(Moniteur belge n°139, du 19 mai 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. Kervyn fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur A. Lavalleye demande qu’il soit pris des mesures par le gouvernement pour que les convois sur le chemin de fer ne soient jamais remorqués par plus d’une locomotive. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des membres du conseil communal d’Ortho demandent que le gouvernement fasse étudier un projet de canalisation de l’Ourthe depuis Liège jusqu’à la Roche et même au-delà. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Jobard, directeur du Musée de l’industrie, fait hommage à la chambre de la première livraison du bulletin du Musée de l’industrie. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« Les avocats du barreau de Louvain demandent l’adjonction d’une seconde chambre au tribunal de cette ville »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le ministre de la guerre (M. de Liem), par dépêche en date du 14 mai, transmet les explications demandées par la chambre sur les requêtes des ex-directeurs d’hôpitaux Lalance, Roser et Muller.
- Dépôt au bureau des renseignements.
Par une autre dépêche de la même date le même ministre transmet les explications demandées par la chambre sur la requête du sieur Althenloh qui demande que son frère, dont le remplaçant est mort à la suite d’une maladie contractée au service, soit libéré de toute obligation du service militaire.
- Même décision.
« Le sieur Jules-Edouard Ferrée, collaborateur de la revue syndicale du commerce d’Anvers, né à Paris, le 9 août 1809, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Deprey informe la chambre qu’une indisposition l’empêche de prendre part aux travaux de l’assemblée.»
- Pris pour notification.
M. Dubus (aîné), M. Mast de Vries, M. Fleussu et M. Lejeune (au nom de la commission des naturalisations) déposent successivement divers rapports sur des demandes en naturalisation.
M. Lejeune dépose en même temps un projet de loi sur la demande en naturalisation de M. Grandry.
- Ces rapports et ce projet de loi seront imprimés et distribués.
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - Messieurs, vous avez demandé un rapport sur la pétition des fabricants d’étoffe de Liége ; je vais avoir l’honneur de le présenter
Les pétitionnaires réclament le retrait de la loi du 8 juin 1839, qui accorde aux cantons cédés du Limbourg et du Luxembourg une réduction du tarif des douanes sur quelques produits de leurs fabrications, toutefois en limitant le chiffre de leur importation et seulement encore en faveur des établissements existant à l’époque de la loi.
Le motif invoqué par les pétitionnaires est le changement commercial qui doit s’opérer par suite de l’adjonction du duché de Luxembourg à l’association douanière allemande, ce qui étendra le marché du pays cédé, tandis que celui de la Belgique pourra se resserrer par suite du tarif allemand.
Ils ajoutent, en ce qui concerne particulièrement l’objet de leur fabrication, celui des étoffes de laine, que les quantités importées surpassent déjà de beaucoup celles que la loi autorise et qu’elles s’accroîtront encore par la facilité qu’auront les fabricants allemands de se servir de la même voie.
Votre commission ne s’arrêtera pas à vous démontrer combien cet allégué est dénué de fondement ; il suffit, pour le réfuter, de lire l’art. 5 de la loi dont ils demandent le retrait.
Votre commission ne s’arrêtera pas davantage à vous rappeler les motifs qui ont déterminé la chambre, lorsqu’elle était sous l’impression du déchirement qui allait s’opérer. Cette circonstance, qui a pu s’effacer du souvenir de beaucoup, reste encore palpitante dans les provinces démembrées.
Pardon de cette digression, je me hâte de rentrer dans l’examen de la question qui vous est soumise par les pétitionnaires.
Le retrait de la loi sera-t-il avantageux à la Belgique ?
D’abord, vous avez accordé une faveur éventuelle pour l’importation des céréales dans le Luxembourg wallon, qui, ne produisant pas suffisamment pour sa consommation, s’approvisionne dans les camons voisins de la partie allemande ; par le retrait de la loi il pourra arriver que l’on sera forcé de tirer les grains des provinces de Namur ou de Liége, ce qui, vu le grand éloignement, en renchérirait singulièrement le prix. Ce sacrifice, vous ne voudrez pas l’imposer à un pays dont la pauvreté est, pour ainsi dire, proverbiale.
Sous le rapport de la forgerie en souffrance partout, le retrait de la loi ajouterait une nouvelle cause de malaise aux usines du Luxembourg ; on sait que c’est la partie allemande qui procure le minerai qui donne au fer luxembourgeois la qualité si recherchée pour la fine clouterie aussi la loi porte expressément que toutes les faveurs cesseraient du moment où ce minerai serait frappé d’un droit quelconque à sa sortie vers la frontière belge.
On a également élevé des plaintes sur l’importation des faïences, mais il a déjà été démontré que les productions en Belgique sont inférieures aux consommations, qu’il faut s’adresser au dehors pour combler le déficit, que, pour les prix et qualités l’Angleterre et le Luxembourg rivalisent ; vos sympathies, messieurs, décidèrent de la préférence.
Nous n’ajouterons pas que l’importation de tous ces objets pondéreux facilite nos exportations vers le grand-duché, par l’économie qui en résulte sur le prix des transports.
Mais, messieurs, nous n’avons pas pour le moment à nous occuper des avantages que le maintien de la loi peut présenter ou non. Nous devons connaître auparavant le résultat des négociations dont le gouvernement s’occupe, sans doute, pour établir d’une manière quelconque nos relations avec le grand-duché. Jusque là, messieurs, votre commission ne peut émettre aucune opinion raisonnée sur le mérite de cette pétition, dont elle propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
M. Delfosse. - Je demande qu’on ajourne la discussion sur les conclusions de la commission jusqu’à ce que le rapport soit imprimé et qu’on ait pu en prendre connaissance.
- Cette proposition est adoptée.
M. Zoude. - La chambre a renvoyé également à la commission une autre pétition par laquelle les sieurs Vandenberghe et Dekerckhove demandent des droits protecteurs à la sortie des lins.
Messieurs, votre commission des pétitions s’est déjà tant de fois expliquée sur cette matière, qu’elle croit inutile d’entrer dans de nouveaux développements ; elle se borne à vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Demonceau. - Messieurs, je viens, au nom de la commission des finances, déposer le rapport sur le projet de loi tendant à obtenir un crédit supplémentaire de 84,941 fr. 90 c. pour faire face à des condamnations judiciaires prononcées au profit des communes de Herve, Dison et Petit -Rechain.
- Le rapport sera imprimé et distribué ; la chambre le met à l’ordre du jour.
M. Demonceau. - J’ai l’honneur de déposer un second rapport, au nom de la commission des finances, tendant à ouvrir un crédit de 22,527 francs 01 c., applicable aux mêmes fins, c’est-à-dire qu’il est destiné à satisfaire à des condamnations judiciaires.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la chambre le met également à l’ordre du jour, à la suite des objets qui y sont déjà.
M. Demonceau. - Messieurs, vous aviez renvoyé à la commission des finances trois pétitions adressées à la chambre par les créanciers intéressés à obtenir le paiement des condamnations pécuniaires prononcées à leur profit. Je crois qu’il est inutile de faire un rapport sur ces pétitions, et qu’il suffit de les déposer sur le bureau pendant la discussion. J’en fais la proposition.
- Cette proposition est adoptée.
M. Lys dépose le rapport supplémentaire de la section centrale du budget de la guerre, relatif aux remplacements.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre des finances (M. Smits) dépose un projet de loi ayant pour objet de modifier l’art. 12 de la loi du 14 mais 1819, d’après lequel les armateurs peuvent changer à volonté les noms de leurs navires sous la seule condition de se munir d’une nouvelle lettre de mer.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.
La chambre en ordonne le renvoi à une commission spéciale qui sera nommée par le bureau.
M. le président. - La section centrale propose l’adoption du projet de loi présenté par le gouvernement, sauf le changement d’un seul mot. La discussion générale est ouverte sur le projet du gouvernement. La parole est à M. Sigart.
M. Sigart. - J’y renonce pour le moment.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, il est sans doute très agréable de voter un projet de loi qui a pour objet d’opérer un dégrèvement d impôt ; mais, messieurs, ne devons-nous pas chercher à faire cadrer nos dépenses avec nos recettes. Or, nos dépenses augmentent considérablement, et l’on vient nous faire des propositions pour réduire nos recettes !... Je vous avoue que je ne comprends pas cette manière d’administrer.
A la vérité, on s’est plaint de ce que les patentes des bateliers étaient trop élevées. J’aurais vu avec beaucoup de plaisir qu’on remédiât au mal, c’est-à-dire qu’on apportât un correctif, mais ce correctif doit être tel au moins que, de ce chef, les recettes du trésor ne soient pas réduites.
On nous dira que, de toutes parts, l’on a réclamé contre les patentes des bateliers ; que ces réclamations ont été appuyées par les chambres de commerce et par les administrations provinciales. Mais croyez-vous que si les autres industriels du pays venaient réclamer des réductions de patente ; croyez-vous, dis-je, que les chambres de commerce se refuseraient également à appuyer ces réclamations ? Je suis persuadé qu’au moins une grande partie de ces corps les appuieraient.
Messieurs, si vous prêtez l’oreille à ces sortes de réclamations, il n’est pas de contribuable qui ne vienne demander une diminution d’impôt. Quel précédent nous allons établir ! Il est certain que tous les patentables voyant qu’on a écouté favorablement les réclamations des bateliers, viendront vous faire la même demande ; et comment auriez-vous le droit de leur refuser le même avantage ? Ils vous diront aussi que leur bénéfice n’est pas en rapport avec la patente qu’ils payent. C’est un des points sur lesquels s’appuient les bateliers.
Si donc nous réduisons les patentes, nous devrions réduire dans la même proportion tous les impôts ; mais ce que nous devons surtout avoir en vue, c’est de chercher un moyen d’administrer avec le moins d’impôts possible. Pour cela la chambre aurait dû être un peu plus sobre dans les dépenses qu’elle a votées, car le seul moyen de réduire les impôts, c’est de réduire les dépenses.
Je bornerai là mes observations, J’ai voulu seulement faire part à la chambre des motifs qui m’engagent à voter contre la réduction de la patente des bateliers.
M. Lange. - Messieurs, au sein de la section centrale, un membre s’est demandé s’il était opportun de diminuer le droit de patente des bateliers étrangers, alors surtout qu’on était au moment d’avoir avec la France un traité de commerce ; et si dès lors, il n’était pas préférable d’attendre, pour obtenir de la France d’autres concessions par réciprocité.
Messieurs, pour bien apprécier la portée de cette objection, examinons la législation actuellement existante.
En France, les bateliers belges sont assimilés aux bateliers français ; les bateliers français naviguant en Belgique sont aussi assimilés aux bateliers beiges ; c’est ce qui résulte de la disposition de l’art 3 de la loi du 29 décembre 1834, qui est ainsi conçu :
« Les bateaux charbonniers français dont le commerce se sert pour le transport, à l’intérieur, du charbon de terre, continueront… »
Cette loi se sert du mot « continueront », parce que déjà ce principe avait été consacré par une loi antérieure, par une loi de 1823.
« … continueront à être assimilés aux bateaux indigènes sous le rapport du paiement du droit de patente. »
Ainsi, messieurs, aujourd’hui, par une conséquence nécessaire, on diminue le droit de patente sur les bateaux belges, on devrait aussi le diminuer sur les bateaux français. Mais où est donc l’avantage de cette assimilation, de quel côte se trouve cet avantage ? Il est, messieurs, tout à fait en notre faveur. Je vais l’établir.
En France le droit se paie par batelier. Il est déterminé par la population des communes. Le minimum du droit est de 3 fr et le maximum est de 20 fr. Il est à remarquer, messieurs, qu’un batelier, quel que soit le nombre de bateaux qu’il convoie, n’est obligé à prendre qu’une seule patente. En Belgique, an contraire, pour les bateaux qui naviguent, transportent du charbon, et qui jaugent 200 tonneaux, le droit est calculé à raison de 84 centimes ; la patente est en conséquence de 168 fr. environ ; et contrairement à ce qui existe en France, si un batelier possède 2, 3 ou 4 bateaux, pour lui ce droit est doublé, triplé on quadruplé.
Vous voyez donc, messieurs, que cette assimilation est tout à fait à notre avantage. Mais aujourd’hui on veut diminuer le droit de patente. Eh bien, malgré cette diminution proposée par le projet de loi qui est soumis à nos délibérations, le droit en Belgique sera encore beaucoup plus élevé que le droit existant en France.
Je demanderai quelle autre concession nous pourrions obtenir de la France par voie de réciprocité. Au sein de cette même section centrale un membre a été jusqu’à contester le principe de la loi ; cette protestation vient d’être renouvelée par l’honorable M. Eloy de Burdinne.
Voici en quels termes le rapport de la section centrale rapporte cette protestation
« Un autre membre conteste le principe de la loi. Je pense qu’il serait sans doute avantageux de favoriser la navigation, mais que l’Etat a besoin d’impôts, que ce n’est pas en présence des dépenses récemment votées qu’il faut encore déranger davantage, par une diminution de recettes, notre équilibre financier, et que si le dégrèvement était possible, il devrait s’opérer également au profit des autres patentables, qui sont au moins aussi dignes de notre intérêt. »
Je partage la philanthropie de cet honorable membre pour tous les contribuables en général. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas une faveur qu’on accorde ici aux malheureux bateliers, c’est une justice qu’on leur rend, et cette justice, j’ose le dire, est même bien tardive. La preuve, je ne la puiserai pas dans les allégations de misère qui émanent de toute part et des bateliers en général, car ces allégations, quoique vraies, on pourrait peut-être les suspecter. Mais cette preuve, je la puiserai dans la notoriété publique, je la puiserai dans les rapports émanés de juges compétents en cette matière, je la puiserai dans les avis favorables des chambres de commerce et des administrations provinciales. Je la puiserai encore dans l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi présenté par le gouvernement.
Tous ces documents vous sont connus, ainsi qu’à moi. Il serait donc superflu de chercher à les analyser, ce serait même abuser des moments de la chambre. Justice donc avait été faite de cette objection avant qu’elle ait été soulevée.
Pour moi, messieurs, je le dis franchement et sans détour, si j’éprouve un regret, c’est de ne pas voir diminuer davantage le droit de patente des bateliers, c’est de ne pas voir totalement abolir ce prétendu droit de patente ; car, à mes yeux, il n’est autre chose qu’un véritable droit de sortie, déguisé sous le nom de droit de patente, perçu par l’Etat belge sur des produits belges, exportés soit par des bateliers belges, soit par des bateliers étrangers.
Je n’hésiterai donc pas un seul instant à donner mon approbation au projet de loi qui nous est soumis.
M. Rodenbach. - J’appuierai le principe de la loi qui nous est présentée, parce que je crois que le bénéfice des bateliers n’est pas en proportion avec leurs dépenses.
L’honorable préopinant vient de dire qu’il verrait avec infiniment de plaisir qu’on abolît totalement le droit de patente des bateliers ; si les besoins du trésor ne s’y opposaient pas, je serais de son avis, mais je crois que, dans le projet qui vous est soumis, le ministre a diminué ce droit de moitié, réduction qu’on peut évaluer annuellement à 150,000 francs. On doit dire qu’en Hollande, on a doublé ce droit.
Je crois que c’est dans l’intérêt de l’industrie charbonnière qu’on a diminué les patentes des bateliers ; car ce ne sont pas seulement les bateliers, mais encore les exploitants des houillères qui en profiteront.
Si j’appuie le principe de la loi, c’est parce que je crois qu’on peut, par ce moyen, amener une légère diminution dans le prix de la houille dans les Flandres, et notamment dans la Flandre occidentale où les charbons belges sont plus chers que dans le département du Nord. Cependant dans la Flandre occidentale, nos manufactures et nos usines doivent soutenir la concurrence avec la France ; et elles ne peuvent le faire qu’autant que le charbon ne leur revient pas trop cher. Si ou présentait un projet de loi tendant à diminuer le péage sur certaines qualités de charbon, sur les menus, je l’appuierais, parce que les pauvres et les manufactures ont besoin que le combustible soit à bon marché. Il en est de même du fer. Si nous voulons soutenir la concurrence avec l’étranger, il faut que ces matières premières soient à bon marché. C’est d’autant plus nécessaire que, depuis la révolution, les octrois municipaux majorent les droits sur le combustible et sur toutes les denrées de première nécessité.
Naguère un ministre anglais a avancé dans le parlement que les denrées de première nécessité étaient aussi chères en Belgique qu’en Angleterre, que le système des octrois finissait par être un double impôt. Je prie M. le ministre de se tenir sur la défensive quand on vient demander des augmentations de tarif.
C’est, je le répète, dans l’espoir d’une légère diminution sur les houilles que j’admettrai la réduction du droit de patente, il en résultera, dit-on, une réduction de 150,000 fr. dans les recettes. Je crois que cette somme ne sera pas totalement perdue, parce qu’il est probable que le nombre des bateaux augmentera. Ce sera d’ailleurs un moyen de favoriser nos débouchés vers la Hollande. Déjà un arrêté a diminué le droit sur les exportations de houille. Mais je crois que depuis le 1er janvier cet arrêté a cessé ses effets.
M. Eloy de Burdinne. - Sans doute, je partage l’opinion de ceux qui verraient avec plaisir disparaître tous les impôts. Il est extrêmement agréable de voter des dégrèvements ou des suppressions d’impôt, c’est très populaire. Cela entre parfaitement dans mes inclinations et dans mes goûts. Mais je le demande, pouvons-nous marcher sans impôts ? Nous votons tous les jours des augmentations de dépense, on nous demande à tout moment des crédits supplémentaires ; deux ou trois rapports sur des demandes semblables sont en ce moment soumis à la chambre, comment ferons-nous face à ces dépenses si nous réduisons les impôts ?
On s’apitoie sur le sort des bateliers ; mais remarquez qu’en payant sa patente, le batelier ne fait qu’avancer un impôt qu’il retire ensuite du consommateur, C’est comme cela que la chose se pratique dans le commerce. Le batelier fait payer son transport comme le commerçant sa marchandise, en proportion de sa dépense.
Il faut faire baisser le prix de la houille, a dit M. Rodenbach. Sans doute, il serait fort agréable pour les usines d’avoir les houilles à bon marché. Mais pourquoi ne demande-t-on pas autre chose ? Certainement ce ne sera pas pour quelques cents dont vous aurez réduit la patente des bateliers, que vous aurez la houille à meilleur marché, car les bateaux transportent autre chose que de la houille. Comment ne demandez-vous pas qu’on supprime le droit de 14 fr. par 1,000 kil. dont sont frappées les houilles anglaises à l’entrée ? Si vous demandiez la suppression de ce droit, je voterais contre, parce que j’ai pour principe de favoriser l’industrie de mon pays avant l’industrie étrangère.
Faire disparaître les impôts et voter des augmentations de dépenses, c’est ce que je ne comprends pas. Aussi voterai-je contre les réductions d’impôt qu’on proposera.
La loi, dit-on, était vicieuse. Mais il fallait la corriger de manière à ne pas causer de préjudice au trésor. Dans l’état de nos finances, il n’y a pas moyen de songer a réduire nos ressources. Je suis persuadé que d’ici à quelques jours on viendra nous dire que les prévisions sur les dépenses du chemin de fer sont en défaut. Eh bien, je ne doute pas qu’avant peu on ne vienne vous dire : Nos calculs sont en défaut ; il nous faut un supplément de 25 ou 30 millions, je ne sais combien.
Réduire les impôts et augmenter les dépenses, il faut avoir trouve la pierre philosophale pour marcher dans cette voie.
M. le ministre des finances (M. Smits) – Incontestablement nous sommes à une époque où il ne peut être question de diminuer les ressources du trésor. Il faudrait plutôt les augmenter pour satisfaire à tous les besoins du pays. Mais il faut tenir compte d’un fait qui se produit à l’occasion de la loi des patentes. Depuis que cette loi est promulguée, des réclamations constantes ont été adressées à l’administration publique, afin qu’elle fît cesser les abus et les charges qui en résultent.
Aujourd’hui, dans les provinces de Limbourg et de Liége, la position des bateliers est aggravée par suite du double droit perçu en Hollande. Dans les provinces du Brabant et d’Anvers, le batelage est plus ou moins compromis par la concurrence du chemin de fer. Dans le Hainaut, le droit écrase non seulement la navigation intérieure, la navigation nationale, mais également la navigation étrangère, qui nous vient en aide pour l’exportation de nos produits. Aujourd’hui le droit est de 1 fr. 27 c. et de 76 c., selon la qualité des marchandises transportées. Ce droit est dû par année, sauf, toutefois, que la loi accorde une réduction pour 30 jours de chômage ; mais il n est pas toujours facile de faire constater ce chômage. D’un autre côté, comme la navigation a lieu en partie en France, et qu’il est impossible à l’administration d’y faire surveiller le chômage des bateaux, lorsqu’ils sont retenus par avarie, ou par les glaces, il en résulte qu’ils ne peuvent profiter des compensations accordées par la loi. Sous ce rapport la loi est injuste, car elle soumet les patentables à un impôt pour une navigation qui n’a pas lieu dans le pays.
Quoique nous soyons peu enclin à diminuer les ressources du trésor, nous avons cru cependant devoir faire droit à tous ces griefs légitimes qui ne datent pas d’aujourd’hui, mais qui ont été articulés dès l’origine de la loi. En vous proposant de réduire le droit de 76 c. à celui de 45 c. et le droit de 1 fr. 27 c. à celui de 75 c., nous croyons avoir concilié les intérêts du trésor avec celui du batelage et de l’industrie ; mais nous avons pensé ne pouvoir aller au-delà. Le droit le plus faible sera payé par celui qui transportera nos charbons, nos céréales et autres produits de notre industrie indiqués à l’article premier. Le droit le plus élevé sera payé par celui qui transportera d’autres marchandises.
Je ne sais si cette loi réduira les ressources du trésor de 150,000 francs, comme je l’avais cru d’abord, parce qu’il est possible, probable même que la navigation augmentera par l’utile concurrence que nous apportera l’étranger pour l’exportation de nos produits nationaux ; muais la perte, dût-elle être de cette somme, la loi n’en serait pas moins juste, et il faut toujours l’être quand on le peut.
M. Sigart. - Messieurs, trois intérêts sont favorisés par la loi :
Celui des consommateurs, surtout des industries qui ont besoin de houille ;
Celui des intermédiaires, particulièrement des bateliers ;
Et celui des producteurs, parmi lesquels figurent au 1er rang nos exploitants de mines.
Vis-à-vis de ces intérêts et en antagonisme avec eux, s’élèvent ceux du trésor public avec ses besoins qu’on ne peut négliger.
Je me proposais de mesurer ces divers intérêts, mais pour répondre plus particulièrement à l’honorable M. Eloy, je me contenterai d’examiner ceux des bateliers et du trésor. Un honorable député des Flandres vient d’exposer les besoins des consommateurs. Je me réserve au surplus de m’en occuper plus tard, ainsi que de celui des producteurs.
Il est difficile de se faire une idée de la détresse de nos bateliers. On en a vu mendier. J’ai eu de fréquentes occasions de pénétrer dans leur cabine, et je puis déclarer que l’aspect de la plupart de ces demeures témoigne de la misère de ceux qui les habitent. Quiconque a longé nos canaux les a vus se livrant aux travaux les plus rudes et les plus grossiers. Un des moyens les plus efficaces pour améliorer leur situation, consiste à diminuer leur patente. Depuis longtemps, dans ce but, ils adressent au gouvernement d’incessantes réclamations : sous l’empire, comme encore aujourd’hui en France, la patente variait de 3 à 20 fr., selon la population et sans égard pour le nombre des bateaux, ainsi que vient de le dire M. Lange.
Lors de la réunion de la Belgique à la Hollande, les impôts existants dans ce pays nous fument appliqués d’abord sous forme de droit de tonnage et de navigation, bientôt sous celle de patente. Cette patente en Hollande n’a rien d’exorbitant En effet, il n’y pas, comme à présent ici, de double emploi par les péages sur les canaux ; les bateaux n’y ressemblent guère aux nôtres ; la plupart ont une construction qui approche de celle des navires de mer, ils ont la solidité nécessaire pour résister aux tempêtes qui soulèvent quelquefois les eaux des bouches de la Meuse ou de l’Escaut. Ils transportent des objets de certaine valeur et sont habités par des personnes aisées qui les décorent souvent avec luxe. Les nôtres ont le fond plat, ne servent qu’au transport de la chaux, de la houille ou autres matières semblables, et renferment des malheureux qui ont à peine les choses les plus nécessaires à la vie. Est-ce dans une pensée d’uniformité que nos bateliers furent mis sur le même pied que les Hollandais, n’est-ce pas là plutôt un des effets de ce grand système qui consistait à pressurer la Belgique en ayant l’air de la traiter impartialement ? je ne sais ; quoi qu’il en soit, un des premiers soins de la révolution aurait dû être d’effacer cette trace de fiscalité hollandaise. Il n’en fut rien. La patente resta à un taux immodéré. Elle dépasse celle de nos banquiers. J’ai vu dans nos assemblées électorales les bureaux provisoires composés de presque tous bateliers ; c’étaient les contribuables les plus imposés. Pour payer le cens sénatorial, il ne faut posséder qu’une douzaine de bateaux qui peuvent ne pas valoir vingt mille francs.
Pour se faire une idée exacte de la situation des bateliers, il faut examiner l’état du fret et établir son bilan. Je trouve dans les documents publiés par la commission d’enquête que le fret pour Paris, marché régulateur, acté en
1836 de 2 fr. 05
1837 de 1 fr. 75
1838 de 1 fr. 45
1839 de 1 fr. 25
Les six premiers mois de 1840 de 1 fr.
Depuis 3 ans, le batelier a obtenu 2,500 fr., rarement 3,000. Il lui en coûte, pour l’intérêt de son capital, l’amortissement, l’assurance, la patente, l’entretien, le salaire du batelier (compté à 2 fr. par jour), les frais, péages et droits, la somme de 3,032 fr. 18 c. ; c’est, en moyenne, une perte de 250 fr. annuellement. Le batelier ne peut se soutenir qu’en amoindrissant son capital, c’est-à-dire, en négligeant de réparer son bateau en temps convenable. Or, un bateau bien entretenu peut durer 25 à 30 ans ; mais à cause de la situation de la plupart de nos bateliers, on doit les démolir (déchirer, selon leur expression) avant l’âge de 15 ans.
Si l’on me demande pourquoi le nombre des bateaux diminue (car la statistique du gouvernement s’arrête à 1837, je ne sais pourquoi), je dirai que je crois qu’on peut l’attribuer à ce que notre marché a été resserré dans des limites plus étroites ; nous avons perdu le littoral, les sucreries françaises de betterave ont diminué leur fabrication, certains bateaux ont reflué dans nos eaux, puis ont été détruits.
On comprend ce qui arrivera dans un avenir prochain : les choses utiles ne se produisent qu’en raison des besoins : les bateaux vont devenir plus rares. En 1840, il en a été construit 50 sur le canal de Mons ; en 1841, il n’en a été construit que 6 ; cette année il ne s’en construire plus du tout. La ruine de quelques bateliers assurera des avantages aux autres ; alors le fret s’élèvera ; mais alors aussi que deviendront les intérêts de notre exportation, qui ne se soutient qu’à la faveur du bas prix des transports ?
En présence des intérêts favorisés par la loi, se trouve celui du trésor public qui est lésé par elle. Il faut voir s’il ne s’agit pas d’y creuser un trop grand déficit : en évaluant son importance , le gouvernement me paraît s’être borné à tenir compte de cette considération, que si la production, si la consommation réclament la loi, c’est que la livrance sera à meilleur compte et augmentera la demande, et que si le mouvement des produits est plus considérable, s’il y a accroissement du nombre des bateaux, les patentes délivrées augmenteront, et que le nombre compensera presque l’importance. Pour atténuer son chiffre, il aurait dû peut-être prendre égard à certaines circonstances. Par exemple, dans les douzièmes restitués pour cause d’inactivité de 30 jours, la remise des receveurs leur restait acquise, de sorte que l’Etat rendait plus qu’il n’avait reçu. Veuillez faire attention que le gouvernement ne devait pas faire entrer dans son calcul d’autres éléments d’appréciation, puisqu’il s’agissait de connaître la quantième de la diminution du produit de la patente ; mais si l’on élargit la question, si l’on demande quelle perte éprouvera le trésor public, alors d’autres éléments se présentent.
Après avoir admis l’augmentation du nombre des patentables, ii faut bien admettre celle du produit des péages. Après avoir admit cette augmentation directe de produits, il faut encore admettre les recettes indirectes, et nous serons conduits à penser qu’une intelligente réduction au profit des contribuables peut n’en être plus une pour l’Etat. Ce n’est pas immédiatement que tous les résultats de la mesure seront atteints. La progression ne sera peut être pas très rapide mais elle est immanquable. Ce n’est pas du jour au lendemain qui les relations rendues plus faciles s’établissent, mais toujours elles se créent : témoin le mouvement ascendant de notre navigation charbonnière, depuis la création du canal de la Haine et malgré la perte de deux marchés d’une immense importance : ceux de la Hollande et du littoral français.
Soit, concédera-t-on, la recette diminuera peu ; dans un avenir plus ou moins éloigné il n’y aura plus de perte ; mais l’état de nos finances ne peut s’accommoder de la plus petite diminution actuelle de produits, le trésor a des besoins impérieux et immédiats.
Eh ! messieurs, n’est-ce pas l’argument immanquable quand on ne veut pas d’une chose ? Souvenez-vous que chaque fois que vous avez trouvé une chose utile, jamais cette considération ne vous a arrêtés : elle ne vous a arrêtés ni pour le canal de Zelzaete, ni pour le séminaire de St.-Trond, ni pour les indemnités. Vous ferez de même aujourd’hui.
Je vais plus loin que mon contradicteur. J’admets pour un moment que l’Etat éprouvera toujours une diminution de cent mille francs dans ses revenus, est-ce pour une pareille somme qu’il faudrait refuser un acte d’équité et négliger de réformer un des impôts les plus mal assis qui existent. Rien de moins bien établi que ceux qui grèvent les transports. Ils constituent de véritables droits de sortie déguisés. Les routes, les canaux, les chemins de fer sont les artères de la prospérité publique. Les charger de péages ou d’autre manière, c’est les rendre impropres au but pour lequel ils sont créés. La France a supprimé l’impôt des barrières. Elle s’apprête à racheter les concessions de canaux. Notre gouvernement la suit dans la voie si large qu’elle s’ouvre. Nous voudrons marcher avec lui et accepterons toute espèce de contribution au prix de la facilité de transporter hommes et choses. Que la richesse nationale se développe, et l’Etat n’aura pas de peine à trouver des impôts. Ce n’est que dans un pays pauvre qu’il n’y a pas de ressource.
- La discussion générale est close.
La chambre passe à la discussion des articles.
Les 3 premiers articles du projet de loi sont successivement adoptés en ces termes :
« Art. 1er. Tout propriétaire d’un navire, bateau ou embarcation ou toute personne qui en aura la direction ou le commandement, seront tenus d’en faire la déclaration aux fins d’obtenir une patente, avant de pouvoir exercer la profession de batelier ou faire usage du bâtiment sur les eaux intérieures du royaume. »
« Art. 2. Le droit de patente sera, sauf l’exception indiquée à l’art. 3, établi d’après la capacité du bâtiment.
« La capacité sera déterminée par le nombre de tonneaux que les navires ou bateaux jaugent, et le tonneau sera considéré comme équivalent au mètre cube.
« Les fractions du tonneau ne seront pas comptées. »
« Art. 3. Le droit de patente pour les bateaux, bacs et embarcations employés au service de passages fixes pour la traverse des fleuves, rivières ou canaux, sera réglé à raison du prix de fermage ou d’adjudication»
La chambre passe à la section 1ère.
«Art. 4. Le droit de patente est fixé pour l’année entière :
« 1° A 45 centimes par tonneau pour les navires et bateaux exclusivement employés au transport des engrais, cendres, fruits et légumes, grains, bois, charbons de terre, chaux, minerais de toute espèce, fontes de fer, fer en barres, pierres et marbres de toute espèce, sable, gravier, décombres et immondices.
« 2° A 75 centimes par tonneau pour les navires et bateaux non exclusivement employés au transport des objets indiqués sous le n° 1 ci-dessus, ou servant à tous autres usages.
« 3° A 1 pour cent des prix de fermage ou d’adjudication pour les bateaux, bacs et embarcations désignés à l’article 3.
« Ces différents droits de patente seront payés par mois, à l’expiration de chacun des mois pour lesquels la cotisation sera établie. »
M. Delfosse. - L’article 4 du projet introduit dans la législation une amélioration qu’on ne peut nier. Bien qu’elle soit insuffisante, les bateliers l’accepteront avec reconnaissance. Cependant il est certains bateliers qui en profiteront fort peu, et entr’autres les bateliers de la Meuse. On vous propose de substituer la réduction du droit de patente contenue dans l’article 4, la remise d’un douzième qui était accordée par la loi du 28 décembre 1834 pour tout bateau resté en non-activité pendant un mois. La Meuse n’est navigable que 6 ou 7 mois de l’année ; les bateliers de la Meuse pouvaient donc obtenir sur le droit de patente une réduction de 5 à 6 douzièmes, quelquefois même de 7 douzièmes ; car il y a des années tellement mauvaises que la navigation de ce fleuve est interrompue pendant sept mois La diminution proposée par l’art. 4 du projet ne serait donc pas toujours pour eux l’équivalent de la remise qui leur est maintenant accordée.
Le système du projet contient en outre un principe d’inégalité que la chambre doit repousser ; l’inégalité consiste en ce qu’on soumet tous les bateliers au même droit de patente, sans prendre en considération le plus ou moins de travail. On met sur la même ligne ceux qui ne peuvent naviguer que pendant quelques mois et ceux qui peuvent naviguer à peu près toute l’année, c’est là une mesure à laquelle nous ne pouvons donner notre assentiment. Je proposerai l’amendement suivant, qui sera, j’en suis sûr, accueilli avec faveur par toutes les classes de bateliers, bien qu’il ait pour objet de faire disparaître en partie l’inégalité que je viens de signaler.
« Il sera accordé une remise du vingt-quatrième du droit de patente pour tout navire ou bateau resté en non activité pendant 15 jours consécutifs. »
M. Dolez. - Proposez le terme d’un mois.
M. Delfosse. - Le terme d’un mois a donné lieu à diverses réclamations. C’est pourquoi j’ai proposé celui de 15 jours. Du reste, si la chambre le désire, je me rallierai volontiers à l’observation qui vient d’être faite.
L’amendement que je propose ne diminuerait les ressources du trésor que d’environ 50,000 francs par an, et en l’adoptant on soulagerait une branche d’industrie qui a droit à toute la sollicitude de la chambre. Personne n’ignore à combien de difficultés la navigation de la Meuse est assujettie. Il y a le mauvais état des chemins de halage, le mauvais état du fleuve, la rapidité du courant, qui nécessite l’emploi d’un grand nombre de chevaux ; d’autres circonstances encore rendent les voyages fort lents et fort coûteux ; les frais sont en outre considérablement augmentés par les péages élevés que le gouvernement hollandais perçoit, car on n’a pas fait pour la Meuse ce qu’on a fait pour l’Escaut.
N’oublions pas non plus que la Meuse a été fermée pendant plusieurs années. Beaucoup de bateliers ont été ruinés ; tous ont éprouvé de grandes pertes.
Lors de la discussion de la loi sur les indemnités, j’avais demandé que l’on fît quelque chose pour eux ; la chambre n’a pas cru devoir adopter cette proposition, mais j’espère qu’aujourd’hui elle ne refusera pas le faible dédommagement que je réclame pour une branche d’industrie qui a tant souffert.
M. Brabant. - J’appuie l’amendement présenté par l’honorable M. Delfosse. D’abord, je dois faire observer que la patente proposée par le projet de loi, quoiqu’elle soit une amélioration au système établi par la loi de 1824, est encore une des patentes les plus exorbitantes qui existent. Je ne m’occuperai pas de ce point. Je me bornerai à appuyer la demande de réduction pour le cas d’inactivité, non seulement pour les bateliers de la Meuse, mais surtout pour les bateliers de la Sambre ; car là la cessation de la navigation n’est pas le fait de la nature, mais très souvent le fait du gouvernement. Ainsi, l’été dernier, à cause des travaux du chemin de fer, il y a eu interruption pendant 4 mois consécutifs. Peut-être cette année, y aura-t-il une interruption pareille. Certainement, elle sera d’une certaine importance, puisqu’il y a un pont du chemin de fer tout à fait à construire, et 5 ponts au moins qui sont encore à voûter. Comme tous ces ponts sont faits en dérivation, pour rétablir la communication entre la dérivation où les ponts sont établis et l’ancien lit de la rivière, on sera obligé de tenir les eaux basses pendant très longtemps.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Pendant 3 mois.
M. Brabant. - On avait également compté 3 mois l’an dernier ; l’interruption a été de 4 mois et demi.
Quand l’interruption ne serait que de 3 mois, comme elle est entièrement le fait du gouvernement, il est de la plus stricte équité d’accorder la remise réclamée par l’honorable M. Delfosse.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je demanderai à l’honorable M. Delfosse s’il entend appliquer son amendement à la navigation sur la Meuse et sur la Sambre, ou s’il entend l’appliquer d’une manière générale.
M. Delfosse. - Mon amendement n’a rien de local. Il est fondé sur un principe de justice, dont je demande l’application dans toutes les parties du royaume.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Mais ce principe de justice, nous l’avons pris en considération en proposant la réduction du droit. Car, en définitive, le batelage ne payera plus que la moitié de la taxe qu’il supportait autrefois.
Je ferai remarquer à l’honorable M. Delfosse que le batelage de la Mense lui-même sera favorisé par le nouveau projet, qui établit le droit par voyage, tandis qu’on le paye aujourd’hui par année ; de manière que lorsqu’il y aura chômage, les navires qui navigueront vers la Hollande n’auront quelquefois que 45 centimes de droit à supporter, au lieu de celui de 76 qu’ils supportaient auparavant.
Je prie d’ailleurs la chambre de ne point perdre de vue qu’il résulterait de l’adoption de l’amendement une nouvelle diminution de 40 à 50,000 francs, et qu’il est difficile que le trésor supporte de trop nombreux sacrifices dans le moment actuel, alors qu’on a voté tant de dépenses nouvelles depuis le commencement de la session.
M. Dolez. - Messieurs, l’honorable M. Brabant vous a fait remarquer avec raison que nonobstant la diminution accordée par le projet en discussion, à la patente des bateliers, celle-ci restait encore la plus exorbitante de toutes. J’en conclus que le projet reste en dessous de ce qu’on droit d’attendre ceux qui ont été trop longtemps victimes d’une criante iniquité. Je dois ajouter une observation à celles qui vous ont été présentées par MM. Delfosse et Brabant pour appuyer l’amendement présenté par le premier : c’est que l’industrie des bateliers est soumise à des stagnations forcées, non pas seulement accidentellement comme cela a lieu pour le chemin de fer, dont les travaux traversent certaines de nos rivières, mais régulièrement et périodiquement. Sur les canaux artificiels comme sur la Mense, l’Escaut et la Sambre, il y a chaque année des gelées qui entravent la navigation. Il y a aussi, chaque année, nécessité de baisser les eaux pour réparer les rives.
Pendant tout ce temps, le batelier, malgré son désir de travailler, doit rester dans la stagnation la plus complète. L’enquête ne nous dit-elle pas qu’il ne doit point payer de patente pour le temps où l’exercice de sa profession est impossible, et par suite ne lui rapporte rien tandis que le droit de patente doit être basé sur le bénéfice de la profession. D’après le principe fondamental de l’impôt de patente, le batelier ne doit pas le payer pendant le temps de chômage.
Je crois donc que ce serait faire acte de justice, que d’adopter l’amendement de l’honorable M. Delfosse, et que le gouvernement, nonobstant la réduction de 40 à 50 mille fr. qui pourra en résulter, ne devrait pas s’y opposer.
M. Delfosse. - Je prie la chambre de remarquer que la réduction proposée à l’art. 4 n’est pas de moitié, comme le dit M. le ministre, mais des quatre dixièmes environ.
M. le ministre vient de présenter une observation qui est très vraie, c’est que le projet améliore la position des bateliers de la Mense comme celle des autres bateliers, en ce qu’il limite, par l’art. 8, le nombre des voyages pour lesquels ils devront payer. Mais cette disposition n’est applicable qu’aux bateaux qui vont à l’étranger et qui n’effectuent pas de transports d’un point du royaume à l’autre ; aussitôt qu’ils effectuent des transports de ce genre, ils retombent dans la catégorie de l’article 4.
M. le ministre objecte que l’adoption de mon amendement entraînerait une diminution de recettes de 40 à 50,000 fr., c’est là un point que j’avais annoncé moi-même ; mais doit-on, je le demande, reculer devant une aussi faible somme, lorsqu’il s’agit d’un acte de justice.
J’ai prouvé, et cela n’a pas été réfuté, que beaucoup de bateliers qui ont tout autant et même plus de titres que les autres à notre sollicitude, ne tireront aucun avantage du projet tel qu’il est conçu, que la remise qui leur est accordée par la loi du 28 décembre 1834 est au moins équivalente à la réduction proposée à l’art. 4 de ce projet ; la chambre voudra sans doute que l’on fasse aussi quelque chose pour eux et elle adoptera mon amendement.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je crois que l’honorable M. Delfosse se trompe complètement lorsqu’il nous dit que la réduction accordée actuellement pour le chômage est équivalente à la diminution stipulée par le projet de loi. Je ferai remarquer que, par le système en vigueur, le droit est dû pour l’année, du moment que l’on a navigué dans le courant de l’année précédente, fût-ce même vers la fin. Aujourd’hui, le batelier qui sera dans le cas de devoir chômer pourra ne faire sa déclaration qu’au moment où il commencera à naviguer. Ainsi, si le chômage a lieu dans les premiers mois de l’année, si le batelier ne commence à naviguer qu’au mois d’avril ou de mai, sa déclaration ne courra qu’à dater de cette époque.
La loi a donc fait tout ce qu’elle devait faire ; elle a été équitable. Mais elle ne peut aller jusqu’à la libéralité, surtout en présence des besoins du trésor.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances vient de nous dire que le projet actuel est avantageux aux bateliers, parce qu’ils ne paieront qu’à partir de leur déclaration, parce que, si elle n’est faite dès le commencement de l’année, ils ne paieront rien pour les mois antérieurs à la déclaration, alors même qu’ils auraient été patentés l’année précédente ; mais cet avantage est bien certainement moindre que celui qui résulte de la loi du 4 décembre 1834 puisqu’elle accorde une remise d’un douzième pour tout mois d’inactivité antérieur ou postérieur à la déclaration.
Il est de notoriété publique que la Meuse n’est navigable que pendant six ou sept mois de l’année ; les bateliers peuvent donc obtenir, dans la législation actuelle, une remise de 5, 6 et même quelquefois de 7/12, et j’ai eu raison de dire que cette remise était équivalente et valait, dans certains cas, mieux que l’avantage qui résultera du projet en discussion. M. le ministre annonce qu’il veut améliorer la position des bateliers, mais il ne fait rien pour beaucoup d’entre eux, il reprend d’une main ce qu’il leur donne de l’autre.
M. le ministre parle de libéralités. Mais je ne veux pas engager la chambre à faire des libéralités. Ce que je demande pour les bateliers de la Meuse, comme pour tous ceux qui se trouvent dans le même cas, est bien peu de choses. Je demande qu’on leur accorde un avantage à peu près équivalent à celui que l’on offre aux bateliers qui naviguent sur d’autres rivières, plus favorisées par la nature, et pour lesquels la navigation n’est presque jamais interrompue. Je demande que toutes les classes de bateliers soient traitées avec la même faveur, qu’il n’y ait pas d’inégalité.
M. Rogier. - Il me semble que les raisons que fait valoir l’honorable M. Delfosse, à l’appui de son amendement, méritent l’attention de la chambre. Quant à moi, j’appuierai la réduction qu’il demande.
Cependant, je ferai une observation ; c’est que, depuis l’ouverture de la session, beaucoup de dépenses nouvelles ont été votées par la chambre ; d’autres sont demandées, et jusqu’ici on ne s’est pas beaucoup occupé d’augmenter les ressources du trésor. La seule loi votée dans ce but, c’est la loi sur les distilleries et encore, s’il faut s’en rapporter à l’avis des quatre anciens ministres des finances, il paraît que cette loi manquerait entièrement son but, et n’augmenterait nullement les ressources.
Comme cette fois M. le ministre des finances a pris l’initiative de la réduction, il faut croire que la nécessité lui en a été parfaitement démontrée. Car ce n’est pas dans la situation où se trouve le trésor que le ministère serait venu proposer des réductions, s’il n’avait acquis la preuve qu’elles sont indispensables. Sans donc entendre m’associer à un système de réduction que je regarderais comme inopportun dans ce moment, je voterai à la fois et pour la proposition de M. le ministre des finances, qui est sans doute fondée en justice, puisqu’elle est faite par lui, et pour la proposition supplémentaire de l’honorable M. Delfosse, qui me paraît avoir pour objet de mettre sur la même ligne tous les industriels dont il s’agit de dégrever l’industrie. Mais, je le répète, en m’associant à ces réductions, je n’entends pas entrer dans un système qui me paraîtrait inopportun en présence des dépenses nouvelles que nous avons votées et qui nous restent à voter.
J’ignore du reste quelle est la situation du trésor depuis l’ouverture de cet exercice. Autrefois le ministère publiait de trimestre en trimestre les recettes du trésor. Aujourd’hui on s’abstient de ces publications. Je crois cependant qu’elles présenteraient beaucoup d’intérêt ; et si M. le ministre des finances n’y voyait pas d’inconvénients, je l’engagerais à les renouveler. Elles tiennent le pays et la chambre au courant des besoins du trésor, et peuvent déterminer les votes de celle-ci dans les lois d’impôts.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la situation du trésor est parfaitement connue. Je l’ai souvent indiquée à la chambre ; je la lui ai indiquée dans la discussion du budget des voies et moyens, et récemment encore dans la discussion du projet de loi sur les distilleries. Cette situation a été faite par les différents votes de cet exercice.
Postérieurement au budget où les recettes balançaient les dépenses, la chambre a voté environ deux millions de dépenses ordinaires qui tomberont à charge de l’exercice 1843. Indépendamment de cette somme, elle a aussi voté un million de dépenses permanentes. Ainsi, les dépenses du budget de 1842 ont été augmentées d’environ 3 millions, dont 2 millions sont variables et un million permanent. Telle est la situation véritable postérieurement au budget de l’année courante.
Pour ce qui est de l’amendement de l’honorable M. Delfosse, je ferai encore remarquer à la chambre que le projet de loi en discussion n’a donné lieu à aucune observation d’aucun collège commercial ; tous lui ont donné une approbation unanime, de manière que nous pouvons penser qu’il satisfait à toutes les exigences.
L’honorable M. Delfosse nous dit : Mais en présence de l’indemnité accordée pour le chômage par la loi existante, le sort des bateliers de la Meuse ne se trouvera pas amélioré. Il ne s’agit pas de savoir ici si le sort de ces bateliers sera amélioré ; il s’agit de savoir si on a amélioré le sort de la généralité et si on a fait chose juste ou non. Or, du moment où le droit qui a soutenu tant de réclamations se trouve réduit à près de moitié ; du moment où les bateliers ne devront faire leur déclaration qu’à l’époque où ils devront naviguer, on a satisfait, semble-t-il, à tous les griefs.
D’ailleurs, la loi doit être d’une application générale, et on ne saurait faire des dispositions spéciales d’après la situation ou les conditions de navigabilité où se trouvent les canaux ou rivières des différentes provinces.
Il faut que la loi reçoive son application de telle manière que tous les intérêts se trouvent garantis.
M. Dolez. - La demande est générale.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Cependant l’honorable M. Delfosse raisonne d’après ce qui se pratique pour la Meuse. Or je viens d’établir qu’il n’y a point d’injustice pour les bateliers de la Meuse ; s’ils naviguent à l’étranger, ils ne paieront que par voyage ; s’ils naviguent à l’intérieur, ils ne paieront que depuis le moment où ils commenceront à naviguer.
M. Brabant. - Il résulte, messieurs, des explications données par M. le ministre des finances, que les bateliers dont j’ai plaidé la cause (et je voudrais connaître celle de tous les bateliers du pays, je la plaiderais également ; mais je parle de ceux de la Sambre et de la Mense, parce que leur position m’est beaucoup mieux connue) ; il en résulte, dis-je, que la loi portera un grand préjudice à ces bateliers. M. le ministre dit en effet que le droit commencera à courir du moment où l’on fera la déclaration, et que la déclaration ne se fera qu’au moment où l’on commencera à naviguer. Mais, messieurs, là où la navigation se fait pendant l’hiver et où elle est interrompue pendant les mois de juillet, août et septembre, la déclaration se fera nécessairement au premier janvier et courra toute l’année ; il n’est donc pas possible de profiter du bénéfice du retard de la déclaration, dont parlait tout à l’heure M. le ministre.
Je ne sais quel est le préjudice que l’adoption de l’amendement de l’honorable M. Delfosse pourra occasionner au trésor, mais je crois qu’il ne sera pas bien considérable ; en effet tout l’impôt des patentes ne donne qu’environ 2,400,000 fr., certes les bateliers n’entrent pas dans cette somme pour un chiffre bien considérable.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Un demi-million.
M. Brabant. — Eh bien, messieurs, c’est là une criante injustice, car on ne dira pas, à coup sûr, que les profits du batelage constituent le cinquième de tous les produits faits par l’industrie et le commerce de la Belgique ; cependant s’ils payent un demi-million, ils payent plus du cinquième de toutes les patentes du pays. Il y a donc une inégalité injuste à leur détriment.
Cela prouve que pour les bateliers on n’a pas suivi le principe de la loi de 1819, maintenu, en grande partie, dans la loi de 1824. D’après ce principe, le droit de patente augmente, en général, dans une proportion d’autant plus forte que l’industrie est plus étendue. Ainsi, telles petites professions, d’après les échelles établies par la loi de 1819, ne paient qu’un tiers pour cent de leurs profits présumés, tandis que des professions plus importantes paient jusqu’à un soixantième de leurs profits présumés. Eh bien, messieurs, le batelier qui n’a qu’un seul bateau d’un petit tonnage paiera 45 centimes par tonneau, s’il est dans la première catégorie, tout comme le batelier qui aura un très grand nombre de bateaux d’un très fort tonnage, cela n’est pas du tout juste. La plupart des bateliers qui naviguent sur la Sambre ne sont que des ouvriers, et le plus clair de leur bénéfice, c’est le salaire du travail qu’ils font sur le bateau dont ils sont propriétaires. Appliquez au tonnage le plus usité sur la Sambre le minimum du droit, tel qu’il est établi pour la première catégorie, c’est-à-dire, 45 centimes, les bateaux naviguant sur la Sambre, et qui ont généralement 50 tonneaux paieront 22 francs 50 centimes.
Eh bien, messieurs, consultez la loi de 1819, recherchez l’intention du législateur, recherchez de quelle manière il a voulut atteindre les profits de l’industrie, et vous verrez que l’état de chose que je viens de signaler n’est pas du tout conforme à ce qu’a voulu le législateur de cette époque. Je vois, par exemple, au tableau n’ 9, littera A, que l’impôt des patentes sur les sociétés anonymes n’est que de 2 p. c. du montant des dividendes.
M. Cogels. - Ce n’est qu’un p.c.
M. Brabant. - C’est que cela a été changé par la loi de 1824, du reste mon argument n’en est que plus fort. Je dis donc que pour faire payer au batelier qui n’a qu’un bateau de 50 tonneaux une patente de 22 francs 50 centimes, vous devez supposer qu’il fait un bénéfice net de 2,250 francs. Eh bien, messieurs, les honorables députés de Charleroy et de Namur peuvent vous assurer en conscience qu’il n’en est rien, que pour la plupart de ces bateliers leur bénéfice peut s’élever au prix d’une journée de travail, c’est-à-dire à 2 francs ou à 2 francs 50 centimes quand leurs affaires vont bien. Notez, messieurs, que notamment pour la navigation sur la Sambre, malgré les réductions opérées par le gouvernement provisoire et par le gouvernement du Roi, nous payons aujourd’hui le fret à 7 p. c. plus cher que nous ne le payions avant la canalisation de cette rivière, et cela grâce aux droits énormes auxquels les bateliers sont assujettis.
M. Dolez. - Il est un point , messieurs, qu’il est important de ne point perdre de vue et qui l’a été cependant par M. le ministre des finances ; c’est que la mesure proposée par l’honorable M. Delfosse, en faveur de notre navigation, existe dans la loi actuelle. Cela est tellement vrai, que l’art. 40 du projet en discussion abroge expressément la faveur dont M. Delfosse réclame le maintien. L’honorable député de Liége ne demande que le maintien de la législation actuelle.
M. le ministre des finances disait tout à l’heure qu’aucun corps commercial, qu’aucune chambre de commerce n’a réclamé ce maintien. Je ne sais ce qui en est des relations officielles entre les chambres de commerce et le gouvernement , mais je puis dire que m’étant adressé à la chambre de commerce de Mons pour savoir quelle était sa manière d’envisager la loi, j’en ai reçu une dépêche dont je vais partiellement donner connaissance à la chambre. Voici ce qu’elle dit :
« Nous avons vu avec peine l’article 40 prononcer l’abrogation de la disposition de la loi du 28 décembre 1834, qui accorde aux bateliers la remise d’un douzième du droit de patente pour chaque terme de trente jours consécutifs d’inactivité de leurs bateaux. Cette mesure était juste, car le droit de patente ne devrait réellement être acquitté qu’en raison de l’exercice de la profession qu’il frappe. Rien n’est plus simple que les formalités a remplir pour jour de cette remise. Les difficultés dont parle l’exposé des motifs ne peuvent avoir existé que dans l’esprit de quelques employés subalternes plus désireux d’alléger leur besogne que les charges des contribuables.
« Nous pensons, monsieur, qu’il convient d’insister près du gouvernement et des chambres pour obtenir le rejet de cet article 40, et que dans le cas où il ne serait pas possible d’arriver à ce résultat, il y aurait lieu de demander, par compensation, sur le droit actuel un dégrèvement plus considérable que celui qu’accorderait la loi nouvelle. »
Ainsi, messieurs, la chambre de commerce de Mons éminemment compétente en cette matière, reconnaît l’injustice de l’art. 40, abrogeant la loi actuelle, en ce qui concerne la remise dont l’honorable M. Delfosse réclame le maintien.
Tout à l’heure je faisais remarquer à M. le ministre des finances que la proposition de M. Delfosse est générale ; elle doit l’être, car la navigation est partout dans une position analogue à celle de la Meuse, quant au point qui nous occupe en ce moment ; en effet, la navigation est aussi souvent interrompue sur nos canaux que sur la Meuse et autres rivières ; la gelée entrave plus vite et plus longtemps la navigation des canaux, et les réparations annuelles que réclament leurs digues y amènent périodiquement de longues interruptions. Nous pouvons dire qu’au moins quatre mois de l’année sont perdus pour la navigation.
Je demande s’il ne serait pas souverainement injuste de faire payer un prélèvement sur les produits d’une profession pour le temps pendant lequel cette profession ne peut rien produire. On voudrait faite payer les bateliers pendant toute l’année, alors que pendant quatre mois ils ne travaillent pas, alors que pendant quatre mois ils ne gagnent rien, mais consomment au contraire les faibles économies qu’ils ont pu faire pendant le reste de l’année.
Remarquez, messieurs, que la profession de batelier est peut-être la seule qui se trouve dans cette position. Il s’agit de prendre une mesure exceptionnelle pour une position exceptionnelle ; je ne vois en cela rien que de très rationnel, rien que de digne de la justice de la chambre et du gouvernement envers une classe nombreuse, éminemment utile à notre industrie et digne du plus haut intérêt.
M. Delfosse. - J’ajouterai à ce que l’honorable M. Dolez vient de dire de la chambre de commerce de Mons, que la chambre de commerce et le conseil provincial de Liége ont demandé non seulement que le droit fût réduit, mais aussi que la remise accordée pour chaque mois d’inactivité fût accordée pour chaque quinzaine. Si le projet actuel n’a pas donné lieu à des réclamations, c’est par une raison fort simple ; on se proposait de réclamer, niais on croyait que ce projet ne serait discuté qu’après celui qui tend à moduler la loi communale dont on considérait la discussion comme devant durer fort longtemps ; la discussion de ce dernier projet ayant été ajournée, le projet actuel a été mis en discussion plus tôt qu’on ne s’y attendait et les intéressés n’ont pas eu le temps de nous faire parvenir leurs réclamations.
M. Eloy de Burdinne. - Je vois, messieurs, que nous sommes en progrès ; d’abord on a réduit le droit de patente pour le temps pendant lequel tes bateliers ne naviguent pas ; aujourd’hui l’on réduit le droit de moitié pour le temps pendant lequel ils naviguent ; cependant l’on demande encore quelque chose de plus que ce qui avait été accordé précédemment pour le temps de chômage, c’était pour un mois de non-activité que l’on accordait la remise du droit ; maintenant on la demande pour 15 jours.
Je crois que le législateur qui a fait la loi sur les patentes connaissait aussi la position des bateliers, et je crois que cette position n’est pas changée depuis lors ; je pense qu’à l’époque où la loi a été votée, il gelait aussi de temps en temps, qu’il y avait aussi alors des réparations à faire aux canaux et rivières navigables. Comment se fait-il donc que, sous le gouvernement hollandais, les bateliers n’ont pas fait des instances réitérées pour obtenir ce qu’ils demandent aujourd’hui ; comment se fait-il que le législateur de 1819 ne se soit pas aperçu de l’énorme injustice que l’on signale aujourd’hui ?
Il serait fort beau, messieurs, de supprimer entièrement non seulement la patente des bateliers, mais toutes les patentes en général, mais la difficulté c’est de pouvoir administrer sans ressources, gouverner sans argent. Voilà la difficulté.
Quant à moi, je voterai contre l’amendement et contre la loi.
M. Delfosse. — D’honorables membres me font observer que je devrais, dans l’intérêt de mon amendement, pour lui donner plus de chances, porter les quinze jours à un mois, et comme suite, la remise de un vingt-quatrième à un douzième. Je modifie donc mon amendement dans ce sens.
- Personne ne demandant plus la parole, l’amendement est mis aux voix et adopté ; il fera l’objet du dernier paragraphe de l’art. 4.
L’art. 4 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Pour les navires et bateaux désignés sous les n° 1 et 2 de l’article 4 ci-dessus, la déclaration de patente sera faite au bureau du receveur de la commune où réside celui qui veut exercer la profession de batelier, ou qui a la propriété, la direction ou le commandement du bâtiment : cependant si le navire ou le bateau se trouve, au moment d’en faire usage, stationné dans une autre commune du royaume, la déclaration pourra être faite au receveur de cette commune, mais dans ce cas le déclarant devra fournir la preuve de son domicile fixe dans le royaume.
« Cette preuve, lui ayant été produite, le receveur délivrera un récépissé de la déclaration. Ce récépissé, qui devra contenir les mêmes indications que la déclaration, sera ensuite visé par le chef de l’autorité du lieu de sa délivrance ou par un délégué, et le sceau de la commune y sera apposé. L’autorité locale exigera également, avant de remplir cette formalité, la preuve du domicile fixe dans le royaume.
« Ce récépissé tiendra lieu de la patente, pendant deux mois, à partir du jour de sa délivrance.
« Le receveur de la commune où la déclaration aura été faite, la transmettra immédiatement au receveur de la commune de la résidence du déclarant. Ce dernier receveur devra en accuser, sans délai, la réception.
« Dans aucun cas, le droit de patente ne pourra être porté dans un autre rôle que celui de la commune où réside le déclarant.
« Le droit sera établi au prorata des mois qui resteront à s’écouler de l’année, y compris celui dans lequel on fera usage du navire ou bateau, sans distinction si le déclarant a déjà été patenté l’année précédente, ou s’il commence seulement à exercer.
« L’usage du navire ou bateau se détermine par le fait de la prise en charge et le transport de toute espèce d’objets et marchandises. »
« Art. 6. Les navires et bateaux qui auront été imposés au droit de 45 centimes par tonneau pour le transport des objets désignés à l’article 4, § 1, ne pourront être employés à aucun autre usage qui les rendrait passibles du droit de 75 centimes par tonneau, qu’après que la déclaration en aura été faite au bureau du receveur. Il sera dû, de ce chef, un droit supplémentaire de 50 centimes par tonneau, dont le montant sera réglé au prorata des mois qui resteront à s’écouler de l’année, y compris celui dans lequel la déclaration sera faite. »
« Art. 7. Pour les bateaux, bacs et embarcations désignés à l’article 3 et sous le n° 3° de l’art. 4, la déclaration de patente devra être faite, dans les dix premiers jours du mois de janvier, au receveur de la commune sur le territoire de laquelle se trouve situé le passage, ou au receveur de l’une ou l’autre des deux communes auxquelles le passage aboutit. Si le déclarant réside dans l’une de ces deux communes, la déclaration sera faite au receveur de la commune de sa résidence. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 8. Pour les navires et bateaux employés à des exportations et importations, le droit de patente est fixé à raison de 45 c. par tonneau et par voyage.
« L’exportation suivie d’importation ne donne lieu qu’au seul droit de 15 centimes.
« La déclaration de patente sera faite au receveur de la commune où s’effectuera le chargement du bâtiment. Le droit de patente, qui sera payé immédiatement, sera porté au rôle de cette commune.
« Dans le cas de départ sans chargement, la déclaration de patente sera faite au receveur de la commune où le bâtiment se trouvera stationné au moment de son départ. Le droit de patente sera également payé immédiatement, et porté au rôle de cette commune.
« Le droit ne sera pas dû pour plus de trois voyages pendant la même année, lorsqu’il ne sera fait usage des navires ou bateaux que pour l’exportation de charbons de terre, chaux, fontes de fer, fer en barres, et pierres et marbres de toute espèce.
« Dans aucun cas, il ne sera dû pour plus de cinq voyages pendant la même année. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 9. Les bateliers qui n’ont que leurs bateaux pour demeure, feront leur déclaration de patente, lors du premier chargement de leurs bateaux, au receveur de la commune où ce premier chargement s’effectuera.
« Le droit de patente sera réglé d’après l’art. 4, n° 1° ou 2°, au prorata des mois qui resteront à s’écouler de l’année, y compris celui dans lequel le premier chargement aura lieu. Il sera payé en même temps que la déclaration de patente sera faite.
« Les dispositions de l’art. 8 sont applicables aux bateliers qui n’ont pour demeure que leurs bateaux, dans le cas où ils en feraient usage pour effectuer des exportations et importations. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 10. Les navires et bateaux pour lesquels le droit aura été réglé d’après l’art, 4, n°2, ne seront point passibles du droit fixé par l’art. 8, dans le cas où ils viendraient à être employés pendant la même année pour effectuer des exportations et importations. »
« Art. 11. Les navires et bateaux pour lesquels le droit aura été réglé d’après l’art. 4, n°1, ne seront également point passibles, dans le cas précité , du droit fixé par l’art 8 s’ils ne sont employés, pendant la même année, que pour effectuer des exportations de charbons de terre, chaux, fontes de fer, fer en barres et pierres et marbres de toute espèce. Dans le cas contraire, ils seront soumis à ce droit pour les quatrième et cinquième voyages. »
« Art. 12. Les navires et bateaux qui, après avoir été soumis au droit de patente d’après l’art. 8, seraient employés dans la même année pour effectuer des transports d’un endroit à l’autre à l’intérieur du royaume, seront passibles du droit de patente d’après l’art. 4, n. 1 et 2, et l’art. 5, pour les mois qui resteront à s’écouler de l’année, à partir de celui dans lesquels ils feront usage de leurs bateaux pour effectuer des transports à l’intérieur.
« Dans le cas d’application de cette disposition aux bateliers qui, n’ayant que leurs bateaux pour demeure, auraient été patentés d’après le dernier alinéa de l’art. 9, les autres dispositions du même article concernant la déclaration de patente et le payement du droit, seront observées à l’égard de ces bateliers. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 13. Il sera dû un droit de soixante-dix centimes par tonneau et par voyage pour les navires et bateaux étrangers entrant dans le royaume par les eaux du côté des frontières de terre.
« L’importation suivie d’exportation ne donne lieu qu’au seul droit de 70 centimes par tonneau.
« La déclaration de patente, à l’importation, sera faite au receveur de la première commune à l’entrée du royaume.
« Dans le cas d’entrée à vide et d’exportation seulement, la déclaration sera faite au receveur de la commune où s’effectuera le chargement du bâtiment.
« Le droit de patente qui sera payé immédiatement, sera porté au rôle de la commune où la déclaration aura été faite.
« Le droit ne sera pas dû pour plus de trois voyages pendant la même année. »
« Art. 14. Le droit, fixé par l’article précédent à 70 centimes par tonneau et par voyage, est réduit à 15 centimes par tonneau et par voyage pour les navires et bateaux étrangers assimilés aux navires et bateaux belges.
« Sont considérés comme assimilés aux navires et bateaux belges, les navires et bateaux appartenant à des habitants de pays étrangers où les navires et bateaux belges sont admis à naviguer sur les eaux intérieures sans autres charges que celles imposées aux indigènes.
« On se conformera, en ce qui concerne les déclarations et le payement du droit de 15 centimes, aux dispositions de l’art. 13 ci-dessus.
« Le droit de 15 centimes par tonneau ne sera pas dû pour plus de trois voyages pendant la même année, lorsqu’il ne sera fait usage des navires ou bateaux étrangers assimilés aux navires ou bateaux belges, que pour l’exportation de charbons de terre, chaux, fontes de fer, fer en barres et pierres et marbres de toute espèce.
« Dans aucun cas, il ne sera dû pour plus de cinq voyages pendant la même année. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 15. Les navires et bateaux étrangers employés à la navigation intérieure pour effectuer des transports d’un endroit à l’autre du royaume, seront soumis au droit de 4 fr. 20 c.par tonneau pour l’année entière.
« La déclaration de patente sera faite au receveur de la commune où s’effectuera le premier chargement, et le droit, qui sera porté au rôle de cette commune, sera établi au prorata des mois qui resteront à s’écouler de l’année, y compris celui dans lequel le premier chargement aura lieu. Le montant de ce droit sera payé au moment de la déclaration. »
« Art. 16. Le droit fixé par l’article précédent à 4 fr. 20 c. par tonneau pour l’année entière, est réduit à 15 centimes pour les navires et bateaux étrangers assimilés aux navires et bateaux belges.
« Sont considérés comme assimilés aux navires et bateaux belges, les navires et bateaux exclusivement employés à des transports de charbons de terre, et qui appartiennent à des habitants de pays étrangers où les navires et bateaux belges sont admis à naviguer sur les eaux intérieures, sans autres charges que celles imposées aux indigènes. »
« On se conformera, en ce qui concerne la déclaration et le règlement et le payement du droit de 45 centimes, aux dispositions de l’art. 15 ci-dessus.
« Toutefois les bateliers étrangers qui fourniront la preuve d’un domicile réel dans le royaume, seront admis à payer le droit de patente par mois, à l’expiration de chacun des mois pour lesquels la cotisation sera établie. La preuve du domicile réel s‘établira par la production des pièces constatant la cotisation à la contribution personnelle, ou l’occupation d’une maison ou partie de maison garnie de meubles appartenant au batelier. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 17. Les navires et bateaux étrangers ayant été soumis au droit de patente d’après la sixième section, art. 15, ne seront point passibles du droit fixé pour la cinquième section, art. 13, dans le cas où, après avoir été employés pour effectuer des transports d’un endroit à l’autre à l’intérieur du royaume, il en serait fait usage pendant la même année pour effectuer des exportations et importations. »
« Art. 18. Les navires et bateaux étrangers qui auront été soumis au droit de patente d’après la sixième section, art. 46, ne seront également point passibles, dans le cas précité, du droit fixé pour la cinquième section, art. 14, s’ils ne sont employés que pour effectuer des exportations de charbons de terres, chaux, foutes de fer, fer en barres et pierres et marbres de toute espèce. Dans le cas contraire, ils seront soumis à ce droit pour les quatrième et cinquième voyages. »
« Art. 19. Les navires et bateaux étrangers qui, après avoir été soumis au droit fixé pour la cinquième section, art. 13 ou 14, seraient employés pendant la même année pour effectuer des transports d’un endroit à l’autre à l’intérieur du royaume, seront passibles du droit fixé pour la sixième section, art. 15 ou 16, au prorata des mois qui resteront à s’écouler de l’année, à partir de celui dans lequel aura lieu le premier chargement. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 20. Le gouvernement pourra réduire les droits, fixés à 70 centimes par tonneau et par voyage (cinquième section), et à fr. 4 240 c. par tonneau pour l’année entière (sixième section), dans telle proportion que les intérêts du pays pourront l’exiger par rapport aux exportations des produits indigènes, ou qui sera reconnu équitable comme mesure de réciprocité. »
« Art. 21. Sont exempts du droit de patente, les propriétaires, bateliers ou commandants :
« 1° Des yachts et autres bâtiments appartenant aux départements d’administration générale ;
« 2° Des bateaux dont le port ne s’élève pas à quatre tonneaux ;
« 3° Des bateaux servant exclusivement au transport des productions de la campagne et des engrais, qui s’effectue des habitations, enclos et granges des cultivateurs vers leurs champs, et en sens inverse de leurs champs vers leurs habitations, enclos et granges ;
« 4° Des navires, bateaux et embarcations servant au transport des matières premières vers la fabrique ou l’usine ;
« 5° Des bateaux et des embarcations à l’usage des fabriques et manufactures servant au lavage et à l’apprêt des objets qu’on y fabrique ;
« 6° Des bateaux et embarcations servant exclusivement pour lavage du linge ;
« 7° Des bateaux-dragueurs, cure-môles, bateaux et canots destinés au service des moulins ;
« 8° Des navires et bateaux exclusivement employés à la pêche du poisson de mer, y compris la pêche des plies, des éperlans, des huîtres, des chevrettes et des moules ;
« 9° Des bateaux des portiers et employés à l’entrée des ports et autres semblables en emploi fixe et appartenant à des villes, villages, administrations de digues ou de polders, ou autres administrations d’ouvrages hydrauliques ;
« 10’ Des bateaux à l’usage des pompes à feu ;
« 11° Des bateaux qui ne servent qu’à porter des secours de détresse ou de naufrage ;
« 12° Des bateaux et embarcations qui, pendant l’été, sont tenus dans des eaux non navigables, pour servir en cas de rupture de digues ou de débordement des rivières, sans être employés dans d’autres occasions, et pareillement de ceux qui sont tenus pour le même usage dans des eaux navigables, lorsqu’ils appartiennent à des autorités publiques ;
«13° Des bateaux dont sont formés les ponts de bateaux stationnaires ;
« 14° Des bateaux, bacs et autres embarcations dont on se sert en remplacement d’un pont fixe ou d’un pont volant, lors de charriage de glaces, ou lorsque ceux-ci ne peuvent pas servir pour cause de réparations ou autres ;
« 15° Des navires qui viennent de la mer et qui naviguent d’Ostende à Bruges, de Terneuzen à Gand, d’Anvers à Bruxelles, et d’Anvers à Louvain, pour effectuer le déchargement à Bruges, Gand , Bruxelles et Louvain, des marchandises importées ; et qui naviguent de Bruges à Ostende, de Gand à Terneuzen, de Bruxelles à Anvers et de Louvain à Anvers, pour exporter par mer les marchandises qu’ils ont prises en charge dans les susdites villes de Bruges, Gand, Bruxelles et Louvain ;
« 16° Des navires et bateaux qui ne font que traverser le royaume, sans y charger ni décharger aucune marchandise. »
« Art. 22. Pour que les propriétaires, bateliers ou commandants des navires, bateaux et embarcations désignés sous les n. 2°, 4° et 8° de l’article qui précède, puissent justifier au besoin, de l’exemption dont ils jouissent, il leur sera délivré, sans frais, sur leur demande, un acte d’exemption de patente renfermant les indications nécessaires pour constater l’identité du bâtiment et celle du porteur de l’acte. »
« Art. 23. Tout abus d’exemption sera considéré comme fraude du droit de patente et puni comme tel, conformément à l’art. 39. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 24, Les propriétaires, bateliers ou commandants dont les navires ou bateaux sont déjà mesurés et marqués, présenteront les pièces constatant la nature, la destination et la capacité de leurs bâtiments, lors de leur déclaration de patente.
« Les autres propriétaires bateliers ou commandants, devront désigner la nature, la destination et la capacité de leurs navires ou bateaux.
« La vérification de la capacité déclarée ne pourra retarder la délivrance de la patente, qui sera rédigée conformément à la déclaration. »
« Art. 25. Les propriétaires, bateliers ou commandants des navires ou bateaux non mesurés ni marqués, pourront se libérer de toute responsabilité à l’égard de la capacité, en les soumettant au jaugeage de l’employé de l’administration dûment commissionné à cet effet.
« Dans le cas où cet employé n’aurait pas sa résidence dans la commune où le navire ou bateau se trouve, le propriétaire, batelier ou commandant devra supporter, outre les frais ordinaires de mesurage et d’apposition des marques, les frais de voyage du jaugeur, ou se rendre avec le bâtiment au lieu de la résidence de ce dernier. »
« Art. 26. Le certificat de jaugeage à délivrer par ledit employé contiendra, outre sa signature, la date du mesurage et de la délivrance, la description nécessaire pour pouvoir reconnaître le bâtiment, ainsi que la désignation de la longueur, de la largueur et du nombre de tonneaux qu’il jauge. »
« Art. 27. Aucun certificat de jaugeage ne sera délivré qu’autant que le jaugeur aura apposé sur le navire ou bateau l’empreinte des marques ci-après, savoir
1° Le chiffre de l’année ;
2° La marque particulière du jaugeur ;
3° Le nombre de tonneaux. »
« Art. 28. Le navire ou bateau ayant les marques préindiquées, ne sera sujet à aucune vérification ultérieure par le jaugeur de l’administration pour en constater la capacité. Le contrôleur des jaugeurs pourra, seul, effectuer cette vérification. Il consignera sur la patente et sur le certificat de jaugeage le résultat de son opération.
« Cette disposition n’exclut pas l’obligation de représenter aux employés le certificat de jaugeage et la patente pour constater l’identité et l’usage que l’on fait du bâtiment. »
« Art. 29. Le navire ou bateau non muni des marques, sera assujetti, tant en voyage qu’au lieu où il se trouvera stationné, à la vérification et à la capacité déclarée, afin de s’assurer de l’exactitude de cette déclaration.
« Cette vérification ne pourra être faite que par l’employé jaugeur, dûment commissionné à cet effet et assermenté. »
- Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art. 30. Les propriétaires, bateliers ou commandants, demanderont une patente particulière pour chaque navire ou bateau. »
« Art. 31. La patente sera délivrée par l’administration communale, sur la production d’un duplicata de la déclaration certifiée par le receveur, et de la quittance de payement du droit de patente, lorsqu’il doit être payé au moment de la déclaration
« D’un duplicata de la déclaration certifiée conforme par le receveur, et de la quittance de payement des termes échus, lorsque la patente n’est levée qu’après l’expiration du mois à partir duquel le droit aura été établi ;
« Ou seulement d’un duplicata de la déclaration, certifié conforme par le receveur, lorsqu’aucun terme de payement du droit n’est encore échu.
« La patente devra contenir une description claire et précise du bâtiment, afin de pouvoir confronter rune avec l’autre et prouver leur identité. »
« Art. 32. La patente devra toujours se trouver à bord, pour pouvoir être produite par le contribuable lorsqu’il en est requis, et afin que les employés de l’administration puissent rapprocher la patente du navire ou du bateau.
« La vérification des documents et de la capacité devra avoir lieu en tout temps, après le lever et avant le coucher du soleil ; elle ne pourra jamais empêcher de continuer le voyage ni entraîner l’obligation de décharger ou d’interrompre un chargement commencé. »
« Art. 33. En cas de vente ou cession pour le même usage ou emploi, la patente sera transcrite au nom du nouveau contribuable, et le paiement des termes non acquittés aura lieu sur le même pied.
« Si le nouveau contribuable a une autre résidence, les termes non acquittés devront être payés en une seule fois, avant la transcription de la patente. »
« Art. 34. La vente ou cession d’un navire ou bateau ayant été soumis au droit de patente de 45 centimes par tonneau, et qui serait destiné à un usage ou emploi qui le rendrait passible du droit de 75 centimes par tonneau , donnera lieu à un droit supplémentaire dont le montant sera déterminé ainsi qu’il est dit à l’art 6. »
« Art. 35. Eu cas de décès, les héritiers qui continuent les affaires du défunt ne sont point tenus de se munir de ce chef d’une nouvelle patente pendant l’année du décès mais ils devront en faire la déclaration à l’effet d’obtenir la transcription de la patente.
« Cette transcription s’opérera en biffant sur la patente le nom du défunt, et en y substituant celui de son successeur.
« Mention en sera faite au dos de la patente, et le chef de l’administration locale ou son délégué y apposera sa signature, ainsi que le nouveau titulaire. »
« Art. 36. Lorsque les héritiers ne continuent point les affaires du défunt, ils obtiendront un dégrèvement du droit de patente, pourvu que la demande, accompagnée de la patente qui devra être annulée, en soit faite endéans tes trois mois à partir du décès. Le droit sera dû jusqu’à la fin du mois dans lequel la demande en dégrèvement sera faite. »
« Art. 37. Il sera, d’ailleurs, accordé remise ou restitution du droit de patente pour les termes à échoir, dans les cas de perte, de démolition ou de mauvais état du navire ou bateau, qui empêcherait d’en faire usage. La patente, qui devra également être annulée, sera jointe à la demande du dégrèvement ou de la restitution. »
« Art. 38. Le soin de veiller à ce qu’aucun patentable n’élude les obligations qui lui sont imposées par la présente loi, est particulièrement confié aux agents de tous grades de l’administration des contributions directes, douanes et accises, qui sont tenus de constater, par un rapport ou procès-verbal dressé sous la foi du serment qu’ils ont prêté en leur qualité respective, toutes infractions à la présente loi qui parviendraient à leur connaissance. Ils seront tenus d’appeler le jaugeur de leur ressort, quand il s’agira de vérifier la capacité des navires ou bateaux, en conformité de l’article 29.
« Tous les autres fonctionnaires ou employés assermentés de l’Etat ou des communes sont autorisés à dénoncer les infractions et à en dresser acte ou procès-verbal, ainsi qu’il est dit ci-dessus.
La chambre passe à l’art. 39, ainsi conçu :
Art. 39. Le propriétaire, batelier ou commandant dont le navire, le bateau ou l’embarcation sera trouvé avoir une capacité plus grande que celle qu’il aura déclarée, ou qui, d’une manière quelconque, sera reconnu avoir fraudé tout ou partie du droit de patente, sera tenu de payer le droit ou le supplément en une seule fois au receveur de la commune ou la contravention sera constatée. Le supplément sera liquide sur toute l’année ou la partie de l’année pour laquelle la patente aura été délivrée. Il sera fait mention sur la patente de ce supplément. Indépendamment du droit ou du supplément du droit de patente, le propriétaire, le batelier ou commandant encourra l’amende déterminée par l’art 37 de la loi du 21 mai 1819 sur le droit de patente. »
M. le ministre des finances (M. Smits) - Il est à désirer qu’il ne soit pas fait mention de la loi du 21 mai 1819, parce que le gouvernement se propose de présenter un projet de loi générale sur les patentes. Je propose donc de remplacer les mots « encourra l’amende, etc. » par ceux-ci « sera puni d’une amende de 50 à 800 francs. »
- L’article est adopté avec cette modification.
La chambre passe à l’art. 40, ainsi conçu :
« Art. 40. Les dispositions contenues sous les lettres M. et N de l’article 3 de la loi sur les patentes du 21 mai 1819, et l’art. 3 de la loi du 28 décembre 1834, sont abroges.
« Sont également abrogées toutes autres dispositions contraires à la présente loi, qui sera obligatoire à partir du 1er janvier 1842. »
M. Sigart, rapporteur. - Il est indispensable de changer cette date. Je demanderai à M. Le ministre des finances si l’on pourrait rendre la loi obligatoire à dater du 1er juillet prochain.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Les difficultés d’exécution seraient très grandes. Je crois qu’il faut mettre la date du 1er janvier 1843.
M. Dolez. - Je ne sais ce que peuvent être des difficultés d’administration. Mais je ferai remarquer à la chambre et à M. le ministre qu’il y a urgence très grande à mettre la loi en vigueur. Voici pourquoi. Les exploitants des houillères du couchant de Mons, manquent de bateaux pour expédier les commandes qui leur sont faites, à cause de l’exorbitance du droit de patente. Si donc M. le ministre des finances pouvait trouver moyen de mettre la loi à exécution à dater du 1er juillet prochain, il rendrait a l’industrie charbonnière un service signalé.
M. le ministre des finances (M. Smits) - J’ai cherché à lui rendre ce service. J’ai consulté les chefs d’administration ; tous m’ont dit qu’il était impossible de mettre la loi à exécution avant le 1er janvier prochain.
- L’art. est adopté avec la date du 1er janvier 1843.
Les articles 41 et 4 sont adoptés en ces termes
.« Art. 41. Les navires et bateaux indigènes, employésàâ des exportations et importations, et qui seraient sortis du royaume avant le 1er janvier 1843, seront passibles, à leur rentrée, de la moitié du droit fixé par l’art. 8 à 15 c. par tonneau et par voyage. La déclaration sera faite au receveur de la première commune à l’entrée du royaume, et le montant du droit de patente, qui sera par conséquent réglé à raison de 7 1/2 c. par tonneau, sera payé immédiatement et porté au rôle de cette commune.
« Art. 42. Les navires et bateaux étrangers entrés dans le royaume avant le 1er janvier 1843, avec une patente dont le droit aurait été réglé pour tout ou partie de l’année 1842, seront passibles, à leur sortie, de la moitié du droit fixé par l’art. 13, ou de la moitié du droit réduit par l’art. 14, en cas d’assimilation aux navires et bateaux belges. La déclaration de patente sera faite au receveur de la commune où s’effectuera le chargement du bâtiment, et le droit de patente, qui sera par conséquent réglé à raison de 35 ou de 7 1/2 c. par tonneau, sera payé immédiatement et porté au rôle de ladite commune.
M. de La Coste. - Par suite de l’amendement de M. Delfosse il y aura plusieurs changements à introduire dans le projet de loi, et notamment dans les articles 9, 12, 15 et 16.
M. le président. - La chambre fera au deuxième vote les changements de rédaction qui sont la conséquence de l’amendement de M. Delfosse.
- La chambre fixe à vendredi le vote définitif du projet de loi.
Il est donné lecture d’une dépêche de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) accompagnant l’envoi des pièces relatives à l’élection de M. Vanden Eynde, représentant élu par le collège électoral du district de Louvain. La commission désignée par la voie du sort pour vérifier ses pouvoirs se compose de MM. Rogier, Huveners, Vanderbelen, Jonet, Zoude et de Man d’Attenrode.
M. le président. - Le bureau a nommé pour composer la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif aux lettres de mer, MM. Cools, de Foere, Donny, Osy et Rogier.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) dépose des amendements au projet de loi relatif aux renouvellements hypothécaires.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces amendements, et, sur la proposition de M. de Behr, les renvoie à la commission chargée de l’examen du projet de loi.
- La séance est levée à 4 heures et demie.