe de la rétroactivité pour l’accise de cette liqueur, que dans la dernière loi, récemment votée par la chambre et qui a porté le droit de 60 centimes à 1 franc par hectolitre de macération, non seulement on n’a pas exigé l’augmentation du droit sur les quantités existantes en magasin, mais on a décrété que pour toutes les déclarations faites jusqu’au moment de la mise à exécution de la loi, la prise en charge serait faite au droit ancien de 60 centimes, de sorte qu’on a pu encore travailler quatre quinzaines au petit droit.
Messieurs, nous avons toujours fait une large part à l’industrie, au commerce, mais nous avons droit d’exiger aussi qu’il y ait réciprocité ; si on accorde des remises en cas de réduction, il faut que l’Etat puisse exercer un droit de reprise sur la matière imposée en cas d’augmentation. Un grand nombre de membres ont déclaré ne pas vouloir de la rétroactivité. Si vous posez le précédent qu’on vous demande, le principe s’infiltrera dans vos lois, et soyez-en persuadés, messieurs, on viendra invoquer ce précédent pour en demander l’application.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - La chambre a admis en principe qu’il serait fait une remise égale à la réduction opérée sur le droit d’accise par la loi du 6 août 1842.
La section centrale avait proposée une remise égale à la moitié de la réduction.
Ensuite deux rédactions sont en présence : celle qui a été mise au premier vote et celle proposée par M. le ministre des finances, pour le cas où la chambre admettrait le principe d’une remise quelconque.
Je mets aux voix la question de savoir : s’il sera fait aux marchands de vin une remise égale à la réduction opérée sur le droit d’accise par la loi du 6 août 1842.
- Il est procédé à l’appel nominal sur cette question.
Voici le résultat du vote :
60 membres prennent part au vote.
35 répondent oui.
25 répondent non.
En conséquence, la chambre résout la question affirmativement.
Ont répondu oui : MM. Coghen, Cools, David, de Behr, de Brouckere, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, de Roo, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Savart-Martel, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lange, Lys, Manilius, Meeus, Mercier, Orts, Osy, Rodenbach, Sigart, Van Cutsem, Vandenbossche et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. de La Coste, Cogels, de Mérode, de Nef, de Renesse, de Theux, d’Huart, B. Dubus, Dumortier, Jadot, Malou, Mast de Vries. Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Van den Eynde, van Volxem et Zoude.
M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l’amendement de M. le ministre des finances.
M. Mercier. - Je réclamerai une explication sur cet amendement.
Je demanderai s’il est bien dans l’intention de M. le ministre des finances d’accorder le montant des termes de crédit, c’est-à-dire 280,000 fr., lorsqu’il est constant qu’une grande quantité des vins pour lesquels il a été accordé des crédits à terme sont maintenant livrés à la consommation. M. le ministre doit même avoir des données sur ce point ; car il a pris des renseignements avant que le rapport de la section centrale fût présenté à la chambre.
Je demande s’il ne serait pas préférable d’adopter l’amendement de l’honorable M. Osy. Pour moi, je suis convaincu qu’il se trouvera beaucoup de vide dans les magasins, et que les droits dont il y aura à faire la remise ne s’élèveront pas à 280,000 fr., peut-être pas à 200,000 fr.
J’ajouterai que la section centrale, en adoptant la proposition qui vous est soumise, a entendu autoriser le gouvernement à prendre les mesures propres à empêcher les abus et même à mettre le scellé sur tous les magasins pendant le recensement ; j’ajouterai que les négociants en vins ne s’opposent pas à cette mesure.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable M. Mercier se trompe lorsqu’il pense que j’aurais consenti à accorder 25 p. c. Je n’ai présenté mon amendement que pour le cas où la chambre adopterait le principe de l’indemnité.
L’honorable membre a parlé de recensement ; mais dans mon opinion individuelle et dans celle des chefs d’administration que j’ai consultés, ce recensement n’aboutirait qu’à constater la présence dans les magasins des vins pour lesquels il a été accordé des crédits à terme, bien qu’une certaine quantité de ces vins soit livrée à la consommation. Ce dernier fait avancé par l’honorable membre confirme ce que j’ai dit. Du reste, la disposition adoptée ne fait pas mention de l’application des scellés, et en l’absence des dispositions de cette nature ou d’une déclaration qui en tiendrait lieu, je ne croirais pas pouvoir en faire usage.
M. d’Huart. - Puisque l’amendement de M. le ministre des finances paraît devoir être plus onéreux pour le trésor que l’amendement de l’honorable M. Osy, il me semble qu’on doit donner la préférence à ce dernier. En effet ce n’est pas sur les vins qui étaient dans la cave des négociants en vins le 16 août que vous devez accorder une remise de droits, c’est sur les vins qui sont dans leur cave en ce moment ; car pour les vins qu’ils ont vendus depuis le 16 août, ils n’auront pas manqué de se faire tenir compte de tous les droits qu’ils ont payés.
Qu’il y ait dans le recensement quelques embarras pour l’administration, c’est possible. Mais nous ne devons pas reculer devant ces embarras, quand il s’agit des intérêts du trésor.
Avec l’amendement de M. Osy, nous avons toutes les garanties possibles, et nous n’aurons aucun reproche à nous faire. Je crois donc qu’il serait préférable d’adopter la rédaction de l’honorable M. Osy, plutôt que l’amendement de M. le ministre des finances. J’engagerai même M. le ministre des finances, à ne pas insister sur cet amendement.
M. le ministre des finances (M. Smits) – Je dois déclarer que je n’avais pas compris l’amendement de la section centrale en ce sens qu’il donnait au gouvernement la faculté de faire mettre le scellé sur les caves des négociants en vin.
Plusieurs membres. - Oui certainement
M. le ministre des finances (M. Smits) - S’il en est ainsi, je trouve dans la disposition adoptée au premier vote toutes les garanties nécessaires, et je retire mon amendement.
M. Dumortier. – Je demande si la remise de droits sera faite pour les vins déclarés en en cercle, et qui seraient maintenant en bouteilles dans les caves des négociants en vins.
M. le ministre des finances (M. Smits) – Oui, puisqu’il est le même dans les deux cas, Les négociants ont pu soutirer des vins qu’ils avaient reçus en cercles.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur la disposition suivante :
« Article unique, Les négociants en vins dont les comptes présenteraient au jour de la mise à exécution de la loi du 6 août 1842, des termes de crédit non échus, obtiendront, sur les vins d’origine française qui seront dûment justifiés exister sous crédit à terme dans leurs magasins, à ladite date, une remise égale à la réduction opérée sur le droit d’accise par ladite loi.
« Le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour empêcher qu’il ne soit fait abus de la disposition qui précède ; il jugera de l’existence des conditions requises pour jouir de la réduction de l’accise ; sa décision, à cet égard, ne sera sujette à aucun recours.
« Cette remise se fera par imputation sur les échéances successives du compte de ces négociants. »
Voici le résultat du vote :
Nombre des votants, 63.
Ont voté pour le projet, 38.
Ont voté contre, 25.
Le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. de La Coste, Coghen, Cools, David, de Behr, de Brouckere, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, de Roo, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Savart, Donny, Dumont, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lange, Lys, Manilius, Meeus, Mercier, Orts, Osy, Rodenbach, Sigart, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Cogels, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, Desmaisières, de Theux, d’Huart, Dubus (aîné), Dumortier, Jadot, Malou, Mast de Vries. Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Simons, Smits, Troye, Van den Eynde, van Volxem et Zoude.
M. d’Huart. – Je demande la parole pour une motion d’ordre. La motion que je me propose de faire concerne l’ordre du jour des travaux de la chambre. J’aurais peut-être dû attendre jusqu’à la fin de la séance, mais dans la crainte que nous ne nous trouvions plus en nombre, je prends la liberté de vous la soumettre dès maintenant.
Vous avez fixé à lundi le second vote de la loi de l’instruction primaire. Je suppose qu’on se trouve en nombre lundi et qu’on vote la loi mardi ou mercredi. Que fera-t-on après ce jour-là, en attendant la discussion du projet d’emprunt, qui est l’objet le plus urgent dont nous ayons à nous occuper. Ne sachant que faire, les différents membres de la chambre, étrangers à Bruxelles, éloignés de la capitale, retourneront probablement chez eux, et je ne sais trop quand on pourra les réunir de nouveau, pour discuter la loi d’emprunt. Il pourra arriver ainsi que cette loi très urgente, très importante, se trouve en quelque sorte forcément remise, sinon à la session prochaine, du moins à un temps plus ou moins éloigné, ce qui pourrait entraîner avec soi de très grands préjudices.
il me paraît, messieurs, qu’on pourrait concilier à la fois l’intérêt des travaux de la chambre arec ce qui peut être utile aux différents membres en particulier. On pourrait décider qu’au lieu de procéder lundi au second vote du projet de loi d’instruction primaire, on ne s’en occupera que vendredi prochain. Vous aurez ce jour-là ou le lendemain le rapport sur le projet d’emprunt, de sorte que vous pourriez continuer vos travaux sans désemparer.
Messieurs, il ne faut pas vous le dissimuler, il y a beaucoup de membres de cette assemblée qui seront présents pour le second vote du projet de loi sur l’instruction primaire, mais qui ne pourront pas revenir pour la discussion du projet d’emprunt. Ce n’est pas moi, je me trouverai à mon poste dans tous les cas possibles
Mais je connais plusieurs membres qui seront dans l’impossibilité de se trouver ici, si vous ne procédez pas comme je l’indique.
Je ne tiens toutefois pas absolument à ma proposition ; si l’on trouver un autre moyen de parvenir au but que nous devons désirer tous, je la retirerai ; mais je ne crois pas qu’on puisse rien proposer qui soit plus acceptable que la motion que je viens de faire à l’assemblée.
Je vous ferai remarquer qu’il n’y a pas urgence à ce que nous procédions lundi au second vote du projet de loi d’instruction primaire. Le sénat n’est pas assemblé ; il n’est pas même convoqué. A quoi bon presser cette discussion, alors qu’on sait que cette précipitation ne peut amener aucun résultat utile, tandis qu’il y a tout à retirer de ma proposition ? Il y a même des membres de cette assemblée qui auraient voulu s’ajourner à lundi en huit, moi, cela m’est tout à fait indifférent ; j’ai proposé vendredi, parce qu’ainsi vous ne perdez pas une heure de temps pour arriver à la fin de vos travaux. Vous procéderez au second vote du projet de loi d’instruction primaire et vous discuterez immédiatement après, et sans désemparer, le projet de loi d’emprunt. Je suppose qu’après cette dernière discussion le combat cessera faute de combattants ; car je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de membres disposés à prolonger encore une session qui a duré dix mois.
M. Verhaegen. - Messieurs, la session a été très longue ; elle pourra peut-être arriver au mois d’octobre, de manière que toutes les vacances seront absorbées. Mais nous en ferons le sacrifice pour soigner les intérêts généraux, et quant à moi, je suis prêt à faire ce sacrifice. Mais perdre plusieurs jours, alors que nous pouvons les employer avantageusement, c’est inutile ; nous avons un objet tout prêt, et dont même la discussion semble devoir précéder celle du projet d’emprunt ; c’est la convention avec la ville de Bruxelles.
Je n’entrerai dans aucun détail, mais vous avez pu apprécier qu’il y a des motifs et de très pressants motifs pour faire précéder la discussion de la loi d’emprunt de celle de la convention avec la ville de Bruxelles.
Je prierai M. le ministre de l’intérieur d’appuyer ma proposition ; je crois que sous plus d’un rapport le gouvernement doit désirer qu’elle soit adoptée.
Je pense même que l’emprunt, s’il est voté, se conclurait avec beaucoup plus d’avantage, si la convention avec la ville de Bruxelles était auparavant approuvée. Le rapport sur ce dernier objet est d’ailleurs prêt ; je ne vois pas pourquoi il ne serait pas discuté.
L’honorable M. d’Huart vient de vous dire une chose qui est très vraie, c’est qu’une fois que l’on aura terminé le projet d’emprunt, le combat cessera faute de combattants ; mais il serait convenable qu’il n’en fût pas ainsi avant que l’on eût discuté la convention avec la ville de Bruxelles.
Je supplie donc la chambre de permettre que l’on mette à l’ordre du jour de lundi, pour être discutée immédiatement après le second vote du projet de loi sur l’instruction primaire, la convention avec la ville de Bruxelles.
M. Orts. - Messieurs, je viens appuyer la motion de l’honorable M. Verhaegen. Je demande que la convention avec la ville de Bruxelles soit mise à l’ordre du jour avant le projet d’emprunt.
Messieurs, la convention avec la ville de Bruxelles est à l’ordre du présent jour ; il avait été décidé qu’on s’occuperait d’abord de la loi sur l’instruction universitaire, ensuite du projet de loi sur l’instruction primaire, et qu’en troisième lieu viendrait la convention avec la ville de Bruxelles. Lorsqu’il a été décidé que l’on ne s’occuperait pas en premier ordre de la loi sur l’instruction universitaire, j’ai moi-même demandé qu’on voulût y substituer la convention avec la ville de Bruxelles. M. le ministre de l’intérieur a proposé de commencer par la loi d’enseignement primaire, et la chambre a adopté sa proposition.
Messieurs, la discussion de la convention avec la ville de Bruxelles est du plus haut intérêt pour cette ville, en ce qu’au mois d’octobre prochain il faut qu’elle forme son budget et que c’est du sort de la convention que dépend non seulement le sort du budget, mais je dirai le sort de la capitale.
J’appuie fortement la proposition de mon honorable collègue et ami M. Verhaegen, et ce n’était que pour la faire moi-même que j’ai demandé la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il est très vrai de dire que la question de la convention avec la ville de Bruxelles est à l’ordre du jour ; la véritable question est donc de savoir si l’on changera l’ordre du jour. Quant au ministère, il ne peut pas s’opposer à ce qu’il soit maintenu. nous désirons que la question de la ville de Bruxelles soit décidée, n’importe de quelle manière, et que la chambre puisse faire ce dernier effort.
M. de Mérode. - Messieurs, j’ai déjà dit précédemment que pour voter des dépenses, il fallait avoir des voies et moyens. Nous avons la question des sucres qui est toujours en suspens, et dont j’attends la solution avant de pouvoir me prononcer sur ce que nous donnerons ou sur ce que nous achèterons à la ville de Bruxelles. Je ne puis voter des dépenses sans connaître quels sont les moyens de paiement ; et comme nous ne connaissons pas ces moyens, il me paraît impossible de mettre à l’ordre du jour la question de la ville de Bruxelles. Si on demandait à mettre à l’ordre du jour la loi des sucres, j’appuierais fortement la proposition, et je serais dispose dans ce cas de siéger plusieurs semaines encore ; car il y aura là une véritable ressource pour le trésor. Mais je le répète, étant sans connaissance des moyens dont nous pourrons disposer ultérieurement, je ne puis voter pour qu’on mette à l’ordre du jour la convention avec la ville de Bruxelles.
M. Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur a invoqué l’ordre du jour adopté par la chambre. Eh bien ! s’il arrivait que la chambre n’acceptât pas la motion de l’honorable M. d’Huart, il resterait à suivre cet ordre du jour, et le premier objet dont nous aurions à nous occuper, ce serait, le projet le loi sur l’enseignement supérieur. Maintenant il vous reste à voir si vous croyez à propos d’aborder la discussion de ce projet, alors que nous sommes en session depuis si longtemps.
Quant à la convention de la ville de Bruxelles, je conçois que mon honorable collègue M. Verhaegen en demande la discussion immédiate. Si j’étais député de Bruxelles, je ferais une motion semblable. Mais il faut dans l’intérêt du trésor voir toutes les éventualités d’une semblable discussion. Cette discussion peut amener l’adoption de la convention, tout comme elle peut en amener le rejet. Elle peut amener aussi un autre résultat ; elle peut amener l’adoption d’une proposition qui tire la ville de Bruxelles d’embarras sans grever le trésor public.
Supposons maintenant que la deuxième hypothèse se réalise, que la convention soit rejetée. Eh bien, messieurs, je ne sais pas si un pareil résultat n’aurait pas des conséquences fâcheuses pour le trésor public, s’il se présentait à la veille de la conclusion de 1’emprunt.
M. Coghen. - C’est évident.
M. Dumortier. - J’engage donc la chambre à prendre ces observations en sérieuse considération, et tout en me prononçant pour l’ajournement, je demande que le projet de loi sur l’enseignement supérieur soit maintenu à l’ordre du jour.
M. de Brouckere. - J’adopte, messieurs, la motion de l’honorable M. d’Huart, en ce sens, que je demande aussi la remise du deuxième vote de la loi sur l’enseignement primaire soit à vendredi prochain, soit au lundi suivant ; mais je demande formellement qu’on mette à l’ordre du jour de lundi prochain la loi relative à la ville de Bruxelles.
L’honorable M. de Mérode vient de renouveler une objection qu’il a déjà faite et à laquelle j’ai déjà répondu : il dit que la loi relative à la ville de Bruxelles entraînera de nouvelles dépenses et qu’il faudrait d’abord créer des voies et moyens pour couvrir ces dépenses. Messieurs, la loi relative à la ville de Bruxelles doit, selon moi, créer les voies et moyens en même temps qu’elle consacrera la dépense, de manière que cette objection tombe. Quant à la loi sur les sucres, elle n’est point prête, et dès lors nous ne pouvons pas la discuter ; cette seconde objection de l’honorable membre vient donc aussi à tomber.
Messieurs, je vous prie de remarquer que c’est bien moins la ville de Bruxelles qui est en cause, que les créanciers de cette ville qui attendent depuis plus de 10 ans le paiement d’une dette sacrée. Toutes les dettes de la même nature ont été payées dans le pays entier ; les créanciers de Bruxelles seuls sont encore en souffrance.
Il leur importe que vous vous occupiez du projet de loi qui le concerne, alors même que vous rejetteriez ce projet. Ce qui importe aux créanciers de la ville de Bruxelles, c’est qu’ils sorte de l’état d’incertitude où on les laisse languir ; ce qu’il faut c’est que vous disiez oui ou non.
Il vaut cent fois mieux que vous rejetiez la convention que de laisser les créanciers de la ville de Bruxelles dans l’incertitude ; car si vous rejetez la convention, la ville le Bruxelles aura à délibérer sur les moyens auxquels elle devra recourir soit pour payer en entier les créances qui sont à sa charge, soit pour en payer une partie. Il faut en finir de tous ces délais qui se répètent d’année en année depuis 1833.
Quant à moi, je demande formellement que le projet de loi relatif à la ville de Bruxelles soit mis à l’ordre du jour de lundi prochain, à moins que la chambre ne préfère s’occuper lundi du vote définitif de la loi sur l’enseignement primaire, et alors je demanderai que la loi relative à la ville de Bruxelles soit discutée immédiatement après ce vote. Dans tous les cas, je demande que la convention conclut avec la ville de Bruxelles soit examiné avant le projet de loi sur l’emprunt parce qu’il est évident qu’après le vote de l’emprunt, chacun retournera chez lui. Or, je vous prie, messieurs de remarquer que, si vous ne discutez pas le projet relatif à la ville de Bruxelles dans cette session, vous ne le discuterez pas du tout dans la session prochaine, car la session prochaine est déjà tellement chargée d’objets à discuter, que c’est tout au plus si nous pouvons terminer avant la fin d’avril tout ce que nous avons à faire. Or vous savez, messieurs, que la session prochaine devra se clore avant la fin d’avril, puisqu’il y a des élections pour le renouvellement de la moitié de la chambre au mois de juin.
Je prie donc instamment la chambre, et même ceux qui sont disposés à rejeter la convention avec la ville de Bruxelles, de mettre cette convention à l’ordre du jour, soit pour lundi prochain, soit immédiatement après le vote définitif du projet de loi sur l’enseignement primaire. Ceux qui sont contraires à la convention la rejetteront, et si la chambre devait partager leur avis, ce rejet serait encore un bienfait pour les créanciers de la ville de Bruxelles, comparativement à l’incertitude dans laquelle on les a laissés jusqu’à présent.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant, tout en adhérant à la proposition de l’honorable M. d’Huart demande la mise à l’ordre du jour, pour lundi prochain, de la convention conclue avec la ville de Bruxelles, et pour le cas où la chambre maintiendrait la décision qu’elle a prise, de s’occuper lundi du vote définitif de la loi sur l’enseignement primaire, il demande que la convention avec la ville de Bruxelles soit discutée immédiatement après ce vote. Quant à la première de ces propositions, je la regarde comme inadmissible ; la chambre ne peut pas ainsi passer d’un ordre d’idées à un autre. Quant à la question de savoir s’il faut mettre la convention avec la ville de Bruxelles à l’ordre du jour immédiatement après le vote définitif du projet de loi sur l’enseignement primaire, il faut d’abord se demander combien de temps prendra ce vote définitif ; aurons-nous fini lundi, mardi, mercredi ? je l’ignore, nous devons ensuite demander où en sont les travaux des deux sections centrales réunies en ce moment ? Je veux parler de la section centrale chargée de l’examen de la loi relative à l’exécution de la convention conclue avec la France ; je veux parler en second lieu de la section centrale qui s’occupe du projet de loi concernant l’emprunt. Pourrons-nous avoir lundi le rapport sur l’un de ces projets, sur le premier, par exemple ?
M. le président. - La section centrale chargée de l’examen du projet relatif à la convention avec la France a nommé aujourd’hui son rapporteur. C’est M. Zoude ; il pourra peut-être nous dire quel jour son rapport sera prêt.
M. Zoude. - Je le présenterai lundi prochain à la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il s’agirait donc de voir si la discussion de ce projet pourrait combler la lacune que l’honorable M. d’Huart craint de voir exister entre le second vote du projet de loi sur l’enseignement primaire et celui du projet d’emprunt.
Quant à moi, je ne demande pas mieux que de discuter le projet relatif à la ville de Bruxelles ; mais combien de temps prendra cette discussion ? Si cela ne devait durer que quelques jours, je crois qu’il faudrait aborder la question mais si la discussion devait durer, par exemple, une quinzaine de jours, il y aurait impossibilité de s’en occuper.
M. Coghen. - Je crois, messieurs, qu’il faut maintenir à l’ordre du jour de lundi le second vote de la loi sur l’enseignement primaire, et immédiatement après aborder une bonne fois la question de la ville de Bruxelles. Il est impossible de laisser plus longtemps les créanciers de la ville dans l’état pénible où ils se trouvent depuis douze ans ; il faut absolument une solution.
L’honorable M. de Mérode dit qu’il faut d’abord voter les voies et moyens nécessaires pour couvrir les dépenses ; l’honorable membre se trompe complètement. Pour un particulier il est nécessaire d’examiner quelles sont ses ressources avant de se décider à faire des dépenses ; mais il n’en est pas de même d’un Etat ; un Etat doit examiner en premier lieu quelles sont les dépenses qu’il doit faire, et il doit créer ensuite les ressources nécessaires pour couvrir ces dépenses. Cela est vrai, au moins pour les dépenses nécessaires. Or il s’agit ici d’une dépense de cette nature, d’une dépense indispensable.
Je crois, messieurs, que le crédit de pays est fortement intéressé à ce que la question de la ville de Bruxelles soit résolue. Le non-paiement des dettes de la capitale exerce une influente immense sur le crédit de la Belgique. J’ai entendu à cet égard les réclamations les plus violentes ; une partie des obligations de la ville de Bruxelles se trouve entre les mains de capitalistes de Paris, et vous ne sauriez croire, messieurs, quelle influence fâcheuse le non-paiement des intérêts de ces obligations exerce sur le crédit de la Belgique : la rente française est cotée à 119, les emprunts de Rome et de Naples à 104, et la rente belge est au pair.
Je crois, messieurs, que dans l’intérêt du crédit public nous devons en finir au plus tôt de cette question. (Aux voix ! aux voix !)
M. Mercier. - J’appuierais volontiers la motion d’ordre de l’honorable M. d’Huart, s’il n’y avait pas différents projets qui peuvent être mis à l’ordre du jour, et si, d’un autre côté, il n’y avait pas différentes sections centrales qui ont à s’occuper de projets fort importants. La loi des sucres, par exemple, se trouve en ce moment en section centrale ; dans les premiers jours de ce mois, M. le ministre des finances s’est rendu dans le sein de la section, qui lui a communiqué les décisions qu’elle avait prises sur les dispositions essentielles du projet. M. le ministre a désiré nous faire connaître par écrit ses observations sur ces décisions ; elles nous sont parvenues hier seulement, et dès aujourd’hui la section s’est réunie, principalement pour entendre la lecture du rapport qui est fait depuis plusieurs semaines, mais qui pouvait recevoir des modifications d’après les réponses que la section attendait de M. le ministre.
La section centrale continuera donc à se réunir pour examiner le projet de rapport et pour prendre quelques décisions nécessaires ; mais si la chambre s’ajournait, il est plusieurs membres qui ne resteraient pas à Bruxelles, et dès lors les travaux de la section centrale seraient interrompus.
Quant à l’emprunt, des renseignements ont été demandés au gouvernement, et la section centrale, dont je fais partie, se réunira aussitôt que ces renseignements lui auront été fournis.
J’appuie donc les propositions qui ont été faites, d’abord de ne pas ajourner le second vote du projet de loi sur l’enseignement primaire et ensuite de mettre à l’ordre du jour, après ce second vote, la discussion du projet relatif à la convention faite avec la ville de Bruxelles. Toutefois je n’appuie cette dernière proposition qu’autant que cela n’apporte aucun retard à la discussion du projet de loi relatif à l’exécution de la convention conclue avec la France, ni à la discussion de l’emprunt. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Mérode. - L’honorable M. de Brouckere a dit, messieurs, que la session prochaine est déjà surchargée. Il me semble qu’il y a un moyen bien simple de la décharger, ce serait de ne pas éplucher de nouveau les budgets comme on l’a fait jusqu’à présent, ce qui, en définitive, ne produit aucun bénéfice, car nous dépensons pour une seule lieue de chemin de fer plus que nous n’avons économisé depuis 10 ans au moyen de la discussion des budgets.
J’espère donc que l’année prochaine on votera les budgets un peu plus lestement et qu’on ne s’arrêtera pas à de minimes sommes, alors que des allocations si considérables sont à la discrétion des ingénieurs. Je pense que dès lors nous aurons tout le temps de nous occuper de l’affaire de la ville de Bruxelles à la session prochaine ; je ne demande pas mieux qu’on s’en occupe à la prochaine session, mais il faut que nous connaissions nos ressources, avant de voter de nouvelles dépenses.
M. d’Huart. - Messieurs, je n’ai pas proposé d’intervertir l’ordre du jour. J’ai seulement proposé qu’au lieu de commencer lundi prochain le second vote de la loi sur l’instruction primaire, la chambre le fixât à vendredi, parce que la présentation du rapport sur l’emprunt ne pouvait avoir lieu que vers la fin de la semaine prochaine : et que dès lors il était à craindre que si le second vote de la loi sur l’instruction primaire avait lieu avant la présentation de ce rapport, la chambre ne fût plus en nombre pour délibérer sur l’emprunt. Mais, je le répète, je n’ai pas demandé que l’ordre du jour fût modifié ; j’ai seulement demandé qu’on fixât à vendredi le second vote de la loi sur l’instruction primaire, au lieu d’y procéder lundi.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, ainsi que vous l’a dit M. le ministre de l’intérieur, rien ne serait plus agréable au cabinet que de voir discuter l’affaire de la ville de Bruxelles, car le non-remboursement des rentes de la capitale influe nécessairement sur le crédit. Mais il n’est pas exact de dire que de là dérive la compression de la rente ; la rente est comprimée dans la prévision d’un emprunt futur ; cette dépréciation, il importe de ne pas la laisser subsister jusqu’à la fin de l’année. Il est donc urgent de voter la loi d’emprunt, parce que les circonstances sont favorables et que l’argent est ordinairement plus abondant à cette époque de l’année qu’il ne l’est dans le mois de décembre.
M. de Theux. - Messieurs, je pense qu’il est préférable de maintenir l’ordre du jour, qui a été fixé pour lundi prochain ; beaucoup de membres, qui sont absents, n’auraient pas reçu la nouvelle de la décision de la chambre, et se présenteraient lundi pour le second vote de la loi sur l’enseignement primaire. J’appuie donc le maintien de l’ordre du jour. Il y a d’autres projets indispensables à voter ; je citerai, entre autres, le projet de loi pour l’exécution de la convention avec la France. Je ne pense pas qu’on ne puisse avoir le rapport sur l’emprunt que samedi prochain ; M. le ministre pourra fournir lundi les renseignements que la section centrale a réclamés, et le rapport pourra être fait pour mercredi, et rien n’empêchera alors de le mettre à l’ordre du jour.
Quant à la convention avec la ville de Bruxelles, je désire aussi qu’elle soit discutée ; mais je crois que la discussion sera très longue, et que force nous sera de l’ajourner à l’ouverture de la session prochaine.
- La discussion est close. M. le président met successivement aux voix les diverses propositions.
La chambre rejette la proposition tendant à fixer à vendredi prochain le second vote de la loi sur l’enseignement primaire. Elle décide en second lieu que l’ordre du jour de lundi prochain est maintenu. Elle décide en troisième lieu par 31 voix contre 26 que le projet de loi relatif à la convention avec la ville de Bruxelles sera mis à l’ordre du jour immédiatement après le second vole de la loi sur l’enseignement primaire.
Ont voté pour cette dernière proposition : MM. de la Coste, Cogels, Coghen, David, de Brouckere, Dedecker, Desmaisières, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Savart, Donny, Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lys, Meeus, Mercier, Nothomb, Orts, Osy, Pirson, Raymaeckers, Smits, Van Cutsem, Vandenbossche, van Volxem, Verhaegen et Zoude.
Ont voté contre cette proposition : MM. Cools, de Behr, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dumont, Dumortier, Hye-Hoys, Kervyn, Mast de Vries, Mord-Danheel, Peeters, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Vanden Eynde et Dubus (aîné).
M. Fleussu. - Il est bien entendu que c’est à la condition qu’il y aura après le vote de la loi sur l’enseignement primaire un intervalle assez long pour discuter ce projet avant la loi d’emprunt. C’est de cette manière que je l’ai entendu.
Plusieurs voix. - C’est voté.
M. de Theux. - Il ne faut pas que, sous aucun prétexte, la loi d’emprunt soit retardée. Si le rapport est prêt, il ne faut pas s’engager dans une discussion qui durera longtemps.
M. de Brouckere. - La chambre vient d’émettre un vote. Un membre ne peut pas parler contre le vote émis. Quand le moment de la discussion sera venu, l’honorable M. de Theux pourra faire ses observations.
« Art. unique. Le terme fixé par l’art. 3 de la loi du 10 février 1836 (Bulletin officiel n°14) et par l’art. 3 de la loi du 25 mai 1838 (Bulletin officiel, n°190) est prorogé au 15 octobre 1847. »
Personne de demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal sur ce projet.
Il est adopté à l’unanimité des 48 membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
Ces membres sont : MM. de La Coste, Coghen, Cools, David, de Behr, Dedecker, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Huart, Savart-Martel, Donny, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lange, Lys, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rodenbach, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutse M. Vandenbossche, Van Volxem et Dubus (aîné).
On passe au second projet. Il est ainsi conçu :
« Art. 1er. L’article du chap. Ier du budget du département de la guerre pour l’exercice 1842, est majoré d’une somme de dix mille francs (10,000 francs). »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé à l’appel nominal sur ce projet de loi qui est adopté à l’unanimité des 49 membres présents.
Ont répondu à l’appel nominal : MM. de la Coste, Coghen, Cools, David, de Behr, Dedecker, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, Desmaisières de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Huart, Savart-Martel, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Jadot, Lange, Lebeau, Lys, Malou, Mast de Vries, Mercier, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez Pirson, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Van Volxem.
- La chambre remet à lundi le vote sur les projets de loi de naturalisation.
La séance est levée à 3 heures et demie.