(Moniteur belge n°121, du 1er mai 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse analyse les pièces de la correspondance.
« Le sieur Auguste-Simon Champion de Villeneuve, né et demeurant à Bruxelles, demande la grande naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Quelques fabricants de sucre indigène présentent des observations concernant le projet de loi sur les sucres. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur les sucres.
« Les secrétaires communaux du canton d'Arendonck demandent que des dispositions de nature à améliorer le sort des secrétaires communaux soient introduites dans le projet de loi portant des modifications à la loi communale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
Par dépêche en date de ce jour, M. le ministre des finances (M. Smits) adressé à la chambre :
1° Les rapports de la commission d'agriculture de Liége et des chambres de commerce de Courtray et d'Ypres, concernant le projet de loi sur les sucres ;
2° Une note indiquant les faits propres à faire apprécier la position respective des fabricants et des raffineurs dans le système proposé par le gouvernement.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ces pièces.
M. Delfosse. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre des finances s'il n'est pas encore prêt à nous donner des explications sur la pétition des fabricants de vinaigre artificiel. M. le ministre nous a dit hier que les questions soulevées par cette pétition sont étrangères à la loi sur les distilleries. Je crois, au contraire, que ces questions ont un rapport direct avec le projet que nous discutons. Les fabricants de vinaigre artificiel ne se plaignent pas seulement de ce qu'on impose des vaisseaux qui, selon eux, ne devraient pas être imposés ; ils se plaignent aussi de ce qu'on ne leur restitue pas les droits perçus sur le genièvre qui leur sert de matière première.
Qu'allons-nous faire par la loi que nous discutons ? Nous allons augmenter les droits perçus sur le genièvre, c'est-à-dire aggraver encore le sort de cette industrie, qui se plaint, qui prétend qu'elle doit périr si on ne lui vient en aide. Vous voyez donc que la pétition a, sous ce point de vue, un rapport direct avec le projet en discussion, et surtout avec l'art. 2, par lequel on propose d'élever le taux du droit.
Je conçois que M. le ministre des finances ait besoin des renseignements qu'il a demandés pour se prononcer sur la partie de la pétition qui concerne le nombre de vaisseaux imposés. Mais il me paraît que M. le ministre pourrait nous dire, sans avoir reçu à cet égard aucune espèce de renseignements, s'il ne serait pas juste de restituer aux fabricants de vinaigre artificiel, déjà imposés en raison de la contenance de leurs vaisseaux, les droits ou tout au moins une bonne partie des droits perçus sur le genièvre qui leur sert de matière première. C'est là un point sur lequel il me semble désirable que M. le ministre des finances ne tarde pas à nous donner des éclaircissements.
D'après l’observation qui a été faite hier par l'honorable M. d'Huart, je ne m'opposerai plus à ce que l'art. 2 soit volé avant les explications, mais j'insiste pour qu'elles soient données avant le vote de la loi, parce qu'elles peuvent être de nature à influencer les déterminations de quelques membres de la chambre qui présenteraient, soit un amendement à l'art. 4, soit un article additionnel, s'il leur était démontré que M. le ministre des finances ne prendra pas l'initiative d'une mesure propre à faire cesser, (erratum du Moniteur belge du 3 mai 1842:) en ce qu'elles auraient de fondé, les plaintes de la branche d'industrie dont il s'agit.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, il s’agit de toute une question de législation à examiner. Les fabricants de vinaigre artificiel sont compris dans la nomenclature générale de la loi sur les bières et vinaigres ; ils sont assimilés, sauf la différence des classes, aux autres fabricants, et la loi ne les exemple pas plus que ceux-ci de l'impôt, bien que l'on sache parfaitement que quelques-uns fabriquent leurs vinaigres avec de l'eau-de-vie.
Je ne puis donc me prononcer à ce sujet ; si on exemptait aujourd'hui les fabriques de vinaigre artificiel qui emploient le genièvre comme matière première, il faudrait aussi examiner si les autres fabriques, qui travaillent avec des matières différentes, n'auraient pas droit également à une restitution.
Cette observation fera saisir à la chambre que la question n'est pas si facile à résoudre qu'on le croit.
Pour ce qui concerne certains vaisseaux qu'on imposerait alors, qu'ils ne devraient pas l'être, j'ai demandé des renseignements.
Dès qu'ils me seront parvenus, je m'empresserai d'en faire connaître le résultat à la chambre. Mais, quant à la restitution du droit, c'est une question, je le répète, qui demande d’être examinée et qui est étrangère au projet que nous discutons.
M. Rodenbach, - Je demande la parole.
M. le président. - Relativement à quoi ?
M. Rodenbach. – Sur la motion d'ordre.
M. le président. - L'honorable M. Delfosse a demandé des explications à M. le ministre des .finances ; M. le ministre a répondu. Je crois que la chambre doit maintenant passer à l'ordre du jour.
M. Delfosse. - La réponse de M. le ministre n'est pas satisfaisante.
M. le président. - Je vais consulter la chambre pour savoir si elle veut passer à l'ordre du jour.
- La chambre décide qu'elle passe à l'ordre du jour.
M. Mercier. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Messieurs, dans la séance d'hier je m'étais appliqué principalement à vous prouver qu'il y aurait, par suite de l'élévation du droit, une grande accélération dans le travail de la macération M. le ministre des finances a répondu aux observations que je vous avais soumises à ce sujet, et il a ajouté :
« L’honorable membre a craint aussi qu'il n'y eût moins de déclarations par suite d'une grande diminution dans la consommation. »
Je me suis permis d'interrompre M. le ministre en faisant remarquer que ce n'était pas là ce que j'avais dit, qu'au contraire c'était M. le ministre lui-même, qui dans l'exposé des motifs attribuait à la diminution de la consommation une réduction de produit d'environ 910,000 fr.
Dans le Moniteur, au contraire, on applique mon interruption à une phrase ainsi conçue :
« L'honorable membre a craint aussi que l'augmentation du droit n'apportât une grande diminution dans les déclarations. »
J'aurais répondu : « Ce n'est pas ce que j'ai dit. »
Ceci serait un contresens. Car c'était là, précisément, ce que j'avais dit et voulu prouver dans un assez long discours. Du reste je ne vois dans le fait que je signale qu'une erreur et non une intention quelconque. J'ai seulement voulu la faire remarquer, parce que, je le répète, mon interruption telle qu'elle est présentée serait un singulier contresens.
M. le ministre des finances (M. Smits) - J'ai demandé la parole pour déclarer que je suis complètement étranger à cette erreur.
M. Mercier. - Je n'en doute nullement.
M. le président. - Messieurs, dans la séance d'hier on a discuté l'art. 2 et les amendements qui s'y rapportent. A la fin de la séance la clôture a été réclamée ; mais après une discussion pour et contre la clôture, la chambre ne s'est plus trouvée en nombre. Je vais mettre la clôture aux voix.
M. Duvivier. - Je demande la parole.
M. le président. - Vous avez la parole contre la clôture.
M. Duvivier. - Je voudrais seulement prémunir la chambre contre la confiance qu'on a essayé de lui donner relativement à la fraude. On a dit que la fraude ne se pratiquait plus et qu'elle ne se pratiquerait plus. J'ai à vous donner des renseignements positifs qui vous prouveront que l'on est sur ce point dans une erreur complète.
- La clôture est mise aux voix ; elle est adoptée.
M. le président. - Les amendements proposés à l'art. 2 se rapportent au chiffre. La section centrale propose le chiffre de 80 centimes, en principal. M. le ministre des finances propose le chiffre de 1 franc, mais pour tout impôt, en supprimant les centimes additionnels ; de manière que si ce chiffre était adopté, il y aurait lieu à intercaler entre les 2 paragraphes de l'article un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Les centimes additionnels perçus au profit de l'Etat sont supprimés. »
Le chiffre du gouvernement étant le plus élevé, je le mets d'abord aux voix.
- Plusieurs membrés réclament l'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 1 franc proposé par le gouvernement. Voici le résultat du vote.
53 membres prennent part au vote.
28 répondent non.
25 répondent oui.
Le chiffre d'un franc n'est pas adopté.
Ont voté contre : MM. Coghen, de Florisone, Delehaye. Delfosse, de Renesse, Desmet, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dumont, Duvivier, Hye-Hoys, Jonet, Kervyn, Lange, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Morel-Danheel, Rodenbach, Trentesaux, van Cutsem, Vandenbossche, Vanderbelen, Verhaegen et Zoude.
Ont voté pour : MM. Brabant, de La Coste, Cools, de Baillet, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Doignon, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Henot, Mast de Vries, Nothomb, Peeters, Raikem, Scheyven, Simons, Smits, Van Volxem.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix la proposition de la section centrale, qui tend à fixer le crédit à 80 centimes en principal.
Plusieurs membres. - L'appel nominal.
- La proposition de la section centrale est mise aux voix par appel nominal.
54 membres prennent part au vote.
41 membres adoptent.
13 rejettent.
En conséquence la proposition est adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Brabant, de La Coste, Cools, de Baillet, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, De Man d'Attenrode, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Doignon, Eloy de Burdinne, Henot, Jonet, Kervyn, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Raikem, Scheyven, Simons, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vanderbelen, Van Volxem, Zoude et Dubus (aîné).
Ont voté le rejet : MM. Coghen, de Renesse, Desmet, de Villegas, Dumont, Duvivier, Hye-Hoys, Lange, Mercier, Rodenbach, Sigart, Vandenbossche et Verhaegen.
L'art. 2, tel qu'il est modifié par l'amendement qui vient d'être voté, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 3 § 1er La mise en macération, la fermentation et la distillation des fruits à pépins et à noyaux, sans mélange d'autres matières produisant de l'alcool, donnent lieu au paiement de l'accise, jusqu'à concurrence de 40 p. c. de sa quotité.
« § 2. L'accise sera calculée sur les quantités de matières macérées ou fermentées, évaluées d'après la capacité brute des vaisseaux employés. Toutefois, si la contenance brute des alambics, multipliée par le nombre des bouillées déclarées, présente une quantité supérieure à celle des matières macérées ou fermentées, la prise en charge sera augmentée de la différence en plus.
« § 3. Le gouvernement règlera le mode de déclaration à faire, ainsi que les mesures de surveillance et de vérification nécessaires pour assurer la perception de l'impôt. »
M. le président. - La section centrale propose de remplacer le chiffre de 40 p. c. par celui de 20 centimes.
M. Mast de Vries. - M. le ministre des finances avait proposé 40 p. c. lorsqu'il demandait un droit de un franc ; or en tenant compte des additionnels, cela aurait fait 43 centimes et 1/2.
La section centrale propose le chiffre de 20 centimes ; il y a là une différence immense.
M. Zoude, rapporteur. - M. le ministre avait proposé, messieurs, d'élever le droit de 60 centimes à un franc, c'est-à-dire de l’augmenter de 40 centimes ; il a proposé le chiffre de 40 p. c. à l'art. 3, c'est-à-dire, encore 40 centimes ; la section centrale, au contraire, n'a voulu augmenter le droit que de 20 centimes et elle n'a voulu non plus imposer les objets dont il s'agit dans l'article en discussion, que de 20 centimes ; il était du reste dans son intention que ces 20 centimes fussent augmentés par les additionnels aussi bien que le droit de 80 centimes qu'elle a proposé à l'art. 2.
M. le président. - Ainsi il faudrait dire : 20 c. en principal.
Plusieurs membres. - Oui.
M. Mercier. - Je crois qu'il vaut mieux maintenir la rédaction primitive, sauf à porter le chiffre à 20 p : c.
M. Zoude, rapporteur. - Je crois qu'il serait plus conforme au principe qui a fait proposer l'article, de mettre 20 c.
M. Mast de Vries. - Je pense qu'il faut mettre 20 c. en principal, car plus tard on reviendra encore sur la loi des distilleries, et si l'on fixe un chiffre sans additionnels, il faudra alors revenir également sur ce chiffre.
M. le président. - Ainsi, M. Mast de Vries propose de dire : « Jusqu'à concurrence de 20 centimes en principal. »
M. Mast de Vries. - Oui, M. le président.
- La proposition de M. Mast de Vries est mise aux voix et adoptée.
L'art. 3, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Les distillateurs-rectificateurs, c'est-à-dire ceux qui n'opèrent pas sur des matières premières, et dont les travaux consistent uniquement à rectifier soit des flegmes, soit de l'alcool, sont exemptés de tout droit. Ils sont toutefois assujettis aux formalités établies par les articles 6, 8, 9, 10, 12, 13, 14 et 15. »
M. le président. - La section centrale propose l'adoption de cet article.
- Il est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. § 1er. Il est accordé aux distillateurs une déduction de 15 p. c. sur la quotité du droit, quand :
« a. Ils n'emploient et n'ont qu'un seul alambic d'une capacité inférieure à 5 hectolitres et servant alternativement à la distillation et à la rectification ;
« b. Ils nourrissent, dans l'enclos même de la distillerie et pendant toute la durée des travaux ; une tète de gros bétail (les chevaux non compris), par chaque hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l'impôt ;
« c. Ils cultivent par eux-mêmes, dans la distance de 5 kilomètres au plus de l'usine, un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de la contenance des vaisseaux imposés.
« § 2. L'obtention de cette déduction, dont ne peuvent jouir les distillateurs désignés à l'art. 3 , est subordonnée à l'accomplissement des trois conditions indiquées ci-dessus.
« § 3. Les distillateurs qui établissent ou laissent établir plus d'une distillerie dans un même bâtiment ou enclos, n'ont pas droit à la déduction de 15 p. c. »
M. le président. - La section centrale propose l'adoption de cet article.
MM. Mast de Vries, Scheyven et Duvivier ont proposé l'amendement suivant :
« § 1. Il est accordé aux distillateurs dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ne dépassent pas la capacité de 20 hectolitres, une déduction de 20 p. c. sur la quotité du droit, et une déduction de 10 p. c. à ceux dont ces vaisseaux ont une capacité de plus de 20 hectolitres, et moindre de 35.
« § 2. Les distillateurs désignés à l'art. 3, et ceux qui établissent ou laissent établir plus d'une distillerie dans un même bâtiment ou enclos n'auront droit à aucune déduction. »
M. Eloy de Burdinne a proposé d'ajouter à la suite du 1er § de l'amendement la phrase suivante :
« La déduction sera de 30 p. c., et de 15 p. c. si le distillateur est un cultivateur exploitant au moins deux hectares de terre, par chaque hectolitre de contenance des vaisseaux énumérés à l'article 1er. »
La discussion est ouverte sur ces diverses propositions.
M. Mast de Vries. - Messieurs, l'amendement que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre, conjointement avec deux honorables collègues, tend à favoriser les petites distilleries agricoles, ou plus exactement à donner un peu de vie à ces établissements. Il suffit en effet de jeter les yeux sur quelques chiffres, pour être convaincu de la position déplorable où se trouvent les distilleries agricoles.
Chacun de vous, messieurs, apprécie la grande importance des distilleries de cette catégorie ; elles sont les seules qui soient utiles à l'agriculture ; on y engraisse une grande quantité de bétail, et elles fournissent un excellent engrais pour la fertilisation des terres. Ce sont donc ces petites distilleries que l'on doit désirer de voir se propager.
La chambre a reconnu la vérité de ce que j'avance, en accordant un avantage aux distilleries agricoles dans la loi de 1842 ; mais les conditions auxquelles ou a subordonné la jouissance de cette faveur sont telles qu'aucune distillerie n'a pu en profiter ; les charges qu'on leur a imposées excèdent de beaucoup les avantages que la loi a entendu leur accorder.
On a déjà cité dans cette enceinte des faits qui justifient mon assertion. Ainsi l'honorable M. de Nef a dit qu'à Turnhout les distilleries agricoles ont cessé leurs travaux. Il en est de même presque partout. Dans ma localité, il n'y en a plus que trois en activité, et ces trois distilleries ne pourront plus continuer à exister bien que longtemps.
Je vais présenter quelques chiffres qui prouveront combien les dispositions qu'on a prises en 1841, dans le but de favoriser les petites distilleries agricoles, leur sont au contraire peu favorables.
Dans les deux premiers mois de 1841, il existait encore 503 distilleries agricoles qui ont déclaré 590,000 hectolitres de macération ; et dans les deux premiers mois de 1842, alors qu'on était convaincu que l'impôt allait être augmenté, alors que les distilleries se trouvaient dans la position la plus avantageuse, le nombre des distilleries agricoles est descendu à 485, et l'on a déclaré seulement 474,515 hectolitres. La diminution, en ce qui concerne les distilleries agricoles, a donc été de 25 p. c. et plus.
Ces chiffres prouvent que les distilleries agricoles, avec les entraves dont on a entouré la faveur qu'on a voulu leur accorder, ne peuvent pas marcher. Ces conditions sont réellement inexécutables.
Quant à ce qui regarde les grandes distilleries, les déclarations ont suivi une progression à sens contraire. Les déclarations se sont élevées à 1,700,000 hectolitres, et on les évalue déjà à 1,900,000 hectolitres pour l'exercice actuel.
- L'amendement est appuyé.
M. le président. - La parole est à M. Eloy de Burdinne pour appuyer son sous-amendement.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j'ai peu de choses à ajouter à mon discours proféré dans une séance précédente pour appuyer mon amendement. D'après ce que j'ai dit sur les distilleries agricoles, la chambre a pu apprécier la position fâcheuse dans laquelle elles se trouvent vis-à-vis de la loi en discussion.
Nous ne pouvons nous le dissimuler, si nous n'accordons pas une protection réelle et efficace aux distilleries agricoles, elles sont toutes anéanties.
Ayant suivi la discussion avec beaucoup d'attention, j'ai reconnu que tous les orateurs qui ont pris la parole pour appuyer leur opinion, vous ont dit qu'ils parlaient dans l'intérêt de l'agriculture.
Tous, nous sommes animés d'un beau zèle pour l'agriculture, au moins en paroles, nous verrons si nos actes répondront à ce grand intérêt que nous disons porter à cette industrie.
Je me suis aperçu par quelques discours que l'agriculture était peu intéressée dans les protections réclamées en faveur des distilleries nommées agricoles, que moi je considère comme industrielles, appartenant, il est vrai, à la 2e classe. Je ne crois pas avec notre honorable collègue M. Mast de Vries, que les distilleries, au nombre de 50, situées à Termonde, puissent être qualifiées de distilleries agricoles. Non, messieurs, ces 50 distilleries établies dans une ville doivent être considérées comme industrielles, mais comme elles sont d'une petite dimension, elles ont besoin, pour soutenir la concurrence avec les grandes distilleries à vapeur, de la protection réclamée par MM. Mast de Vries et collègues à l’art. 5. Si je suis d'accord avec les auteurs de l'amendement à l'art. 5, sous un rapport, je ne puis l'être sous un autre.
Je ne partage pas leur opinion, que toutes les distilleries situées dans les villes de 2e et 3e rang doivent être considérées comme agricoles, par le seul motif que leurs résidus sont livrés à des cultivateurs qui nourrissent du bétail et font du fumier pour engraisser les terres.
Si le distillateur ne cultive pas pour lui-même sa distillerie, il ne peut être considéré comme agricole.
Afin de rendre à chacun ce qui lui est dû, il me paraît qu'on devrait diviser les distilleries en trois classes.
La première comprendrait les distilleries à la vapeur ou grandes distilleries qui, d'après ce que nous a dit M. Mast de Vries, sont au nombre de 34. Font partie de la deuxième classe, les distilleries de moindre dimension, celles en un mot pour lesquelles on demande une déduction de 20 et 10 p. c.
A la troisième classe appartiennent les distilleries établies à la campagne, occupées par un agriculteur exploitant au moins deux hectares de terre, par chaque hectolitre de contenance des vaisseaux énumérés à l'art. 1er.
Je crois qu'on ne peut considérer comme distilleries agricoles celles qui appartiennent aux deux premières classes.
Les distilleries appartenant à la troisième classe sont et doivent être qualifiées agricoles, d'une utilité à l'agriculture, bien autrement que les distilleries qui figurent à la première et à la deuxième classe.
Si, comme le prétend l'honorable M. Mast de Vries les 50 distilleries de Termonde devaient être considérées appartenir à l'agriculture et désignées comme distilleries agricoles, vu qu'elles procurent de la nourriture au bétail, alors les 34 distilleries monstres ou grandes qui travaillent à la vapeur, à plus forte raison devraient-elles appartenir à l'agriculture par la raison que plus elles distillent de matières macérées et plus elles produisent de la nourriture au bétail tenu par les agriculteurs.
De manière que toutes les distilleries devraient être agricoles si on admet les raisonnements des auteurs de l'amendement à l'art. 5.
Je crois en avoir dit assez pour prouver que si on veut accorder une protection aux agriculteurs distillateurs, on doit adopter mon sous-amendement.
Je ferai une autre observation qui milite en faveur de mon opinion. Le principal avantage que retire l'agriculture des distilleries, c'est la bonne qualité du fumier que produit le bétail nourri avec le résidu des distilleries, et on conviendra que ce fumier est indispensable et produira un bien plus grand résultat dans les terres éloignées des villes là où on peut se procurer des engrais avec bien plus de facilité et à moindres frais que dans la Campine, dans le Luxembourg, et dans les communes rurales éloignées de 3 ou 4 lieues des villes de 20 à 30 mille âmes de population.
Et on ne me contestera pas que, pour faire produire les terres incultes des environs de Turnhout, de Hasselt, de Marche, de St-Hubert et de Bastogne, les fumiers provenant des distilleries donneront de bien plus grands résultats que les fumiers des 50 distilleries de Termonde, là où les terres sont dans un bon état de culture.
Je dirai plus, le résultat sera en amélioration des terres cinquante fois en plus ; en d’autres termes, une distillerie, dans les localités que je viens de nommer, fera en amélioration autant que les cinquante distilleries de Termonde, par le motif qu’en l'absence des distilleries à Termonde, on ne manquera pas d’engrais pour faire produire les terres, tandis que, dans la Campine et dans le Luxembourg, on n'obtient pas de récolte sans engrais et on sait que c'est ce qui manque dans ces localités.
Si vous voulez améliorer, ou plutôt si on veut faire produire des terres incultes, favorisez les distilleries là où on ne peut, sans des frais énormes, se procurer les engrais nécessaires. C'est bien dans l'intérêt de ces localités, je dirai plus, dans l'intérêt général du pays que j'ai proposé mon amendement.
Je suis heureux d'être à l'abri de suspicion de parler dans l'intérêt de mon clocher ou en faveur de mes commettants, il n'existe pas de bruyère dans l'arrondissement de Waremme que j'ai l'honneur de représenter.
En résumé, je prie la chambre de peser mûrement ma proposition qui, je l'espère, sera adoptée. En l’adoptant on donnera à l'agriculture la preuve qu'on s'intéresse réellement à sa prospérité et que cette protection sera autre chose que des fracas.
- Le sous-amendement est appuyé.
M. Henot. - Messieurs, la disposition de l’art. 5 qui nous occupe est l'une des plus importantes du projet de loi qui est soumis à nos délibérations, puisqu'elle a pour but de conserver les petites distilleries dont l'existence est réclamée par deux grands intérêts, l'agriculture et le trésor.
La nécessité de venir au secours de ces établissements ne peut plus faire question ; il a été reconnu que dès 1837 ils ne pouvaient lutter, sans protection spéciale, contre les distilleries montées sur une grande échelle ; on l'a reconnu de nouveau en 1841 et on est encore forcé à le reconnaître aujourd'hui, puisque leur position est loin de s être améliorée.
Nous disons que leur position ne s'est pas améliorée, et ce n'est pas sans motifs, puisque des faits graves viennent l'établir ; nous nous bornerons à en citer un ; les grandes distilleries ont importé à Malines, pendant le cours d’une année, si les renseignements que nous avons obtenus sont exacts, une plus forte quantité de genièvre que n'en ont produit toutes les distilleries réunies de cette ville ; ce fait à lui seul parle plus haut que tous les raisonnements.
Cette nécessité étant évidente, il ne peut et ne doit s'agir que d'aviser aux moyens de porter un remède efficace à cet état de choses qui menace de devenir de plus en plus fâcheux.
Accorder une déduction sur la quotité du droit est un moyen d’y parvenir, mais l’entourer en même temps de conditions d'aucune utilité réelle, et dont l'accomplissement est très difficile pour ne pas dire impossible, c'est la rendre illusoire.
Ce que nous venons d'avancer a été démontré non seulement dans cette enceinte, mais encore par différentes pétitions qui ont été adressées à la chambre, et s’il fallait une démonstration ultérieure, nous invoquerions l'expérience qui vient établir à la dernière évidence que la déduction telle qu'elle a été accordée jusqu'à ce jour, n'a eu aucun résultat ; les pièces émanées du ministère des finances et annexées au rapport de la section centrale nous en fournissent la preuve ; il en résulte entre autres, qu'il est difficile de classer les distillateurs en agricoles et non agricoles, parce qu'ils ne remplissent pas constamment, pendant la durée entière d'un exercice, les conditions exigées, car c'est dire, en d'autres termes, que ces conditions font manquer le but de la loi par la difficulté de leur accomplissement.
La nécessité de dégager la protection des conditions qui la paralysent étant évidente, et paraissant d'ailleurs reconnue, il devient inutile de la démontrer ultérieurement.
On a, à deux reprises, appelé l'attention de la chambre sur la diminution qui résultera pour le trésor de la faveur que réclament les petites distilleries, tandis que le trésor ne fera en réalité aucune perte ; il ne percevra pas, il est vrai, le montant de la déduction., mais si on ne conservait pas ces distilleries, au moyen de cette même déduction, on le priverait des sommes considérables qu'elles lui rapportent, de sorte qu'en définitive elle est non moins réclamée dans l'intérêt du trésor lui-même, que dans celui de ces usines.
L'honorable M. Zoude, rapporteur de la section centrale, a avancé que les distillateurs de Malines sont les seuls qui n'aient pas réclamé contre l'augmentation du droit ; nous ignorons s'ils sont les seuls, mais il est exact qu'ils n'ont pas fait de réclamation de ce chef ; il ne faut pas toutefois perdre de vue qu'ils ne l'ont fait que dans la persuasion d'obtenir une protection efficace contre les grandes distilleries ; « nous avons pleine confiance, ont-ils dit, en s'adressant à la chambre, et nous espérons que vous ne sacrifierez point l'existence des petites distilleries à ces colossales usines qui les absorbent, et qui tendent directement au monopole de l'industrie. »
Il nous paraît que, dans cet état de choses, le moyen le plus propre de couper court aux réclamations qui se sont élevées contre les conditions imposées à l'obtention de la déduction d'atteindre le but de favoriser l'agriculture et de conserver des usines qui rapportent des sommes considérables au trésor, est d'adopter l'amendement proposé par MM. Mast de Vries et collègues ; en l'adoptant on n'accorderait une remise qu'aux distilleries qui en ont besoin, et qui rendent à l'agriculture les services qui on veut favoriser, tout en ne l'accordant que dans la proportion de ces besoins, et dans celle de ces mêmes services ; c'est ainsi que celles dont les vaisseaux auraient une capacité conséquente ne participeraient à aucune déduction, parce que, travaillant sur une grande échelle, elles n'en ont pas besoin, et que s'établissant presque toujours dans des localités où les terres sont déjà fertiles, elles ne rendent pas à l'agriculture les services qu'on a en vue, c'est-à-dire de rendre des terrains fertiles ; que celles dont les vaisseaux auraient une capacité moyenne y participeraient, parce qu'elles sont appelées à rendre des services à l'agriculture, et que celles enfin dont les vaisseaux n'ont qu'une petite capacité, jouiraient de la déduction la plus forte, parce que celles-ci sont disséminées sur toute la surface du pays, qu'elles sont les plus avantageuses à l'agriculture, qu'elles ont le plus besoin de protection, et qu'il est conséquemment rationnel qu'elles prennent la plus large part à la déduction.
Déterminé par ces motifs, je voterai sans hésiter pour l'amendement déposé par les honorables MM. Mast de Vries, Scheyven et Duvivier.
M. Dedecker. - Messieurs, l'art. 5, qui est actuellement en discussion est surtout destiné à favoriser les petites distilleries agricoles.
Ces distilleries méritent en effet toute l'attention de la législature.
Déjà dans une séance précédente, ainsi que dans la séance du jour, d'honorables collègues ont fait ressortir toute l'utilité agricole et commerciale de ces distilleries.
C'est à bon droit que l'honorable M. Mast de Vries, vous a encore dit tout à l'heure que, proportion gardée, ces distilleries sont peut-être plus utiles sous le rapport agricole, que les grandes distilleries. En effet, elles sont éparpillées dans le plat pays, elles y forment des centres de fertilisation, et fournissent des moyens faciles d'engrais ; or, vous savez, messieurs, que c'est surtout au choix et à l'emploi judicieux des engrais que l'agriculture en Belgique et surtout dans les Flandres, doit le haut degré de prospérités et de perfectionnements où elle est arrivée.
Selon moi, la question n'a pas été suffisamment appréciée sous un autre point de vue. L'honorable M. Coghen, dans une séance précédente, a parlé entre autres, du haut prix auquel se vend actuellement la viande. Cette question est fort grave, elle intéresse le sort de nos classes ouvrières. Les dangers signalés par l'honorable M. Coghen sont réels, et cependant ces dangers menacent de grossir de jour en jour. Vous avez vu l'honorable ministre des finances qui, dans la séance du 10 avril, est venu vous présenter un projet de loi, tendant à empêcher qu'on n'élude la loi du 31 décembre 1833, et à rendre cette loi applicable à la nouvelle frontière de la province de Liège.
Ce projet, que j'approuve du reste, aura pour effet de faire renchérir encore la viande. De plus, si ma mémoire est fidèle, dans le projet de loi que le gouvernement anglais vient de présenter à la chambre des communes, il serait question d'abaisser le droit d'entrée sur le bétail étranger. Vous concevez que si ce projet est adopté, ce sera surtout en Hollande et en Belgique, que les Anglais viendront s'approvisionner. Si je suis bien informé des agents, des commissionnaires de maisons anglaises ont déjà fait des tournées dans ce but dans les Flandres. C'est encore là une chose dont la classe ouvrière pourra souffrir. Plus que jamais nous devons donc, autant qu'il est en nous, accorder des faveurs légales à ces industries agricoles qui sont destinées à fournir du bétail à nos provinces. C'est ce que le gouvernement a senti ; et c'est le but qu'il s'est proposé dans son article 5. Mais ce but serait-il atteint ou au moins peut-on espérer de l'atteindre par cette disposition ? Les observations présentées par MM. Scheyven, Mast de Vries et Duvivier, vous ont démontré que cette réduction de 15 p. c., accordée aux distilleries agricoles était une faveur complètement illusoire. Aussi les distillateurs des districts les plus avancés sous le rapport de l'agriculture et notamment ceux du district de Termonde se sont-ils élevés contre les conditions que le gouvernement met à l'obtention de cette réduction. En effet dans les provinces du pays où le prix des terres est très élevé où la concurrence entre les cultivateurs est grande, il est impossible que les distillateurs cultivent un hectare de terre par hectolitre et demi de la contenance des vaisseaux imposés.
Voici ce que disent à cet égard les pétitionnaires de Termonde : « Dans la commune de St.-Gilles-lez-Termonde, le bail annuel d'un hectare de terre se paie 165 francs ; l'administration des hospices à Termonde, qui afferme ses terres publiquement, reçoit pour un hectare de terre un bail annuel de 240 francs. Dès que le bruit se répand qu'un cultivateur est sur le point de renoncer à son bail, vingt-cinq sollicitants s'adressent au propriétaire, et chacun le prie et le supplie de lui donner à ferme la pièce en question ; et le propriétaire obtient, pour ainsi dire, tout ce qu'il demande. »
Telle est la position dans laquelle se trouvent les distillateurs d'une grande partie du pays. Il s'agit donc, si vous voulez réellement favoriser cette industrie importante à plus d'un titre, de ne pas leur enlever d'une main ce que vous leur donnez de l'autre, de faire en sorte que la réduction soit une faveur réelle, et que pour l'obtenir on n'impose pas des conditions inexécutables.
Comme l'a dit aussi M. Mast de Vries, c'est pour les distilleries agricoles une condition d'existence. Si vous ne voulez pas voir se réaliser les prévisions de M. Demonceau, si vous ne voulez pas voir la distillerie se concentrer dans une dizaine de grands établissements, si vous croyez qu'il est utile au pays qu'il existe de nombreuses distilleries agricoles, vous devez admettre l'amendement de M. Mast de Vries et consorts, vous devez accorder à ces distilleries la réduction, mais sans l'entraver par des conditions inexécutables.
M. Zoude. - Toutes les distilleries se disent agricoles à raison des services qu'elles rendent directement et indirectement à l'agriculture, et à ce titre, les grandes distilleries réclament aussi la réduction de 15 p. c. , ou plutôt elles demandent que cette faveur ne soit plus accordée à aucune.
Nous sommes loin de partager les prétentions de ces distillateurs, nous croyons, au contraire, que les petites distilleries, celles qui se livrent principalement aux soins de l'agriculture et de l'engrais du bétail, ont besoin de protection.
Nos motifs sont :
Les distilleries vraiment agricoles sont ordinairement placées au milieu de terres arides ou ingrates, et qui pour prospérer, ont besoin de l'engrais provenant des résidus des distilleries qu'on sait être le plus puissant des engrais. Ceux qui les exploitent s'occupent davantage de produire pour la nourriture de bestiaux que de retirer tout l'alcool que les matières contiennent.
Ces établissements sont assez généralement dirigés par des hommes plus laborieux qu'instruits, le genièvre n'étant pour ainsi dire chez eux que le but secondaire de tout travail. Dans les distilleries de 1ère classe, au contraire, où de grands intérêts sont mis en jeu, on emploie des hommes instruits, des ouvriers capables, toutes les opérations sont suivies avec une attention scrupuleuse ; et les farines y sont entièrement dépouillées du spiritueux qu'elles renferment ; aussi le grand distillateur bien soigneux obtient à la fois la quantité et la qualité.
Un des avantages des grandes distilleries c'est que, placées dans de grands centres de populations, les résidus y trouvent toujours un écoulement facile et avantageux.
Les petites distilleries qui sont souvent à l'écart, doivent consommer elles-mêmes leur résidu. Si elles ont des excédants, il leur est difficile de s'en défaire et c'est toujours à bas prix.
Les grandes distilleries, placées dans les villes ou à portée, peuvent se procurer des relavures de bière, de sucrerie ou autres matières qui donnent plus ou moins d'accélération à leurs travaux.
Les petites distilleries jetées dans la campagne sont privées de ces avantages.
Les grandes distilleries font souvent emploi de grains du Nord qui sont plus riches que les nôtres en alcool, tandis que les petites distilleries n'emploient guère que les grains de leur récolte ou de celles du voisinage.
De toutes ces considérations résulte la nécessité de protéger les petites distilleries, parce qu'elles sont immédiatement utiles à l'agriculture et à l'engraissement du bétail, tandis qu'elles obtiennent réellement moins de genièvre des farines soumises à l'impôt.
Mais doit-on accorder les mêmes faveurs aux petites distilleries des villes, ou à celles qui se trouvent à portée de grandes populations ? Nous ne le croyons pas, parce que les distillateurs de ces localités ne s'occupant pas essentiellement de l'agriculture, ou ne s'en occupant, comme on vous l'a signalé, que par des baux simulés, se livrent exclusivement aux soins de leurs distilleries, et l'étudiant davantage, ils obtiennent des matières tout le spiritueux qu'elles contiennent et ne le cèdent en rien sous ce rapport aux grands distillateurs.
Chacun sait en effet que l'appareil le plus perfectionné ne peut produire un atome d'alcool de plus que les chaudières du plus petit distillateur.
L'avantage des grands appareils se borne à l'économie du combustible.
n a dit que les grandes distilleries faisaient tomber les petites et qu'aucune ne resterait debout.
Pour apprécier combien cette assertion est erronée, il suffira, messieurs, de reporter vos souvenirs aux époques où les distilleries ont essuyé leur plus grande catastrophe ; c'est en 1825 et 1826, lorsqu'elles jouissaient de la faveur de 20 p. c., c'est lorsqu'elles travaillaient sous le joug de la loi de 1822 qu'elles s'écroulèrent les unes sur les autres. J'appelle en témoignage les discours éloquents de nos députés aux Etats-généraux, les de Muelenaere, les Dotrange, Angillis et autres qui signalèrent au pouvoir les effets désastreux du système sous lequel cependant la Belgique a gémi jusqu'au jour de notre révolution.
Or, à ces époques néfastes il n'existait aucun grand appareil ; Cellier-Blumenthal a établi les premiers en 1827 et 1828.
On a dit encore que le système qui nous régit avait aussi occasionné la chute de beaucoup de petites distilleries, et on a répété ainsi ce qu'un membre avait hasardé en 1841 lorsqu'il disait que 400 distilleries de cette catégorie étaient tombées, grâce à notre système ; veuillez vous rappeler, messieurs, la réponse qui fut faite à cet orateur par le ministre des finances d'alors, c'est qu'en 1832, sous le régime de 1822, il y avait 762 distilleries agricoles et qu'au moment où il parlait, il y en avait 766.
Savez-vous ce qui amena la chute des petits distillateurs, c'est la hauteur de l'impôt.
Sous l'arrêté-loi de 1814, le droit n'était que de 8 centimes par jour ; toutes les petites distilleries étaient en prospérité, et l'impôt rapporta 1,700,000 fr.
En effet, messieurs, les petits distillateurs ont assez généralement peu de capitaux ; et lorsque le moment de payer l'impôt est arrivé, la plupart sont forcés de vendre leur genièvre à bas prix ou leurs bestiaux avant qu'ils n'aient été engraissés suffisamment pour en obtenir un prix avantageux.
Voilà, messieurs, le motif pour lequel tous les petits distillateurs se récrient avec tant de force contre toute élévation de droit.
L'honorable M. Mercier nous a parlé hier d'une cause qui pourrait être plus préjudiciable encore aux petits distillateurs, celle de l'accélération précipitée de la fermentation ; mais l'honorable M. Desmet nous a rassurés en disant que, par cette précipitation, on n'obtenait qu'un résidu aigre et peu propre à la nourriture du bétail.
Un orateur, dans la première séance, a semblé voir avec quelque regret l'existence des grandes distilleries ; mais cet honorable membre avait oublié sans doute que c'est à ces distilleries que nous devons une industrie nouvelle, celle de la rectification des esprits, qui remplacent si avantageusement les 5/6, que la France était en possession de nous faire.
Ces esprits obtiennent aujourd'hui dans nos fabriques un emploi de plus de 6 millions de litres pour la composition du vernis, des liqueurs, des eaux de senteur, le vinaigre artificiel, la chapellerie, et une foule d'autres industries.
Devrons-nous parler des nombreux bestiaux gras que ces établissements procurent à nos marchés ; il en sera bientôt question, lorsqu'on discutera le projet de loi pour rendre à toute les frontières le droit établi sur le bétail étranger.
Je demanderai, à cet égard, qu'il me soit permis de dire quelques mots sur la consommation de la viande en Belgique. On se rappellera que, lors de la discussion de la loi sur les os, il a été démontré que la consommation moyenne par individu était de 2 onces par jour ou 24 kil. à l'année.
La viande se vend maintenant, terme moyen, 80 centimes le kilog. Si par l'engrais d'un plus nombreux bétail vous pouvez obtenir seulement une réduction du vingtième ou 4 centimes au kil., vous obtiendrez par individu une économie, à l'année, de 84 centimes qui, multipliés par 4 millions d'habitants que compte le royaume, vous présentent pour le pays une économie de plus de 3 millions.
Si vous gênez les distilleries, au lieu d'économie vous ferez une dépense plus considérable en viande, et, qui plus est, on vous demandera l'introduction du bétail étranger, au grand détriment de tous nos cultivateurs.
Je m'opposerai donc à l'amendement de MM. Mast de Vries, Scheyven, Duvivier et Eloy de Burdinne.
M. Rodenbach. - Messieurs, quel a été le but du ministre en nous présentant le projet de loi qui nous occupe ? son but a été d'obtenir un ou deux millions de plus de produit, parce que les besoins du trésor le réclament impérieusement. Mais, messieurs, avec les amendements de M. Mast de Vries et de ses collègues et celui de M. Eloy de Burdinne, au lieu de rapporter un ou deux millions de plus, le projet de loi que nous discutons ne rapportera pas trois millions et demi. Ainsi, M. le ministre, au lieu de recevoir un million ou un million et demi de plus ne recevrait pas les trois millions 800 mille francs que nous voyons figurer dans ses prévisions.
Je l'ai déjà dit dans cette enceinte, et plusieurs orateurs l'ont répété, toutes les distilleries sont agricoles. Et cette dénomination de distillerie agricole qu'on donne aux petites distilleries est tout à fait fausse. Je soutiens même que les grandes distilleries sont plutôt agricoles que celles que l'on nomme ainsi. En effet, les grandes distilleries produisent plus de résidus et plus d'engrais. A quoi servent ces résidus ? à engraisser du bétail. Les grandes distilleries vendent plus de résidus, par conséquent elles sont plus agricoles que les petites distilleries qui se bornent à leur ferme et à la culture de quelques mesures de terre. Je défie qu'on prouve le contraire.
Les petites distilleries emploient des cuves plus petites que les grandes distilleries, mais elles pourraient faire fermenter avec autant d'économie que ces dernières ; c'est manque de science, si elles ne le font pas, c'est manque de connaissances chimiques. Les grands établissements produisent, il est vrai, à meilleur marché, parce que les frais généraux sont moindres. Il en est de même des autres industries. Les petits brasseurs, qui connaissent leur métier, savent faire de la bonne bière et il presque aussi bon marché que les grands brasseurs. Il n'y a que sur le combustible que les grands établissements font une économie ; mais pour la fermentation il n'y a pas de différence, les petits peuvent travailler avec les mêmes avantages que les grands.
L'honorable député de Verviers nous a dit qu'il fallait rétablir la loi de 1822, c'est-à-dire, faire payer le droit sur le genièvre fabriqué, et non sur la matière macérée. Ce serait le moyen de détruire toutes les petites distilleries. Elles seraient complètement détruites. L’application de la loi de 1822 est là pour le prouver. On dresserait des procès-verbaux à tout instant comme sous le gouvernement hollandais, les tribunaux condamneraient, et on se retrouverait soumis au système odieux de ce gouvernement. Le principe libéral de la loi actuelle est bon ; la preuve en est, qu'il rapportera, en y comprenant la majoration que propose M. le ministre sur les abonnements, le double de ce que rapportait la loi de 1822.
Hier, quand M. le ministre a parlé du prix courant des spiritueux, il a nommé Roulers, et il a dit qu'à Roulers l'esprit de Montpellier valait fr.1-25 le litre ; c'est-à-dire, 125 fr. l'hectolitre. J'admets ce prix courant, Mais M. le ministre s'est trompé quand il a dit que l'alcool indigène ne s'y vendait que 105 fr.
J'ai été aux renseignements, et j'ai appris, de grands fabricants que j'ai consultés que l'alcool indigène se vendait également 125 fr. l'hectolitre. Mais on a ajouté qu'on introduisait les 3/6 de Montpellier sans droit, c'est-à-dire en fraude moyennant 125 fr.
Je soutiens qu'on continuera à frauder, car on fraude déjà aujourd'hui sur toute la frontière. Des rectificateurs m'ont assuré qu'ils ne pouvaient plus rien vendre sur les frontières. L'esprit de Montpellier se fait par la distillation du vin avec les gros vins du Midi. Il est prouvé que la distillation du vin produit un alcool supérieur à celui qui est fait au moyen de l'orge, du seigle ou de la fécule de pomme de terre.
On fraude l'esprit de Montpellier, on met jusqu'à 40 p. c. d'alcool indigène fait avec du levain et de la fécule de pomme de terre, dans les 3/6 de Montpellier, l'on vend cela pour de l'eau-de-vie de France en mettant 80 p. c. d'eau. De cette manière on donne le goût de l'eau-de-vie de France. Voilà comment on peut frauder avec avantage quand le droit est trop élevé sur les esprits français.
M. le ministre nous a dit dans la séance d'hier que les rectificateurs, en 1837, sont ceux qui ont demandé qu'on ne diminuât pas le droit de 8 francs par hectolitre. Ce n'est pas étonnant. Ils avaient intérêt à faire venir à bon marché les esprits de Montpellier pour pouvoir s'en servir en les mélangeant, à raison de 30 ou 40 p. c, à l'alcool indigène. Moi, j'ai demandé la diminution du droit sur l'esprit 3/6, parce que je voulais empêcher la fraude. Elle a en effet diminué depuis qu'on a réduit ce droit. Si vous le relevez, la fraude redeviendra ce qu'elle était avant.
Si vous admettez, je le répète, les amendements proposés, le but de la loi ne sera pas rempli, et M. le ministre ferait mieux de retirer son projet que d'accepter ces amendements.
Si vous voulez protéger efficacement les distilleries agricoles, il ne faut pas admettre comme telles les petites distilleries de Termonde et de Bruxelles, parce que bientôt vous verriez toutes les distilleries moyennes se convertir en petites distilleries, afin de jouir de la remise de 20 p. c. Si vous voulez protéger l'agriculture, accordez une remise de 30 p. c. et même plus aux distilleries qui s’établiront dans la Campine et dans le Luxembourg, où il y a des bruyères à fertiliser, mais il ne faut pas accorder de remise aux petites distilleries de Termonde, de Bruxelles, de Malines, d'Anvers, etc, qui ne sont que des distilleries agricoles simulées.
M. Cools**.** - Je dois me prononcer contre l'amendement présenté par MM. Mast de Vries et collègues. Mon opposition se justifie par les considérations qui ont été développées par quelques-uns des honorables préopinants.
L'article en discussion accorde quelque avantage aux petites distilleries, dans le double but de favoriser la culture des terres, et de les aider dans la lutte qu'elles soutiennent contre les grandes distilleries. Je crois qu'il sera difficile de rendre la disposition efficace sous ce dernier rapport ; les grands établissements ont trop d'avantages sur les petites.
Depuis que la vapeur a été introduite dans l'industrie, il s'opère une espèce de révolution sociale ; les fortunes se concentrent dans quelques mains. Il est difficile que les petites industries puissent se maintenir. C'est un mouvement contraire à celui qui a lieu pour la propriété territoriale. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? Nous n'avons pas à nous en occuper en ce moment. Mais c'est un fait que nous ne pouvons méconnaître ; et tout ce que nous ferons pour l'empêcher sera inutile. Je crains bien pour un grand nombre de petites distilleries que, dans un délai plus ou moins long, elles doivent se soumettre à la loi commune.
Cependant je ne suis pas éloigné d'accorder un avantage aux petites distilleries, et je dirai tout à l'heure pourquoi, mais dans certaines limites. Ainsi, je me prononcerais contre un avantage excédant 15 p. c. , parce que je considérerais un avantage plus considérable comme un moyen exagéré qui aurait plusieurs inconvénients, entre autres celui de trop restreindre le résultat fiscal de la loi.
Je me prononcerai pour une faveur de 15 p, c., parce que c'est dans les distilleries d'une faible importance qu'on trouve le plus grand nombre de distilleries agricoles.
Ceci me conduit à examiner ce qu'il faut entendre par distillerie agricole. Toutes les distilleries sont utiles à l'agriculture, L'honorable auteur de l'amendement a fait une observation qui est fort juste. Il s'est demandé avec beaucoup de raison : qu'importe qu'un résidu serve à la nourriture du bétail du distillateur, ou à la nourriture du bétail de son voisin, que les terres soient cultivées par le distillateur ou par des personnes demeurant dans le voisinage de la distillerie. Le résultat pour l'agriculture est le même. Cette observation est d'une justesse évidente. Mais l'honorable membre aurait dû pousser le raisonnement plus loin ; alors il aurait été conduit à reconnaître également qu'il est indifférent pour l’agriculture que le résidu provienne d'une grande distillerie ou d'une petite.
Qu'est-ce donc, dans le sens de la loi, qu'une distillerie agricole ? A mes yeux, une distillerie agricole n'est pas plutôt une petite qu'une grande distillerie ; c'est une distillerie située là où les engrais sont rares, loin des centres de population. C'est l'emplacement seul qui lui assigne son caractère de distillerie agricole. Peu importe du reste, que le cultivateur cultive lui-même des terres, ou que les résidus de sa distillerie soient employés comme engrais dans le voisinage, qu'elles soient grandes on petites, seulement, en fait, il est constant que la plupart des distilleries placées loin des centres de population sont d'une faible importance.
Il est donc vrai qu'en dehors des conditions exigées par la loi, il y a des distilleries qui devraient jouir du bénéfice de la loi. Mais si vous ôtez les conditions, vous accordez une faveur à un grand nombre de distilleries qui ne sont pas agricoles dans le sens de la loi. Les petites distilleries des villes en profiteront.
Dans une autre séance, l'auteur de l'amendement a cité certaines villes où il se trouve des distilleries en si grand nombre qu'elles ne trouveraient pas des terres à louer, si elles voulaient se conformer aux stipulations de la loi.
Cela suffit pour prouver que ces distilleries ne, sont pas agricoles. Là où le résidu est en abondance, les distilleries ne profitent pas spécialement à l'agriculture.
L'article ne me satisfait pas complètement. Je voudrais que la faveur ne fût accordée qu'aux distilleries avec ou sans exploitation rurale, situées hors des grands centres de population. Dans l'impossibilité où je suis de formuler un amendement qui atteigne ce but, j'appuierai l'article du gouvernement, parce qu'ainsi la faveur sera accordée au plus grand nombre de distilleries agricoles. Les conditions sont assez bien combinées pour atteindre indirectement ce but.
Si un amendement était présenté qui atteignit mon but d'une manière plus directe, je m'y raillerais. Mais je dois m'opposer aux amendements qui ont été présentés jusqu'à présent.
M. Duvivier.- J'avais à présenter les considérations qui ont été présentées par les honorables préopinants en faveur de l'amendement. Je crois ne devoir rien y ajouter. J'y adhère entièrement.
Plus tard, si les conditions sont maintenues, j'aurai un amendement à présenter. Je me réserve alors de parler.
M. Desmet. - (Nous donnerons son discours). (Ce discours n’a finalement pas été publié au Moniteur belge)
(Moniteur belge n°121, du 1er mai 1842) M. de Theux. - Messieurs, je ne serai pas disposé à voter en faveur de ces amendements tels qu'ils sont rédigés. Pour le moment je me bornerai à appeler l'attention de la chambre sur quelques points, et à demander des explications à M. le ministre des finances et aux auteurs des amendements.
Les défenseurs du premier amendement, savoir : MM. Duvivier, Mast de Vries et Henot, prétendent que le trésor ne perdra rien par l'adoption de cet amendement ; mais que si cet amendement n'est pas adopté, les distilleries qu'ils veulent protéger viendront à tomber, et conséquemment ne produiront plus de matières sujettes à l'impôt.
Si cette assertion était vraie, il paraîtrait de prime abord qu'il y aurait une perte pour le trésor, si on n'adoptait pas l'amendement. Mais, moi, je pense tout le contraire. Je dis qu'on produira toujours assez de genièvre pour la consommation du pays. Si ce ne sont pas les petites distilleries, ce seront les grandes qui produiront ce genièvre ; car certainement la production du genièvre ne sera jamais en défaut dans ce pays-ci. De telle manière qu'il est bien certain que, quelle que soit la réduction que vous accordiez en faveur des petites distilleries, il en résultera une perte pour le trésor. C'est là une vérité démontrée contre laquelle je ne puis admettre aucun raisonnement.
Je dirai plus : c'est qu'indépendamment de la remise du droit, il y aura encore une autre perte pour le trésor par la multiplication des petites distilleries : c'est celle qui résultera des fraudes qui se commettent plus facilement lorsque les distilleries sont disséminées, et que par suite, la surveillance des agents du fisc est moins active, est moins constante.
Sans doute, messieurs, j'admets en principe qu'il est utile de voir les industries se disséminer. Ce qui serait utile en ce point à l'égard des distilleries, serait aussi utile quant à d'autres industries. Mais nous ne pouvons rien contre les perfectionnements des procédés, contre l'accumulation des capitaux ; il faut que chacun soit libre de tirer de ces capitaux tout le profit qu'il peut en tirer ; nous ne pouvons donc poser dans notre loi de principe qui tendrait à arrêter le développement d'une industrie exercée en gros.
Mais, en ce qui concerne les distilleries agricoles, il y a un autre principe qui doit nous déterminer à leur accorder une faveur, c'est l'utilité d'améliorer l'agriculture, de livrer à la culture les terres qui sont restées en friche. Sur ce point, messieurs, je crois qu'il y a unanimité. D'ailleurs le principe a déjà été reconnu dans la loi existante.
Il est certain aussi que les distilleries qui sont réellement agricoles, c'est-à-dire celles qui sont situées au milieu de terres mauvaises, éloignées des villes, ne peuvent concourir avec les grandes distilleries, si elles n'ont quelque protection. Ceci me paraît clairement démontré, parce qu'il est très difficile d'alimenter une grande distillerie à la campagne, lorsqu'il faudrait des machines à vapeur, de grandes quantités de charbon. Cela serait souvent impossible.
Il est donc nécessaire d'accorder une protection aux distilleries qui sont véritablement agricoles. Mais quelles sont les distilleries vraiment agricoles et quelle est la protection qu'il faut leur accorder ? Voilà, messieurs, les deux points de la difficulté.
On a voulu faire envisager comme plus particulièrement agricoles toutes les petites distilleries, alors même qu'elles seraient situées dans les villes à côté des grandes distilleries. Je ne puis regarder comme vraie cette assertion. Je ne trouve pas qu'une distillerie située à Bruxelles, et travaillant en petit, soit plus agricole qu'une distillerie située aussi à Bruxelles et travaillant en grand.
Il faut donc d'autres conditions. La loi en vigueur en exigeait plusieurs, notamment la nourriture du bétail et la culture de la terre. On exigeait, en outre, que ces distilleries fussent d'une faible importance.
Vous aurez remarqué l'énorme différence qui existe entre la loi actuelle et les amendements qui vous sont proposés. D’abord, on accorde des réductions de droit infiniment plus considérables. La loi actuelle n'accordait que 15 p. c. Suivant le système de l'honorable M. Eloy de Burdinne, on accordait 30 p. c., et suivant le système de MM.. Duvivier, Mast de Vries et Scheyven, on accorderait 20 p. c. dans certains cas.
D'après la loi il faut qu'il n'y ait qu'un seul alambic d'une capacité inférieure à 5 hectolitres. Suivant l'amendement, la capacité des vaisseaux peut être de 20 hectolitres et même de 35. Ici la différence est énorme.
M. Brabant. - C'est une erreur. C'est que la rédaction est vicieuse.
M. de Theux. - La différence n'a pas été expliquée. Du reste j'attendrai les explications qui me seront données en ce qui concerne la capacité des vaisseaux.
Vous remarquerez, messieurs, que l'on a particulièrement insisté sur la difficulté que les petits distillateurs rencontrent quelquefois à avoir des terres en culture. Je conviens que ces difficultés sont réelles, surtout aux environs des villes. Mais remarquez bien, messieurs, que les distilleries qui sont situées dans les villes ont moins la qualité d'agricoles que celles qui sont dans les communes rurales, en général au moins ; parce que les terrains aux environs des villes sont ordinairement meilleurs. Cependant il y a des exceptions. Je pourrais citer des villes qui ont besoin d'améliorer les terres qui les environnent.
Mais, messieurs, sans me prononcer quant à présent en ce qui concerne la nécessité de cultiver une certaine étendue de terrains, au moins je ne pourrai jamais admettre l'exemption de la nourriture de bétail.
L’obligation de nourrir une certaine quantité de bétail était imposée par l'art. 5 de la loi en vigueur. D'après le projet on exempterait les petits distillateurs de cette obligation, et on continuerait cependant de leur accorder une faveur ; on augmenterait même cette faveur.
Veuillez remarquer, messieurs, que les défenseurs de l'amendement ont particulièrement insisté sur l'utilité des petites distilleries pour la nourriture du bétail, dont ils redoutent l'élévation de prix ; il me semble qu'il y a là une contradiction avec la manière dont l'amendement est rédigé.
Cependant en ce qui concerne la nourriture du bétail, il y a encore une observation à faire. On a dit en faveur des petites distilleries : ce sont celles-là seules qui donnent lieu à la nourriture du bétail. Il est possible qu'en ce qui concerne le bétail gras l’assertion soit vraie ; mais d'autre part, si tout le résidu des grandes distilleries, lorsqu'elles sont accumulées dans une même ville, ne peut pas être employé à l'engraissement du bétail, il n'en est pas moins vrai que ce résidu sert toujours à la nourriture du bétail ; et la nourriture des vaches à lait dans les environs des grandes villes est fort utile pour le public. Ce n'est donc pas là un titre de défaveur pour les grandes distilleries.
Je bornerai ici mes observations, et j'attendrai, pour me prononcer, que quelques explications aient été données sur les différents points que je viens de signaler.
M. Duvivier. - Le mot terres occasionnera de grandes difficultés en ce qui concerne ceux qui auront la quantité voulue, mais qui l'auront en terres et prairies ; je proposerai donc de dire : " en terres et prairies. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) dépose le rapport sur l'enseignement supérieur pour 1841, rapport dont la présentation annuelle est prescrite par la loi sur les universités.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Maintenant, messieurs, que j'ai fourni à la chambre les renseignements demandés par quelques sections relativement à la loi sur les sucres, je prierai MM. les présidents des diverses sections, de ben vouloir convoquer leurs sections pour continuer l'examen de cette loi.
M. Duvivier. - Lorsque les renseignements seront imprimés.
- La séance est levée à 4 heures et demie.