(Moniteur belge n°65, du 6 mars 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur J. G. Van Delft demande à être indemnisé pour expropriation d’une partie de ses propriétés, situées dans la commune de Beerendrecht, pour empêcher le cours des eaux et pour construire des digues. »
- Sur la proposition de M. Osy, dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les indemnités.
« Le conseil communal de Sintin (province de Namur) adresse des observations contre la demande des états provinciaux du Luxembourg, tendant à ce que la commune de Sintin soit réunie à cette province. »
« Le conseil communal de Neufchâteau adresse des observations contre la pétition de l'administration communale de Bertrix, adressée à la chambre dans le mois de janvier dernier, par laquelle cette commune demande à être désignée comme chef-lieu du canton de Paliseul, avec adjonction à ce canton de la commune d'Orges. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la circonscription cantonale.
« Les membres du bureau de bienfaisance de la ville de Bruges demandent l'intervention de la chambre pour obtenir du gouvernement l'autorisation d'accepter le legs fait en faveur de leurs administrés par la dame Van Oye, veuve Naes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Delehaye. - Hier, sur la proposition de M. le président, vous avez mis à l'ordre du jour le projet de loi concernant la réduction du personnel de plusieurs tribunaux. Je ne m'oppose pas à ce qu'il soit mis à l'ordre du jour. Mais la chambre doit se rappeler qu'elle a mis aussi à l'ordre du jour le projet de loi relatif au canal de Zelzaete. Je sais qu'indépendammment de ce projet de loi, il y en a un qui tend à interpréter le décret relatif aux cantonnements et qui devait avoir la priorité sur le projet de loi relatif au canal de Zelzaete ; car il n'a été ajourné qu'à cause de l'indisposition du rapporteur, l'honorable M. Raikem. Mais après, l'on a mis à l'ordre du jour les projets de loi relatifs à l'institution de conseils de prud'hommes et à la réduction du personnel de plusieurs tribunaux.
Je ne pense pas que ces deux résolutions portent atteinte à celle qui concerne le canal de Zelzaete. Je demande qu'on revienne à ce qui a été décidé dans une séance précédente, et qu'on mette à l'ordre du jour : 1 ° le projet de loi interprétatif, en matière de cantonnements, 2,° le projet de loi relatif au canal de Zelzaete, et qu’après l’on suive l'ordre du jour tel qu'il est indiqué sur les billets de convocation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois que l'honorable M. Delehaye est dans l'erreur. Il n'a rien été décidé quant au canal de Zelzaete. Maintenant, moi, dans l'intérêt du canal de Zelzaete, je désiré que l'ordre du jour ne soit pas encore fixé. Avant de voter de nouvelles dépenses, il nous faut créer de nouveaux voies et moyens. C'est là ce dont la chambre doit se préoccuper. De nouveaux projets de ressources financières sont présentés ; un nouveau projet très important va être présenté. Je crois qu'avant de s'occuper de nouvelles dépenses et notamment du canal de Zelzaete, la chambre fera bien de s'occuper de ces lois. Il y a d'abord un fait qu'il s'agit d'éclaircir. Le projet de loi relatif au canal de Zelzaete, a-t-il, oui ou non, été mis à l'ordre du jour d'une manière fixe ?
M. le président. - Il est d'usage, quand la chambre prend une décision, que le projet de loi qu'elle a mis à l'ordre du jour soit porté sur les billets de convocation.
M. Delehaye. - M. le ministre demande que, dans l'intérêt du canal de Zelzaete, on commence par voter les ressources. Mais il dévoile par là son opinion relativement à la loi des indemnités ; car vous vous occupez de la loi des indemnités sans avoir des ressources.
- La chambre, consultée sur la question de priorité, a mis à l'ordre du jour :
1° La loi des indemnités ;
2° La loi relative au canal de Zelzaete.
Cette décision doit être mise à exécution, sans toutefois porter atteinte à la décision prise relativement à la loi interprétative en matière de cantonnements, qui aurait la priorité sur toutes les autres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La chambre se rappellera que, quand elle a décidé la mise à l'ordre du jour du projet de loi relatif aux indemnités, le ministère s'y est opposé ; s'il avait été consulté, il est probable qu'il aurait été indiqué un autre jour pour cette discussion. Je suis entré à la chambre pendant qu'on discutait si l'on devait s'occuper de la loi des indemnités ou du canal de Zelzaete.
L'honorable M. Dubus, si j'ai bonne mémoire, indiquait les inconvénients de cette fixation. On a accordé la priorité à la loi relative aux indemnités.
L'honorable M. Dubus avait demandé qu'on ne prît aucun engagement ultérieur. Je réponds ici à l'espèce de reproche que me fait l'honorable préopinant, de ce que le ministère aurait consenti à ce que la loi des indemnités fût mise à l'ordre du jour.
Dans cette circonstance comme aujourd'hui, nous avons insisté pour que la priorité fût donnée aux lois financières ; car nous n'avons voté que des dépenses ; nous avons voté les budgets, nous avons voté des crédits supplémentaires.
M. le président. - On est allé chercher le procès-verbal.
M. Dubus (aîné). - Je crois que la chambre s'est bornée à donner la priorité à la loi des indemnités et qu'elle n'a pas pris de décision pour le canal de Zelzaete.
M. de Garcia. - Je ne me rappelle pas que le projet de loi relatif au canal de Zelzaete ait été mis à l'ordre du jour. Au surplus, si telle résolution a été prise, d'après les dernières discussions, je demanderai que la chambre revienne sur sa décision. Ma demande est fondée sur ce que, dans la discussion du budget des travaux publics, nous avons demandé des canaux dans toutes les localités, le canal d'Ourthe et Moselle, le canal de la Campine, de nouveaux embranchements du chemin de fer, des routes d'une grande utilité, l'amélioration de la navigation de la Meuse et d'autres fleuves. Pour toutes ces demandes, il faut un travail général ; ce travail est indispensable ; car la chambre doit juger de l'utilité de toutes ces nouvelles communications, elle doit juger lesquelles sont les plus nécessaires et dans l'intérêt général. Aussi le ministre a-t-il pris l'engagement de présenter ce travail général. En conséquence, si le procès-verbal constate que le projet de loi relatif au canal de Zelzaete est à l'ordre du jour, je demanderai que la chambre revienne sur cette décision, et qu'elle déclare que cet objet particulier n'arrive qu'avec le travail général promis par le gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble qu'on devrait maintenir l'ordre du jour que voici :
Projets de loi relatifs 1° à l'institution des conseils de prud'hommes ; 2° à l'interprétation du décret en matière de cantonnement ; 3° à la réduction du personnel de plusieurs tribunaux.
Je demande que l'ordre du jour soit ainsi maintenu, ou fixé.
M. Vandenbossche. - Si ma mémoire ne me trompe, il y eu discussion sur la question de savoir si l'on accorderait la priorité soit au canal de Zelzaete, soit à la loi relative aux indemnités. On a donné la priorité à la loi des indemnités. Je crois qu'il résulte de là que le projet de loi relatif au canal de Zelzaete doit être mis à l'ordre du jour immédiatement après.
M. Maertens. - Je dois répondre à M. le ministre de l'intérieur, qu'il s'est mis en contradiction avec la demande faite expressément par son collègue des travaux publics, qui a demandé lui-même que le projet de loi relatif au canal de Zelzaete fût mis à l'ordre du jour après la discussion de son budget, malgré les réclamations des députés qui attachaient plus d'importance à la loi des indemnités. Alors on a posé la question de savoir qui aurait la priorité, du canal de Zelzaete ou de la loi des indemnités ; et si mes souvenirs sont fidèles, M. le ministre des travaux publics a voté pour que la priorité fût donnée au canal de Zelzaete. La priorité a été donnée à la loi des indemnités, et il a été décidé (c'est M. le président qui l'a dit lui-même) que le canal de Zelzaete serait discute immédiatement après la loi des indemnités.
M. le président donne lecture d'un passage du procès-verbal d'une séance précédente portant que la chambre a mis à l'ordre du jour, après la discussion du budget des travaux publics : 1 ° le projet de loi relatif aux indemnités ; 2° le projet de loi relatif au canal de Dam.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande qu'on maintienne le changement annoncé hier et avant-hier et qu'on mette à l'ordre du jour les projets de loi relatifs : 1° à l'institution de conseils de prud'hommes ; 2° à l'interprétation du décret en matière de cantonnement ; 3° à la réduction du personnel de plusieurs tribunaux.
La question du canal de Zelzaete est assez grave, pour qu'on la fasse précéder de discussions, moins graves et moins étendues.
Dans l'intérêt des travaux de la chambre, dans l'intérêt même de la question du canal de Zelzaete, à laquelle les honorables membres portent intérêt, intérêt que je partage, je prierai la chambre de maintenir son ordre du jour comme il a été annoncé hier.
M. Delehaye. - Ce que dit M. le ministre de l'intérieur à l'égard de l'ordre du jour fixé hier n'est pas tout à fait exact. Il est bien vrai que la chambre a mis à l'ordre du jour le projet de loi relatif à la réduction du personnel de plusieurs tribunaux ; mais elle ne lui a pas donné la priorité sur les autres projets de loi qui se trouvent déjà à l'ordre du jour. Déjà, dans une séance précédente, la chambre a donné la priorité au projet de loi relatif au canal de Zelzaete ; c'est donc de ce projet de loi qu'il faut s'occuper.
Les ministres ne peuvent demander du temps pour examiner la question ; car M. Desmaisières a déclaré à la chambre qu'il était prêt à soutenir la discussion devant la chambre. Ainsi il n'y a pas de motif pour contester la priorité à ce projet de loi. Ce serait la deuxième fois que la discussion serait reculée par le fait d'un ministre, la première fois, le ministre n’était pas préparé ; et après qu’il s’est déclaré prêt à soutenir la discussion, un autre ministre demande l'ajournement, prétendant qu'il n'y a pas de fonds.
Je tiens à constater que le délai que nous éprouvons provient du gouvernement.
Les Flandres et le Hainaut ont le plus grand intérêt à la construction du canal de Zelzaete. Toutes les inondations viennent du défaut d'écoulement des eaux.
Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. Delehaye. - Il est impossible de parler de cela sans parler du fond. Tout à l'heure le ministre a parlé des fonds qui étaient nécessaires. C'est aussi le fond (on rit) et on ne l'a pas interrompu.
Messieurs, je ne ferai plus qu'une seule observation, c'est qu'il est impossible de voter des lois de recettes, alors que nous ne savons pas quelles sont les sommes dont nous avons besoin. Décréter d'abord la construction du canal de Zelzaete, et après vous voterez les crédits nécessaires pour cette construction. Mais faire précéder les lois de dépenses par les lois de recettes, c'est mettre la charrue devant les chevaux.
Je demande donc qu'on s'occupe du projet sur le canal de Zelzaete immédiatement après le projet de loi sur les indemnités.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, si j'ai bien compris ce qui a été dit dans la discussion sur cet incident, il n'y a pas de contestation sur la priorité à donner au projet de loi sur les cantonnements. Je crois que l'on est d'accord que ce projet doit venir immédiatement après celui sur les indemnités, parce qu'en effet, il n'avait été retiré de l'ordre du jour que pour cause d'indisposition de M. le rapporteur, et qu'il avait été entendu qu'il y serait rétabli aussitôt que la santé de M. le rapporteur lui permettrait d'assister à nos travaux.
Il reste donc le projet relatif aux conseils des prud'hommes et celui relatif à la réduction du personnel de certains tribunaux. On veut l'envoyer la discussion de ces deux projets, discussion qui ne saurait être très longue, après la discussion du projet sur le canal de Zelzaete, qui, d'après les précédents, doit être considéré comme devant donner lieu à de très longs débats.
Mais réellement cela ne me paraît pas raisonnable ; car le projet relatif aux conseils des prud'hommes et celui relatif à certains tribunaux sont prêts à être discutés, puisqu'ils se trouvent en ce moment à l'ordre du jour. Je ne vois pas de motifs suffisants pour les en retirer, et pour discuter à leur place un projet aussi importants que celui relatif à la construction d’un canal aux frais de l’Etat ; alors surtout que, comme vient de vous le faire remarquer M. le ministre, il n'y a pas de fonds. Il n'y a pas de voies et moyens pour pourvoir à la dépense que l'on veut mettre à la charge du trésor public.
On dit qu’il n'y en a pas non plus pour les indemnités. Mais si l'on veut renvoyer à un autre temps la discussion du projet de loi sur les indemnités, je dirai que, quant à moi, je ne demande par mieux.
Mais parce que vous êtes à discuter le projet de loi sur les indemnités, vouloir discuter immédiatement après et toujours sans savoir de voies et moyens pour pourvoir à la dépense, ce qui concerne le canal de Zelzaete ; puis après, si vous le voulez, ce qui concerne la convention avec la ville de Bruxelles ; puis immédiatement après, si vous le voulez encore, la proposition relative aux deux millions qu'on demande pour le Luxembourg, puis enfin, si vous le voulez toujours, ce qu'on nous demande à la charge du budget pour le chemin de fer d'entre Sambre et Meuse, réellement il me paraît qu'il n'y a pas du tout de logique dans cette matière d'établir l'ordre du jour.
Je crois que vous devez prendre en considération l'état de vos ressources. Vous devez d'abord procurer au trésor des voies et moyens et alors vous déciderez des dépenses en proportion des ressources que vous aurez votées.
M. de Garcia. - Messieurs, la lecture du procès-verbal vient de me prouver que mes souvenirs m'avaient trompé ; aussi avais-je annoncé que j'étais incertain sur le fait. Mais j'ai dit que, s'il en était ainsi, je faisais la proposition formelle de changer l'ordre du jour ; et comme il en est ainsi, je renouvelle ma proposition.
Messieurs, les raisons que j'ai déjà fait valoir démontrent à l'évidence qu'on doit différer la discussion du projet sur le canal de Zelzaete ; c'est que pour moi il n'est pas établi que ce canal soit le plus utile de ceux que réclame le pays ; et j'avoue que je ne veux pas donner la priorité à une chose sans savoir si cette chose est le plus utile, le plus nécessaire.
Messieurs, c’est dans l’intérêt des Flandres même que je fais ma proposition. Car si vous discutez immédiatement le projet de loi sur le canal de Zelzaete, comme il ne m’est pas démontré que c’est là le plus utile des travaux que réclame l’intérêt général, je voterai contre. Tandis que lorsque le travail général sera fait et vous sera présenté, peut-être le canal de Zelzaete sera-t-il reconnu devoir obtenir la priorité et alors je voterai pour ; mais, je le répète, dans l’état actuel des choses, je voterai contre.
M. Desmet. - Je ne m’opposerai pas à ce que les deux petites lois dont on parle, soient mises à l’ordre du jour immédiatement après le vote du grand projet qui nous occupe en ce moment. Mais j’insiste pour le projet de loi sur le creusement d’un canal d’écoulement des eaux que les Flandres reçoivent de tous côtés, soit conservé à l’ordre du jour, tel que la chambre l’a fixé depuis longtemps.
Car, messieurs, il faut que nous ayons en Flandre le débouché nécessaire pour faire écouler les eaux qui y arrivent en grande abondance, et tous les jours de plus en plus, de France et d’une partie du Hainaut.
Je m’étonne fortement qu’on vienne nous dire qu’on ne doit pas discuter ce projet, parce que le trésor de l’Etat n’a pas suffisamment de fonds pour faire les frais de ce canal et cela m’étonne d’autant plus fort que cette objection vient d’un banc sur lequel on devrait connaître toute la nécessité d’un canal qui puisse faire écouler les eaux qui portent tant de désastre dans les Flandres et qui ne sont pas les siennes.
La discussion du projet sur le canal de Zelzaete est urgente, il faut qu’on sache, sans un grand retard, si un débouché sera pratiqué en aval de Gand vers la mer. Car, messieurs, en France comme chez nous, on fait continuellement des travaux aux rivières en amont et on accélère tellement l’écoulement des eaux vers Gand, que si on ne prend pas des mesures, vous verrez arriver de grands malheurs et d’effroyables désastres dans les parages qui se trouvent dans le voisinage de la ville de Gand et sur les territoires qui se trouvent dans le voisinage de la ville de Gand et sur les territoires qui se trouvent en aval, qui déjà ont beaucoup souffert par le défaut de voies d’écoulement vers la mer.
M. Verhaegen. - Tantôt on prétendait que la discussion du projet de loi concernant le canal de Zelzaete n’avait pas été mise à l’ordre du jour ; maintenant que le procès-verbal en fait foi, on demande de revenir sur cet ordre du jour. Je crois qu’il y aurait de inconvénient à en agir ainsi ; car, de cette manière, jamais ceux qui s’intéressent au canal de Zelzaete n’arriveront à une discussion.
Mais j’ai surtout pris la parole parce que je ne puis laisser sans réponse une observation que vient de faire M. le ministre de l'intérieur. D’après lui, il faudrait se créer de nouvelles ressources avant de voter des dépenses. Je comprends que cela puisse être pour les dépenses ordinaires ; mais pour les dépenses extraordinaires, je ne comprends pas comment cela sera possible ; car il faudrait aller, avec l’opinion de M. le ministre, jusqu’à créer des ressources pour 20 millions et plus, par exemple, pour les indemnités et pour d’autre objets, alors même qu’il n’est pas certain que la chambre votera les indemnités, par plus que la construction du canal de Zelzaete. Je demande ce que le ministre ferait des ressources votées, alors que la dépense ne serait pas admise. C’est là un contre-sens dont je ne puis me rendre compte.
Mais je vois bien ce que veut le ministère, et je vais m’en expliquer nettement. Au commencement de l’année on a annoncé qu’il ne faudrait pas d’impôts nouveaux, des ressources nouvelles. On a vu qu’on s’était trompé et on vous propose successivement de nouveaux impôts. On dit que c’est pour couvrir des dépenses extraordinaires ; eh bien ! moi je dis que c’est pour couvrir des dépenses ordinaires et pour ne pas donner de démenti à ce qu’on avait annoncé précédemment.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, il a été établi à satiété dans la discussion du budget des voies et moyens qu’il y avait équilibre entre les recettes et les dépenses pour 1842. Mais le gouvernement a fait connaître qu’il ne considérait pas ce budget comme un budget normal, et il a annoncé qu’il vous présenterait diverses lois pour augmenter les ressources du pays, en vue de satisfaire aux dépenses projetées par la chambre elle-même.
M. Lebeau. - Ce sont des dépenses exceptionnelles.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Ce sont des dépenses exceptionnelles, c’est vrai ; mais ce sont des dépenses nouvelles et hors des prévisions du budget. Il n’en résulte nullement qu’il y ait déficit pour les dépenses ordinaires de 1842.
M. Demonceau. – Messieurs, je concevrais qu’on insistât sur la fixation de l’ordre du jour, si la discussion du projet relatif aux indemnités était terminée. Mais je ne sais si nous sommes sur le point d’en finir avec ce projet.
M. Angillis. – Il faut s’en tenir à l’ordre du jour tel qu’il est constaté par le procès-verbal. Je demande la question préalable sur toutes les propositions faites contrairement à cet ordre du jour.
M. Dubus (aîné) – J’entends l’honorable M. Angillis parler du procès-verbal ; je voudrais savoir de quel procès-verbal il entend parler. Car s’il s’en réfère aux décisions d’hier et d’avant-hier, il reconnaîtra que les projets dont parle M. le ministre de l'intérieur avaient été mis à l’ordre du jour après celui dont nous nous occupons maintenant. Ainsi, il y a eu décision de la chambre et c’est sur cette décision que l’honorable M. Delehaye veut que la chambre revienne.
M. Delehaye. – Je ne veux pas que la chambre revienne sur une décision prise. Je dis que hier la chambre n’a pas pris de décision, quant au rang dans lequel se présenteraient les différents projets. Sur la proposition de M. le président, elle a mis à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la réduction du personnel de certains tribunaux, mais il n’a pas fixé le rang qu’on donnerait à ce projet dans la discussion.
Or, personne ne fera l’injure à M. le président de croire qu’il ait voulu surprendre la chambre. M. le président a agi d’une manière très convenable ; il a dit : Vous êtes saisis d’un projet de loi, vous devez le mettre à l’ordre du jour ; mais bien certainement il n’a pas été entendu qu’on discuterait ce projet avant ceux qui avaient obtenu la priorité. Or, au nombre de ceux-ci étaient le projet sur les indemnités et celui sur le canal de Zelzaete. La chambre n’est pas revenue de sa décision ; car il aurait fallu annuler le procès-verbal d’une séance précédente, et le procès-verbal n’a pas été annulé. L’ordre du jour a donc été maintenu.
M. Demonceau. – Je regrette que l’honorable M. Delehaye n’ait pas été ici à l’ouverture de la séance d’hier. Il aurait reconnu que la chambre avait mis le projet relatif à certains tribunaux à l’ordre du jour, et même malgré mes observations, car j’ai fait observé qu’il serait peut-être convenable d’attendre l’honorable M. Delehaye pour examiner s’il fallait mettre à l’ordre du jour ce projet ; et néanmoins la chambre a pris une décision.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb). – Messieurs, je ferai une simple observation de bon sens. La chambre a l’habitude de ne pas passer d’une grave discussion à une autre grave discussion, on a toujours eu soin de mettre un intervalle et de remplir cet intervalle par de petits projets non susceptibles de donner lieu à de longues discussions. C'est ce que la chambre a toujours fait ; je demande qu'on en agisse encore de même.
Il n'y a ici aucune contradiction avec les précédents de la chambre ; il n'est pas sans exemple qu'on ait intercalé de la sorte entre deux grands projets une discussion de moindre importance.
Je ne vois pas d'ailleurs ce que perdra le canal de Zelzaete à venir deux ou trois jours plus tard.
M. Delehaye. - Je modifierai ma proposition en ce sens que le projet sur le canal de Zelzaete vienne enfin après les trois projets dont il s'agit.
M. le président. - Il y a encore un petit projet sur lequel il va être fait rapport et qu'il faudrait bien laisser passer avant celui qui concerne le canal de Zelzaete, c'est le projet relatif à l'établissement d'un bateau à vapeur entre Anvers et la Tête de Flandre, ce projet ne prendra peut-être pas un quart d'heure de discussion.
M. Delehaye. - Je ne m'y oppose pas, mais au moins qu'il soit bien entendu alors que le projet sur le canal de Zelzaete viendra immédiatement après ces quatre projets de lois et que la chambre ne reviendra plus sur sa décision.
M. de Garcia.- La chambre ne peut pas prendre d'engagement à cet égard ; elle doit toujours demeurer libre de modifier son ordre du jour lorsqu'elle le jugera convenable, et je déclare formellement faire toutes mes réserves à cet égard.
M. le président. - Ainsi l'on est d'accord. Les trois projets qui se trouvent à l'ordre du jour y sont maintenus ; le projet concernant l'établissement d'un bateau à vapeur entre Anvers et la Tête-de-Flandre est également mis à l'ordre du jour, et immédiatement après viendra le projet relatif au canal de Zelzaete. (Assentiment.)
M. Vilain XIIII dépose le rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à établir un bateau à vapeur entre Anvers et la Tète-de-Flandre.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. le ministre des finances (M. Smits)- Messieurs, d'après les ordres du Roi, je viens soumettre à vos délibérations un projet de loi sur les sucres de cannes et de betteraves. Si la chambre, pour économiser son temps, croyait devoir me dispenser de lire les dispositions qu'il contient ainsi que l'exposé des motifs, les questions qui s'y rattachent étant d'ailleurs trop graves pour pouvoir être saisies à une simple lecture, je demanderai, dans ce cas, la permission de lui faire connaître par quelques mots les bases du système que je viens lui présenter. Messieurs, le gouvernement a cherché à établir une pondération réelle entre les deux industries pour faire cesser toute rivalité entre elles.
Comme premier moyen, il sera perçu sur le sucre de betteraves, par 100 kilog., un droit de fabrication de 1 fr. 20 cent. équivalent à la moyenne des droits de douanes, payés pour les sucres bruts de cannes importés dans le Royaume.
Le droit d'accise, porté de 37 fr. au maximum de 50 fr., diminuera ou augmentera en raison de la différence qui existera dans la valeur marchande des deux espèces de sucre.
Ainsi si la valeur du sucre de canne est de 57 fr. par exemple, et celui du sucre de betteraves de 74, le droit sur le premier sera de 50 fr. et portera sa valeur à 107 fr., et le droit sur le second sera seulement de 33 pour porter également la valeur à 107 fr.
Ainsi encore plus le prix du sucre de canne diminuera et plus l'impôt sur le sucre de betteraves sera réduit et, eu sens inverse, plus le prix du sucre de canne augmentera, plus l'impôt sur le sucre de betteraves sera élevé, le tout dans les limites fixées par la loi.
Les prix des sucres seront déterminés par des mercuriales mensuelles.
Le sucre brut de betteraves est considéré comme un sucre nouveau destiné à alimenter l'industrie du raffineur. Il est assimilé au sucre brut de canne pour la jouissance des termes de crédit, et participe à tous les avantages accordés à ce dernier pour notre régime des entrepôts fictifs.
De même que le sucre de canne, le sucre de betterave jouira de la décharge de l’accise jusqu'à concurrence des 9/10 du montant des prises en charge.
Nous avons maintenu le rendement du sucre de canne tel qu'il a été établi par la loi du 8 février 1838. Celui du sucre de betteraves a dû être fixé à un chiffre moins élevé, à cause de la différence que présente son prix de revient comparé au prix du sucre brut des cannes.
Lorsque vous aurez examiné le projet de loi, et les observations insérées tant en regard de chaque article que dans l'exposé des motifs, nous pensons, messieurs, que vous partagerez notre conviction que le système dont il s'agit atteindra le but que le gouvernement s'est proposé.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet, ainsi que de l'exposé des motifs qui l'accompagne, et le renvoi à l'examen des sections.
M. le président invite messieurs les présidents de section à prendre les mesures nécessaires pour que les sections puissent s'occuper de ce projet aussitôt qu'il aura été distribué.
M. Eloy de Burdinne. - J'appuie ce que vient de dire M. le président. Il est certain que la question qui vient de nous être soumise est de la plus haute importance pour le trésor et pour une industrie naissante en Belgique ; cette industrie doit connaître si elle peut continuer a marcher ou si elle doit périr. J’engage donc la chambre à presser le plus possible l'instruction du projet dont il s'agit.
M . Van Hoobrouck. -Messieurs, la commission à laquelle vous avez renvoyé les pièces relatives à l'élection de M. de La Coste m'a chargé de faire son rapport.
931 électeurs ont pris part au vote.
M. Edmond de La Coste a obtenu 902 suffrages.
Quelques suffrages ont été annulés parce qu'ils ne portaient pas une désignation suffisante ; les autres voix se sont éparpillées sur différents candidats.
M. de La Coste a donc réuni l'immense majorité des suffrages.
La commission s'est assurée par les pièces qui lui ont été fournies, que toutes les formalités voulues par la loi ont été parfaitement remplies et que M. de La Coste est né en Belgique d'un père et d'une mère belges.
En conséquence, la commission a l'honneur de vous proposer l’admission de M. Edmond de La Coste comme membre de la chambre des représentants.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
La chambre se forme en comité secret à 1 heure et ½.
La chambre se sépare à 4 heures et demie.