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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 31 janvier 1842

(Moniteur belge n°32, du 1er février 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven fait l'appel nominal à deux heures et donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée. .

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven présente l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« La chambre de commerce, et des fabriques de Bruges adresse des observations sur le projet de loi relatif à la pêche nationale. »

M. Rodenbach. - Messieurs, vous venez d'entendre l'analyse d'une pétition de la chambre de commerce de Bruges, relative au projet de loi sur le poisson. Comme ce projet va être discuté, je demanderai qu'il soit donné lecture de cette pétition qui, n'est pas très longue.

- Cette proposition est adoptée. Il sera donné lecture de la pétition lorsqu'on en viendra à l'ordre du jour.


« L'administration et les électeurs de la commune de Clermont (Namur), réclament contre la suppression du canton de Walcourt. »

" Même pétition de l'administration communale de Hantinne. »

« Le sieur Geubel, juge d'instruction à Marche, adresse des observations sur le projet de loi de circonscription cantonale. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Le sieur J.-F. Desany, à Bruxelles, réclame le paiement d'une somme de 500 fr. 47 c., qu'il lui revient du chef des pertes qu'il a essuyées à l'attaque de Bruxelles. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet sur les indemnités.


« Un grand nombre de propriétaires des environs de Mons renouvellent la demande d'intervention de la chambre pour leur faire payer, par le gouvernement, les sommes auxquelles le département de la guerre a été condamné par cinq jugements passés en force de chose jugée. «

M. Mast de Vries. - Je proposerai de renvoyer cette pétition à M. le ministre de la guerre, qui nous a promis dernièrement de présenter un projet relativement à cet objet.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur P.-S. Missotten, notaire à Alken, demande qu'il soit introduit dans la loi de circonscription cantonale une disposition exceptionnelle qui lui donne le droit d'instrumenter dans le canton de Looz et de Hasselt, ou dans toute l'étendue du ressort du tribunal dont sa commune fait partie. »

- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de circonscription cantonale.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l'intérieur

Rapport de la section centrale

M. Dedecker dépose le rapport de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi portant demande de crédits supplémentaires pour le département de l'intérieur.

M. le président. - Ce rapport pourra être distribué ce soir. Personne ne s'oppose à ce qu'il soit mis à l'ordre du jour ? (Non ! non !)

Ce rapport est mis à l'ordre du jour.

Projet de loi sur la pêche nationale

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relative à la pêche nationale.

La discussion générale est ouverte.

M. Scheyven, secrétaire, donne lecture de la pétition de la chambre de commerce de Bruges, dont il a été fait une analyse au commencement de la séance.

Cette pétition est ainsi conçue :

« Bruges, 29 janvier 1842.

« A MM. les président et membres de la chambre des représentants

« Messieurs,

« MM. les ministres de l'intérieur et des finances vous ont présenté, dans votre séance du 20 novembre 1841, un nouveau projet de loi relatif à la pêche nationale.

« Ce projet qui, dans son ensemble, contient des dispositions fort utiles et dont nous appelons l'adoption de tous nos vœux, consacre cependant un principe éminemment vicieux, dont les conséquences pourraient, par la suite, nuire à toutes nos pêcheries et, dans certain cas, frustrer les intérêts de tous les habitants du littoral de notre Flandre ; il se résume par le § 3 de l'article 10 qui dit :

« " Tout hareng importé dans le royaume, du10 janvier au 30 juin, est soumis aux droits qui frappent le hareng, provenant de la pêche étrangère. »

« L'exposé des motifs de la loi projetée nous dit que cette innovation a été empruntée à la loi française, qui porte : " Les harengs salés apportés dans les ports du royaume par les bateaux pêcheurs français, depuis le 15 janvier jusqu'au 1er août, seront réputés de pêche étrangère et soumis au droit de 40 fr. par 100 kil. La disposition qui précède sera appliquée au hareng frais, lorsque le navire pêcheur qui le rapportera aura été absent du royaume pendant plus de trois jours. "

« Tout en approuvant la mesure telle qu'elle est conçue dans la loi française, nous devons vous observer que la rédaction qui vous est proposée a une toute autre portée ; en effet il ne s'agit plus ici de grever à l'entrée le hareng salé, mais généralement aussi le hareng frais, entrant dans le pays du 10 janvier au 30 juin, et cette disposition, si elle était adoptée, apporterait la perturbation dans presque toutes nos pêcheries de marée, qui, dans les années ordinaires, pêchent souvent dans cette saison, mais en petite quantité, du hareng frais, dont ils devraient ainsi payer des droits à l'entrée, souvent équivalant ou dépassant la valeur de ce poisson. Dans les années extraordinaires qui ne se rencontrent, il est vrai, que bien rarement, il nous arrive sur nos côtes des masses de hareng, qui, par leur abondance, sont une véritable richesse pour les habitants de notre littoral ; ces produits servent alors non seulement à la nourriture du peuple, mais aussi à fumer les terres et à d'autres usages, tel que cela s'est vu il y a une trentaine d'années.

« Vous concevrez donc, messieurs, qu'en frappant des droits sur ce poisson afin d'encourager la grande pêche nationale, vous établiriez non seulement un privilège exorbitant pour celle-ci, mais vous introduiriez une mesure qui serait souverainement arbitraire.

« En effet, messieurs, analysons les conséquences de ce principe ; s'il était admis, nous verrions dans les années ordinaires le fisc percevoir, pendant 6 mois, des droits à l'entrée sur les harengs frais provenant de la pêche nationale, alors que ce poisson se prend en si petite quantité qu'il ne peut inspirer l'ombre d'une concurrence à redouter par la grande pêche ; dans les années abondantes, tel que cela se voit parfois, tout le personnel de la douane du pays ne suffirait pas pour garder nos côtes et assurer la perception d un droit que partout et chacun pourrait frauder avec la plus grande facilité. Et à quoi bon l'établissement de ce droit ? L’industrie de la grande pêche que l'on a en vue de protéger ici, donne des produits dont la qualité est toujours préférable, elle est en outre encouragée par des primes et jouit de la franchise sur le droit du sel. Vouloir lui donner une protection plus forte en prohibant, par une mesure fiscale, l'introduction du hareng que la Providence envoie trop rarement déjà en masse sur nos côtes, serait vouloir annuler ce bienfait qui profite à la généralité, pour en gratifier quelques armateurs à la grande pêche, qui n'iront jamais chercher ce poisson à grande distance, quand ils le trouvent à la portée de nos ports.

« C'est par ces motifs, messieurs, que nous prenons la respectueuse liberté de vous inviter d'amender le § 3 de l'article 10 qui vous est proposé, par une disposition analogue à celle qui se trouve dans la loi française sur la matière, sauf à la modifier dans les termes suivants :

« " Les harengs salés apportés dans le royaume par les bateaux pêcheurs belges, depuis le 10 janvier au 30 juin, seront réputés de pêche étrangère et soumis aux droits qui frappent les produits de cette pêche. "

« " La disposition qui précède sera appliquée au hareng frais, lorsque le navire pêcheur qui le rapportera aura été absent du royaume plus de 24 heures. "

« Nous avons l'honneur de vous offrir, messieurs, l'assurance de notre considération la plus distinguée.

« Le président de la chambre de commerce, J. ROELS.

« Le secrétaire, LAGACHE. »

M. Donny. - Messieurs, le projet que vous avez à discuter a principalement pour but de mettre un terme à la fraude du poisson frais, fraude sur laquelle je crois utile de vous donner quelques renseignements, afin de vous mettre à même d'apprécier avec d'autant plus de facilité les dispositions que le projet renferme.

Les fraudeurs dont il s'agit aujourd'hui, peuvent se classer en deux catégories.

Les uns introduisent du poisson provenant de la pêche étrangère sans rien payer du tout.

Les autres, moins avides, ou peut-être moins audacieux, paient quelque chose ; mais bien moins cependant que les droits qui sont fixés par le tarif des douanes.

Voici comment les premiers de ces industriels s'y prennent pour ne rien payer du tout.

De soi-disant pêcheurs belges descendent l'Escaut dans de frêles embarcations absolument incapables de tenir la mer ; tellement incapables de tenir la mer, qu'on en a vu sombrer dans l'Escaut même. Si ces embarcations sont munies d'appareils propres à la pêche, ce qui, par parenthèse, n'arrive pas toujours, ces appareils sont insuffisants soit en nombre, soit en étendue pour l'exercice de cette pêche. Il est même arrivé que les ustensiles qu'on avait embarqués étaient absolument impropres au genre de pêche qu'il s'agissait d'exercer. Et, par exemple, on a vu de ces industriels importer des cargaisons d'aiglefins pris à l'hameçon, bien qu'ils n'eussent à bord, en descendant l'Escaut, que quelques mauvais filets, et qu'il n'y eût pas un seul hameçon dans tout le bâtiment.

Après une absence assez courte, beaucoup trop courte pour que la pêche en mer pût avoir eu réellement lieu, ces soi-disant pêcheurs rentrent en Belgique avec une cargaison complète ; ils la présente à la douane comme provenant de leur pêche, et demandent la franchise des droits.

Et, chose singulière, messieurs, la douane, qui sait parfaitement que le poisson n'a pas été pêché par l'importateur, qui sait parfaitement que le poisson a été acheté de pêcheurs hollandais, qui connaît le lieu où la vente a été faite, et jusqu'à la manière dont la livraison a été effectuée, la douane, dis-je, se trouve dans l'impossibilité de sévir contre une fraude pareille.

Elle est désarmée vis-à-vis du fraudeur ; parce que, d'une part, elle ne se trouve pas en position de fournir la preuve judiciaire des faits qui sont à sa connaissance, de la fraude qui s'est opérée, et que, d'un autre côté, la jurisprudence des cours belges a posé en principe, qu'aux termes de la législation actuelle sur la matière, tout poisson importé sous pavillon national doit être présumé provenir de la pêche belge.

Vous voyez, messieurs, qu'il s'agit ici d'un abus grave, d'un abus que l'administration ne peut réprimer, d'un abus qu'il est urgent de faire cesser par des moyens législatifs.

Le projet qui vous est soumis a pour but de mettre un terme à cette fraude. Il pose en principe une présomption diamétralement opposée à celle que les cours ont trouvée dans la législation actuelle ; c'est-à-dire il déclare que, quant à ce qui concerne les droits de douane, tout poisson importé de l'extérieur dans le pays doit être présumé le produit d'une pêche étrangère, à moins que l'importateur ne se trouve dans certaines conditions, que la loi détermine, et ces conditions sont choisies de manière à procurer toute garantie que le poisson aura été réellement pêché par des Belges et ne sera pas importé en fraude.

L'on exige, par exemple, que le bâtiment qui part pour la pêche soit d'une capacité assez forte pour qu'il puisse réellement tenir la mer. Il est exigé que les ustensiles de pêche qui doivent se trouver à bord, soient en bon état ; qu'ils soient proportionnés en étendue, en nombre et en nature à la pêche qu'il s'agit d'exercer. Il est exigé que le bâtiment reste en mer un espace de temps assez long pour pêcher utilement ; et enfin il est exigé que les bâtiments qui ne se mettent pas immédiatement à la mer en quittant le lieu d'armement, rapportent les preuves qu'ils se sont rendus au large et qu'ils y ont réellement pêché.

Avec ces précautions, messieurs, on peut espérer que la fraude que je viens de signaler cessera.

Je passe maintenant à la seconde manière de frauder.

Cette seconde fraude est la conséquence assez naturelle d'une classification vicieuse qui se trouve dans notre tarif actuel.

Lorsqu'à l'époque de la révolution on a été forcé de substituer à la prohibition du poisson étranger que prononçait le tarif, une disposition qui permettait l'entrée de ce poisson moyennant des droits modérés, on a fait une distinction entre certaines espèces de poissons, auxquels on a donné le nom de poisson fin, et certaines autres espèces qu'on a qualifiées de poisson commun. On a imposé la première catégorie à un droit de 15 fr. 90 c. les 100 kil., et l'autre à raison de 7 fr. 90 c.

Dans les premiers temps qui ont suivi l'introduction de ce nouveau tarif, les importateurs de poisson étranger paraissent ne pas s'être aperçus de la grande facilité qu’il y avait pour eux à introduire du poisson fin sous la qualification de poisson commun ; car, pendant l'année 1831, le poisson fin et le poisson commun ont été déclarés à l'entrée par quantités à peu près égales, dans la proportion de cent kilogrammes de poisson fin contre 96 kilogrammes de poisson commun. Mais, dans l'année suivante, les choses se sont passées autrement. On a déclaré, en 1832, trois fois autant de poisson commun que de poisson fin, et l'on ne s'est pas arrêté là : la disproportion frauduleuse est allée en augmentant d'année en année, et il y a eu même une année dans laquelle on a poussé les choses si loin, que l'on a déclaré onze fois plus de poisson commun que de poisson fin.

C'était là, messieurs, pousser la fraude à l'extrême. Cet état de choses ne pouvait durer. La douane s'en est aperçue, et depuis lors la disproportion a diminué. Cependant quels qu'aient pu être les efforts de l'administration, on n'est jamais parvenu à ramener la proportion des deux espèces de poisson à un taux normal, et aujourd'hui encore, on déclare trois fois autant de poisson commun, que de poisson fin, bien que des personnes à même de connaître ce qui se passe, soient d'avis qu'il entre en Belgique, si non plus, tout au moins autant de poisson fin que de poisson commun.

Le projet qui vous est soumis doit faire disparaître cette fraude en coupant le mal dans sa racine. Il supprime les distinctions entre poisson fin et poisson commun ; il remplace le droit de 15 fr. 90 maximum, et celui de 7 fr. 90 minimum par un droit unique mitoyen de 12 fr. par cent kilogrammes.

Je terminerai, messieurs, en répétant l'observation pleine de justesse, qui vous a été faite par l'honorable M. Mast de Vries dans son rapport. Jamais peut-être projet de loi n'a été l'objet d'une instruction plus complète, d'un assentiment plus général. Il a été communiqué aux armateurs de toutes les localités maritimes du pays et partout il a rencontré l'approbation la plus entière. Il a été soumis ensuite à une commission, composée de fonctionnaires supérieurs de l'administration des finances, et ceux-là aussi ont, à l'unanimité, donné leur approbation au projet. Enfin, messieurs, votre commission spéciale, à laquelle tant de projets sur la pêche ont été renvoyés, a été d'avis, après avoir examiné ce projet-ci avec le plus grand soin, qu'il était préférable à tous ceux qui lui avaient été soumis jusqu'ici, et elle vous en propose l'adoption à l'unanimité.

Pour ma part, je voterai ce projet ; je le voterai dans l'intérêt de l'industrie belge, comme une mesure d'encouragement et de protection. Je le voterai dans l'intérêt du trésor, comme une disposition propre à faciliter les recouvrements des droits qui lui sont dues ; je le voterai enfin dans l'intérêt de la morale publique, comme moyen de répression d'une fraude scandaleuse qui n'a déjà duré que trop longtemps.


M. de Mérode, élu membre de la chambre, dont les pouvoirs ont été vérifiés dans une séance précédente, prête serment.

Projet de loi sur la pêche nationale

Discussion générale

M. Rodenbach. - Messieurs, je partage l'opinion de l'honorable député d'Ostende ; il a parfaitement analysé les deux projets de loi. Mais, messieurs, l'honorable député n'a pas parlé de la requête de la chambre de commerce de Bruges. Je désirerais savoir si M. le ministre partage l'opinion exprimée dans la pétition. Je crois que les observations de la chambre de commerce de Bruges sont très fondées, et que la demande est susceptible d'être accueillie.

En effet, le hareng frais dont les pétitionnaires parlent, sert pendant un certain temps à la nourriture d'une foule de gens appartenant à la classe du peuple. Les dispositions du projet de loi sont spécialement favorables à la haute pêche ; il faut aussi que nous fassions quelque chose pour la classe pauvre. Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien s'expliquer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous n'avons pas voulu nous expliquer sur la pétition de la chambre de commerce de Bruges, parce que c'eût été anticiper sur la discussion des articles, cette pétition se rapportant au dernier paragraphe de l'article 10.

La chambre de commerce de Bruges a fait deux réclamations. Il est indispensable de faire droit à la première, sans cependant adopter la rédaction que propose la chambre de commerce. Il suffit d'ajouter, dans le troisième paragraphe de l'art. 10, après les mots : " tout hareng ", " le mot " salé ".

Quant à la seconde réclamation, je pense qu'en présence de la loi du 12 mars 1818, il n'est pas nécessaire de s'en occuper. Je le prouverai quand nous en viendrons à l'art. 10.

Je ne puis cependant laisser passer sans réponse une objection faite par l'honorable préopinant, sur le caractère de la loi ; selon lui, cette loi n'aurait pour but que de protéger la grande pêche. Ceci n'est pas exact, ce qui prouve que cette loi n'a pas exclusivement pour but de protéger la grande pêche, c’est qu'on a eu soin de faire, partout où il était nécessaire, une part à la petite pêche. C'est ainsi que vous trouverez une exception au § 2 de l'art. 3, en ce qui concerne la capacité des navires ; je pourrais encore citer d'autres paragraphes favorables à la petite pêche. La loi n'a donc pas, je le répète, l'espèce de caractère aristocratique que l'honorable préopinant a voulu lui donner.

M. Rodenbach. - J'ai dit que la loi avait pour but de favoriser spécialement la grande pêche.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close. On passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Article 1 à 9

« Art. 1er. Toute importation de poisson, quant aux droits de douanes, est présumée de provenance étrangère et assujettie au payement des droits, sauf l'exception ci-après en faveur de la pêche nationale. »


« Art. 2. § 1er. Seront admis en franchise des droits d'entrée, les provenances de la pêche nationale, s'il est reconnu, lors de rentrée des bâtiments de pêche, que les patrons ont observé, pour l'espèce de pêche qu'ils ont faite, toutes les conditions voulues par les lois et règlements sur la matière.

« § 2. Ne seront toutefois admises en franchise des droits d'entrée que les espèces de poisson pour la pêche desquelles le navire aura été équipé. »


« Art. 3. § 1er. Les bâtiments devront être armés dans le royaume, appartenir en totalité à l'un ou à plusieurs de ses habitants et avoir une capacité de 25 tonneaux de mer au moins.

« §2. Toutefois l'obligation de jauger 25 tonneaux au moins n'est applicable ni aux bateaux faisant la pêche de la marée, et qui rentrent ordinairement dans les 24 heures, ni à ceux faisant la même pêche dans l'Escaut. »


« Art. 4. § 1. Les navires devront être équipés convenablement et être munis de tous les apparaux et ustensiles nécessaires pour exercer la pêche à laquelle ils sont respectivement destinés.

« § 2. Ces apparaux et ustensiles devront être en bon état et proportionnés en nombre et en étendue au genre de pêche auquel ils doivent servir.

« § 3. Le bon armement des navires sera constaté par des experts à désigner par le gouvernement, et à leur défaut par les employés des douanes. Les trois quarts au moins de l'équipage seront belges, sauf dispense accordée par Je gouvernement encas de nécessité.

« § 4. Le patron aura son domicile dans le royaume.

« § 5. Le gouvernement pourra déterminer des formes et dimensions obligatoires pour les tonnes et futailles à morue, comme condition de l'admission de ce poisson avec exemption des droits d'entrée. »


« Art. 5. § 1. Les navires pêcheurs n'auront à bord que les approvisionnements nécessaires aux besoins de l'équipage et du navire ; le gouvernement en déterminera les quantités. .

« § 2. Toute transgression à cette disposition sera assimilée aux importations ou exportations frauduleuses, tombera sous l'application des pénalités comminées par les articles 205 et 206 de la loi générale du 26 août 1822. (Journal officiel, n° 38). »


« Art. 6. § 1. Les navires pêcheurs se rendront directement au lieu de pêche, et en reviendront de même, sans pouvoir aborder en pays étranger, si ce n'est par force majeure, ce dont il sera justifié.

« § 2. Le gouvernement pourra déterminer, selon l'espèce de pêche, le temps pendant lequel les navires doivent rester en mer ou dans l'Escaut pour jouir de l'exemption des droits d'entrée.

« § 3. Au retour d'un navire, le patron remettra au receveur des douanes une déclaration signée de lui et de tout l'équipage du navire, pour attester :

« 1° : Que le navire s'est rendu directement du port d'armement au lieu de pêche, et qu'il en est revenu de même sans aborder en pays étranger;

« 2° : Qu'il s'est livré exclusivement à l'espèce de pêche pour laquelle il était équipé;

« 3° : Que tout le poisson importé vient réellement de sa pêche.

« 4° : En cas de fausse déclaration, les délinquants seront punis d'un emprisonnement de 3 à 6 mois, sauf le cas prévu par le § 2, de l'art. 12 ci-après.


« Art. 7. § 1. Indépendamment dès obligations imposées par les articles précédents, les patrons des bateaux pêcheurs, descendant ou remontant l'Escaut occidental, devront, immédiatement avant leur entrée en mer, ainsi qu'à leur retour, soumettre un visa des agents belges, commis à cet effet, soit à Flessingue, soit dans tout autre lieu à désigner par le gouvernement, le registre de bord, le rôle d'équipage, ainsi que la lettre de mer dont il sera parlé ci-après,

« § 2. Ces agents délivreront sans retard et sans frais un certificat constatantla nature et l'importance du chargement, ainsi que la date du passage et celle du retour, pour être représenté aux employés de la douane du lieu de la destination.

« § 3. Le poisson importé, par l'Escaut, par des navires non porteurs de ce certificat, ne sera pas admis comme provenant de la pêche nationale. Toutefois il est fait exception à cette règle pour les espèces de poisson qui se pêche d'ordinaire dans l'Escaut dit occidental, et qui seront désignées par un règlement du gouvernement. »


Art. 8. § 1. L’administration aura en tout temps la facilité de placer à bord des embarcations partant pour la pêche, soit en mer, soit dans l'Escaut, un ou plusieurs de ses employés. Ils seront traités et nourris aux frais des patrons comme les hommes composant l'équipage.

« § 2. Les actes que ces employés dresseront à bord ou à leur retour, pour constater les contraventions à la présente loi commises pendant le cours du voyage, auront la même force que s’il avaient été rédigés sur le territoire du royaume. »


« Art. 9. § 1. Par dérogation aux dispositions de l'art. 2 de la loi du 14 mars 1819. (Journal officiel, n° 12), les bateaux servant à la pêche nationale en mer ne pourront dorénavant naviguer sans être munis de lettres de mer à délivrer sur le pied déterminé par ladite loi.

« § 2. Toutefois la lettre de mer n'autorise l'emploi du bâtiment à aucun autre usage que celui de la pêche, à moins que le patron ne déclare au bureau des douanes, avant de sortir du port, vouloir entreprendre un voyage étranger à .la pêche. Dans ce cas, le navire sera assujetti au régime qui atteint les navires de mer ordinaires.

« § 3. Les navires mentionnés au § 2 de l'art. 3, ne sont pas soumis à l'obligation de se pourvoir de lettres de mer. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 10

« Art. 10. § 1. Est supprimée la distinction établie par le tarif actuel entre le poisson frais, fin et commun ; l'un et l'autre seront à l'avenir soumis au droit uniforme de 12 francs les 100 kilogrammes.

« § 2. Le transit du poisson est prohibé.

« § 3. Tout hareng importé, dans le royaume, du 10 janvier au 30 juin, est soumis aux droits qui frappent le hareng provenant de la pêche étrangère.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la chambre de commerce de Bruges avait bien voulu m'envoyer une copie de la requête qu'elle vous a adressée, en sorte que la question a pu être examinée. Sa réclamation, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, porte sur deux objets. Elle fait remarquer d'abord que le § 3 ne doit s'appliquer qu'au hareng salé. L'observation est juste. La chambre de commerce de Bruges vous propose une rédaction nouvelle. Il est inutile d'avoir recours à une rédaction nouvelle ; il suffit de mettre le mot salé après ceux-ci : tout hareng. Par là il est fait droit au premier objet de la réclamation.

Le deuxième objet concerne le hareng frais qu'on pêche à certaines époques de l'année, le long des côtes, sans aller en pleine mer, harengs qui s'appellent, si je ne me trompe, pan-haring**.

La chambre de commerce propose qu'il soit dit dans la loi :

« La disposition qui précède sera applicable aux harengs frais lorsque le navire pêcheur qui les importera aura été absent du royaume pendant plus de 24 heures. »

C'est-à-dire que cette disposition ne s'appliquerait pas aux harengs pris sur la côte.

Or, il existe une loi spéciale sur la pêche ; elle est du 12 mars 1818. Cette loi, qui est en vigueur, a fixé (art. 26 et suivants) une époque pour la pêche du harengs en plein mer. Elle contient, en outre, une disposition relative au hareng qui se prend sur la côte ; cette disposition fait l'objet de l'art. 17 :

« La pêche du hareng dit pan-haring, est celle qui se fait avec ou sans bateau, dans toute l'étendue du royaume, dans les rivières et leurs embouchures, dans les rades, dans les golfes, et le long des côtes, jusqu'à une distance d'une lieue du rivage. »

Pour cette pêche, il n'est pas fixé d'époque.

Par cet article, il est fait droit à la deuxième réclamation de la chambre de commerce de Bruges.

Je pense que la chambre considérera ces explications comme satisfaisantes, et que dès lors nous pouvons nous borner à insérer l'adjectif salé dans le 3e § de l'art. 10.

M. Rodenbach. - Est-il bien entendu que les harengs nommés communément dans les Flandres Levaert sont compris dans la dénomination des harengs appelés Pannen-haring : Il faudrait s'expliquer.

M. Donny. - Je crois que si l'amendement de M. le ministre est adopté, l'honorable préopinant peut être sans inquiétude sur l'objet dont il vient de parler. Je ferai d'abord remarquer qu'il n'est pas question dans la loi du pan haring, et ainsi cette expression ne peut présenter aucune équivoque.

Je dirai ensuite que le principe de la loi actuelle est que tout poisson frais importé, en remplissant les conditions de la loi, est exempt du droit d'entrée, parce qu'il est considéré comme provenant de la pêche belge. Maintenant le § 3 de l'art. 10 va faire une exception pour le hareng salé, mais pour le hareng salé seulement. Or, ce qu'on appelle levaert n’est pas du hareng salé ; ce hareng levaert reste donc soumis à la règle générale et jouit de l'exemption du droit.

M. Desmet. - La distinction est réellement celle-ci : c'est que l'un de ces harengs est un hareng salé, et l'autre un hareng frais. On nomme ces harengs, en Hollande, pan-haring pour les distinguer des harengs salés ou fumés et parce que ces harengs frais sont frits dans des casseroles qu'on nomme en hollandais pannen. Ces mêmes poissons on les nomme ici levaert ou pekaert. Enfin les distinctions sont faciles à faire, et je pense que l'honorable M. Rodenbach peut se tranquilliser qu'on ne pourra pas se méprendre. Mais un objet très important pour la pêche de ces harengs frais, c'est parce qu'on les pêche sur les côtes, où ils se trouvent en certaines saisons par bandes, qu'on ne doit pas aller loin en mer et qu’on peut être de retour de la pêche endéans les 24 heures. Il faut donc nécessairement conserver la disposition de la loi hollandaise, par laquelle le temps de la rentrée est raccourci. Cette exception est très nécessaire, parce que ces poissons sont la nourriture de la classe pauvre, qui les consomme en grande quantité et y trouve une nourriture à bon marché.

- L'art. 10, avec l'addition du mot salé après les mois tout poisson, est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. § 1. Le gouvernement est autorisé à accorder l'exemption des droits d’accises sur le sel brut ou raffiné dont les armateurs à la pêche nationale auraient besoin pour l'exercice de leur profession.

« § 2. Le sel destiné à cet usage sera emmagasiné dans les entrepôts libres ou sous le régime de crédit permanent, conformément aux lois en vigueur.

« § 3. Néanmoins, le gouvernement pourra modifier le régime de crédit permanent, soit pour établir des bonifications pour déchets, soit pour concilier les intérêts du trésor et ceux des armateurs. »

Article 12

« Art. 12 §. 1. Tout patron armateur qui sera convaincu d'avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère, ou qu'il aura importé comme provenant de sa pêche, sera puni d'un emprisonnement de 3 à 6 mois. Le navire et la cargaison seront en outre confisqués, et il encourra une amende égale au décuple droit sur le chargement.

M. Henot a proposé :

1° : D’ajouter après les mots « pêche nationale » du premier paragraphe ceux-ci : « Ou qui l’aura importé ou tenté d’importer. »

2° : D’ajouter à cet article un troisième paragraphe ainsi conçu :

« En cas de récidive, il sera toujours condamné au maximum des peines ci-dessus fixées, et elles pourront même être élevées au double. »

M. Henot. - Messieurs, le projet de loi qui nous occupe à un double but, à savoir celui de réprimer les abus qui sont préjudiciables à la pêche et celui d’empêcher qu’on élude la disposition du tarif des douanes qui soumet le poisson provenant de pêche étrangère au paiement d’un droit d’entrée.

Il est évident que lorsqu’on importe, comme provenant de sa pêche, du poisson provenant de pêche étrangère, on commet l’acte le plus préjudiciable au trésor, et conséquemment un acte que la loi doit surtout réprimer, si elle veut atteindre le but qu’elle se propose ; et s’il en est ainsi, il ne faut pas se borner à réprimer le fait même, mais aussi la tentative et punir d’une prime plus forte le fait de récidive, comme le fait la loi générale du 26 août 1822, qu’on paraît avoir pris pour guide.

M. Donny. - Messieurs, il y a dans l’article deux fautes d’impression, qui pourraient, par inattention, passer dans la loi définitive. D’abord, au lieu de : « tout patron armateur, » il faut : « tout patron ou armateur. » Il est dit ensuite : « qui sera convaincu d’avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère ou qu’il aura importé… » il faut : « ou qui en aura importé. »

M. le président. - M. Henot persiste-t-il dans son amendement ?

M. Henot. - Oui, M. le président.

M. Eloy de Burdinne. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Henot. Si nous voulons empêcher la fraude, il faut prendre toutes les mesures propres à la faire disparaître autant que possible de notre pays. C’est pourquoi je pense que la tentative et la récidive doivent être punies comme le demande l’honorable M. Henot.

M. de Brouckere. - Messieurs, je voudrais qu’il fût possible d’atteindre ceux qui ont véritablement tenté de frauder, bien que la fraude n’ait pas été accomplie. Mais je ne crois pas qu’il soit possible d’insérer dans une loi telle que celle que nous discutons un article qui punit la tentative de fraude en matière de pêche.

Cela prêterait singulièrement à l’arbitraire, car il serait difficile de dire quand on a tenté de frauder ou quand ce qu’on qualifierait de tentative ne pourrait pas être considéré comme tel. Il serait difficile de décider quand il y aurait tentative. Pour ma part, je ne pourrais pas admettre cet amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – On a indiqué deux cas : on suppose le cas où on a pris à bord du poisson provenant de pêche étrangère ou qu’on a importé du poisson provenant de la pêche étrangère. Le deuxième cas, c’est le délit consommé ; le premier cas est une espèce de tentative, c’est le fait d’avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère. Il n’a pas besoin d’être importé. Il est évident que le fait d’avoir pris du poisson de pêche étrangère à bord constitue généralement la tentative.

M. Orts. – Il est fort dangereux d’insérer dans la loi le mot tentative. Toute la théorie des tentatives se trouve dans le code pénal, à moins qu’on ne définisse la tentative autrement, on ne peut pas l’insérer dans la loi qui nous occupe. D’après le code pénal, la tentative de crime est punie comme le crime lui-même, mais elle doit réunir trois conditions : D’abord elle doit se manifester par des actes extérieurs ; en second lieu elle doit avoir un commencement d’exécution ; en troisième lieu il faut que ce commencement d’exécution n’ait été suspendu ou arrêté que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur. Quant aux droits, la tentative ne constitue de fait punissable que quand la loi l'a déclaré et dans ce cas elle doit définir en quoi consistera la tentative. Comme on l'a fait observer, l'addition proposée nous jetterait dans un singulier arbitraire. Quand y aurait-il tentative répréhensible ? Ce serait difficile à définir. Les explications données par M. le ministre de l'intérieur ont démontré que par la première partie de l'article, on a satisfait à toutes les prévisions et qu'il serait dangereux d'en faire davantage.

M. Desmet. - Si vous voulez une loi efficace, il faut adopter l'amendement de M. Henot. Comment s'est faite la fraude jusqu'ici ? En transbordant sur les navires belges du poisson provenant de la pêche étrangère. Si vous n'avez pas le droit de faire des recherches sur les bateaux qui, au lien d'aborder à Anvers, pourront aller décharger sur les côtes le poisson étranger qu'ils auraient pris en fraude ; si vous avez la faculté de faire des recherches sur les bateaux qui sont dans l'Escaut et qu'on y trouve du poisson frais, ces bateaux seront punis sans avoir importé.

M. Henot. - Quelques honorables membres, tout en exprimant le désir d'atteindre ceux qui ont véritablement tenté de frauder, ont cependant manifesté des craintes que l'amendement que j'ai proposé ne prête à l'arbitraire, et cette crainte paraît devoir les engager à ne pas l'admettre ; qu'il me soit permis de leur répondre que leur crainte n'a aucun fondement, et que ce que je propose a déjà été consacré par la loi générale du 26 août 1822, qui a servi de guide à celle qui nous occupe ; pour s'en convaincre, on n'a qu'à jeter les yeux sur l'art. 205 où la tentative d'importation est également punie, et quoique cette disposition soit en vigueur depuis longtemps, je n'ai jamais entendu qu'on l'ait taxée d'arbitraire.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il se rallie à la seconde partie de mon amendement qui a rapport à la récidive.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cet amendement s'applique-t-il à tout l'article ou seulement au § 1er ?

M. le président. – Il s'applique à tout l'article.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir emprisonnement de six ans.

M. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable M. Desmet s'était fait un argument à l'appui de la première disposition présentée par M. Henot, de la nécessité de punir les pêcheurs pour le seul fait d'avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère ; mais l'honorable membre, comme il vient de me le dire, n'avait pas fait attention que ce fait est prévu par la loi.

C’est là le système de tentative le plus large qu'on puisse prévoir dans la loi, car le fait de prendre du poisson de pêche étrangère à bord, si on se bornait à cela, ne serait pas un fait condamnable, mais il est puni parce que celui qui le prend a l'intention de l'introduire en Belgique en fraude. Voilà une tentative qualifiée qui ne peut pas donner lieu à l'arbitraire. Mais si vous ajoutez encore la tentative, je ne sais plus jusqu'où .nous allons. Sera-ce la tentative faite par un individu de prendre du poisson de pêche étrangère à bord ? M. Henot ne veut prévoir que la tentative d'introduction ; Mais on l'atteint, puisqu'on punit celui qui prend du poisson à bord. L'amendement de M. Henot serait alors sans objet et pourrait donner lieu à beaucoup d'arbitraire. C'est une tentative de tentative.

M. Dolez. - Je n'ai pas demandé la parole pour vous entretenir de la première disposition de l'amendement de M. Henot. A cet égard je me réfère aux observations que vient de vous présenter l'honorable M. de Brouckere. Mais je voulais vous dire qu'il me serait complètement impossible de voter une loi dans laquelle je vois comminée une peine de trois années d'emprisonnement pour avoir importé du poisson de pêche étrangère.

J'ai toujours pensé qu'il fallait proportionner la peine à l'immoralité du fait qu'on voulait réprimer. Je ne puis comprendre qu'il y ait dans le fait d'importer du poisson de pêche étrangère une immoralité assez grande pour lui appliquer une peine aussi grave que celle de trois années de prison. Si nous comparons cette loi avec le code pénal, nous y trouvons une foule de délits plus graves que la contravention dont vous vous occupez en ce moment, pour des peines infiniment plus légères qu'on propose d'établir. Je ne pourrai pas donner mon vote à cette loi, si la chambre maintient les peines qui y sont comminées.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne ferai qu'une seule observation à l'honorable préopinant, c'est qu'il faut que la loi que nous faisons soit en rapport avec la loi générale du 26 août 1822 et avec la loi spéciale du 12 mars 1818, quant à l'échelle des pénalités. C'est ce qu'on a cherché à faire.

Il y a deux peines comminées par cet article : la première, qui est celle portée par le 1er §, est de 5 à 6 mois, et la seconde, qui est portée pour le cas prévu par le 2° §, est de un à trois ans. La peine ici est beaucoup plus forte, mais c'est qu'en effet, il s'agit d'un délit d'une très haute gravité. C'est un patron qui a trompé l'armateur ; c'est une circonstance d'une grande immoralité. Dans ce cas, la peine pourrait être d'un an à trois ans.

Je me proposais cependant de sous-amender ce paragraphe en ce sens que le minimum serait réduit à 6 mois et le maximum maintenu à 3 ans. C'est-à-dire que le patron, dans le cas où il aurait trompé l'armateur, serait puni de 6 mois à 3 ans de prison. C'est-à-dire que le patron, dans le cas où il aurait trompé l'armateur, serait puni de 6 mois à 3 ans de prison. Je prends, comme vous voyez, pour minimum le maximum du paragraphe précédent. (Interruption.)

Il faut, je le répète, qu'il y ait une certaine concordance entre les pénalités de cette loi et l'échelle des pénalités telle qu'elle résulte de la loi générale du 26 août 1822 et de la loi spéciale sur la pêche du hareng du 12 mars 1818.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, l'art. 12, sur lequel est maintenant établie la discussion est une disposition de douane, elle doit être mise en harmonie avec les lois de douanes. Or, dans ces lois, il est de principe que non seulement la fraude est punie, mais que la tentative de fraude est également punie. Et une loi en vigueur, la loi de 1822, est très générale sur ce point.

L'honorable M. Henot vous a lu la première partie d'un article ; s'il avait continué, il aurait trouvé « celui qui a importé ou tenté d'importer. » Vous voyez que c'est une disposition générale dont il s'agit de faire une application particulière ; vous voyez qu'en matière de douane la tentative de fraude est punie comme la fraude même. Cette disposition est générale ; si l'on veut y faire une exception, il faut en établir la nécessité. Si l'on n'établit pas cette nécessité, je dis qu'il faut mettre l'art. 12 en harmonie avec la loi générale des douanes.

Maintenant rendons-nous compte de la double disposition d'un § 1er de l'art. 12. Ce paragraphe commence ainsi : « Tout patron ou armateur qui sera convaincu d'avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère. » On vous a fait remarquer déjà que c'était plutôt une tentative de fraude que la fraude même ; ainsi il reste de là qu'il est dans l'esprit de la loi d'atteindre la tentative de fraude.. La disposition ajoute : « ou qui en aura importé comme provenant de sa pêche. » Evidemment ce second membre de phrase ne s'applique pas au cas où le patron ou armateur aura importé le poisson sur son navire, puisque déjà il est puni pour l'avoir à son bord. Il s'agit de deux délits distincts ; ou bien il faut supprimer le second membre de phrase, qui devient inutile. Eh bien, pourquoi ne punir que la fraude, et ne pas punir la tentative dans le premier cas, alors que vous punissez la tentative seule dans le premier cas, Je ne conçois pas la disposition ainsi entendue. D'un côté vous punissez la simple tentative, alors qu'elle n'est pas suivie d'importation ; de l'autre, vous punissez l'importation, et vous ne punissez pas la tentative. Ce n'est pas rationnel, et cela n'est pas conforme à la loi générale.

Si je comprends mal la disposition, on rectifiera ce que je viens de dire ; si je la comprends bien, il est impossible de ne pas admettre l'amendement de l'honorable M. Henot.

M. Dolez. - M. le ministre de l'intérieur m'a répondu en rappelant les pénalités établies par la loi générale sur les douanes. Je sais que cette loi a établi des pénalités extrêmement sévères ; mais je sais par expérience que la sévérité de ces pénalités va directement contre leur but ; c'est-à-dire que les tribunaux, effrayés de cette sévérité, sont souvent portés à en éluder l'application ; souvent il est arrivé que les pénalités rigoureuses encourues par le délinquant devenaient dans la bouche de l'avocat un argument victorieux pour obtenir un acquittement. Je crois que votre loi aura le même résultat, si elle commine des peines sévères pour un fait qui, en morale, n'aura jamais une gravité bien grande.

M. Donny. - L’honorable M. Dolez a dit que, pour appliquer une peine d'un à trois ans d'emprisonnement, il fallait qu'il y eût une grande immoralité dans le délinquant. Mais dans le cas dont il s'agit, cette immoralité existe. L'art. 12 prévoit, deux cas : dans le premier cas, le patron fraude de connivence avec le propriétaire ; alors il n'est que l'instrument du propriétaire ; le propriétaire est puni par la confiscation de son navire et par une amende décuple du droit ; le patron, qui n'a rien à perdre pécuniairement, est puni par 3 mois de prison. Dans le second cas, l'immoralité du patron est bien plus grave ; le propriétaire n'est pas de connivence avec lui ; il lui a confié le navire ; le patron, abusant de sa confiance, non seulement commet une infraction aux lois du pays, mais encore abuse de la confiance du propriétaire et s'expose à ce que son navire soit confisqué.

Mais, dira-t-on, d'après le second paragraphe, le propriétaire n'est pas exposé à cette pénalité ; car il ne l'encourt que s'il est de connivence avec le patron. Ce serait se faire illusion ; pour éviter la confiscation du navire, le propriétaire doit prouver qu'il n'est pas de connivence avec le patron ; il doit administrer une preuve négative, preuve toujours difficile à faire. Il faut donc que la peine comminée contre le patron qui commet cet acte de haute immoralité encourre une peine qui soit assez forte pour effrayer ces gens à qui l'on est obligé de confier sa fortune ; ils ne sont que trop enclins à commettre des actes de baraterie ; il faut que la loi les effraie par la gravité de la peine.

Il me semble que l'honorable M. Dolez pourrait très bien voter la disposition dans le sens qui a été indiquée par M. le ministre de l'intérieur. Celui-ci fait commencer l'échelle des peines pour le second cas, où finit l'échelle pour le premier ; de sorte que les tribunaux pourront prononcer un emprisonnement dont la durée variera de six mois a trois ans.

Comme l'a dît l'honorable M. Dolez, les tribunaux ne sont pas enclins à prononcer des peines trop fortes ; on peut donc être sans inquiétude sur les résultats de la loi ; elle ne sera pas appliquée avec trop de sévérité, et le maximum introduit dans l'article aura un effet utile ; il détournera les patrons des actes de baraterie qu'ils pourraient commettre.

M. Desmet. - Tout à l'heure, j'ai reconnu que le cas où l'on a le poisson à bord est prévu par la disposition. Je suppose maintenant un autre cas ; je suppose qu'un patron tienne le poisson de pêche étrangère en dehors du bateau et dans des filets qu'il tient dans l'Escaut en dessous du bateau ; il voit arriver les douaniers ; au lieu d'arriver à la côte, il vire de bord. Il avait l'intention de frauder, et cependant la disposition ne l'atteint pas. Pour que la loi l'atteigne, il faut adopter l'amendement de l'honorable M. Henot.

M. Fleussu. - Le rapprochement du § 2 de l'art. 2 avec l'art. 12 fait naître en moi un doute. Je vais le soumettre à MM. les ministres pour qu'ils le dissipent, ou pour qu'ils y aient égard, s'il est fondé. Le § 2 de l'art. 2 est ainsi conçu : « ne seront toutefois admises en franchise des droits d'entrée que les espèces de poisson pour la pêche desquelles le navire aura été équipé. » Il me semble, d'après cette rédaction, qu'il est permis de prendre du poisson de pêche étrangère sur un bateau belge. Si donc je prends sur un navire une autre espèce de poisson que celle, pour laquelle il a été équipé, la loi prévoit ce cas (art. 2). Cette disposition n'est pas en harmonie avec l'art. 12 qui punit « tout patron ou armateur qui sera convaincu d'avoir à bord du poisson de pêche étrangère. » Comment peut-on concilier ces deux dispositions ? J'y trouve la matière d'un doute ; la loi n'est pas claire, puisqu'en rapprochant ces deux dispositions, on voit qu'elles sont en contradiction. Peut-être cette contradiction n'est-elle qu'apparente pour moi, qui ne connais pas la matière. Mais comme il est bon que la loi soit claire, je prie M. le ministre de vouloir bien s'en expliquer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le 2° § de l'art. 2 est ainsi conçu : « Ne seront toutefois admises en franchise des droits d'entrée que les espèces de poisson pour la pêche desquelles le navire aura été équipé. »

L'honorable préopinant s'est posé cette question : Le patron ne peut-il prendre à son bord du poisson autre que l'espèce pour la pêche de laquelle le navire est équipé, pourvu que ce poisson paye les droits ? Non ; il ne le peut pas, d'après le système de la loi. Cela résulte clairement de la disposition de l'art. 6 (n° 30 du § 3 qui porte qu'au retour du navire, le patron remet au receveur des douanes une déclaration signée de lui pour attester « que tout le poisson importé provient réellement de la pêche » c’est-à-dire de la pêche pour laquelle il a une lettre de mer. Il résulte de l'ensemble du système qu'il ne peut avoir à son bord que du poisson de sa pêche, et qu'il ne peut pêcher que le poisson pour la pêche duquel son navire est équipé. Si vous admettez qu'il puisse prend à bord du poisson quelconque, et du moment que ce n'est pas le poisson pour la pêche duquel le navire est équipé, il n'a qu'à payer les droits, vous renversez tout le système de la loi, vous rendez la loi impossible. Cela est sans doute rigoureux, mais ce ne peut être autrement.

M. Donny. - Voici le sens que je donne au § 2 de l'art. 2.

Un bateau se met en mer pour aller faire la pêche, non pas à l'hameçon, mais au filet ; eh bien, il arrive dans le port avec du poisson pris à l'hameçon, ce dont le poisson porte la marque ; il aura importé du poisson d'une autre espèce que celle pour la pêche de laquelle le navire est équipé, et se trouvera dès lors dans le cas prévu par le § 2 de l'article deux. Il en sera de même si un navire équipé pour faire la pêche à l'hameçon importe du poisson pris au filet.

M. de Muelenaere. - Plusieurs objections ont été faites contre l'art. 12. On a prétendu que le maximum comminé par le 2e § de cet article était trop élevé ; mais je prie la chambre de faire attention à la disposition du 1er §. Il faut nécessairement que les deux dispositions soient en rapport ; on n'a pas apprécié toute la gravité de la peine comminée par cette disposition ; elle prononce un emprisonnement de 3 à 6 mois contre tout patron ou armateur convaincu a avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère ou d'en avoir importé comme provenant de sa pêche. Mais indépendamment de cette peine, la loi prononce la confiscation du navire et de sa cargaison.

Il faut remarquer, messieurs, que le navire équipé pour la pêche du poisson frais a une valeur de 17 à 18,000 francs. Ainsi voilà une confiscation de 17 à 18,000 francs prononcée contre l'armateur.

Indépendamment de cela, la loi prononce la confiscation de la cargaison, qui peut encore avoir une valeur de plusieurs milliers de francs. En outre l'armateur est condamné à une amende égale au décuple droit sur le chargement.

Vous voyez que les pénalités prononcées par le 1er § de l'art. 12, indépendamment d'un emprisonnement de 3 à 6 mois, s'élèveront au moins à une somme de 20,000 fr. Voilà les peines prononcées par l'art. 1er.

Maintenant que vous arrivez au 2e §, la loi statue des peines contre le patron seul. Car le propriétaire pourra prouver qu'il n'y a pas eu connivence de sa part, et dans ce cas la confiscation du navire et de la cargaison, ni l'amende égale au décuple droit sur le chargement, ne seront encourues par le propriétaire.

Il n'est pas étonnant, dans ce cas, que la loi prononce une peine très forte et qui peut aller de 6 mois, minimum auquel M. le ministre de l'intérieur vous propose de réduire la peine à 3 ans.

Il faut nécessairement, si vous voulez punir la fraude, et surtout si vous voulez empêcher une connivence coupable entre le propriétaire et le patron, que la peine d'emprisonnement soit élevée ; car sans cela, si la fraude a été commise de connivence, comme le propriétaire, en en chargeant exclusivement le patron, échappera à la confiscation et au décuple droit, il s'arrangera avec lui pour qu'il assume toute la responsabilité de la fraude, et se fasse condamner seul, et pourra échapper ainsi à toutes les peines. Il faut donc, je le répète, que la peine d'emprisonnement comminée contre le patron soit telle qu'il n’assume pas toute la responsabilité du fait et que le propriétaire n'échappe pas à la loi.

Au surplus, l'emprisonnement étant réduit au minimum de 6 mois, les tribunaux auront à examiner les circonstances, et ne prononceront le maximum de 3 ans que dans des cas graves, et lorsqu'il y aura dol de la part du patron vis-à-vis du propriétaire.

Messieurs, on vous a proposé un amendement pour faire punir les tentatives même d'importation. Eh bien, après avoir mûrement réfléchi, il me semble que la loi doit être amendée dans ce sens. Je crois que c'est non seulement l'importation frauduleuse, mais aussi la tentative d'importation qu'il faut punir.

D'abord, la loi que nous discutons n'est en quelque sorte que le complément de la loi générale, et il faut la mettre en harmonie autant que possible avec cette loi générale.

Mais indépendamment de cela, je vous prie d'observer une chose. Les bateaux qui servent à la pêche sont d'une dimension telle qu'on peut, sans aucun danger, les faire échouer sur presque toutes les parties de la côte ; ces embarcations ne doivent pas nécessairement entrer dans un port. Dès lors, vous sentez combien la fraude sera facile, et combien il faut se prémunir, non seulement contre la fraude réelle, mais aussi contre les tentatives de fraude.

Je pense donc, avec l'honorable préopinant qu'il serait prudent de modifier la loi dans ce sens.

Une observation vous a été faite contre le § 2 de l'art. 2.

« Ne seront toutefois admises en franchise des droits d'entrée que les espèces de poisson pour la pêche desquelles le navire aura été équipé. »

D'après l'art. 1er, toute importation de poisson est présumée de provenance étrangère ; par conséquent elle est soumise à un droit.

L’art. 2 établit une exception en faveur des provenances de la pêche nationale. Celles-là sont reçues en franchise de droit, à la condition que l'on se conformera à toutes les exigences de la loi à cet égard.

Dès lors, messieurs, ou a voulu prendre des précautions pour s'assurer que les navires qui font la pêche n'apporteront pas dans le pays du poisson qu'ils auraient achetés en mer, du poisson qui proviendrait en réalité de la pêche étrangère.

L'art. 2 statue que les espèces de poisson pour la pêche desquels le navire aura été équipé seront seules admises sur ce navire en franchise de droit.

Eh bien ! messieurs, les navires reçoivent, vous le savez, un équipement entièrement différent selon l'espèce de poisson qu'ils sont destinés à pêcher. C'est ainsi, par exemple, que le navire destiné à la pêche du hareng n'est pas censé devoir et ne peut se livrer à la pêche du poisson frais et à la pêche de la morue, et que le navire équipé et gréé pour la pêche du poisson frais ou la pêche de la morue ne peut pas se livrer à la pêche du hareng, parce qu'il n'a pas à bord les objets nécessaires pour cela.

Eh bien ! évidemment si un navire qui a été équipé pour la pêche du hareng, importé ou veut importer dans le pays du poisson frais ou de la morue, la présomption est que ce navire n'a pas pêché ce poisson, mais qu'il l'a acheté en mer, et qu'il importe par conséquent un poisson qui n'est pas le produit de la pêche nationale, mais celui de la pêche étrangère.

On vous a fait observer aussi qu'il peut arriver, par exemple, (mais ce cas ne sera pas, je crois, le plus fréquent), qu'un navire se rende en mer, et qu'il n'ait à bord que des hameçons et pas de filets. Dès lors si ce navire importe du poisson non pêché à l'hameçon, il est évident que ce poisson ne sera pas le fruit de la pêche nationale, mais qu'il aura été acheté à d'autres pêcheurs.

Ce sont là les cas prévus par le § 2 de l'art. 2, et dès lors je ne pense pas qu'il puisse en résulter un inconvénient quelconque. Je pense, au contraire, qu'il est parfaitement rédigé pour atteindre le but qu'on se propose.

M. Mercier. - Il me semble, malgré les explications qui ont été données, que la difficulté signalée par l'honorable M. Fleussu subsiste toujours.

Je trouve dans ce projet une quantité de conditions auxquelles sont soumis ceux qui veulent introduire dans le pays du poisson provenant de pêche nationale ; mais je ne vois pas une disposition qui défende d'une manière absolue à ceux qui ont équipé des navires pour la pêche nationale, d'importer du poisson ne provenant pas de cette pêche, s'ils en font la déclaration.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Pardonnez-moi ; voyez le § 2 de l'art. 9.

M. Mercier. - Mais enfin quel est le but du § 2 de l'art. 2 ? Après avoir établi l'exemption, on fait une exception. Pourquoi cette exception, si ce n'est pour prévenir la libre importation de poissons qui n'auraient pas droit à l'exemption ? Le 3° § de l'art. 7 a le même but, et cependant il ne paraît pas douteux que le poisson importé dans ce dernier cas, puisse être admis moyennant le payement du droit établi sur le poisson étranger.

Si ces dispositions doivent être ainsi entendues, on les ferait facilement coordonner avec celles de l'article en discussion au moyen d'un léger changement à cet article.

Il faudrait simplement substituer au 1er § la conjonctive et la disjonctive ou. Au moyen de cette modification, la supposition de tentative de fraude, dans le sens de l'article, deviendrait sans application ; car ce ne serait qu'au moment de la déclaration en douane que la fraude se commettrait, si l'on déclarait comme provenant de la pêche nationale, ce qui serait le produit de la pêche étrangère ; et bien entendu que le fait d'une fausse déclaration constitue la fraude et non une simple tentative de fraude qui dans l'espèce ne pourrait plus exister.

L'honorable M. de Muelenaere a parlé de la fraude qui se commettrait sur les côtes par des débarquements clandestins. Mais cette fraude ne doit pas être réprimée par la loi que nous discutons, Ce cas rentre dans ceux qui sont prévus dans la loi générale. Ici à quelle fraude veut-on obvier ? Uniquement à celle au moyen de laquelle on voudrait introduire du poisson de pêche étrangère en franchise de droit, tout en présentant le poisson importe aux préposés de l'administration.

M. le ministre de l'intérieur m'a fait observer que le § 2 de l'art. 9 défend l'importation de poisson provenant de la pêche étrangère par navires destinés à la pêche nationale ; mais il ne s'agit à l'art. 9 que des lettres de mer ; or beaucoup de navires employés à la pêche nationale ne doivent pas être munis de lettres de mer et de ce que certains navires doivent en être pourvus pour faire la pêche nationale en mer, il n'en résulte pas, d'après les termes du projet de loi qu'ils ne peuvent charger dans l'Escaut du poisson provenant de la pêche étrangère. Il me semble donc qu'en tout cas il y a lieu de modifier la rédaction de quelques dispositions du projet de loi, soit pour empêcher toute contradiction, soit pour écarter tout doute sur leur véritable sens.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il faut bien remarquer que nous faisons en quelque sorte une loi d'exception, de faveur, de privilège.

Nous posons dans l'art 1er le principe général que toute importation de poissons, quant aux droits de douane, est présumée de provenance étrangère et assujettie au paiement des droits.

Après avoir posé ce principe général, nous faisons une loi d'exception en faveur de la pêche nationale. Cette loi d'exception, en profiteront tous ceux qui rempliront les devoirs que leur impose la loi.

Les navires, dont les armateurs ou les patrons ont l'intention de profiter de la loi, sont placés dans une catégorie particulière. Il leur est délivré des lettres de mer pour se livrer à la pêche, en indiquant même les espèces de poissons qu'en entend pêcher.

Ces navires ne sont pas dans la même position que se trouverait un navire qui ne voudrait pas profiter de la loi, qui ne demanderait pas de lettre de mer à cet effet, comme le suppose le paragraphe 2 de l'art. 9, qui, en un mot, irait pêcher ou irait en mer pour acheter du poisson et qui resterait dans le droit commun, c'est-à-dire dans les termes de l'article 1er qui suppose le paiement des droits.

C'est, messieurs, dans cet ordre d'idées qu'il faut se placer pour apprécier le caractère de la loi que nous faisons.

D'après l'art. 9 § 1, il est délivré des lettres de mer aux navires destinés à la pêche nationale. L'armateur ou le patron du navire doit déclarer quel est le genre de pêche auquel il veut se livrer ; mais si un navire veut faire autre chose que se livrer à la pêche, il faut qu'il le déclare, et il reste, d'après le § 2, dans le droit commun, Mais une fois que l'armateur ou le patron du navire a déclaré qu'il entend se placer dans la loi exceptionnelle que nous faisons, il faut qu'il en subisse toutes les conséquences.

M. Dolez. - Messieurs, l'art. 12 établit une prime contre l'armateur ou patron de navire qui aura importé du poisson de pêche étrangère comme provenant de sa propre pêche. Il faut donc, pour que la contravention existe, que l'armateur ou patron n'ait pas déclaré au moment de l'importation que le poisson provenait de la pêche étrangère ; dès l'instant que le patron fait cette déclaration, il résulte de l'art. 12 qu'aucune pénalité ne peut l'atteindre. Il y a une contradiction entre les divers articles de la loi.

Les explications données par M. le ministre manifestent de plus en plus le caractère exorbitant de la loi. Quoi ! un patron se sera rendu à la pêche, dans l'espérance d'y trouver un chargement complet pour son navire, et quand il aura vu s'évanouir ses espérances, il ne pourra pas utiliser son voyage en achetant du poisson de pêche étrangère, et en en déclarant l'origine étrangère à son arrivée ! N'allez-vous pas contre, l'intérêt de la pêche nationale elle-même ?

Je pense, messieurs, qu'il y aurait lieu de renvoyer l'article à la commission, afin qu'elle mette de l'harmonie entre les dispositions, et qu'elle fasse disparaître le caractère trop exorbitant de la loi.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, je crois que toutes les dispositions de la loi sont en parfaite harmonie entre elles. Il peut, en effet, paraître exorbitant de défendre à un navire qui ne s'est pas livré à la pêche par lui-même, d'importer des poissons provenant de la pêche étrangère, en en faisant une déclaration en douane ; mais la chambre ne peut pas perdre de vue les lois antérieures qui accordent des primes pour les différentes pêches, la pêche de la morue, la pêche des harengs. Les navires qui se livrent à ce genre de pêche reçoivent donc des indemnités et des faveurs très considérables, dès lors le gouvernement est en droit de leur prescrire des obligations dont ils ne peuvent pas s'écarter. Ainsi, du moment qu'un navire aura déclaré vouloir se livrer à la pêche du hareng et de la morue, dès ce moment il ne peut plus acheter du poisson de pêche étrangère et importer. C'est là la loi du contrat.

J'aime à croire que ces seules réflexions engageront l'honorable M. Dolez à ne pas insister sur les observations qu'il vient de présenter.

M. Delfosse. - Si les explications qui viennent d'être données par MM. les ministres sont admises par la chambre, il faudra tout au moins modifier les termes de l'art. 12. Il résulte de ces explications que le fait d'avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère n'est punissable que lorsque le patron armateur se trouve dans le cas de l'art. 9. Le patron armateur qui ne se trouve pas dans ce cas, parce qu'il n'a pas demandé à jouir de l'exemption des droits, peut sans aucun doute prendre à bord du poisson étranger et l'introduire en payant les droits. L'art. 12 du projet qui punit, sans distinction, tout patron armateur convaincu d'avoir à bord du poisson de pêche étrangère est donc trop général, il faut le restreindre au patron armateur qui s'est placé dans le cas de l'art. 9 ; je présente un amendement dans ce sens.

M. Fleussu. - Messieurs, je me félicite d'avoir provoqué ces explications, puisqu'après une assez longue discussion, nous ne sommes pas encore d'accord sur la portée de la loi.

J'admettrais volontiers le système présenté par M. les ministres, mais je crois que la loi ne traduit pas leur système, qu'il y a une équivoque dans la loi.

L'art. 12 prévoit deux cas. Le premier cas, c'est quand un armateur a pris à bord du poisson de pêche étrangère. Voilà un cas spécial puni par lui-même. Maintenant il y a un autre cas, c'est celui où il aurait importé du poisson de pêche étrangère comme provenant de sa pêche. Il est impossible de concilier ces deux cas. Le seul fait d'avoir pris à bord du poisson de pêche étrangère n'est pas punissable ; il faut encore qu'arrivé au port, l'armateur fasse une fausse déclaration pour frauder le droit.

J'admets le système de MM. les ministres ; je demande seulement que la loi soit claire.

M. Donny. - Messieurs, je veux faire une simple observation dont l'honorable M. Dolez sentira la justesse : c'est que la disposition qu'il signale comme exorbitante, comme contraire aux intérêts de la pêche, est précisément une disposition dont l'insertion a été demandée par les armateurs à la pêche eux-mêmes, qui la regardent comme indispensable. Ce n'est pas une rigueur exorbitante qu'on introduit contre les pêcheurs, c'est au contraire une disposition qui doit être favorable à leurs intérêts.

M. de Muelenaere.- Messieurs, je crois que dans cette discussion il y a un malentendu qu'il convient d'éclaircir.

D'après l'art. 1er, toute importation de poisson, quant aux droits de douane, est présumé de provenance étrangère. Il résulte de là que le poisson de pêche étrangère n'est pas prohibé en Belgique, comme il l'est en Hollande, en France et en Angleterre. Ainsi, tout armateur de navire, tout patron de navire peut introduire en Belgique du poisson de pêche étrangère, moyennant de faire sa déclaration et de payer les droits.

L’art. 1er pose un principe. Tout le reste de la loi ne concerne plus l'introduction du poisson de pêche étrangère d'une manière légale en autant que le poisson soit soumis aux droits ; le reste de la loi est le complément des dispositions préexistantes, c'est pour jouir de la franchise des droits, de l'exemption des droits d'accise sur le sel, et enfin de la prime ; car vous savez, messieurs, par des lois antérieures, qu'il a été établi des primes. Dans tout le reste de la loi, on suppose que l'armateur veut jouir de la prime, de la franchise des droits de douane, ainsi que des dispositions établies en sa faveur sur le sel. Eh bien, pour jouir de toutes ces franchises, il doit faire une déclaration, et se conformer, en outre, à toutes les formalités prescrites par la loi. Mais du moment que l'armateur a fait sa déclaration, du moment qu'il a voulu jouir de toutes ces prérogatives, il s'est formé entre lui et le gouvernement une espèce de contrat. Il doit alors se conformer à toutes les règles prescrites par la loi ; dès lors, cet armateur ne peut plus prendre à son bord du poisson étranger, puisqu'en prenant à son bord du poisson étranger, il se met lui-même dans une présomption de fraude, présume qu'en prenant du poisson étranger, il veut l'importer frauduleusement en Belgique, le soustraire aux droits de la douane, jouir de la prime ainsi que des autres faveurs que la loi accorde exclusivement à la pêche nationale.

Maintenant, quant à l'art. 12, ainsi qu'on l'a déjà dit, cet article n'a rien d'exorbitant pour les armateurs et les patrons. Toutes les commissions de pêche, composées d'armateurs, ont été unanimes à cet égard, car il est de l'intérêt des armateurs qu'on se livre régulièrement à la pêche, qu'on ne fraude pas en mer. Cet article n'a pas été seulement approuvé par tous les armateurs, mais,si je ne me trompe, il a été même rédigé par une commission de pêche, qui évidemment ne l'a pas écrit dans un esprit hostile à la pêche nationale

M. Demonceau. - Messieurs, d'après la manière dont l'article 12 est conçu, on peut frauder la loi, en prenant à bord du poisson de pêche étrangère, et on peut la frauder également, en important du poisson provenant de la même origine ; mais la fraude dont il est parlé à l'art. 12 ne constitue pas la fraude, quant à l'importation en règle générale, mais quant à l'importation de ceux qui jouissent de certains privilèges.

En présence de la divergence d'opinion qui s'est manifestée à cet égard, je pense que la chambre ferait bien de renvoyer la disposition à l'examen de la section centrale, qui demain pourra nous faire un rapport, et je suis bien sûr que nous ne tarderons pas alors à être d'accord.

J'ai une autre observation à faire sur l'art. 12. Le 2e § de cet article suppose la connivence existant entre le propriétaire du navire et le patron du navire, car on n'exempte le propriétaire du navire de la confiscation qu'autant que le propriétaire prouvera qu'il n'y a pas eu de connivence entre lui et le patron. Or, comment le propriétaire pourra-t-il prouver qu'il n'y a pas eu de connivence de sa part ? Je trouve que la disposition est trop rigoureuse vis-à-vis des propriétaires de navires. On le rend responsable de faits auxquels il peut être tout à fait étranger. On admet ses présomptions de culpabilité. Je ne donne pas volontiers mon assentiment à de pareilles dispositions de loi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la présomption est contre le propriétaire, et cette présomption est nécessaire. C'est d'ailleurs un principe général que l'armateur est responsable du patron qui n'est que son agent, C'est au propriétaire qu'incombe la preuve, pour se dégager de la présomption qui pèse sur lui.

Si vous placez l'armateur dans la position favorable qu'indique l'honorable préopinant, vous manquez votre but. Les armateurs ont toujours soin de dire qu'il n'y a pas eu de connivence. Il y aura impossibilité de prouver la connivence, et dès lors il n'y aura pas de confiscation. Le but qu'on se propose ne serait pas atteint. Ou il faut cette rigueur dans la loi, ou il ne faut pas faire de loi.

Maintenant nous sommes d'accord, je pense, sur les conséquences du système que nous voulons adopter. Le navire qui a été équipé pour faire un certain genre de pêche, et qui en effet a obtenu la lettre de mer prescrite par le § 1er de l'art. 9 du projet de loi, ce navire se trouve dans la position suivante : d'abord il ne peut prendre à bord, ni importer du poisson autre que celui pour la pêche duquel il est équipé. Voilà la première obligation à laquelle il est soumis. Une seconde obligation qui pèse sur lui, c'est qu'il ne peut prendre à bord ni importer du poisson provenant de la pêche étrangère pour faire le commerce. Ces deux choses lui sont interdites. Pourquoi ? Parce qu'il l'a voulu.

Il s'est placé dans les conditions exigées par la loi, pour qu'il jouisse : 1° de la remise des droits ; 2° de l'exemption du sel, et 3° de l'allocation de la prime. Il y a donc, comme l'a très bien dit l'honorable M. de Muelenaere, une espèce de contrat entre l'armateur qui s'est placé volontairement dans cette position et le gouvernement, et il faut que ce contrat soit observé.

Maintenant j'avoue qu'il est possible de rendre l'art. 12 plus clair, en indiquant d'une manière positive qu'on entend atteindre non seulement celui qui prend à bord ou qui importe du poisson provenant de pêche étrangère, mais aussi celui qui prend à bord ou qui veut importer du poisson autre que celui pour lequel il est équipé. Je crois donc qu'il serait bon de renvoyer l'article à la commission.

- Le renvoi à la commission de l'article, ainsi que des amendements, est ordonné.

Article 13

« Art. 13. Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera poursuivie comme délit et soumise aux peines établies par la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n° 38), dans tous les cas où les pénalités comminées ci-dessus n'y seraient pas applicables. »

M. Henot propose de rédiger l'art. 13 de la manière suivante :

« Toute contravention à l'une ou à l'autre des dispositions de la présente loi, pour lesquelles une peine particulière n'a pas été comminée par elle, sera punie des peines établies par l'art. 1er de la loi du 6 mars 1818. »

M. Henot. - Messieurs, si j'ai bien saisi l'intention de l’auteur du projet de loi qui nous est soumis, il a voulu faire punir des peines comminées par la loi générale du 26 août 1822, toutes les infractions pour lesquelles une peine particulière n'aurait pas été établie par ce projet et conséquemment, et entre autres, le non-accomplissement des formalités prescrites par les art. 3 et 4 ; le défaut de se rendre directement au lieu de pêche, celui de rester en mer pendant le temps déterminé, etc.

Si telle a été son intention, il paraît que la rédaction que j'ai l’honneur de proposer exprime plus clairement cette volonté, et le changement de rédaction étant alors justifié, il ne reste plus qu’à développer les motifs pour lesquels je demande que l’article premier de la loi du 6 mars 1818 soit substitué, pour l’application des peines, à la loi générale du 26 août 1822.

Pour bien apprécier ces motifs, il est nécessaire de rappeler que la loi générale de 1822 commine une foule de peines pour chaque délit spécial qu’elle prévoit ; que ces peines sont disséminées dans différents articles, et qu’elles consistent en amendes qui s’élèvent à 25, 50, 100 et même 400 florins, et en emprisonnement de un mois, un an, deux ans et même plus.

Si donc on convertissait en loi l'art, 13 du projet, il en résulterait :

1° Que le juge qui serait chargé de punir les infractions à la loi sur la pêche pour lesquelles une peine particulière n'aurait pas été comminée, serait dans l’incertitude sur le point de savoir laquelle des différentes peines de la loi de 1822 devrait être appliquée à telle infraction ou à telle autre.

2° Que la moindre amende qu’il pourrait prononcer s'élèverait à 25 florins, et que le moindre emprisonnement serait d'un mois.

Cet état de chose entraînerait des résultats qu’il faut éviter, car d’un côté il serait laissé à l’arbitrage du juge de choisir à son gré parmi les peines les unes plus fortes que les autres, et il aurait la faculté d’appliquer comme il l’entendrait tantôt l’une, tantôt l’autre d’entre elles aux infractions commises, et d’un autre côté il serait placé dans la nécessité de condamner toujours au moins à une amende de 25 florins, ou bien à un emprisonnement d’un mois pour la plus petite des contraventions, et conséquemment à une peine qui souvent ne serait pas proportionnée au délit.

En faisant punir les infractions pour lesquelles des peines spéciales n’ont pas été comminées, par celles établies par l’art. 1er de la loi du 6 mars 1818, on obvie, pensons-nous, à ces inconvénients ; cet article, sans trop abandonner à l’arbitrage du juge lui donne cependant assez de latitude pour proportionner la peine à l’offense, puisqu’il lui permet de condamner, d’après la gravité de l’infraction, et les circonstances qui l’auront accompagnée, à une amende de 10 à 100 florins, ou bien à un emprisonnement de un à 14 jours, ou bien enfin à une amende et à un emprisonnement réunis, avec la restriction toutefois qu’elles n’excéderont respectivement le maximum de chacune d’elles, en d’autres termes, que la peine la plus forte sera 14 jours d’emprisonnement et 100 florins d’amende.

- L’amendement de M. Henot est appuyé. La chambre en ordonne le renvoi à la commission.

Article 14

« Art. 14. Le gouvernement fera les règlements propres à assurer la bonne exécution de la présente loi. Si d’autres mesures répressives de la fraude sont reconnues nécessaires, il est autorisé à les prendre par arrêté royal, sauf à les soumettre, s’il y a lieu, aux chambres dans leur plus prochaine session. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures ½.