(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1841)
(Présidence de M. Fallon.)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. Kervyn donne lecture .du procès-verbal de la dernière séance ; il est adopté.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces de la correspondance.
« J.-F. Bonjour, Suisse de naissance, demande la naturalisation, afin de pouvoir servir dans l'armée belge, comme soldat. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur F. Lamendin, né Français, propriétaire, résidant à Grand -Rieu (Hainaut), demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
« Le sieur F.-A. Muck, natif de Herges-Hellenberg, professeur de musique à Namur, demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
« Le sieur G. Vandersteen, né à Gorcum (province de Hollande méridionale), lieutenant au 1er régiment de ligne, demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
« Les commerçants de la commune de Braine-Lalleud demandent une loi répressive du colportage. »
- Renvoi à la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la matière.
« Le sieur J. de Busschere, saunier à Furnes, demande la révision de la loi sur le sel. »
« Même pétition du sieur Cardon, saunier à Waereghem. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Le tribunal de Nivelles demande que la chambre adopte le projet de loi concernant la suppression des tribunaux de quatrième classe et réclame la nomination d'un quatrième juge et d'un deuxième commis-greffier. »
- Même renvoi.
M. Cogels demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. le ministre des affaires étrangères adresse, pour être déposée sur le bureau de la chambre, une copie authentique de la convention de navigation conclue avec le Danemark, le 15 juin dernier.
M. Perrot fait hommage à la chambre de son ouvrage : « Revue de l'exposition des produits de l'industrie nationale en 1841. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) dépose deux projets de loi, concernant la conclusion de deux traités de commerce et de navigation, dont l'un avec la république d'Haïti, et l'autre avec celle du Mexique.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces deux projets de loi, qui seront imprimés et distribués. La chambre en ordonne le renvoi aux sections.
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - Messieurs, vous avez demandé un prompt rapport sur diverses pétitions ; je viens m'acquitter de cette tâche.
Voici l'objet de la première pétition :
M… expose à la chambre que, s'étant rendu adjudicataire d'une fourniture de 10 millions de briques, il a pris immédiatement les mesures pour exécuter son marché, qu'il a acheté le terrain nécessaire pour l'extraction d'une terre convenable, qu'il a fait ses approvisionnements en combustible et ustensiles nécessaires pour cette fabrication et que ce n’est que très longtemps après, sur l'offre d'un rabais considérable, que le ministre de la guerre refusa son approbation au contrat.
La fourniture fut remise en adjudication, et force lui fut de reprendre le marché à un taux ruineux pour ne pas perdre toutes les dépenses qu'il avait faites jusqu'alors. Mais comme les malheurs s'enchaînent et se succèdent d'ordinaire, un été pluvieux vint augmenter ses désastres, et ce qui y mit le comble fut la nécessité de se conformer aux prescriptions et essais qu'ordonnèrent les officiers du génie, pour s'assurer d'un mode de fabrication qui pouvait être plus convenable, mais plus coûteux que celui qu'il était habitué de suivre.
Les pertes qu'il a essuyées étant parfaitement connues du ministre de la guerre, le pétitionnaire vient réclamer un allégement à ses malheurs.
Votre commission, qui ne peut juger de l'exactitude des faits allégués par le pétitionnaire, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre.
- Le renvoi au ministre de la guerre, avec demande d'explications, sur la proposition de M. Vandenhove, est ordonné.
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - Messieurs, voici maintenant le rapport sur la pétition de Kessenich :
Les paroles consolantes sorties de la bouche de M. le ministre de l'intérieur, parlant comme membre du cabinet, auront apaisé suffisamment les inquiétudes des habitants de Kessenich ; la commission crut donc inutile de développer les motifs qu'ils font valoir pour rester attachés à la mère patrie ; ils sont et resteront Belges.
Du reste, pour que le vœu de cette commune soit dûment constaté, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des affaires étrangères.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - J'ai enfin, messieurs, à vous soumettre le rapport sur la pétition d'un grand nombre de négociants, industriels, courtiers et intéressés au commerce, tous de la ville d'Anvers, par laquelle ils s'adressent à la chambre pour la prier de provoquer une loi pour un meilleur mode de nomination aux fonctions de membres de la chambre de commerce ; ils demandent que l'élection soit directe, si on veut entendre la véritable voix des intérêts commerciaux.
En effet, d'après le mode actuel, la chambre héréditaire est chargée de pourvoir elle-même au remplacement des membres sortants, d'où résulte qu’une seule opinion y est toujours représentée, et qu'il en sera ainsi jusqu'à la fin des siècles, si la loi n'y apporte un changement radical, qui ne pourra être obtenu que par l'élection directe.
L'importance d'une chambre de commerce telle que celle de la ville d'Anvers, qui doit exercer une influence considérable sur tout le pays, fait désirer vivement à la commission que M. le ministre veuille prendre le vœu des pétitionnaires en très sérieuse considération, c'est pourquoi elle a l'honneur de vous proposer de lui faire renvoi de cette pétition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ferai remarquer qu'il n'est pas exact de dire que les chambres de commerce, comme elles sont organisées, se trouvent pour ainsi dire immobilisées, quant à leur personnel.
D'après l'arrêté de réorganisation des chambres de commerce, un tiers des membres sort chaque année, et sur ce nombre, il n'y a qu'un tiers de rééligibles. La chambre de commerce d'Anvers, par exemple, est composée de 21 membres dont le tiers, c'est-à-dire 7, sortira cette année ; sur ces 7 personnes, on ne pourra nommer de nouveau, pour le terme suivant, qu'un tiers, c'est-à-dire deux membres. Vous voyez donc que l'organisation présente des moyens suffisants pour que le même esprit ne se perpétue pas.
Le gouvernement veillera à ce qu'en exécutant l'arrêté de réorganisation, on arrive précisément à introduire des membres nouveaux dans les chambres de commerce, ainsi que l'exigent les dernières mesures qui ont été prises. Le maintien du même esprit était le grand vice qu'on reprochait à l'organisation de plusieurs chambres de commerce : généralement les membres se perpétuaient ; mais il y a un remède dont il faut avoir le courage d'user. Je crois ce remède suffisant ; dans tous les cas, si ce remède était insuffisant, on ne serait pas plus heureux par l'élection directe. Vous vous rappellerez, messieurs, la discussion qui a eu lieu, il y a peu de jours, relativement aux tribunaux de commerce, lesquels, comme vous savez, sont le résultat de l'élection directe. Je vous le demande, messieurs, trouverait-on pour la composition des chambres de commerce, moins de tiédeur qu'on n'en a rencontré pour les tribunaux de commerce ? Et si l'avenir démontrait que l'organisation, telle qu'elle existe, n'est pas satisfaisante, on y pourvoirait par une nouvelle mesure. En attendant, il faut que l'application de l'organisation actuelle se fasse d'une manière sérieuse.
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, de ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur, il résulte que le tiers seulement des membres sortants pourra ne pas être nommé de nouveau. Eh bien, s'il en est ainsi, l'esprit qui anime la majorité continuera à rester le même ; je ne vois pas dès lors que ce système doive avoir pour effet de faire atteindre le but que provoquent les pétitionnaires.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi de la pétition, je ne puis pas m'y opposer, mais je tenais à constater un fait dès à présent ; c'est que, selon moi, il y a dans l'organisation actuelle une ressource suffisante pour que l'esprit de corps ne se perpétue pas. Un tiers des membres doit sortir chaque année, et si le gouvernement le juge convenable, ce tiers peut ne pas être réélu. A Anvers, par exemple, le gouvernement pourra, à la fin de l'année, introduire dans la chambre de commerce 7 nouveaux membres sur 21. Eh bien, je dis que dans ce fait il y a une ressource suffisante, pour empêcher que l'esprit de corps ne reste le même.
Il est à remarquer d'ailleurs que ce n'est qu'un corps consultatif pour le gouvernement, et que rien n'empêche, pour les questions graves, que les négociants, non membres de la chambre de commerce, adressent leurs observations, soit au gouvernement, soit à la chambre de commerce. Il ne leur est pas interdit d'user du droit de pétition, ou même de s'adresser à la chambre des représentants.
Messieurs, je trouve qu'en donnant à l'organisation des chambres de commerce pour base le principe électif, on ne résoudrait point par là les graves questions d'industrie et de commerce ; Car il resterait toujours libre à ceux qui n'auraient pas été élus, d'user du droit de pétition, soit à l'égard du gouvernement, soit à l'égard de la chambre. Le problème ne serait donc pas résolu.
M. de Foere. - Messieurs, les observations que M. le ministre de l’intérieur vient de présenter à la chambre, ne me paraissent pas satisfaisantes. Malgré la sortie d'un tiers des membres de la chambre de commerce d'Anvers, le même esprit a constamment continué d'animer ce corps. Les deux tiers restants, formant la majorité, présentent d'autres négociants auxquels ils reconnaissent plus ou moins les mêmes principes commerciaux que la majorité de cette chambre a professés jusqu'ici.
Ce fait s'est constamment renouvelé à Anvers, et c'est non seulement contre cet abus (erratum Moniteur belge du 15 décembre 1841) que 64 négociants industriels de cette ville viennent d’adresser des réclamations à la chambre des représentants, mais particulièrement contre le système de commerce que la chambre d'Anvers n'a cessé de proposer.
Si l'honorable ministre de l'intérieur trouve que l'élection directe ne convient pas, il peut aviser à un autre moyen d'écarter l'abus qui est signalé. Les négociants qui ne sont pas membres de la chambre de commerce d'Anvers, peuvent, dit le ministre, réclamer contre les doctrines de ce corps, mais il n'en est pas moins constant qu'un corps constitué exerce une plus grande influence sur l'opinion du gouvernement, sur celle de cette assemblée et sur celle du pays, que des négociants isolés. Les faits ont suffisamment prouvé l'assertion que je viens d'énoncer. La chambre d'Anvers elle-même, à cet égard, partage mon opinion. Dans la pétition qu'elle a adressée, sur la fin de la session dernière, à la chambre des représentants, elle se vante, en quelque sorte, de la bienveillance et de la docilité avec lesquelles (erratum Moniteur belge du 15 décembre 1841) nous avons toujours écouté ses avis et suivi ses conseils. J'ai dit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il n'est pas exact de dire que les chambres de commerce se renouvellent elles-mêmes ; voici ce qui se passe :
La chambre de commerce doit présenter trois candidats pour chaque place vacante ; ainsi pour Anvers, il faudra que pour les 7 places qui y deviendront vacantes à la fin de cette année, qu'on nous présente une liste de 21 candidats ; cette liste de 21 candidats, sur lesquels le gouvernement en choisit sept, est soumise à la députation permanente du conseil provincial. Naturellement, si la députation trouvait que la présentation des 21 candidats a lieu dans un esprit exclusif, la remarque en serait faite, et le gouvernement demanderait une nouvelle liste.
L'honorable préopinant, et je me plais à en prendre acte, l'honorable préopinant pense qu'il y aurait un autre moyen que l'élection directe. Il existe en effet un autre moyen, ce serait le choix direct par le gouvernement, sans présentation officielle de liste ; je dis que c'est là une mesure extrême dans son genre, et qu'il ne faut y arriver que si un autre système, que j'appellerai mixte, est épuisé, et que l'expérience prouve qu'il ne vaut rien.
Nous allons faire l'essai de la nouvelle organisation devenue générale pour le royaume ; je pense que cet essai sera heureux ; mais s'il ne l'était pas, l'on en viendrait peut-être au système qui consisterait à laisser au gouvernement le choix des membres nécessaires pour pourvoir au remplacement du tiers sortant, sans qu'il y eût une présentation officielle.
M. Delehaye. – Messieurs, à l'ouverture de chaque session, on entend proclamer de tous les bancs la nécessité d'introduire dans nos dépenses la plus rigoureuse économie ; déjà plusieurs budgets sont adoptés et les chiffres pétitionnés, bien loin d'avoir subi une diminution, sont encore aggravés.
Je pense qu'il n'en sera pas de même du budget des affaires étrangères. Si nous recherchons l'utilité qu'il peut y avoir pour le pays à entretenir une diplomatie richement payée, nous trouverons qu'eu égard au peu de services qu'elle nous a rendus, nous pouvons sans inconvénients réduire les sommes qui nous sont demandées de ce chef.
En effet, si l'on considère combien de fois depuis l'année dernière notre diplomatie a été trouvée en défaut, on ne peut pas s'empêcher de se demander à quoi il sert à la Belgique d'avoir des agents à l'extérieur. Si je tourne, par exemple, mes regards vers l'Espagne, je vois que des mesures rigoureuses ont été prises contre notre commerce, dans ce pays qui jadis était pour nous une source de prospérité et d'opulence ; il nous est désormais impossible de trouver dans ce pays, jadis un marché si abondant pour nous, le moyen d'écouler nos produits.
Cependant toutes ces mesures ont été prises à l'insu de notre diplomatie ; il a fallu que des négociants lésés dans leurs intérêts vinssent en donner avis au gouvernement, qui n'en savait exactement rien. Il n'a eu connaissance des mesures que quand déjà elles étaient prises. Vous savez que quand une industrie quelconque est à la veille d'être frappée d'un droit qu'on peut envisager comme prohibitif, ainsi que l'a été notre industrie linière en Espagne, il est important que le gouvernement sache les mesures qu'on prépare ; et, comme je viens de le dire, le gouvernement belge n'a eu connaissance des changements qu'on a introduits que lors de leur application.
Si de l'Espagne nous passons en France, nous voyons que la diplomatie ne nous y a pas mieux servis. Dans une précédente séance, notre honorable collègue M. Sigart avait dénoncé une concentration de troupes françaises sur notre frontière, qui avait alarmé quelques personnes, bien que le gouvernement y vit une marque de bienveillance ; nous y trouvons le même défaut de la part de la diplomatie, car le gouvernement a déclaré ingénument qu'il n'avait eu avis de cette concentration que par les journaux.
Messieurs, à quoi sert donc la diplomatie, si sur deux points importants, l'un intéressant notre commerce et notre industrie, l'autre se rapportant à l'intégrité de notre territoire et à notre indépendance, le gouvernement n'a été informé de rien ?
Puisque je m'occupe de la France, je me permettrai de faire quelques observations à M. le ministre des affaires étrangères sur les négociations suivies en ce moment à Paris, et sur celles avortées l'année dernière. Je sais combien il faut apporter de circonspection et de réserve dans des questions qui intéressent aussi éminemment notre prospérité, alors qu'elles sont encore pendantes.
Aussi pas un mot ne sera prononcé par moi, qui soit de nature à compromettre les négociations entamées.
Le gouvernement, convaincu de la stagnation de l'industrie du pays, et surtout de la position malheureuse de la classe ouvrière, qui bientôt devra chercher dans le crime ou dans l'aumône les moyens de subsister, a jugé convenable d'envoyer à Paris des commissaires. Les choix qu'il a faits ont obtenu toute mon approbation, quoique les négociateurs ne fussent pas des hommes spécialement versés dans les connaissances commerciales, Ils connaissaient si bien la position de la Belgique, et pouvaient si bien apprécier ce qu'il fallait faire, qu'ils avaient toute ma confiance et méritaient également celle du pays.
S'il faut en croire ce qui a transpiré, à cet égard, des révélations qui ont été faites, ces négociations n'ont manqué que parce que ces messieurs voulaient faire un traité de commerce sur un pied extrêmement étendu. Ils étaient partis avec la ferme intention de négocier sur le pied le plus large. Ils savaient qu'un traité qui ne comprendrait que quelques articles isolés serait nuisible à la Belgique et ne serait utile qu'à la France.
Aussi, après les premiers pourparlers, quand le gouvernement français a demandé quelles étaient les concessions qu'ils avaient à offrir ces messieurs ont répondu qu'ils avaient beaucoup de concessions à attendre, qu'ils avaient le droit de les réclamer, et qu'ils n'en avaient pas à faire. Je ne fais que répéter ce que j'ai entendu dire ; les intentions des négociateurs étaient conformes avec ce que nous pouvions désirer, cependant cette négociation a avorté, elle n'a produit aucun résultat. On nous a annoncé toutefois que les négociations se continuaient, mais sur une base infiniment moins large.
On ne peut pas croire que Ies premières instructions fournies à nos commissaires n'aient pas été modifiées, car si elles ne l'avaient pas été, nos agents seraient restés à Paris ; ils ne se sont retirés que parce qu'ils avaient la conviction intime que leurs projets ne se seraient point acceptés.
Toute nation avec laquelle on veut faire un traité de commerce exige qu'on lui fasse des concessions en retour de celles qu'elle a accorde. Dans l'état actuel des choses, après les nombreuses concessions faites à la France, la Belgique ne peut plus lui en accorder sans nuire à son industrie. Tout avantage, en a effet, ne pourra se faire qu'au détriment de l'industrie du pays. Peut-être la France pourrait-elle nous réclamer des mesures contre la presse. Je conviens qu'elle y trouverait de grands avantages, mais si nous pouvions y consentir, nous livrerions à la misère un grand nombre d'ouvriers, Il ne peut donc pas être question de ce sacrifice. Si nous portons nos regards sur les autres branches de notre industrie, nous trouvons que toutes ont cédé ce qu'elles pouvaient faire, que tout sacrifice ultérieur est impossible ; depuis longtemps nous nous sommes complètement désarmés. Si notre tarif est peu protecteur de notre industrie, si nos envoyés à Paris, pénétrés de cette idée que les gouvernements comme les particuliers ne font des concessions que quand ils en reçoivent, ont dû se retirer parce que des concessions n'étaient plus possibles, nous avions un moyen plus puissant à employer. La France venait, d'une manière injuste de modifier son tarif sur les toiles. C'était le moment pour le gouvernement belge de modifier toute la législation à l'égard de la France, de frapper de droits élevés tous ses produits. Pouvait-elle réclamer et se plaindre, quand c'était elle qui nous avait donné l'exemple ? A plusieurs reprises, le tarif avait été modifié ; notre inertie, peut-être la pusillanimité du gouvernement, ont enhardi le gouvernement français ; aussi la proposition Delespaul, traduite bientôt en fait, est venue mettre le comble aux prétentions injustes de ce gouvernement.
Il devait frapper d'un droit élevé les vins, les soieries, la bijouterie, enfin tous les objets venant de la France. Ce n'eût été qu'une mesure de représailles. Si le gouvernement en avait agi de la sorte, il est certain qu'à l'heure qu'il est ce ne serait pas nous qui irions mendier un traité dé commerce à la France, mais la France qui viendrait nous en mendier un.
Consultez les données statistiques, et vous verrez que la Belgique est le principal débouché de la France, que c'est en Belgique qu'elle exporte la plus grande quantité de ses marchandises, que la Belgique offre un écoulement certain à ses principaux produits ; vous acquerrez la conviction, messieurs, que la France doit attacher le plus grand prix à maintenir avec nous des relations amicales.
Aujourd'hui, dans l'absence de ces mesures rigoureuses, l'impossibilité où vous vous trouvez de faire de nouvelles concessions, vous êtes réduits à ne négocier qu'un traité qui ne portera que sur quelques articles. Un pareil traité, loin de nous être avantageux, entraînera la ruine de notre commerce et de notre industrie.
Si, cette fois, le gouvernement français nous fait une concession, force nous sera de nous désarmer complètement ; il nous sera impossible de rien réserver pour faire un traité subséquent avec ce gouvernement.
Après avoir exposé les raisons pour lesquelles nous devons nous abstenir de faire un traité qui ne porterait que sur quelques articles isolés, je vous dirai qu'il est impossible d'en faire à moins qu'il ne soit basé sur la suppression des douanes entre les deux pays. Je sais qu'un pareil traité serait hérissé de difficultés ; mais quand un gouvernement est pénétré de ses devoirs, dévoué aux intérêts du pays, il n'est pas de difficultés qu'il ne puisse parvenir à vaincre.
Un traité peu étendu, autre que celui qui stipulerait une réunion douanière, rencontrera un obstacle qui paralysera tous les bons effets qu'il pourrait produire ; l'Angleterre a un traité avec la France, dans lequel il est stipulé que si un traité fait avec une autre puissance renfermait des dispositions plus favorables, elle pourrait les invoquer en sa faveur. Ainsi, si le gouvernement français nous accordait quelque faveur, l'Angleterre en invoquerait le bénéfice et nous continuerions à rencontrer sur les marchés français la redoutable concurrence que nous fait l'Angleterre sur les autres marchés. Je n'en dirai pas davantage à cet égard, voulant rester dans la réserve qu'on doit s'imposer en présence de négociations entamées.
Passons aux traités déjà conclus ; on nous a annoncé des traités de commerce avec Haïti, le Danemark et d'autres pays, comme des choses très avantageuses. Mais quand on songe que ces traités ne doivent aboutir qu'à faire décorer ceux qui les signent et jamais à offrir les moyens d'exporter nos marchandises (depuis ces traités nous n'exporterons pas un tonneau de marchandise de plus qu'avant), leurs avantages peuvent être préconisés par ceux qui les font, mais le pays certainement n'y trouvera jamais un avantage quel. conque.
En terminant, qu'il me soit permis d'appeler l'attention de M. le ministre sur un objet qui intéresse la ville de Gand et que j'avais déjà recommandé à ses prédécesseurs.
Vous savez que les négociants et industriels de Gand ont présenté une requête tendant à faire reconnaître l’injustice, l'illégalité des prétentions de la Hollande sur la navigation du canal de Terneuzen. Quand le traité a été soumis à la chambre, M. Nothomb a établi que les prétentions de la Hollande étaient sans fondement. Aujourd'hui qu'il est au pouvoir, j'espère qu'il fera valoir nos réclamations. M. de Theux, dans le temps, et son successeur M. Lebeau ont insisté sur la nécessité d'écarter ces prétentions. J'espère que le gouvernement ne manquera pas d'exiger que désormais la Belgique soit déchargée de l'impôt injuste et contraire au traité qu'on lui fait payer sur le canal de Terneuzen.
M. de Foere. - Messieurs, bien que je ne sois pas plus grand partisan que l'honorable préopinant de la diplomatie que nous entretenons à grands frais en pays étrangers, je ferai observer que l'honorable membre est dans l'erreur quand il croit que notre chargé d'affaires en Espagne n'avait pas pu éloigner les mesures prises dans ce pays contre l'industrie linière de la Belgique. Cette mesure est exclusivement due au système de protection que toutes les nations pratiquent aujourd'hui en faveur de leur propre industrie.
Tous les pays du continent suivent aujourd'hui ce système. La diplomatie étrangère est incapable de faire renoncer aucun Etat européen à cette politique commerciale. Il est donc erroné d'attribuer à la présence ou à l'absence, ou à l'inactivité de notre diplomatie en Espagne la mesure prise contre l'importation de nos toiles dans ce pays. D'ailleurs cette mesure n'a pas été prise spécialement contre notre industrie ; c'est une loi générale qui met toutes les nations qui produisent des toiles de lin pour l'exportation sur le même pied.
C'est pour nous un nouvel enseignement qui devrait nous engager à suivre la même politique et à abandonner le système de quasi liberté commerciale, tant prôné pendant dix ans par quelques membres de cette chambre. C'est à cette facilité d'importer les produits étrangers que nous devons particulièrement l'isolement dans lequel nous nous trouvons, et l'impossibilité de négocier des traités de commerce, comme l'a fort bien fait observer M. Delehaye. Nous n'avons pas de concessions à faire ; or, c'est exclusivement au moyen de concessions réciproques que les traités de commerce se négocient.
Si dès le commencement de la révolution, les droits de douanes sur les produits étrangers avaient été augmentés, vous auriez été armés, vous auriez été en possession de concessions à faire à l'étranger ; maintenant vous êtes complètement désarmés.
Je ne suis pas d'accord avec l'honorable préopinant sur le traité avec le Danemark et d'autres semblables qu'il appelle des traités de commerce. Ce ne sont que des traites de navigation, Les traités de commerce ont pour objet l'abaissement mutuel des droits de douane. Lés traités de navigation n'ont d'autre but que celui d'assimiler les navires étrangers et les navires nationaux, quant aux droits de port. Les tarifs de douanes de part et d'autre, continuent de subsister. Si des tarifs tantôt exorbitants, tantôt prohibitifs, continuent d'exclure nos produits, je vous demande quelle influence ces traités de simple navigation, surtout avec les Etats européens, peuvent-ils exercer sur l'exportation de votre industrie ? Lorsque vous arrivez avec vos navires, quoiqu'ils soient assimilés aux navires étrangers, vous rencontrez toujours les tarifs des douanes qui vous excluent. Ces tarifs sont prohibitifs, ou ils établissent des droits exorbitants ; vous ne pouvez introduire dans les ports étrangers un seul tonneau de marchandises de plus. Les faits l'ont prouvé, Vous avez depuis longtemps une trentaine de ces traités de navigation, et votre commerce extérieur et par conséquent l'exportation de vos produits sont restés dans le même état de souffrance. Si c'eût été un moyen d'exportation, vous auriez pu profiter de ces traités. Comme ils laissent subsister les droits exorbitants de douanes, vous ne pouvez, au moyen de ces traités, élargir vos débouchés. Je remercie l'honorable député de Gand de m'avoir fourni cette nouvelle occasion d'enlever aux traités de navigation conclus avec les Etats européens, l'importance que quelques membres de cette assemblée leur ont si souvent attribuée et dont ils n'ont cessé de prôner les avantages, alors qu'ils répondaient à d'autres membres qui réclamaient des traités de commerce en faveur de l'exportation de nos produits industriels.
M. Desmet**.** - J'ai demandé la parole, lorsque l'honorable M. de Foere, répondant à l'honorable M. Delehaye, a parlé de la mesure prise en Espagne contre nos toiles. On a cru qu'il y avait là de la faute de notre gouvernement ; quant à moi, je ne le pense pas ; le gouvernement en a été informé à temps ; il a tout fait pour l'empêcher. Quelle a été l'origine de cette mesure ? Il y a quelques années (cela avait même commencé sous le gouvernement hollandais) que nos toiles ont été remplacées dans le commerce par les toiles anglaises.
Vous le savez, messieurs, le gouvernement des Pays-Bas ne protégeait pas beaucoup le commerce des toiles, et en général tout ce qui était dans l'intérêt des Belges ; c'est alors que les Anglais ont pu nous supplanter en Espagne ; ils ont pour ainsi dire le monopole du commerce des toiles, on n'y faisait, consommation que des toiles anglaises, faites avec des fils mécaniques ; mais comme les bonnes marchandises ont toujours la préférence sur les mauvaises, le commerce espagnol, le consommateur espagnol ont apprécié les toiles anglaises en les comparant avec nos toiles flamandes ; ils ont compris l'avantage qu'il devait y avoir à revenir aux toiles flamandes, et à ne plus consommer des toiles anglaises faites à la mécanique. Les Anglais, qui exercent une grande influence en Espagne, ou qui plutôt à bien dire, ont en main le gouvernement de ce pays, voyant que nos toiles faisaient avec avantage concurrence aux leurs, ont fait prendre une mesure contre les toiles étrangères, parce qu'ils savaient qu’ils auraient le privilège de faire entrer leurs toiles au détriment des nôtres. Le gouvernement anglais dispose même de la contrebande, car en Espagne, il y a deux administrations : celle de la douane, et celle de la contrebande ; la contrebande est même faite en partie par le gouvernement. Les Anglais sont maîtres de faire entrer par cette voie leurs toiles et non les nôtres. On sait aussi que Gibraltar est plutôt un port de fraude qu'un port de défense militaire. Ainsi la mesure n'a pas été prise dans l'intérêt de l'industrie espagnole, mais dans l'intérêt de l'industrie anglaise. C'est encore une fois une mesure prise au profit du commerce anglais, et c'est ainsi que cette nation veut envahir tous les marchés.
Je pense cependant avec les honorables préopinants que nous devons chercher à agrandir notre marché. C'est ce qui nous manque ; notre marché est réellement trop petit ; surtout dans un moment de crise de concurrence, nous avons besoin qu'il soit plus étendu ; c'est le besoin de toutes les nations industrielles.
Quel est l'ennemi commun de l'industrie et du commerce ? C'est cette puissance commerciale, qui a des millions de consommateurs et qui fait la guerre au commerce de toutes les autres nations, qui ne se contente pas des colonies, mais qui veut encore envahir le continent. C'est pour lutter contre cette puissance que j'aurais désiré l'association française, autant dans l'intérêt de la France que dans celui de la Belgique. Mais nous avons manqué l'occasion favorable, quand elle s'est présentée.
Je voudrais qu'on revînt au système continental. La pensée de l'empereur n'a pas été comprise ; c'était une guerre contre le monopole d’outre-mer. Si l’on se réunissait sur le continent, ou pourrait sans doute lutter contre cette puissance qui envahit tout.
Je ne dirai pas à quel point en sont les négociations avec un pays voisin. Je crois que l’occasion a été très propice, et que si le précédent cabinet avait compris sa mission, il eût pu traiter avec avantage. Mais depuis lors il y a eu de grands changements. Si l’on avait saisi le moment, je crois qu’on aurait rendu un grand service à la France et à la Belgique. Oui, il paraît qu’il y a eu un moment qu’on aurait pu conclure, mais on a eu peur peut-être de trop agrandir notre marché vers le midi; si cependant on avait bien compris les intérêts du pays, on aurait senti que ce n’est pas du côté du nord qu’on doit chercher un marché pour la Belgique. C’est ainsi qu’on laisse échapper les plus belles occasions.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Ma tâche est rendue plus facile par les paroles qui viennent d’être prononcées et il me restera bien peu de chose à ajouter à ce que vous venez d’entendre; car l’honorable M. de Foere s’est chargé de répondre à M. Delehaye, en ce qui concerne nos relations avec l’Espagne et l’honorable M. Desmet a rencontré de son côté quelques-unes des observations soulevées par M. de Foere.
Il n’est que trop vrai, quant à ce qui concerne l’Espagne, que des mesures rigoureuses ont été prises; mais, comme l’a très bien fait observer M. de Foere, ces mesures sont générales et frappent également toutes les nations qui entretiennent des rapports commerciaux avec ce pays, elles ont d’ailleurs été prises avant la formation du cabinet actuel, Je crois que c’est dans la session de 1840 à 1841 qu’a été élaboré le tarif dont nous avons à nous plaindre.
J’ajouterai que je ne suis pas sans espoir d’obtenir quelques adoucissements sur certains articles qui blessent particulièrement nos intérêts; ils y sont défendus par un chargé d’affaires qui, dans une autre négociation, adonné des preuves récentes de son intelligence des intérêts nationaux. Un commissaire officieux lui a été adjoint, et nous avons tout lieu d’espérer d’heureux résultats de la réunion de leurs efforts. Déjà nous avons obtenu du gouvernement espagnol qu’une commission soit nommée pour se mettre en rapport avec notre légation.
L’honorable M. Delehaye a incriminé la légation de Paris, relativement au mouvement de troupes qui s’est opéré sur la frontière.
Je crois que notre diplomatie n’a aucun reproche à se faire dans cette circonstance. La France opère souvent de tels mouvements de troupes ; il y en a eu maintes fois sur la frontière des Pyrénées et sur la frontière de Suisse. Cette réunion de troupes se réduisait d’ailleurs à une simple concentration des garnisons avoisinantes; comme la résolution du cabinet français a été prise inopinément et exécutée à l’instant, il n’est pas étonnant que notre légation à Paris ait pu supposer qu’à Bruxelles on avait eu connaissance avant elle d’un mouvement qui n’a duré que cinq ou six jours, et dont la Belgique ne devait pas prendre ombrage.
Pour les négociations avec la France, dont a parlé l’honorable M. Delehaye, elles ne sont point abandonnées ; et tant qu’elles se poursuivent l’on est en droit d’en attendre des résultats utiles.
Je crois avoir répondu aux observations des honorables préopinants.
M. Delfosse. - Je suis étonné, comme mon honorable ami M. Delehaye, de ce que notre ministre plénipotentiaire à Paris nous ait laissé ignorer une mesure aussi grave que celle d’une concentration de troupes françaises à notre frontière; c’est là une preuve de négligence, à laquelle il me serait impossible de croire, si elle n’avait été affirmée par M. le ministre des affaires étrangères; M. le ministre vient de nous dire que cette mesure avait peu d’importance, mais il n’a pas toujours été de cet avis,
Pour que l’on ne puisse plus nier ni dénaturer les paroles de M. le ministre, je les ai copiées textuellement d’après le Moniteur; les voici :
« Le gouvernement a reçu avec le public la nouvelle d’un mouvement de troupes opéré sur notre frontière; il a dû en être surpris, car rien dans le pays ne semblait provoquer une pareille démonstration, il saura bientôt sans doute à quelles appréhensions l’attribuer ; cette mesure, nous avons lieu de le croire, restera sans conséquences. » (Moniteur, n° 322, séance du 17 novembre,)
Vous vous souvenez tous, messieurs, de l'effet fâcheux que ces paroles ont produit dans la chambre et dans le pays ; comment, disait-on, le gouvernement français, que l'on dit si bienveillant pour nous, a-t-il pu prendre cette mesure sans nous prévenir, comment notre ministre plénipotentiaire ne nous en a-t-il pas donné connaissance ?
M. le ministre des affaires étrangères, sentant combien ses paroles avaient été imprudentes, a cherché a les atténuer depuis ; il est venu nous dire, dans la séance du 2 novembre, que la concentration des troupes françaises avait cessé, que cette mesure n'avait été, du reste, qu'un nouvel acte de bienveillance de la part du gouvernement français.
La mesure en elle-même pouvait sans doute être considérée sous ce point de vue, mais restait toujours le silence que le gouvernement français avait gardé, l'ignorance dans laquelle il nous a l'ait laissés, et ce silence ne pouvait, certes, être considéré comme bienveillant ; aussi, M. le ministre ne disait plus mot là-dessus.
Mon honorable ami, M. Delehaye, lui demanda alors si cette marque de bienveillance nous avait été accordée sans qu'il y eût eu demande de notre part.
M. le ministre des affaires étrangères répondit qu'il ne pouvait suivre mon honorable ami sur ce terrain ; réponse étrange, messieurs. Quel était donc le terrain sur lequel M. le ministre se serait placé en répondant à la question de mon honorable ami ? Mais, c'était le terrain sur lequel M. le ministre s'était lui-même placé dans la séance du 17 novembre, lorsqu’il avait dit qu'il aurait appris la nouvelle avec le public, et qu'il avait dû en être surpris. M. le ministre n'avait qu'à répondre à mon honorable ami : Comment voulez-vous qu’il y ait eu demande de la part du gouvernement, puisque je vous ai dit, dans la séance du 17 novembre que le gouvernement avait appris la nouvelle arec le public et qu'il avait dû en être surpris ? Pourquoi donc le terrain sur lequel M. le ministre s'était volontairement placé le 17 novembre était-il devenu tout à coup si glissant que l'on pût craindre une chute ? c'est que je laisse à de plus sagaces que moi le soin de deviner. Je dois, du reste, dire que M. le ministre, après avoir déclaré qu'il ne voulait pas suivre mon honorable ami sur ce terrain, l'y a suivi en disant Je ne puis que me référer aux paroles que j'ai prononcées dans cette enceinte. C’était là répondre après avoir déclaré que l'on ne répondrait pas, c'était s'engager sur le terrain que l'on semblait craindre ; M. le ministre se référait aux paroles qu'il avait prononcées dans cette enceinte, il avait dit dans la séance du 17 novembre, qu'il n'aurait appris la nouvelle qu'avec le public, qu'il en avait été surpris, donc il n'avait pas demandé au gouvernement français la concentration de troupes sur notre frontière, donc il répondait à mon honorable ami.
M. le ministre de l'intérieur, voulant venir en aide à son collègue et le tirer d'embarras, prit à son tour la parole, et sans s'expliquer sur la question de savoir si le gouvernement avait ignoré ou non, provoqué ou non la concentration de troupes françaises à notre frontière, il soutint que cette mesure, connue ou non, provoquée on non, n'avait aucun caractère hostile et ne devait nous inspirer aucune crainte.
C'était déplacer la question ; la question n'était pas de savoir si la mesure avait un caractère hostile, personne ne le croyait, mais la question était celle-ci : Le gouvernement a-t-il provoqué, oui ou non, la mesure dont il s'agit ? S'il l'a provoquée, il s'est effrayé sans motif, il a douté du patriotisme de l'armée, il a douté du pays, il a eu grand tort.
M. le ministre de l’intérieur a cherché une seconde fois, mais toujours en vain, à tirer son collègue des affaires étrangères du mauvais pas dans lequel il s'était engagé. Répondant à l'honorable M. Devaux, qui posait à peu près la même question que M. Delehaye, M. le ministre de l'intérieur disait, dans une autre séance (je cite ses paroles d'après le Moniteur ) :
« M. le ministre des affaires étrangères vous a déclaré que le gouvernement n'avait pas demandé la concentration de troupes françaises sur notre frontière (faites attention à ces paroles, messieurs) ; mais il a paru que cette déclaration faite purement et simplement, en ne s'attachant qu'au fait en lui-même, pouvait avoir une portée, en quelque sorte offensante pour le gouvernement français ; dans une séance suivante nous avons eu soin de vous dire, tout en laissant subsister la déclaration que le gouvernement n'avait pas provoqué la chose, que néanmoins il ne fallait voir, dans le fait en lui-même, qu'un acte de bienveillance de la part de la France. Mais je vous le demande, à moins de tomber dans tous les vieux errements de l'opposition, ne nous importait-il pas à nous, qui avons reçu tant de services de la France, qui négocions en ce moment un traité de commerce avec elle, de donner un démenti à ceux qui, dans la première déclaration du ministère, avaient voulu trouver quelque chose de blessant pour le gouvernement français. Voilà ce que nous avons dit ; il faut que l'on avoue qu'il n'y a là aucune contradiction, si l'on veut être sincère, et il m'est permis à mon tour d'invoquer la sincérité. »
Ici, messieurs, M. le ministre de la l’intérieur cherchait évidemment nous donner le change. M. le ministre des affaires étrangères avait déclaré, non pas comme le dit M. le ministre de l’intérieur, que le gouvernement n’avait pas demandé la concentration de troupes françaises sur notre frontière, mais bien qu’il avait ignoré ce fait, qu’il en avait eu connaissance avec le public ; et lorsque M. le ministre des affaires étrangères est venu postérieurement nous déclarer que ce fait devait être considéré comme un acte de bienveillance, il n’a pas, comme le dit M. le ministre de l’intérieur, laissé subsister la déclaration que le gouvernement n’avait pas provoqué la chose, mais bien celle que le gouvernement avait été laissé dans l’ignorance de la chose, qu’il ne l’avait apprise qu’avec le public.
Vous sentez, messieurs, l’énorme différence qu’il y a entre les paroles réellement prononcées par M. le ministre des affaires étrangères et celles que M. le ministre de l’intérieur lui prête ; si M. le ministre des affaires étrangères s’était borné dire que le gouvernement n’avait pas provoqué la concentration des troupes, il n’y aurait eu de reproches à adresser à personne.
Le gouvernement français eût été dans son droit, en prenant cette mesure à la nouvelle d’un danger qui pouvait, en menaçant notre gouvernement, le menacer lui-même, danger qui, dans les premiers moment, a pu lui paraître plus grave qu’il ne l’était en réalité, et l’on eût pu croire que tous les procédés avaient été observés envers nous, que l’on nous avait avertis, que notre ministre plénipotentiaire avait su ce qui se passait. Mais ce n’est pas là ce que M. le ministre des affaires étrangères a dit ; il a dit qu’il avait tout ignoré et je lui oppose ce dilemme :
Ou vous n’avez pas ignoré ce qui se passait , et alors vous avez manqué à la chambre et au pays en disant le contraire de la vérité ; ou, ce que j'aime à croire , vous avez ignoré ce qui se passait, et alors votre représentant à Paris a été négligent et le gouvernement français a manqué de bons procédés envers vous.
En terminant le discours que je viens de reproduire, et dans lequel il dénaturait complètement les faits, M. le ministre de l'intérieur faisait un appel à notre sincérité ; vous pouvez maintenant, messieurs, juger de la sienne.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - J'ai répondu, je pense, comme je le devais, au reproche de négligence fait à notre légation à Paris. Quant à ceux qui m'ont été personnellement adressés, je ne crois pas devoir y répondre ; je n'occuperai pas la chambre d'une question toute personnelle. La concentration des troupes, je le répète, a été assez spontanée et assez prompte pour expliquer le silence de notre agent à Paris. Je me réfère du reste à ce que j'ai déjà dit.
M. Delfosse. - Toutes mes observations subsistent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey). - Je ne vois pas cela ; il y a été répondu, la chambre jugera.
M. Pirson. – Il est des circonstances où les gouvernements ne peuvent dire ce qu'ils pensent et ce qu'ils savent. Quant à moi, je suis obligé de vous dire que je n'ose vous dire ce que je pense sur l'échauffourée qui s'est présentée dans ce pays, il y a quelques jours. Une échauffourée du prince Louis est partie d'Angleterre, il y a quelques années, on sait dans quelle circonstance ; on cherchait peut-être à donner des embarras à la France. Il y a eu une autre échauffourée à Paris, il n'y a pas longtemps. Qui sait si certains gouvernements, sachant que ces échauffourées se préparaient, n'en avaient pas préparé une autre pour faire contrepoids ! Voilà mon opinion, C'est un contrepoids à l'échauffourée qu'on faisait du côté de l'Espagne. Je suis persuadé que le gouvernement français était mieux instruit que le gouvernement belge de ce qui se préparait.
Il serait à désirer que les gouvernements fussent aussi sages qu’ils voudraient qu'on le fût. Il est de fait que depuis nombre d'années, s'il y a eu des troubles, s'il y a eu des intrigues, cela ne provient que des jalousies de puissance à puissance. Les puissances se font des niches autant que possible (on rit) ; elles nous trompent et nous font aller comme des machines, nous autres peuples ignorants des grandes affaires et des grands intérêts.
Eh bien, je suis entièrement persuadé que tout ce qui s'est passé - ou devait se passer - était mieux connu du gouvernement français que, de notre gouvernement, lorsqu'il a pris des mesures, et je pense qu'il a bien fait.
En conséquence, je demande l'ordre du jour ; mais en invitant les gouvernements à être aussi sages que je voudrais qu'ils le fussent.
M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable député de Thielt a eu parfaitement raison lorsqu'il vous a dit que les gouvernements qui connaissaient bien les intérêts de leur pays, ne se laissaient pas influencer par la diplomatie étrangère, mais qu'ils prenaient les mesures que réclamaient ces intérêts. En effet, le gouvernement espagnol n'a consulté que le bien-être de ses industries en prenant la mesure que j’ai signalée. Mais lorsque j’ai dit que notre diplomatie avait été en défaut, c'est que je lui reprochais de ne pas avoir prévenu le gouvernement des modifications qu'on se proposait de faire subir au tarif.
Le premier tarif en vigueur dans ce pays divisait en cinq catégories des toiles qu'on pourrait y importer.
La Belgique jouissait par ce tarif d'un avantage sur l'Angleterre ; les toiles que nous importons en Espagne tombent presque toutes dans la classe la moins imposée.
Le gouvernement anglais, qui consulte aussi les intérêts de ses industriels, a examiné les moyens de modifier ce tarif, il en a proposé un nouveau qui a été adopté, et qui fait disparaître l'avantage que nous accordait le premier ; par le nouveau c'est son industrie qui possède tout l'avantage.
Par le premier tarif il y avait, comme je l'ai dit, cinq catégories de toiles ; la première payait 20 p. c. plus un tiers ; la seconde aussi 20 p. c. plus un tiers ; les 3°, 4° et 5° payaient chacune 15 p. c. plus un tiers.
Les toiles que l'Angleterre fournit à l'Espagne, se trouvent presque tous dans la quatrième catégorie. Qu'a fait le gouvernement anglais ? Il a demandé au gouvernement espagnol de réduire les cinq catégories à trois. De cette manière ses toiles ne sont frappées que du droit le moins élevé, tandis que les nôtres restant dans la première catégorie sont passibles du plus haut droit. Cette modification a donc été faite entièrement en faveur de l'Angleterre.
Si nos agents en Espagne, informés des modifications qu'on proposait au tarif, en eussent donné avis au gouvernement, il est à croire que nous eussions maintenu la première classification, celle-ci nous étant la plus favorable et ne portant aucune atteinte aux intérêts espagnols.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
« Art. 2. Frais de représentation (pour mémoire) »
« Art. 3. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 34,000. »
« Art. 4. Pensions à accorder à des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 2,000. »
« Art. 5. Matériel : fr. 32,000. »
- Ces cinq articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 6. Achat de décorations de l'ordre Léopold : fr. 10,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, je veux être impartial avant tout. Je féliciterai le gouvernement de quelques nominations qu'il a faites dans l'ordre Léopold à l'occasion de l'exposition des produits de l'industrie nationale. Un gouvernement s'honore en honorant les industriels qui se distinguent.
Mais il est d'autres nominations pour lesquelles je dois le blâmer et le blâmer hautement. Je vous ai déjà parlé, messieurs, de la décoration qui a été donnée à un ancien aide-de-camp de Don Carlos. J'ignorais alors les motifs de cette faveur qui a étonné tout le monde, je cherchais en vain quels étaient les services que ce personnage pouvait avoir rendus au pays. Mais depuis, nous avons appris par les explications que M. le ministre des affaires étrangères a données à la section centrale que cette faveur n'avait pas été accordée pour services rendus au pays, que l'on avait seulement voulu donner au personnage en question une marque de bienveillance.
Il faut convenir, messieurs, qu'il est étrange que la Belgique de 1830 donne une pareille marque de bienveillance à un homme qui ne s'est pas borné à professer les doctrines légitimistes, mais qui les a mises en action en intervenant. dans une guerre civile où toutes les lois de l'humanité ont été foulées aux pieds.
Cet acte du ministère était d'autant plus coupable qu'il pouvait être une cause de mésintelligence, ou tout au moins de froideur, entre le gouvernement espagnol et le nôtre.
Le ministère, messieurs, a aussi décoré plusieurs membres de cette chambre dans un moment où ils allaient comparaître devant les électeurs. Je n'ai pas à examiner les titres qu'ils avaient à cette faveur, je serais désespéré de laisser échapper une seule parole qui pût blesser le moins du monde aucun de mes honorables collègues. Mais je dirai qu'un gouvernement doit, dans de pareilles circonstances, être très sobre de décorations. Ce n'est qu'aux sommités de la chambre, à ceux dont la réélection n'est pas douteuse, qu'il devrait les accorder. En donnant une décoration à un membre de la chambre, au moment où il est soumis à une réélection, le gouvernement déclare en quelque sorte officiellement qu'il l'adopte pour candidat, qu'il prend ouvertement parti pour lui contre ses concurrents, et si ce candidat échoue, le gouvernement est associé à sa défaite. C'est ce qui est arrivé. Un gouvernement habile ne s'expose pas pour si peu à être vaincu.
En général, on prodigue trop les décorations. Pour peu que cela continue, il sera plus facile de compter ceux qui ne seront pas décorés que ceux qui le seront. Si on voulait ôter tout prix à l'Ordre Léopold, on n'agirait pas autrement.
M. Angillis.- Messieurs, à la cinquième section, j'ai demandé sur cet article une réduction de moitié, et j'ai été appuyé par un des six membres présents ; aujourd'hui, je viens encore une fois vous proposer de réduire la somme de 10,000 francs à la moitié, c'est-à-dire à 5,000 francs.
Messieurs, je ne veux pas développer ma proposition. Mes développements seraient un peu longs, et peut-être ils m'entraîneraient plus loin que je désire aller. D'un autre côté, lorsqu'on parle en public, les spectateurs exercent sur l'orateur une certaine influence. La tribune impose des précautions qui empêchent les idées de paraître dans toute leur simplicité. 0n ne dit rien qui ne soit vrai, mais on ne dit pas tout ce qui est vrai.
Je me bornerai donc à faire ma proposition sans aucun commentaire, sans explication ni développement. Je propose, je le répète, de réduire le chiffre de 10,000 francs à 5,000 francs.
- Cet amendement est mis aux voix, il n'est pas adopté.
Le chiffre de 10,000 francs est adopté.
« Art. 1 Autriche : fr. 40,000 »
M. Delfosse. - Messieurs, il est beaucoup de personnes qui pensent qu'il ne convient pas à un petit pays comme le nôtre d'avoir des ministres plénipotentiaires au traitement de 40,000 que nous devrions nous contenter de chargés d'affaires laborieux et instruits, qui, plus utiles peut-être, seraient bien moins coûteux.
Je partage cet avis, messieurs, je dois cependant reconnaître, comme je l'ai fait l'année dernière, qu'il y aurait quelque danger à remplacer nos ministres plénipotentiaires par des agents diplomatiques d'un rang inférieur, dans un moment où nous sommes occupés à négocier avec les gouvernements étrangers des traités de commerce que le pays attend avec impatience. Dans un pareil moment, le changement de système que l'on réclame par des motifs d'économie serait intempestif, en ce qu'il pourrait apporter la perturbation et le retard dans des relations qui doivent rester amicales pour être menées à bonne et prompte fin.
Je voterai donc encore cette fois les traitements demandés pour nos ministres plénipotentiaires, à l'exception d’un seul qui me parait peu utile, mais je me réserve de les refuser aussitôt que les circonstances le permettront.
- Le chiffre de 40,000 fr. est adopté.
« Art. 2. Confédération germanique : fr. 40,000 »
« Art. 3. France : fr. 60,000 »
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000 »
« Art. 5. Pays-Bas : fr. 50,000. »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, les rapports politiques et commerciaux que nous avons avec la cour de Rome et les petits Etats d'Italie ne sont pas plus importants que ceux que nous avons avec beaucoup d'autres pays où nous n'envoyons que des chargés d'affaires.
La cour de Rome a une grande importance sous le rapport religieux ; mais notre gouvernement ne pouvant, aux termes de la constitution, s'immiscer dans les affaires religieuses, notre ministre plénipotentiaire à Rome n'a pas à s'en occuper.
Ce peu de mots suffiront pour justifier l'amendement que j'ai l'honneur de vous soumettre et qui tend à remplacer notre ministre plénipotentiaire à Rome, par un chargé d'affaires au traitement de 15,000 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Messieurs, l'amendement présenté par l'honorable M. Delfosse a déjà été produit plus d'une fois dans cette enceinte, encore l'année dernière, par exemple. Les arguements qu’il a fait valoir alors ayant été réfutés d’une manière victorieuse, comme le prouve le vote émis par la chambre, je me dispenserai d’entrer dans de longues considérations à cet égard. Je ferai seulement remarquer qu’un simplke chargé d’affairees ne pourrait se mettre en communication ni avec Sa Sainteté, ni même dans certaines circonstances, avec le cardinal secrétaire d’Etat ; il ne pourrait traiter qu’avec des agents de deuxième ordre, et dès lors l’Etat ne retirerait que très peu d’utilité des fonds qui seraient alloués à une mission ainsi réduite.
M. Delfosse. - Il paraît que M. le ministre a pris le parti de ne pas répondre aux observations qu'on lui présente ; cela est fort commode. M. le ministre me dit que l'on m'a répondu l'année dernière, que mon amendement a été rejeté l'année dernière ; mais ce n'est pas là une raison, M. le ministre doit savoir comme moi que les majorités peuvent avoir tort.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - J'ai ajouté une autre considération.
M. Delfosse. - Qui n'a rien de sérieux.
- Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000 »
« Art. 8. Turquie : fr. 40,000 »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 9. Bavière (pour mémoire) »
M. le président. - La section centrale propose la suppression de ce libellé, attendu qu'il n'y a pas de crédit demandé.
M. le ministre se rallie-t-il à cette suppression ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) – Oui, M. le président.
- La suppression est adoptée.
« Art. 10. Brésil : fr. 21,000 »
« Art. 11. Danemark : fr. 15,000 »
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000 »
« Art. 13. Etats-Unis : fr. 25,000 »
« Art. 14. Grèce : fr. 15,000. »
- Ces divers articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 15. Villes anséatiques : fr. 15,000 »
M. Lys. - Il est quelque peu désagréable, messieurs, de parler de noms propres, mais le gouvernement aurait pu m'en dispenser chez moi, le devoir aura toujours le pas sur les convenances ; d'ailleurs, c'est la cinquième section, dont je ne fais pas partie, qui a fait la première proposition, et, après elle, M. le ministre des affaires étrangères a cité le nom de M. Dujardin.
« La cinquième section a demandé des renseignements sur les traitements et indemnités dont jouit le chargé d'affaires près des villes anséatiques ; tant à raison de la légation que comme membre de la commission d'Utrecht, et à cause de toutes autres missions. Elle croit que le chargé d'affaires dont il s'agit cumule le traitement qui suppose sa résidence avec une indemnité pour sa résidence effective à Utrecht, ce qui serait un abus. L'état de situation arrêté au 10 septembre 1841, prouve qu'il y avait déjà 10,000 fr. dépensés sur le présent crédit de 15,000 fr. En conséquence, la section a invité la section centrale à se faire donner des renseignements sur ce point, sur lequel elle appelle son attention.
« Cette demande ayant été transmise à M. le ministre des affaires étrangères, celui-ci a fourni en réponse la note dont la teneur suit :
« Depuis la nomination de M. Dujardin en qualité de chargé d'affaires à Hambourg, sa présence ayant été jugée nécessaire à Utrecht, il y a été envoyé pour coopérer aux arrangements de notre liquidation avec la Hollande, et a touché, pendant son séjour à Utrecht, une indemnité de 45 francs au lieu de celle de 60, précédemment fixée pour la commission de liquidation ; la réduction de 15 francs, que l'on signale ici, s'est également étendue aux autres commissaires.
« M. Dujardin, dans cette circonstance, a été traité comme tous les agents diplomatiques chargés de missions en dehors de leurs fonctions ordinaires.
« Il n'en a pas été de même durant le séjour de trois mois qu'il a fait à Bruxelles pour entrer en conférence avec M. Borett. Il n’a durant ce laps de temps joui d'aucune indemnité.
« Voici quelques détails quant à sa mission auprès de la cour de La Haye. Il a dû se rendre dans cette résidence au moment où tous ses préparatifs de départ pour Hambourg étaient terminés. Il a d'abord séjourné à la Haye du 11 au 14 octobre ; le 15, il est revenu à Bruxelles pour affaires urgentes. Une somme de 443 fr. 20 c. lui sera remboursée du chef des avances qu'il a faites pour ce voyage.
« Du 16 au 22, il est resté à Bruxelles, ne jouissant que de son traitement de chargé d'affaires.
« Le 23 octobre, il est reparti pour La Haye, d'où il est revenu de nouveau le 18 novembre, Les frais de voyage et de (25 jours) séjour relatifs à cette deuxième période de sa mission, s’élèvent à 1,807 fr. 93 c.
« Il est à remarquer qu'en mettant ses services à la disposition de l'Etat, dans ces diverses circonstances, M. Dujardin et sa famille se sont trouvés dans une position fort pénible, par suite de la manière inattendue dont ces changements momentanés de résidence ont eu lieu, et de l'ignorance où il est encore, à l'égard de leur durée. »
« M. Dujardin avait déjà quitté la demeure qu'il occupait à Bruxelles ; ses meubles et effets étaient déjà emballés, et il logeait avec sa famille à l'hôtel, lorsque les négociations avec le cabinet de La Haye sont venues ajourner son départ pour Hambourg. Le surcroît de dépenses auquel cet arrangement provisoire l'entraînait l'ont décidé à reprendre un appartement garni, dans une maison particulière. »
Il résulte de la réponse susdite que la première vacation de 5 jours a été payée à 88 fr. 60 c, par jour ; la seconde, de 23 jours, à 72 fr. 20, et que le traitement de l'année, payé sur le même pied que chacun des autres commissaires, donne 16,423 fr,
Je ne vois rien de bien pénible dans un contre-ordre de départ ; il n'y a même pas là un surcroît de dépenses. Toute la différence consiste en un appartement garni qu'on occupe à Bruxelles et un hôtel qu'on aurait occupé à Hambourg,
Je ne pense pas, comme le dit M. le ministre, que notre chargé d'affaires aurait transporté ses meubles de Bruxelles à Hambourg ; dès lors il en a été quitte pour déballer ses effets qu'on nous dit avoir été emballés. .
Je ne puis admettre un cumul qui ferait plus que doubler le traitement ; je propose donc d'annuler ce traitement pour le chargé d'affaires des villes anséatiques, si mieux n'aime M. le ministre consentir la réduction de quinze mille francs, au chap. 8, article unique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - La meilleure preuve, messieurs, que le gouvernement ne perd pas de vue, le système d'économie qui nous est recommandé par le préopinant, c'est qu'il a fait un appel au patriotisme des membres de la commission d'Utrecht, et qu'ils y ont répondu en accédant à une diminution d'un quart sur l'indemnité qui leur avait été allouée. Elle a été réduite de 60 à 45 fr. par jour. ,
Pour répondre à l'honorable M. Lys, je pourrais me borner à citer les précédents établis dans notre diplomatie.
Il est constant que depuis 10 ans les choses se sont passées ainsi. Toutes les fois qu'un fonctionnaire quelconque a été envoyé en mission, non seulement il a continué à jouir de son traitement, mais il a encore eu droit à une indemnité à raison des dépenses nouvelles qu'il était obligé de faire. Cette fois encore il n'y a pas cumul de deux traitements : il y a traitement et indemnité.
Je regrette, messieurs, qu'un nom propre ait été cité dans cette discussion ; je prie la chambre de croire que je ne serais pas entré dans des détails de ce genre si j'avais pu penser qu'ils dussent être livrés à la publicité.
M. Mercier. - J'avais demandé la parole pour déclarer que les explications données par le gouvernement et dont nous avons reçu communication par le rapport de la section centrale m'ont paru tout à fait satisfaisantes.
Le gouvernement, considérant ce qu'ont de désagréable et d'onéreux les déplacements momentanés et fréquents, accorde des indemnités à ceux de nos agents qui doivent les subir ; c'est ainsi que tous les fonctionnaires qui ont rempli une mission à Utrecht ont touché une indemnité indépendamment du traitement dont ils jouissaient : le diplomate dont a parlé l’honorable M. Lys a sous ce rapport été traité comme les autres membres de la commission d’Utrecht ; et si l'observation de M. Lys était juste, ce qui est contraire à mon opinion, elle devrait être générale au lieu de s'attacher spécialement à un des membres de cette commission.
Bien plus, celui dont l'honorable membre vous a entretenus, a été traité moins favorablement que ses collègues ; le gouvernement ayant jugé qu'il pouvait rendre de plus grands services à Bruxelles en prenant part à des négociations officieuses qu'à Utrecht même, l'a momentanément rappelé de cette ville, et nous voyons par les explications du ministère que, pendant son séjour à Bruxelles, il a été privé des indemnités dont ses collègues continuaient à jouir à Utrecht ; il a donc éprouvé un véritable dommage, alors qu'il ne faisait que rendre de plus grands services.
J'ai cru, messieurs, devoir entrer dans ces explications pour que le véritable état des choses fût bien compris.
M. Lys. – M. le ministre des affaires étrangères répond à mes observations que l'indemnité et le traitement ont toujours été cumulés lorsqu'il s'est agi de donner une mission particulière, soit à un ministre, soit à un chargé d'affaires. Mais, messieurs, c'est là un véritable abus ; je dis qu'agir de la sorte c'est grever le trésor de l'Etat fort inutilement.
Je conviens que si notre chargé d'affaires à Hambourg avait loué une maison dans cette résidence, il aurait eu droit à une indemnité de ce chef, mais il n'en est pas du tout ainsi.
L'honorable M. Mercier n'a rien dit non plus qui puisse réfuter mes observations. Il a dit que M. Dujardin était dans une position plus défavorable que les autres commissaires d'Utrecht, puisqu'il est revenu à Bruxelles et qu'il n'a pas touché d'indemnité.
Mais s'il n'a pas touché d'indemnité d'Utrecht, il a alors toujours touché son traitement comme chargé d'affaires à Hambourg. J'attaque le cumul quand il existe et je persiste à demander la réduction que j'ai proposée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Rien ne serait plus désavantageux au service de l'Etat que le système que l'on vient de mettre en avant. Qui ne voit, en effet, que. si les fonctionnaires n'avaient droit à aucune indemnité, à raison des déplacements qu'on leur fait subir lorsqu'on les charge d'une mission confidentielle, ces missions qui demandent avant tout de la bonne volonté et du zèle, ne seraient plus acceptées qu'avec répugnance et conduites qu'avec tiédeur. Or, il importe au pays que le gouvernement puisse disposer à son gré et selon les nécessités du moment, des personnes qui ont l'habitude et le talent des affaires diplomatiques.
M. Lys. - Il me suffira, messieurs, d'avoir signalé l'abus dont je me suis plaint. Je ne veux pas appliquer .la réduction que j'ai proposée, plutôt à M. Dujardin qu'à d'autres, je voulais l'appliquer généralement. Je retirerai en conséquence mon amendement, sauf à le reproduire plus tard, si les mêmes abus se renouvelaient.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je prie la chambre de remarquer que sous le ministère actuel, les indemnités ont été réduites de 60 fr. à 40. Il est incontestable que lorsque les fonctionnaires publics, sur la demande du gouvernement, se chargent d'une mission accessoire, ils ont droit de ce chef à une indemnité. Il n'y a pas là de véritable cumul. La seule question dont il puisse s'agir, c'est celle de savoir si l'indemnité est trop élevée. Le gouvernement a examiné cette question ; les membres des commissions voyant que les travaux se prolongent, ont réduit l'indemnité de 60 francs à 45.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 16. Portugal : fr. 15,000. »
« Art. 17. Sardaigne : fr. 15,000. »
« Art. 18. Suède : fr. 15,000. »
« Article unique. Traitements des agents consulaires : fr. 110,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Traitements des agents politiques en inactivité, de retour de leur mission, sans qu’ils soient remplacés : fr. 10,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses divers : fr. 70,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 75,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 30,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Article unique. Pour faire face aux dépenses qui résulteront du traité de paix avec les Pays-Bas : fr. 75,000. »
M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères (et j'espère que cette fois il me répondra) pourquoi la commission mixte qui siégé à Anvers a été très longtemps sans se réunir. Si les renseignements que l'on m'a donnés sont exacts (et j'ai lieu de les croire tels), cette commission ne s'était pas réunie une seule fois depuis le changement de ministère et ce n'est que dans les derniers temps, à l'approche de la session, probablement afin que l'on pût dire à la chambre que l'on fait quelque chose, que cette commission a été convoquée. Cependant M. le ministre des affaires étrangères doit savoir que le pays attache la plus grande importance à la conclusion des travaux de cette commission. Il est plusieurs branches d'industrie très considérables qui dépérissent et qui ne pourront reprendre un peu d'activité que lorsqu'on aura fait disparaître les causes qui entravent nos relations commerciales avec la Hollande. Je citerai entre autre la navigation de la Meuse. .
Puisque j'en suis à ce point, j'appellerai aussi l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur un bruit qui circule et qui, je l'espère, est dénué de fondement. On assure que les membres de la commission mixte qui appartiennent à la ville d'Anvers veulent sacrifier la navigation de la Meuse à celle de l'Escaut ; ils seraient, dit-on, disposés à faire des concessions qui porteraient préjudice à la navigation de la Meuse pour en obtenir en retour qui seraient favorables à celle de l'Escaut. Ce serait là un moyen d'enlever à la province de Liége ses communications directes avec la Hollande et de la forcer à passer par Anvers. Je ne puis croire, messieurs, à tant d'égoïsme, surtout de la part de ceux qui ont déjà obtenu le rachat du péage de l'Escaut ; et j'invite sérieusement M. le ministre des affaires étrangères à faire respecter nos droits s'ils pouvaient être méconnus.
Je lis dans le rapport de l'honorable M. Dumortier, et c'est un point sur lequel on est tombé d'accord dans la discussion, qu'on avait réduit à 45 fr. l'indemnité de 60 fr. par jour, allouée précédemment aux membres de la commission d'Utrecht. Cette réduction doit en amener une dans le chiffre du budget. Je propose donc de réduire le chiffre de 75,000 fr. à 60,000,fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Je ferai d'abord remarquer à l'honorable préopinant que lorsque la chambre a alloué pour la première fois la somme de 75,000 francs, elle croyait que les travaux de la commission d'Utrecht ne dureraient que six mois. Ce chiffre aurait été tout à fait insuffisant pour une année entière, et cela est si vrai qu'un crédit supplémentaire considérable a dû être déjà demandé l'an passé, et que l'on sera encore obligé de vous faire cette année une demande de fonds pour cet objet.
Je crois que l'honorable préopinant se trompe encore lorsqu'il veut préciser l'époque où la commission de navigation s'est réunie à Anvers. Ce n'est pas immédiatement avant la réunion de la chambre que cette commission s'est rassemblée, c'est vers la fin de juillet, si ma mémoire ne me trompe pas, ou dans les premiers jours du mois d'août.
Quant à la recommandation que nous fait l'honorable préopinant, relativement à la Meuse, il peut être certain que les intérêts des riverains de ce fleuve ne seront pas plus négligés par le gouvernement que ceux des habitants d'Anvers.
M. Delfosse. - Le chiffre qui a été voté l'année dernière, l'a été pour toute l'année, et non pas pour six mois. Je demanderai s'il n'a pas suffi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) – Le chiffre n'a pas suffi, puisque je devrai demander un crédit supplémentaire de 30,000 fr.
M. Delfosse. - Alors je n'insisterai pas, le crédit n'est d'ailleurs qu'éventuel.
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire remarquer que le crédit qui a été alloué pour 1841, n'a pas été suffisant et que le gouvernement sera dans la nécessité de demander un crédit supplémentaire ; dès lors il serait imprudent de réduire le chiffre pétitionné pour l'année 1842. Tout en votant pour ce chiffre, je n'en insiste pas moins pour qu'on apporte le plus d'économie possible dans ce service.
M. Rogier.- Messieurs, les travaux des diverses commissions chargées de l'examen des questions qui se rattachent à l'exécution du traité de paix, s'étant prolongés au-delà du temps qui avait paru nécessaire dans le principe, je crois que le ministère actuel a bien fait de réduire l'allocation attribuée à quelques membres de cette commission. Je ne pense pas qu'en signalant cette réduction à la chambre, le cabinet ait cependant entendu blâmer le chiffre primitif de l'allocation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non.
M. Rogier. - Ce n'est donc pas sur ce point que je prendrai la parole.
Je désire seulement compléter la réponse du ministre des affaires étrangères à une assertion de l'honorable M. Delfosse, en ce qui concerne les membres de la commission mixte d'Anvers, appartenant à cette ville.
D'après un bruit qui serait parvenu aux oreilles de l'honorable membre, les trois commissaires anversois se seraient montrés disposés à sacrifier les intérêts de la Meuse aux intérêts de l'Escaut. Je ne sais à quelle source ce bruit a été puisé ; mais moi qui ai eu l'honneur de présider assez longtemps cette commission mixte, je dois déclarer qu'un pareil bruit est dénué de tout fondement ; que les honorables citoyens qui font partie de la commission sont tous également animés d'un esprit impartial pour toutes les questions qu'ils ont à débattre. Quant à ce qui concerne particulièrement la Meuse, les intérêts de cette rivière importante ont été confiés à deux commissaires spéciaux ; eh bien, l'impartialité de la commission a été si grande qu'elle ne s'est pas occupée de la question relative à la Meuse, qu'elle en a confié le soin exclusif aux deux membres envoyés par la chambre de commerce de Liége, et je suis convaincu que les points qui auront été arrêtés entre les deux commissaires liégeois et les commissaires hollandais, seront acceptés par la commission mixte. Les commissaires anversois auront donc fait preuve d'une impartialité toute particulière.
Je devais à ces honorables citoyens qui remplissent leurs devoirs avec un zèle et un désintéressement digne de tout éloge ; je leur devais cette rectification de l'assertion émise par l'honorable membre. Je sais qu'il ne l’a présentée que sous forme de doute, et qu'il ne l'a rapportée que comme un bruit qui serait venu jusqu'à lui. C'est pourquoi j'ai pris sur moi de démentir ce bruit, et de détruire l’impression qu'il aurait pu produire sur l'esprit de cette chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous nous associons aux sentiments qui viennent d'être exprimés par l'honorable préopinant. Il y a deux bruits qui se reproduisent à des époques périodiques : à Gand, on prétend que la commission d'Anvers, dominée par un intérêt exclusivement anversois, sacrifiera le canal de Terneuzen ; on prétend également à Liége que la même commission sacrifiera la Meuse par la même raison.
Le gouvernement espère terminer les négociations en faisant droit à la fois et aux intérêts de la Flandre, et à ceux de la province de Liège ; ni le canal de Terneuzen, ni la Meuse ne seront sacrifiés ; il sera fait droit, entre autres, en ce qui concerne le canal de Terneuzen, aux réclamations que l'honorable M. Delehaye nous a rappelées dans la discussion générale.
L'honorable M. Delfosse a fait un reproche au gouvernement, et il y a persisté, de la réunion prétendûment tardive de la commission d'Anvers. Il est évident qu'un ministère, en se constituant, n'a pas par là l'omniscience, Il faut d'abord qu'il prenne connaissance des affaires ; c'est ce qu'il a fait pour toutes les questions qui se traitent à Anvers : il s'est rendu compte de l'état des travaux de cette commission. Il avait à examiner des questions très difficiles qui avaient été soumises au ministère précédent, et que ce ministère n'avait pas résolues. Dès que l'opinion du cabinet actuel a été formée, il a donné des instructions à la commission d'Anvers ; la plus grande impulsion a été imprimée aux travaux de cette commission. La question de la Meuse n'était pas abordée : comme l'a dit l'honorable M. Rogier, la commission d'Anvers, pour donner une preuve de son impartialité, a confié l'examen de cette question aux commissaires liégeois : la question de la Meuse est maintenant examinée. La question du canal de Terneuzen n'était pas non plus traitée ; on la traite en ce moment. On s'était occupé de la question des eaux intérieures, mais très vaguement, sans formuler des propositions positives ; eh bien, toutes ces propositions sont en ce moment discutées et rédigées.
Je dirai en confirmant ce qu'a dit l'honorable M. Rogier, qui supposait que les propositions des deux commissaires liégeois seraient adoptées par la commission ; je dirai que nous pouvons déclarer maintenant qu'elles l'ont été ; que l'œuvre des commissaires liégeois est devenue l'œuvre de la commission entière à l'exception d'un point qui n'est pas une question de navigation, sur lequel le gouvernement statuera. Je dis ceci pour faire cesser les préventions qui existent à Liége et à Gand sur l’esprit qui anime les membres de la commission d'Anvers, qui appartiennent à cette ville.
M. Delfosse. - Messieurs, je suis charmé d'apprendre que le bruit dont j'ai parlé, et dont Liége devait à bon droit s'alarmer, est dénué de fondement ; l’honorable M. Rogier vient de rendre hommage à l'impartialité qui anime les membres de la commission mixte d'Anvers, je me plais à croire que cet éloge est mérité, il m'en eût trop coûté de croire que nous n'avions pas de justice à attendre d'eux. Je dois cependant faire observer que l'honorable M. Rogier ne peut pas savoir ce qui s'est passé dans la commission depuis qu'il a cessé d'en faire partie, mais les paroles que M. le ministre de l'intérieur vient de prononcer sont de nature à nous rassurer et j'en prends acte.
M. le ministre de l'intérieur a en outre proclamé une vérité qu'il est impossible de contester, e'est qu'il faut quelque temps avant qu'un ministère puisse se mettre au courant de questions importantes telles que celles qui sont soumises à la commission d'Anvers ; mais ce que M. le ministre de l'intérieur nous a dit là-dessus ne se concilie guère avec ce que M. le ministre des affaires étrangères nous disait tantôt que la commission d'Anvers s'était réunie plusieurs fois depuis la formation du ministère.
M. Delehaye.- M. le ministre de l'intérieur vient de dire que les réclamations de Liége ont été admises. M. le ministre ne pourrait-il pas en dire autant des réclamations de Gand ? ne pourrait-il pas nous annoncer que nous serons également délivrés du droit de 54 cents qu'on nous fait payer sur le canal de Terneuzen ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il ne faut pas donner une trop grande portée aux travaux des commissions ; ce ne sont pas des autorités, ce ne sont que des conseils. Le gouvernement ferait respecter tous les droits, les droits des habitants des Flandres aussi bien que les droits des habitants de Liège, si tant est que la commission d'Anvers pût les méconnaître. La commission est purement consultative. Il y a des points sur lesquels elle peut varier ; il peut y avoir désaccord entre ses membres, mais c'est alors le gouvernement auquel en définitive ils doivent en référer pour fixer les bases des arrangements.
Quant au canal de Terneuzen, je dois me borner à répéter que les efforts du gouvernement tendent à faire droit aux réclamations des Flandres, qui consistent à ce qu'on place la ville de Gand, par rapport à la navigation maritime, dans la même position que la ville d'Anvers.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
La chambre passe au vote des articles de la loi.
« Art. 1er. Le budget du département des affaires étrangères, pour l'exercice 1842, est fixé à la somme de 1,060,300 francs. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1842. »
- Adopté.
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.
68 membres répondent à l'appel.
67 membres répondent oui.
1 membre répond non.
Le projet de loi est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
M. Angillis a répondu non.
Ont répondu oui : MM. Brabant, Coghen, Cools, David, de Behr, Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Malou, Delfosse, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dubus (aîné), B Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Orts, Lejeune, Lys, Maertens, Meeus, Mercier, Jonet, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirson, Henot, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Zoude et Fallon.
La séance est levée à 4 1/2 heures.