(Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1841)
(Présidence de M. Fallon.)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et quart et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
Le même secrétaire présente l'analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Ch. Gislain, à Jemmapes, ex-sous-lieutenant de la garde civique,. demande une pension pour cécité contractée au service. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Ch. de Poorter, aîné, manufacturier en rubaneries, passementeries, etc., à Bruxelles, demande une augmentation du droit à l'entrée en Belgique sur les produits similaires venant de France. »
- Sur la proposition de M. Zoude, la commission des pétitions à laquelle cette requête est renvoyée, est invitée à en faire l'objet d'un prompt rapport.
« Des habitants de Dutzeelen et Oost-Eecloo demandent la construction du canal de Zelzaete. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« L'administration communale de Borsheim demande qu'il soit pris des mesures pour s'opposer aux envahissements de la Meuse sur le territoire dé cette commune. »
« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande qu'il soit alloué au budget des travaux publics une somme de 253,000 francs pour réparations urgentes aux environs de la Meuse. »
- Sur la demande de M. de Renesse, ces deux pétitions sont renvoyées à M. le ministre des travaux publics et à la section centrale chargée de l'examen du budget de ce département.
M. le président. - Il va être procédé au tirage au sort de la grande députation chargée de complimenter S. M. au nom de la chambre à l'occasion du nouvel an.
Le sort désigne : MM. Osy, Scheyven, Henot, Peeters, de Baillet, Rogier, Meeus, Cools, Jonet, B. Dubus et de Theux.
Cette députation sera, conformément au règlement, présidée par le président de la chambre.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du budget de la guerre vous propose l'adoption du projet de loi ouvrant au département de la guerre un crédit provisoire de 2 millions de francs pour faire face aux dépenses d'une partie du mois de janvier 1842.
M. le président. - La chambre désire-t-elle ouvrir immédiatement la discussion sur ce rapport ? (Oui ! oui !)
- La discussion générale est ouverte.
M. Meeus. - Messieurs, je demande la parole pour faire une observation à l'occasion du projet de loi qui est mis en discussion.
Je m'étais fait inscrire pour parler sur le budget de la guerre ; mais c'était moins pour parler sur le budget lui-même que pour parler d'un arrêté que la plupart des membres de cette chambre ignorent sans doute ; il s'agit d'un arrêté contresigné par M. le ministre de la guerre en date du 14 octobre. Cet arrêté soulève, dans mon opinion, une question des plus graves, dans l'intérêt du remplacement auquel lès pères de famille se trouvent si intéressés.
Je ne sais par quel motif cet arrêté ne se trouve pas inséré au Bulletin des Lois, et n'a pas figuré au Moniteur.
Je ne veux pas, messieurs, anticiper sur la discussion qui s'ouvrira sur cet arrêté à l'occasion du budget de la guerre ; mais je viens demander que cet arrêté soit inséré dans le Moniteur, afin que chaque membre de la chambre et du sénat puisse examiner la portée de cet arrêté et les conséquences qu'il entraîne.
J'attire de plus l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur cet arrêté. Car il soulève une question qui rentre entièrement dans ses attributions, c'est-à-dire une question de milice.
Je ne veux pas, je le répète, anticiper sur la discussion ; ma proposition se borne à demander au gouvernement la publication de cet arrêté au Moniteur.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, je vous aurais tout à l'heure entretenus, à l'occasion du projet de loi sur le contingent, de l'objet qui a donné lieu à la motion de l'honorable député de Bruxelles.
Deux sections, en. examinant le budget de la guerre, avaient appelé l'attention de la section centrale sur la société pour l'encouragement du service militaire.
La section centrale avait cru que les explications que cet objet nécessitait se rapportaient mieux à la loi du contingent qu'à la loi de budget, et on vous aurait fait rapport de toutes les observations qui ont été présentées, des diverses pièces qui ont été communiquées à cette occasion, si le temps l'avait permis, si la loi du contingent n'était pas une loi d'urgence.
Maintenant que la discussion du budget de la guerre se trouve reportée après les vacances, la section centrale a cru qu'elle devait différer l'examen des objections soulevées contre la société pour l'encouragement du service militaire jusqu'à la discussion de ce budget. Il vous sera fait un rapport supplémentaire sur cet objet.
Il ne nous appartient pas d'ordonner l'insertion d'un arrêté au Moniteur ; mais, dans tous les cas, il sera imprimé comme annexe à la suite du rapport dont je viens de vous parler.
M. Meeus. - Messieurs, je sais parfaitement bien que la section centrale a fait des observations sur l'association pour l'encouragement du service militaire ; je sais parfaitement bien aussi que l'arrêté dont il est question est hostile à cette association. Mais ce n'est pas cette question sur laquelle pour le moment j'appelle l'attention des membres de la chambre, et celle de M. le ministre de l'intérieur, c'est une question bien plus élevée que celle-là que je veux soulever ; c'est une question de milice, c'est une question de remplacement.
Nous avons bien certainement en Belgique des conditions plus favorables que d'autres nations par rapport aux impôts financiers ; mais il n'en n'est pas de même de l'impôt moral qui pèse sur la liberté individuelle, l’impôt de la milice ; aussi avez-vous compris, messieurs, qu'il fallait autant que possible élargir les bases du remplacement ; la loi que vous avez votée en 1835 ; l’arrêté de 1837 n'ont pas eu d'autre but. Aujourd'hui cependant l'arrêté dont il est question, vient rétrécir ces bases. C’est donc sur ce point spécialement que j'appelle l'attention de la chambre. Encore une fois, cet impôt sur la liberté individuelle est en Belgique dans une proportion tout autre qu’en France, par exemple, où sur cinq citoyens appelés à faire partie de l'armée, un cinquième trouve moyen de se faire remplacer, En Belgique, au contraire, il n'y en a qu'un sur douze ou treize qui trouve moyen de se faire remplacer.
Dans cet état de choses, je vous demande, messieurs, si vous ne devez pas porter une attention toute particulière à un arrêté qui, je le dis hautement, au lieu de suivre les errements que vous avez posés, que le gouvernement lui-même a posés, rétrécit les base du remplacement.
J’appelle donc toute l’attention de la chambre et du ministre de l’intérieur sur cette question de premier ordre. La question relative à la société pour l’encouragement du service militaire est aussi, messieurs, une question très grave sans doute ; et je me réserve, moi qui ai l’honneur de faire partie de cette société, d’en être le président honoraire, lorsque la discussion relative à cette société s’élèvera, d’y prendre une très large part.
Mais avant cette question, il y en a une d'une bien plus grande importance ; c'est celle sur laquelle j'appelle l'attention de la chambre et du gouvernement.
M. Brabant, rapporteur. - J'ai eu tout à l'heure l’honneur de vous faire observer qu'il y aurait un rapport particulier sur ce point ; et dès lors il me semble qu'on pourrait différer les observations que l'on a à faire sur cette matière.
M. Meeus. – Je m’étais borné en commençant par demander simplement l’insertion de l’arrêté en question au Moniteur mais à l'observation qui a été faite par l'honorable M. Brabant, j’ai dû répondre quelques mots afin que la chambre connaisse bien ma position et mes intentions.
- Personne ne demandant plus la parole, on passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au ministre de la guerre un crédit provisoire de 2,000,000 francs pour faire face aux dépenses d'une partie du mois de janvier 1842. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Ces deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés.
M. le président. - Il va être passé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
Un membre. - M. le ministre de la guerre n'est pas ici.
M. le président. - Le bureau a reçu une lettre de M. le ministre de la guerre. La voici :
« M. le président,
« Les circonstances de famille pénibles dans lesquelles je me trouve depuis plusieurs jours, et qui d'heure en heure le deviennent, davantage, me font désirer que la chambre veuille bien me dispenser d'assister à ses travaux.
« Si cependant elle jugeait ma présence nécessaire à la discussion du projet de loi qui concerne le département de la guerre, je me ferais un devoir de m'y rendre.
« Veuillez, M. ; le président, recevoir l'expression de ma haute considération.
« Bruxelles, 23 décembre 1841.
« BUZEN. »
Je crois qu'on ne juge pas la présence de M. le ministre nécessaire ? (Non ! non !).
M. le secrétaire fait l'appel nominal sur l'ensemble du projet ; il est adopté à l'unanimité des 63 membres présents.
Ces membres sont : MM. Angillis, Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, de Foere, Malou, Delehaye, Delfosse, de .Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Nef, Huveners, de Potter, de Renesse, de Sécus, .Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Doignon, Donny, B. Dubus, Duvivier, Eloi de Burdinne, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Jonet, Nothomb, Peeters, Pirmez, Henot, Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Osy, Vau Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Wallaert, Zoude.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, j'ai un second rapport à faire ; c'est celui qui concerne le projet de loi fixant le contingent de l'armée pour l'année 1842. Les observations que j'ai présentées tout à l'heure, en réponse à la motion d'ordre de l'honorable M. Meeus, me dispensent de rentrer de nouveau dans l'examen de la question que cet honorable membre a soulevée.
La section centrale propose, à l'unanimité, l'adoption du projet de loi, qui est d'ailleurs le même que celui qui a réglé le contingent de 1841.
M. de Brouckere. - Je demanderai si nous pourrons bientôt nous occuper d'un projet de loi sur la milice.
M. le président. - Deux sections ont demandé que l'on pût s'occuper de suite de la révision des lois sur la milice. Les observations de ces deux sections seront l'objet d'un rapport supplémentaire, sur le budget de la guerre.
- Les trois articles du projet sont successivement adoptés sans discussion.
Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Le contingent de l'armée pour 1832, est fixé au maximum de 80,000 hommes. »
« Art. 2. Le contingent de sa levée de 1842 est fixé au maximum de 10,000 hommes, qui sont mis à la disposition du gouvernement. »
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire à dater du 1er janvier 1842. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté a l'unanimité par les 64 membres présents.
M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la suite de la discussion du budget de l'intérieur.
Nous en sommes arrivés à l'art. 5 du chap. XVI. Indemnités aux professeurs démissionnés des athénées et collèges : fr. 5,000. »
La section centrale propose de rédiger l'article comme suit :
« Indemnités aux professeurs des athénées et collèges, démissionnés par suite de la révolution et n'ayant pas acquis depuis une autre position. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la section centrale pense que l'on a méconnu l'esprit de cette allocation en faisant participer à l'indemnité des professeurs qui n'ont pas immédiatement été révoqués à la suite de la révolution. Vous voudrez bien remarquer, messieurs, que cette somme de 5,000 fr. a été partagée entre 14 professeurs et que par conséquent l'indemnité touchée par chacun de ces professeurs s'élève, en moyenne, qu'à 357 fr. 14 centimes ; certes, ce n’est pas là une somme considérable.
De ces 14 professeurs, il en est cinq qui n'ont pas été démissionnés immédiatement après la révolution. Ils ont perdu leur emploi plus tard, par suite de la réorganisation des établissements dans lesquels ils avaient été nommés avant la révolution.
Cette réorganisation est le résultat de la révolution. Il est très probable que sans cet événement elle n'aurait pas eu lieu ; il est plus probable encore que les professeurs éliminés ne l'auraient pas été. Aussi, leur démission doit-elle être considérée comme une conséquence éloignée, si l’on veut, mais toujours comme une conséquence de la révolution, et dès lors, ils remplissent la condition attachée à la jouissance de l'indemnité.
Deux professeurs de cette catégorie touchait une indemnité depuis trois ans.
C'est M. de Theux qui le premier a reconnu les titres de ces professeurs à l'indemnité. M. Rogier a suivi le même système, et je l'ai continué. Ainsi 5 professeurs touchent aujourd'hui une indemnité, tandis que passé 3 ans, M. de Theux n'en avait admis que deux ; les trois autres ne s’étaient pas présentés, n'avaient pas fait valoir leurs titres.
Ce système est, du reste, la conséquence du libellé même qu'on a donné à la première allocation de ce genre (budget de 1832), libellé ainsi conçu :
« Secours aux professeurs et régents des collèges qui ont perdu leurs places, par suite des changements qui ont été introduits dans quelques athénées et collèges. »
Vous voyez, messieurs, d'après cette rédaction, que l'on n'a pas méconnu l'esprit dans lequel l'allocation a été accordée.
On n'aurait pu sans injustice refuser une indemnité à un professeur, victime d'un de ces changements, par la seule raison que ce changement avait eu lieu un peu plus tard.
D'ailleurs, le gouvernement a eu soin de produire chaque année la liste nominative des professeurs démissionnés qui avaient touché une indemnité et aucune observation n'avait été faite jusqu'ici contre l'application du système dont il s'agit.
Je crois, messieurs, qu'il serait peu équitable de restreindre, par une rédaction semblable à celle qui est proposée, l'application de cette indemnité, si faible d'ailleurs.
M. Dedecker, rapporteur. - Je n'insisterai pas, puisque la somme est minime, et qu'en définitive il s'agit de personnes qui se trouvent dans une position très fâcheuse. La section centrale avait seulement cru devoir changer le libellé pour introduire plus de régularité.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est déjà une chose très rigoureuse que de publier les noms chaque année.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 6, Traitement des instituteurs dans les neuf provinces, encouragement, subsides et secours : fr. 335,000 fr. »
La section centrale propose de faire, de ce crédit, l'objet de deux articles distincts, libellés comme suit :
« Art. 6. Traitements des instituteurs dans les neuf provinces, et secours à accorder à des instituteurs nécessiteux, sans emploi et à des veuves d'instituteurs : fr. 260,000. »
« Art. 7. Subsides pour constructions, réparations, location et ameublement de maisons d'école : fr. 75,000 fr. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la section centrale, en proposant cette division, a voulu avoir une garantie que les 75,000 fr. ne seraient employés que comme subsides pour la construction, la réparation, la location et l'ameublement de maisons d'école. Eh bien, messieurs, je puis dire à la chambre qu'il existe une autre garantie que celle que vous écririez dans la loi, c'est l'application que le chiffre total a reçue jusqu'aujourd'hui. Loin d'amoindrir le chiffre spécialement affecté aux constructions de maisons d'école, on a presque toujours reporté sur ce chiffre les économies qu’on a pu faire sur le littera A, par suite de mortalité et d'autres chances inhérentes aux personnes. C'est ainsi que le subside global affecté d'une manière spéciale pendant les trois années précédentes, aux bâtisses d'écoles, s'élève à 120,000 francs, tandis qu'on a réellement dépensé 127,000 francs.
M. Dedecker, rapporteur.- D'après les explications de M. le ministre, la section centrale ne persiste pas dans sa demande de division.
M. Doignon. - Messieurs, si je vote les crédits énumérés dans cet article, je dois déclarer que j'entends comme je l'ai encore entendu hier, que c'est sous toute espèce de réserve.
Mon intention n'est pas, à l'occasion de cet article, d'anticiper sur des questions qui touchent à nos libertés constitutionnelles, et de me livrer aujourd’hui à des discussions qui pourront se reproduire à une autre époque. Ces questions n'ont pas encore été mises à l'ordre du jour dans cette chambre, et ce n'est pas incidemment qu'elles pourraient recevoir une solution. La section centrale elle-même n'en a pas dit un seul mot dans son rapport. Je voterai donc sous toute réserve, en ce qui concerne spécialement la légalité et la constitutionalité des concours, et des conditions exigées pour les subventions, conditions, messieurs, d'après lesquelles, au moyen de l'appât irrésistible des subsides, le gouvernement finirait par s'immiscer indirectement dans l'administration intérieure de toutes les institutions libres, et cela à l'aide surtout du droit qu'il s'attribue d'approuver ou de rejeter leurs budgets de dépenses et de recettes, droit qu'il étendrait non seulement aux dépenses pour lesquelles le secours est accordé, mais indistinctement à toutes autres dépenses, comme a toutes les recettes de chaque établissement.
Je proteste, comme l'a fait hier mon honorable ami, M. Dumortier, contre un pareil système ; un contrôle aussi absolu et d'une si haute portée serait une atteinte évidente à la liberté d'enseignement, il tendrait directement à renouveler sous d'autres formes le système que le roi Guillaume prétendait introduire dans le pays.
La circulaire ministérielle dans laquelle le gouvernement s'attribue ce droit extraordinaire, est du 31 mars dernier ; elle n'a pas même encore été communiquée officiellement à la chambre ; je l'ai rencontrée pour la première fois dans un volume de 300 pages, qui nous a été distribué seulement il y a quelques jours ; et elle n'est certainement pas connue de la plupart des membres de cette chambre, de sorte que dans tous les cas il est impossible de discuter aujourd'hui une question aussi grave. Il me suffit donc aujourd'hui de faire à cet égard toute espèce de réserve ; notre vote ne préjugera rien.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 335,000 fr., porté à l'article 6 du projet du gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Subsides pour l'enseignement à donner aux sourds-muets et aveugles : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 1er, Lettres et sciences : fr. 181,000. »
M. de Theux. - Je crois que pour la régularité de la discussion, il faudrait procéder par division.
M. le président. - Je vais procéder par division.
Littera A
« Litt. A. Encouragements, souscriptions et achats : fr. 50,000. »
M. de Brouckere. - Messieurs, je demanderai s'il n'est pas arrivé une pétition relativement aux droits d'auteur.
M. le président. - Depuis l'ouverture de la session, aucune pétition n'a été adressée à la chambre sur cet objet.
M. Rogier.- Messieurs, l'année dernière il a été demandé sur le littera A une augmentation de crédit. Cette augmentation avait pour but de faire droit à une observation qui avait été présentée l'année précédente par la section centrale, relativement aux encouragements à donner à la littérature dramatique. L'augmentation proposée avait donc pour destination des encouragements à donner à la littérature dramatique. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il a renoncé à ce genre d'encouragement, ou bien s'il pense pouvoir en accorder sur l'allocation, telle qu'elle est aujourd’hui restreinte.
J'ajouterai deux mots relativement à certains reproches qui paraissent avoir été faits à l’ancienne administration sur la manière dont il aurait été disposé de l’allocation Encouragements, souscriptions et achats, en ce qui concerne les lettres et les arts. Il semblerait que l'ancien ministère aurait abusé de cet article dans le but de populariser son administration parmi les savants et les hommes de lettres. Je ne ferai qu'une réponse très courte à ce reproche.
Les dispositions de mon honorable prédécesseur sur cette allocation s'élevaient au nombre de 19. ; celles de mon successeur se sont élevées au nombre de 13, et le nombre des décisions prises par moi, et se résumant en imputations sur l'article, n'est que de 5. Ainsi, sur 37 décisions qui ont été prises en faveur de littérateurs et de savants, 19 appartiennent à mon prédécesseur, 13 à mon successeur, et 5 à mon administration. Peut-être y a-t-il quelques décisions à prendre par suite de promesses écrites ; mais je ne crois pas que ces promesses aient été fort nombreuses ; deux ou trois tout au plus.
Messieurs, je tenais à faire cette observation ; en ce qui concerne les littérateurs et les savants, si peut-être un reproche peut m'être adressé, c'est d'avoir été trop sobre de dispositions en faveur de cette classe de personnes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense, messieurs, que l'article en discussion pourra laisser quelque latitude en ce qui concerne l'art dramatique.
Quant aux observations par lesquelles l'honorable M. Rogier a terminé son discours, lui-même a déjà prévenu la réflexion que j'allais faire : sur les treize décisions que j'ai prises, il y en a plusieurs qui lui appartiennent, ce sont des engagements que je n'ai fait qu'exécuter, de sorte qu'on ne peut entièrement m'attribuer ces treize décisions. Du reste, les reproches dont l'honorable préopinant a entretenu la chambre ne concernent pas la section première, lettres et sciences ; nous y reviendrons probablement quand il s'agira des beaux-arts.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
Littera B et C
« Litt. B. Académie des sciences et belles-lettres, 30,000 fr. »
- Adopté.
« Litt. C. Observatoire royal de Bruxelles, 22,000 fr. »
- Adopté.
Littera D
Lit. D. Bibliothèque royale, 65,000 fr. »
M. Malou. - Messieurs, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'assurer que dans les achats qui ont lieu pour la bibliothèque royale, ne figurent pas les publications qui se font dans le pays, C'est, sans doute, l'insuffisance du crédit alloué à cet établissement, qui ne lui permet pas de se tenir au courant des publications nationales, au moins des plus essentielles. Pour en citer un exemple, j'ai eu l'occasion de demander à la bibliothèque royale un recueil périodique dont l'apparition a fait assez grande sensation ; je veux parler de la Revue nationale, eh bien, il ne se trouve pas à la bibliothèque royale. Je pense, cependant, que le but le plus essentiel d'une institution comme celle-là est de réunir les éléments de l'histoire contemporaine ; sous ce rapport on doit même recueillir les publications périodiques qui pourraient paraître, par elles-mêmes, insignifiantes.
Je soumettrai à la chambre et au gouvernement une idée qui pourrait augmenter l'importance de ces dépôts littéraires : ce serait de prescrire que tous les imprimeurs et éditeurs fussent obligés de déposer pour les bibliothèques publiques un certain nombre d'exemplaires. Ce dépôt est prescrit avec cette destination en Angleterre, en Allemagne et en France. Je crois que cet impôt qui pourrait être établi par la loi, ne serait pas très onéreux ; en effet, pour les ouvrages ordinaires dont les frais de production sont peu élevés, et qui sont tirés à un grand nombre d'exemplaires, le sacrifice de quelques exemplaires serait insignifiant. Quant aux ouvrages de luxe, dont le prix de production est très élevé, il est assez connu que ces publications ne se font qu'avec le secours du gouvernement. Les souscriptions prises par le gouvernement ou les subsides accordés par lui indemniseraient suffisamment les éditeurs de la dépense que leur occasionnerait le dépôt de quelques exemplaires.
J'appelle sur cette idée l'attention du gouvernement ; pour qu'elle pût être mise à exécution, il faudrait que la loi de 1817 fût modifiée.
M. Dedecker, rapporteur. - J'avais moi-même, au sein de la section centrale, présenté des observations analogues à celles de l'honorable M. Malou. La loi du 25 janvier 1817 établit les droits qui peuvent être exercés dans les Pays-Bas, relativement à l'impression et à la publication d'ouvrages littéraires et de productions des arts. L’art. 6 de celle loi est ainsi conçu : « Art. 6. Pour pouvoir réclamer le droit de copie, dont il est fait mention à l'art. 1 et 2, tout ouvrage de littérature ou d'art qui sera publié dans les Pays-Bas après la promulgation de la présente loi, devra, à chaque édition qui en sera faite, et soit qu'il s'agisse d'une impression primitive ou d'une réimpression, remplir les conditions suivantes, savoir : a. Que l'ouvrage soit imprimé dans l'une des imprimeries du royaume ; b. que l'éditeur soit habitant des Pays-Bas, et que son nom, seul ou réuni à celui du coéditeur étranger, soit imprimé sur la page du titre, ou, à défaut du titre, à l'endroit de l'ouvrage le plus convenable avec indication du lieu de son domicile, ainsi que de l'époque de la publication de l'ouvrage ; c. à chaque édition qui sera faite d'un ouvrage, l'éditeur en remettra à l'administration communale de son domicile, à l'époque de la publication ou avant, trois exemplaires, dont l'un portera sur le titre, et à défaut du titre à la première page, la signature de l'éditeur, la date de la remise, et une déclaration écrite, datés et signés par un imprimeur habitant des Pays-Bas, certifiant, avec désignation du lieu, que l'ouvrage est sorti de ses presses. L’administration communale en donnera récépissé à l'éditeur et fera sur-le-champ parvenir le tout au département de l'intérieur.»
Messieurs, ce dépôt légal était ouvert surtout dans l'intérêt des droits de l'auteur ; mais, on le sait, dans ce pays ces droits sont en général peu contestés pour les ouvrages originaux d'auteurs belges. La publication, par un autre éditeur, des ouvrages étrangers réimprimés en Belgique, on ne saurait l'empêcher ; de même qu'on n'a pas à redouter en général la contrefaçon des ouvrages de fonds. Il en résulte que la formalité du dépôt n'est remplie par aucun éditeur pour les réimpressions et est négligée par plusieurs d'entre eux pour les ouvrages d'auteurs belges. Quant aux ouvrages de cette dernière catégorie, que quelques éditeurs ont l'habitude de déposer, on ne savait quelle destination leur donner. Par un arrêté de novembre 1840, l'honorable M. Rogier a ordonné que deux de ces exemplaires seraient déposés à la bibliothèque royale, se réservant de donner au troisième telle destination qu'il jugerait convenable. C'était déjà un grand bien. Cependant ce dépôt est resté facultatif. Je me joindrai donc à l'honorable M. Malou pour demander que le gouvernement propose à la loi de 1817 une modification tendant à rendre ce dépôt obligatoire. Pour les ouvrages originaux de littérature et de science édités dans le pays, cet impôt qui existe d'ailleurs dans les pays voisins ne serait pas considéré comme onéreux par leurs auteurs ; car ils seraient tous charmés de voir leurs ouvrages placés dans les dépôts publics du pays.
Puisque nous en sommes au litt. Bibliothèque royale, je me permettrai une autre observation. Lorsque l'Etat a fait l'acquisition de la bibliothèque Van Hulthem, on a assuré, si ma mémoire est fidèle, qu'il y avait dans ce grand dépôt un grand nombre de doubles, Un membre proposa de les vendre, un autre fit observer que le gouvernement ne pouvait se faire brocanteur ; il proposa que le gouvernement organisât l’échange des doubles qui se trouvent dans tous les dépôts scientifiques du pays. Si le gouvernement pouvait réussir à amener une transaction de ce genre entre les diverses collections, ce serait le moyen de les rendre toutes complètes.
J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ces deux observations.
Du reste, la section centrale avait proposé pour cette année l'ajournement de la majoration de 5,000 fr. demandée par le gouvernement, par les motifs que chacun de nous a pu voir dans son rapport.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On s'est plaint généralement de ce que des ouvrages indispensables, et surtout les grandes collections d'ouvrages modernes manquent à la bibliothèque de l'Etat. Cette lacune a été maintes fois signalée par la commission instituée près de cet établissement. Elle proposait une somme beaucoup plus considérable. Je me suis borné à demander une somme de 5,000 fr. Ces 5,000 fr. sont principalement destinés à procurer à la bibliothèque les grandes collections d'ouvrages indispensables qui y manquent, et qui manquent également à la bibliothèque de la ville de Bruxelles ; de sorte que même dans l'hypothèse supposée par les sections qui ont fait l'objection, la même lacune se présenterait toujours. Vous savez que la somme allouée pour la bibliothèque royale a pour objet non seulement les imprimés, mais encore les estampes, les médailles et les manuscrits. Ainsi la somme proposée est encore insuffisante, et bien au-dessous des propositions de la commission.
M. Dumortier. - Je suis aussi d'opinion, comme M. le ministre de l'intérieur, que la somme demandée par le gouvernement pour la bibliothèque royale est au-dessous des besoins de cet établissement, et qu'il est indispensable, dans l'intérêt des sciences et des lettres, d'avoir dans la capitale une bibliothèque publique convenablement dotée où tous les hommes qui veulent s'adonner aux sciences et aux lettres puissent trouver les matériaux nécessaires pour leurs travaux. Malheureusement on a adopté un système très vicieux ; on a créé trois bibliothèques, et à mon avis on a fait en cela une faute très grave. Nous voyons dans les annexes du rapport de la section centrale (pages 68 et 69 de ce rapport) qu'il est alloué annuellement 10,000 fr. à la bibliothèque de Liége et 10,000 fr. à la bibliothèque de Gand. En bien, je vous le demande, ne serait-il pas préférable d'augmenter de cette somme de 20,000 francs l'allocation destinée à la bibliothèque royale, et d'avoir ainsi dans la capitale une bibliothèque unique, aussi complète que possible.
Plusieurs membres. - Et les universités ?
M. Dumortier. - On parle des universités. Mais les villes qui ont le bonheur de posséder ces établissements, qui sont pour elles un élément de prospérité, doivent subvenir à de telles dépenses, comme les autres villes qui ont des bibliothèques, des musées, des cabinets d'histoire naturelle en font elles-mêmes les frais. Il en était ainsi du temps du roi Guillaume, et dans les premiers temps de notre émancipation politique. Je dis que l'Etat devrait se borner à faire les frais d'une seule bibliothèque dans la capitale, et qu'avec le chemin de fer il serait facile à tous les hommes qui dans le pays se livrent aux sciences et aux lettres, de se procurer les livres de cette bibliothèque. D'ailleurs si c'est en vue des universités que l'on fait des dépenses pour les bibliothèques de Liége et de Gand, je dirai que ce but n'est pas rempli, car les professeurs des universités de ces deux villes m'ont souvent dit que ces bibliothèques manquent de la plupart des livres qui leur sont. nécessaires. On agirait donc mieux dans l'intérêt des universités en laissant aux villes le soin de pourvoir aux dépenses des bibliothèques.
Je persiste à penser que l'Etat ne doit faire de dépenses que pour une seule bibliothèque dans la capitale.
M. de Behr. - Il faudra alors modifier la loi.
M. Dumortier. – Il ne sera pas nécessaire de modifier la loi, puisqu'elle met les dépenses du matériel des universités à la charge des villes. Si l'honorable M. de Behr veut voir le rapport, il y trouvera la démonstration évidente de ce que je viens de dire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense avec l'honorable préopinant, qu'il ne faut pas donner une trop grande extension aux bibliothèques qui existent auprès des deux universités de l'Etat, mais ces universités sont indispensables, et il faut qu'elles soient entretenues de manière que, pour les diverses sciences qui sont enseignées dans ces établissements, elles se trouvent toujours au courant des publications. Il le faut, dans l'intérêt des élèves et surtout des professeurs qui, comme vous savez, ne sont pas très largement rétribués. Je suis donc d'accord avec le préopinant, qu'il ne faut pas donner une trop grande extension à ces bibliothèques, mais il faut, autant que possible, y recevoir les ouvrages qui sont les auxiliaires indispensables de tout homme qui veut approfondir une branche quelconque des connaissances humaines. C'est ainsi que le gouvernement cherche à faire l'application des dix mille francs alloués à chacune des bibliothèques des deux universités.
M. Raikem. - Après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur, j'aurai très peu de chose à ajouter pour répondre au discours de l'honorable M. Dumortier qui a été totalement dans l'erreur, quand il a dit que les bibliothèques des universités étaient à la charge des villes. Pour lui répondre, il me suffira d'une seule chose, c'est de lire l'article 7 de la loi sur l'enseignement qui concerne l'objet dont il a parlé.
Quant à l'allocation, elle a été portée au budget en vertu de la loi ; l'article est voté, nous n’avons pas a nous en occuper maintenant.
Voici ce que porte l'article 7 de la loi de 1835 : « Des subsides seront accordés aux universités de l'Etat, pour les bibliothèques, les jardins botaniques, cabinets d’histoire naturelle, les collections et pour subvenir à tous les besoins de l'instruction ». Voila une charge imposée à l’Etat par la loi.
Vient ensuite la charge imposée aux communes. Le 2e alinéa de l'article dont je viens de parler, porte que les dépenses d'agrandissement, d'amélioration et d'entretien des bâtiments affectés aux universités sont à la charge des villes où sont fondés ces établissements.
Vient le 3e alinéa, portant qu'en cas de contestation sur l'utilité de ces dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf le recours au Roi.
Vous voyez qu'il ne s'agit dans la charge imposée aux villes que de l'agrandissement, 1’entretien et l’amélioration des bâtiments.
L'expression bâtiments ne comprend pas les bibliothèques ; elles sont comprises spécialement dans le premier alinéa de l'article. Il y a donc lieu de maintenir ces allocations, et même de les porter aux budgets subséquents. C'est au gouvernement à voir ce qui peut être nécessaire aux universités. M. le ministre s’est expliqué.
Maintenant que l'article est voté, et même que le chiffre n'est pas contesté, je ne crois pas nécessaire d'entrer dans plus de détails.
M. Fleussu. - J'ai demandé la parole pour faire les mêmes observations que l'honorable M. Raikem. Il est évident que la loi a mis à la charge de l'Etat les deux bibliothèques des universités. Messieurs, depuis qu'on a voté la loi sur l'instruction supérieure, il serait fort étonnant qu'on eût porté tous les ans une somme pour cet objet, si tel n'avait pas été le vœu de la loi.
Je dirai que la ville de Liége a déjà beaucoup allégé les frais qui incombent à l'Etat pour cet objet en laissant à l'université la bibliothèque de la ville qui était passablement riche.
M. Dumortier me permettra de signaler une contradiction dans laquelle il est tombé.
Il voudrait que les villes où sont situées les universités fissent les frais nécessaires pour avoir des bibliothèques convenables, ensuite il dit que les professeurs se sont adressés à lui pour se plaindre de ce que le gouvernement ne faisait pas assez pour doter convenablement ces bibliothèques. De deux choses l'une : on ne peut pas dire d'un côté que l'Etat ne doit rien faire et de l'autre se plaindre de ce qu'on ne fait pas assez.
Je m'en réfère, du reste, à ce qu'a dit M. Raikem.
M. Delfosse. - Messieurs, le chiffre porté au budget pour les universités de l'Etat a été adopté dans la séance d'hier, sans opposition ; les observations que l'honorable M. Dumortier vient de nous présenter contre cette allocation sont donc sans objet en ce moment ; elles sont tardives ; j'engage l'honorable M. Dumortier à remettre à l'année prochaine à la discussion du budget prochain, celles qu'il aurait encore à faire, alors nous lui répondrons.
M. Dumortier. - Nous parlions de bibliothèques, il y a connexité entre les bibliothèques des universités et la bibliothèque de l'Etat. J'engage le gouvernement à prendre en considération mes observations, c'est le moment le plus favorable pour les présenter.
Ce qu'a dit l'honorable M. Raikem est la justification de ce que j'ai avancé.
M. Delfosse. - J'ai fait une motion d'ordre, je demande qu'il y soit donné suite.
M. Dumortier. - Je ne reconnais pas à l'honorable M. Delfosse le droit de m'interrompre, quand deux orateurs ont parlé sur la même question dans un autre sens que moi.
M. le président.- M. Dumortier va répondre sur la motion d'ordre.
M. Dumortier. -Je réponds sur le fond, j'ai répondu à la motion d'ordre, qu'il y avait connexité entre les deux dépenses. Quand j'ai engagé le gouvernement à réunir les sommes dépensées pour ces établissements et à les employer à la bibliothèque de l'Etat, j'étais dans la question. Si je proposais de supprimer l'allocation votée pour l'université de Liége, M. Delfosse aurait raison, mais j'engage le gouvernement à examiner mes observations et à y faire droit. Quoique je puisse déplaire à l'honorable M. Delfosse en parlant de l'université de Liége, je n'eu suis pas moins dans la question.
M. Raikem, comme je le disais, a justifié ce que j'ai eu l'honneur de vous dire. En effet, que porte la loi qu'il a citée ? Que des subsides seront accordés aux universités pour bibliothèques, jardins botaniques, etc.
Qu'est-ce qu'un subside ? c'est un secours, ce n'est pas l'intégralités de la dépense, et vous la faites incomber tout entière à charge de l'Etat. On s'est placé dans un système qui n'est pas celui de la loi. Au lieu d'un secours, d'une charité, on fait donner à l'Etat l’intégralité de la dépense. Ce n'est pas ce que la loi a voulu.
Qu'a-t-elle fait ? elle a mis les dépenses matérielles à la charge des villes, et l'Etat donne un subside, mais non la totalité de la dépense. La bibliothèque fait partie du. matériel. Le gouvernement n'intervient que pour un secours. Voilà sa part. Il est absurde de prétendre que l'Etat doit faire toute la dépense.
Voyez ce qui se passe, vous avez une bibliothèque nationale à Bruxelles, quel crédit lui accordez-vous ? 15 mille francs. Voilà à quoi se borne le chiffre des acquisitions annuelles et dans le moment où vous n'allouez que 15 mille fr. pour la bibliothèque que vous appelez nationale, vous allouez 10 mille fr. pour chacun des deux établissements latéraux. Ce n'est pas comme cela que vous aurez une bibliothèque nationale ; ce sera en réunissant sur le même établissement les sommes que vous votez pour les bibliothèques ou en augmentant beaucoup l'allocation pour la bibliothèque nationale. Il est important, dit-on, que les bibliothèques des universités aient les ouvrages importants qui paraissent. Mais les villes feront ces dépenses comme le font nos villes qui n'ont pas l'avantage de recevoir un subside de l’Etat.
C'est à tort qu'un honorable préopinant a dit qu'il y avait une contradiction dans mes paroles, Je me suis plaint et j'ai dit que les professeurs se plaignaient aussi de la pauvreté de nos bibliothèques, et j'ai tiré la conséquence qu'ils ne se plaindraient plus s'ils trouvaient dans un seul dépôt tous les ouvrages dont ils ont besoin. C'est pour cela que j’ai proposé de réunir nos capitaux pour les appliquer à la bibliothèque nationale.
M. Raikem - L'honorable M. Dumortier dit que le mot subsides inséré dans la loi signifie secours ; et le secours suivant l'honorable membre ne devrait consister qu'en une faible subvention qui ne comprendrait pas tout ce qui est nécessaire pour remplir l’objet de la loi. Ce n'est pas là le sens que le législateur a attaché a l'expression subside. Le chapitre est intitulé : des subsides. Les dépenses à charge des villes sont des subsides d'après l'intitulé du chapitre. Si on prenait ce mot dans le sens que lui donne M. Dumortier, les villes ne donneraient que des secours ainsi que l'Etat. Subside ou allocation, quelque nom qu'on lui donne, cela comprend tout ce qui est nécessaire aux besoins de l'instruction, Le 1er alinéa porte que des subsides seront accordés aux universités de l'Etat pour les bibliothèques, les jardins botaniques, les cabinets d'histoire naturelle, les collections et pour subvenir à tous les besoins de l'instruction. Or, qui dit tout n'exclut rien. Ainsi, l'expression subside comprend tout ce qui est nécessaire annuellement pour les bibliothèques.
Lorsqu'on se sert de l’expression : pas de redressement de griefs, pas de subsides, on n'entend pas sans doute parler d'un faible secours à accorder au gouvernement. Un budget comprend tout ce qui est nécessaire pour couvrir les dépenses qui sont à la charge de l'Etat. C'est dans le même sens que le mot subside est, employé dans l'art. 7 de la loi de 1835 ; et pour l'exécution de la loi, il y a nécessité de porter au budget de l'Etat tout ce qu'exigent les besoins de l'instruction.
Quant aux observations de M. Dumortier, il suffit de dire que la loi existe ; s'il faisait une proposition pour en changer la disposition, c'est alors seulement qu'il s'agirait de combattre une telle proposition, et de présenter les motifs qui devraient la faire rejeter.
Dans ce moment, la loi étant formelle, ce serait un hors d'œuvre.
M. Dedecker, rapporteur. - Il est vrai que la loi met à charge de l'Etat les dépenses à faire pour les bibliothèques des universités. Mais c'est dans la supposition que les universités auraient une bibliothèque spéciale. Ce n'est pas ce qui est, du moins pour la ville de Gand. La ville de Gand accorde un subside plus élevé que celui du gouvernement et les livres achetés avec ces deux subsides sont ajoutés à l'ancien fonds appartenant à la commune. Si la ville de Gand perd un jour son université, elle profiterait des achats faits avec le subside du gouvernement. On le voit donc, messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Dumortier est fort grave.
Du reste, j'avoue que cette discussion aurait mieux trouve sa place à l'article concernant les universités.
- Le chiffre n'est pas contesté.
Le litt. D est adopté.
Litt. E
« Litt. E. Publication des chroniques belge inédites, 14,000 fr. »
- Ce littera est adopté.
L’ensemble de l'article est adopté.
« Art. 2. Beaux arts : fr. 192,000 »
La section centrale propose une réduction de 18,971 fr., ce qui réduirait le chiffre à 175,029 fr.
La chambre décide qu'elle procédera à la discussion par littera.
Litt. A
« Litt. A. Encouragement, souscription, achats, 60,000 fr. »
M. Rogier. – Messieurs, il y a quelques observations générales à présenter sur l'article.
La section centrale me paraît professer en matière de comptabilité, pour ce qui concerne l'administration des beaux-arts, un système tout à fait inadmissible, contraire à tous les antécédents, qui, s'il était suivi par le ministère, paralyserait entièrement cette administration dans sa base.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il n'a pas d'observation à faire sur ce nouveau système que la section centrale semble vouloir établir en matière de comptabilité, relativement à l'administration des beaux-arts.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je pense qu'on ne pourrait accepter d'une manière absolue les observations qui ont été faites par la section centrale, en ce qui concerne la comptabilité, en matière de beaux-arts. En effet, il en résulterait que les engagements doivent être tellement circonscrits à l'année pour chaque ministre, qu'il serait impossible de commander un travail quelconque, destiné à être fait et par conséquent, payer en deux ou trois ans.
Je crois, messieurs, qu'il ne faut pas aller jusque là. Mais tout en n'acceptant pas d'une manière absolue les observations de la section centrale, il y a un autre écueil qu'il faut éviter. Je comprends qu'à un ministre, à qui on alloue 60,000 fr., il doit être permis de prendre des engagements au-delà de l'année, de manière à engager, en outre, une somme de 20 mille fr., le tiers de la somme qu'il s'attend à voir porter au budget de l'année suivante. Mais il ne doit pas aller plus loin. S'il allait plus loin, il tomberait dans un système tel qu'il rendrait impossible toute action de la part de ses successeurs.
Ainsi, messieurs, en annonçant à la section centrale que j'avais un crédit supplémentaire à demander, j'ai eu soin de déclarer que je tenais, néanmoins, compte sur les 60,000 fr. que vous allez probablement voter pour 1842, de 25,000 fr. d'engagement, déjà contractés. Je tiens compte de plus du tiers, messieurs ; mais je ne puis faire davantage. Si je devais reconnaître comme engagée, dès à présent, une somme plus forte que celle de 25,000 fr., évidemment l'administration des beaux-arts n'existerait pas pour 1842. Voilà donc, messieurs, quelle est ma manière de voir pour la comptabilité en matière de beaux-arts. Le ministre peut prendre des engagements au-delà de l'année, mais il doit les prendre dans une certaine mesure, il ne doit engager, sur les années suivantes, qu'un tiers ou un peu plus du subside annuel probable, c'est-à-dire 20 à 25,000 fr.
Nous examinerons, quand je présenterai à la chambre la demande de crédits supplémentaires, jusqu'à quel point le système que j'indique, avec la restriction que j'y mets, a été suivi. Je ne sais si, dès à présent, nous devons anticiper sur cette discussion.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, je crois devoir justifier le principe émis par la section centrale relativement à la comptabilité en matière de beaux-arts.
Vous vous rappellerez, messieurs, que lorsque la section centrale a été appelée à émettre ce principe, elle se trouvait frappée d'un abus qui avait été signalé dans cette administration. M. le ministre de l’intérieur venait d’informer la section centrale qu’il demanderait un crédit supplémentaire sur cet article. Déjà quelques-uns des cabinets précédents avaient pris, paraît-il, des engagements qui excédaient d’une somme assez considérable l’allocation annuelle portée au budget pour les beaux-arts.
La section centrale a vu le danger d'un semblable système. Elle a cru devoir appeler l'attention toute spéciale de la législature sur ce danger, et c’est là ce qui l’a engagée à formuler sa manière de voir, comme vous l’avez lu dans le rapport.
Je conviens cependant, messieurs, qu'il ne faut pas attacher à l'expression de cette manière de voir toute la rigueur que semblent comporter les termes dont la section centrale s'est servie. Je conviens que relativement à certaines parties de l'administration des beaux-arts, il est difficile de rester entièrement dans le cercle tracé par le budget, et, sur ce point, je partage la manière de voir de M. le ministre de l’intérieur. Mais, d'un autre côté, lorsqu'on ne se tient pas rigoureusement au chiffre alloué au budget, il est impossible de prévenir les abus que déjà nous avons été forcés de vous signaler, car il n'y a pas moyen de fixer la ligne où l'on doit s'arrêter.
M. le ministre de l'intérieur nous parle d’une somme de 20 à 25,000 francs. Je crois qu'il est impossible que l’administration prenne même des engagements pour cette année. Je dis que la fixation de cette limite étant laissée à l’arbitraire du gouvernement, les votes de la chambre seront encore méconnus ; qu’il deviendra inutile de voter tel chiffre par an, que ce chiffre sera excédé, et qu’on viendra de nouveau vous demander des crédits supplémentaires.
C’est ce que la section centrale a voulu prévenir.
M. de Brouckere – Messieurs, je crois que les observations de la section centrale sainement interprétés comme elles viennent de l’être par M. le ministre de l’intérieur, sont fort sages ; mais toutes les administrations, et je dirai même plus, non seulement l’administration générale, mais encore l’administration des provinces, ont fait ce qui a été fait l’année dernière ; c’est-à-dire qu’il se présente des circonstances telles qu’un ministre, pas plus qu’un autre fonctionnaire qui a des fonds à sa disposition, ne saurait se dispenser d’échelonner les subsides qu’il accorde. Il est inutile de citer des exemples, mais on pourrait en citer un très grand nombre.
Il doit donc être reconnu que dans certaines circonstances un ministre peut échelonner sur plusieurs années les subsides qu’il accorde soit à des artistes, soit à des littérateurs, soit à des personnes qui entreprennent des voyages, et dans différents autres cas analogues. Mais, comme on l’a fort bien dit, il faut rester dans certaines bornes. Il faut que le ministre agisse de telle manière qu’il ne gêne pas l’action de celui qui le remplacera, s’il quitte son portefeuille.
Plusieurs voix. - C’est assez, nous sommes d’accord.
M. de Brouckere. - J’entends dire sur plusieurs bancs : nous sommes d’accord. Mais derrière moi, quelqu’un dit : nous ne sommes pas d’accord. Ce quelqu’un est l’honorable abbé de Foere, qui va tout à l’heure vous expliquer un nouveau système. (On rit.)
Moi je défends l’ancien système, le système qui a toujours existé. Je mets en fait, et il y a ici plusieurs ministres qui peuvent me répondre, je mets en fait que ce système a toujours existé. C’est qu’il doit exister, mais entendu sainement, comme l’a expliqué M. le ministre de l’intérieur. Il faut que l’on engage l’avenir, mais qu’on ne l’engage qu’avec mesure, qu’avec modération, et que l’on pense à la position que l’on fait à son successeur, si tant est qu’on doive en avoir un l’année suivante.
Je crois donc que si nous ne sommes pas tous d’accord, la majeure partie de la chambre entend l’emploi de subside qu’elle accorde comme je viens de l’expliquer.
M. de Foere. - Messieurs, les honorables préopinants ont invoqué des antécédents pour défendre leur opinion. Mais il faut justifier ces antécédents ; si on ne le fait pas, on n'argumente que d'abus. Or, je soutiens que les antécédents qu'on a invoqués sont des abus.
Le gouvernement, messieurs, doit s'en tenir aux subsides qui ont été alloués pour l'année. C'est même un moyen qui vient au secours du ministère. Car à chaque instant le ministère est assailli par une foule de demandes d’artistes, de littérateurs, des musiciens pour obtenir des subsides. Lorsque le ministre devra dire que les subsides ne sont alloués que pour l'année et qu'ils sont épuisés, il pourra leur faire une réponse à laquelle il n'y aura rien à répliquer.
Si, au contraire, vous établissez le principe que l'on a défendu, vous en laissez l'application à l'arbitraire du gouvernement, Vous avez beau dire que le ministre en usera avec mesure et modération ; ce sont des paroles qui ne sont pas toujours suivies. C'est ainsi qu'on crée, contre les vraies règles parlementaires, des établissements avant que les subsides nécessaires aient été votés Par exemple, sous l'administration précédente, on. a réorganisé l'académie d'Anvers sur un pied qui devait entraîner beaucoup de dépenses qui n'ont pas été votées. C'est ainsi que sous l'administration actuelle, on a créé une académie de médecine sans que la dépense ait été votée.
Je demande si ce n'est pas là exercer une espèce de violence morale sur la chambre pour lui faire voter des subsides.
M. Dumortier. - Certainement, messieurs, ce que vient de dire l'honorable préopinant est fort juste sous le point de vue du droit rigoureux, mais il faut avouer qu'un semblable système est souvent impraticable. Comment voulez-vous que le gouvernement puisse commander un monument de sculpture ou de peinture, s'il ne peut engager que les fonds, votés pour l'exercice courant ? Evidemment, messieurs, si un semblable système était rigoureusement établi il y aurait des années où le crédit alloué serait insuffisant, et où il faudrait renoncer par conséquent soit à commander le monument que l'on aurait en vue, soit à toute autre dépense. Il faut donc que le gouvernement ait une certaine latitude, mais il faut aussi qu'il se renferme dans certaines limites et celles que M. le ministre de l'intérieur a indiquées me paraissent convenables. Il ne faut pas qu'un ministère, quel qu'il soit, puisse engager l'avenir au point de ne plus laisser de ressources semblables pour les exercices futurs. Je sais bien qu'un ministre qui se retire a un testament politique à faire, mais je voudrais que ce testament n'empêchât pas le nouveau ministre d'administrer.
Il est d'ailleurs une considération que l'on ne doit pas perdre de vue et sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre. La majeure partie de nos anciens chefs-d'œuvre de l'art, qui font la gloire de la Belgique sortent de notre pays. Nous n'avons malheureusement aucune loi, qui s'oppose à la sortie des chefs-d'œuvre de l'art ancien, comme il en existe dans la plupart des pays méridionaux, et il en résulte que chaque année, nous nous appauvrissons en productions de l'ancienne école flamande. Si les choses continuent à se passer comme elles se sont passées jusqu'ici, dans quelques années il faudra chercher les chefs-d'œuvre de l'école flamande partout ailleurs qu'en Belgique. Il serait donc à désirer que le gouvernement employât une partie des subsides que nous votons annuellement, à conserver autant que possible en Belgique les objets dont il s'agit.
Messieurs, j'ai jeté les yeux sur les renseignements qui nous ont été fournis relativement à l'emploi du subside dont nous nous occupons, et je dois avouer que plusieurs abus ont été commis dans la répartition de ce subside. Je ne conçois pas, par exemple, que sur un crédit destiné à des souscriptions et achats, on donne des subsides à des musiques de villages. Si une fois on entre dans cette voie, il n'est pas possible de dire où l'on s'arrêtera ; car si l'on donne un subside à la musique de tel ou de tel village, je ne vois pas pourquoi l'on n'en donnerait pas aux musiques de tous les villages du pays ; toutes évidemment auraient les mêmes droits à venir demander un semblable subside, et si l'on devait satisfaire aux réclamations qui pourraient être faites de ce chef, le crédit serait bientôt épuisé.
J'ai vu également avec le plus grand regret que sur ce même crédit on a donné des suppléments de subside aux conservatoires de musique. Mais, messieurs, les conservatoires de musique ont déjà au budget des subsides et des subsides qui vont crescendo d'année en année. Ces subsides devraient bien suffire et tout à l'heure quand nous en serons là, je m'expliquerai à cet égard.
Je prie le gouvernement de vouloir employer avec discernement le crédit qui nous occupe ; bien employé, ce crédit peut être de la plus grande utilité pour le pays, mais il ne faut pas le gaspiller en subsides donnés à des sociétés de musique de village et des établissements pour lesquels il y a déjà des crédits au budget.
M. Rogier. - Il paraît, messieurs, qu'il est maintenant reconnu par tout le monde que la marche suivie par les administrations précédentes a été régulière. M. le rapporteur de la section centrale reconnaît lui-même qu'une application trop rigoureuse des principes que cette section a posés pourrait paralyser la marche de l’administration. Il ne faut donc point donner aux observations de la section centrale la portée qu’elles auraient, si on les prenait à la lettre.
La marche qui a été suivie par l'administration précédente a été suivie aussi par l'administration à laquelle elle a succédé. L'honorable M. de Theux, qui est là, pourra l'attester. Lorsque je suis arrivé aux affaires, j'ai trouvé le budget des beaux-arts engagé pour des sommes considérables. Je ne l'ai point trouvé mauvais, j'ai reconnu que c'était là une nécessité de l'administration ; mais la charge que m'a laissée mon prédécesseur, je l'ai à mon tour, laissé à celui qui m'a succédé, et je ne pense pas qu'il puisse m'en faire un reproche, car il sera lui-même dans la nécessité d'en faire autant, si tant est qu'un successeur lui advienne.
Je ne citerai, messieurs, que trois ou quatre commandes très importantes dont le payement devait avoir lieu pendant l'administration qui a suivi celle de l'honorable M. de Theux. Un tableau avait été commandé, et je dois en féliciter mon honorable prédécesseur, au peintre Gallait, un autre, au peintre de Debiefve ; une statue du chanoine Triest avait également été commandée, et elle devait coûter 75,000 francs.
Pour cette dernière somme seule, si elle avait pu être imputée sur un seul exercice, il est évident que le crédit alloué n’aurait pas suffi. D'ailleurs la statue ne pouvait pas être faite dans le courant de l'année. Il en est de même, messieurs, des tableaux de Gallait et de Debiefve ; il était impossible d'imputer le prix de ces deux tableau, qui s'élèvera peut-être à quarante mille francs sur un seul exercice.
Le budget de 1841, avec lequel nous devions marcher, était donc déjà fortement grevé ; il était grevé, à tel point que le crédit supplémentaire demandé par M. le ministre de l'intérieur actuel, sera encore chargé de ce chef d’une somme de 18 mille francs.
Je demanderai à M. le ministre s'il entend en outre imputer sur le budget de 1842 une partie des sommes engagées par ses prédécesseurs, car il ne serait pas juste de recueillir en quelque sorte le fruit des engagements antérieurs sans en supporter les charges qui en résultent. Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur quelle somme il entend imputer de ce chef sur le budget de 1842.
Je dois faire observer en outre que l'année dernière il a été accordé des subsides tout à fait extraordinaires et exceptionnels, Ainsi, par exemple, un subside de dix mille fr. a été alloué à la ville de Liége pour l'aider à l'érection de la statue de Grétry ; une autre somme de dix mille fr. a été accordée à la ville d'Anvers pour l'aider à l'érection de la statue de Rubens ; au moyen de cette somme de vingt mille fr., nous aurons doté le pays de deux nouveaux monuments, et je crois, messieurs, que nous avons fait en cela un très bon marché.
J'ajouterai, messieurs, qu'en raison de ces deux allocations tout à fait exceptionnelles, il avait été demandé au budget de 1841 une augmentation de crédit ; mais au moment où la chambre devait aller aux voix sur cette partie du budget, la discussion avait pris un caractère tout politique, et nous avons cru devoir renoncer à cette augmentation, en faisant toutefois la réserve expresse que si nous restions au ministère nous viendrions demander un crédit supplémentaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je vous prie, messieurs, de vouloir bien jeter les yeux sur la page 40 du texte du rapport de l'honorable M. Dedecker ; vous y verrez que 25,000 fr. sont déjà considérés par moi comme engagés sur l'exercice 1842.
Ces 25,000 fr. proviennent en majeure partie d'engagements antérieurs à mon administration. Il m'est impossible de les détailler maintenant, mais j'en joindrai l'état aux autres pièces qui accompagneront la demande d'un crédit supplémentaire.
Je n'entends donc pas liquider le passé tellement à mon bénéfice que rien ne reste engagé sur 1842. Je m'applique à moi-même le système que j'ai exposé, sur l'interpellation qui m'était faite, le système sur lequel nous paraissons tous d'accord, à savoir que le ministre ayant l'administration des beaux-arts dans ses attributions et à qui on alloue 60,000 fr. par an pour cette branche du service public, se trouve dans cette position-ci.
Il est à présumer que sur les 60,000 fr. qui lui ont été alloués pour l'année courante, il y a déjà 20 ou 25,000 fr. d'engagés ; par compensation il lui est également permis de prendre des engagements jusqu'à concurrence d'une somme semblable, sur l'année suivante.
Mais, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire au commencement de cette discussion, n'anticipons pas. Il est impossible d'examiner en ce moment jusqu'à quel point mon prédécesseur s'est tenu dans les limites que je viens d'indiquer. C'est ce que nous examinerons quand nous aurons à discuter la demande de crédit supplémentaire qui sera faite à la chambre.
Je suis tellement de bonne foi, je veux tellement user de franchise dans cette question, que je m'engage à ne pas faire d'imputation nouvelle sur le crédit qui nous occupe, à ne pas contracter d'engagement nouveau sur ce crédit, jusqu'à ce que vous ayez voté le crédit supplémentaire qui vous sera demandé. Ainsi, le chiffre de 60,000 fr., restera dans l'état où il se trouve maintenant, à moins toutefois, que le vote du crédit supplémentaire, dont il s'agit, ne soit renvoyé à une époque trop éloignée. Mais je suppose que ce crédit pourra être voté avant le 20 février ; il vous sera demandé, dès votre rentrée.
Je ne veux pas, messieurs, aller plus loin ; je ne veux créer de prévention contre personne ; c'est pour cela que je m'abstiens d'anticiper. Il me suffit d'avoir bien précisé ma position personnelle. Lorsque je suis arrivé au ministère, j'ai trouvé le crédit alloué pour 1841, à peu près épuisé. J'ai dépensé 18,000 fr. pour l'année courante, mais sur ce 18,000 fr. à peu près 12,000 fr. ont été accordés comme continuation de subside à des élèves, de sorte que la somme dépensée par moi se trouve singulièrement restreinte.
Si je fais cette observation, messieurs, ce n'est pas pour blesser mon honorable prédécesseur, mais c'est pour que ma position vis-à-vis des artistes soit bien connue.
Le système qu'on vous a exposé est tellement vrai, tellement nécessaire, qu'il s'applique à d'autres branches d'administration publiques : les barrières, par exemple. Les routes se font en plusieurs années ; eh bien, il est admis qu'un ministre peut, dans certaines limites, engager les fonds des barrières de l'année suivante. Il est impossible qu'on procède autrement, si l'on ne veut pas ne faire qu'une route ou deux par an. Si mes souvenirs sont exacts, j'ai laissé à mon successeur plus de 400,000 fr. environ de libre sur l'année 1840, la somme totale ne dépassait pas 800,000 fr. ; j'ai quitté le ministère au mois d'avril de cette année, je crois même que mon successeur m'a rendu cette justice de reconnaître ce que j'avance.
Je pense que ce que l’on peut pour les routes, au sujet du fonds des barrières, on doit le faire aussi pour les beaux-arts.
M. de Theux. - Messieurs, puisque mon nom a été invoqué dans cette discussion, je demande à pouvoir dire deux mots. Je fais connaître très volontiers que j'ai suivi les errements qui ont été signalés par plusieurs orateurs comme une nécessité d'administration ; je ne pense pas m'être jamais écarté de cette règle, je crois n'avoir jamais engagé que modérément l'avenir, Je ne puis me rappeler quel était l’état de la situation des fonds, tant à mon entrée qu’à ma sortie du ministère, je m’en rapporte entièrement à cet égard aux faits que pourra signaler M. le ministre de l’intérieur dans le projet de crédit supplémentaire qu’il a annoncé.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
Littera B
« Litt. B. Conservatoire de musique de Bruxelles, 35,000 fr. »
M. Dumortier - Messieurs, je ne pense pas qu'on vienne nous proposer sérieusement une augmentation de subsides pour le conservatoire de musique de Bruxelles. Il n'est pas d'année qu'on n'ait voté une augmentation en faveur de cet établissement.
Des voix. - Il n'en a pas obtenu pour cette année-ci.
M. Dumortier - Il en avait été proposé une, mais elle a été retirée provisoirement par le ministre, ainsi que toutes les autres majorations concernant les beaux-arts.
Il est temps que le conservatoire sache une bonne fois que la chambre est enfin décidée à s'arrêter dans cette voie progressive de dépenses. Je ne vois pas, depuis que le subside primitif a été augmenté d'un tiers, que le conservatoire de Bruxelles ait produit plus de merveilles qu'auparavant ; il me semble que les choses n'en vont pas mieux.
Je désirerais donc connaître les motifs qui ont porté le gouvernement à proposer cette majoration.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l'honorable préopinant a eu soin de rappeler lui-même que, l'année dernière, une augmentation avait été demandée : La chose n'a donc pas été discutée, et l'on ne peut pas dans ce qui s'est passé l'année dernière, trouver un préjugé contre ce que l'on peut faire en ce moment.
Ce serait une erreur, messieurs, de considérer l'institution dont il s'agit comme une institution locale ; cette institution, on peut le dire, appartient véritablement à la majeure partie du pays.
Plus de 300 élèves reçoivent gratuitement l'instruction au conservatoire ; dans ce nombre, la moitié environ se compose d'étrangers à la ville de Bruxelles.
De toutes les provinces du royaume les jeunes artistes viennent s'y perfectionner. Aussi son influence favorable se fait-elle sentir dans le pays entier.
C’est du conservatoire de Bruxelles que sont sortis presque tous ces artistes qui se font applaudir dans toutes les capitales de l'Europe, et font avouer partout que, pour le mérite et le nombre des instrumentistes, aucun pays ne peut être mis en parallèle.
La Belgique n'a certes pas à regretter les dépenses qu'elle a faites pour le conservatoire de Bruxelles.
Néanmoins, cet établissement présente des lacunes. Une de ces lacunes consiste dans l'absence d'un cours de déclamation et de prononciation ; c'est un semblable cours qu'on voudrait adjoindre à l'établissement, c'est pour cet objet principalement qu'une augmentation de subside nous avait été proposée l’année dernière, et que le gouvernement vous l’a proposé de nouveau cette année.
M. Dumortier. - Messieurs, les motifs qui viennent d'être indiqués, par M. le ministre de l'intérieur, m'engageront à voter contre l'allocation. J'ai de la sympathie pour le conservatoire de musique de Bruxelles ; j'ai voté pendant longtemps toutes les majorations qui ont été proposées en sa faveur, mais je ne veux pas faire de ce conservatoire une académie de comédiens. Or, c'est à quoi tendrait le supplément de crédit qu'on demande. Je voterai donc contre cette majoration.
Je ferai d'ailleurs remarquer que le conservatoire de Bruxelles ne figure pas seulement à l'article que nous discutons en ce moment, on le retrouve encore, si j'ai bon souvenir, à deux ou trois places dans les encouragements.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Accidentellement.
M. Dumortier. - Ces accidents se présentent tous les ans.
Je le répète, messieurs, il faut en finir une bonne fois avec ces majorations. Je ne prétends pas que le conservatoire de Bruxelles ne rende pas des services à la Belgique, mais il faut savoir en définitive où l'on veut aller. Chaque année, on vient signaler des lacunes nouvelles, et de lacune en lacune, on augmente incessamment le crédit. La lacune que l'on indique aujourd'hui consiste dans l'absence d'un cours de déclamation. Mais, messieurs, quel a été le but de l’institution du conservatoire ? Le but a été de former des artistes musiciens, et non pas des comédiens ; et si vous introduisez dans l'établissement des cours qui disposent a la comédie, le caractère de votre conservatoire se trouvera dénaturé. La chambre s'est dans le temps formellement prononcée à cet égard, et comme je tiens fortement à ce que les intentions de la chambre soient respectées, je voterai contre la majoration demandée.
M. de Brouckere. - Messieurs, je voterai pour l'augmentation demandée en faveur du conservatoire de Bruxelles, et je dois avouer que si je conçois que tout le monde ne soit pas de mon opinion, je ne conçois pas que ce soit par le motif que vient d'alléguer l'honorable M. Dumortier.
Messieurs, l'honorable membre a appelé le conservatoire de Bruxelles une académie de comédiens...
M. Dumortier. - Pardon ; j'ai dit qu’il le deviendrait, si la majoration était accordée.
M. de Brouckere. - Vous avez dit que des explications données par M. le ministre de l'intérieur, il résultait qu'on voulait faire du conservatoire une académie de comédiens. Eh bien, il est certain que le conservatoire de Bruxelles ne mérite pas cette dénomination, et j'ajoute, sans crainte d'être démenti par qui que ce soit, qu'il n’entre dans les intentions de personne d'en faire une académie de comédiens.
Il est très vrai que du conservatoire de Bruxelles comme de tous les conservatoires possibles, il est sorti des élèves qui se destinaient à l’art dramatique ; mais je ne pense pas qu'il entre dans les intentions de l'honorable M. Dumortier de mettre pour condition à l'admission des jeunes gens dans un conservatoire, l'engagement à prendre par eux de ne jamais se livrer à l'art dramatique ; cet art n'est pas prohibé en Belgique, et je ne pense pas que personne veuille l'y prohiber. Il est sorti du conservatoire de musique des artistes qui se sont destinés à toutes les branches auxquelles on est propre en sortant d'un pareil établissement, et je crois pouvoir dire que le nombre de ceux qui ont embrassé la carrière dramatique est le moins grand. Il en serait autrement, que ce ne serait pas un motif pour rejeter le crédit qu'on nous demande.
Mais, dit-on, un cours de déclamation n'est bon que pour des comédiens. Eh bien, c'est là une erreur, et une erreur grave ; ce cours est nécessaire pour tous les élèves qui veulent apprendre à bien chanter, peu importe où ils chanteront, que ce soit dans un salon, ou au spectacle, ou à l'église ; il faut, pour bien chanter, avoir suivi un cours de déclamation, j'en appelle à tous ceux qui sont à même de porter un jugement sur cette matière.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne veux pas qu'on fasse du conservatoire de Bruxelles une succursale du conservatoire de Paris. Le conservatoire de Paris est institué, principalement pour former des artistes dramatiques ; le conservatoire de Bruxelles, au contraire, a été exclusivement fondé pour former des artistes musiciens, des chanteurs, des exécutants. S'il s'agissait de modeler le conservatoire de Bruxelles sur le conservatoire de Paris ; s'il s'agissait de le destiner à former des comédiens, le but primitif de l'institution serait complètement dénaturé ; et bien, moi, je ne veux pas que ce but soit dénaturé ; je veux que les pères de famille qui envoient leurs enfants au conservatoire, sachent pourquoi ils les y envoient.
L’honorable préopinant dit qu'un cours de déclamation est nécessaire au conservatoire ; je voudrais bien qu'il me dît si celui qui joue de la clarinette, par exemple, doit savoir bien déclamer. (Hilarité générale partagée par l'orateur.)
M. de Brouckere. - Mais c'est pour le chant.
M. Dumortier. - Eh bien, il est constant que la déclamation est encore un chose inutile pour chanter ; celui qui chante ne déclame pas, il chante, il est inutile qu'il apprenne à déclamer.
M. de Brouckere. - Messieurs, je vous l'avoue, la plaisanterie de l'honorable Dumortier n'est pas mauvaise ; un chanteur ne doit pas savoir déclamer ; mais à coup sûr ce n'est pas dans ce que j'ai dit que l'honorable membre a puisé la nécessité de faire valoir cette plaisanterie.
J’ai dit, et je répète, que tous les élèves qui se destinent à l'étude approfondie du chant, doivent avoir suivi un cours de déclamation. Si l'honorable M. Dumortier, veut que j'ajoute une nouvelle considération, je lui dirai que cela est plus nécessaire en Belgique qu'à Paris ; car en Belgique, on n'a pas en général la prononciation très pure. Il est bien plus nécessaire qu'on donne des leçons de prononciation et de déclamation à des élèves venant de localités où l'on parle le flamand, que cela n'est nécessaire à Paris. Je me bornerai à cette seule réflexion.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 35,000 fr., demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
Littera C
« Litt C. Conservatoire de musique de Liége : fr. 12,000. »
- Adopté.
Littera D et E
M. le président. - Nous passons aux littera D et E.
« D. Académie royale des beaux-arts d'Anvers, subside annuel : fr. 25,000. »
« Subside pour l'agrandissement des locaux (2/5) : fr. 6,000
« E. Académies et écoles des beaux-arts autres que l'académie d'Anvers : fr. 25,000. »
« Total : fr. 56,000. »
Il y a sur ces deux articles une augmentation de 19,000 fr. ; la section centrale propose de réduire de 16,600 fr. le crédit ordinaire porté pour l'académie d'Anvers, et d'augmenter de 3,500 fr. le subside proposé au litt. E, etc., de sorte que les crédits portés sous les deux littera seraient respectivement de :
Litt. D, fr. 14,400
Litt. E, fr. 28,000
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si je m'empresse de prendre la parole, c'est pour faire quelques observations tendant à bien poser la question. La section centrale n'a pas contesté la justice et l'utilité du subside, mais il lui a paru que l'engagement avait été pris irrégulièrement et que d'un autre côté une loi spéciale était nécessaire. C'est sur ce dernier point que je vais un moment arrêter l'attention de la chambre.
Une loi spéciale est-elle nécessaire comme le pense la section centrale pour porter le subside de l'académie d'Anvers à 25 mille francs ? Oui, si vous voulez faire de ce subside une obligation permanente de l'Etat, lier indéfiniment l'avenir. Mais si vous n'entendez voter le subside que pour l'année qui va s'ouvrir, sauf à renouveler chaque année la discussion, si vous jugez convenable de remettre chaque année le subside en question, vous n'avez pas besoin de loi spéciale, la loi du budget suffit. Voilà donc la distinction que je crois devoir faire. La section centrale a raison en disant qu'il faut une loi spéciale, si elle suppose que le gouvernement demande le subside comme une obligation tellement indéfinie qu'on ne puisse plus, à l'occasion du budget, renouveler la discussion. Mais ce n'est pas dans un sens aussi absolu, aussi indéfini que le subside est demandé. Le gouvernement a confiance dans les chambres, et la ville d'Anvers compte sur la bienveillance des chambres ; nous nous contentons du vote au budget sauf à courir toutes les chances de la discussion annuelle, c'est-à-dire que l'académie d'Anvers se trouvera dans la même position que beaucoup d'autres établissements qui ne sont pas fondés par une loi. Si malheureusement dans les développements du budget, il se trouve un mot qui donnerait une plus grande portée au vote que nous vous demandons, je consens à le retrancher.
Le développement porte Académie royale des beaux-arts d’Anvers, Subside annuel.
Mettons au lieu de cela : Subside pour l'année 1842.
Si la ville d'Anvers veut avoir une plus grande garantie, si elle veut avoir la garantie d'une loi spéciale, engageant indéfiniment l'Etat, nous discuterons cette loi, si elle est présentée. Pour le moment nous nous contentons des subsides accordés comme vous en accordez à d'autres établissements non constitués par des lois spéciales.
M. Cogels. - Vous n’ignorez pas, messieurs, que la 6° section m'a nommé son rapporteur pour le budget de l'intérieur et pour celui des finances. Les sections centrales de ces budgets étaient présidées, la première par l’honorable M. de Behr, la seconde par l'honorable M. Dubus.
Ceci vous fera comprendre comment l'examen des deux budgets a dû se faire, en, partie, simultanément, et l'obligation où je me suis trouvé, de me rendre là où ma présence était jugée la plus utile.
L'examen du chapitre dont nous allons nous occuper a eu lieu, si je ne me trompe, au moment où la section centrale du budget des finances arrêtait définitivement son rapport. C'est ce qui m'a empêché d'assister aux discussions auxquelles cet examen a donné lieu.
A la lecture du rapport que vous avez sous les yeux, je demandai quelques explications à mes honorables collègues, et ce ne fut qu'après avoir acquis la certitude que, loin de vouloir refuser définitivement l'allocation demandée pour notre académie des beaux-arts, on voulait en assurer le service annuel par une loi, ce ne fut, dis-je qu'après avoir acquis cette certitude que je me ralliai à l'opinion de l'unanimité des membres présents lors de la discussion.
Cette opinion, messieurs, a été fort mal interprétée dans le public, et par quelques journaux. Comme il n'arrive que trop souvent, on a jugé avant d'entendre, et ici encore l'esprit de parti n'a pas été sans quelqu'influence.
Il eût suffi cependant d'une simple réflexion pour saisir du premier coup d'œil le véritable esprit qui avait dirigé la section centrale.
Pouvait-on croire en effet que moi, député d’Anvers, j’aurais donné ma voix à la suppression définitive d’un modique subside de 25,000 qui paraît indispensable pour rendre tout son éclat à une institution qui, depuis plusieurs siècles, a fait la gloire de ma ville natale, de tout le pays ; qui lui a fourni, et lui fournit encore ses plus belles illustrations ? Oui, messieurs, c'est cette célèbre école flamande qui forme le plus beau fleuron de notre couronne. Et l'on a pu croire que la section centrale eût l'intention de se refuser, à en soutenir l'éclat par un faible sacrifice de 25,000 fr. ! Taudis qu'elle venait d'accorder à Bruxelles :
24,000 fr. pour sa société d'horticulture.
40,000 pour son musée de l'industrie.
25,000 pour son athénée.
30,000 pour son académie des sciences.
60,000 pour la bibliothèque royale.
35,000 pour son conservatoire de musique.
35,000 pour son école de gravure.
Tandis que Gand et Liége obtenaient plus de 600,000 fr. pour leurs universités ;
Que Namur et Tournai en obtenaient près de 40,000 pour leurs deux athénées !
Non, messieurs, la section centrale n'a pas été guidée en cette circonstance par un étroit esprit d'économie ; elle n'a été guidée que par des considérations purement législatives, et qui ont été fort mal appréciées au dehors par des hommes qui n'ont pas voulu se donner la peine d'étudier le véritable état de la question.
Ce qui avait frappé surtout la section centrale, c'était la trop grande élasticité donnée par le ministre précédent au crédit qui lui avait été ouvert pour encouragements et achats ; c'était l'emploi mal calculé d'une grande partie de ce crédit.
Qu'il me soit permis de dire encore quelques mots sur cette question déjà longuement discutée. Vous aurez pu remarquer, en effet, messieurs, que les dépenses déjà faites dès les deux premiers mois de cette année, et avant que le budget ne fût voté, ont excédé de beaucoup le crédit que la chambre a alloué définitivement, et qu’à moins d’accorder un crédit supplémentaire d'une somme au moins égale pour l'exercice de 1841, vous mettriez le ministre actuel dans la dure nécessité de fermer complètement sa porte aux artistes, de refuser toute espèce d'encouragement nouveau dans le cours de l'exercice de 1842. Si l'on donnait à un ministre le pouvoir d’engager l'avenir, de contracter des obligations à terme en dehors des bornes qui lui sont prescrites, l'intervention de la législature deviendrait complètement inutile, nos votes seraient une vraie lettre morte.
Loin de moi, messieurs, de vouloir inculper ici les intentions de l'honorable M. Rogier. Je connais toute sa sollicitude pour les beaux-arts, je sais tout ce qu'il a fait pour notre Académie ; sans être son ami politique, je suis prêt à lui rendre justice là où elle lui appartient ; mais l'honorable député d'Anvers reconnaîtra avec moi qu’en cette circonstance l'amour des beaux-arts l'a emporté sur les règles d'une sage administration.
Maintenant, d'après les explications que vient de donner M. le ministre, je ne doute pas que mes honorables collègues de la section centrale ne s'empressent de voter le subside demandé par le gouvernement. J'ai comme lui toute confiance dans la bienveillance, je dirai plus, dans l'équité de la chambre pour les exercices subséquents. Je suis convaincu qu'à moins de circonstances tout-à-fait désastreuses, elle ne refusera pas à l'institution qui a répandu le plus de lustre sur le pays un faible subside de 25,000 fr., tandis que des établissements fort utiles sans doute, mais bien moins célèbres, participent si largement dans les crédits votés annuellement.
M. de Brouckere. - Si le discours de l'honorable préopinant n’avait pas été pas été écrit, il se serait sans doute abstenu de prononcer la dernière partie, car nous avions eu une discussion à propos du littera A sur les prétendus abus dont il vient de parler et il a été dit que cette discussion serait complétée quand M. le ministre de l'intérieur présenterait la demande de crédits supplémentaires.
Il eût été convenable, de la part de l’honorable préopinant, de s’abstenir de ne pas recommencer une discussion qui déjà une fois avait eu lieu et qui recommencera en janvier. Cette discussion a été ajournée et le ministre de l’intérieur a voulu qu’aucune prévention ne s’élevât sur le fond même de la question. J’aurais désiré que tous les orateurs imitassent la discrétion du ministre de l’intérieur.
Maintenant après ce qui a été dit par le ministre et par M. Cogels, qui faisait partie de la section centrale,, j’ai lieu de croire que le chiffre pétitionné pour l’académie d’Anvers ne sera plus contesté. En effet, les observations faites par la section centrale avaient particulièrement pour objet la comptabilité ; c'est-à-dire qu'elle se basait particulièrement sur ce point que le ministre paraissait avoir engagé l'Etat à tout jamais et que la section centrale estime que le ministre n'aurait dû s'engager que pour un an.
Il a été répondu par le ministre de l'intérieur et par M. Cogels lui-même, je vous prie de le remarquer, que l'augmentation dont a joui l'académie d'Anvers jusqu’à présent est le résultat d’un arrêté date du 9 août 1840. Une session toute entière a eu lieu depuis l'apparition de cet arrêté, qui a été publié et était à la connaissance de tout le monde. Il n'a été l'objet d'aucune critique. Pourquoi ? parce qu’on sentait très bien que l’organisation de 1817 ne pouvait plus suffire. En effet, l’académie d’Anvers, telle qu'elle existait, a été organisée en 1817, en vertu d'un arrêté du roi Guillaume. Pourquoi cet arrêté du 9 août 1840 n'a-t-il pas été critiqué ? Parce que tout le monde savait que cette académie présentait dans l'enseignement des lacunes qu'il était urgent de combler. Eh bien, quoique cet arrêté daté d'août 1840, il n'a reçu d'exécution qu'il y a fort peu de jours. C'est jeudi dernier, jour anniversaire de la naissance du Roi, que l’académie a été inaugurée. C'est pendant la cérémonie de l’inauguration qu'est arrivée à Anvers la nouvelle que la section centrale proposait de réduire le crédit demandé par le gouvernement eu faveur de l’académie. Je ne vous dirai pas l'impression fâcheuse qu'a produite cette nouvelle. On le conçoit facilement. Je puis assurer que cela a donné des craintes sérieuses à toute la population d'Anvers.
Un membre. - Oh ! oh !
M. de Brouckere. - Des oh ! oh ! ne prouvent rien ; je dis, et je défie que l'on me démentisse, que cette nouvelle a donné des craintes sérieuses a toute la population d'Anvers.
Je ferai remarquer que tandis que les villes de Gand et de Liége possèdent chacune une cour d'appel et une université, l’une une école du génie civil, l'autre une école des mines, la ville d’Anvers ne possède aucun grand établissement, excepté son académie. Croiriez-vous que la province d'Anvers ne possède pas un seul collège subsidié par l'Etat ? Croiriez-vous plus encore ? qu'il n'y a pas une province qui, proportion gardée, reçoive moins de subsides pour ses écoles primaires ? Elle ne réclame point ; elle vous demande seulement de subsidier son académie. Comment vous le demande-t-elle ? En faisant elle-même d'immenses sacrifices. Je vais vous le démontrer. Quand on a dû bâtir un palais de justice à Gand, il a été accordé un subside. De quelle somme ? De 300,000 fr. La ville d'Anvers a reconstruit son musée et son académie ; elle a dépensé ainsi près de 400,000 fr. Quel subside a-t-elle reçu ? 30,000 fr. de l'Etat ; 30,000 fr. de la province, payables en cinq ans ; elle a supporté tous les autres frais qui, je le répète, s'élèvent à 400,000 fr. L'Etat donnant un subside de 25,000 fr., la ville a promis un subside de pareille somme
Je crois que d’après ces considérations on reconnaîtra qu’il y aurait injustice à ne pas accorder à l’académie d’Anvers la somme de 25,000 fr. qui lui a été donnée par arrêté royal. Voyez quelles conséquences aurait ce refus d’allocation. Tous les professeurs sont nommés ; ils sont installés ; ils sont entrés en fonctions. Plusieurs sont venus de villes éloignées. Je citerai un nom connu de tous ceux qui s'intéressent aux arts : M. de Jonghe a quitté Courtray pour être professeur à l’académie d’Anvers avec un très modique traitement ; et quand il n’y a que 50,000 fr. pour un établissement aussi vaste que celui d’Anvers, il ne peut pas y avoir de très forts traitements. Le plus élevé est de 4,000 fr.
Quant à la forme, on vous a dit : Mais le gouvernement n’a pas le droit d'organiser un semblable établissement ; il n’a pas le droit d’accorder un subside annuel. Sans vouloir approfondir cette question qui nous conduirait peut-être très loin, permettez-moi de vous dire que jamais on ne s'est montrer si pointilleux. Jamais on n'est venu vous dire : Présentez-nous une loi pour l'organisation du conservatoire de musique de Bruxelles, du conservatoire de musique de Liége, de l'école de gravure de Bruxelles. Permettez-moi de vous lire les premiers articles de l'arrêté royal pris le 25 juillet 1836, sur la proposition de M. de Theux, arrêté non pas qui réorganise, mais qui institue une école-atelier de gravure ; ils sont ainsi conçus : « Art.1er. Il est établi à Bruxelles une école-atelier de gravure, sous la haute direction et la surveillance de notre ministre de l'intérieur. Art. 2. Le ministre de l'intérieur nomme et révoque les professeurs et fixe leurs traitements. Art. 3. Tout ce qui concerne le matériel de l'école-atelier est confié, à forfait, à un administrateur. Art. 4. Il y a près de l'école un commissaire du gouvernement sous le titre d'inspecteur. L'inspecteur est chargé de l'exécution des règlements, etc. » L'arrêté se compose de treize articles. Tous les ans vous votez pour cet établissement une allocation de 20,000 fr., ce que je suis loin de critiquer. Je veux seulement vous dire que ce qui a été fait pour l'académie d'Anvers a été fait en maintes occasions, en faveur de maintes autres villes, sans qu'il y ait eu la moindre réclamation. On a créé des conservatoires de musique ; on a créé une école de gravure. Chaque année, on propose pour ces établissements un crédit au budget ; chaque année, nous le votons. Il en sera de même pour l'académie d'Anvers, avec la différence, je vous prie de le remarquer, qu'il ne s'agit pas d'un établissement nouveau, mais d'un établissement ancien, qui compte quatre siècles d'existence, qui a été réorganisé comme il devait l'être, comme les besoins de l'enseignement le réclamaient impérieusement, quoiqu'une extrême économie, je puis le dire, ait présidé à cette réorganisation.
Je bornerai là mes observations, et je le répète, elles me paraissent tellement péremptoires que je ne concevrais pas que la demande faite par le ministre pour l'académie d'Anvers pût être contestée.
Il reste entendu que le subside que vous allouerez ne liera pas plus la législature pour l'avenir que ceux que vous allouez pour les conservatoires de musique et pour l'école de gravure.
M. Dedecker, rapporteur. - Je regrette sincèrement que la section centrale ait fort innocemment troublé la joie unanime causée à la ville d'Anvers par la réorganisation de son académie des beaux-arts. La faute n'en est pas à la section centrale, mais à ceux qui, par des motifs que je n'examinerai pas, ont dénaturé la portée et le caractère de sa décision. Vous avez pu remarquer que la section centrale ne s'est pas prononcée sur le fond du subside. Je dirai plus, elle est pleine de sympathie pour un établissement qui a rendu des services au pays et pour l'art dont il est destiné à rehausser l'éclat en Belgique. C'est l'académie d'Anvers, surtout depuis sa réorganisation par M. Van Brée, qui a produit ces artistes qui font la gloire de la nouvelle école flamande. Chacun de nous connaît ces circonstances. Ainsi donc, la question n'est pas là.
Voici quelle a été la position de la section centrale ; elle a constaté que M. Rogier, par son arrêté du 29 août 1840,avait triplé le subside dont jouissait l'académie d'Anvers, puisqu'il l'avait porté de 8,400 fr. à 25,000 fr. Elle a considéré comme un précédent dangereux une telle augmentation de subside faite sans l'aveu de la législature. Maintenant que l'honorable M. de Theux ait aussi, par arrêté, créé l'école de gravure, c'est fort possible ; la section centrale n'a voulu ni récriminer ni faire l'apologie, de tel ou tel ministre ; l'intérêt du trésor et du pays a été le seul mobile de toutes ses décisions.
L'honorable ministre de l'intérieur a parfaitement compris les intentions de la section centrale, et je l'en remercie ; cependant il a établi une distinction qu'il serait dangereux d'admettre. M. le ministre vous a dit : Si vous voulez prendre un engagement permanent et sans terme, il faut un projet de loi spécial ; mais si vous ne voulez voter le subside que pour un an, alors un simple article de budget suffit. Cet article du budget ne lie pas la chambre, qui a chaque année le droit de le réduire. En droit strict, une telle distinction peut se justifier ; mais il faut avouer, qu'en fait un chiffre annuel porté au budget n'en sera pas moins permanent ; car après la réorganisation complète de l'académie d'Anvers, il sera de toute impossibilité aux législatures futures de revenir sur la décision que vous aurez prise.
Une autre considération a encore frappé votre section centrale, c'est que, pour doter l'établissement d'Anvers, on a distrait du chiffre destiné à subsidier les autres établissements du pays une somme de 3,590 fr. Votre section centrale a pensé que, tout en favorisant d'une manière légale l'institution d'Anvers, il ne convenait pas de la favoriser aux dépens d'autres institutions, également recommandables sous tous les rapports.
Je pense que ces explications suffiront pour faire voir clairement à la chambre et au pays (puisqu'on a parlé de la presse et de toute une population en émoi) que les intentions de la section centrale ont été pures, qu'elle a voulu seulement introduire plus de régularité dans l'administration, sans s'occuper de ce qui a été fait par les ministres antérieurs, et sans critiquer au fond l'emploi du subside porté au budget par M. Rogier, dans l'intérêt d'un établissement avec lequel nous sympathisons tous.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable M. de Brouckere vous a dit que lorsqu'on était occupé à fêter à Anvers l'anniversaire du Roi, on avait appris que la section centrale avait en quelque sorte ajourné le crédit pour l'académie d'Anvers, et que toute la population en avait été en émoi.
M. de Brouckere. - Je le répète encore.
M. Eloy de Burdinne. - Sur cette remarque, c'est moi qui ai proféré les mots oh ! oh ! (On rit.) Sans doute, j'ai pu m'en étonner ; car il n'y a que des académiciens qui fêtent l'inauguration d'une académie ; or je ne savais pas que la ville d'Anvers fût peuplée d'académiciens. (Hilarité générale.)
Je passe au second point traité par l'honorable M. de Brouckere ; il a dit qu'on faisait des sacrifices pour Bruxelles et autres villes et qu'on ne faisait rien pour Anvers.
Vraiment, cette pauvre ville d'Anvers est bien à plaindre. Comment, on ne fait rien pour Anvers ? Mais n'a-t-on pas voté et ne vote-t-on pas tous les ans 650,000 fr. pour le péage sur l'Escaut ? Et pour qui le fait-on, s'il vous plait ? C'est bien pour la pauvre ville d'Anvers, la malheureuse ville d'Anvers.
Plusieurs membres. - C'est pour le pays.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, les sommes que la chambre a votées pour favoriser la navigation même transatlantique, je crois qu'Anvers en aura sa bonne part.
Il y a bien autre chose, messieurs. En faveur des pauvres raffineurs de sucre d'Amers, l'Etat fait un sacrifice de 2 à 3 millions pour le moins.
Je pourrais vous citer, messieurs, bien d'autres sacrifices faits en faveur de la ville d'Anvers, mais je crois que ceci suffit pour vous prouver que la ville d'Anvers a des défenseurs dans cette enceinte et que nous sommes portés à faire de grands sacrifices pour elle.
M. Rogier. - Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de défendre la ville d'Anvers contre plusieurs des imputations qui viennent d'être reproduites par l'honorable M. Eloy de Burdinne.
Il vient cependant d'articuler un nouveau grief ; c'est que le pays ferait pour elle le sacrifice du remboursement du péage sur l'Escaut. Jusqu'ici, messieurs, je ne sache pas qu'un centime du remboursement du péage sur l'Escaut soit entré dans les caisses de la ville d'Anvers. J'ai toujours pensé que l'Escaut n'était pas un fleuve appartenant à la ville d'Anvers, mais un fleuve appartenant au pays tout entier, et que si Anvers a le tort aux yeux de l'honorable M. Eloy, d'être située sur ce fleuve, ce ne doit pas être, aux yeux de la chambre, un grief pour cette ville.
Dans tous les cas la question du remboursement du péage sur l'Escaut n'a aucune d'espèce de rapport direct ni indirect avec l'académie des beaux-arts d'Anvers ; c'est donc à ce seul point de la discussion que je m'arrêterai pour le moment, sauf à défendre de nouveau Anvers, s'il y a lieu lorsque viendront la loi pour le remboursement du péage sur l'Escaut et le rapport de la section centrale sur la navigation transatlantique.
Messieurs, j'ignore pourquoi la section centrale du budget de 1842 s'est montrée plus difficile que la section centrale du budget de 1841. L'allocation dont il s'agit en ce moment ne date pas de cette année, mais remonte à 1840. L'arrêté royal par lequel le subside à l’académie des beaux-arts d'Anvers a été porté de 9,500 fr. à 25,000 est du 29 août 1840. Le budget de 1841 a été fait sous l'empire de cet arrêté. L'allocation de 25,000 était comprise implicitement dans le budget de 1841 et l'arrêté était connu de la section centrale ; car il remonte, comme je vous l'ai dit, au 29 août 1840 ; et il a reçu la plus grande publicité, parce que c'était précisément l'époque des fêtes de Rubens ; c'est à l'occasion des fêtes mémorables du jubilé bi-séculaire de Rubens que l'arrêté a été pris.
Il n'y a donc pas à prétexter ici cause d'ignorance. L'arrêté était parfaitement connu de tous les membres de cette chambre, et cependant l'année dernière aucune observation n'a été faite.
Cette année, il paraît qu'il y avait parti pris pour critiquer tout ce qui avait été fait l'année précédente. Cet esprit de critique ressort de plusieurs passages du rapport de la section centrale. Je sais fort bien que dans la chambre on n'a pas insisté sur la défense des opinions et des principes émis dans le rapport. J'aurais voulu une discussion sérieuse et approfondie sur les allégations et les attaques indirectes contenues dans le rapport ; mais l'occasion ne s'en est pas offerte.
Eh bien ! je dis que s'il y avait eu lieu d'attaquer l'arrêté du 29 août 1840, on aurait dû le faire l'année dernière. Or, mon adversaire politique, comme vient de se proclamer l'honorable M. Cogels, n'a rien dit de ce chef. Dans la discussion du budget de 1841, il n'a rien dit de l'arrêté. Et cependant, l'allocation existait déjà ; si on n'en a pas disposé, s'il n'y a pas eu d'imputation sur l'exercice 1841, c'est que les arrangements à prendre avec la ville d'Anvers n'auront pu avoir lieu à temps. Mais si ces arrangements avaient eu lieu au mois de janvier dernier, par exemple, il n'y a pas de doute que l'allocation aurait dû être prise sur le budget de 1841.
Messieurs, quant au droit d'augmenter, par arrêtés, l'allocation pour l'académie royale des beaux-arts d'Anvers, je crois qu'on ne pourrait pas le contester, sans se mettre en contradiction ouverte avec tous les antécédents et avec les principes mêmes posés dans certaines parties du rapport de la section centrale.
Ainsi, la section centrale loue le ministère qui nous a précédés d'une allocation accordée à l'industrie cotonnière. Cette allocation devait se reproduire sur plusieurs exercices et lier l'avenir. Cependant la section centrale n'a que des éloges à donner à ce mode d'imputation.
L'honorable M. de Theux a établi une école de gravure, il n'a pas augmenté le subside d'une école de gravure existante, mais il a créé une institution toute nouvelle. Aux budgets suivants, les sommes nécessaires à cette école ont été allouées sans observation aucune.
Il y a plus, l'honorable ministre de l'intérieur a créé, et je l'en félicite, une académie de médecine, institution toute nouvelle, et qui doit donner lieu à des dépenses ; car toutes les améliorations se résolvent toujours, en définitive, en dépenses. Eh bien, est-ce que la section centrale a critiqué le mode suivi pour la création de cette institution toute nouvelle ? Non ; la section centrale a approuvé cet. acte en portant l'académie à l'article du service de santé. Mais, quant à la nécessité, pour le ministère, de rester dans des règles sévères de comptabilité, il n'en est pas dit un mot.
Quand, au contraire, il s'est agi de l'académie d'Anvers, d'un acte remontant au ministère précédent, on montre la plus grande rigueur, rigueur à laquelle l'honorable M. Cogels a dû s'associer en sa qualité d'adversaire politique.
M. Cogels. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Dedecker. - Je la demande aussi.
M. Rogier. - Messieurs, on dit que l'on a pour l'académie d'Anvers la plus grande sollicitude ; une sollicitude telle que l'on veut lui garantir le subside, non en vertu d'un arrêté royal plus ou moins susceptible de révocation, mais en vertu d'une loi.
Il faudra une loi pour augmenter le subside de l'académie des beaux-arts d'Anvers.
Ainsi, pour augmenter le subside de l'académie royale de Bruxelles, pour augmenter le subside du conservatoire, de la bibliothèque, de l'école de gravure et tous les subsides du monde, il ne faut pas de loi, et cependant on porte aussi à ces divers établissements une grande sollicitude. Mais pour l'académie royale des beaux-arts d'Anvers, c'est bien autre chose ; le zèle est si grand, la sollicitude tellement particulière, que défense est faite d'augmenter le subside qu'on lui accorde, sans une loi.
Eh bien ! je le demande, n'y a-t-il pas des intentions hostiles dans cette manière d'envisager les choses ? Et puis-je donner un autre sens à l'opinion de la section centrale.
Je soutiens en définitive que l'arrêté royal a été pris dans toutes les limites constitutionnelles, conformément aux antécédents, à des exemples donnés et par mes prédécesseurs et par mes successeurs. Je soutiens qu'il ne fallait pas une loi pour augmenter ce subside ou que, s'il fallait une loi, il en fallait également une pour toutes les allocations de même nature destinées à des établissements de même genre.
L'allocation, messieurs, n'étant pas contestée au fond, chacun reconnaissant que pour un établissement de l'importance de l'académie des beaux-arts d'Anvers, un subside annuel de 25,000 fr. n’a rien d'exagéré, je n'ai rien à ajouter pour le défendre.
M. de Theux. - C'est bien à tort, messieurs, que mon nom a été cité dans cette discussion. Ce qui s'est passé à l'égard de la création d'une école de gravure n'a rien de commun ni avec la création d'une académie de médecine, ni avec la réorganisation de l'académie d'Anvers. Peu de mots suffiront pour le prouver.
M. de Brouckere. - On ne vous fait pas un grief de cette création. Quant à moi, je vous en félicite.
M. de Theux. - Je veux rétablir les faits.
Je dis donc, messieurs, qu'il n’y a absolument aucune argumentation à tirer des faits que j'ai posés, et en voici les motifs.
L'école de gravure n'a été créée par arrêté royal qu'après l'allocation du subside par les deux chambres. Le fait est exact ; on peut le constater. Il était entendu dans les deux chambres que l'école de gravure serait organisée par le gouvernement ; le subside avait été voté dans cette intention.
Je dis donc qu'on ne peut pas argumenter de ce précédent, qui n'a rien de commun avec les actes posés.
Je n'entends pas prendre part à la discussion relativement à l'arrêté sur la réorganisation de l'académie d'Anvers. Je dirai seulement qu'en règle générale et pour conserver toutes les convenances, lorsque l'on veut créer un établissement qui entraîne de la dépense, il est nécessaire de saisir, au préalable, la législature d'une demande de fonds, soit au budget, soit dans un projet de loi spécial.
M. Cogels. - Je ne me suis point posé comme l'adversaire politique de M. Rogier. J'ai dit que sans être l'ami politique de l'honorable M. Rogier, je savais lui rendre justice là où elle lui appartenait. Il y a là une grande différence. Je déclare, du reste, que dans le vote que j'ai émis à la section centrale, je n'ai été guidé par aucun motif politique, par aucun esprit d'hostilité personnelle à l'honorable député d'Anvers. J'ai cru mieux assurer le subside réclamé par notre académie des beaux-arts ; en rendre le vote annuel obligatoire. Si je me suis trompé sur les conséquences de mon vote, ce qui ne m'est nullement démontré, je ne puis faire qu'une chose ; demander pardon de mon inexpérience.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, quand nous avons commencé la discussion des articles. j'ai demandé la parole pour donner quelques explications sur les intentions de la section centrale, qui avaient été attaquées dans une séance précédente par l'honorable M. Rogier. Alors l'honorable M. Lebeau m'a interrompu pour me dire que personne n'avait attaqué les intentions de la section centrale.
Cette fois on a fait des insinuations plus directes, plus personnelles ; ou plutôt elles ne sont pas personnelles, car l'honorable M. Rogier n'a attaqué que le rapport, dont toutes les pages révèlent une pensée hostile à lui. Messieurs, le rapport de la section centrale, je l'ai rédigé, mais il a été lu devant tous les membres de la section centrale ; il est donc l'œuvre de toute la section centrale, et par conséquent les reproches de l'honorable M. Rogier s'adressent non pas seulement à moi, mais ils s'adressent aussi à tous mes estimables collègues de la section centrale, Je dois donc, en leur nom et en mon nom, protester de toutes mes forces contre les insinuations de cet honorable membre. Je le répète, nous n'ayons entendu jeter du blâme sur qui que ce soit.
Voyez, messieurs, comme M. Rogier est inconséquent, dans ses accusations ? Dans la séance de vendredi dernier, mon honorable adversaire a vu dans le refus fait par la section centrale d'allouer les 100,000 fr. demandés pour encourager la navigation entre la Belgique et les ports de l'Europe, un si grand acte d'indépendance, qu'il en a conclu que nous étions hostiles au ministère actuel, qu'il en a pris texte pour proclamer que la majorité échappe déjà à ce ministère. Il dit aujourd'hui que, relativement au chiffre qui nous occupe en ce moment, nous avons voulu jeter du blâme sur le ministère précédent ; Or, il ajoute lui-même que ce blâme tombe également sur l'administration de l'honorable M. de Theux. Ainsi, messieurs, selon l'honorable membre, nous sommes hostiles au ministère actuel, nous sommes hostiles au ministère précédent, nous sommes hostiles à l'administration de M. de Theux ; en un mot, la section centrale est hostile à tout le monde. Eh bien non, messieurs, tout cela n'est pas de telles insinuations sont souverainement injustes et prouvent jusqu'où l'on peut aller quand on se laisse entraîner par son imagination, par ses préjugés.
M. de Theux. - On a voulu me faire une part dans les critiques de la section centrale ; comme je n'ai lu dans le rapport de cette section aucun fait qui me concernât, vous me permettrez, messieurs, de ne pas accepter la part qu'on veut me faire dans les critiques dont il s'agit. (La clôture ! La clôture !)
M. Desmet. - Je désire éclaircir un seul point. Si nous donnons à l'académie d'Anvers le subside de 25,000 fr. qui est demandé, nous enlevons aux autres académies 3,500 fr… (La clôture ! La clôture !)
M. Dechamps. - Je demande à pouvoir dire deux mots... (Aux voix ! Aux voix !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je renouvellerai une observation que j'ai déjà faite plusieurs fois ; c'est que j'espère trouver sur l'ensemble des divers littera dont se compose l'article la somme de 3,500 fr. dont il s'agit. Cela pour cette année seulement.
M. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai pas l'habitude de m'opposer à la clôture ; j'ai toujours été des premiers à désirer que les discussions ne se prolongent pas outre mesure ; je serais encore disposé à renoncer à la parole, mais on a avancé ici des faits qui sont tellement éloignés de la vérité, qu'il serait très fâcheux qu'on ne pût pas y répondre. Ainsi, par exemple, quand l'honorable M. de Burdinne a parlé de la prospérité des raffineries d'Anvers, il était à cent lieues de la vérité.
M. Dumortier. - S'il ne s'agit que de clore la discussion sur le crédit demandé pour l'académie d'Anvers, je ne m'y opposerai pas ; mais je demande qu'on ne close pas la discussion sur les autres parties de l'article.
Plusieurs membres. - Il ne s'agit que du littera D.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable M. de Brouckere paraît avoir d'excellentes choses à dire. Je désire qu'on l'entende et que je puisse lui répondre.
- La discussion est close.
Le litt. D est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 31,000 fr.
Littera E
« Litt. E. Académies et écoles des beaux-arts, autres que l'académie d'Anvers, 25,000. »
La section centrale propose le chiffre de 28,500 fr.
M. Dedecker, rapporteur. - Je dois faire remarquer à la chambre que la section centrale ne propose pas ici une majoration ; le chiffre de 28,500 fr. est celui des années précédentes, dont le gouvernement avait distrait 3,500 fr. pour l'académie d'Anvers.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne me suis pas opposé à la majoration demandée pour l'académie des beaux-arts d'Anvers ; je suis convaincu que les fonds destinés aux beaux-arts sont les fonds les mieux employés du budget, car les beaux-arts sont une des plus belles gloires de la Belgique ; mais je désire aussi que les villes qui ont fait leurs preuves dans la carrière des beaux-arts, obtiennent quelques encouragements. Personne n'ignore, par exemple, que la ville de Tournay a fourni des artistes du plus grand mérite ; il suffit, je pense, de citer le nom de Gallait. Je demanderai s'il ne serait pas possible que la ville de Tournay, qui a adressé une pétition à cet égard au gouvernement, figurât au budget comme d'autres villes qui, certes, méritent beaucoup moins d'y figurer. La ville de Tournay possède des institutions de tout genre pour lesquelles elle ne touche pas un centime de l'Etat. Il me semble donc que son académie de peinture, qui est si remarquable, devrait bien recevoir quelque chose.
M. Dechamps. -Messieurs, il est une observation que je voulais faire tout a l'heure, lorsqu'il s'agissait de l'Académie d'Anvers, et qui trouve ici parfaitement sa place. J'ai été loin de m'opposer à l'adoption du chiffre demandé pour l'académie d'Anvers. Je n'ai que des éloges à adresser au ministre qui a réorganisé cette académie ; mais, messieurs, cette observation, je ne la fais que sous une réserve, c'est que la réorganisation de l'académie d'Anvers ne puisse pas nuire à la réorganisation de l'académie royale de la capitale.
Messieurs, je crains une chose, c'est qu'on ne veuille faire d'Anvers la seule métropole artistique du royaume, et je crois que ce serait là entrer dans une mauvaise voie. En fait d'art, messieurs, je suis partisan de la centralisation ; si la centralisation est utile quelque part, je pense que c'est surtout dans les beaux-arts.
Messieurs, les autres villes du royaume, par exemple Tournay, dont vient de parler l’honorable M. Dumortier, Liége, Gand, ont aussi des droits à faire valoir ; je craindrais qu'on en vînt à éparpiller ainsi les artistes dans toutes les villes du pays, au lieu de les réunir dans la capitale, ce qui vaudrait infiniment mieux.
Je pense que la capitale possède les éléments nécessaires pour réorganiser son académie sur un pied semblable à celui sur lequel on vient de réorganiser l'académie d'Anvers. C'est sous cette réserve que j'ai adopté le crédit destiné à cette dernière. J'engage le gouvernement à méditer ce point et à faire en sorte que la capitale ne se trouve pas, sous le rapport des beaux-arts, dans une position complètement secondaire.
M. le président. - Il paraît que la majoration proposée par la section centrale sur le crédit en discussion, était subordonnée à l'adoption de sa proposition, relativement au crédit demandé pour l'académie d'Anvers. Ce crédit ayant été adopté, la section centrale renonce probablement à la majoration qu'elle proposait sur le littera qui nous occupe en ce moment.
M. Dedecker, rapporteur. - Oui, M. le président, si, comme il l'a déclaré tout-à-l'heure, M. le ministre parvient à trouver ces 3,500 fr. sur l'ensemble de l'article.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est ainsi, messieurs, que je l'entends.
L’intention du gouvernement est de s'occuper de la réorganisation, du complément à donner à l'académie de Bruxelles. Des ouvertures ont été faites à cet égard à l'administration communale de la capitale.
Quant à la demande qui a été faite pour l'académie de Tournay, cette demande est en instruction ; et j'ignore encore quel en sera le résultat. Cependant, pour y faire droit en 1842, il faudrait que le gouvernement parvînt à faire une économie sur d'autres lettres de cet article, qui offre à la vérité quelque latitude.
M. Dolez. - Messieurs, il doit exister de la part de l'administration communale de Mons une réclamation analogue à celle qui a été faite par la ville de Tournay.
Je comprends comme l'honorable M. Dechamps qu'il importe autant que possible d'établir la centralisation dans les arts ; je crois que c'est là le seul moyen de produire de grandes choses.
Mais à côté des écoles supérieures il importe aussi qu'il y ait des académies plus modestes où les jeunes gens puissent recevoir les premiers principes. Ces établissements plus modestes, que désirent posséder plusieurs de nos villes, n'en sont pas moins d'une grande utilité. Je recommande cet objet à l'attention du gouvernement.
M. de Garcia. - Je ferai la même observation pour la ville de Namur, qui doit également avoir adressé une réclamation au gouvernement pour obtenir un subside.
M. de Terbecq. - Je demande la même faveur pour la ville de Termonde.
M. Eloy de Burdinne. - Et moi, je demande un subside pour une académie d'agronomie à Waremme. (On rit.)
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
Littera F
« Litt. F. - Pensions instituées en faveur des lauréats, par arrêté royal du 13 avril 1817 : fr. 5,000. »
- Adopté.
Littera G
« Litt. G. – Ecole de gravure de Bruxelles : fr. 20,000. »
M. Rogier. - Messieurs. l'honorable M. de Theux a dit tout à l'heure qu'avant d'instituer l'école de gravure de Bruxelles, il en avait fait la proposition dans le budget. Je viens de compulser les projets de budgets de 1835 et 1836 ; ni dans l'un ni dans l'autre de ces projets, il n'est question de l'école de gravure.
M. de Theux. - C'est lors de la discussion même du budget que la demande a été faite et accordée.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
Littera H
« Litt. H. - Musée d'armes, d'armures et d'antiquités : fr. 10,000. «
- Adopté.
Art. 3. Exposition triennale des beaux-arts à Bruxelles : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Monument de la place des Martyrs : fr. 12,000 fr. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la section centrale dit qu'elle n'alloue ce chiffre qu'à la condition que ce soit décidément le dernier. Je n'ai pas eu connaissance de cette réserve, et je dois déclarer qu'il m'est impossible de l'accepter. Il faudra encore porter un crédit de ce chef au budget de 1843 et à celui de 1844.
Mon honorable prédécesseur, par une convention en date du 10 avril 1841, a chargé l'artiste auquel ce monument est confié d'exécuter, pour la somme de 40,000 fr. quatre bas-reliefs en marbre blanc, destinés à compléter le monument. 18,000 fr, environ resteront dus de ce chef et devront être imputés sur les années 1843 et 1844.
J'ajouterai que mon honorable prédécesseur, lors de la discussion du budget de 1841, avait annoncé l'intention où il était de faire exécuter ces bas-reliefs.
M. Rogier. - Messieurs, mes souvenirs ne sont pas assez présents sur cette affaire, pour pouvoir dire que M. le ministre de l'intérieur a mal expliqué la convention qui a été passée avec l'artiste chargé de l'exécution du monument ; cependant, si je ne me trompe, un dernier crédit de 12,000 fr. devait figurer au budget de 1842 : cette somme devait suffire ; du moins, mes souvenirs me tromperaient complètement, s'il n'en était pas ainsi. Ce serait donc un point à examiner, et pour ma part je n'accepte qu'avec des réserves l'observation du ministre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n'y attache pas d'autre importance ; c'est un fait que je constate ; cet article figurera encore aux budgets futurs. C'est la seule observation que j'aie à faire.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 12,000 fr est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Monuments à élever aux grands hommes de la Belgique, soit aux frais de l'Etat, soit par des provinces, des communes ou des sociétés avec des subsides de l'Etat : fr. 50,000. »
La section centrale propose l'ajournement de ce crédit.
M. le président. - Personne ne demandant la parole, je vais mettre l'article aux voix.
M. Rogier. - Est-ce que M. le ministre n'a rien à dire pour défendre sa proposition ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole.
Messieurs, je crois devoir persister dans la demande. Que dire en faveur de cette proposition ? N'est-ce pas une chose comprise, sentie par nous tous ?
Les provinces ont déjà pris en quelque sorte l'initiative vis-à-vis de l'Etat. Des sociétés en ont fait autant. Le conseil provincial de la Flandre occidentale porte depuis plusieurs années dans son budget une somme de 12,000 francs pour ériger des statues aux hommes célèbres nés dans cette province ; il sollicite en outre le concours de l'Etat, concours que le gouvernement n'a pu lui accorder jusqu'à présent.
A Bruxelles, l'on a ouvert une souscription qui s'étendra probablement au pays tout entier pour ériger une statue à Vésale. La ville de Bruxelles et la province prêteront probablement leur concours à la société ; on sollicite également celui de l'Etat.
Si le gouvernement n'obtient pas la somme demandée, il est probable, plus que probable que tous les efforts faits par les particuliers, par les villes et par les provinces, seront perdus.
Messieurs, la Belgique a produit une foule d'hommes célèbres, elle a donné des grands hommes à presque toutes les sciences, aux arts, à la politique, à l'histoire ; mais ces noms ne sont guère connus que des hommes de lettres, des savants. Pour populariser ces noms, pour rendre ces grands hommes en quelque sorte présents à l'esprit du peuple, il faudrait leur ériger des statues. Ce serait un moyen de fortifier les sentiments de la nationalité. Il serait à désirer que les étrangers qui viennent visiter notre pays rencontrassent à Bruxelles la statue de Godefroid de Bouillon ; à Gand la statue de Charles-Quint, à Bruges, la statue de Baudouin, comme on rencontre déjà à Liége la statue de Grétry, et à Anvers, la statue de Rubens.
Il faut que la Belgique fasse ce que font toutes les autres nations. Que ceux qui ont visité l'Angleterre, par exemple, se rappellent le sentiment de grandeur qu'inspire la vue de ces statues qui peuplent les temples et les places publiques.
Je crois, messieurs, que c'est remplir. en quelque sorte un devoir envers les hommes qui ont honoré notre pays, c'est donner satisfaction à un sentiment bien légitime de nationalité, que de mettre le gouvernement à même de prêter son concours aux provinces, aux villes, aux sociétés qui ont pris l'initiative vis-à-vis de lui.
M. de Theux. - Messieurs, le projet d'ériger des monuments aux hommes qui ont illustré la Belgique n'est pas nouveau. Certainement ce projet doit obtenir l'assentiment des chambres. La seule question à examiner ; c'est celle de savoir s'il faut allouer un subside de 50,000 fr. pour l'année 1842. Je ferai remarquer que, dans la séance d'hier, l'on a augmenté le budget de l'intérieur d'une somme de 70,000 fr. Il résulte de là que l'équilibre entre les recettes et les dépenses, dont la réalité a déjà été niée par quelques membres, serait compromis encore dans l'opinion de ces membres. Pour ma part, je pense bien que l'équilibre, tel que le gouvernement l'a présenté, existe ; mais nous devons faire en sorte, lorsque nous votons une augmentation à un article, de réaliser une économie sur un autre article, pour maintenir l'équilibre tel qu'il a été présenté par le gouvernement, en attendant qu'il y ait une majoration de recette, par suite de la révision des impôts annoncé par M. le ministre des finances. Je crois, messieurs, que la proposition de la section centrale, tendant à ajourner le crédit au moins jusqu'à l'année prochaine, est fondée.
M. Cools. - L'ajournement est le rejet du chiffre ; c'est donc le chiffre qu'il faut mettre au voix. (C'est juste !)
M. le président. Je mets aux voix le chiffre.
- Une double épreuve par assis et levé est douteuse.
Deux épreuves étant douteuses, il est procédé à l'appel nominal.
67 membres répondent à l'appel.
38 disent oui.
29 disent non.
En conséquence l'article est adopté.
Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, Dechamps, Dedecker, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Devaux, de Villegas, Dolez, Donny, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Meeus, Mercier, Jonet, Nothomb, Pirmez, Raymaeckers, Rogier, de Baillet, Sigart, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Van Volxem, Fallon.
Ont répondu non : MM. Brabant, de Behr, de Florisone, de Garcia, Malou, De Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Nef, Huveners, de Potter, Desmet, de Terbecq, de Theux, Doignon, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Kervyn, Mast de Vries, Peeters, Henot, Raikem, Scheyven, Simons, Thienpont, Osy, Vandenbossche, Vanderbelen, Wallaert et Zoude.
« Art. 6. Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments, et commission royale des monuments : fr. 36,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Dépenses imprévues, 18,000 fr. au lieu de 20,000 francs, par suite du transfert de 2,000 francs de cet article à l'article 4 du chap. 1er. »
- Adopté.
M. le président. - Deux amendements ont été adoptés : une réduction de trois mille francs a été opérée à l'art. 2 du chapitre Ier, et l'art. 2 du chapitre XIV relatif aux 400 mille fr. destinés à la navigation transatlantique a été ajourné.
M. le ministre persiste-t-il dans ses propositions ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne crois pas devoir insister.
M. le président. – Dès lors il n'y a pas d'inconvénient à procéder séance tenante au vote définitif du budget.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le libellé de l'article 1er du chap. IV doit être changé ; on a omis de le faire dans le cours de la discussion. Il porte : « Subsides aux communes, à titre d'encouragement pour l'amélioration des chemins vicinaux. » Si on ne le changeait pas, il lierait tellement le gouvernement qu'il ne pourrait accorder de subsides sur ce crédit qu'aux communes, et n'en pourrait accorder aucun aux provinces ou aux sociétés. Ce sont ces observations qui ont été faites par la section centrale, et, d'accord avec le gouvernement, le libellé devait être modifié comme suit : « Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale. »
- Cette modification est adoptée.
M. le président. L'art. 1er de la loi est ainsi conçu :
« Le budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1842 est fixé, à la somme de 4,783,562 fr. 95 c., conformément au tableau annexé à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi est obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
66 membres ont répondu à l'appel.
65 membres ont répondu oui.
1 membre, M. Eloy de Burdinne, a répondu non.
Le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Malou, De Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Nef, Huveners, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, Doignon, Dolez, Donny, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Jonet, Nothomb, Pirmez, Henot, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Osy, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert, Zoude et Fallon.
M. le président. - Je prie la chambre de fixer le jour où elle se propose de se réunir de nouveau.
- La chambre décide qu’elle s’ajourne au 11 janvier.
M. le président. - Vous ne pourrez avoir le rapport supplémentaire sur le budget de la guerre pour le jour de la rentrée, car on ne s’en occupera qu’alors. Qu’est-ce que la chambre veut mettre à l’ordre du jour ?
M. Rodenbach. - Dans ce cas, je demande qu’on veuille s’occuper des pétitions qui, depuis longtemps, sont dans les cartons de la chambre, ainsi que des demandes en naturalisation.
M. de Garcia. - Je propose de mettre à l’ordre du jour les deux projets de loi d’interprétation, dont les rapports sont faits et qui sont très urgents.
M. le président. - Ce sont les projets de loi relatifs à l’interprétation de l’article 442 du commerce et à l’application du décret sur les cantonnements. Ces deux projets sont urgents, car le pouvoir judiciaire se trouve arrêté par leur défaut.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Je ne peux pas me rallier au projet sur les cantonnements, présenté antérieurement. J’ai soumis un rapport au Roi, pour présenter à la chambre un projet contraire à celui dont elle est saisie.
M. le président. - Mais vous ne faites aucune objection relativement au projet de loi relatif à l’interprétation de l’article 442 du code de commerce.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Non, M. le président.
M. le président. - En conséquence, l’ordre du jour du mardi 11 janvier est fixé comme suit :
Rapport des pétitions ; naturalisations ; discussion du projet de loi interprétatif de l’article 442 du code de commerce ; discussion du budget de la guerre.
- La séance est levée à 4 heures un quart.