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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 18 février 1842

(Moniteur belge n°50, du 19 février 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l'appel nominal à midi un quart.

M. Scheyven donne lecture da procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Gelion-Towne, sergent-fourrier, au 1le régiment de ligne, né en Hollande, demande la naturalisation. »

- Renvoi au département de la justice.


« L'administration communale de Munte (Flandre orientale), demande que la commune de Bottelaere soit le chef-lieu du canton actuel d'Oosterzeele. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Les conseils communaux de Fall-et-Mheer, Siehen, Lanaye, Wonck, Eben-Emael et Bassange (Limbourg), déclarent se rallier au principe du gouvernement, tendant à établir le siége du canton à Sichem. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestre et échevins de la ville de Bruges demandent la prompte discussion du projet concernant le canal de Zelzaete. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


Par divers messages, en date du 17 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté : 1° le projet de loi concernant le jury d'examen ; 2° le projet relatif aux houilles de la Sarre ; 3° le projet de loi sur la pêche nationale.

- Pris pour notification.


Il est fait hommage à la chambre par le sieur Vanwyn, capitaine quartier-maître en non-activité, de son dictionnaire en dix langues.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi qui réduit le terme de douze années fixé par l'article 17 de la loi du 24 mai 1838, sur les pensions militaires

Rapport de la section centrale

M. Mast de Vries dépose le rapport de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi portant des modifications à la loi sur les pensions militaires.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la chambre le met à l'ordre du jour à la suite du projet de loi actuellement en discussion ou entre les deux votes, s'il y a lieu.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république d'Haïti

Rapport de la section centrale

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et le Mexique

Rapport de la section centrale

M. Cogels dépose le rapport de la section centrale chargée de l'examen des traités avec le Mexique et la république de Haïti.

M. le président. - Je propose à la chambre de mettre ce rapport à l'ordre du jour après l'affaire du British Queen. Cet objet n'occupera la chambre que pendant quelques instants.

M. Verhaegen. (pour une motion d’ordre) - La chambre a arrêté précédemment qu'elle s'occuperait de la loi sur les indemnités immédiatement après le vote du budget des travaux publics. Si l'on met à l'ordre du jour les projets de loi dont il vient d'être fait rapport, ce sera un moyen indirect d'ajourner la discussion de la loi des indemnités.

M. le président. - Je ferai observer à M. Verhaegen que la seule question sur laquelle la chambre aura à statuer, quant au rapport que M. Cogels vient de déposer, est celle de savoir si la section centrale continuera l'examen des deux traités, ou si la chambre les renverra, pour cause de connexité, à la commission chargée de l'examen de loi concernant le traité avec les Etats-Unis.

M. Verhaegen. - Mon observation ne s'appliquait pas seulement à ce projet. Il me suffit au reste d'avoir fixé l'attention de la chambre sur les objets qu'elle a mis précédemment à l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Motion d'ordre

M. David. - En parcourant rapidement le rapport de la section centrale, au chapitre des chemins de fer, et les annexes ajoutées à ce rapport, je m'aperçois que le tableau des dépenses détaillées pour l'exercice 1841, demandé par toutes les sections, ne se trouve pas au nombre des pièces imprimées. Ceci, messieurs, est contraire aux antécédents de la chambre. Autrefois on nous a toujours présenté ces tableaux imprimés, ce sont les pièces les plus importantes des rapports, il faut en convenir. Aujourd'hui il paraît qu'on se contente de les déposer sur le bureau de la chambre. Comment donc tous les membres qui veulent consulter ces pièces pourront-ils aller les étudier là ?

Il y a même une somme de 257 mille fr. annoncée comme dépensée pour décembre ou janvier, je ne me le rappelle pas, dont il paraît que le ministre des travaux publics, il y a peu de jours n'avait pas encore le détail. Il devrait l'avoir maintenant, et je désirerais qu'il fût communiqué à la chambre.

Messieurs, il est réellement de la plus haute importance que ces pièces soient imprimées et distribuées avant la très prochaine discussion du budget des travaux publics, pour que chaque député puisse les étudier chez soi.

Il en est de même, messieurs, du tableau détaillé des recettes, dont je ne trouve pas qu'il soit fait mention dans ce volumineux rapport.

Je sais que plusieurs tableaux pour les recettes sont aussi déposés sur le bureau de la chambre, mais j'applique à ces tableaux les mêmes observations que celles que je viens de faire pour les dépenses. J'en demande la prompte impression.

Ces tableaux, messieurs, sont réellement l'âme du rapport relatif au chapitre du chemin de fer. Comment voulez-vous donc, je vous le demande, que nous discutions avec fruit les dépenses de 1842, quand les détails des dépenses et des recettes pour 1841 sont encore inconnus.

M. le président. - M. David propose l'impression des documents auxquels il vient de faire allusion.

M. Peeters, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru pouvoir se dispenser de faire imprimer quelques-uns des états dont vient de parler l'honorable M. David, ces pièces devant figurer dans le compte-rendu que doit faire M. le ministre des travaux publics sur le chemin de fer. Mais la section centrale a aussi décide de faire imprimer, à la suite du rapport sur les crédits supplémentaires, les derniers tableaux que M. David a indiqués. Ce rapport ne tardera pas à être imprimé. D'autres pièces seront déposées sur le bureau pendant la discussion. La section centrale, à l'unanimité, a reconnu qu'il était peu nécessaire de faire imprimer, dans le rapport sur le budget des travaux publics, des pièces qui devaient figurer dans le rapport sur les crédits supplémentaires.

M. David. – Je vois qu'on a l'intention de faire imprimer ces tableaux. La dépense sera toujours la même, qu'on la fasse imprimer aujourd'hui ou plus tard. Je demande donc qu'on les fasse imprimer assez tôt pour qu'on ait le temps de les étudier avant la discussion du budget.

M. Peeters, rapporteur. - La dépense ne serait pas la même, puisque les pièces devraient être imprimés dans deux rapports différents.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, j'ai fourni à la section centrale les nombreux documents qu'elle m'a demandés. Ainsi que l'a dit l'honorable rapporteur, M. David trouvera dans le rapport sur les crédits supplémentaires que j'ai demandés pour l'exercice 1841 plusieurs des tableaux dont il a demandé l'impression.

Quant aux volumineux états que la section centrale a jugé à propos de déposer sur le bureau, ils doivent être imprimés dans le compte -rendu que je dois soumettre incessamment à la chambre sur les opérations du chemin de fer.

Messieurs, on doit concevoir que je n'ai pas encore pu terminer ce compte-rendu. D'abord, quant à l'exploitation, les mesures prises par mon honorable prédécesseur le 20 avril, trois jours avant mon entrée au ministère, ont changé totalement le système d'exploitation et ont soumis cette exploitation à des expériences nombreuses pour l'appréciation desquelles une commission a été instituée. Cette commission a fait plusieurs rapports qui sont entre les mains des membres de la chambre ; un nouveau rapport pourra probablement leur être distribué demain.

Ainsi, messieurs, dans ces divers rapports et dans les deux autres documents joints au rapport de la section centrale sur le budget, et à celui sur les crédits supplémentaires, les membres de la chambre trouveront tout ce qu'il est utile de consulter pour la discussion des questions qui se rattachent à l'exploitation.

Quant aux constructions, il y a encore deux fonctionnaires, attachés à cette partie du service, qui sont en retard de fournir les matériaux nécessaires pour le compte-rendu. Ces fonctionnaires n'étaient pas en mesure de fournir immédiatement tous ces matériaux, parce qu'il y a plusieurs questions très importantes qui sont en litige et qu'il faut approfondir un peu plus qu'on ne l'a fait jusqu'ici, avant de pouvoir insérer des détails à cet égard, dans le compte-rendu. Si ces détails n'y étaient pas consignés, le compte-rendu serait essentiellement incomplet.

Je pense, messieurs, que je pourrai, avant peu de temps, déposer sur le bureau de la chambre le compte-rendu des opérations du chemin de fer.

M. David. - Messieurs, je suis très satisfait de la réponse que vient de me donner M. le ministre des travaux publics. Je désire seulement que nous possédions les tableaux assez tôt pour que nous puissions les étudier avant la discussion du budget.

M. Peeters, rapporteur. - Je ferai observer à l'honorable M. David que les pièces dont la section centrale a jugé, à l'unanimité, l'impression inutile, se trouvent déjà déposées sur le bureau et qu'on peut déjà en prendre connaissance.

Projet de loi qui ouvre divers crédits au département de l'intérieur, concernant l'achat du British Queen

Discussion générale

M. Mercier. -Messieurs, je ne dissimulerai pas l'impression pénible qu'a produite sur moi le rapport de la section centrale sur l'objet qui nous occupe en ce moment. Bien que sur six membres de la section centrale qui ont pris part à cette délibération, il en est quatre qui sont au nombre des adversaires de l'ancien cabinet, je l'avoue, je ne m'attendais pas à si peu de justice et d'impartialité de leur part.

L’honorable membre de la section centrale qui a parlé dans la dernière séance, s'est plaint du peu de bienveillance qu'il avait trouvé dans les paroles de deux membres de l'ancien cabinet. Je le demande à l'honorable M. Cogels, y a-t-il de la bienveillance dans le rapport de la section centrale dont il a fait partie ? Ce rapport est un véritable acte d'accusation, ou plutôt c'est un jugement basé sur des intentions et non sur des faits. C'est là, à mon avis, un excès de pouvoir, et je dénie à la section centrale le droit de juger les intentions ; et qu'a-t-on fait pour établir l'existence de ces intentions et pour parvenir à engager la responsabilité de l'ancien cabinet ? On a passé sous silence une clause essentielle de la convention qu'on voulait interpréter, on a omis des faits d'une haute importance dans la négociation ; on a fait même des citations inexactes de documents écrits en langue étrangère.

C'est ce que je vais démontrer à toute évidence :

D'abord, malgré les mesures les plus expresses, la section centrale pose en fait que l'ancien cabinet aurait ratifié la convention du 17 mars et l'aurait ratifiée sans recourir à la législature ; je ne prétends pas qu'il n’y aurait pas eu ratification de notre part, mais ce qui prouve que nous étions dans le doute, soit sur la ratification elle-même, soit sur la question de savoir s'il y avait lieu de la soumettre aux chambres, c'est que tout en préparant l'exécution éventuelle d'un service de bateaux à vapeur, nous n'avions cependant pas ratifié la convention au 13 avril, au moment de notre traité. Il n'y avait donc pas de parti pris à cet égard ; il restait un temps suffisant du 13 au 29 avril pour provoquer au besoin une décision des chambres, et l'on ne peut tirer aucune conséquence de ce qu'on ne l'avait pas encore fait, puisque la crise ministérielle, qui a commencé avant que la convention nous fût parvenue, nous interdisait de présenter, dans l'intervalle du 24 février au 13 avril, un acte d'une aussi haute importance à la sanction des chambres.

Pour la section centrale, c'est en vain que les instructions les plus formelles ont été données a notre ministre à Londres pour établir la possibilité d'un recours aux chambres ; c'est en vain qu'il est même spécialement recommandé par ces instructions qu'en cas de non ratification, le gouvernement belge n'aura à supporter aucuns frais, malgré toutes ces précautions il persiste à soutenir que la ratification n’était qu'une simple formalité qu'il fallait nécessairement remplir.

Il existe cependant, parmi les documents qui sont sous nos yeux une pièce dont M. le rapporteur de la section centrale n'a pas fait mention, et qui administre la preuve que la société anglo-américaine, avec laquelle nous avons traité, ne comptait pas avec certitude sur la ratification de la convention ; elle se trouve à la page 54 du compte rendu ; c'est une lettre écrite au nom de la direction de la société anglo-américaine ; on y fait observer qu'il a été satisfait à presque toutes les propositions de nos négociateurs.

Ainsi, la direction de la société ne prétendait pas qu'on avait satisfait à toutes les propositions faites de la part du gouvernement belge ; elle reconnaissait qu'il y en avait qui n'avaient pas été accueillies par elle. Plus loin, dans cette même lettre, on ajoute que le gouvernement belge a l'option d'adopter le contrat tel qu'il est ou le refuser ; que, quant à la direction, elle n'entend accepter aucune modification.

Il résulte de là, qu'à l'époque du 22 mars, après la signature de la convention, la société anglo-américaine ne croyait pas que la ratification ne fût qu'une simple formalité, comme on l'a prétendu ; le doute devait donc exister à cet égard dans l'esprit de la section centrale. Et c'est cependant sur la nécessité de cette ratification qu'elle n'hésite pas à engager la responsabilité de l'ancien cabinet à l'égard d'un acte que cette même section désapprouve complètement.

De ce que je viens d'exposer, je tire la conséquence qu'en arrivant au pouvoir, le 13 avril, le ministère actuel avait une pleine et entière liberté d'action, quant au contrat du 17 mars. Il pouvait le soumettre aux chambres, comme il pouvait l'anéantir. En le ratifiant purement et simplement le 19 avril, il se l'est approprié et en a assumé toute la responsabilité.

J'ajouterai qu'à cette époque du 19 avril, au moment de la ratification, le ministère actuel, s'il trouvait, lui, qu'il y avait une sorte d'engagement d'honneur dans la clause qui, en cas de naufrage d'un des deux navires, permettait au gouvernement belge de prendre et d'accepter l'autre, que ce ministère pouvait, sans la moindre contestation, faire connaître à la société anglo-américaine qu'il renonçait au bénéfice de cette clause stipulée en faveur du gouvernement belge.

Il pouvait donc se délier très facilement de cette prétendue obligation morale. Je pourrais m'arrêter là, car il suffit que le cabinet actuel ait eu pleine liberté d'agir tant sous le rapport moral que sous le rapport légal, pour que le précédent cabinet soit dégagé de toute responsabilité dans cette affaire. Toutefois, je soutiens que, même en ratifiant purement et simplement la convention au 19 avril, le cabinet actuel, pas plus que ne l'aurait fait l'ancien ministère, n'a contracté aucune obligation morale. En effet, cette convention renferme quatre clauses principales.

Une première clause essentielle, formelle et expresse, pour me servir des termes mêmes de la convention, est celle qui stipule que les deux navires doivent être livrés au 24 mai. Pourquoi celle clause est-elle substantielle dans le contrat ? C'est qu'il était de la plus haute importance d'établir le service de navigation transatlantique avant d'autres nations. Le gouvernement a toujours insisté sur cette nécessité dans la discussion de la loi comme dans ses instructions.

Une seconde clause essentielle est celle qui est relative au prix des navires ; vient ensuite la clause résolutoire dont la section centrale ne fait aucune mention ; elle porte en substance que dans le cas où la société anglo-américaine manquerait en aucun sens, tout au plus tard au 24 mai, de délivrer les deux navires ou seulement un des navires, il est permis et licite au gouvernement belge de révoquer le contrat, nonobstant toute ordonnance ou précepte de la loi ou de l'équité.

Comme les deux navires n'ont pu être livrés au 24 mai, le ministère avait déjà eu à cette époque 3 occasions de se soustraire à l'obligation légale ou morale d'acquérir la British Queen**, savoir : au moment de son entrée aux affaires en déclarant qu'il ne ratifierait pas la convention ; le 19 avril, en signifiant à la société, lors de la ratification du contrat, qu'il n'entendait pas user de la clause qui lui permettait, en cas de naufrage d'un navire, d'accepter le navire restant et au 24 mai en réclamant le bénéfice de la clause résolutoire. .

Je passe maintenant à la 4e clause, celle qui, en cas de naufrage de l'un des deux navires, laisse au gouvernement belge la faculté de prendre et d'accepter le navire restant, sans toutefois y être obligé.

Cette clause, remarquez-le bien, ne stipule pas que le gouvernement, dans le cas prévu, a le droit de refuser le navire restant. C'eût été un double emploi avec la 1re clause résolutoire qui lui confère ce droit d'une manière illimitée, du moment que les deux navires ne sont pas livrés au 24 mai. Cette clause, sans altérer aucunement la première clause résolutoire, confère une faculté de plus au gouvernement belge, celle de prendre et accepter celui des deux navires qui ne sera pas dans les cas qu'elle prévoit.

La section centrale convient, du reste, que le gouvernement n'est pas forcé légalement de prendre ce second navire, mais elle prétend qu'il est obligé moralement de l'accepter.

Pour démontrer cette obligation morale, la section s'étend longuement sur la situation défavorable où se trouvait la société, comme si cette situation n'était pas celle qu'elle s'était faite elle-même par le contrat.

Dans sa sollicitude pour cette société, et pour prouver combien sa situation devait être prise en considération, la section centrale fait une citation inexacte de l'un des documents joints au rapport du ministre. Je ne suspecte pas ses intentions, mais on me permettra de dire qu'il y avait lieu de mettre plus de circonspection dans une attaque dirigée contre des hommes qui ne sont plus au pouvoir : à la page 17 du rapport de la section centrale, on lit : « et la société qui probablement avait déjà commencé ses travaux de liquidation, qu'allait-elle faire d'un navire, après qu'elle eut renoncé à toute réception de marchandises et rompu ses relations avec les expéditeurs ? » Plus bas on trouve en note : « M. Bainbridge, directeur de la société anglo-américaine, termine sa lettre du 15 mars, en disant ; qu'une fois le contrat de vente ratifié, leur intention était de provoquer immédiatement la dissolution de la société. »

Messieurs, cela m'avait paru extrêmement étrange. Une société n'attendrait que la ratification d'un contrat, dans lequel se trouvent les clauses résolutoires, pour provoquer la dissolution de la société. Aussi, il n'en est pas ainsi ; la société n'a pas dit qu'elle liquiderait lorsque le contrat serait ratifié, mais lorsque le contrat aurait reçu son complément par la livraison des obligations belges ; vous pouvez vous en convaincre en recourant à la lettre imprimée à la page 54 du compte-rendu ; en effet, la société ne pouvait se dissoudre qu'après le payement. Du reste, il en eût été autrement que c'était là une position qu'elle s'était faite.

L’argument essentiel de la section pour prouver qu'il y a obligation morale, la voici :

« Le gouvernement belge qui, par le fait de l'insertion de cette clause dans le contrat, avait déjà insinué qu'au besoin un navire aurait pu suffire pour le début de l'entreprise, pouvait-il alléguer des motifs loyaux de prétendre le contraire, maintenant que le cas prévu dans la clause se présentait ? y avait-il dans la position du gouvernement, des modifications telles qu'elles pussent modifier des modifications dans son opinion concernant la possibilité d'exploiter avec un seul navire ? Si ces changements n'existaient pas, il n'y avait pas de motifs pour dire qu'il n'était pas obligé (moralement) de prendre et d'accepter le navire restant. »

C'est donc encore sur une intention que la section centrale nous condamne ; eh bien, cette fois, je déclare de la manière la plus solennelle et je ne crains pas de le faire au nom de mes anciens collègues, cette intention n'a jamais existé.

Cette faculté réservée par notre ministre était avantageuse, soit en cas de doute, soit pour nous permettre d'en agir au terme fixé selon les éventualités. Si nous avions soupçonné que cette clause pouvait nous lier dans le sens expliqué par la section centrale, nous l'aurions considéré comme un piége tendu à notre bonne foi et nous l'aurions rejetée avec indignation.

Mais non, une telle pensée n'a pas existé chez ceux avec qui nous traitions. Elle n'eût pas échappé à la perspicacité de notre ministre, qui n'eût pas manqué de la repousser ou d'en prévenir le gouvernement.

Messieurs, je me rappelle à cette occasion une circonstance qui s'est passée au sein du conseil des ministres, lorsqu'il s'est agi de l'achat des deux navires. Un membre du cabinet a dit à M. le ministre de l'intérieur d'alors : Prenez bien garde, dans la clause résolutoire, de ne pas nous lier à accepter un seul navire dans le cas où un des deux navires ne pourrait pas nous être livré.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne fallait rien stipuler, vous eussiez été beaucoup plus forts.

M. Mercier. - On doit nous juger d'après nos intentions, et non d'après des intentions supposées et contraires à l'esprit comme à la lettre de la clause où il ne s'agit que d'une simple faculté.

Mais, dira-t-on, notre ministre plénipotentiaire a déclaré, lui aussi, qu'il y avait engagement d'honneur.

Messieurs, il importe d'examiner dans quelles circonstances cette opinion a été exprimée ; notre ministre ne fait là aucune allusion au contrat du 17 mars, mais à des changements opérés à ce contrat.

Messieurs, lorsque dans le rapport qui se trouve sous nos yeux, j'ai vu pour la première fois l'opinion que notre ministre plénipotentiaire à Londres avait exprimée, j'ai annoté sur-le-champ en marge qu'il devait y avoir des faits qui nous étaient inconnus ; sans cela il eût été impossible que M. Van de Weyer eût manifesté une telle opinion. Eh bien ! messieurs, qu'est-il arrivé ? Il y avait réellement des faits qui nous étaient inconnus. Je me suis demandé comment il se faisait que dans les pièces qui nous ont été communiquées, il y avait une lacune entre l'époque du 24 mai et celle du 12 juin ; comment le 12 juin, on délibérait encore sur la question de savoir si on prendrait livraison de la British Queen**, tandis que dans la seconde convention aussi bien que dans la première, il était formellement stipulé que tout devait être considéré comme non avenu, si le navire n'était pas livré avant le 24 mai. M. le ministre de l'intérieur nous l'a appris ; en répondant à l'honorable M. Verhaegen, il vous a dit qu'il y avait eu une convention nouvelle dont il n'avait pas été fait mention jusqu'alors.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n'y a eu qu'une simple lettre.

M. Mercier. - Cette nouvelle stipulation prorogeant le délai du 25 juin ; cette prorogation seule suffirait pour prouver que le ministère a eu toute liberté d'action ; car c'est bien volontairement qu'il s'est lié de nouveau après le 24 mai.

Eh bien ! lisez maintenant l'opinion exprimée par notre ministre plénipotentiaire à Londres, et vous verrez que cette opinion ne se rattache pas à la convention du 17 mars, mais bien aux faits postérieurs à cette convention. Voici le passage de sa lettre, qui porte la date du 1er janvier dernier :

« J'ajoutai que le gouvernement du Roi, après avoir obtenu des délais, après avoir proposé et obtenu un changement dans le mode de paiement, après avoir ainsi fait encourir à la compagnie des frais considérables et de nouvelles pertes, était, a mes yeux, moralement obligé de ratifier le contrat… »

Ainsi M. Van de Weyer se fonde sur trois nouvelles circonstances qui ne dérivent en aucune manière de la convention du 17 mars, mais se rapportent toutes ou à celle du 28 avril, ou à celle qui proroge le délai au 25 juin, savoir :

1° Les délais obtenus ;

2° Le changement dans le mode de paiement ;

3° Les nouveaux frais et les nouvelles pertes qu'on a fait essuyer à la compagnie,

Je vais aborder maintenant la question financière : Un honorable membre, qui a parlé dans la séance d'hier, a dit que sous le prétexte de se renfermer dans les limites de la loi, le cabinet précédent avait échelonné les payements du prix d'achat des deux navires à différentes époques ; puisque l'honorable membre a parlé de bienveillance je lui demanderai s'il est bienveillant de supposer que l'ancien cabinet a imaginé un prétexte ; nous aurions pu en nous trompant sortir de la légalité, mais jamais nous n'aurions imaginé un prétexte.

Du reste, j'ai la pleine et entière conviction que nous ne sommes pas sortis de la légalité par le mode de payement stipulé dans la convention du 17 mars.

Parmi les différents modes d'établissement d'une navigation transatlantique indiqués par le gouvernement, il en est un qu'il a particulièrement désigné comme étant le plus probable. Voyez page 4 du rapport de la section centrale.

« Le gouvernement, disait le ministre, garantirait aux actionnaires d’une société qui se formerait à Anvers, pour l'établissement d'un service de bateaux à vapeur, le remboursement de leur capital au moyen du rachat d'un certain nombre d'actions à tirer au sort et dont il resterait dès lors propriétaire. »

On voit que, d'après ce mode, le gouvernement devait engager d’avance les annuités créées par la loi du 29 juin 1840.

La chambre l’a entendu ainsi, et il était impossible qu'elle le comprît autrement, puisqu'il fallait garantir aux actionnaires le remboursement de leur capital.

Le gouvernement pouvait donc engager légalement les 14 annuités ; il l’eût fait par le mode qu'il a plus spécialement indiqué à la chambre ; il l'a fait aussi par le mode qu'il a été obligé d'adopter après maintes tentatives réitérées vainement pour en trouver un meilleur.

Si donc une mesure était légale, la seconde l'est également, elles ne diffèrent que par la forme ; au fond le résultat est le même, selon la première il fallait s'engager par un contrat à payer une certaine somme annuellement, par la seconde on prend le même engagement, en créant des reconnaissances exigibles aux mêmes époques.

Il ne s'agit donc que de la forme, et la question réduite à ces termes perd toute l'importance qu'on a voulu lui donner.

Le ministère avait à examiner si, selon des offres qui lui avaient déjà été faites par une puissante maison financière, il pouvait faire payer les annuités selon les échéances des obligations par cette maison qui, de son côté, eût touché chaque année un mandat duement signé par la cour des comptes ;

Et dans le cas où il aurait trouvé, après mûre délibération, que ce mode eût présenté des inconvénients sous un rapport quelconque ;

S'il y avait lieu de provoquer une disposition législative purement réglementaire.

Ainsi, quant à la légalité, la mesure proposée par le ministère précédent était à l'abri de tout reproche, et je dirai, en passant, que le gouvernement, forcé d'adopter le troisième mode indiqué en juin 1840 à la section centrale, la du moins dégagé des deux objections qu’il avait lui-même présentées contre ce mode, et qui consistaient en ce qu’il eût exigé des sacrifices immédiats fort considérables, ainsi qu’un personnel actif et administratif fort difficile à réunir.

On a évité ces sacrifices immédiats, ainsi que la nécessité de créer un personnel dépendant du gouvernement.

Mais, dit l'honorable M. Cogels, les obligations que l'on aurait créées devaient faire concurrence à notre dette flottante et aux autres fonds belges ; cette observation n'est pas fondée, car le mode adopté par le précédent cabinet présente encore cet avantage que du moins il divise la concurrence dont a parlé l'honorable membre. Cette concurrence, eu égard au chiffre de notre dette publique, devait être insensible quant aux titres de la dette consolidée. Elle eût été faible aussi quant aux bons du trésor, puisqu'elle se serait bornée chaque année aux obligations échéant dans l'année même.

Par le mode qui vient d'être adopté, au contraire, la concurrence dont on a parlé se reporte exclusivement sur les bons du trésor, puisqu’elle vient augmenter notre dette flottante. Cela est de toute évidence, car si l'émission de la dette flottante est, terme moyen, de 10 millions, par exemple, il est bien certain que si l'on retire deux du trésor, cette dette flottante devra être, terme moyen, de 12 millions.

Poursuivant sa critique, l'honorable préopinant ajoute, que d’après son opinion le ministère précédent eût nécessairement dépassé les crédits accordes par les chambres en employant deux navires. Cependant, il établit ensuite, d'après des documents authentiques, que la navigation de ces deux navires en Angleterre a produit des bénéfices. Toutefois, fidèle au système de la section centrale, il se hâte de faire observer qu'en Belgique on ne pouvait obtenir les mêmes résultats.

J'espère qu'il me sera permis d'être d'un avis tout contraire :

Au moment où le contrat du 17 mars a été signé à Londres, les navires le Président et la British Queen**, passaient pour les meilleurs du monde, ils étaient assurés moyennant des primes très modérées.

Ils pouvaient remplir le double but de transporter rapidement les marchandises et les personnes.

La loi n'a été votée qu'au point de vue d'un mouvement commercial considérable, et si c'est la un crime, la chambre l'a partagé avec le ministère.

Nous comptions sur le commerce de l'Allemagne vers les Etats-Unis, et je crois encore que nos espérances n'eussent pas été déçues. Des voyages fréquents et réguliers devaient amener ce résultat.

Aujourd'hui on pense que la navigation d'un seul navire laissera peut-être un excédant de dépense de 250,000 fr. annuellement, et l’on en tire la conséquence que l'allocation eût été bien insuffisante pour la navigation de deux navires.

Cette objection étant présentée, je suis forcé d'exposer la différence des deux situations.

A des voyages fréquents on substitue des voyages très rares, qui peut-être n'attireront pas le commerce étranger.

Au lieu de deux navires jouissant de la plus haute réputation, on n’a plus qu'un navire discrédité par la perte du Président, perte dont on ignore la cause.

Pour qu'on trouve quelqu'avantage dans la rapidité des communications, il faut que les départs soient fréquents, car j'aimerais autant confier ma marchandise à des navires à voiles que de la laisser dans mes magasins pour y attendre longtemps le départ d'un navire à vapeur ; il m'en coûtera moins.

La plupart des chances de ruine ont donc disparu, en n'employant qu'un seul navire ; et je crois être dans le vrai en exprimant l'opinion que deux navires naviguant avec cargaisons complètes et de nombreux passagers, auraient exigé une dépense moins considérable en résultat qu'un seul navire qui se trouve dans des conditions défavorables à tous égards.

Je vais rencontrer maintenant les observations présentées par la section centrale sur le mode de paiement : elle préfère le mode de paiement adopté par le ministère actuel. D'abord, « parce qu'il a déchargé du paiement des intérêts de la somme d'achat, intérêts fort considérables. »

J'avoue que je ne comprends pas ce motif de préférence. Est-ce que, par hasard, nous ne devons pas aussi bien acquitter les intérêts des bons du trésor à créer en vertu du second mode que les intérêts des obligations qui auraient été créées par suite du premier. Il n'y a aucun avantage dans le nouveau mode de payement. Car si on négocie avantageusement des bons du trésor à certaines époques, il en est d'autres où on ne peut les émettre qu'à un taux fort élevé.

« Ensuite parce qu'il a permis de réduire la somme à payer de 45,000 fr., dont on avait été obligé d'après le premier mode d'augmenter le prix d'acquisition par compensation de la chance à courir pour la réalisation des obligations. »

Mais, messieurs, s'il y a là un avantage bien faible relativement au capital engagé, nous perdons d'un autre côté la navigation d'une année entière par l'époque reculée à laquelle le navire a été livré. Certes la perte est bien plus grande que le bénéfice qui résulte d'une faible diminution de 45,000 francs, que le gouvernement a obtenue.

En troisième lieu :

« Parce qu'il a épargné au gouvernement le paiement de 46,250 francs, provenant de l'intérêt de six mois qu'il aurait dû sur les 1,850,000 francs, depuis l'époque indiquée par le contrat. »

Mais, messieurs, si le navire a été fourni beaucoup plus tard, il est naturel qu'il y ait des intérêts de moins à payer. Si le navire, au lieu d'être livré au mois de novembre 1841, l'avait été au mois de novembre 1842, il y aurait eu moins d'intérêt encore à supporter. Je ne conçois pas que l'on puisse considérer cette diminution d'intérêt comme un avantage ; il y a lieu de la déplorer, au contraire, par le motif qui l'a occasionnée.

On a ajouté un quatrième motif ; c'est qu'il y avait dans les caisses du trésor des fonds provenant de l'emprunt et qui restaient sans emploi. S'il en est ainsi, au moins cela n'a pas existé longtemps. Et même, si j'en juge d'après mes prévisions, l'encaisse, au mois de novembre, ne devait pas être très considérable.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il était de 25 millions.

M. Mercier. - S'il était considérable à cette époque, bien certainement il a bientôt cessé de l'être, et je suis convaincu qu'en ce moment et depuis quelque temps déjà il n'excède pas ce qui est nécessaire pour subvenir aux services publics.

Voilà donc à quoi se réduisent les faibles avantages pécuniaires obtenus par suite du mode adopté par le cabinet actuel ; qu'on les mette en parallèle, d'une part, avec la perte d'une année de navigation, avec la perte réelle de l'intérêt du capital engagé depuis la date du paiement jusqu'à celle où le navire pourra être livré à la navigation, et enfin avec l'inconvénient grave d'augmenter d'une somme considérable notre dette flottante déjà fort élevée, et l'on reconnaîtra que, sous le point de vue financier comme sous le point de vue de l'utilité, l'opération projetée par l'ancien cabinet l'emportait sur celle qui lui a été substituée ; elle avait, en outre, le mérite de ne point s'écarter de la légalité.

Si, en stipulant pour les deux navires, nous avions suivi le mode auquel le cabinet actuel a eu recours, nous aurions augmenté le découvert du trésor de 3,600,000 fr., et il eût été porté à plus de 26 millions ; cette mesure, à mes yeux, eût été fort impolitique, car si la dette flottante se supporte facilement dans les temps prospères, elle devient un grand embarras dans les circonstances difficiles, et souvent une source de charges onéreuses.

Je bornerai là mes observations.

J'en ai assez dit pour faire comprendre que, dans mon opinion, l'acquisition de la British Queen n'est pas heureuse, parce qu'il n'y a pas de bons résultats à attendre de la navigation à vapeur d'un seul steamer, et d'un steamer frappé de défaveur.

Mais le British Queen est acheté ; qu'en ferons-nous ? Le vendre serait peut-être chose fort difficile. Dans cette situation, je crois devoir m'abstenir dans le vote à émettre sur la proposition faite par la section centrale de faire pendant un an l'essai d'une navigation transatlantique par ce navire. J'attendrai, du reste, la suite de la discussion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je m'occuperai d'abord des dernières observations de l'honorable préopinant. Il trouve que la position, avec un seul navire, est bien moins avantageuse qu'elle ne l'eût été avec 2 navires. Il serait extrêmement facile de reconstituer l'ancienne position qu'il semble regretter ; il est très possible de trouver un second navire, non pas peut-être de 2000 tonneaux, mais d'un tonnage inférieur. Vous voyez donc qu'on pourrait revenir à l'ancienne position, objet des regrets de l'honorable préopinant. Mais quelles sont les difficultés qu'on rencontrait ? On rencontrerait des difficultés pécuniaires, des difficultés financières insurmontables, difficultés que l'honorable préopinant s'est complètement dissimulées.

Aujourd'hui il faut défalquer de l'allocation de 400,000 francs 150,000 fr. (en faisant le service des intérêts), pour amortir le capital d'un seul navire, en 14 ans et quelques mois. Pour le second navire, il faudra défalquer une somme équivalente, il resterait alors environ 100,000 fr. pour exploiter les deux navires ; ce que je regarde comme absolument impossible. Je dis que, partisan avec l'honorable préopinant de la navigation transatlantique, la seule position possible qui ne fasse pas courir au gouvernement des chances qu'il doit redouter, c'est l'exploitation d'un seul navire ; ce qui n'absorbera que 150,000 fr. sur le capital et laissera à la disposition du gouvernement 250,000 francs pour courir les chances de l'exploitation. Si, comme je l'espère ces chances sont heureuses, nous verrons ce que l'avenir nous permettra de faire avec l'économie que nous offrira la somme de 250,000 francs.

Pour arriver à cette étrange conclusion, qu'aujourd'hui l'exploitation d'un seul navire est beaucoup plus malheureuse que n'eût été l'exploitation de 2 navires, l'honorable membre doit se faire constamment illusion sur les premiers calculs qui ont servi de base à la convention du 17 mars 1841 et qui sont l'ouvrage de l'honorable membre. Ces calculs sont annexes à mon compte-rendu. Chacun peut les examiner ; il en résulte à l'évidence que l'exploitation des deux navires n'eût pas laissé 100,000 fr. à la disposition du gouvernement, pour couvrir le déficit probable de l'exploitation de 2 navires. C'est, selon moi, un fait incontestable.

Mais sortons des conjectures, abordons un autre point plus réel, plus positif. Pourquoi a-t-on changé le mode de paiement ? Pourquoi n'a-t-on pas conservé le premier mode de paiement ?

Rappelons en peu de mots les faits tels qu'ils se sont passés ? Je suis entré au ministère le 14 avril, le dossier m'a été remis ce jour-là ou le lendemain, la ratification devait être à Londres le 28, elle devait donc être expédiée de Bruxelles, au plus tard, le 25. Je me suis demandé : Le ministère précédent aurait-il ratifié ? Je n'en ai pas douté, j'aurais cru faire injure au ministère précédent, si j'en avais douté. La ratification a donc été envoyée à Londres sous la forme d'arrêté royal qui n'a pas été annexé au compte-rendu, mais dont je puis donner lecture à la chambre.

« LEOPOLD, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir salut,

« Ayant pris connaissance de la convention conclue le 17 mars dernier à Londres, entre notre ministre plénipotentiaire près de S. M. la reine de la Grande-Bretagne et MM. Henrri Bainbridge, Charles Enderby, James Reate et Mac-Gregor Laird,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. La convention conclue le 17 mars dernier, à Londres, pour l'achat des bateaux à vapeur les Président et British Queen est approuvée.

« Art. 2. Notre ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent arrêté, dont une copie certifiée, par lui, sera remise aux vendeurs, pour valoir lettre de ratification.

« Donné à Bruxelles, le 19 avril 1841.

« (Signé) LEOPOLD.

« Par le Roi :

« Le Ministre de l'intérieur,

« (Signé) NOTHOMB. »

Cette pièce était signée lorsque je me suis enquis, au ministère des finances, à la trésorerie générale, des mesures préparées par l'ancien ministère pour exécuter le mode de paiement indiqué. J'ai reconnu qu'aucun moyen d'exécution n'était préparé, qu'il y avait impossibilité d'exécuter la convention, selon le mode de paiement stipulé.

L'honorable membre a supposé l'intervention d'une maison puissante ; je sais que cette intervention aurait pu tout sauver ; mais ce n'est pas ce qui était stipulé dans la convention ; il y était stipulé qu'on remettrait au vendeur 28 obligations négociables par lui. Pour recourir à une maison de banque, que fallait-il faire ? Au lieu de remettre les obligations au vendeur, s'entendre avec cette maison de banque qui aurait payé comptant le prix stipulé, sauf à régulariser la position de manière à rembourser la maison qui aurait fait les avances, il n'y avait que cela à faire.

D'un autre côté, il y avait des sacrifices qu'avait dû faire le gouvernement pour obtenir ce mode de payement impraticable. Le prix stipulé pour chaque navire était de 70,000 l. st. ; on avait dû ajouter 1750 l. st. pour tenir compte des chances de l'agio ; c'était donc un premier sacrifice. En second lieu, on devait payer aussi des intérêts très considérables ; comme l'honorable préopinant l'a lui-même reconnu, le trésor, dans ce moment surtout, offrait des ressources suffisantes. Si ce mode de payement impraticable n'avait pas existé, je n’aurais rien fait ; je me serais borné à expédier la ratification à Londres, et j'aurais attendu les événements.

C'était pour obtenir un nouveau mode de payement qu'on a demandé à M. Van de Weyer, de faire une convention additionnelle ; si j'ai ajouté quelque chose à la ratification de la convention du 17 mars, c'est par excès de bonne foi et de zèle.

J'arrive ainsi au nouveau mode de payement. Je ne vais pas aussi loin que l'honorable préopinant. L'ancien mode de payement, il le considère comme régulier ; moi je le considère comme irrégulier. D'un autre côté, je ne viens pas prétendre que le nouveau mode de payement est régulier. Non, il ne l'est pas ; c'est une chose que j'ai avouée la première fois qu'il a été question de cette affaire dans cette chambre ; c'est une chose que j'ai reconnue dans le compte-rendu ; en effet, pages 11-12 du compte-rendu, on a mis en regard les deux modes de payement, en les déclarant tous deux irréguliers et en faisant ressortir les avantages évidents que l'honorable préopinant lui-même n'a pas contestés au second mode de payement.

L'honorable membre a pensé qu'on avait pris de grandes précautions en insérant une clause résolutoire dans la convention du 17 mars ; mais vous auriez été beaucoup plus forts sans cette clause ; Car la clause résolutoire est toujours sous-entendue quand une des parties ne remplit pas l'ensemble de ses obligations. Insérer la clause résolutoire, c'était admettre l'hypothèse de l'acceptation d'un seul navire ; vous auriez donc été beaucoup plus forts sans cette clause : car alors la possibilité de l'acceptation d'un seul navire n'eût pas même été supposée.

Messieurs, j'avais eu soin d'expliquer pourquoi il y avait lacune dans plusieurs parties des pièces, c'est que, dans cette négociation, comme dans toute négociation, beaucoup de choses se sont faites verbalement. Notre plénipotentiaire à Londres, M. Van de Weyer, est venu deux fois en Belgique. Il est venu une première fois lors de la rédaction des pleins pouvoirs et des instructions ; il est venu une seconde fois dans l'intervalle de la convention du 28 avril et de l'acceptation de la British Queen. Beaucoup de choses se sont passées entre M. Van de Weyer et le précédent cabinet, qui ne sont pas consignées dans les pièces, de même qu'il s'est passé beaucoup de choses entre M. Van de Weyer et le ministère actuel qui n'ont pas pu être consignées dans les pièces.

M. Van de Weyer m'a déclaré qu'en jugeant les circonstances, ayant égard à la position du gouvernement belge à Londres, il lui semblait qu'il était indispensable d'accepter la livraison de la British Queen. Il l'a déclaré non pas en s'en tenant à la convention du 28 avril, mais en considérant l'ensemble des faits, des engagements. Voilà comment il m'a toujours présenté cette affaire. C'est ainsi que certaines personnes, qu'il a pu voir dans son deuxième voyage, considéraient la position. Je fais ici un appel à leur mémoire, à leur bonne foi.

Résumons-nous.

Le ministère précédent avait acheté deux navires, le ministère actuel a accepté l'un des deux navires.

Le ministère précédent voulait payer ces deux navires par un mode tout nouveau. Le ministère actuel a considéré ce mode de paiement comme impraticable, il y a substitué un autre mode irrégulier, il est vrai, mais qui présente des avantages pécuniaires.

L'exploitation comme l'avait projetée le précédent cabinet avec toutes les chances qu'elle présentait, cette exploitation exposait à de très grandes difficultés, à un déficit tellement considérable que très probablement on se fût trouvé, dans un très court délai, en dehors des crédits de la loi du 29 juin.

L'exploitation réduite à un seul navire ne présente plus les mêmes chances. Il est évident qu'avec les 2.500,000 francs restant disponibles, à moins de supposer tout au pis, nous pouvons entreprendre la navigation transatlantique.

L’honorable préopinant a regretté la perte du Président. Je lui conseille d'être plus reconnaissant envers le sort. Si le Président n'avait pas péri, si les deux navires avaient pu être livrés, nous nous trouverions dans des embarras bien plus grands.

Félicitez-vous de la catastrophe du Président, dirai-je à l'honorable M. Mercier. D'ailleurs, il serait facile de reconstituer cette position de trouver un deuxième navire, à la vérité d'un tonnage moindre que celui de la British Queen ; l'obstacle c'est la limite des crédits, limite méconnue d'abord.

Vous arriverez à ce complément, mais graduellement, par une expérience moins périlleuse. Il s'agit de faire un premier essai d'exploitation directe par le gouvernement. Cette exploitation directe par le gouvernement est indispensable. En vain, vous feriez appel à des acheteurs ou à des entrepreneurs, personne ne se présenterait, et cet insuccès serait un nouveau discrédit jeté sur la navigation transatlantique à vapeur, serait un nouveau discrédit ajouté à toutes les préventions qu'on a cherché et qu'on est malheureusement parvenu à accréditer.

Je regarde donc comme indispensable qu'on sorte de la position où l'on se trouve, et je ne vois pas d'autre moyen d'en sortir que l'adoption des propositions de la section centrale, auxquelles j'adhère. Ces propositions régularisent d'abord le mode de paiement ; en deuxième lieu elles donnent au gouvernement l'autorisation d'exploiter directement pour cette année, autorisation douteuse d'après la loi du 29 juin 1840. Je le répète, il n'y a pas d'autre moyen de sortir de la position où l'on se trouve, à moins qu'on ne veuille rester dans une sorte d'impasse. Si nous prenions une semblable résolution nous ferions retomber une espèce de ridicule sur le pays. Je demande pardon de faire intervenir ici le pays ; mais la loi du 29 juin a eu un tel retentissement en Europe, que si nous renoncions à l'exécution de cette loi, croyez-moi, il en résulterait un ridicule pour nous. Nous avons voulu faire à tort ou à raison une tentative de navigation transatlantique ; nous n'avons plus à l'examiner ; nous avons voulu faire une tentative devant laquelle reculent d'autres nations, mais la tentative est annoncée, il faut la faire. Ne croyez pas qu'à l'étranger on comprendrait les motifs de votre changement de résolution ; on ne s'y occupe pas de vos petites discussions de légalité, discussions importantes pour nous, importantes pour les chambres qui ne veulent pas que leurs prérogatives soient méconnues, que les positions des pouvoirs soient irrégulières ; mais ce sont là des discussions de détail qui échappent à l'étranger. Ce n'est pas ainsi qu'on expliquerait l'abandon de cette idée.

J'insiste donc pour que la chambre veuille bien voir le fond de la question, la réalité des choses et s'associer au gouvernement en adoptant les propositions de la section centrale.

Le ministère actuel est-il seul responsable, l'est-il avec le ministère précédent ? Quant à moi, je persiste à dire, sans être animé d'aucune pensée de récrimination contre le ministère précédent que la responsabilité est commune aux deux cabinets, qu'il est difficile de déterminer la part de chacun, et que cette responsabilité résulte de l'ensemble des événements indivisibles, selon moi.

M. Lys. - Je n'ai pas a examiner si l'achat des deux navires la British Queen et le Président, était ou n'était pas une opération avantageuse ; si le précédent ministère avait ou n'avait pas outrepassé ses pouvoirs, en faisant cette acquisition, car il vous a été démontré d'une manière qui ne peut laisser aucun doute que le ministère actuel avait pu, je ne dirai point ratifier le traité pour l'achat dont s'agit, mais se dispenser de faire un nouveau marché.

Il reste incontestable que deux clauses suspensives avaient été apposées au contrat d'acquisition de ces deux navires, que la vente était censée n'avoir jamais existé, à défaut de livraison au terme fixé, et en cas de naufrage de l'un de ces deux bâtiments. Il y a eu défaut de livraison, au terme fixé, il y a eu perte de l'un de ces navires, donc tout était mis à néant.

Il est dès lors établi que le cabinet actuel a pu se dispenser de faire l'acquisition de la British-Queen**, et ayant fait cet achat, a lui seul en appartient la responsabilité.

Je ne parlerai point de l'obligation morale dont la section centrale nous entretient, l'honorable M. Liedts a trop bien démontré qu'il n'y avait pour l'Etat aucune obligation quelconque, et ce serait abuser de vos moments, messieurs, car je ne pourrai que répéter beaucoup moins bien ce qui vous a été si bien dit.

Nous regardons le travail de la section centrale, en ce qui concerne l'ancien cabinet, comme tout à fait inutile. La plupart des questions qu'elle s'est posées et qu'elle a résolues, ne pouvait avoir aucun résultat ; elles tendaient évidemment à justifier les actes posés par le nouveau ministère au détriment de l'ancien, mais elle n'a pas été heureuse dans ses efforts.

Elle a voulu considérer l'achat de la British Queen comme une nécessité, suite de la position dans laquelle l'ancien ministère avait placé le nouveau, tandis qu'elle avait sous les yeux un contrat établissant deux clauses suspensives, l'une pour le terme de la livraison des deux navires, l'autre pour le cas où l'un de ces navires viendrait à faire naufrage, clauses pour lesquelles il y avait ouverture des deux chefs.

Cet acte du 17 mars était encore soumis à la ratification du chef de l'Etat belge, et un terme de 42 jours avait été fixé pour cette ratification, ainsi jusqu'au 28 avril, avec stipulation que dans le cas où cette stipulation ne serait pas adressée avant cette époque, le contrat et toutes clauses y comprises seraient absolument et à tous égards nulles, invalides et sans force, et aucune action ou procès ne saurait en être intenté pour en exiger l'exécution, nonobstant toute ordonnance ou précepte de loi ou d'équité.

Comment, messieurs, après une telle condition, exigée par notre ministre plénipotentiaire à Londres, qui n'entendait prendre aucun engagement sans cette ratification, peut-on venir nous entretenir d'obligation morale, de crainte d'être accusé de mauvaise foi, de déloyauté ; peut-on nous parler de la nécessité dans laquelle on s'est trouvé par le fait de l'ancien ministère, de ratifier ce contrat ?

Comment, M. le ministre de l'intérieur pouvait-il nous dire qu'un procès nous serait intenté en Angleterre, que nous aurions à courir toutes les chances d'une procédure d'après les lois anglaises, lorsque le contrat contient la clause formelle qu'aucun procès ne peut être intenté ? Comment M. le ministre vient-il citer l'autorité de Merlin, pour nous prouver que le mandant devait accomplir l'acte du mandataire fait dans les bornes du mandat, quand il prouve lui-même, par les pièces qu'il a produites que le mandant s'était réservé la ratification et que le mandataire exécutant fidèlement le mandat avait fait cette réserve expresse ?

Mais si ces clauses suspensives ne pouvaient produire aucun effet, s'il y avait mauvaise foi, immoralité de les faire valoir, pourquoi le gouvernement, dans l'acte du 28 avril, fait-il de nouveau insérer la clause que la livraison de l'un des navires doit avoir lieu le 21 mai ; qu'il sera libre au gouvernement belge, qu'il sera à son choix d'accepter ou d'abandonner le bateau the British Queen et qu'il doit exercer ce choix tout au plus tard ledit jour 24 mai, et que s'il se résout à ne pas le prendre seul, sans le bateau the Président, ou s'il refuse ou oublie d'exercer ce choix dans ledit délai, le contrat et tout ce qu'il contient sera à jamais entièrement et absolument cassé et annulé, tant à ce qui regarde ledit bateau the Président qu'en ce qui regarde le bateau the British Queen ?

Le contrat d'acquisition de deux bateaux à vapeur, passé le 17 mars, avait été indirectement ratifié par l'ancien cabinet, dit la section centrale ; je ne fais pas de difficulté d'admettre ce fait, parce que la ratification de sa part ne me paraissait pas douteuse.

Rien ne prouve, dit-elle encore, que notre ministre plénipotentiaire à Londres se soit écarté des instructions qu'il avait reçues du gouvernement ; son rapport du 23 mars, où il rend compte de l'acquisition et des incidents de la négociation, n'a été l'objet d'aucune réclamation de la part de l'ancien ministère.

Tout cela est encore vrai ; M. le ministre plénipotentiaire s'est conformé aux instructions lui données ; il a stipulé la ratification que ses instructions portaient de réserver, il a même obtenu à cette fin un délai plus long que celui qui lui était indiqué.

Mais ajoute la section centrale, et ici elle sort du vrai :

« La ratification par le contrat actuel n'était donc plus qu'une simple formalité, qu'il ne pouvait s'empêcher de remplir sans violer les usages reçus, sans blesser les convenances internationales. » Cela n'est nullement exact, un contrat dont on se réserve la ratification n'existe qu'après la ratification, auparavant ce n'est qu'un projet.

La non-ratification n'eût pas été un caprice indigne d'un gouvernement qui tient à se faire respecter, un désaveu injustifiable, en droit et en fait, de la conduite de notre ambassadeur, une dérision à l'égard de l'amirauté anglaise.

La non-ratification eût eu pour cause que l'opinion du ministère actuel n'était plus la même que celle du précédent ; alors nos ministres d'aujourd'hui auraient donné la preuve qu'ils ne pouvaient ratifier, parce que le contrat sortait des limites fixées par la loi de 1840, parce qu'avec un pareil marché, ils ne pouvaient établir une navigation transatlantique, puisqu'il ne leur resterait qu'une somme de deux millions pour les frais d'exploitation pendant quatorze années. Ce refus de ratification, loin de violer les usages reçus, loin d'être un caprice, aurait été considéré comme un acte de sagesse, aurait été l'acte d'un ministère qui ne prend que la loi pour guide, en ne faisant que la dépense à laquelle il est autorisé.

Et n'avons-nous pas vu dans cette session un ministre, présentant une opinion toute contraire, dans deux projets de loi, à celle de son prédécesseur, venir ainsi défendre au nom du gouvernement tout le contraire de ce qu'avait présenté celui auquel il succédait.

Il n'y avait nul désaveu pour notre ministre plénipotentiaire. Le gouvernement lui annonçait seulement qu'il différait d'opinion avec lui sur les moyens d'exploitation qu'il croyait nécessaire d'avoir recours au corps législatif, motif pour lequel il usait du pouvoir de non ratification, que celui-ci qui avait lui-même réservé.

Quant à l'amirauté anglaise, elle n'avait pas fait partie au contrat, elle n'avait donné des soins qu'à l'examen des navires, et on était loin de contester la véracité et l'exactitude de son rapport.

Que ce soit à la demande de notre ambassadeur, et par déférence pour le chef de l'Etat qu'il représente, que l'amirauté ait consenti à l'expertise lui demandé, que la compagnie n'ait connu que le gouvernement belge, avec lequel elle traitait, sans considération pour un changement de cabinet, personne ne conteste à cet égard.

Ce n'est pas une ratification qui a été donnée, c'est un nouveau contrat, car le premier contrat n'existait plus, un seul prix avait été fixé pour les deux bateaux ; la condition résolutoire était stipulée ; ici il y a même changement des conditions de paiement.

Je ne crois point, messieurs, qu'il reste le plus léger doute, que l'achat de la British Queen soit le fait du gouvernement actuel.

Ce n'est point dans la conduite de l'ancien ministère, ce n'est point par des allégations qu'il avait amélioré les conditions du premier contrat, ce n'est point par la considération que le marché se borne à un navire au lieu de deux, et que, par suite, les frais d'exploitation ne s'élèveront point à une somme aussi forte que le ministère actuel doit Justifier l’opération qu’il a faite. Que la première opération fût bonne ou mauvaise, nous n'avons plus à nous en occuper, le premier contrat n'existait plus.

Le dernier contrat est le seul acte que la chambre ait à approuver ou à improuver.

Je ne conteste nullement au ministère le droit de faire l'acquisition de la British Queen ; mais je lui conteste le droit de puiser au trésor une somme de 1800 mille fr. sans autorisation légale.

Si M. le ministre de l'intérieur était venu nous exposer qu’il avait fait cette acquisition dans l'intérêt de l'industrie, pour laquelle le besoin de débouchés se fait sentir plus vivement de jour en jour ; qu'il n'avait pas hésité d’exposer l’Etat à quelque perte, dans l’espoir de créer un débouché pour nos productions, parce que tel était le but de la loi du 29 juin 1840 ; si franchement il était venu nous dire : Nous ne pouvons obtenir de la France des concessions qui seraient dans l'intérêt des deux pays ; il est en de même de l'Allemagne et de tous nos voisins ; dans une telle position, je n'ai vu, pour le moment, d'autre ressource qu'une communication avec les Etats-Unis, et je n'ai point hésité de faire un essai, pour y parvenir le plus tôt possible ; nous eussions alors, messieurs, apprécié l'acte du ministère comme fait dans l'intérêt du commerce et de l'industrie et par suite dans l'intérêt de l'Etat.

Il n'est malheureusement que trop vrai, messieurs, que la France, peu soucieuse de l'intérêt de ses consommateurs, ne veut point sortir de son tarif prohibitif ; elle nous oppose ses trente millions d'âmes et ne tient pas compte que les neuf provinces de la Belgique consomment plus que 25 départements français ; elle est habituée, messieurs, à obtenir de larges concessions de la Belgique ; elle n'a pas oublie que nous avons été tellement généreux, ou plutôt tellement faibles, que d'admettre ses produits similaires aux nôtres, qu'elle repousse ; nos autres voisins semblent suivre une pareille marche, et tendre à resserrer la Belgique comme dans un réseau.

Je n'aurais donc pas hésité de valider le paiement effectué et de voter les fonds nécessaires pour l’exploitation de la British Queen.

J'aurais pu alors espérer que ce service se serait régularisé et serait devenu utile, car, il ne faut pas plus en douter aujourd'hui que nous ne formions de doute au 29 juin 1840, la navigation à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis est un établissement utile et désirable. Rappelez-vous, messieurs, ce que la fabrique d'armes de Liége vous disait, qu'elle ne pouvait plus expédier des armes en Amérique, parce qu'elle ne pouvait les faire arriver en temps opportun. Il en est de même, messieurs, des tissus pour nouveautés ; s'ils n'arrivent en même temps que ceux de France et d'Angleterre, il n'y a pas d'envoi possible, ils arrivent, mais trop tard, ils deviennent des fonds de magasin ; et le fabricant se ruinerait, s'il renouvelait l'opération.

On me dira la navigation à voile est là, mais on n'a cessé de répondre, d'abord dans certaine saison elle ne peut prendre la mer, les vents l'empêchent de sortir, ensuite il faut attendre un chargement plus complet ; et, à cet égard, le retard est tel qu'on doit se résoudre à faire transporter la marchandise par voie de terre et à trop grands frais jusqu'au Havre.

Mais le ministère, loin de soutenir ses actes, ainsi que je l'aurais désiré, a tâché de les faire considérer comme l'œuvre de ses prédécesseurs qu'il devait subir.

Le gouvernement est-il venu vous dire qu'il était dans l'impossibilité morale :

1° De désavouer le ministre du Roi à Londres, qui s'était conformé à ses instructions et qui avait rendu compte de la négociation par son rapport du 25 mars resté sans observation ;

\2. De désavouer l'amirauté, qui avait une première fois constaté le bon état de l'un de ces navires, et qui devait intervenir de nouveau pour le constater définitivement avant la livraison.

Le gouvernement a cru devoir à la bonne foi de maintenir le marché quant à la British Queen.

Agir autrement eût été compromettre le nom belge en Angleterre.

Un pareil langage ne tend-il pas à vous convaincre que le ministère savait qu'il faisait une mauvaise affaire en faisant l'achat dont il s'agit.

N'a-t-il pas, par ses paroles, fait prévaloir les accusations dirigées contre le navire, ne les a-t-il pas tellement fortifiées, qu'on ne trouvera pas aujourd'hui des passagers pour confier leur vie, ni des marchands pour risquer leurs marchandises, et c'est dans un pareil état de choses que la section centrale vient vous proposer de voter des fonds pour mettre en mer la British Queen , tout en vous disant et en vous répétant à satiété que le navire est peu convenable.

Je ne pourrai, messieurs, donner mon approbation à une pareille proposition.

Si les faits accomplis doivent servir de règles, alors il serait inutile de diviser les pouvoirs, il faudrait les réduire à un seul, les chambres deviendraient tout à fait inutiles et ne seraient plus qu'une charge pour l'Etat.

Le fatal exemple de voir un ministère puiser dans le trésor une somme de 1800 mille francs, sans autorisation légale, vous démontre de plus en plus la nécessité d'une bonne loi financière, que l'on nous promet depuis si longtemps, mais qui n'arrive pas.

Je ne tolérerai pas par mon vote de pareilles illégalités, il sera négatif si un bill d'indemnité n'est pas demandé.

M. Eloy de Burdinne**.** - La discussion a duré assez longtemps pour que chacun puisse connaître le vote qu'il a à émettre. Cette question devient de plus en plus irritante ; je pense qu'il serait temps de la clore, si on ne veut pas qu'elle dégénère en querelle.

Nous avons un autre motif pour la clore ; c'est que le pays attend de vous le vote de différentes lois. Je crois que quand une discussion a duré cinq jours chacun doit être fixé sur ce qu'il a à faire. Cependant, comme la section centrale a été attaquée, on ne peut pas refuser à M. le rapporteur le droit de se défendre. Mais j'espère que, renonçant à la parole, mon exemple sera suivi par la majorité de la chambre.

M. Desmet. -Comme l'honorable préopinant, je trouve que la discussion a déjà duré longtemps, et je n'aurais pas demandé la parole si on n'avait pas attaque la section centrale dont j’avais l'honneur de faire partie et qu'on me permettra, j'espère, de défendre. On l'a attaquée dans ses intentions, on l'a accusée d'avoir tronqué des pièces, on l'a accusée de partialité. L'honorable M. Delfosse a formellement accusé la section centrale de partialité. A cet égard je dirai à l'honorable membre comment la section centrale a opéré. Elle a examiné l'opération sous le premier et le second cabinet, ensuite elle a examiné l'affaire dans la position actuelle.

Quand on accuse de partialité, on devrait bien dire en quoi elle consiste. Tous nos votes sont motivés, et on a pu voir que les votes de blâme exprimés par la section centrale étaient partagés entre les deux cabinets. Si on veut compter les votes émis sur les actes des deux administrations, on verra qu'il y a autant de votes improbatifs d'un côté que de l'autre. C'est donc à tort qu'on a adressé à la section centrale le reproche de partialité.

Je demanderai à M. Delfosse s'il n'y a pas un peu de partialité dans la manière dont il a parlé des actes du précédent ministère. Il a dit : L'acte du ministère précédent n'était qu'un projet, je ne m'en occuperai pas. Comment, messieurs, un contrat passé, des obligations émises, des conventions passées avec une société, tout cela n'est qu'un projet ! Non, le contrat d'achat des deux steamers était complet, et le précédent ministère l'aurait ratifié, comme le ministère actuel s'est cru obligé de ratifier l'achat conclu d'un seul navire.

Examinons maintenant la portée de l'opération. On a passé un contrat dont le montant s'élevait à 3,616,200 fr. ; on a de plus émis des obligations qui étaient un véritable emprunt et un emprunt à 5 p. c., avec gros intérêt. Eh bien, je vous le demande, peut-on faire un emprunt sans une loi ? En troisième lieu, on avait passé une convention pour l'exploitation des deux navires. Et comment cette convention était-elle faite ? pour un temps déterminé, sans réserve, de sorte que si les steamers étaient venus à périr, on devait continuer à payer le subside à la société.

Je vais, messieurs, vous soumettre le calcul, et vous venez combien on avait violé la loi dans la première opération ; vous venez que les diverses conventions et marchés conclus dépassaient d'un demi-million la somme votée dans la loi pour tout la période des 14 années ; voici ce calcul :

Le prix fixé par le contrat signé le 17 mars 1841, pour l'acquisition des deux steamers anglais, le Président et la British Queen**, était de 143,500 liv. st., soit fr. 3,616,200

Ce prix devrait être acquitté par la remise aux vendeurs d'obligations du gouvernement belge, qui rendraient 5 p. c. par an, montant des intérêts jusqu'à l'amortissement : fr. 1,356,255

Total du prix d'achat : fr. 4,972,455

Par la convention conclue le 3 avril avec MM. Cateau-Wattel, George Jolhi et Jules Lejeune, le gouvernement a été obligé de payer à cette société pendant la période du nombre d'années déterminé par la loi, une somme totale de fr. 1,006,520

La somme totale à laquelle était donc obligé le gouvernement par l'achat des deux navires et leur exploitation, était de fr. 5,978,975.

Cependant il n'avait à sa disposition, en vertu de la loi du 21 juin 1840, qu'une somme totale de fr. 5,600,000

Il y aurait eu donc un déficit de fr. 378,975

Pour pouvoir mettre à exécution la première opération, celle qui compète au précédent cabinet.

Ne connaissant pas les frais qu'aurait entraînés la livraison des deux navires, c'est-à-dire les faux frais de l'achat, je ne puis en faire figurer le chiffre dans le compte que je viens, messieurs, de vous établir, mais on peut le fixer à une centaine de mille francs ; ainsi dans cette opération il y avait un déficit d'un demi-million.

On avait dans une seule opération absorbé, non seulement toute la somme accordée par la loi, mais en outre encore un demi-million de plus ; n'est-ce pas évidemment contre l'esprit et les termes de la loi ? En outrepassant toute la somme de 14 années on était incontestablement sorti des bornes de la disposition de l'article 2 de la loi qui dit que : « La dépense à supporter de ce chef par le trésor ne pourra excéder une somme moyenne de 400,000 fr. par an, pendant 14 années. »

Selon moi, messieurs, il résulte de l'esprit de la loi qu'il fallait favoriser une navigation transatlantique selon les besoins éventuels du commerce pendant 14 années consécutives, et pour le faire il était mis à la disposition du Gouvernement une somme de 400,000 francs par an ; on ne pouvait donc pas se mettre dans une position quelconque de ne pas pouvoir favoriser ou aider une navigation vers les Etats-Unis, telle que les besoins du commerce l'exigeaient. C'était là indubitablement l'esprit de la loi, et si on ne le faisait pas ainsi, on se mettait dans le cas de ne pas exécuter la loi dans son véritable but. Je suppose que la première année l'on eût totalement absorbé le crédit pour établir un service entre Anvers et New-York, et que l'année suivante ou deux ans après, la nécessité se fût faire sentir d'établir un autre service d'Ostende vers Philadelphie ; eh bien ! si vous aviez absorbé la somme totale du crédit des 14 années, vous n'auriez pas été en état de favoriser ce second service, qui cependant aurait été trouvé utile ; et si, d'un autre côté, par un sinistre, les navires de la première opération eussent péri, vous auriez dû payer tout le montant des conventions ; vous auriez dépensé tout le crédit, et vous ne pourriez plus favoriser le service de navigation transatlantique pendant la période établie par la loi.

Lorsque, dans la discussion de la loi du 29 juin, l'honorable M. Rodenbach a demandé à M. le ministre de l'intérieur d'alors, ce qu’il ferait s’il devait absorber toute la somme la première année, il lui fut répondu que ce n'était pas la ce que l'on se proposait de faire, que l'on se garderait bien d'absorber toute la somme en une seule année, que l’on se réserverait toujours des ressources pour les éventualités qui pourraient se présenter.

Eh bien, messieurs, on a fait tout le contraire de ce que l'on avait dit vouloir faire, on a fait aussi toute autre chose que ce que la loi permettait. Evidemment. On a violé la loi,on dira peut-être encore : Ce jugement est partial je voudrais cependant qu'on me prouvât et démontrât s’il n'est pas juste.

On s'est montré aussi fort mécontent de ce que la section centrale, par un vote unanime, a déclaré que l'achat des deux navires, le mode de paiement et la passation de la convention Cateau-Wattel était un acte de mauvaise administration. Je crois, messieurs, que l'on peut bien qualifier ainsi un acte posé en violation de la loi, comme nous venons de le démontrer.

Je ne suis pas du tout d'accord avec l'honorable M. Cogels qui a vu dans l’acquisition de la British Queen une brillante affaire. Je ne critique pas la construction du navire ; je ne suis pas compétent pour le faire, je ne suis pas constructeur de navires ; mais je critique le système de grands navires qui a été abandonné en Angleterre et auquel on a préféré le système Cunard. Cette navigation par grands navires est un système monstrueux, on le nomme en Angleterre le système monstre ; il est monstrueux parce que les frais de navigation sont tellement élevés qu'ils ne peuvent être compensés par les recettes. C’est ce que l’honorable membre n'a pas touché ; il a bien parlé de la bonté et de la beauté du bâtiment, mais il n’a pas démontré que l’exploitation était bonne et pouvait être avantageuse pour l’armateur, et c’est ce pendant de ce côté-là que cette navigation colossale est partout attaquée et abandonnée.

On a dit, messieurs, que force nous était de faire l’acquisition dont il s’agit, afin d’établir aux Etats-Unis des débouchés que nous ne pouvons pas trouver ailleurs ; « car, a-t-on ajouté, vous n’aurez jamais un traité de commerce avec la Hollande, vous n’aurez jamais un traité de commerce avec l’Allemagne. » L’honorable membre qui a tenu ce langage ayant été revêtu d’un caractère officiel, cet honorable membre ayant été envoyé en France, pour y négocier un traité de commerce, je me croirai autorisé à l’interpeller à l’égard des paroles que je viens de rappeler ; je n’ai pas cru de voir faire jusqu’à présent de semblables interpellation, mais maintenant je me réserve d’en faire après la discussion de la loi qui nous occupe.

Ceci, messieurs, me rappelle l’époque où le congrès était appelé à donner un souverain à la Belgique ; alors un certain diplomate nous disait aussi : « Vous n’aurez pas un tel, vous n’aurez pas un tel ; prenez mon ours. » Heureusement la mémorable séance du soir est arrivée, et l'ours n'est pas sorti de sa cage. On se rappellera cette trop fameuse séance où M. Maclagan d'Ostende, fit ce discours d’essai. Eh bien, messieurs, on vous a dit presque la même chose. Prenez mes deux ours, je ne dirai pas heureusement le Président est péri, car sa perte a emporté avec lui un grand nombre de victimes, qui, avec lui, sont restées au fond de la mer, mais que c’est par cet accident, le précédent ministère a laissé un seul navire sur le dos du pays, et des ministres successeurs, et sans cela nous aurions eu à supporter le fardeau des deux colosses.

Pour moi, messieurs, l'objet principal n'est pas le British Queen ; vous paierez cela comme vous avez payé tant d'autres choses depuis dix ans ; ce que je considère comme important surtout, c'est ce qui nous a été révélé dans la discussion, qu'il nous serait impossible d’obtenir des traités de commerce. Cependant, messieurs, en ce qui me concerne, je ne crois pas à cette impossibilité ; je crois que si nous sommes prudents, la France finira bien par comprendre combien il lui est utile d’avoir un marché commun avec nous.

Quant à l'Allemagne, je crois qu'on a tort de conjecturer que l’union ne voudra pas de nous. Je pense absolument le contraire. Si vous le voulez, les produits allemands ne tarderont pas à venir vous encombrer, et les Allemands passeront bien vite le Rhin ; mais ce ne sera pas moi qui leur donnerai la main.

En ce qui concerne la Hollande, je pense que nous aurons un traité de commerce avec elle aussitôt que nous le voudrons.

Je crois donc qu'il dépend donc de nous d'obtenir les marchés dont nous avons réellement besoin.

En parlant de l'Allemagne, je dois appeler l'attention du gouvernement sur la ratification du traité entre le Zollverein et le grand-duché de Luxembourg.

Si nous maintenons la loi du 6 juin 1839, on introduira en Belgique par le Luxembourg une grande quantité de produits allemands, tels que les tissus de laines et autres étoffes, les fers travaillés, les faïences, les charbons de bois, la chaux, le plâtre, les céréales de toute espèce, etc.

Quand vous avez accordé des facilités aux produits de la partie cédée du Luxembourg, vous aviez en même temps des avantages dans le minerai que vous retiriez de ce pays ; eh bien, messieurs, cet avantage vous le perdrez par l'adjonction du Luxembourg à l'union douanière allemande, car vous savez, messieurs, que le tarif prussien ne permet pas la sortie du minerai.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Une exception a été faite.

M. Desmet. - Dans tous les cas, je pense qu'on ne peut plus laisser subsister la loi de 1839, ce serait encore une fois un acte de dupe.

On a reproché à la section centrale de ne pas avoir examiné assez mûrement la question de droit. Je crois, messieurs, que toutes les questions ont été complètement examinées par la section centrale, qui s'est occupée de l'objet en discussion pendant vingt-trois ou vingt-cinq jours.

Cependant, messieurs, la question de droit n'a pas exercé beaucoup d'influence sur moi. J'aurais voulu ne pas approuver l'acquisition du British Queen, et pour ce qui me concernait, je n'aurais pas ratifié le marché ; mais est-ce pour cela un motif que je ne puisse excuser celui qui l'a fait, quand on voit combien les auteurs du projet de cette navigation avaient exalté la chose, et quand on considère que la loi du 29 juin a été votée à une certaine majorité. De plus, les discours des honorables MM. David et Lys étaient tellement favorables à la navigation transatlantique que les personnes qui n'avaient pas une opinion bien arrêtée sur la question devaient nécessairement devenir favorables au projet dont il s'agissait. J'ai donc été très disposé à excuser celui qui avait cru bien faire en tenant le marché tel que le précédent ministère l'avait conclu, et il est d'autant plus excusable qu'il a beaucoup amélioré l'opération en prenant des mesures plus avantageuses au trésor de l'Etat.

Il me reste, messieurs, une question à examiner, c'est celle de savoir ce qu'on fera du British Queen. Dans la section centrale, je m'étais abstenu, parce que, n'approuvant pas ce système monstre de navigation, je n'avais aucune confiance dans un essai ; mais je pense qu'il est même dans l'intérêt de ceux qui partagent mon opinion sur la défectuosité du système qu'un essai soit fait ; alors au moins la chose sera jugée avec preuve, et tout le monde pourra s'en convaincre.

Je dois ajouter ici que quand les membres de la section centrale se sont rendus à bord de la British Queen**, que là deux commissaires du gouvernement, quoique pensant comme nous que le système de grands navires était vicieux, encore ils ont déclaré que, d'après leur opinion, on devait laisser faire un essai.

En ce qui concerne la légalité de la dépense qui a été faite, M. le ministre ne veut la soutenir ; il reconnaît avec les membres de la section centrale que si le mode employé pour remplir les engagements contractés par le marché n'était pas illégal, il était au moins très irrégulier, mais cependant, et tout le monde doit le reconnaître, beaucoup moins onéreux pour le trésor que l'émission des obligations, telle qu'elle avait lieu par le précédent ministère, Cette irrégularité ou, pour mieux dire et d'après mon opinion, cette illégalité ou cette inconstitutionnalité est constante.

Mais, messieurs, à qui la faute ? S'il y avait deux clefs, une pour le ministère et une pour la cour des comptes, ces irrégularités ne pourraient pas avoir lieu si facilement. Le pouvoir de votre cour des comptes figure bien dans votre constitution, mais il devient nul en pratique. Cette disposition constitutionnelle devient une lettre morte. Cependant si vous voulez que vos finances soient bien administrées et que les abus cessent, il faut qu'elle soit une réalité.

Avant de terminer, je dois encore répéter que je n'étais nullement partisan de l'établissement d'un service de bateaux à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis, je ne voyais dans l'établissement d'un semblable service aucune utilité pour le commerce. Je ne voulais donc pas consentir à ce que le gouvernement dépensât de nouveaux fonds pour faire un essai. Mais nous sommes allés à Anvers, non pas pour aller inspecter le navire, comme on a semblé le croire, mais pour recueillir des renseignements, et là des hommes compétents pour juger des questions de cette nature nous ont donné beaucoup de raisons pour nous démontrer qu'il serait bon de faire un essai. Je ne voudrais donc pas qu'on pût, un jour, me reprocher de m'être opposé à un essai qui aurait pu avoir des résultats satisfaisants. Ces considérations m'engageront à voter en faveur du projet de la section centrale.

M. Delfosse**.** -Je ne m'attendais guère au reproche de partialité qui vient de m'être adressé par l'honorable préopinant ; je puis dire que personne ne s'est montré, dans cette affaire, plus impartial que moi, car j'ai blâmé le ministère précédent, qui a eu mon appui, tout comme le ministère actuel, dont je suis l’adversaire.

Qu'a fait la section centrale ?

Notre ambassadeur à Londres a été le principal instigateur du marché ; pas un mot de blâme pour lui dans le rapport.

Le ministère précédent, qui a voulu conclure, mais qui n'a pas conclu ce marché, est sévèrement blâmé dans ce même rapport ; c'est à l'unanimité que la section centrale décide qu'il a fait un acte de mauvaise administration.

Le ministère actuel, qui a conclu le marché, trouve au contraire la section centrale fort indulgente ; d'après elle, il était moralement engagé à prendre le navire restant ; il a, il est vrai, fait un paiement irrégulier, mais ce paiement a été avantageux à l'Etat, peu s'en faut que nous ne lui devions de la reconnaissance.

J'ai donc eu raison de dire que le rapport de la section centrale n'a pas le mérite de l'impartialité, qu'elle n'a su être sévère que pour les hommes tombés du pouvoir, et je maintiens ce que j'ai dit.

M. de Mérode. - Nous ne sommes pas des avocats, a dit M. Delehaye, et si les représentants ne sont pas destinés à traiter ici les affaires comme des avocats, il en est de même des ministres. Une discussion s'est établie entre le ministère précédent et le ministère actuel sur la responsabilité de l'acquisition de la British Queen. Après avoir comparé les raisons alléguées de part et d'autre, il me semble impossible de ne pas attribuer cette responsabilité au ministère qui a conclu le marché avec une clause résolutoire dont il est positif qu'il n'aurait pas fait usage. En effet, l'honorable M. Liedts vous a déclaré, en termes décisifs, son approbation de l'acquisition de la British Queen. Je suis, vous a-t-il dit, du nombre de ceux qui pensent que la convention faite par le ministère actuel, pour l'achat de ce navire, est utile au pays. Il ajoute, je le sais, que cette convention n'avait aucune connexité avec la convention projetée par le ministère dont lui-même faisait partie. Mais c'est vraiment là une des prétentions les plus singulières qui puissent être produites devant une assemblée politique qui, selon M. Delehaye, ne doit pas s'attacher à une argumentation semblable à celle que présentent les avocats devant les tribunaux.

En effet, pour qu'il n'y eût aucune connexion entre les marchés conclus à Londres par l'intermédiaire diplomatique sous les deux ministères, il faudrait que le ministère qui a entrepris le premier cette négociation eût déclaré positivement qu'il voulait les deux navires, le Président et la British Queen**, et qu'il n'accepterait pas l'un des deux sans l'autre. Or, c'est précisément là ce qu'il s'est gardé de signifier. Certainement les propriétaires de la British Queen ont dû penser, malgré la clause résolutoire, conditionnelle et non absolue, qu'elle ne leur serait pas opposée en fait par le gouvernement belge, bien qu'elle pût l'être en strict droit ; et si l'avènement d'un nouveau cabinet en Belgique eût détruit cette chance presque certaine, on n’eût pas manqué d’attribuer à l’instabilité du pouvoir en Belgique le changement de ses dispositions premières et peu douteuses.

Toutes les paroles prononcées dans cette enceinte par M. Liedts et M. Rogier prouvent qu'ils étaient éblouis de l'excellence de l'acquisition, soit des deux bateaux à vapeur, soit d'un seul. Et si le ministère actuel eût mis obstacle à cette acquisition complète ou partielle, on lui eût reproché un mauvais esprit de contradiction et d'opposition aux meilleures combinaisons de l'administration qu'il remplaçait. Cela est à présent de toute évidence, et certes, je ne manquerais pas, si le marché était considéré maintenant comme une source de richesses pour la Belgique, d'en attribuer tout l'honneur aux ministres qui l'ont provoqué, et je rirais de la prétention du ministre qui, n'ayant fait que signer l'acte définitif, voudrait s'attribuer le mérite d'une conception qu'il n'aurait fait que suivre à son dernier terme. Je sais que si, en vertu de quelqu'article du code civil le signataire d'un acte de cette nature avait droit à une récompense pécuniaire, cette récompense appartiendrait légalement à M. Nothomb. Les tribunaux ne pourraient pas l'adjuger à M. Liedts, mais ce serait bien à propos qu'on appliquerait à cette justice de procédure le fameux sic vos non vobis.

Du reste, messieurs, celui auquel la récompense reviendrait plus particulièrement en équité pure et franche serait notre plénipotentiaire à Londres, et si le va-et-vient de la British Queen entre l'Amérique et Anvers produit les merveilles commerciales qu'on en a espérées, je déclare que l'honorable M. Van de Weyer aura le principal mérite de l'œuvre que le ministère précédent devra lui être postposé, et que, quant au ministère actuel, sa part sera semblable au triomphe d'un régiment qui entre dans une citadelle prise, et qui vient l'occuper sans avoir combattu.

L'essai ne réussissant pas, le blâme devrait être distribué de la même manière ; quant à moi, j'ignore quel sera le résultat de cet essai, je m'en inquiéterais médiocrement je l'avoue, si l'on faisait payer au pays, chaque année, les frais de ces tentatives, et qu'on ne chargeât pas constamment l'avenir des sommes qu'il faut pour les solder. Malheureusement on augmente, et toujours par des emprunts, le fardeau qui pèsera sur nous, et pourtant nulle prospérité, nul bien-être réel n'est possible sans l'équilibre des recettes et des dépenses en temps de paix. Qu'on ajoute au budget des voies et moyens ce qui sera nécessaire pour toutes les conceptions tendantes à procurer des débouchés à l'industrie, je ne les redouterai point, parce que bientôt on saura leur imposer leurs véritables limites. Mais tant qu'on déguisera aux contribuables le fardeau qu'on leur prépare en voulant enrichir le pays par le commerce, aux dépens du trésor laissé en déficit, je ne verrai qu'avec une crainte toujours croissante un système aussi dangereux, c'est là ce qui me fait surtout regretter l'acquisition du British Queen ; si l'on faisait payer au pays immédiatement, par une taxe ad hoc, le steamer tant admiré par notre plénipotentiaire à Londres, je ne doute pas que plus de réserve ne serait ultérieurement imposée à tous ces engagements.

M. Delehaye**.** - L'honorable comte de Mérode vient de jeter un peu de ridicule sur tous ceux qui n'ont pas partagé son opinion. Il m'a fait l'honneur de me nommer personnellement ; il a fait allusion à ce que j'ai dit dans la séance d'hier, quand j'ai déclaré que je n'étais l'avocat d'aucun parti ; qu’obligé d'examiner l'exécution de la loi, c’était comme juge que j'avais cru devoir blâmer tous ceux qui étaient intervenus dans la négociation.

M. Dedecker, rapporteur. – Messieurs, la section centrale dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, a été l'objet de nombreuses et rudes attaques, on devait s'y attendre. La section centrale étant entrée dans une voie de modération et de vérité, elle devait donc nécessairement rencontrer comme adversaires naturels tous les partisans des opinions extrêmes. Vous avez remarqué, comme moi, messieurs, que dans cette foule d'opinions qui se sont fait jour, et de projets qu'on a mis en avant dans cette discussion, il s'est surtout manifesté deux tendances extrêmes et contradictoires.

Les uns regardent l'ensemble de cette opération comme une affaire essentiellement, utile et glorieuse pour le pays ; les autres, au contraire, la regardent comme une affaire déplorable et ruineuse. Les uns se plaignent de ne plus voir à la disposition du gouvernement qu'un seul des deux navires achetés primitivement ; les autres, au contraire, trouvent que c'est encore bien trop d'un seul, et nous proposent de le revendre, à moins qu'on ne parvienne, soit à le raccourcir, d'après le système de l'honorable M. de Foere, soit de l'amincir, d'après le système de l’honorable M. Verhaegen.

Mais ce à quoi la section centrale ne devait pas s'attendre, c'était de voir dénaturer sa pensée, de voir incriminer ses intentions. Je suis fort étonné que quelques membres qui ont pris la parole dans la discussion, entre autres deux membres de l'ancien cabinet, se soient plaints que la section centrale ait incriminé, ce qui n'est pas, les intentions de l'administration précédente, tandis que leurs discours à eux n'ont été en réalité qu'un long acte d'accusation contre la section centrale. Cela est si vrai, qu'on a été jusqu'à supputer le nombre des membres de la section centrale qui appartenait à la majorité de l'ancien cabinet, et ceux qui faisaient partie de la minorité. De là, on a perfidement inféré que des liens politiques attachant ces derniers au ministère actuel, leurs votes n'ont plus été marqués au coin d'une stricte impartialité. Si ce n'est pas là incriminer d'une manière inconvenante les intentions, je vous avoue que je ne connais plus la force des expressions.

Messieurs, obligé de prendre la défense de la section centrale, je le ferai avec prudence et circonspection.

La section centrale n'avait pas, comme l'a insinué l'honorable M. Rogier, l'intention de détruire d'avance toutes les chances que pouvait avoir l'entreprise ; je n'en veux pour preuve que la conduite qu'elle a tenue, conduite d'une extrême prudence.

Toutes les opinions critiques que vous avez entendu émettre au sein de la chambre relativement à la navigabilité du navire, avaient été émises au sein de la section centrale, Là aussi, on avait dit que la British Queen est arquée, que ses machines ne sont pas proportionnées aux dimensions du Steamer ; que le navire porte sur deux vagues, etc. Mais la section centrale qui ne voulait pas augmenter le discrédit dont est déjà frappé le navire, la section centrale, par patriotisme, n'a pas fait une fois mention d'une seule de ces objections.

Messieurs, quelques membres, à propos de la discussion qu'a soulevée l'exécution de la loi du 29 juin 1840, en sont revenus à examiner la question d'utilité de celle loi. Je pense ne pas devoir suivre ces orateurs sur ce terrain, parce que je regarde ces épisodes de la discussion comme un hors-d'œuvre. L'immense majorité de la législature a voté la loi du 29 juin ; elle est donc d'accord sur l'utilité des relations à établir avec l'Amérique. Mais je ne puis pas cependant ne pas manifester mon étonnement d'avoir entendu un ex-ministre, l'un des commissaires belges envoyés à Paris, s'exprimer d'une manière si naïve, ou si crue, si l'on veut, sur le peu d'espoir que nous devons fonder sur nos négociations commerciales avec les pays qui nous avoisinent. Je pense que pour tout le monde c'eût été exprimer une opinion exagérée, mais dans la bouche de l’honorable membre, c'était plus qu'une exagération, c'était un aveu imprudent.

Je ne puis non plus partager l'opinion du même honorable membre, qui semble croire que tout l’avenir de notre industrie réside dans la navigation qu'il s'agit d'organiser maintenant. L’honorable membre a cité tous les moyens qui sont à la disposition du gouvernement pour tâcher de créer de nouveaux débouchés à notre industrie. La conclusion qu'il a tirée de cette énumération, c'est que nous n'avons rien à espérer d'aucun de ces moyens, si ce n'est de l'organisation des bateaux à vapeur, à tel point que si l'essai de la navigation par le British Queen ne réussissait point, il faudrait désespérer de voir désormais notre industrie prospère, de voir notre commerce plus étendu.

Messieurs, avant d'examiner jusqu'à quel point la section centrale avait le droit de dire que les deux actes posés par l'ancien ministère, le contrat du 17 mars et la convention du 3 avril, sont des actes de mauvaise administration, j'éprouve le besoin de vous montrer combien peu est fondé le reproche de partialité qu’on a adressé à la section centrale. J'appelle, messieurs, toute votre attention sur le tableau que j'ai dressé des votes des membres de la section centrale.

La question la plus importante que la section centrale eût à examiner, c'était celle de savoir si la loi du 29 juin avait été bien exécutée. La question de légalité était la plus importante, parce qu'il s'agit du respect pour la loi, tandis que la question d'administration n'est en définitive qu'une question d'amour-propre. Sous le rapport de la légalité, la section centrale avait divisé l'opération due aux deux cabinets en 3 points, la question d'acquisition, la question de paiement et la question d'exploitation.

Voici les votes émis par les membres de la section centrale relativement à ces trois questions, et vous jugerez, messieurs, si la section centrale a été aussi partiale que l'honorable M. Delfosse tout à l'heure encore a bien voulu le dire.

Sur la question d'acquisition, trois membres ont soutenu l'ancien cabinet, c'est-à-dire, ont pensé qu'il avait agi légalement, trois ont pensé qu'il avait agi illégalement. Il y a donc eu partage.

Relativement à la même question envisagée dans ses rapports avec le cabinet actuel, quatre membres ont pensé que celui-ci a agi légalement et un a pensé qu'il avait agi illégalement.

Pour le payement, trois membres ont soutenu que l'ancien cabinet était resté dans les termes de la loi, trois ont pensé qu'il en était sorti, donc encore une fois partage. Quant au cabinet actuel, deux membres seulement ont trouvé qu'il avait agi légalement, et quatre ont décidé qu'il avait agi illégalement.

En ce qui concerne l'exploitation, deux membres de la section centrale se prononcent pour la légalité du mode adopté par l’ancien cabinet, et trois ont cru ce mode illégal.

Dans cette même question d'exploitation, le cabinet actuel n'a eu qu'une voix pour lui, et quatre voix contre.

Je vous le demande, messieurs, ce tableau des votes de la section centrale ne prouve-t-il pas à l'évidence que le reproche de partialité qui lui a été adressé est souverainement injuste ?

J'arrive à la question d'administration. Ici encore, messieurs, les opinions de la section centrale ont été étrangement dénaturées. On a séparé la question posée des considérants qui l'expliquaient et la motivaient ; on a feint d'oublier la discussion qui, au sein de la section centrale, a précédé le vote sur cette question d'administration.

Lorsque la section centrale a décidé que l'ancien cabinet avait fait des actes de mauvaise administration, en faisant le contrat du 17 mars et la convention du 3 avril, c'était bien moins la teneur de ces actes ou leur but, que le mode de négociation qu'elle a entendu blâmer.

De tous les motifs allégués par la section centrale à l'appui de son opinion, pas un seul n'a été réfuté ; ils subsistent tous.

La section centrale avait demandé d'abord pourquoi le gouvernement belge avait précisément choisi, pour faire un si important essai, des navires d'une si grande dimension que l'Angleterre elle-même semble vouloir y renoncer. .

Ensuite, la section centrale s'est demandé pourquoi, lorsque le gouvernement anglais a pris sur lui d'accorder des subsides, il les a alloués, non pas à la société anglo-américaine, qui était la première en date et qui avait par conséquent pour elle l'expérience de l'exploitation, mais à la société qui était venue après elle ? La section centrale ne connaît certainement pas les motifs qui ont guidée gouvernement anglais dans cette circonstance ; mais elle est en droit de croire que ce gouvernement a eu des motifs graves pour accorder la préférence à la société Cunard sur sa rivale.

La section centrale a dit encore que le gouvernement ne paraissait pas avoir fait un appel aux capitalistes du pays. Les sociétés qui s'étaient primitivement présentées pour l'exploitation s'étaient, dit, on, retirées. Mais tout ce qui a été dit dans cette enceinte prouve qu'en effet il n'a pas été fait de nouvelle démarche de cette nature. Mais, dit-on, pourquoi la section centrale insiste-t-elle sur ce point, puisqu'aujourd'hui encore, elle se refuse à laisser faire un appel aux capitalistes a cause de la crise qui dure toujours. Mais messieurs, ce n'est pas là une inconséquence. On sait que la continuation de la crise n'est pas la principale raison pour laquelle elle est d'avis qu'il ne faut pas faire d'appel aujourd'hui. Elle a trouvé que faite cet appel dans le moment actuel dans les circonstances actuelles, eût été parfaitement inutile, à cause des préventions nombreuses qui existent tant contre le navire que contre l'exploitation elle-même.

Puisque l'ancien cabinet avait des doutes sur la légalité de l'entreprise, s'il avait eu pour la législature les égards qu'il lui doit, il l'aurait consultée, elle était alors réunie, car c'était au mois de janvier. Et comme elle avait, à une grande majorité, reconnu autrefois le principe de la loi, si l'exécution qu'on se proposait était de tout point favorable, le gouvernement devait s'attendre à la voir approuver par la même majorité.

Mais on n'en a rien fait : on s'est passé du consentement de la législature, et il se trouve que nous nous trouvons de nouveau en présence d'un fait accompli.

Avant-hier, l'honorable M. Doignon s'est élevé avec force contre cette tendance de nos ministres à se passer du concours de la législature ; je ne puis que me prononcer hautement en faveur des observations judicieuses qu'il a présentées à ce sujet.

La section centrale a fait encore observer que le gouvernement avait acquis ce coûteux matériel avant d'avoir une société pour l'exploiter. C'est là un fait que personne ne conteste. Eh bien, je le demande, est-ce là un acte de prudence, un acte de bonne administration ?

Le gouvernement était exposé ou bien à ne rencontrer aucune société et à avoir les navires sur les bras, ou à devoir passer par les conditions onéreuses que lui imposerait la société qui se présenterait pour les exploiter. Toutes ces objections, la section centrale les a faites et personne n'y a répondu. Je poursuis.

L'honorable M. Delfosse trouve singulier que la section centrale n'ait pas eu un mot de blâme pour M. Van de Weyer en critiquant l'ancien ministère qui avait usé de son intervention. La raison est toute simple ; M. Van de Weyer n'était pas sorti de ses instructions ; il avait agi dans le cercle de ses pouvoirs. Il n'y avait donc rien à dire contre lui.

Mais la section centrale a élargi la question, et elle a trouvé qu'on avait commis une grande faute en prenant la voie diplomatique pour mener à terme cette négociation importante. Je ne puis pas répéter ici une à une toutes les considérations qu'elle a fait valoir dans son rapport. Il est certain que cette intervention solennelle de la diplomatie a été pour beaucoup dans l'opinion que la section centrale a émise sur l'obligation morale où était le cabinet actuel de maintenir le marché quant à la British Queen.

Enfin, messieurs, la section centrale (je suis obligé de passer rapidement sur toutes ces observations) a trouvé un motif de désapprobation dans la précipitation que le cabinet précédent avait mise à conduire toute cette affaire.

Ici encore on a incriminé les intentions de la section centrale ; mais on n'est pas parvenu à détruire les faits. Je pourrais entrer dans quelques détails et fournir des renseignements ultérieurs, qu'on ne peut donner dans toute leur étendue dans un rapport.

Nous avons accusé le précédent cabinet de précipitation ; en effet, des agents de la société anglo-américaine sont venus à Bruxelles au commencement de janvier 1841, dans la saison la plus mauvaise, au cœur de l'hiver. Rien que ce voyage à une pareille époque annonçait, de la part de la société, une immense envie de vendre.

Au lieu de continuer les négociations ici, au lieu de voir venir la société, pour me servir d'une expression vulgaire, on lui fait au contraire la courtoisie d'aller la trouver en Angleterre ; la diplomatie intervient d'abord, puis l'amirauté, et l'affaire s'emmanche. La négociation entamée, nouvelle précipitation ; vous pouvez en voir la preuve dans les pièces à l'appui du rapport de M. Van de Weyer. Le 14 juillet, M. Lejeune remet à M. Van de Weyer les instructions qu'il a reçues du gouvernement, le 17 juillet la négociation est entamée, et le 18, après les premières propositions, la société dit non ; les prix que vous m'offrez ne peuvent me convenir, nous vous prions de regarder toute nouvelle proposition comme inutile.

Que fallait-il faire ? Attendre, d'autant plus que, d'après les aveux mêmes de M. Rogier, on savait que la société allait se dissoudre et qu'elle avait besoin de vendre, Mais, au lieu d'attendre qu'elle reprît les pourparlers, le lendemain, sans qu'on puisse s'expliquer les motifs de cet empressement, on retourne à la charge et on recommence les négociations.

Quand la section centrale a dit qu'il y avait eu beaucoup de précipitation dans cette négociation, elle a demandé quels pouvaient en être les motifs. Elle en a énuméré quelques-uns que M. Rogier ne croit pas sérieux.

La section centrale a demandé si ce pouvait être l'intérêt du commerce ? Non, a-t-elle pensé, car il n'y avait rien à espérer pour le moment des relations à établir avec les Etats-Unis, à cause de la double crise commerciale et financière qui tourmentait ce pays. Elle s'est demandé si c'était la crainte de voir d'autres nations nous devancer ? Elle a pensé encore une fois que non, puisqu'on savait que le projet français n'avait pas reçu d'exécution, et il n'y avait aucun motif de croire que ce projet abandonné dût être repris par une autre nation du continent. Elle a pensé que ce ne pouvait pas être non plus la crainte de laisser échapper l'occasion d'acheter ce navire, car on connaissait la position de la société anglo-américaine, qui voulait vendre à tout prix et qui aurait vendu à tout prix, si on avait su mettre dans les négociations une sage lenteur, C'est après la discussion de tous ces incidents, c'est dans ce sens que la section centrale a dit qu'elle ne savait à quoi attribuer celle précipitation que l'intérêt général ne semblait pas réclamer. A cet égard, je réponds volontiers à M. Rogier qu'il n'est entré dans l'esprit d'aucun membre qu'un intérêt privé aurait pu guider les personnes qui ont pris part à cette négociation. Je proteste même contre une pareille interprétation de vos paroles que je regarde comme une injure pour la section centrale.

Mais, messieurs, le principal motif pour lequel la section centrale a trouvé que l'acte du 17 mars et celui du 3 avril étaient des actes de mauvaise administration, le voici : Par les sommes consacrées à l'achat des deux navires et par le mode d'exploitation adopté par l'ancien cabinet, il y avait impossibilité radicale de faire marcher le service. L'honorable M. Cogels vous a prouvé, et M. le ministre de l'intérieur vient de reproduire des chiffres plus concluants que toutes les subtilités.

Après avoir accusé la section centrale d'avoir été trop sévère à l’égard de l'ancien cabinet, on lui a reproché d'avoir été trop indulgente envers le cabinet actuel.

Pour bien juger la part de responsabilité qui incombe aux deux cabinets, il faudrait d'abord savoir quelle est la partie des négociations qu'on peut leur attribuer. D'après les discours de certains orateurs, on ne sait vraiment plus à quoi s’en tenir. Messieurs, depuis trois jours, nous assistons à un singulier spectacle. Nous voyons les deux cabinets qui ont pris part à cette négociation nous en vanter l'utilité pour le pays et nous en promettre les plus beaux résultats, dire même qu’il est glorieux pour une nation comme la nôtre de devancer toutes les autres dans une entreprise aussi grandiose, et en même temps ils s’en renvoient la responsabilité avec une aigreur peu édifiante. Je ne comprends pas cette manière d'agir. Tantôt M. Rogier, tout rempli d'admiration pour cette entreprise, qu'il appelle une bonne fortune pour la Belgique, réclame une large, une très large part dans sa conception, et tantôt il vous dit que pas un seul acte n'a été posé par le cabinet dont il faisait partie, que tout est resté à l'état de projet. Vraiment, je ne comprends pas cette inconcevable facilité avec laquelle on se joue du bon sens de la législature, cet aplomb imperturbable avec lequel on intervertit tous les rôle pour donner le change à l'opinion publique.

Faut-il de nouveau, messieurs, vous exposer les faits ? Qu’on remonte à l'époque de la discussion de la loi du 29 juin et qu'on me dise s'il y avait alors une seule personne qui songeât à exécuter la loi comme on l'a exécutée, s'il y avait une personne soit dans le cabinet, soit dans la chambre, qui prévît cet achat de navires étrangers pour commencer le service. Eh bien, tout ce qui a été fait depuis n'est que la conséquence de cette première pensée de l'achat de navires étrangers. C’est ce qu'il importe de ne pas perdre de vue, si on veut juger sainement de la position respective des deux cabinets. Les deux navires sont sortis tout armés, tout équipés du cerveau des anciens ministres ; tout a été commencé par eux, traité par un commissaire qu’ils ont envoyé à Londres.

Toute la négociation a eu lieu, d’après leurs ordres, leurs instructions, par notre plénipotentiaire.

La visite a été faite par l'amirauté à la demande qu'a faite le gouvernement belge par l'intermédiaire de l'ambassadeur. Un contrat est signe le 17 mars pour conclure le marché ; une convention est faite le 3 avril pour mettre le navire à la disposition d'une société. Et parce que l'ancien cabinet n'a pas rempli la dernière formalité de la ratification, il n'a rien fait, et il se lave les mains ! Je ne sais si c'est de la bonne foi. Si nous voulions imiter nos adversaires, et à notre tour scruter les intentions de nos adversaires, je crois qu'il ne nous serait pas difficile de prouver quelles étaient ces intentions. Puisque le contrat avait été signé le 17 mars et que dès le 3 avril ils avaient mis les navires à la disposition de la société anversoise, rien ne les empêchait de ratifier avant leur départ du ministère. Pourquoi ne l'ont-il pas fait ? c'est qu'ils ont voulu se créer un titre de gloire de cette entreprise, si elle réussit, tout en se réservant ainsi un prétexte d'en décliner la responsabilité, si elle ne réussit pas. Si l'entreprise réussit, ils n'auront pas assez de voix par leurs journaux et par eux-mêmes pour prôner leur gloire ; si elle ne réussit pas, ils rejetteront la responsabilité sur M. Nothomb. C'est ce que M. Nothomb a compris, et il a trouvé avec raison qu'ils faisaient la part trop belle pour eux et trop ingrate pour lui. Du reste, si ces messieurs entendent ainsi la division de la part respective de responsabilité, ce n'est pas ainsi que la division se fera dans la chambre et dans le pays.

On dit que la section centrale à pris beaucoup de peine pour prouver deux choses : que l'ancien cabinet est coupable, et que le ministère actuel est innocent. Je pourrais à mon tour dire que les défenseurs de l'ancien cabinet se sont donné beaucoup de peine pour rejeter la responsabilité d'un de ses actes sur le ministère actuel. Vous avez entendu les différents systèmes qui ont été développés. Les uns disent qu'il y avait un contrat, mais qu'il n'y avait pas nécessité de le ratifier ; d'autres disent qu'il fallait le ratifier, mais qu'il y avait une clause résolutoire, et ils exploitent admirablement cette clause. D'autres enfin, et notamment l'honorable M. Verhaegen, trouvent que plus rien ne subsiste de ce qui avait été fait par l'ancien cabinet ; qu'il ne faut plus s'occuper du contrat du 17 mars, ni de la convention du 3 avril ; qu'en droit il ne subsiste plus que la convention du 28 avril.

En réponse à ces divers systèmes, il suffit d'examiner impartialement les faits ; car je dois sans cesse vous rappeler aux faits, puisqu'on semble avoir pris le parti de les confondre.

Le contrat avait été conclu ; le ministère devait-il ratifier ? Je ne pense pas que, pour les hommes de bonne foi, cette question fasse l'ombre d'un doute. Les anciens ministres avouent eux-mêmes qu'ils auraient ratifié. La question est trop simple pour que nous nous arrêtions plus longtemps. Que fût-il arrivé, messieurs, si le ministère n'avait pas ratifié ? C'est alors que l'honorable M. Rogier serait venu dire : C'est avec un profond sentiment de pitié que j'ai vu les ministres employer tout ce que la chicane a de plus pointilleux pour détruire un des actes les plus glorieux de notre ministère. C'est alors qu'on serait venu accuser les ministres de ne tenir aucun compte des intérêts matériels du pays. C'est alors qu'on se serait écrié : Ce ministère, qui se présentait comme un ministère d'affaires, arrive précisément pour négliger, pour fouler aux pieds ce que l’ancien cabinet avait fait dans l'intérêt des affaires du pays ! Voilà ce que ces hommes, qui exploitent aujourd'hui les embarras qu'ils ont jetés sur les pas du ministère, n'auraient pas manqué de dire.

Et la convention du 3 avril, dira-t-on aussi qu'elle n'est pas un acte par lequel l'ancien cabinet était engagé ? Ne constituait-elle pas une ratification indirecte ? Pour s'en convaincre, il suffit d'en lire les premières lignes. Voici ce que porte l'art. 1er de cette convention faite sous le sceau de l'Etat : « Le gouvernement belge remettra à la disposition de la société anonyme… les deux bateaux à vapeur British Queen et Président, que le gouvernement VIENT D'ACQUÉRIR de la compagnie anglaise et américaine. »

Mais, dit-on, il y avait la clause. Je commencerai par avouer franchement qu'au sein de la section centrale on ne s'est pas occupé de toutes ces subtilités de droit pour savoir si la clause est suspensive ou résolutoire. Nous avons examiné ex œquo et bono, avec un bon sens de Belge, avec impartialité, quelle était la position résultant du contrat, pour la compagnie anglo-américaine d'une part et pour le gouvernement belge d'autre part. Quelle était cette position ? Pour en bien juger, il suffit de supposer un instant que la clause n'eût pas été stipulée, et que l'un des deux navires eût péri. Quelle eût été, dans ce cas, la position du gouvernement belge ? Evidemment il n'y aurait eu pour lui aucune obligation de maintenir le marché. Quelle eût été la position de la société anglo-américaine ? Elle continuait tout simplement son système d'exploitation, ses intérêts n'étaient lésés en rien. Maintenant que la clause a été stipulée, la position respective de la société et du gouvernement est complètement changée. Le gouvernement belge, par cela seul que la clause est stipulée, a reconnu qu'au besoin on pouvait se contenter d'un seul navire. C'est là ce que signifie cette clause, ou bien il ne fallait pas la faire. Y :avait-il des raisons de prétendre que maintenant un seul navire ne suffit plus ? De son côté, la société anglo-américaine, par suite de la stipulation de la clause, a dû tenir le navire à la disposition du gouvernement jusqu'à ce qu'elle connût sa détermination ; elle a dû renoncer à tous ses affrètements pour la British Queen.

Pour tous ces motifs, il y avait donc obligation morale, obligation de bonne foi, de délicatesse (surtout pour un gouvernement, qui doit se montrer plus scrupuleux encore qu'un particulier) de prendre la British Queen**, surtout après les formes solennelles dont cette affaire avait été entourée.

Qu'il me soit permis, en passant, de répondre un mot à l’honorable M. Mercier, qui accuse la section centrale (le fait serait grave s'il était vrai,) d'avoir mal traduit une pièce de ce procès.

Il s'agit de la lettre de M. Bainbridge où il est dit que du moment que le contrat aurait été ratifié, la société serait dissoute. Sur ce point je répondrai à l'honorable membre que ce qui prouve l'exactitude de notre traduction, c'est qu'elle se trouve littéralement conforme à la traduction qu'a fournie M. Van de Weyer et qui est annexée au compte-rendu

Du reste, toutes ces questions sont parfaitement oiseuses. Nous ne gagnons rien à rechercher si tel ou tel ministre est coupable. Détournons nos regards du passé pour les porter vers l'avenir.

L'essentiel est de savoir ce qu'il faut faire. Nous sommes dans un impasse dont il faut sortir. J'arrive ainsi aux conclusions de la section centrale. Comme tout son travail, elles ont eu l'honneur d'être attaquées. Dans ces conclusions, on a trouvé que la section centrale a été inconséquente. Voici de quelle manière l'honorable M. Rogier a essayé de soutenir cette thèse. D'un côté, la section centrale regarde la navigation transatlantique à vapeur comme une pensée de haute utilité ; mais, immédiatement après, ces hommes qui (selon M. Rogier) ne veulent pas de l'organisation du service de navigation, expriment l'opinion qu'ils ont peu de foi dans les résultats immédiats de l'entreprise.

Non, messieurs, la section centrale n'a pas été inconséquente ; elle n'a été que juste ; elle a tâché d'éviter, comme elle l'a dit dans son rapport, le double écueil des préventions et des illusions. La majorité de la section centrale croit qu'il est utile au pays que des relations directes, suivies, régulières soient établies avec l'un des plus vastes marchés du monde ; s'ensuit-il qu'elle ne doive tenir aucun compte des préjugés qui existent, des nombreux obstacles moraux que M. Rogier lui-même a signalés hier ? Evidemment non. Du reste cet honorable membre a reconnu indirectement la justesse de nos observations, puisqu'il n'en a pas réfuté une seule. Pourquoi la section centrale pense-t-elle que les résultats immédiats de l'entreprise ne seront pas très heureux ? D'abord parce que nous ne pouvons pas espérer grand-chose du transport des lettres et des dépêches. L'honorable M. Rogier contestera-t-il ce fait ? Je ne le pense pas. Dans tous les cas, une personne qui ne veut pas assurément nuire à l'entreprise, M. Lejeune, dans les calculs officiels qu'il a présentés, compte pour transport des lettres et dépêches... zéro ; c'est, je crois, en d'autres termes, la même opinion que celle exprimée par la section centrale. Le second motif pour lequel on n'aura pas un résultat immédiat très heureux, c'est qu'on ne peut espérer d'avoir au début beaucoup de voyageurs, surtout des voyageurs de première classe.

Ici, messieurs, l'honorable M. Rogier, au lieu de voir ce qu'il y avait de fondé dans cette opinion a de nouveau attaqué les intentions de la section centrale. « Ce n'est pas, a-t-il dit, l'opinion de la section centrale, c'est celle de M. Osy, que nous rencontrons ici. » D'abord la manifestation de l'opinion de la section centrale est antérieure à celle de l'honorable M. Osy ; mais en supposant que dans une conversation particulière l'honorable M. Osy aurait communiqué à la section centrale ou à un de ses membres, le fruit de ses lumières cela lui était, certes, bien permis. Mais ce n'est pas de cela qu'on avait à s'occuper ; il fallait voir si ce qu'a dit la section centrale est vrai ou non. Puisque notre opinion sur ce point n’a pas été réfutée, la section centrale continue de croire avec toutes les personnes raisonnables et expérimentées du pays, et particulièrement d'Anvers, que vous aurez peu de voyageurs de première classe. Je désire que ces prévisions soient démenties, mais je constate un fait.

La section centrale vous a dit, en troisième lieu, qu'on avait pour le moment peu de choses à espérer du transport des marchandises. On n'a pas non plus contesté cette opinion ; et en effet je la crois incontestable. Je crois que, pour le moment, la British Queen aura peu de marchandises à transporter. Car d'où nous viendraient ces marchandises ? De la Belgique ? Mais vous savez que nos relations avec les Etats-Unis sont très peu étendues ; que nos exportations vers ce pays n'atteignent pas un chiffre fort élevé. Est-ce du transit ? Mais le transit n'est pas encore organisé. Je ne dis pas que, lorsque ce moyen de transport sera organisé, on ne puisse en espérer des résultats avantageux ; mais il s'agit des résultats immédiats. Je dis d'ailleurs que, pour retirer des avantages considérables du transit, on viendra vous demander d'abaisser encore vos tarifs sur le chemin de fer pour décider l'Allemagne à se servir de cette voie pour l'exportation de ses produits. Ce sera à vous à voir si vous voulez vous décider à ces nouveaux sacrifices. Mais enfin je maintiens l'opinion de la section centrale que dans ce moment vous ne pouvez fonder d'espoir sur le transport des marchandises.

En tous cas l'opinion de la section centrale sur les résultats probables du service de la navigation transatlantique est confirmée par les chiffres qu’ont présentés les commissaires du gouvernement et les administrateurs même de la société. De part et d'autre on prévoit pour quatre départs un déficit de 270,000 fr. Dès lors dira-t-on que ces messieurs ont grande foi dans les résultats immédiats de l'entreprise ?

Je trouve donc qu'on n'est pas fondé à dire que la section centrale a été injuste dans ses calculs, puisqu'ils sont conformes à ceux des agents du gouvernement. C'est d'ailleurs l'opinion de l'honorable M. Rogier lui-même ; car il a fini par vous avouer que l'entreprise, telle qu’elle s'annonce aujourd'hui, est une entreprise boiteuse et mauvaise. C'est l'opinion de la section centrale exprimée en d'autres termes.

Messieurs, je crois avoir défendu l'opinion émise par la section centrale relativement au projet qu'elle vous a présenté ; peu de mois suffiront pour justifier sa manière de voir.

Je ne pense pas que quelqu’un songe à conserver la loi du 29 juin 1840 d'une part et à accorder au gouvernement les sommes nécessaires pour régulariser le paiement qui a été fait. Il faut cependant sortir de cet état irrégulier. Pour cela, il n'y a, pensons-nous, que le moyen proposé par la section centrale.

Quant à la question de savoir s'il faut rapporter la loi du 29 juin 1840, comme la section centrale vous le propose à l'art. 4 du projet, je persiste à croire que cela est nécessaire. D'abord cette loi n'est plus exécutable, ensuite l'expérience acquise doit nous rendre excessivement circonspects ; et c'est pour cela que la section centrale ne veut autoriser la dépense que pour une année.

Certainement qu’il n’entre pas dans l'intention d'aucun membre de la section centrale, pour autant toutefois que je connaisse cette intention, de limiter à une somme de 230,000 francs ce qu'il faudrait faire en faveur du service transatlantique. Si l'essai réussit, je ne pense pas qu’il y ait quelqu'un d'assez déraisonnable dans cette chambre pour ne pas continuer le subside. Mais la législature veut rester maîtresse de juger les faits ; elle veut que chaque année on lui soumette l’exposé de ces faits avec les probabilités de réussite.

Je finis, messieurs, en vous disant que, quelle que soit l’opinion que l’on porte sur le travail de la section centrale, il n’en est pas moins vrai que ce travail a été fait consciencieusement. J’aurais voulu que les membres qui aujourd’hui prennent à tâche de critiquer la section centrale, eussent vu le zèle qu’ont mis ses membres à remplir leurs fonctions. Messieurs, 25 ou 26 séances ont été consacrées à l’instruction de l’affaire ; ces séances ont chaque fois duré 4 à 5 heures. Nous avons passé une bonne partie des vacances du nouvel an à Bruxelles, à examiner les graves questions soulevées par cette opération.

Si j’entre dans ces détails, messieurs, ce n’est pas que la section centrale demande de la reconnaissance, de la bienveillance pour son dévouement et son zèle, mais elle demande qu’on veuille du moins être juste envers elle.

M. Delfosse**.** - Je demande la parole pour un fait personnel.

Il paraît que je n'ai pas été compris par M. le rapporteur. Quand j’ai dit que la section centrale n'avait pas blâmé M. Van de Weyer, je n’ai pas entendu parler du contrat auquel il avait concouru, d'après les instructions qui lui avaient été données. Sous ce rapport M. Van du Weyer est irréprochable. Mais j'ai entendu parler des choses étranges qui se trouvent dans sa correspondance.

- La clôture est demandée par plus de dix membres.

M. Dumortier**.** - Messieurs, j'étais absent bien malgré moi lorsque mon tour de parole est arrivé, je demanderai à dire quelques mots. Je sais que la chambre est fatiguée, je ne serai point long. Si toutefois on veut clore la discussion générale, je pourrai parler à l'art. 1er.

M. Verhaegen. - Messieurs, à la fin de mon discours d'hier, je m’étais réservé de proposer à la chambre une question d'ajournement. J'ai délibéré depuis, et d'accord avec mes amis, j'ai pensé qu’il valait mieux représenter mes observations plus tard pour ne pas entraver le vote sur l'allocation demandée, qui, dans l'une comme dans l'autre opinion, pourrait être considéré comme urgent.

Vous me permettrez, messieurs, de dire en deux mots quels sont les motifs qui m’ont engagé à en agir ainsi. Ayant annoncé hier que je vous présenterais une proposition d’ajournement, je désire faire connaître à la chambre les motifs qui m’engagent à ne pas le faire.

Un fait grave avait été signalé par l'honorable M. Osy. Ce fait, messieurs, avait frappé mon attention, et j'avais cru devoir demander des explications à cet égard. Il ne s'agissait ni plus ni moins que d'une distraction de plus de 100,000 fr., de la somme sortie des caisses du gouvernement belge. pour le payement de la British Queen**, en deux mots les faits se résument ainsi : 70,000 liv. sterl. seraient sorties des caisses du gouvernement belge et 65,900 livres seulement auraient été comptées à la compagnie anglo-américaine.

Il est vrai que M. le ministre de l'intérieur a rapporté la quittance du prix d'achat payé, soit 70,000 liv. st. Mais la production de cette quittance n'est pas une réponse à l'observation qui avait été faite. Car en pareilles circonstances on rencontre toujours des quittances.

Ce qu'a dit l'honorable M. Cogels n'est pas non plus de nature à nous satisfaire. Il a voulu disculper un individu qu'il a nommé, mais un individu auquel personne n'a songé. Aucune accusation n'avait été formulée pas plus par l’honorable M. Osy que par moi qui avais relevé son assertion contre le négociant d'Anvers auquel M. Cogels a fait allusion. Mais il y avait un fait matériel, et pour l'honneur du pays ce fait devait être éclairci.

Maintenant M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il prendrait des renseignements, et que dans quelques jours il nous les transmettrait.

J'avais délibéré sur la question de savoir s'il ne convenait pas de proposer l'ajournement jusqu'à ce que ces renseignements nous fussent donnés. Mais ne voulant pas entraver le vote de la loi, qui peut paraître urgent aux partisans de l'une et de l'autre opinion, puisqu'il faut en finir de cette mauvaise affaire, j'attendrai les renseignements qui nous sont promis, tout en me réservant de formuler, en temps opportun, telle proposition que commanderont les circonstances, comme je me réserve aussi, après avoir pris connaissance des documents qui seront publiés, paraît-il, par M. Obert sur la pétition duquel vous avez passé hier, un peu légèrement, à l'ordre du jour, de provoquer telles mesures que je jugerai utile à la découverte de la vérité.

- La clôture de la discussion générale est mise aux voix, elle est adoptée.

Discussion des articles

La chambre passe à la discussion des articles.

Article premier

« Art 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit de seize cent mille francs, exercice 1841, pour parfaire, avec la somme disponible sur l'art. 2 du chapitre XIV du budget de l'intérieur, même exercice (loi du 24 mars 1841) le prix d'acquisition au navire dit British Queen. »

M. le ministre de l'intérieur a proposé par amendement de réduire la somme de 1,600,000 fr. à celle da quinze cent vingt mille francs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a quelque chose, messieurs, que j'ai toujours reconnue, c'est que la position dans laquelle se trouve le gouvernement doit être régularisée.

Quelles sont les circonstances qui ont amené cette position irrégulière ? C'est ce que chacun de vous appréciera dans son impartialité et dans sa justice.

La position doit être régularisée et c'est à cet effet que la section centrale nous a proposé un projet de loi auquel le gouvernement a adhéré, un projet de loi que dans un autre pays on appellerait : « Bill d'indemnité. »

La position doit être régularisée sous plusieurs rapports ; elle doit l'être pour ce qui est relatif au paiement ; le mode de paiement n'est pas régulier ; il a été substitué à un autre mode de paiement qui, était également irrégulier et plus onéreux ; mais, n'importe ; laissons de côté la comparaison, le mode de paiement doit être régularisé.

En second lieu il faut que le gouvernement ait l'autorisation d'exploiter le navire, s'il ne parvient pas à former une compagnie. J'anticipe ici sur l'article suivant, où l'autorisation d'exploiter, le navire est donné au gouvernement d'une manière implicite ; le gouvernement aurait aussi le droit de constituer une société si, dans un bref délai, l'appel qu'il fera aux capitalistes pouvait réussir. Cet appel sera fait immédiatement après le vote de la loi, mais il ne sera fait qu'avec fixation d'un délai jusqu'à la fin de l'année ; dans l'intervalle l'essai se fera par le gouvernement lui-même.

Je tenais à donner ces explications à la chambre. Je n'ai jamais entendu nier ce qu'à plusieurs égards il peut y avoir d'irrégulier dans la position. Si, lorsqu'il s'est agi du budget de l'intérieur, j'ai insisté pour le maintien au budget du crédit de 400,000 fr., c'est qu'alors le temps aurait régularisé, aujourd'hui que l'allocation a été distraite du budget, ce n'est plus le temps qui peut régulariser la situation : la prérogative parlementaire a été mise en cause et dès lors la législature peut seule, par un acte formel, régulariser la situation.

Je demande donc que la chambre vote l'article 1er tel que je l'ai amendé c'est-à-dire avec une réduction de 80,000 fr. sur le chiffre.

M. Dumortier. - Messieurs, la discussion qui nous occupe a quelque chose de fort particulier, comme le faisait remarquer hier un de nos spirituels collègues, c'est que des deux ministères qui ont pris part à l'affaire dont il s'agit aucun n'a voulu reconnaître son enfant. (Hilarité.) Ils se sont rejeté la balle, et par là ils ont fait voir combien l'opération est favorable au pays.

Lorsque l'affaire qui nous occupe a été examinée dans nos sections, pas une seule voix ne s'est élevée en faveur de cette opération, et pourquoi ? C’est, messieurs, que nous avions tous présente à l'esprit la loi que nous avions votée en 1840, et qui autorisait le gouvernement à accorder des subsides à une société qui se chargerait d'établir un service de navigation transatlantique.

Jamais il n'est venu à la pensée de personne, pas même du ministère d'alors, de vouloir entreprendre un semblable service pour le compte de l'Etat. A cet égard, messieurs, il ne peut exister aucun doute dans votre esprit, et l'extrait de l'exposé des motifs de la loi de 1840, qui nous a été cité par l'honorable M. Vandensteen, prouve à l'évidence quelles étaient les intentions du ministère d'alors ; cet extrait prouve à l'évidence qu'il s'agissait uniquement d'engager une société, au moyen d'un subside, à établir le service de navigation dont il s'agissait. Je le répète, il n'est personne d'entre nous qui ait compris autrement la loi du 29 juin 1840.

Nous avons donc dû être tous bien surpris de voir qu'au moyen d'une loi par laquelle nous avions permis au gouvernement de favoriser l'établissement d'un service de bateaux à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis, qu'au moyen d'une semblable loi, le gouvernement avait acheté des navires afin d'établir lui-même ce service. Nous avons surtout dû être bien surpris, lorsque nous avons vu que pour faire le payement de cette acquisition, l'on s'était passé du contrôle de la cour des comptes et que l'on avait puisé à cet effet dans la caisse des dépôts et consignations.

Cela explique, messieurs, comment, lors de l'examen du budget, toutes les sections se sont récriées contre l'acquisition du British Queen. Elles ont vu que la loi que nous avions votée n'avait pas reçu son exécution et qu'elle avait servi de prétexte à un acte qui constitue une violation flagrante de cette loi elle-même.

Vous comprenez, messieurs, que, dans un pareil état de choses le pays s'est ému comme la législature et que nous avons tous cru que nous avions un devoir à remplir, celui d'empêcher à l'avenir de pareils actes.

Comme l'a dit tout à l'heure l'honorable M. Dedecker, il est bien malheureux que plusieurs de. nos ministères aient pris cette fâcheuse habitude de venir dans cette enceinté avec ce qu'ils appellent des faits consommés, de manière à exercer une violence morale sur la législature ; car, je vous le demande, messieurs, mettez tous la main sur la conscience ; si l'on venait aujourd'hui vous proposer l'opération sur laquelle vous avez à émettre un vote, si rien n'était fait, y en aurait-il un seul d’entre vous qui voulût émettre un vote approbatif ?

C'est donc avec ce système de faits consommés, dans lequel beaucoup de nos ministres ont versé, qu'on exerce une violence sur l’assemblée ; parce que, quand les faits sont consommés, il n’y a plus moyen d’y porter remède ; alors nous sommes en quelque sorte forcés d’y donner notre assentiment malgré nous. Il est important de mettre un terme à de pareils actes.

Il est un autre pont de vue, messieurs, sous lequel je déplore amèrement l’acquisition dont il s’agit ; j’ai toujours pensé que, dans un avenir plus ou moins éloigné, la Belgique devra inévitablement se créer une marine qui puisse protéger son commerce.

Eh bien, je regarde comme très nuisible à l’intérêt d’une semblable création, que le premier acte qui ait été posé dans ce sens l’ait été sans l’assentiment de la législature ; cela empêchera pendant longtemps encore une mesure qui a été longtemps et vivement réclamée par le commerce.

Vous voyez donc, messieurs, que rien ne serait de nature à vous faire admettre la proposition qui nous est faite en ce moment, s’il ne s’agissait point d’un de ces faits consommés devant lesquels il est très difficile de reculer.

Que pouvons nous faire, messieurs ? Rejeter le crédit ?, Mais le British Queen est payé ; il a été payé d'une manière qui est en dehors de toutes les règles de la comptabilité et que je ne saurais assez blâmer, mais enfin les fonds sont sortis de la caisse de l’Etat et qui est-ce qui les remboursera si nous rejetons le crédit ? Sera-ce l'ancien ministère ? Sera-ce le ministère actuel ? Car ils ont pris tous les deux une grande part à l'opération ; l'un a commencé l'affaire, l'autre l'a terminée. Certainement si le cabinet actuel est fort coupable d'avoir terminé l'opération qu'il pouvait abandonner, le ministère précédent n'est pas moins coupable d'avoir le premier conçu la pensée de violer la loi qu’il nous avait proposée pour favoriser une société qui se. serait chargée d’établir un service de bateaux à vapeur entre la Belgique et les Etats-Unis.

Dans un pareil état de choses, il n'y a qu'un seul moyen d'en finir c'est un bill d'indemnité. Je demande que la loi en discussion soit considérée sous ce point de vue ; ce n'est que dans ce sens que je pourrai y donner mon assentiment ; si elle n’était pas envisagée ainsi je ne pourrais certes pas l’adopter.

Je tenais, messieurs, à faire ces observations. Je ne prolongerai pas d'avantage la discussion qui est déjà très longue. J'aurais beaucoup de choses a dire encore, mais je crois devoir ménager les moments de la chambre. Je me bornerai donc à répéter qu'il est indispensable de considérer la loi que nous allons voter, comme un bill d'indemnité. (Appuyé ! Appuyé !)

M. Pirmez. - Je voterai l'art. 1er, messieurs, parce que je crois qu'il est impossible de ne pas le voter dans l'état actuel des choses, mais je repousserai l'art 2, parce que je ne veux pas consentir à ce que la navigation transatlantique soit exploitée par le gouvernement (Aux voix ! aux voix !).

M. Osy. – Je me rallie entièrement à ce qui a été dit par l'honorable M. Dumortier. S'il est entendu que la loi sera considérée comme un bill d'indemnité, je l’adopterai ; sans cela je la repousserai.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On ne peut pas la considérer autrement.

M. Osy. - Alors je demande qu'il en soit fait mention au procès-verbal.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je répète qu'on ne peut pas envisager la loi autrement.

M. Dumortier. - Eh bien, alors qu'on le dise dans le procès-verbal.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si vous tenez à ce mot anglais, je ne m'y oppose pas.

M. le président. - Je vais mettre l’art. 1er aux voix.

Plusieurs membres. - L'appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :

83 membres prennent part au vote.

77 adoptent.

6 rejettent.

En conséquence l'art. 1er est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Brabant, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprez, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier,. Morel-Danheel. Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Pirmez, Puissant, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck. Van Volxem, Vilain XIIII, Zoude.

Ont voté le rejet : MM. Delehaye, Delfosse, Doignon, Jadot, Vandenbossche, Verhaegen.

Article 2

« Art. 2. Il est ouvert au gouvernement. 1°. Un crédit de deux cent cinquante mille fr. exercice 1842, pour subvenir aux avances et frais d'exploitation de la British Queen ; 2° un crédit de cent cinquante mille fr. exercice 1842, pour couvrir les intérêts et l'amortissement du capital d'acquisition de la British Queen. »

M. Osy. - Comme je ne puis voter cet article tel qu’il est, je propose d'accorder au gouvernement un subside de 250,000 fr. à donner à des sociétés ou des particuliers pour l'exploitation de la British Queen.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est proposer l'impossible. Il n'est pas dit dans l'art. 2 que l'exploitation se fera nécessairement d'une manière directe, par le gouvernement. Messieurs, si je pouvais immédiatement trouver une compagnie, je lui abandonnerais très volontiers tous les détails de cette administration. Le crédit est donc ouvert dans des termes tels que je pourrais, s'il se présentait une compagnie, lui livrer immédiatement le navire. Mais il est impossible qu’une compagnie se présente immédiatement. Toutefois, un appel public va être fait.

- L'amendement de M. Osy n'est pas appuyé.

Des membres réclament l'appel nominal pour le vote de l'article 2.

On procède à l'appel nominal.

83 membres y prennent part.

2 se sont abstenus (MM. Eloy de Burdinne et Mercier.)

68 répondent oui.

13 répondent non.

En conséquence l'art. 2 est adopté.

Ont répondu oui : MM. Brabant, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet de Behr. Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier, Duvivier, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Peeters, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Zoude.

Ont répondu non : MM. Delehaye, Delfosse , Doignon , Jadot, Jonet, Osy, Pirmez, Puissant, Sigart, Vandenbossche, Vandensteen ,Verhaegen et Vilain XIIII.

MM. Eloy de Burdinne et Mercier sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, j'ai voté contre la loi du 29 juin. Depuis lors rien n'a pu faire changer mon opinion sur le peu d'utilité d'une dépense aussi forte. J'aurais donc dû voter contre l'article 2. Mais j'ai dû m'abstenir, ayant été obligé de voter pour l'art. 1er, où il s'agit d'un fait accompli dont on ne peut revenir.

M. Mercier. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai indiqués dans le discours que j'ai prononcé tout à l'heure.

Articles 3 et 4

« Art. 3. Le premier crédit de l'art. 2 (250,000 fr.) formera l'article 5 du chap. XIV du budget de l'intérieur, exercice 1842, sous le libellé : Exploitation de la British Queen.

« Le deuxième crédit (150,000 fr.) formera l'art. 17 du chap. 1er du budget de la dette publique, exercice 1842, sous le libellé : Intérêt et amortissement du capital d'acquisition de la British Queen. »

- Adopté.


« Art. 4. La loi du 29 juin 1840 est rapportée. »

- Adopté.

Article additionnel

M. Dumortier. - Messieurs, la loi que nous venons de voter n'est pas complète. Il faudrait régulariser le mode de paiement. Il n'y a dans la loi aucune disposition à cet égard. Cependant une pareille disposition me paraît indispensable. Il y a dans les caisses du trésor du chef du British Queen, un déficit de quelques millions ; il faut les y faire rentrer par un moyen quelconque. On pourrait insérer dans la loi un article qui dise que la dépense sera couverte par la dette flottante.

M. Demonceau. - Le gouvernement a été autorisé par la loi de la dette publique à émettre des bons du trésor jusqu'à concurrence de 22 millions. S'il faut absolument régulariser la comptabilité à cet égard, on pourrait dire qu'il sera pourvu à ces dépenses, au moyen d'une émission de bons du trésor à concurrence de la somme que nous avons votée pour le prix principal.

M. Cogels. - Il faudrait dire qu'il y sera pourvu, au besoin, car dans la situation actuelle du trésor, une émission de bons du trésor n'est nullement nécessaire.

M. Le ministre des finances (M. Smits) - Je crois que la disposition est inutile pour le moment. Par la loi du budget, le gouvernement a été autorisé à créer des bons du trésor jusqu'à concurrence de 22 millions. Si le gouvernement a besoin de faire rentrer au trésor la somme qui en est sortie pour l'acquisition de la British Queen**, il s'en servira, mais ce n'est pas probable. Je ne pense pas que, dans le courant de cet exercice, le gouvernement ait besoin des 22 millions dont il peut disposer. Je suis persuadé que nous n'aurons pas besoin de faire rentrer la somme dont il s'agit.

M. Demonceau. - Je demande la parole pour répondre quelques mots à M. Cogels.

Quand on autorise le gouvernement à émettre des bons du trésor jusqu'à concurrence d’une certaine somme, il est évident qu'il ne les émet que jusqu'à concurrence du déficit qui peut se trouver dans le trésor. Je crois que pour le moment, loin d'avoir besoin d’émettre des bous du trésor, nous avons dans les caisses une partie de l’emprunt qui ne produit pas, de sorte que, pour l'exercice courant, il n'est pas nécessaire d'autoriser une émission supérieure à celle autorisée par la loi du budget.

Vote sur l’ensemble de la loi

Personne ne demandant plus la parole, il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.

En voici le résultat :

82 membres répondent à l'appel.

71 membres répondent oui.

10 membres répondent non.

1 s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

M. Eloy de Burdinne déclare qu'il s'est abstenu sur l'ensemble par les mêmes motifs que sur l'art. 2.

Ont répondu non : MM. Delehaye, Delfosse, Doignon, Pirmez, Puissant, Sigart, Jadot, Vandenbossche, Vandensteen et Verhaegen.

Ont répondu oui : MM. Brabant, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vilain XIIII, Zoude et Fallon.

-La séance est levée à 4 heures et 1/4.