(Moniteur belge n°45 du 14 février 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. Lejeune procède à l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Lejeune présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Alexandre, ex-professeur à Marche, demande un traitement d’indemnité, ou une place semblable à celle qu’il a perdue. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Rodenbach demande un congé.
- Accordé.
M. de Terbecq fait la même demande.
- Accordé.
« Des cultivateurs de Peruwelz et communes environnantes demandent une législation protectrice du sucre indigène. »
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, la dernière pétition dont il vient d’être fait l’analyse est signée par environ 200 cultivateurs appartenant au canton de Peruwelz. Cette pétition étant d’un haut intérêt, je demanderai que la commission soit invitée à faire un prompt rapport. Je demande aussi qu’une copie de la pétition soit transmise à M. le ministre des finances, qui est occupé en ce moment d’un projet sur cette matière, projet qui, je le suppose, nous sera incessamment présenté.
Cette question est d’autant plus importante qu’il s’agit ici d’une industrie toute nationale ; c’est de l’industrie des sucres de betteraves que je veux parler. Cette industrie, messieurs, donne du travail à la classe ouvrière des campagnes ; elle dépense annuellement en main-d’œuvre une somme de 1,055,000 francs. Je pense que la classe ouvrière, et en général la population des campagnes, mérite et doit exciter toute notre sollicitude. Il y a plus l’industrie dont il s’agit consomme une quantité énorme de houille, qui est évaluée à 42,000,000 hectolitres, d’une valeur, rendue à la fabrique, de près d’un million, ce qui est constaté dans un Mémoire qui vient de nous être distribué et dont je recommande la lecture et la méditation à mes collègues. On ne doit pas perdre de vue, en outre, qu’il est urgent d’apporter des modifications à la législation des sucres dans l’intérêt du trésor.
Je demande donc que la pétition soit renvoyée à la commission, avec invitation de faire un prompt rapport, et qu’en outre une copie en soit envoyée à M. le ministre des finances.
Puisque j’ai la parole, je rappellerai qu’une pétition est arrivée à la chambre, il y a quelques jours, de la part des cultivateurs de la province de Liége : ils demandent que la chambre interprète la loi sur la contribution personnelle, en ce qui concerne les chevaux montés quelquefois, mais employé presque exclusivement à l’agriculture.
Je prierai la commission de faire son rapport sur cette pétition le plus tôt possible. La chose est d’autant plus urgente que dans ce moment l’on est occupé à recevoir les déclarations des contribuables, pour faire les rôles de la contribution personnelle.
La chambre consultée décide que la pétition des cultivateurs du canton de Peruwelz sera renvoyée à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport ; elle ordonne en outre le renvoi au département des finances.
M. Duvivier – Messieurs, j’ai cité hier le chiffre de la somme que présenteraient les pensions actuelles de la caisse de retraite qui excèdent 6,000 francs.
Quelques-uns de mes honorables collègues m’ayant paru douter de l’exactitude de ce chiffre, en voyant qu’il était si peu élevé ; c’est ce qui motive le nouveau renseignement que je vais donner à cet égard ; je me suis rendu de nouveau à la trésorerie, j’ai levé avec toute l’exactitude possible un extrait du grand livre des pensions, et il en résulte que, dans ce numéro, il n’existe plus que 4 pensions qui excèdent la somme de 6,000 francs ; le chiffre total de cet excédant est bien celui que j’ai eu l’honneur de citer hier, et qui est de 5,990 francs. Voilà la charge qui incombera au trésor de ce chef.
M. le président – Nous sommes arrivés aux amendements proposés par M. le ministre des finances, sous le titre II du chapitre III « Pensions des veuves et enfants. »
M. le ministre propose de supprimer les articles 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 (cette suppression est adoptée par la section centrale), et de la remplacer par les dispositions suivantes :
1° « Il sera créé, dans chaque département ministériel, des caisses ou fonds de pensions au profit des veuves et orphelins des magistrats, fonctionnaires, employés et ministres des cultes qui admettent le mariage pour leurs ministres. »
La section centrale propose de remplacer cette dernière phrase par celle-ci : « A qui le mariage est permis. »
M. le ministre des finances se rallie à cette rédaction.
M. Dubus (aîné) – Il est bien entendu, je crois, qu’il y aura des caisses séparées pour les différentes catégories de fonctionnaires. Je fais cette observation, parce que, lorsque ce système de caisse de pensions pour les veuves a été mis en avant, on a objecté que les départements ministériels comprenaient des ordres de fonctionnaires tout à fait différents. Le département de la justice, par exemple, comprend à la fois l’ordre judiciaire, les prisons, les cultes ; il est entendu sans doute qu’on établira des caisses spéciales pour les catégories spéciales de fonctionnaires. C’est ainsi que je comprends l’article.
M. de Behr – Messieurs, l’intention de la section centrale et du gouvernement a été, en effet, d’établir une caisse différente dans chaque ministère pour chaque catégorie de service. S’il avait le moindre doute, il serait préférables d’ajouter à l’article ces mots : « Par catégories de fonctionnaires. » J’en fais la proposition.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est ainsi que le gouvernement se proposait d’appliquer l’article.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, il faut entendre la loi dans ce sens, d’autant plus que les départements ministériels ne conservent pas d’une manière incommutable leurs attributions. Il n’y a pas longtemps encore que le ministère de l’intérieur a donné l’exemple d’un changement d’attributions ; d’autres changements de ce genre peuvent encore avoir lieu, ils sont dans le domaine du pouvoir exécutif ; il s’en suit que l’on ne peut pas amalgamer, sous le rapport des retenues, des administrations essentiellement différentes, telles que l’ordre judiciaire et l’administration des prisons, par exemple ; il n’y a pas de doute à cet égard.
L’article avec l’addition proposée par M. de Behr est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à l’article suivant des nouvelles propositions de M. le ministre des finances : cet article est ainsi conçu :
« Le revenue de ces caisses se composera :
« 1° D’une retenue qui ne pourra être inférieure à 2 p.c. ni excéder 5 p.c. sur tous les traitements, sur les ¾ des remises et sur les émoluments alloués pour des fonctions susceptibles de conférer des droits à la pension, en vertu de la présente loi ;
« 2° D’une retenue de moitié du premier mois de tout traitement, remise et émoluments pour fonctions conférées à l’avenir ;
« 3° D’une retenue, pendant le premier mois, de toute augmentation de traitement, émoluments et remises ;
« 4° Des retenues déterminées par les règlements d’administration pour cause de congé, d’absence ou de punition, attribuées aux caisses actuellement existantes ;
« 5° De parts dans les produits des amendes, saisies et confiscations ;
« 6° D’une retenue extraordinaire de 1 ½ p.c. sur le traitement des employés qui ont des services militaires à faire valoir pour la liquidation éventuelle de la pension de leurs veuves ou orphelins ;
« 7° De telle subvention extraordinaire à charge des employés que les pensions de la caisse de retraite pourraient rendre nécessaire. »
La section centrale propose de supprimer, dans le paragraphe 4, les mots : « Attribués aux caisses actuellement existantes, » et d’ajouter, dans le paragraphe 5, ces mots : « Conformément aux lois et règlements en vigueur. »
M. de Garcia – Messieurs, j’aurai l’honneur de présenter une seule observation sur cet article. Le paragraphe 1° porte que la retenue ne pourra être inférieure à 2 p.c. ni excéder 5 p.c., etc.
Je trouve, messieurs, que cette disposition est renfermée dans des limites trop étroites, au moins en ce qui concerne le chiffre du minimum de la retenue. Je voudrais qu’on supprimât les mots : « Ne pourra être inférieure à 2 p.c. », et qu’on laissât au gouvernement la faculté de fixer ce tantième à un taux même au-dessous.
Je suis convaincu, par exemple, que pour la magistrature, le chiffre de 2 p.c. serait trop élevé. Il me suffira de faire une simple observation sur le passé, pour prouver ce que j’avance. Les pensions de la magistrature sont trop peu nombreuses, à cause du grand nombre d’années de service qu’on exige d’eux, et de l’âge avancé qu’on leur imposé, pour avoir droit à la pension. Voilà des considérations qui rendront ces pensions fort rares.
Le passé le prouve : depuis 1830, quoique par suite des événements politiques, beaucoup de magistrats aient été mis à la retraite, les pensions de cette catégorie n’ont été, année moyenne, que de 18,000 francs. Les pensions des veuves seront bien moins nombreuses encore, et si on les évalue au quart de celles des magistrats, je crois qu’on sera dans le vrai. Partant de là, il est évident que la retenue de 2 p.c. sur le traitement des magistrats de l’ordre judiciaire dépasserait de beaucoup les sommes nécessaires pour pourvoir aux pensions de leurs veuves et de leurs orphelins.
L’allocation au budget, pour le traitement de la magistrature, porte aujourd’hui deux millions. Avec la retenue d’un pour cent sur le traitement, et la retenue des premiers mois de traitement, on peut évaluer de 25 à 30,000 francs le produit de ces retenues, somme plus que suffisante pour pourvoir à la caisse de retraite des veuves et orphelins. Cependant, si le minimum de 2 p.c. est inscrit dans la loi, le ministre ne pourra pas l’abaisser ; Nous lions le gouvernement d’une manière désavantageuse pour la magistrature. Pour prévenir cet inconvénient et mettre le gouvernement à même de suivre les besoins de chaque administration, je propose de supprimer le chiffre qui limite le minimum de la retenue, et de ne fixer que le maximum auquel elle pourra s’élever.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallie à cette proposition.
- Ce paragraphe se trouve ainsi rédigé :
« Le revenu de ces caisses se compose :
« 1° D’une retenue qui ne pourra excéder 5 p.c. sur tous les traitements, sur les ¾ des remises et sur les émoluments alloués pour des fonctions susceptibles de conférer des droits à la pension, en vertu de la présente loi. »
Ce paragraphe est adopté.
Les paragraphes 2 et 3 sont adoptés sans discussion.
Au paragraphe 4 la section centrale propose de supprimer les mots :
« Attribuées aux caisses actuellement existantes. »
M. Dubus (aîné) – Je désirerais connaître les motifs de cette suppression.
M. Zoude, rapporteur – Nous avons proposé cette suppression parce que les caisses sont supprimées, et qu’il s’agit d’en créer de nouvelles, nous avons cru inutile de parler de ces caisses qui d’après la loi actuelle n’existeront plus.
M. Demonceau – Je ne sais si je suis dans l’erreur, mais je crois me souvenir qu’il existe des règlements qui font tomber dans le trésor public les retenues faites pour cause d’absence de congés ou de punition. Entend-on qu’à l’avenir ces retenues seront attribuées aux caisses de retraite au lieu d’être attribuées au trésor ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’intention du gouvernement n’avait pas été d’apporter de changement à ce qui existait.
D’après les règlements du département des finances, les retenues faites pour cause d’absence de congé ou de punition, sont versées dans la caisse de retraite. Ainsi la disposition est présentée dans des termes plus généraux par la section centrale que par le gouvernement. D’après le gouvernement, la caisse n’aurait eu droit qu’aux prélèvements qui se font aujourd’hui, à son profit. D’après la proposition de la section centrale, si des retenues sont faites au profit du trésor, elles auront lieu à l’avenir au profit des caisses de retraite.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je crois en effet que la disposition proposée par la section centrale a une portée plus grande que celle du projet primitif. Je ferai remarquer que dans le département des affaires étrangères, il y a, par suite de règlements déjà anciens, des retenues assez considérables que subissent les chefs de mission par suite de congé et par suite d’absence de leur mission par ordre du gouvernement. La retenue est du tiers du traitement, dont une partie est attribuée au chargé d’affaires ad interim et l’autre partie profite par forme de réduction au trésor public. Ces retenues sont parfois assez considérables ; quand elles portent sur des traitements élevés, sur les traitements des chefs de mission. La proposition de la section centrale me semblerait établir en faveur d’une caisse de retraite, peut-être celle qui aura le moins de charges à supporter, un prélèvement qui pourrait aller bien au-delà des besoins de cette caisse, au préjudice du trésor. Je crois donc qu’il faudrait excepter le département des affaires étrangères de cette retenue au profit de la caisse de retraite et laisser les choses telles qu’elles sont aujourd’hui.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il faut maintenir la rédaction primitive.
M. Dubus (aîné) – Je pense qu’il faut conserver la rédaction du ministre pour le paragraphe en discussion.
- La suppression proposée par la section centrale n’est pas adoptée.
Le paragraphe 4 proposé par le gouvernement est adopté.
Au paragraphe 5, la section centrale propose d’ajouter : « Conformément aux lois et règlements en vigueur. »
Le paragraphe 5 est adopté avec cette addition.
Les paragraphes 6 et 7 sont ensuite adoptés, ainsi que l’ensemble de l’article.
On passe à l’article suivant, dont le numéro est resté en blanc parce qu’il faudra le coordonner dans la loi.
Cet article est ainsi conçu :
« En aucun cas et à aucune époque, il ne pourra être alloué, à quelque titre que ce soit de secours, ou subvention aux caisses du fonds de pension dont la formation est prescrite par l’article n°… »
M. Delfosse – Il est bien entendu que cette disposition ne préjudicie en rien aux pensions déjà accordées à des veuves et orphelins ; par exemple, aux veuves et orphelins de professeurs de l’université de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est pour l’avenir.
M. de Behr – Il ne s’agit que des pensions qui seront conférées à l’avenir.
- L’article est adopté.
On passe à la disposition suivante :
« Des arrêtés royaux, insérés au Bulletin officiel, détermineront :
« 1° Le taux de la retenue dans la limite mentionné au n°1 de l’article …
« 2° Les conditions d’admissibilité des veuves ou orphelins à la pension, et les bases d’après lesquelles elle sera établie ;
« 3° L’administration et la gestion des fonds de pensions de veuves et orphelins. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – La section centrale a supprimé le maximum du montant de cette retenue. Cependant cette disposition est nécessaire pour pouvoir fixer par un arrêté d’administration publique, comme on le faisait dans le projet de loi, le maximum de la charge annuelle que l’on peut imposer aux fonctionnaires. D’après le projet, ce maximum était de 300 francs. Il est nécessaire de conserver au gouvernement la faculté de le déterminer quand il s’agira des arrêtés règlementaires. Je pense que c’est une omission de la section centrale.
On a également omis de parler dans cet article de la subvention extraordinaire, il faut aussi que les arrêtés royaux puissent la déterminer.
Voici comment devrait être conçu le n°1 de l’article dont il s’agit :
« Des arrêtés royaux au Bulletin officiel détermineront : 1° le taux de la retenue dans la limite mentionné au n°1 de l’article … le maximum du montant annuel de cette retenue et la subvention éventuelle dont il s’agit au n°7 de l’article précédent. »
M. de Behr – Le motif pour lequel la section centrale a adopté la rédaction qu’elle propose au n°1 en discussion, c’est qu’on aurait pu croire que le gouvernement pouvait excéder la limite.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il ne s’agit pas du maximum de la quotité de la retenue, mais du maximum du montant annuel de cette retenue. Par exemple, une retenue de 2 p.c. pourrait donner lieu à une retenue annuelle de mille francs. Or, nous ne voulons pas que la retenue monte à une somme aussi élevée. Il faut donc établir un maximum annuel. C’est du reste la reproduction de la disposition de la loi qui fixait à 300 francs le maximum de la retenue.
- Le numéro 1 est mis aux voix et adopté.
Les numéros 2 et 3 sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants :
« 2° Les conditions d’admissibilité des veuves et orphelins à la pension, et les bases d’après lesquelles elle sera établie ;
« 3° L’administration et la gestion des fonds de pensions des veuves et orphelins. »
M. Donny – Il me paraît qu’il faut ajouter à cet article un 4e paragraphe. Il faut, ce me semble, que dans les arrêtés qui seront des règlements organiques on puisse insérer des dispositions transitoires.
L’article 54 que nous avait proposé la section centrale portait que les fonctionnaires en fonction avant la promulgation de la loi, pourraient, moyennant une retenue extraordinaire d’un et demi pour cent, faire valoir éventuellement leurs anciens services pour la pension de leurs veuves et de leurs orphelins. La section centrale proposant maintenant la suppression de cet article, il faut que le gouvernement puisse dans les règlements organiques prendre de dispositions transitoires, spéciales à cette catégorie de fonctionnaires. Je propose donc un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« 4° Les dispositions transitoires que les circonstances pourront réclamer. »
M. de Behr – La section centrale n’a pas proposé la suppression de l’article 54, mais seulement la suppression de la deuxième partie de cet article. C’est une faute d’impression.
M. le président – Je propose de mettre en discussion en même temps que l’amendement de M. Donny, l’article 54 du projet de la section centrale, ces deux dispositions étant connexes.
L’article 54, d’après la suppression proposée par la section centrale, est maintenant ainsi conçu :
« Art. 54. les fonctionnaires, magistrats et employés, actuellement en fonctions, pourront se prévaloir pour la liquidation éventuelle de leur pension personnelle, de tous les anciens services civils rendus par suite de nominations à des emplois rétribués par le trésor public, quoiqu’ils n’aient pas été soumis à la retenue. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense que la disposition proposée par l’honorable M. Donny n’est pas bien nécessaire, parce qu’il n’est pas établi que les retenues doivent être uniformes. On pourrait même admettre qu’en suivant l’esprit de la loi elles peuvent différer entre elles. Ainsi, tout fonctionnaire entrant dans l’administration serait soumis à une retenue de 2 p.c., tandis que les fonctionnaires qui auraient des années de services antérieurs seront soumis à une retenue de un et demi de plus, afin de faire valoir les années de services pour la liquidation éventuelle de la pension de leurs veuves et orphelins.
Il me paraît donc que la disposition proposée n’est pas nécessaire ; on pourra, dans les règlements d’administration publique, comprendre des dispositions spéciales relatives à ceux qui sont déjà en fonctions.
M. Donny – Du moment que le gouvernement pense qu’il peut insérer dans les règlements organiques des caisses des dispositions relatives aux fonctionnaires en place, je retire mon amendement qui n’avait d’autre but que de leur assurer cette faculté. Du moment que cette faculté est assurée sans mon amendement, il devient inutile.
M. Demonceau – Avec la suppression proposée par la section centrale, est-il entendu que le fonctionnaire qui voudra subir une certaine retenue sur les traitements qu’il a reçus avant la publication de la loi, pourra ainsi produire un effet rétroactif sur la liquidation éventuelle de la pension de sa veuve ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est entendu d’après les explications que je viens de donner à la chambre, puisque je reconnais au gouvernement le droit de prendre des dispositions spéciales pour les employés en fonctions à l’époque de la promulgation de la loi.
M. de Behr – L’adoption des nouvelles dispositions qui vous ont été proposées nécessite un autre ordre dans la loi. Dans le système du projet, toutes les pensions devaient être payées par l’Etat, tant pour les fonctionnaires que pour les veuves et orphelins. Aujourd’hui, l’Etat n’intervient plus dans les pensions des veuves et orphelins. Les dispositions sur ce point sont pour ainsi réglementaires.
D’après cela, et comme les dispositions générales ne s’appliquent qu’aux pensions payées par l’Etat, je crois que l’on devrait adopter dans la loi l’ordre suivant :
1° Pensions des ministres et des fonctionnaires publics ;
2° Pensions du clergé ;
3° Dispositions générales
4° Pensions des veuves et orphelins ;
5° Dispositions transitoires.
M. le président – On pourra imprimer le projet de loi dans cet ordre pour le second vote.
M. Brabant – Je demande la parole pour attirer l’attention de la chambre sur une question qui a échappé tout à l’heure, lorsqu’on a discuté l’article qui constitue le produit des caisses de retraite. Je crois que l’on a obligé de statuer sur ce qui concerne les fonctionnaires qui passent d’un département à un autre, et qui, après avoir contribué longtemps à une caisse de retraite, la déchargent de ses obligations éventuelles envers leurs veuves et orphelins, et acquièrent des droits envers une caisse à laquelle ils n’ont pas contribué. Le paragraphe 6 stipule, il est vrai, pour les militaires. Déjà il existe au département de la guerre une caisse pour les veuves et orphelins ; cette caisse est constituée comme celle que l’on veut établir par le projet de discussion. Lorsqu’une personne qui a des services militaires à faire valoir pour la retraite passe dans un service civil, on lui impose une retenue extraordinaire d’un et demi pour cent. Ne faudrait-il pas des dispositions analogues pour les fonctionnaires qui passent d’un département à un autre, ou au moins que la caisse, libérée de ses obligations vis-à-vis du fonctionnaire qui a abandonné le département auquel cette caisse est attachée, fût obligée de rembourser une partie de ce qu’elle a reçu à la caisse envers laquelle ce fonctionnaire acquiert des droits ?
Je n’ai pas de disposition préparée, j’appelle sur ce point l’attention de la chambre, afin que M. le ministre des finances puisse rédiger une disposition dans ce sens.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’observation que vient de faire l’honorable préopinant s’était présentée à mon esprit. J’ai pensé que c’était là une disposition purement règlementaire. Il m’a paru qu’il était évident qu’une caisse ne pouvait, dans aucun cas, améliorer sa situation aux dépens d’une autre caisse, que par conséquent, lorsqu’un employé de l’ordre civil passerait d’une administration dans une autre, ou d’un département dans un autre, il y aurait un décompte. Mais c’est une disposition qui sera prévue dans les arrêtés d’administration.
M. de Behr – Je voulais faire la même observation que M. le ministre des finances ; ce cas a été examiné dans la section centrale ; elle a cru aussi qu’il y aurait des restitutions à faire d’une caisse à une autre ; mais cet objet serait naturellement réglé par des arrêtés.
M. Brabant – Mais, dans ce cas, il faudrait que l’article qui se trouve au bas de la page 2 du projet du gouvernement contînt un paragraphe 4, indiquant que des arrêtés pourront statuer sur cet objet. Car vous déterminez les objets sur lesquels des arrêtés royaux et des règlements d’administration pourront statuer. Je crois que cet article est limitatif, et que le gouvernement ne pourra excéder les limites qu’il fixe.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – La loi renferme les dispositions essentielles, les bases d’après lesquelles on devra agir. Mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’y introduire une disposition secondaire qui, du reste, est de toute équité, qui est très simple en elle-même, et qui ne change rien à la position des employés. Il me paraît donc inutile de comprendre dans l’article un paragraphe 4 pour introduire cette disposition.
Toutefois, si l’honorable préopinant présentait un amendement dans ce sens, nous ne nous y opposerions pas.
M. de Behr – La disposition que l’honorable M. Brabant voudrait introduire dans la loi, rentre dans les expressions générales : Mesures d’administration et de gestion des fonds.
- L’article 54 est adopté.
M. le président – Nous arrivons maintenant à l’article 15 du projet primitif. Il est ainsi conçu :
« Art. 15. Seront admis, comme susceptibles de conférer un droit à la pension, les services civils et judiciaires qui auront été rendus par suite de nominations faites en exécution des lois ou émanées du gouvernement, rétribués sur les fonds du trésor et assujettis à la retenue au profit du trésor ou des caisses de retraite supprimées.
« Il en sera de même des services militaires pour lesquels l’ayant droit déclarera, dans les six mois de la date de la présente loi, ou dans les six mois de sa nomination à un emploi civil ou judiciaire, vouloir s’assujettir, au profit du trésor, à une retenue extraordinaire de 1 ½ p.c. du traitement dont il jouira.
« Les services ne seront comptés que de la date du premier traitement d’activité, à partir de l’âge de 18 ans accomplis, sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, qui ne sera pas soumis à ces deux conditions. »
Je procéderai encore par paragraphes, attendu qu’il est proposé des amendements tous.
Au paragraphe 1er, la section centrale propose de supprimer ces mots : « et assujettis au profit du trésor et les caisses de retraite supprimées. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallie à cet amendement.
- Ce paragraphe ainsi modifié est adopté.
M. le président – La section centrale propose de remplacer le second paragraphe par la disposition suivante :
« Il en sera de même des services militaires. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est conforme à ma proposition.
Le second paragraphe est adopté.
M. le président – M. de Puydt a proposé un amendement au paragraphe 3 ; la section centrale estime qu’il y a lieu d’admettre cet amendement et propose en conséquence de rédiger ainsi le paragraphe :
« Les services ne seront comptés que de la date du premier traitement d’activité, à partir l’âge de 18 ans accomplis, sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, qui ne sera pas soumis à ces deux conditions ; et pour les fonctionnaires ayant servi dans l’armée, auxquels il est compté, à titre d’études préliminaires, par les lois organiques des établissements du gouvernement où il sont reçu leur instruction, un certain nombre d’années d’ancienneté en sus de leur temps de service. »
M. de Puydt – Je me rallie à la rédaction de la section centrale.
M. de Garcia – Messieurs, je viens attaquer l’amendement proposé par l’honorable M. de Puydt et appuyé par les conclusions de la section centrale. Cet amendement me paraît inutile ou contraire à des principes de lois existants. Les services militaires doivent toujours compter à l’intéressé, lorsqu’il passe à des fonctions civiles ; cela résulte de l’article en discussion et des articles 54 et 55 de la présente loi.
Voici commet sont conçus ces articles :
« Art. 54. Les fonctionnaires, magistrats et employés actuellement en fonctions, pourront se prévaloir, pour la liquidation éventuelle de leur pension personnelle, de tous leurs anciens services civils rendus par suite de nominations à des emplois rétribués par le trésor public, quoiqu’ils n’aient pas été soumis à la retenue. »
« Art. 55. Les employés qui ont eu des services militaires ou autres admis aux termes de l’article 60 du règlement du 29 mai 1822, ou admissibles de plein droit suivant l’article 59 du même règlement sont maintenus dans la jouissance des droits qu’ils ont acquis de ce chef. »
Aux termes de ce dernier article, tout militaire qui passe de cet état des fonctions civiles a le droit de faire valoir ses années de services militaires pour les computer sur les années de ses services dans les fonctions civiles.
A cette fin, il lui suffit de produire un état qui établisse ses années de services militaires, le tout conformément aux lois et règlements sur les pensions militaires. La loi des pensions militaires comprend ou ne comprend pas comme années de services le temps passe aux écoles spéciales. Si cette loi considère le temps passé aux écoles spéciales comme années de services dans la carrière militaire, l’amendement de l’honorable M. de Puydt devient complètement inutile. Si elle ne les comprend pas, cet amendement établirait une véritable anomalie entre la loi que nous discutons et la loi des pensions militaires.
D’après la loi que nous discutons, on compterait comme années de services, celles passées aux écoles spéciales aux personnes qui passeraient des fonctions militaires à des fonctions civiles, et on ne les compterait pas au militaire qui continuerait à rester dans son état. Je pense donc, messieurs, que l’amendement dont s’agit est inutile, et que s’il pouvait avoir une portée, il établirait une contradiction manifeste entre la loi des pensions civiles et la loi des pensions militaires.
M. de Puydt – Je suis d’accord avec l’honorable M. de Garcia que les services militaires doivent compter dans la loi actuelle dans la liquidation des pensions des fonctionnaires civils qui auraient rendu antérieurement des services militaires. Mais il est à remarquer que dans le paragraphe 3 de l’article 15, on exclurait la part des services militaires qui serait antérieure à l’âge de 18 ans. C’est à cause de cette exclusion que j’ai proposé mon amendement.
Les services ne sont comptés que de la date du premier traitement d’activité et à partir de l’âge de 18 ans accomplis, sauf pour les cas de surnumérariat dûment commissionné. Or il y a des services militaires antérieurs à l’âge de 18 ans. Ce sont les services des élèves qui sortent de l’école militaire à l’âge de 16 à 18 ans, avec le grade de sous-lieutenant et qui d’après les règlements militaires, peuvent compter quatre ans d’ancienneté à titre d’études spéciales.
Evidemment si vous n’adoptez pas mon amendement, les quatre années de service de ces élèves ne compteraient plus du moment qu’ils entreraient dans une administration civile quelconque. C’est en cela, selon moi, qu’existe l’anomalie, et le but de mon amendement est de la faire disparaître.
L’honorable M. de Garcia a fait observer que dans la loi des pensions militaires il y avait une lacune ; au moins cela semble résulter de son raisonnement. Il résulterait aussi de ses observations que, parce que dans la loi des pensions militaires il y a une lacune préjudiciable à ceux qui ont rempli un service militaire, il faudrait aussi établir cette lacune dans la loi que nous discutons.
C’est ce que je veux empêcher. J’espère que la chambre reconnaîtra que, par le paragraphe 3 de l’article 15, tel qu’il avait été proposé, il y aurait pour les militaires exclusion d’une partie du temps de leur service.
M. de Garcia – J’observerai à l’honorable M. de Puydt, que je n’ai pas dit qu’il y avait lacune dans la loi des pensions militaires. J’ai dit que de deux choses l’une : ou que cette loi compte comme années de service les années passées dans les écoles spéciales, ou qu’elle ne les compte pas, et j’ai tiré la conséquence que dans le premier cas, le sous-amendement était inutile, et que dans le second, l’amendement de l’honorable préopinant établirait une anomalie entre la loi des pensions militaires et la loi des pensions civiles ; J’ai dit aussi qu’il en résulterait une sorte d’injustice, puisque le militaire qui abandonnerait le service aurait plus d’avantage que celui qui continuerait d’y rester. Je n’ai jamais prétendu qu’il y avait lacune dans la loi des pensions militaires ; je n’en sais rien. Cette loi ne m’est pas familière.
J’ajouterai une autre observation sur l’âge de 18 ans, exigée par la loi pour faire courir le temps des services. Comme l’a dit le préopinant, l’on pourrait être porté à croire que cette disposition enlève des droits à des fonctionnaires qui ont été militaires ou à des écoles spéciales. Quant à moi, je ne pourrais partager cette opinion, et si j’avais à appliquer la loi, j’accorderais la pension aux fonctionnaires, en admettant leurs services militaires, calculés sur la loi qui règle cette matière. Je croirais que l’âge de 18 ans, exigée dans la loi que nous faisons, ne s’y trouve que comme principe pour les fonctionnaires civils, et qu’elle ne déroge en rien à ce qui est établi pour fixer les services militaires, qu’un fonctionnaire civil a le droit d’invoquer pour déterminer en définitive ses droits à la pension.
M. de Puydt – Voici, messieurs, comment est conçu l’article de la loi organique de l’école militaire :
« Il sera compté à titre d’études préliminaires aux élèves nommés sous-lieutenant, quatre ans de service effectif d’officier, qui, toutefois ne compteront que pour la retraite, et non pour le classement dans le corps et pour l’avancement. »
Si un militaire ayant fait ses études à l’école militaires, et ayant acquis les droits dont parle cet article, passe à des fonctions civiles après huit ou dix ans de services militaires, il faut que lorsqu’il sera arrivé à l’époque de sa carrière où il peut réclamer une pension du chef de ses fonctions civiles et de ses services militaires, tous ses droits soient maintenus dans leur entier. Eh bien, messieurs, un de ces droits, celui qui résulte de la disposition dont je viens de donner lecture, serait méconnu si l’on adoptait sans modification le dernier paragraphe de l’article 15.
M. Lejeune – Je ne veux pas, messieurs, m’opposer absolument à l’adoption de l’amendement de M. de Puydt, mais je crois devoir faire remarquer à la chambre que lorsque dans la loi des pensions militaires nous avons établi que l’on reconnaîtrait des années de service pour études spéciales, nous l’avons fait, uniquement dans l’intérêt du service militaire, pour attirer des élèves à l’école militaire, afin de pouvoir placer dans l’armée des hommes capables, ayant fait des études spéciales. Mais lorsqu’un élève de l’école militaire passe du service militaire à un emploi civil, faut-il encore lui conserver l’avantage dont il s’agit ? Je ne le pense pas, car dans ce cas le but de la loi est manqué, les études faites par cet élève sont perdues pour le service militaire, nous n’avons plus à attendre de lui les services que nous en attendions ; ce militaire a manqué sa vocation ou il n’a pas suivi sa vocation, et dès lors il doit perdre les avantages que nous lui avions accordés uniquement en vue des services militaires qu’il était appelé à rendre.
Il me semble donc que l’article en discussion doit être entendu tout à fait dans le sens dans lequel l’honorable M. de Puydt l’a expliqué lui-même en répondant à l’honorable M. de Garcia.
M. de Brouckere – En deux mots, messieurs, que résulterait-il du système préconisé par l’honorable M. de Puydt ? C’est que de deux fonctionnaires occupant le même grade, ayant le même nombre d’années de service, celui qui aurait fait ses études à l’école militaire serait traité plus favorablement que celui qui aurait fait ses études dans une école civile. Or, je demande si ce serait là de la justice ?
M. Dubus (aîné) – Je demande la parole pour présenter des observations non pas sur l’amendement de M. de Puydt, mais sur le paragraphe même du projet. Je ne crois pas pouvoir donner mon assentiment à ce paragraphe tel qu’il est rédigé. Ce paragraphe, messieurs, pose d’abord la règle que le temps de service ne sera compté qu’à dater du premier traitement d’activité ; il ajoute ensuite : « à partir de l’âge de 18 ans accomplis, » enfin il pose une exception très large : « sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, qui ne sera pas soumis à ces deux conditions. »
Ainsi, messieurs, pour le surnumérariat dûment commissionné, les années de service pourront être comptées même avant l’âge de 18 ans, même depuis l’âge de 15 ans, par exemple. Eh bien, messieurs, c’est là un système que je ne puis pas admettre.
Dans une séance précédente, on a beaucoup insisté sur la nécessité de mettre tous les fonctionnaires sur la même ligne. Un honorable député de Bruxelles avait proposé de faire liquider la pension des membres de l’ordre judiciaire à raison d’un 50e de leur traitement, par année, la section centrale a proposé le rejet de cette proposition, parce que, disait-elle, il faut adopter la même règle pour tous les fonctionnaires. On répondait cependant à cela que les membres de l’ordre judiciaire ne peuvent pas entrer en fonctions avant l’âge de 25 ans, que la plupart d’entre eux n’y entrent qu’après avoir atteint l’âge de 30 ans, tandis que d’autres fonctionnaires exercent des emplois dès l’âge de 18 et même de 15 ans. Il a été dit alors que c’est là une erreur ou bien que si un semblable système existe, il faut le modifier. Eh bien, messieurs, je viens précisément proposer aujourd’hui de modifier ce système et de se rapprocher ainsi de l’égalité qui devrait exister entre les différents catégories de fonctionnaires.
Je crois, messieurs, que vous ne devez faire compter les années de service qu’à partir de l’âge de la majorité, c’est-à-dire de l’âge de 21 accomplis. C’est à la majorité seulement que l’on devient capable d’exercer des fonctions publiques et ce n’est aussi que depuis la majorité que l’on doit commencer à compter des années de service.
Je ne pense pas, messieurs, que le surnumérariat puisse faire acquérir à des mineurs des années de service ; le surnumérariat est un stage, celui qui est surnuméraire apprend, travaille à se rendre capable de remplir des fonctions ; or, ceux qui se destinent à d’autres carrières que celles des finances, doivent aller dans des universités faire des études très dispendieuses ; ils sont bien loin, ceux-là, de gagner des années de service, ils dépensent leur argent à se rendre capable de remplir plus tard des fonctions publiques.
On a aussi posé pour règle, messieurs, qu’il faut recevoir un traitement de l’Etat pour gagner des années de service ; pourquoi fait-on une exception à cette règle en faveur des surnuméraires, tandis qu’on n’en fait point en faveur des fonctionnaires, qui rendent des services essentiels, et qui ne jouissent d’aucun traitement ; je citerai, par exemple, les juges suppléants. Il y a des tribunaux où les juges suppléants sont très occupés, cependant ils n’ont pas d’années de services à compter. Pourquoi voulez-vous donc en compter aux surnuméraires ? Evidemment ce serait là avoir deux poids et deux mesures, et je ne pense pas que la chambre veuille entrer dans un semblable système, alors surtout que l’on a tous parlé de la nécessité de suivre les mêmes règles pour tous les fonctionnaires.
D’après ces considérations, je propose, messieurs, de rédiger le dernier paragraphe de l’article en discussion de la manière suivante :
« Les services ne seront comptés qu’à dater du premier traitement d’activité et à partir de l’âge de 21 ans accomplis. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les observations de l’honorable préopinant me paraissent fondés sous ce point de vue que les services rendus avant l’âge de 18 ans ne doivent pas être comptés pour la liquidation de la pension, mais depuis l’institution des administrations financières le surnumérariat a toujours été admis comme temps de service. Il faudrait donc modifier l’article dans ce sens que les surnuméraires acquerront des années de services admissibles depuis l’âge de 18 ans seulement. Je dois déclarer, comme je l’ai déjà fait, que les surnuméraires nommés avant l’âge de 18 ans sont en très petit nombre. Il faut remarquer aussi que les années passées comme surnuméraire, sont très onéreuses ; Je prierai donc la chambre d’admettre les années de services passées dans le surnumérariat à partir de l’âge de 18 ans. Alors il faudrait que le paragraphe fût ainsi conçu : « sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, qui ne sera pas soumis à la première condition. »
M. Jadot – Je dois répondre à l’honorable M. Dubus que les juges suppléants sont ordinairement avocats, ou avoués, ou qu’ils ont des places, tandis que les surnuméraires doivent souvent attendre 3 ou 4 ans, avant d’être nommés comme tels, puis 6 ou 7 ans encore avant de recevoir un traitement.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, la loi française, ainsi que les arrêtés du roi Guillaume, font compter comme années de service celles qui ont été passées dans le surnumérariat.
Voici en outre ce que notamment un arrêté du roi Guillaume stipule relativement aux surnumérariat :
« Art. 2. Pour être nommé surnuméraire, il faut avoir atteint l’âge de 18 ans accomplis… »
« Art. 3. Les surnuméraires de l’enregistrement seront nommés par nous, sur la proposition de notre conseiller d’Etat, administrateur de l’enregistrement et des loteries. »
« Art. 4. Ils prêteront avant leur installation le serment de fidélité, etc. »
« Art. 6. Ils fourniront, pour la sûreté des gestions intérimaires qui peuvent leur être confiées pendant la durée de leur surnumérariat, un cautionnement en immeubles ou en inscriptions sur le grand livre de la dette active nationale, d’une valeur réelle de mille florins. »
Vous voyez, messieurs, que les surnuméraires sont soumis à toutes les conditions exigées des comptables. Or, dès qu’ils en remplissent les obligations, ils doivent en avoir les avantages.
M. de Puydt – Je ne puis pas admettre l’amendement de l’honorable M. Dubus dans son entier, car il me semble porter encore un plus grand préjudice aux militaires que la disposition du projet.
En effet, messieurs, d’après les lois sur la milice, les militaires entrent au service avant l’âge de 19 ans. Les militaires qui, après un certain nombre d’années de services, entreront dans des fonctions civiles, se trouveront donc privés de 2 ou 3 années d’ancienneté. D’après la loi sur l’école militaire, des grades se confèrent généralement l’âge de 18 ans ; les militaires qui ont obtenu ces grades et qui, en raison des études fortes qu’ils ont faites, en raison des connaissances profondes qu’ils ont acquises, peuvent rendre de très grands services à l’Etat, ces militaires se trouveront encore privés de 3 années d’ancienneté de service.
D’un autre côté, il est à remarquer que les militaires qui sont sortis du service, pour entrer dans des fonctions civiles, n’y sont entrés le plus souvent qu’ensuite d’une disposition de l’ancien gouvernement qui voulait leur accorder par là une espèce de retraite. Cette retraite ne serait pas complète, si on leur faisait perdre une partie de leurs services militaires. Ce serait une double injustice.
Je n’adopterai donc l’amendement de l’honorable M. Dubus qu’autant qu’on y ajoutât ce sous-amendement : « sauf pour des services militaires. »
M. de Mérode – Je ne conçois pas l’observation qui a été faite par M. le ministre des finances, relativement au temps de service antérieur à l’âge de 18 ans, car, d’après ce qu’a dit l’honorable M. Zoude, on ne peut être admis dans l’enregistrement qu’à l’âge de 18 ans. Ainsi, il ne peut pas y avoir de services antérieurs à l’âge de 18 ans.
Messieurs, j’ai compris qu’il s’agissait dans l’amendement de M. Dubus de l’âge de 21 ans, et l’on ne doit pas tant s’inquiéter de la question de savoir si l’on peut faire compter la pension du chef des services rendus avant l’âge de 21 ans, car lorsqu’il s’agit de conférer un emploi dans l’administration des finances, il y a une foule de concurrents ; il y en a même pour obtenir des surnumérariats. Il est donc inutile d’accorder à ceux qui réussissent autant de faveurs ; j’adopterai, pour mon compte, l’amendement de M. Dubus, et je crois que par l’âge de majorité, il a entendu l’âge de 21 ans.
M. le président (s’adressant à M. de Puydt) – En proposant votre sous-amendement, retirez-vous votre premier amendement ?
M. de Puydt – Oui, M. le président.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable M. de Mérode n’a pas compris l’observation que j’ai faite tout à l’heure. Le projet de loi présenté par le cabinet précédent suppose que des services pourraient être rendus avant l’âge de 18 ans ; eh bien, j’ai déclaré à la chambre que nous proposions un amendement aux termes duquel ne seraient pas admis les services rendus au-dessous de l’âge de 18 ans. Mon observation était donc tout simple.
M. Dubus (aîné) déclare se rallier au sous-amendement de M. de Puydt.
M. Demonceau – Messieurs, je viens appuyer la proposition de l’honorable M. Dubus. Il me semble que les services ne doivent être admis qu’à partir de l’âge de 21 ans. Je crois qu’on doit se rallier à cette transaction, car elle est toute en faveur du département des finances et en défaveur de la plupart des autres administrations.
Quant aux surnuméraires, M. le ministre des finances persiste à vouloir leur donner des droits acquis à compter du jour où ils sont appelés au surnumérariat. Je ne puis admettre cette proposition je ne puis pas consentir que, même à partir de l’âge de 18 ans, les titres à la pension puissent être comptés.
On vous a dit que certains arrêtés du roi Guillaume avaient autorisé la nomination de surnuméraires à l’âge de 18 ans. Je rappellerai que déjà dans une séance précédente j’ai dit que c’est précisément parce qu’on admettait des employés à un âge trop peu avancé, que la caisse de retraite se trouve aux abois. Voilà l’un des abus qui existait. Or, nous faisons une nouvelle loi, et nous voulons persister dans cette mauvaise voie. Je ne pense pas que c’est ainsi qu’un législateur sage doit agir. Du reste, je voudrais que MM. les ministres se missent d’accord. Dans la discussion relative aux pensions des ministres du culte, M. le ministre de la justice a dit qu’on ne pouvait admettre le principe de pension que pour ceux qui reçoivent un traitement sur le trésor. Maintenant M. le ministre des finances veut que les surnuméraires qui ne touchent pas de traitement sur les fonds de l’Etat, soient admis à la pension.
Eh bien, si l’on admet pour principe dans la loi que des pensions ne seront conférées qu’à ceux qui jouissent d’un traitement sur le trésor, pourquoi les surnuméraires qui n’ont pas de traitement auraient-ils des droits à la pension ? D’ailleurs, la plupart des surnuméraires sont de véritables apprentis, permettez-moi de le dire. Et comparez maintenant le service de ces employés avec celui de ceux qui doivent passer par une foule d’épreuves pour entrer, par exemple, dans la magistrature ; qui doivent étudier je ne sais pendant combien d’années ; qui doivent passer, je ne sais combien d’épreuves, et qui, après avoir obtenu leurs grades, doivent faire un stage, et solliciter ensuite bien longtemps avant d’obtenir un emploi ; qui bien souvent commencent par être pendant de longues années juges suppléants, et qui quelquefois ne finissent par obtenir des fonctions effectives qu’à l’âge de 35 ans. Eh bien, dans l’administration des finances, on a vu des fonctionnaires admis à la retraite à l’âge de 50 à 55 ans, après avoir accompli cependant toutes les années de service requises pour obtenir leur pension.
Je consens bien à admettre la distinction proposée par l’honorable M. de Puydt, mais je repousse toute autre distinction.
M. de Brouckere – Messieurs, ce n’est pas pour combattre l’amendement de l’honorable M. Dubus, ni surtout le sous-amendement de l’honorable M. de Puydt que j’ai demandé la parole ; mais je désire répondre à ce que vient de dire l’honorable M. Demonceau, qui a donné une idée fort inexacte de ce que c’est qu’un surnuméraire.
Le surnumérariat est un apprentissage, comme l’a dit l’honorable préopinant ; le surnumérariat est tout autre chose. Le surnuméraire est un employé de l’administration à laquelle il appartient ; seulement il n’est pas salarié. C’est un employé qui dépend de l’administration ; l’administration le place et l’envoie où bon lui semble ; elle le charge de l’intérim des receveurs ; il est vrai qu’alors il est payé. Quand il n’a pas un intérim, on l’envoie dans telle résidence que l’on veut ; il y vit à ses frais, et y dépense sa fortune. Il est donc de toute justice que lorsqu’un fonctionnaire demande sa retraite, et qu’il y a des droits, on lui compte les années de surnumérariat, ce sont souvent les plus pénibles de sa carrière.
Mais je le répète, cela doit s’arrêter à un âge quelconque, à 18 ou 21 ans, comme la chambre en décidera.
Je déclare, quant à moi, que je suis très porté à admettre l’amendement de l’honorable M. Dubus, parce qu’en règle générale, l’on n’est admis à être fonctionnaire dans l’Etat que lorsqu’on a atteint l’âge de la majorité ; il n’y a d’exception que pour les militaires, le service militaire commençant, en effet, entre la 18e et la 19e année.
Mais, dit l’honorable M. Demonceau, avec le système que vous vantez, système qui tend à regarder les surnuméraires comme des fonctionnaires, on verra se reproduire l’abus de pensions accordées à des fonctionnaires âges de 50 ans. C’est un abus que l’honorable M. Demonceau ne doit pas craindre, parce que, en règle générale, la loi statue que les fonctionnaires ne seront admis à la pension qu’à l’âge de 60 ans.
M. Demonceau – Messieurs, lorsque j’ai parlé de certains surnuméraires que j’ai qualifiés d’apprentis, je n’ai pas entendu désignés les surnuméraires de la catégories de ceux dont vient de parler l’honorable préopinant, mais j’ai voulu seulement indiqué les surnuméraires âges de 18 ans seulement ; on conviendra que les surnuméraires de cette dernière classe ne peuvent pas encore avoir une grande capacité ; mais je reconnais avec l’honorable M. de Brouckere qu’il y a des surnuméraires très capables et qui peuvent utilement remplir des fonctions, mais il reconnaîtra aussi avec moi que les surnuméraires de 18 ans ne sont guère en état de remplir convenablement les fonctions dont il a parlé.
M. de Brouckere – En d’autres termes, nous regarderons le surnumérariat jusqu’à l’âge de 21 ans comme un apprentissage, et comme une fonction active au-dessus de 21 ans.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Dans ce sens, il suffirait de dire :
« Sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, qui ne sera pas soumis à la condition de traitement. »
M. Demonceau – Je ferai observer à M. le ministre que, d’après les lois en vigueur, les surnuméraires ne peuvent pas toucher de traitement.
M. de Brouckere – C’est précisément pour ce motif qu’il faut adopter la disposition, car sinon les surnuméraires n’aurait pas droit à la pension.
La rédaction proposée par M. le ministre des finances, avec l’addition des mots : « et pour les services militaires », est mise aux voix et adoptée.
La chambre passe aux articles 34, 35, 36 et 37 ; la section centrale propose la suppression de ces articles.
Cette suppression est adoptée.
On passe à l’article 41.
« Art. 41. La jouissance de pensions accordées aux fonctionnaires, magistrats et employés, court du jour de la cessation du traitement d’activité.
« Les pensions qui viendraient à cesser, soit par suite du décès, soit par toute autre cause, seront intégralement payées pour le mois courant. »
M. Desmet – J’ai une observation à faire sur cet article, ou plutôt sur tout le titre. Je pense qu’il y a une lacune dans ce titre. Je ne vois pas que les pensions doivent être soumises au contrôle de la cour des comptes. Plus d’une fois l’on a vu qu’un arrêté royal de pension avait été pris irrégulièrement, et que la cour des comptes ne l’avait pas admis pour la liquidation. Il ne me semble pas, d’après les dispositions du titre en discussion, que l’on défère un contrôle quelconque à la cour des comptes.
Cependant, je crois que la cour des comptes est fort utile. Plusieurs fois des arrêtés ont été mal pris ; la cour des comptes a signalé l’erreur et l’arrêté n’a pas été mis à exécution.
- M. le ministre des finances se rallie à la proposition de la section centrale à l’article 41.
Cette proposition est adoptée.
La suppression des mots : « ou de réversion de pension », à l’article 42, et de ceux : « ou de la réversions », à l’article 43 est adoptée.
La section centrale propose également la suppression du paragraphe 2 de l’article 45, qui est ainsi conçu :
« Il sera loisible au Roi d’accorder à la veuve et aux enfants (du condamné à une peine infamante) la quotité qui leur est attribuée par les dispositions du chapitre III titre II de la présente loi. »
M. de Garcia – La suppression proposée s’explique par les articles précédemment votés. Mais dans ce paragraphe 2 nous voyons que la pensée est qu’il soit libre au gouvernement d’accorder à la veuve et aux enfants la quotité qui leur est attribuée, dans le cas de condamnation d’un employé. Par les articles que nous avons adoptés, nous avons décidé que les conditions pour l’obtention de la pension seront réglées par arrêtés royaux. J’adresserai à cet égard une interpellation au gouvernement ; je demanderai à M. le ministre si son intention serait de faire revivre cette disposition du paragraphe 2 de l’article 45 dans les arrêtés royaux qui seront pris pour régler les conditions de la pension. Si telle était son intention, je la combattrais, parce que je trouve qu’il serait souverainement injuste de priver les veuves et les orphelins de la pension quand l’époux et père a été condamné à une peine infamante.
Ce n’est qu’une simple interpellation que j’adresse à M. le ministre des finances ; je la fais, parce qu’il pourrait insérer dans les arrêtés royaux la disposition du paragraphe 2 de l’article 45, qui est dans l’esprit général de la loi, et que je trouve contraire aux principes de l’équité et de la justice.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense que le paragraphe dont il s’agit peut être supprimé, puisque nous établissons des caisses particulières et qu’il ne s’agira plus de réversion ; il semble que des caisses spéciales étant formées pour les veuves et orphelins, on ne pourrait, dans le cas du premier paragraphe de l’article 45, priver une veuve et des orphelins de leurs droits et titres à la pension. Ce cas sera prévu dans les règlements qui seront formés pour régir les caisses des veuves et orphelins.
M. de Garcia – Il est possible qu’un fonctionnaire soit condamné à une peine infamante et qu’il n’y ait pas de veuve, mais une femme et des enfants. Eh bien, la femme du fonctionnaire condamné aura-t-elle droit de plano à la pension ? Pour moi je crois qu’elle a droit à la pension quand même son mari ne serait pas mort. Cela est de toute justice.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne pense pas que dans ce cas la femme doive jouir de la pension, car pour qu’elle y eût droit, il faudrait que son mari lui-même eût possédé ce droit. Si dans sa carrière il est arrêté par une condamnation à une peine infamante, il n’a pas droit à la pension et ne peut par conséquent le transmettre à sa femme, du moins de son vivant.
M. de Garcia – Je suppose qu’un fonctionnaire ait 30 ans de service et 60 ans d’âge, le gouvernement n’est pas obligé de le mettre à la pension. Il encourt une peine infamante, alors il est évidemment dans la position d’avoir des droits à la pension, ainsi que sa femme et ses enfants. Sous le rapport de ces derniers surtout, ce point me paraît incontestable, puisque la retenue exercée en leur nom, pendant 30 années, doit être réellement considérée comme leur patrimoine. Je demanderai à M. le ministre si, dans cette hypothèse, les femmes et les orphelins pourraient invoquer des droits à une pension ? Je demanderai aussi à M. le ministre quel sera le sort de la femme et des orphelins, lorsqu’une condamnation infamante atteindra un fonctionnaire pensionné et qui ne sera plus en activité.
M. de Behr – Cette question avait été examinée dans le sein de la section centrale, et on a pensé qu’elle devait être l’objet des règlements et que la solution dépendrait de l’état de la caisse. Dès à présent le gouvernement ne peut pas considérer comme ayant droit à la pension la femme et les enfants d’un fonctionnaire condamné, car le mari ne contribuera plus à la dotation de cette caisse, étant privé de son emploi.
M. Demonceau – Il y a quelque chose de vrai dans ce que veut dire l’honorable M. de Garcia. La veuve d’un fonctionnaire qui aura perdu son emploi sera privée de sa pension comme veuve. Il en résultera que son emploi, qui aura fait un dépôt pour assurer à sa femme une pension, aura subi la retenue sans utilité pour elle.
Mais je ne comprends pas comment il serait possible d’arriver au résultat que voudrait obtenir M. de Garcia. La femme du fonctionnaire condamné n’est pas veuve ; il n’y a pas possibilité de lui appliquer les dispositions adoptées pour les veuves. Le règlement d’administration qui sera fait en exécution de cette loi, ne peut pas les lui appliquer, car ce règlement ne peut pas être porté en dehors de la loi. La loi n’autorise le gouvernement à faire des règlements que pour la caisse des veuves. Il ne pourra rien porter pour cette femme à charge de cette caisse, et ainsi il se trouvera dans l’embarras si vous n’insérez pas une disposition dans la loi qui lui permette de faire supporter la charge par le trésor, aussi longtemps du moins que vivra son mari.
M. de Brouckere – Messieurs, il résulte de la suppression du deuxième paragraphe de l’article 45, que la veuve de l’individu condamné à une peine infamante aurait droit à la pension. Mais des doutes s’élèvent sur le point de savoir si la femme d’un individu condamné à une peine infamante, qui aurait droit à la pension, si cette femme pourra toucher la pension attribuée à la veuve, du vivant de son mari condamné.
Il est entendu que ce que je dis de la femme s’applique aussi aux enfants.
On a très bien répondu quand on a dit que cette question serait décidée par le gouvernement, parce que, dans certains cas, il serait vraiment injuste que la femme d’un individu condamné subit une peine par suite de la mauvaise conduite de son mari. Il y aurait peut-être moyen de combler la lacune en votant le deuxième paragraphe dont il s’agit, avec cette seule modification qu’au mot « veuve » on substituerait le mot « femme ». Le paragraphe serait rédigé comme suit :
« Il sera loisible au Roi d’accorder à la femme et aux enfants la quotité qui leur est attribuée par les dispositions du chapitre III, titre II, de la présente loi. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le chapitre III du titre II n’existe plus dans la loi.
M. de Brouckere – C’est sauf indication.
M. de Garcia – Messieurs, l’amendement de M. de Brouckere remédie déjà en quelque sorte à l’injustice que j’avais signalée. Les fautes sont purement personnelles. Par suite, il me semble que pour ce cas les droits à la pension pour la femme et les orphelins devraient être consacrés par la loi ; je ne voudrais pas que cela dépendît de la volonté du gouvernement. Je voudrais que le droit fût acquis à la femme comme si elle était veuve ; parce que, je le répète, les peines auxquelles peut s’exposer un père ou un mari ne peuvent jamais avoir d’influence sur sa femme et ses enfants. C’est un principe consacré dans le siècle où nous vivons ; que les fautes sont purement personnelles ; (quelques mots manquent) usages passés, de faire rejaillir les fautes des pères sur les enfants.
Je ne sais si j’ai été bien compris, mais je voudrais que, pour la femme et les enfants d’un fonctionnaire condamné, les droits à la pension, naquissent au moment où la peine est prononcée et qu’ils pussent les faire valoir en vertu de la loi.
Je propose donc de décider que les droits à la pension de la femme et des enfants, en cas de condamnation du mari à une peine infamante, sont acquis de plein droit ; qu’il ne dépende pas d’un arrêté royal de les admettre ou de les repousser ; je voudrais enfin que les droits de la femme et des enfants surgissent comme si le père et mari était mort.
M. Demonceau – Puisque nous avons voté une loi qui donne au gouvernement le droit de refuser ou de donner la pension, je ne crois pas que nous puissions admettre un système tel que celui proposé par l’honorable M. de Garcia. Dans le système de la loi, le gouvernement peut refuser la pension aux fonctionnaires, à plus forte raison doit-il pouvoir la refuser à leurs veuves.
(Moniteur belge n°46 du 15 février 1841) M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, si l’on privait de tout droit à la pension la femme d’un employé condamné, ce serait une injustice ; car on ferait tomber sur elle la peine de la faute de son mari. Seulement la femme ne peut faire valoir ses droits que du jour où elle eût été admise à les faire valoir, si son mari n’avait pas été condamné, c’est-à-dire du jour de son décès. Sans doute elle sera privée des avantages que son mari retirerait de sa place. Mais c’est là un mal qu’on ne peut éviter. Il en est de même lorsqu’un homme perd sa fortune par la mauvaise gestion qu’il en a fait ou par sa mauvaise conduite. Sa femme est alors privée des avantages qu’elle en retirait. C’est ce qui arrive tous les jours dans la société.
Quant à la pension, la loi, telle qu’elle a été adoptée, ne prive la femme d’aucun droit. Seulement elle ne pourra faire valoir ceux qui lui appartiennent qu’à l’époque du décès de son mari, parce qu’ils ne prennent réellement naissance qu’à cette époque. Il n’y a donc aucune injustice, et la disposition, considérée sous ce point de vue, peut rester telle qu’elle a été adoptée.
(Moniteur belge n°45 du 14 février 1841) M. de Brouckere – Je crois que ce que vient de dire M. le ministre de la justice peut s’appliquer aux fonctionnaires simplement destitués ou révoqués. Mais ne peut-on traiter avec un peu plus de faveur la femme d’un fonctionnaire qui non seulement perd ses fonctions, mais est même privé de la liberté ! Une femme qui, pendant de longues années, a contribué de ses deniers à la caisse de retraite, et qui tout à coup, par l’inconduite de son mari, à laquelle elle n’a pris aucune part, est privée des appointements de son mari, ne mérite-t-elle pas quelques égards de plus ?
Du reste, je ne demande pas que la femme de l’individu condamné ait un droit. Je demande que, dans certains cas où il n’y aurait à cela que justice, le gouvernement puisse admettre à faire valoir ses droits à la pension la femme du fonctionnaire qui aurait été condamné à une peine afflictive ou infamante. Je crois devoir persister dans l’amendement que j’ai proposé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je crois au contraire qu’il faut maintenir la disposition du projet ; car donner des droits à la pension à la femme de l’employé condamné à une peine afflictive et infamante, c’est donner un privilège à la femme de celui qui a commis un crime. Un homme qui aurait été révoqué pour négligence ne conférerait pas à sa femme de droits à la pension ; celui qui aurait commis un assassinat ou un vol qualifié, qui serait traduit devant la cour d’assises, et qui serait condamné, donnerait de plano à sa femme des droits à la pension. C’est ce que je ne puis admettre.
Je comprends très bien que l’économie du premier projet, relativement aux pensions de veuves et orphelins, est changée par suite du changement complet de système que M. le ministre des finances a proposé pour les pensions des veuves et orphelins. Il ne s’agit plus de réversion. Mais je crois qu’on peut dire que la révocation d’un fonctionnaire ou sa condamnation à une peine afflictive ou infamante ne fera pas perdre à sa femme les droits qu’elle peut avoir à la pension d’après le montant des retenues effectuées sur le traitement de son mari. C’est tout ce qu’on peut demander pour elle ; c’est-à-dire que sa pension sera liquidée sur ce pied, à la mort de son mari.
Je conçois très bien, comme l’a fait observer l’honorable M. de Brouckere, que c’est une position très malheureuse que celle de la femme d’un fonctionnaire révoqué ou frappé d’une peine afflictive ou infamante. Mais c’est là un malheur inévitable. Je ne crois pas que le trésor public doive y porter remède ; tout au plus pourrait-on demander des secours à la législature. Je ne crois pas qu’on puisse trouver dans cette situation exceptionnelle le motif d’un privilège pour la femme de celui qui se serait fait traduire en cour d’assises.
M. Verhaegen – Cette discussion me confirme dans la conviction que j’ai depuis longtemps qu’il est dangereux d’improviser des amendements.
Je suis tout à fait d’accord avec MM. les ministres de la justice et des affaires étrangères, qu’on ne peut traiter la femme du fonctionnaire condamné à une peine afflictive ou infamante plus favorablement que la femme d’un fonctionnaire révoqué ; car ce serait donner un privilège au crime. Mais ce qui me paraît étrange, c’est que cette contradiction existe dans les dispositions déjà votées. Il sera nécessaire d’y revenir au second vote. C’est pour cela que j’en fais l’observation. D’après un article adopté, celui qui aura été révoqué n’aura droit à rien ; celui qui aura été condamné à une peine afflictive ou infamante perdra également ses droits à la pension ; mais le Roi pourra lui faire grâce, et par suite d’une observation faite par l’honorable M. de Garcia, il ne faudra pas même une grâce entière ; il suffira d’une grâce partielle pour que le condamné puisse recouvrer ses droits à la pension. Ainsi la contradiction existe déjà.
Mais, dit-on, celui qui est simplement révoqué peut profiter de sa liberté, tandis que la femme de l’individu condamné perd non seulement les avantages que son mari retirait de sa place, mais encore ceux qu’il retirerait de sa position, s’il était libre. Je répondrai à cela qu’il en est de même pour la femme d’un condamné qui exerçait une industrie quelconque ou une profession libérale. Celle-ci perd également les avantages que lui procurait la position de son mari. Il est malheureux pour elle de s’être unie à un homme qui a commis un crime. Ce sont de ces malheurs dont la législature ne doit pas se préoccuper. Au second vote, nous serons obligés de changer cela. C’est là l’inconvénient d’improviser des amendements. Il arrive à la fin que les amendements adoptés bouleversent le système de la loi.
M. Raikem – Il me semble que la discussion provient de ce qu’on n’a peut-être pas assez distingué deux cas qui, selon moi, doivent être envisagés séparément.
La première disposition de l’article 45 du projet de la section centrale est ainsi conçue :
« La condamnation à une peine infamante emporte la privation de la pension ou du droit à l’obtenir. »
Ainsi, voilà deux conséquences résultant de la condamnation à une peine infamante. Si l’employé ou le fonctionnaire était en activité de services, sa condamnation a une peine infamante l’empêche de pouvoir obtenir sa pension, et ce cas me semble tout à fait différente de celui dont je parlerai tout à l’heure. Car certes le méfait est bien plus grand de la part du fonctionnaire en activité de service, qui doit l’exemple, que de la part du fonctionnaire qui a acquis des droits à la pension, position dont je parlerai tout à l’heure. Ainsi voilà deux cas qu’il ne faut pas confondre. Ainsi, dans le règlement du 29 mai 1822, ces deux cas étaient distingués ; dans le premier cas, qui forme la seconde partie de la proposition, pour l’employé en service, frappé d’une peine afflictive ou infamante, tout droit à la pension s’évanouissait.
Mais il en était autrement du fonctionnaire déjà admis à la pension. Le premier cas était prévu par l’article 101 du règlement, le second par l’article 102. Voici celui qui concerne les fonctionnaires en activité, frappés d’une peine telle que celle que je viens d’indiquer.
« Art. 101. La condamnation à une peine infamante, encourue par un employé en activité de service, fait immédiatement cesser, tant à son égard qu’à l’égard de sa femme et de ses enfants, tout droit à la pension, sauf le cas d’abolition ou de rémission complète. En cas de rémission partielle, et par suite de laquelle la peine ne peut plus être considérée comme infamante, le droit de pension restera conservé pour la veuve et les enfants de l’employé. »
Ainsi, dans ce cas, il y avait privation de plein droit du droit d’obtenir la pension ; il n’y avait alors qu’un droit éventuel, et l’on sait la différence qu’il y a entre un droit éventuel et un droit que se trouve formé.
Voici ensuite la disposition de l’article 102 :
« Art. 102. La peine infamante encourue par un employé pensionné (celui qui déjà avait le droit ouvert) ou par sa veuve ou par un de ses orphelins, ne peut préjudicier ni à la femme ou aux enfants dans le second (c’est-à-dire quand la veuve elle-même aurait été condamnée), ni aux autres orphelins dans le troisième cas ; le condamné devant être considéré comme mort civilement, ou comme privé de ses droits civils ; la portion dont l’individu puni jouissait ou aurait pu jouir, tombe en déchéance, ou se transmet comme dans le cas de décès. »
Il me semble, messieurs, si j’ai bien compris la proposition de l’honorable M. de Garcia, qu’elle a pour objet non pas le fonctionnaire qui, étant en activité de service, n’a pas encore droit à la pension, et qui est condamné à une peine infamante, mais le fonctionnaire qui est déjà admis à la pension et qui se trouve ensuite frappé d’une peine infamante.
Et ces deux cas, comme vous voyez, sont bien différents. Je ne parle pas du droit de grâce, qui est une des attributions constitutionnelles du Roi ; c’est là une des dispositions établies dans notre constitution, et donc nous n’avons pas besoin de parler, car en exerçant cette prérogative, le Roi peut maintenir le condamné dans le jouissance de sa pension.
Mais il me semble qu’il est juste que, dans le second cas, celui où le droit à la pension est ouvert en faveur du condamné, on ne puisse pas, pour un fait étranger à la veuve ou aux orphelins, priver ceux-ci d’un droit qui déjà se trouvait acquis, leur auteur.
Il me semble que, dans ce cas, il y aurait lieu, je ne dis pas d’improviser des dispositions, mais d’en prendre après mûr examen, afin de leur conserver tut ou partie de la pension.
Lorsqu’un fonctionnaire a rempli toutes les années de service exigées, et qu’il a été trouvé digne de faire valoir ses droits à la pension, le gouvernement a en quelque sorte contracté une dette envers ce fonctionnaire ; il s’est engagé à lui payer sa pension pendant tout le temps de sa vie. Et si ce fonctionnaire a commis un fait qu’on ne peut imputer qu’à lui seul, est privé de sa pension, et il s’en est rendu indigne par suite de la condamnation, ses enfants aux besoins desquels il aurait pu pourvoir au moyen de sa pension, ne doivent pas être privés d’un droit qui était acquis et ouvert.
Il me paraît que, pour ce cas, nous devions prendre des dispositions pour consacrer, non pas une simple faculté, mais les droits des enfants, la continuation des droits conférés à leur père.
Mais encore ici une différence de ce cas à celui de veuvage, c’est que la pension devrait être une charge du trésor public pendant tout le temps de la vie du fonctionnaire condamné. La pension étant ouverte, la même charge doit continuer, sauf à faire jouir de la pension, en tout ou en partie, la femme et les enfants.
Ici le droit de grâce ne serait pas suffisant. Car, quel droit aurait le Roi en vertu de son pouvoir constitutionnel ? Celui de continuer au fonctionnaire qui aurait encouru la peine infamante postérieurement à sa pension la continuation de cette pension. Eh bien ! Il peut être quelquefois beaucoup plus moral d’accorder cette pension à la femme et aux enfants. Mais cette pension doit naturellement rester à la charge du trésor public, et non à la charge des caisses des veuves et orphelins pendant la vie du fonctionnaire.
A mon avis, la loi devait prévoir ce cas et accorder le droit de conférer à la femme et aux enfants tout ou partie de la pension.
Je n’ai eu qu’une lecture fugitive de l’amendement de M. de Garcia. Je ne sais s’il rentre dans les explications que je viens de donner, mais, sauf rédaction, il me semble qu’il serait de toute justice de prendre une disposition dans ce sens.
M. de Brouckere – Je partage l’avis de l’honorable préopinant sur le danger qu’il y a à improviser des amendements, se rattachant à un article d’une loi composée d’un très grand nombre d’articles, parce qu’on s’expose toujours à se mettre en contradiction avec le système adopté dans des articles précédents. Aussi je n’insisterai pas beaucoup pour que la chambre adopte mon amendement, bien que je persiste à le croire bon.
J’expliquerai tout à l’heure pourquoi je le crois bon, et je répondrai à ce qui a été dit pour le combattre, mais auparavant je dois un mot de réponse à l’honorable préopinant, qui, selon moi, est tombé dans de graves erreurs.
Il vous a cité comme modèle le règlement du 29 mai 1822, et nommément les articles 101 et 102 de ce règlement. Pourquoi ? Parce que selon lui, ces articles ont consacré les véritables principes qui doivent être admis sur cette matière.
D’après l’article 101, la femme d’un employé en activité de service et qui aurait été condamné à une peine infamante, ni aucun droit à la pension. Pourquoi ? Parce que son mari n’avait pas de droits acquis.
L’article 102 au contraire dit, que la femme d’un employé qui était déjà pensionné, lorsqu’il a été condamné à une peine afflictive et infamante, jouira de la pension. Pourquoi ? Parce que son mari aurait des droits acquis.
Voilà le principe admis dans les règlements en vigueur et que vante l’honorable M. Raikem.
Eh bien ! ce principe me paraît injuste et j’espère qu’il ne sera pas consacré, par la loi que nous faisons.
Selon moi, l’employé qui a rempli les conditions voulues par les articles généraux sur la matière pour pouvoir obtenir une pension, a des droits acquis. L’employé qui a 60 ans d’âge et 40 ans de service, a des droits acquis. Ce n’est pas un droit éventuel qu’il a, c’est un véritable droit acquis. Il ne s’agit plus de remplir une simple formalité pour faire reconnaître ce droit, mais ce droit lui est acquis.
Un membre – On a changé cela.
M. de Brouckere – Messieurs, c’est mon opinion. Je dis que l’employé qui se trouve dans le cas que je viens d’indiquer a des droits acquis, et je trouve qu’il est souverainement injuste de traiter avec plus de faveur la femme d’un employé pensionné, que la femme d’un individu qui aurait droit d’être pensionné. Je voudrais qu’on m’expliquât, non pas toutefois avec des subterfuges et des arguties, la différence que l’on trouve dans la position de ces deux femmes et pourquoi l’on rend la position de l’une plus défavorable que celle de l’autre.
Remarquez-le bien encore. D’après le règlement de 1822, il dépendait du gouvernement d’accorder la pension à la femme d’un individu condamné à une peine afflictive et infamante. Que devait faire le gouvernement pour cela ? Uniquement accorder rémission partielle de la peine, par suite de laquelle rémission de la peine n’était pas considérée comme infamante.
Voilà donc que, par le fait du pouvoir exécutif seul, on peut donner, d’après ce règlement, des droits à la femme d’un employé en activité qui aurait été condamné à une peine afflictive et infamante. Il suffit d’accorder à l’employé rémission partielle de sa peine.
Maintenant, messieurs, j’en reviens à l’amendement que j’avais proposé et qu’on a regardé comme une inconséquence.
Selon mes adversaires, j’aurais voulu accorder une faveur au crime. Et pourquoi ? Parce que j’accorderais au gouvernement le droit de donner, dans certains cas, une pension à la femme d’un individu condamnée à une peine afflictive et infamante.
Remarquez-le bien, je ne donnerais aucun droit à la femme de l’employé condamné, j’accorderais seulement au gouvernement la faculté de lui donner une pension dans certains cas.
Et c’est là ce que vous appelez accorder une faveur au crime ? Mais vous voulez donc, vous autres, que la peine ne retombe pas seulement sur le mari coupable, mais sur sa femme et ses enfants. Vous voulez que la peine ne soit pas personnelle, car vous me dites que j’accorde une faveur au crime, lorsque cette faveur ne retomberait que sur la femme et sur les enfants.
Ce n’est pas au crime, messieurs, que j’accorde une faveur ; c’est à la malheureuse femme de l’employé criminel ; la différence est sensible.
Messieurs, ce que vous a dit l’honorable M. Verhaegen, des contradictions insérées dans la loi, est de toute évidence. Vous avez déjà décidé que la femme d’un fonctionnaire révoqué n’avait aucun droit à la pension, et vous voulez consacrer dans l’article 45 un principe par suite duquel l’individu qui serait condamné à une peine infamante pourrait obtenir sa pension, si la grâce lui était accordée. C’est-à-dire que dans le système de ceux qui s’opposent à mon amendement, vous traiterez mieux l’individu auquel un jury aura appliqué une peine infamante, que l’employé qui aura été simplement destitué. Voilà de l’inconséquence, et de l’inconséquence si jamais il en fut.
Au reste, au second vote, il sera facile de reconnaître que ce n’est pas la seule anomalie qui se soit glissée dans la loi. C’est là le résultat des amendements improvisés, dont vous a parlé l’orateur entendu avant moi.
Quant à mon amendement, ne voulant me rendre coupable d’une inconséquence quelconque, je déclare le retirer ; non que j’y trouve aujourd’hui une inconséquence, mais il serait possible qu’il en contînt une, parce que, je le répète, il est difficile d’improviser des amendements dans une loi qui se compose d’un grand nombre d’articles.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Le cas dont a parlé l’honorable M. Raikem est tout autre que celui dont je me suis occupé tantôt. Je supposais le cas d’un fonctionnaire condamné, et non pas d’un pensionnaire condamné. Je disais que, pour ce cas, il n’y avait pas d’injustice à ne pas accorder de pension à la femme, et je crois que nous sommes parfaitement d’accord sur ce point ; alors, en effet, aucun droit à la pension n’était acquis au fonctionnaire, et pourvu que l’on conserve leurs droits à la femme et aux enfants, lorsqu’il décédera, tous les droits sont saufs.
Quant au cas dont l’honorable M. Raikem a parlé, celui d’un pensionné qui perd sa pension par suite d’une condamnation, cet effet de la condamnation, critiqué par l’honorable préopinant, a été consacré par une disposition que vous avez votée, et je crois qu’elle sera maintenue, car il ne s’agit pas d’un amendement, mais d’une disposition qui se trouvait dans le projet.
M. de Brouckere – Quelle disposition ?
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Celle qui décide la privation de la pension par suite d’une condamnation.
Mais, dans ce cas, l’honorable M. Raikem a trouvé qu’il était injuste de priver la femme et les enfants de tous droits à cette pension, et je suis de son avis, parce qu’elle est en quelque sorte une propriété de la famille du condamné, du moins aussi longtemps qu’il vit ; il me semble donc qu’elle devrait été continuée à sa femme et à ses enfants, en tout ou en partie, jusqu’à sa mort ou jusqu’à sa grâce, ou jusqu’à sa réhabilitation, et qu’elle devrait l’être, non par la caisse des veuves et orphelins, mais par le trésor public. C’est dans ce sens, messieurs, que j’aurai l’honneur de vous proposer un amendement.
M. Raikem – On vous a dit, messieurs, en me faisant une espèce de reproche, que je vous avais cité comme un modèle le règlement de 1822, et que cependant ce règlement est loin d’être tel. Je dira un mot de ce règlement, et l’on sera peut-être surpris de voir que nous sommes tous d’accord sur ce qui le concerne. Je dois cependant faire observer que dans tout ce que j’ai dit tout à l’heure, j’ai raisonné non pas d’après le principe posé par la section centrale, mais d’après celui qui a été adopté par la chambre et d’après lequel on a donné au gouvernement la faculté d’admettre à la retraite les employés qui réunissent les conditions d’âge et de temps de service exigées par la loi. Ce principe étant admis, messieurs, il n’existe pas de droit acquis pour les fonctionnaires qui remplissent les conditions dont il s’agit ; et tant qu’on n’aura pas changé les maximes de la législation, on ne pourra voir un droit acquis dans une faculté d’accorder un droit. Ces fonctionnaires n’ont donc eu de droit acquis que lorsque le gouvernement, usant de la faculté qui lui est laissée, leur a accordé la pension. Alors ce qui n’était dans le principe qu’une faculté donnée au gouvernement devient pour le fonctionnaire un véritable droit acquis. C’est ce que M. le ministre des finances a formellement reconnu. Voilà, messieurs, les principes qui résultant des dispositions de la loi que vous avez adoptées.
Quant à ce qu’on a dit que l’amendement d’un des honorables préopinants aurait été critiqué, en ce qui me concerne, je n’ai pas parlé de cet amendement, j’ai constamment raisonné en thèse générale.
M. le ministre de la justice a dit que le premier paragraphe de l’article 45 a été adopté et que l’on ne paraît nullement disposé à revenir sur cette disposition.
Je ferai observer à la chambre que la deuxième disposition de l’article 45 a été ajournée et que cette deuxième disposition peut très bien donner lieu au vote d’un amendement en faveur des veuves et des enfants des pensionnaires.
J’en viens maintenant à la disposition du règlement de 1822, que je ne trouve pas, quant à moi, si étrange. La condamnation de celui qui est en activité de service à une peine afflictive ou infamante, lui fait perdre ses droits à l’obtention d’une pension ; mais mon intention n’était nullement de vouloir empêcher l’admission d’une disposition qui accordât des droits à la veuve et aux orphelins du fonctionnaire qui serait dans ce cas ; j’ai cité une disposition du règlement, suivant laquelle la rémission partielle conserve le droit de pension pour la veuve et les enfants de l’employé.
Il y a là une faculté laissée au gouvernement de conserver à la veuve et aux enfants de l’employé condamné les droits qu’il pouvait avoir à la pension ; et certainement, je me serais bien mal expliqué si l’on pouvait inférer de mes paroles, qu’il aurait été dans mon intention de ne pas vouloir accorder une semblable faculté au gouvernement ; seulement je crois que puisque les employés eux-mêmes n’ont pas un droit acquis à la pension, vous ne pouvez pas imposer au gouvernement l’obligation de donner une pension à la veuve et aux enfants de celui qui encourrait une condamnation ; vous ne pouvez que donner à cet égard une simple faculté au gouvernement. Je n’ai pas raisonné dans un autre sens.
Il peut se présenter des cas où il ne convienne pas que le gouvernement fasse usage de la faculté dont il s’agit. Si la femme et les enfants ne sont pas dans le besoin et si le fonctionnaire, par exemple, a été condamné du chef de forfaiture, dans ce cas les droits à la pension devraient être considérés comme totalement éteints.
Quant à l’autre disposition dont j’ai parlé, j’ai dit et je persiste à dire que dans le cas où il y aurait réellement droit acquis, il serait nécessaire de faire quelque chose pour la femme et les enfants.
Je crois donc, messieurs, que je ne me suis nullement écarté des principes de la matière, surtout étant parti des dispositions qui ont été adoptées par la chambre.
M. de Behr – Dans le système de la section centrale, il n’y avait pas d’inconvénient à maintenir l’article tel qu’il est rédigé, puisque le trésor public était chargé de faire le service des pensions aussi bien des employés eux-mêmes que des veuves et orphelins ; mais aujourd’hui l’on a décidé l’établissement de caisses de retraite dont les fonds seront faits au moyen de retenues à opérer sur les traitements des fonctionnaires publics ; il faut donc mettre beaucoup plus de circonspection dans la collation des pensions. Lorsque les pensions étaient payées par l’Etat, c’était le trésor public qui profitait des extinctions ; maintenant, si vous accordez la pension du mari à la femme, lorsqu’il est encore vivant, vous grevez la caisse de retraite dont les ressources ne doivent être employées qu’à payer les pensions des veuves et des orphelins.
Un membre – C’est à la charge du trésor.
M. de Behr – Si on veut mettre les pensions à la charge de l’Etat, alors je retire mon observation.
M. de Brouckere – Je ne crains pas, messieurs, de déclarer dès à présent que, quand vous aurez voté tous les articles de la loi, vous trouverez qu’elle forme un ensemble fort mauvais et je vais vous en dire la raison en deux mots :
La section centrale avait posé des principes et elle en avait tiré des conséquences ; les principes essentiels posés par la section centrale, les voici : d’abord toutes les pensions devaient être payées par le trésor, ensuite, tous les fonctionnaires devaient être mis sur la même ligne ; voilà les deux principes qui avaient été admis par la section centrale et auxquels tous les articles du projet se rattachaient plus ou moins. Maintenant la chambre a bouleversé ces deux principes ; elle a décidé qu’il y aura des caisses de retraite séparées, elle a décide en second lieu que tous les employés ne seront pas traités de la même manière, car elle a fait des distinctions, elle a admis différentes exceptions. Qu’en résulte-t-il ? C’est que plusieurs articles de la loi ne sont pas en harmonie avec les principes qui ont été adoptés par la chambre et qui sont diamétralement contraires à ceux qui avaient fait la base du travail de la section centrale. Eh bien, messieurs, en agissant ainsi, il est impossible de faire une bonne loi. Quand nous aurons fini, quand nous en viendrons au second vote, nous trouverons inconséquence sur inconséquence, cela est inévitable.
M. le président – Voici un amendement proposé par M. le ministre de la justice :
« Dans le cas de privation de la pension, la quotité attribuée par les règlements de la caisse des veuves sera payée par le trésor public à la femme et aux enfants du condamné jusqu’à sa mort, sa grâce ou sa réhabilitation. »
M. de Garcia – Je me rallie à cet amendement.
- L’amendement est mis aux voix et adopté. Il complète l’article 45.
M. le président – Nous avons maintenant l’article 52, qui est ainsi conçu :
« Art. 52. Les fonctionnaires et employés actuels ayant, avant la présente loi, plus de 10 ans de services pour lesquels ils ont contribué à la caisse de retraite, conformément au règlement du 29 mai 1822, auront droit, en ce qui concerne ces services, à la liquidation éventuelle de leur pension d’après les bases du règlement précité. »
M. Jadot a proposé l’amendement suivant :
« Les fonctionnaires, agents et employés des finances, en exercice lors de la promulgation de la présente loi, qui, ayant concouru à la formation de la caisse de retraite, auront été soumis à des retenues sur leurs traitements, continueront à être admis à la pension et liquidés dans les conditions des règlements qui leur sont présentement applicables.
« Il en sera de même dans les cas prévus par les règlements à l’égard des veuves et des orphelins. »
Cet amendement a été renvoyé à la section centrale, qui ne l’a pas adopté.
M. Jadot – Messieurs, afin de déterminer la chambre à adopter l’amendement proposé en faveur des professeurs des universités, on a fait valoir la position peu avantageuse dans laquelle la loi nouvelle les placerait comparativement à celle qui leur appartient d’après les règlements de 1816.
Si cette proposition est vraie à l’égard des professeurs des universités, ainsi que je le reconnais, elle l’est également l’égard des employés des finances, et c’est ce qui m’a déterminé à proposer mon amendement.
Les employés des finances qui sont entrés dans l’administration sous l’empire des règlement actuellement en vigueur, ont dû s’attendre à ce que ces règlements leur seraient appliqués, lorsque viendrait pour eux le moment de l’admission à la pension.
Quant à ceux qui entreront dans la carrière après la promulgation de la loi en discussion, ils sauront qu’en la quittant, par suite de leur admission à la retraite, les pensions des fonctionnaires à remises, au lieu d’être calculées comme elles le sont aujourd’hui, sur la totalité de ces remises, ne le seront plus que sur les ¾ ; qu’en payant en cette qualité le maximum de la retenue, ils n’auront pas le maximum de la pension, que si l’insuffisance du traitement de directeur ou d’inspecteur oblige un employé de l’un de ces grades à solliciter un emploi à remises qui le mette à même de suffire aux besoins de sa famille, il ne jouira de cet avantage qu’aussi longtemps qu’il se trouvera en fonctions ; mais qu’à l’époque de sa retraite, quand ses besoins seront plus grands la pension qui lui sera accordée, et plus tard à sa veuve et à ses orphelins, n’aura pas, à beaucoup près, l’importance de celle affectée au grade qu’il aura quitté, de sorte qu’il aura à choisir entre des privations actuelles et des privations futures ; ce qui est souverainement injuste selon moi. C’est pourtant ainsi que se règlera le sort des employés des finances qui seront nommés sous la loi nouvelle, mais quant au sort des employés actuellement en fonctions, il devra être, ainsi que je l’ai dit, fixé par les règlements en vigueur avant la promulgation de cette loi.
On l’a si bien compris en France, quand dans le projet présenté aux chambres de ce pays en 1810, on a maintenu les règlements anciens à l’égard des employés qui seraient en fonctions avant la loi nouvelle, laquelle ne serait applicable qu’aux employés nommés postérieurement.
Permettez-moi, messieurs, d’emprunter au passage que vous a lu hier l’honorable M. Duvivier, d’un discours du ministre des finances de France, du 16 décembre 1834, le paragraphe qui traite spécialement de la question dont il s’agit dans mon amendement : ce discours a été prononcé dans une circonstances semblable à celle où nous nous trouvons aujourd’hui. Il s’agissait d’un changement à introduire dans la législation française sur les pensions.
Le ministre français disait donc : « Sans doute ce système peut être changé, mais pour l’avenir seulement ; pour le passé, tout fonctionnaire en activité a droit à une pension, calculée sur la durée des services à l’époque où le régime en vigueur fera place à une combinaison nouvelle ; ces pensions, toutefois, liquidées éventuellement ne profiteront qu’à ceux qui atteindront l’âge de la vétérance, et satisferont à toutes les conditions des règlements existants. C’est en procédant ainsi que les droits acquis seront respectés, et que la loyauté nationale se manifestera avec un nouvel éclat. »
Je puis donc espérer que l’on appliquera aux employés des finances le principe que d’honorables députés de Liége ont invoqué en faveur des professeurs des universités.
Je bornerai là mes observations en faveur de mon amendement, bien persuadé que les orateurs qui on défendu ce principe lui prêteront l’appui de leur éloquence.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, la section centrale a écarté l’amendement de M. Jadot, principalement par la considération que l’on a déjà accordé de grandes faveurs aux fonctionnaires qui ont contribué à la caisse de retraite, puisque ceux qui auront plus de 10 années de service pourront invoquer le bénéfice du règlement de 1822.
Hier, messieurs, on a insisté sur l’impossibilité de réviser les pensions accordées en vertu de l’arrêté du roi Guillaume, mais on a perdu de vue que si le roi Guillaume a porté l’arrêté dont il s’agit pendant son omnipotence, le congrès qui a ordonné la révision de ces pensions était également omnipotent. Nous maintenons que les pensions dont il est question doivent être révisés, et que l’amendement de M. Jadot ne peut pas être adopté.
M. Demonceau – Cet article, messieurs, est celui qui a été signalé hier comme pouvant être préjudiciable au trésor. M. le ministre des finances nous a répondu, si mes souvenirs sont fidèles, qu’il consentait à renoncer pour l’avenir, à l’application du règlement de 1822.
Cependant, il a ajouté que cette disposition n’avait pas toute la portée que je lui supposais, et que, lorsque nous arriverions au vote de cet article, il donnerait des explications pour satisfaire ceux qui, comme moi, ne voulaient pas de cet article.
Je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien nous dire quelles seront les conséquences de l’adoption de l’article 52. Si cette disposition ne devait pas avoir pour résultat de grever trop considérablement le trésor public, je lui donnerai peut-être mon assentiment ; mais je rejetterais l’article, si le trésor devait supporter, par suite du maintien du règlement actuel, des pensions beaucoup plus considérable que celles auxquelles on serait obligé de pourvoir, en prenant d’autres bases.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, lorsque j’ai répondu hier à l’honorable préopinant, que j’avais en vue non les dispositions de l’article 52, mais celles de l’article 50, j’ai dit, et je maintiens que ces dispositions, ne seraient applicables qu’à un petit nombre de fonctionnaires. Quant à l’article 52, il concerne, en effet, un bien plus grand nombre de fonctionnaires, mais il en est peu qui pourront jouir du bénéfice de la disposition. Il faudrait pour cela, me semble-t-il (car il s’agit ici de l’œuvre de la section centrale) que dès à présent, ils eussent droit à une pension plus forte que celle à laquelle ils pourraient prétendre à la fin de leur temps d’activité. Or si ces employés ont 10, 12 ou 15 années de service, il n’est pas probable qu’en vertu des dispositions du règlement, ils aient déjà droit à une pension plus forte que celle à laquelle ils pourront avoir droit, lorsqu’ils auront terminé leur carrière administrative ; en effet jusqu’à 30 années de service, les bases du règlement sont les mêmes que celle de la loi que nous discutons, sauf seulement l’établissement des maxima ; je crois donc que l’article 52 ne donnera lieu qu’à une bien rare application.
Cet article ne consacre nullement le principe sur lequel est basé l’amendement de l’honorable M. Jadot, amendement qui est conforme au projet de loi qu’on a présenté en France. Là, on maintient les droits acquis aux fonctionnaires actuels jusqu’à la plus grande extension, c’est-à-dire, que pour ceux qui sont entrés dans la carrière sous le régime des règlements ils auront leur pension liquidée d’après ces règlements, tandis que, dans l’article 52, il s’agit seulement des services passés, et pour peu qu’on ajoute quelques services nouveaux, cette disposition devient sans application. Si je me trompais, je prierais l’honorable rapporteur de vouloir bien donner des explications ultérieures sur cet article.
M. de Brouckere – Messieurs, l’article 52 est, en effet, l’œuvre de la section centrale. L’honorable M. Demonceau adresse au ministre une interpellation ; il demande si, par suite de l’adoption de cet article, il doit résulter une charge, oui ou non, pour le trésor. S’il en résulte une charge, l’honorable M. Demonceau rejette l’article ; s’il n’en résulte pas de charge pour le trésor, il l’adopte.
Messieurs, ce n’est pas ainsi que je raisonne. Quant à moi, lorsqu’une loi est en discussion, je me demande, si la loi est juste, oui ou non. Du moment que la loi est juste, quelle que soit la charge qui doive en résulter pour le trésor, je l’adopte ; si la loi n’est pas juste, je la rejette.
La question n’est donc pas de savoir quelle charge l’adoption de l’article 52 doit entraîner pour le trésor, mais il s’agit uniquement de savoir si l’article 52 est juste, oui ou non. Eh bien, je crois qu’il ne me sera pas difficile de prouver que l’article 52 n’est qu’une mesure de justice vis-à-vis des employés de l’administration des finances.
Messieurs, les fonctionnaires de l’administration des finances se sont trouvés jusqu’ici sous le régime d’arrêtés spéciaux. C’est sous l’empire de ces arrêtés qu’ils ont dû abandonner une partie de leur traitement, pour former une caisse de retraite, ces règlements, qui leur imposaient des conditions fort dures ont dû aussi leur donner certains droits qui allaient plus loin que ceux des autres employés de l’Etat.
Maintenant, par votre loi, vous allez changer la position des employés des finances, vous allez les assimiler aux autres fonctionnaires, et si la disposition qui nous occupe ne se trouvait pas dans la loi, il en résulterait que les employés des finances auraient en pure perte fait le sacrifice, pendant un grand nombre d’années, d’une partie de leur traitement.
Eh bien, cela n’est pas juste ; il faut que les employés du département des finances qui, tant sous le rapport des droits que sous le rapport des obligations, étaient sous un régime particulier ; il faut, dis-je, que ces employés, au moment où vous allez les assimiler, quant aux droits, aux autres employés, ne perdent pas les droits qu’ils avaient en quelque sorte acquis.
D’après les arrêtés dont je viens de parler, l’employé du département des finances, en cas de suppression d’emploi, par exemple, avait droit à la pension, s’il avait 10 ans de service.
Qu’a fait la section centrale ? Elle a dit : Nous allons, au moment où une nouvelle loi va mettre tous les employés de l’Etat sur la même ligne, nous allons assimiler les employés du département des finances à ceux qui se trouveraient privés de leur place, par suite de suppression d’emploi. Ainsi, pour ceux qui n’auront pas 10 ans de service, on n’aura pas égard au sacrifice qu’ils ont fait d’une partie de leur traitement mais ceux qui auront 10 années de service conserveront les droits qu’ils avaient.
Cela, je le répète, me paraît extrêmement juste. Il y aurait une souveraine injustice à ne pas adopter une semblable mesure. Sera-t-elle, dit-on, onéreuse au trésor ? Evidemment, il en résultera une charge pour le trésor, mais je crois pouvoir dire avec M. le ministre des finances qu’elle sera extrêmement faible.
Vous avez entendu un honorable collègue, M. Jadot, qui vous a proposé une disposition allant beaucoup plus loin que celle de la section centrale. Si vous adoptiez la proposition de l’honorable M. Jadot, il en résulterait ceci : que les employés du ministère des finances actuellement en fonctions resteraient pendant tout le temps de leur carrière sous le régime des arrêtés spéciaux, vous leur appliqueriez encore ces arrêtés. Eh bien, selon moi, un pareil système ne peut pas être adopté, vous ne pouvez pas traiter d’une manière différente des fonctionnaires remplissant les mêmes fonctions, jouissant des mêmes avantages et ayant les mêmes obligations ; il faut une seule et même loi pour les fonctionnaires d’une même catégorie. Suivant moi, les employés du ministère des finances qui se plaindraient encore après l’adoption du système de la section centrale, auraient le plus grand tort ; on ne porte aucun préjudice à leurs droits : l’article 52 reconnaît de la manière la plus explicite les droits qu’ils peuvent avoir acquis au moment de la promulgation de la loi. Quant à ce qui regarde l’avenir, les employés anciens doivent être mis sur le même rang que les employés nouveaux : pas de préjudice pour les anciens, mais aussi pas de faveurs pour eux ; le même principe doit diriger la chambre à l’égard de tous les employés.
Si donc vous adoptez l’article 52, voici quelle en sera la conséquence :
Un employé ayant plus de 10 années de services au moment de la promulgation de la loi continue encore son service pendant un certain nombre d’années, il demande ensuite sa retraite ; eh bien, pour les années de service antérieures à la promulgation de la loi dont nous nous occupons, on lui appliquera les tarifs qui sont consacrés par les arrêtés spéciaux, pour les services postérieurs à la loi, on lui appliquera le tarif qui sera la conséquence de cette loi ; on combinera ces deux tarifs, et ce sera le résultat de cette combinaison qui fixera le taux de la pension due à cet employé, bien entendu qu’elle ne dépassera jamais le maximum établi par la loi.
Je le répète, cette disposition est souverainement juste : elle reconnaît les droits des employés pour les services passés ; et quant aux services futurs, elle les met sur le même rang que les autres employés.
M. Demonceau – Messieurs, l’argumentation de l’honorable M. de Brouckere repose sur ce principe, qu’il reconnaît des droits acquis aux fonctionnaires qui ont subi des retenues ; je pense que c’est là sa théorie. Pour ma part, je veux bien ne pas contester en ce moment que les fonctionnaires de l’administration des finances aient des droits acquis, par suite des retenues qu’on leur a imposées. Mais à charge de qui ces droits peuvent-ils être acquis ? Ce n’est pas une charge du trésor public, c’est une charge de la caisse de retraite. Voilà en quoi nous différons d’opinion avec l’honorable M. de Brouckere.
Or, si c’est à charge de la caisse de retraite seulement que ces fonctionnaires ont des droits acquis, il a été constaté, par les votes émis par la chambre, que l’actif de la caisse de retraite se trouve réduit à zéro, et c’est pour ce motif que vous avez mis à la charge du trésor, non seulement les pensions qui étaient payées aux fonctionnaires par cette caisse, mais encore une partie de ce qui est nécessaire pour le payement des pensions de leurs veuves et orphelins. L’observation que j’ai présentée hier, je la fera de nouveau à l’honorable M. de Brouckere.
S’il est bien prouvé que les employés de l’administration des finances n’ont acquis de droits qu’à la charge de la caisse de retraite, il me semble résulter de là qu’ils n’ont pas de droits à la charge du trésor. Cependant lorsque vous dites que ceux qui ont 10 années de service auront leurs pensions réglées d’après le règlement de 1822, vous semblez reconnaître qu’il y a des droits acquis à la charge du trésor. Eh bien, voyez dans quelle position avantageuse vous placez encore les fonctionnaires de l’administration des finances. (Quelques dénégations.)
Le règlement de 1822, porté après l’arrêté de 1815, est-il, oui on non, plus avantageux que l’arrêté-loi de 1814 ? On ne peut nier qu’il ne le soit, et si l’on pouvait avoir du doute, il suffirait de se souvenir de la résistance que trouva hier la proposition de l’honorable M. Dubus aîné, tendant à faire procéder à une révision des pensions, d’après les bases de l’arrêté de 1814 ; eh bien, puisque vous avez reconnu, par le vote d’hier, que les fonctionnaires de l’administration des finances devaient être traités comme tous les autres fonctionnaires de l’Etat, pourquoi voulez-vous, par cette disposition, traiter plus favorablement les employés des finances que les autres employés ? Voilà en quoi je trouve un grand avantage pour les fonctionnaires de l’administration des finances : en leur appliquant le règlement de 1822, ils obtiennent leur pension après 30 années de service, tandis que d’après l’arrêté-loi de 1814, il faut 40 ans.
Vous disiez d’une part que les pensions des fonctionnaires de l’ordre administratif et judiciaire qui ont acquis des droits à la pension antérieurement à la présente loi, seront réglées d’après l’arrêté-loi de 1814, et vous dites ici que les employés des finances qui ont 10 années de service auront leur pension liquidée d’après le règlement de 1822.
En bien, d’après le règlement de 1822, il y a plus d’avantages pour les fonctionnaires des finances que d’après l’arrêté-loi de 1814. Mais s’il ne doit en résulter qu’une charge peu importante pour le trésor, je ne tiens pas à faire rejeter la disposition de la loi.
Ainsi, vous voyez que mon vote dépendra des explications qu’on donnera. Je tenais à constater que les fonctionnaires des finances, loin d’avoir droit de se plaindre, avaient un avantage évident sur les autres fonctionnaires. Et je vois avec plaisir que l’honorable M. de Brouckere partage en cela mon avis, et que probablement il votera avec nous le rejet de l’amendement de l’honorable M. Jadot.
M. de Brouckere – Il est facile de donner à M. Demonceau des explications qui le satisferont. Il y a fort peu de différence entre le règlement de 1822 dont nous proposons de maintenir l’application quand aux anciens employés et la loi que nous discutons. Cette différence consiste dans deux dispositions, l’un applicable aux fonctionnaires ayant plus de 30 ans de services ; celle-là, l’honorable membre en conviendra ne peut pas amener de grands résultats. La seconde concerne les receveurs. D’après la nouvelle loi, vous les traitez d’une manière moins avantageuse qu’ils ne l’étaient par les arrêtés spéciaux. Je dis qu’il faut pour les anciens services, leur conserver les droits qu’ils ont aujourd’hui. Si vous n’adoptiez pas l’article 52, savez-vous ce qui arriverait pour les receveurs ? J’en connais dont l’intérêt serait de demander immédiatement leur pension, parce qu’en continuant à servir l’Etat, ils n’auraient droit qu’à une pension moins forte.
Je demande s’il est de l’intérêt de l’Etat et du devoir du législateur de forcer des fonctionnaires valables, pouvant encore rendre beaucoup de services, à demander leur pension. Ce fait, je puis le démontrer, et M. le ministre des finances pourra en affirmer l’exactitude. Je connais des receveurs ayant des droits à leur pension et qui sont dans ces circonstances telles que la pension qu’on leur accorderait maintenant serait plus forte que celle qu’ils pourraient obtenir en restant encore 10 ans en fonctions. Ce serait souverainement impolitique. Sous tous les rapports donc il est indispensable d’adopter l’article 52.
M. Duvivier – M. Demonceau vient de citer les termes dans lesquels on a droit à la pension en vertu de l’arrêté-loi de 1814, en les rapprochant de ceux de l’arrêté de 1822. Si j’ai bien compris, il paraîtrait que, selon lui il fallait 40 ans de service pour avoir droit à la pension sous l’empire de l’arrêté de 1814, et il n’en fallait que 30 sous l’empire de celui de 1822. Si telle a été son assertion, il est tombé dans une complète erreur.
D’après l’arrêté-loi de 1814, à partir de 10 ans de services jusqu’au-dessous de 40 ans, on avait droit à la pension. Mais arrivé à 40 ans de service et de plus à 60 ans d’âge, on avait droit à la pension a fortiori, mais on avait droit à une pension plus forte.
La pension d’un employé qui a servi 40 ans et au-delà peut aller jusqu’aux deux tiers du traitement qu’il a eu pendant le terme moyen des trois dernières années. C’est l’application de cet article qui a donné lieu à la liquidation de pensions qui ont excédé le terme de 6 mille francs et de quelques-unes qui ont été au-delà de 10 mille francs.
L’honorable M. de Theux a dit qu’il avait liquidé une pension de gouverneur qui, en raison de ces deux conditions remplies par lui, de plus de 60 ans d’âge et de 40 ans de fonctions, avait droit à une pension de plus de 10 mille francs.
M. de Theux – Elle n’atteignait pas 10 mille francs.
M. Duvivier – Le traitement de gouverneur est de 7 mille florins.
M. de Brouckere – Eh bien, c’est 9,875 francs.
M. Duvivier – Enfin une pension infiniment plus forte.
Je prends la deuxième catégorie, celle que l’honorable M. Demonceau a perdue de vue. Dans cette seconde catégorie, on a droit à la pension après 10 ans de service ; et au-dessus, jusqu’à 40 ans, on compte un tantième pour chaque année en sus, et s’il résultait de la somme de ces tantième que la pension dût excéder 6,000 francs, alors elle serait ramené à ce chiffre. Voilà donc les deux catégories qu’établir l’arrêté de 1814. M. Demonceau verra que dans cette dernière il est possible d’obtenir la pension, dès qu’on a 10 ans de service. Voici comment s’exprime l’arrêté relativement à cette seconde catégorie :
« La pension d’un employé qui a 10 ans de service, est fixée au sixième du traitement qu’il a eu pendant le terme moyen des trois dernières années et à un soixantième pour chaque année au-dessus de 10 ans et au-dessous de 40 ans, bien entendu que dans ce cas la pension ne peut pas dépasser 6 mille francs. »
Ainsi, vous voyez qu’il ne fallait pas, sous l’arrêté de 1814, 40 ans de service et 60 ans d’âge pour avoir une pension. Mais que, dans ces deux cas réunis, la pension était beaucoup plus forte et que, dans la seconde catégorie, c’est-à-dire quand on ne réunissait pas ces deux conditions, la pension était de six mille francs et au-dessous, jusqu’au sixième du traitement.
M. de Theux – J’avais demandé la parole pour faire observer que, d’après les termes de l’arrêté de 1814, il fallait, pour obtenir plus de 6 mille francs 60 ans d’âge et 40 ans de services.
- L’amendement de M. Jadot est mis aux voix et n’est pas adopté.
L’article 52 est adopté.
M. le président – Nous passons à l’article 55 qui est ainsi conçu :
« Art. 55. Les employés qui ont eu des services militaires ou autres admis aux termes de l’article 60 du règlement du 29 mai 1822 ou admissibles de plein droit suivant l’article 59 du même règlement, sont maintenus dans la jouissance des droits qu’ils ont acquis de ce chef.
« Art. 56. Ceux qui ont été admis à participer à la caisse de retraite des employés du département des finances et de l’administration des postes, en sus de leurs appointements, pour indemnités, émoluments ou diminution de traitement, aux termes des article 41 et 103 dudit règlement, auront la faculté de cesser le payement de la contribution extraordinaire qu’ils avaient à payer de ce chef à la caisse de retraite ou de la continuer au profit du trésor, et ils pourront, dans ce dernier cas, demander l’abaissement de la somme pour laquelle ils contribuent. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Une partie des dispositions de cet article ne peut plus être maintenue, par suite des modifications intervenues dans le projet primitif.
Je pense qu’il faudrait rédiger l’article de la manière suivante :
« Ceux qui ont été admis à participer à la caisse de retraite des employés du département des finances et de l’administration des postes, en sus de leurs appointements, pour indemnités, émoluments ou diminution de traitement, aux termes des articles 11 et 103 dudit règlement, sont maintenus dans les droits qui leur ont été accordées en vertu de cette disposition. »
Cet amendement a pour but de ne pas donner à la loi un effet rétroactif. Tel employé qui a subi une réduction de traitement avait le droit de demande dans les six mois ou dans l’année de cette réduction à pouvoir contribuer pour la pension, sur le traitement antérieur, et lorsqu’il avait fait cette demande dans le délai voulu, une disposition favorable intervenait qui lui permettait de concourir à la dotation de la caisse de retraite d’après son traitement précédent, ce qui lui assurait la liquidation de sa pension à raison de ce même traitement. La disposition que je propose a pour objet de maintenir les droits acquis aux fonctionnaires en vertu des anciens règlements.
M. Demonceau – M. le ministre entend seulement maintenir les droits à la caisse de retraite, c’est-à-dire qu’en continuant les versements faits jusqu’à maintenant à la caisse de retraite, qui sera établie en vertu de la loi en discussion, ces fonctionnaires acquerront pour leurs veuves les mêmes droits qu’elles auraient acquis sous l’empire de l’ancien règlement. Je ne sais si j’ai bien compris M. le ministre, mais comme il n’y a guère lieu de maintenir des droits à charge du trésor, car il n’y a plus de versements à faire pour obtenir la pension qui est à charge de l’Etat, il ne peut s’agir que des veuves et des orphelins ; cet article ne peut s’appliquer qu’à la nouvelle caisse. Il ne me paraît pas nécessaire.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si l’article dont il s’agit devait être entendu dans le sens supposé par le préopinant, il serait inutile, car le gouvernement, dans les dispositions règlementaires, pourra régler ce qui concerne les veuves et orphelins. Mais il s’agit ici de conserver les droits acquis aux fonctionnaires pour leur pension personnelle. Il est tels fonctionnaires qui, depuis 20 ans, contribuent à la caisse d’après un traitement plus élevé que celui dont ils jouissent maintenant, et ce par suite d’une disposition du conseil compétent ; le droit qu’ils ont acquis en faisant cette contribution en vertu d’une décision du pouvoir compétent, on veut le leur maintenir, ainsi que la charge à laquelle il se sont engagés.
J’ai prévenu la chambre que mon intention était que ces employés fussent admis à faire valoir ces suppléments de retenues pour la liquidation éventuelle des pensions de leurs veuves et orphelins.
M. Dubus (aîné) – Il est impossible de saisir la portée de cet amendement. Je demande qu’il soit renvoyé à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Ce n’est pas un amendement ; ce n’est qu’une suppression à l’article 56.
M. de Behr – Je désire expliquer le sens dans lequel a été compris l’article à la section centrale. D’après le projet de loi, toutes les retenues se percevaient au profit du trésor. D’après le règlement de 1822, on avait accordé aux employés nommés à un emploi d’un traitement inférieur à celui de leur emploi primitif, la faculté de rester soumis à la retenue qui s’exerçait sur le traitement le plus élevé. Dans la proposition du gouvernement et dans celle de la section centrale, on avait prévu ce cas ; mais on avait dit que si la retenue était de 5 p.c. comme d’après le projet elle était réduite à 3 p.c., il pourrait continuer de subir la retenue calculée sur le traitement primitif, mais qu’il pourrait demander l’abaissement de la retenue au taux déterminé dans le projet de loi, c’est-à-dire à 3 p.c.
Aujourd’hui qu’il n’y a plus de retenue, je ne sais si l’amendement proposé pourrait être admis.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je demanderai à la section centrale comment on liquidera la pension d’un fonctionnaire qui ayant eu d’abord un traitement de 4,000 francs, puis un traitement de 3,000 francs, a continué de subir une retenue calculée sur un traitement de 4,000 francs, par suite d’une décision ministérielle prise en vertu des règlements.
M. de Behr – On conçoit très bien que quand la retenue s’exerçait au profit de la caisse de retraite, qui devait servir de la pension, il n’y avait aucun danger à conserver la retenue au taux primitif. Mais maintenant que la retenue se percevrait au profit de la caisse de retraite, et que ce serait l’Etat qui devrait servir la pension, je crois qu’il y aurait préjudice pour le trésor, et qu’il faudrait une disposition spéciale pour le cas indiqué par M. le ministre des finances. Mais il me semble qu’il est impossible d’improviser une disposition de cette nature.
M. Demonceau – Lorsque tantôt, j’ai demandé une explication sur la manière dont on devait entendre l’article 52, voici l’explication qu’on m’a donnée : Les fonctionnaires qui auront plus de dix ans de services auront le droit de faire régler leurs pensions d’après les anciens règlements. Pour les autres, leurs pensions seront réglées d’après la nouvelle loi. Telle est l’explication qu’a donnée l’honorable M. de Brouckere. Je suppose que, parmi les fonctionnaires dont a parlé M. le ministre des finances, il s’en trouve qui aient dix ans de services ;on fera le calcul d’après ce qu’a dit l’honorable M. de Brouckere. Mais s’ils n’ont pas dix ans de services, ils tomberont sous l’application de la règle générale.
Ces fonctionnaires ne seront plus obligés de contribuer à la caisse de retraite comme ils l’ont fait jusqu’ici. Mais dans la liquidation de leur pension, on leur tiendra compte des sommes pour lesquelles ils ont contribué.
M. de Brouckere – On liquidera la pension d’après les retenues faites avant la promulgation de la loi, et d’après les traitements touchés depuis la promulgation de la loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – A quoi cela servira-t-il à ce fonctionnaire ? La pension sera liquidée d’après la moyenne du traitement des trois dernières années de service : c’est-à-dire que sa pension sera de un soixantième de cette moyenne multipliée par le nombre de ses années de service.
C’est ainsi qu’en examinant l’article 52, on est tombé dans la même erreur. Cet article ne s’appliquera guère qu’à ceux qui, dans les trois années qui suivront la promulgation de la loi, feront liquider leurs pensions. Dans l’article 52, il ne s’agit que des services antérieurs et non des services qui suivront la promulgation de la loi en discussion.
Ici, à l’article 56, je demande qu’un fonctionnaire qui a subi une retenue calculée sur un traitement primitif plus élevé que celui qu’il a reçu postérieurement, et cela en vertu d’une décision ministérielle, puisse en recueillir les effets dans la liquidation de sa pension. Pour cela, il n’y a pas d’autre moyen que d’adopter l’amendement que j’ai proposé, ou tout autre dans le même sens.
Cet article, d’ailleurs, ne s’appliquera qu’à des fonctionnaires ayant de très longs services à faire valoir, et qui déjà ont vu réduire le montant de leur traitement.
M. Raikem – M. le ministre des finances a fait observer que la difficulté provenait de ce que, dans ce cas-ci, des fonctionnaires ont été soumis à des retenues calculées sur un traitement plus élevé que leur traitement effectif. Maintenant, je ne sais si nous devons ici dévier des dispositions générales du projet, autrement que par une disposition transitoire qui rentrerait dans les dispositions générales, c’est-à-dire qui embrasserait le passé et l’avenir ; le passé, du chef des retenues payées jusqu’à la publication de la loi ; l’avenir, en suivant les principes posés par la loi elle-même.
Le principe général, consacré par la loi, c’est que les pensions des fonctionnaires seront à la charge de l’Etat, et que pour eux, à l’avenir, il a été institué une caisse de retraite pour les veuves et orphelins, mais uniquement pour ceux-ci ; la retenue ne doit plus avoir lieu qu’en ce qui concerne ces derniers. En ce qui concerne les fonctionnaires, pour pourvoir au paiement de leurs pensions, il ne s’agit plus de la retenue qui est appliquée à un tout autre objet. Voilà pour l’avenir. Mais quant au passé, quant à ce qui a eu lieu antérieurement à la promulgation de la loi, c’est une position exceptionnelle que celle des fonctionnaires qui ont subi une retenue sur un traitement plus élevé que celui qu’ils recevaient.
L’article 52 pourrait pourvoir en partir à cet inconvénient, mais, M. le ministre des finances a fait observer que ce ne serait pas sur les traitements touchés avant la publication de la loi, mais sur celui touché pendant les trois dernières années d’activité, que serait calculée la pension du fonctionnaire. Et par là il peut arriver que la retenue antérieure soit sans influence sur le taux de la pension, s’il n’y a pas de disposition sur ce point.
Toutefois la retenue ayant été supprimée pour les pensions des fonctionnaires, elle ne doit pas continuer de ce chef, après la loi nouvelle, car elle devrait avoir lieu au profit du trésor ; ce qui serait s’écarter du principe de la loi. On ne doit donc envisager cette retenue particulière que pour le temps antérieur.
Il s’agit de concilier les droits que peuvent avoir les fonctionnaires dont a parlé M. le ministre des finances avec les principes de la loi. On ne peut improviser une disposition de cette nature. La section centrale qui a rendu de si grands services dans cette discussion, pourra la formuler. Sous ce rapport, la proposition faite par l’honorable M. Dubus (aîné) me paraît parfaitement juste. J’appuie donc la demande de renvoi à la section centrale.
M. de Brouckere – Pour ma part, je ne reconnais nullement la nécessité d’introduire dans la loi l’amendement de M. le ministre des finances. Je crois que l’article 52 étant sainement entendu, il ne peut, en aucun cas, en résulter de préjudice pour l’employé. Quelle que soit l’hypothèse que vous posiez, je me fais fort d’établir que, dans aucune, l’employé ne peut avoir à se plaindre. La disposition est toute à son avantage.
Puisqu’on ne paraît pas d’accord sur ce point et que M. le ministre des finances paraît croire nécessaire la disposition qu’il a proposée, il y aurait un autre moyen que le renvoi à la section centrale, qui entraînerait des délais et nous empêcherait d’aborder d’autres matières très urgentes. On pourrait, ce me semble, terminer aujourd’hui le premier vote de la loi, ordonner l’impression des amendements adoptés en regard de la loi, et laisser un certain temps pour examiner l’ensemble et chacune des parties de la loi.
Alors, messieurs, nous pourrons peut-être parvenir à faire un ensemble satisfaisant ; et il sera bien entendu que M. le ministre des finances restera libre, s’il persiste dans son opinion, de reproduire son amendement, qui d’ici là sera imprimé et que nous pourrons étudier.
M. de Behr – Je crois qu’on pourrait lever toutes les difficultés, si on ajoutait qu’il ne s’agit que des services antérieurs à la promulgation de la présente loi. Vous verriez alors que tout se concilie. Car il est évident que l’employé qui a subi une retenue à raison d’un traitement plus fort que celui qu’il touche, doit jouir des avantages qui lui étaient accordés en vertu des règlements qui lui permettent de subir une retenue plus forte.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je crois que la disposition telle que la propose l’honorable M. de Behr, est complètement inutile, parce qu’alors, en effet, l’article 52 serait applicable. S’il ne s’agit que des services antérieurs, l’article 52 me paraît applicable à l’article 56. Il s’agit de conserver, selon moi, à des fonctionnaires le droit qu’ils ont d’être pensionnés en vertu d’un traitement plus élevé. Si vous n’admettez pas ce droit, il est inutile de voter l’article.
M. de Brouckere – Non, nous ne voulons pas adopter de faveur pour l’avenir ; la chambre s’est assez expliquée à ce sujet. Mais nous avons admis des dispositions pour le passé, pour que la loi ne consacre pas d’injustices. Ainsi, je suppose qu’un employé qui aura joui jusqu’ici d’un traitement de 4,000 francs passe à un emploi où il n’en a que 3,000 ; eh bien, on liquidera sa pension à raison de 4,000 francs jusqu’aujourd’hui, et à raison de 3,000 pour les années qui vont courir. Il sera donc fait justice à l’employé.
Je suppose que cette position change : je suppose que l’employé n’ait contribué jusqu’à présent à la caisse des pensions que pour un traitement de 4,000 francs, qu’il obtienne un emploi qui lui rapporte 6,000 francs et qu’il conserver cet emploi pendant trois ans. Eh bien ! sa pension sera liquidée à raison de 6,000 francs.
Vous voyez donc que l’article est tout à l’avantage des employés et non à leur préjudice.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je regrette d’abuser des moments de la chambre ; mais les observations de l’honorable M. de Brouckere me paraissant erronées ; je ne puis laisser voter sous l’impression qu’elles peuvent avoir produites.
Il a attribué à cet article 52 une portée qu’il n’a pas réellement. On dit : Vous liquiderez les pensions des fonctionnaires à raison des anciens services. Mais ceux-ci ne compteront pas pour beaucoup d’entre eux. L’employé qui n’a que 3,000 francs d’appointements pendant les trois dernières années de service aura sa pension liquidée à raison de 3,000 francs.
L’article 52 n’admet pas qu’il y aura deux liquidations ; d’après cet article il ne peut y en avoir qu’une.
Il y a cet avantage dans les règlements existants, que les pensions des fonctionnaires, après 30 années de service, s’établissent à raison de 1/40e au lieu de 1/60e. C’est là un avantage réellement acquis aux anciens services en vertu de l’article 52.
Mais il y a une autre disposition dans le projet de loi pour n’établir que sur les ¾ des remises. Or si les ¾ des remises, au moyen de la liquidation, présentent un traitement plus élevé que celui dont le fonctionnaire jouit présentement, celui-ci ne retirera aucun bénéfice de l’article 52.
Ce sera donc en vain qu’il aura contribué pendant nombre d’années en raison d’un traitement plus élevé que celui dont il aura été en possession, et il ne lui sera, dans ce cas, tenu aucun compte du sacrifice qu’il se sera imposé.
M. de Brouckere – Messieurs, je crois que M. le ministre des finances est tout à fait dans l’erreur. Il part toujours de ce point qu’il n’y a pas deux liquidations, et nous soutenons, nous, qu’il y en a deux. Il n’est pas étonnant que nous ne nous entendions pas.
Je dis qu’il y a deux liquidations. Ainsi un receveur en fonctions aujourd’hui demande dans dix ans la pension. Comment liquidera-t-on cette pension ? Pour les années qui ont couru jusqu’aujourd’hui, on calculera d’après l’entièreté de ses remises, et pour les années qui courront à partir d’aujourd’hui jusqu’au moment où il se retirera on calculera sur les ¾ des remises. Il y aura ainsi deux liquidations ; on fera l’addition, et ce sera le résultat de cette addition qui fixera la pension à accorder à l’employé.
Vous voyez donc qu’il y a deux liquidations, et c’est ce qui résulte de la loi. Voyez l’article 52, voici comment il s’exprime :
« Les fonctionnaires et employés actuels ayant, avant la présente loi, plus de 10 ans de services, pour lesquels ils ont contribué à la caisse de retraite, conformément au règlement du 29 mai 1822, auront droit en ce qui concerne ces services, à la liquidation éventuelle de leur pension d’après les bases du règlement précité. »
Que signifient ces mots : « en ce qui concerne ces services » ? Ils signifient que pour les anciens services, il y aura une liquidation spéciale qui se fera conformément aux dispositions de l’arrêté du 29 mai 1822, et qu’il y aura une autre liquidation pour les services postérieurs à la promulgation de la loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si la section centrale entend qu’il y aura deux liquidations, je ne persiste pas dans mon amendement ; je le retire ainsi que l’article du projet de loi.
- L’article 56 est supprimé.
L’article 57 est aussi supprimé.
M. le président – Nous avons terminé le premier vote de la loi. Je ferai observer qu’il est impossible au bureau de faire le travail nécessaire pour le second vote avant lundi soir.
M. Duvivier – Je désire faire une observation dans l’intérêt de la meilleure rédaction de la loi. Dans le travail de la section centrale, on trouve tantôt « magistrats, fonctionnaires ou employés », tantôt « fonctionnaires, magistrats ou employés. » Le projet du gouvernement commence toujours par le mot « employé. » Je crois qu’il faudrait adopter une rédaction uniforme.
M. de Behr – L’honorable M. Duvivier n’a pas bien conçu le sens du projet tel qu’il a été présenté. Voici ce qui a été fait. Lorsque la disposition était commune aux ministres et aux autres fonctionnaires, on a dû mettre « les fonctionnaires » avant « les magistrats », parce que c’était un terme général qui s’appliquait aux premiers dignitaires de l’Etat. Mais quand on est arrivé aux dispositions qui concernent les fonctionnaires ordinaires, on a dû mettre en premier lieu « les magistrats ». De sorte qu’il n’y a pas contradiction.
M. Duvivier – D’après cette explication, je retire mon observation.
M. de Brouckere – M. le président a demandé à la chambre à quel jour elle désirait fixer le second vote de la loi des pensions. Je crois qu’il faut laisser s’écouler un certain laps de temps pour donner à chaque membre le loisir d’étudier les différentes dispositions de la loi.
Je demanderai donc qu’on mette à l’ordre du jour de lundi le budget des travaux publics et qu’il soit décidé que le second vote sur la loi des pensions n’aura lieu qu’après la discussion de ce budget.
M. Eloy de Burdinne – Je crois que nous ne pouvons aborder immédiatement la discussion du budget des travaux publics ; à peine le rapport nous est-il distribué, nous ne l’avons reçu qu’aujourd’hui. Et remarquez-le bien, ce rapport est un volumineux mémoire qui demande naturellement d’être examiné. Si nous n’avons pas le temps nécessaire pour l’étudier, il en résultera ce qui vient d’arriver avec la loi des pensions, c’est que nous resterons à discuter au moins pendant un mois.
Selon moi, il y a autre chose à faire. Le budget des voies et moyens est un budget très important, qui demande d’être voté le plus tôt possible. Je crois que nous devons commencer par ce budget ; c’est d’après les voies et moyens votés que nous verrons si nous pouvons accorder les dépenses pétitionnées pour les travaux publics.
Je propose donc de discuter d’abord le budget des voies et moyens.
M. Lys – Je crois qu’il y a lieu de mettre en premier lieu à l’ordre du jour le second vote de la loi des pensions. C’est une loi que nous connaissons, tandis que nous venons seulement de recevoir le rapport sur le budget des travaux publics et que nous n’avons pu encore l’étudier.
M. Eloy de Burdinne – Je me rallie à la proposition de M. Lys.
M. de Theux – Je voulais présenter la même observation que l’honorable M. Lys. Il est important tant que nous avons présentes à la mémoire les dispositions de la loi des pensions, de procéder au second vote. Si un objet important vient dans l’intervalle, les dispositions de cette loi seront perdues de vue, et nous aurons beaucoup plus de difficulté au second vote.
M. Demonceau – Je voulais faire les mêmes observations.
M. de Brouckere – Je ne m’opposerai pas, messieurs, à la proposition qui vient d’être faite par plusieurs membres, je ferai seulement remarquer que, si elle est adoptée, il est impossible que la section centrale se réunisse pour examiner les amendements adoptés et que l’on ne doit plus attendre alors aucun concours de sa part.
M. Zoude, rapporteur – Je dois expliquer la demande que j’avais faite du renvoi de la loi à la section centrale. J’ai seulement entendu qu’on nous donnât communication du projet, afin que nous pussions faire au bureau les observations que nous jugerions utiles.
M. de Brouckere – Je demanderai alors qu’on remette la discussion à lundi.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si l’on est en mesure de reprendre lundi la discussion de la loi des pensions…
Plusieurs membres – Ce n’est pas possible.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Alors j’appellerai l’attention de la chambre sur la nécessité et sur la convenance de commencer enfin la discussion du budget des travaux publics. Nous sommes au 13 du mois de février : à la fin de ce mois le crédit provisoire alloué par les chambres vient à expirer, et je crois qu’il serait très fâcheux de forcer le ministre des travaux publics à demander un nouveau crédit provisoire. La chambre doit faire en sorte, ce me semble, de régulariser le plus tôt possible un budget auquel elle paraît attacher de l’importance et qui d’ailleurs le mérite à tous égards. Ce qu’on a appelé le mémoire de la section centrale n’est pas, d’après ce que j’en ai vu, très long à étudier.
Le rapport en lui-même n’est pas très développé ; il est à la vérité, accompagné de pièces justificatives, mais ces pièces peuvent être examinées à mesure que l’on discute les articles ; la connaissance n’en est pas, à la rigueur, nécessaire pour la discussion générale. Il est très probable que le budget des travaux publics donnera lieu à une discussion de plusieurs jours, je m’y attends et j’y suis préparé, mais si cette discussion doit se prolonger un peu, cela me mettrait, vis-à-vis du sénat, dans une position plus ou moins fâcheuse ; cette loi arrivera encore au sénat à la fin du mois et il aura à peine le temps de l’examiner.
Si cependant la chambre était en mesure de reprendre la discussion de la loi des pensions lundi prochain…
Plusieurs membres – Mardi.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Alors vous perdrez la journée de lundi.
M. de Brouckere – Il n’y a pas moyen de faire autrement.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si l’on pouvait prévoir au moins que la nouvelle discussion de la loi des pensions ne se prolongera pas pendant plusieurs jours encore, j’admettrais la proposition de ne discuter mon budget qu’après le vote définitif de cette loi, mais si vous allez consacrer plusieurs jours encore à la discussion de la loi des pensions. (Non ! non !) Il m’est impossible de ne pas réclamer sur la priorité pour le budget des travaux publics.
M. Eloy de Burdinne – Je ne conteste pas, messieurs, la nécessité de voter le plus tôt possible le budget des travaux public, mais j’ai le droit de demander à mon tour que l’on reconnaisse l’urgence de discuter le budget des voies et moyens. Si la chambre est d’intention d’adopter les majorations d’impôts demandés par M. le ministre des finances, plus on tardera à le faire, plus le trésor sera lésé. Tout le monde est informé que les droits de tel et tel objet seront augmentés ; eh bien, l’on fera des provisions des articles qu’il s’agit d’imposer et il en résultera une grande perte pour le trésor.
Je demande qu’on ne statue sur l’ordre du jour qu’après le vote définitif de la loi des pensions.
M. de Brouckere – Je demande que l’on mette le budget des travaux publics à l’ordre du jour pour être discuté immédiatement après la loi des pensions.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je demande que l’on mette la discussion du budget des travaux publics à l’ordre du jour simultanément avec celle de la loi des pensions.
M. Dubus (aîné) – Je ne vois pas que l’on doive ainsi charger l’ordre du jour ; quand plusieurs objets peuvent être mis en discussion, on ne sait pas à quoi il faut se préparer.
M. de Brouckere – Il peut arriver qu’au commencement de la deuxième séance, par exemple, le vote définitif de la loi des pensions soit terminé. Eh bien, si ce cas se présente, nous pourrons commencer immédiatement la discussion du budget des travaux publics.
- La proposition de M. Eloy de Burdinne est mise au voix ; elle n’est pas adoptée.
M. le président – Ainsi, messieurs, le budget des travaux publics se trouve également à l’ordre du jour.
- La séance est levée à 4 heures ¾.