(Moniteur belge n°27 du 27 janvier 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Villegas procède à l’appel nominal à 2 heures et donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique les pièces de la correspondance.
« Le sieur P.-A. Plangere, ex-sous-officier de gendarmerie, pensionné, demande que sa pension soit portée au taux de la loi nouvelle. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur R. Welder, caporal tambour au 7e régiment de ligné, né en Suisse et entré au service de la Belgique en 1830, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur V. Ebinger, né en Suisse, sergent au 7e régiment de ligne, étant au service de la Belgique depuis 26 ans, demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
Le ministre de l’intérieur envoie le procès-verbal de l’élection qui a eu lieu à Philippeville.
M. le président tire au sort la commission qui sera chargée de vérifier cette élection. Elle se compose de MM. Simons, de Roo, Kervyn, Morel-Danheel, Lange, de Potter et Milcamps.
La parole est à M. le rapporteur pour donner lecture du rapport de la section centrale sur les divers amendements qui ont été présentés dans la séance d’hier.
(M. Zoude donne lecture du rapport que nous publierons dans un prochain numéro.)
La chambre en ordonne l’impression et la distribution.
M. le président – M. Dumortier a demandé hier l’ajournement de l’article premier. Je mets cette proposition aux voix.
- Elle est adoptée.
La chambre ajourne également l’article 2.
On passe à l’article 3.
« Art. 3. Il sera exercé, au profit du trésor public, des retenues qui se composeront :
« D’une retenue de 3 p.c. sur tous les traitements indistinctement et les ¾ de remises alloués par l’Etat pour des fonctions susceptibles de conférer des droits à la pension en vertu de la présente loi.
« Cette retenue ne pourra, dans aucun cas, excéder 300 francs par traitement ;
« 2° D’une retenue du premier mois de tout traitement et remises pour fonctions conférées à l’avenir ;
« 3° D’une retenue pendant le premier mois de toute augmentation de traitement et remises ;
« 4° Des retenues déterminées par les règlements d’administration pour cause de congé, d’absence ou de punition.
« Toutes les retenues mentionnées au présent article feront, chaque année, l’objet d’un chapitre distinct au budget des voies et moyens. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs l’article 10 de l’arrêté-loi de 1814 établissait la pension de certains fonctionnaires, non seulement sur leurs traitements, mais aussi sur les émoluments qu’ils recevaient comme suppléments de traitement. Le projet de loi présente à cet égard une lacune. Je vais donner lecture de cet article 10 :
« En cas que le revenu des places soit composé en tout ou en partie du casuel ou autres émoluments, et que par conséquent le traitement ne puisse pas servir de base pour régler la pension, le casuel ou autres émoluments connus, seront pris en considération dans la fixation de la pension. »
Dans cet article on a voulu régler le sort des fonctionnaires qui jouissent d’émoluments plus ou moins considérables, tels que greffiers, juges de paix et autres.
Pour obvier à cette lacune, je présente l’amendement suivant :
« Je propose de supprimer la dernière partie du paragraphe premier de l’article 3, commençant par les mots : « et les ¾ de remises allouées, etc. », et de remplacer ces mots par ceux-ci : « et d’une retenue de 3 p.c. sur les ¾ des remises du casuel et des autres émoluments qui tiennent lieu de traitement ou de supplément de traitement. »
Par suite de cet amendement, il sera nécessaire de modifier comme suit le paragraphe 2 de l’article 12 :
« Pour les fonctionnaires et employés auxquels des remises, un casuel et d’autres émoluments tiennent lieu de traitement, cette moyenne s’établira sur les ¾ des remises du casuel et des autres émoluments pendant le même temps.
M. de Garcia – Messieurs, la portée de cet amendement est immense ; je demande qu’il soit imprimé, et renvoyé à l’examen de la section centrale. Je dis, messieurs, que cet amendement a une portée immense, et je ne conçois pas comment on pourra l’appliquer sans difficulté. Par exemple, lorsqu’un magistrat se déplace, il a droit à une indemnité ou à un casuel ; comment appliquera-t-on la loi dans ce cas ? Il y aurait réellement danger à adopter légèrement un amendement qui pourrait être inapplicable. Le juge de paix a aussi un casuel. Comment liquiderez-vous ce casuel ? L’application de cette disposition rencontrera donc beaucoup de difficultés. Je persiste donc à demander que l’amendement soit imprimé et envoyé à l’examen de la section centrale.
(Moniteur n°28 du 28 janvier 1841) M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, je ne m’oppose pas à ce renvoi ; cependant je ferai dès à présent quelques observations sur l’amendement qui n’a pas une portée aussi douteuse que paraît le penser l’honorable préopinant.
Cet amendement ne contient pas une disposition nouvelle, il reproduit simplement l’article 10 de l’arrêté-loi de 1814, dont M. le ministre des finances a donné lecture tout à l’heure, et qui est exécuté sans difficulté depuis 26 ans.
C’est moi, messieurs, qui ai suggéré à M. le ministre des finances l’idée de cet amendement, parce que j’avais remarqué que la loi était incomplète, en ce qui concerne un grand nombre de fonctionnaires et d’employés ressortissant à mon département.
C’est ainsi que les juges de paix jouissent d’un casuel. Ce casuel forme même la plus grande partie de leurs traitements, de sorte que si ce casuel n’existait pas, le traitement des juges de paix eût été fixé à un taux beaucoup plus élevé qu’il ne l’est. Nous avons des juges de paix qui n’ont que 960 francs ; c’est qu’en fixant ce traitement on a eu égard au casuel dont ces fonctionnaires jouissent. Il faut donc, pour être juste à leur égard, qu’on tienne compte de ce casuel pour la liquidation de leur pension.
Ce que je dis des juges de paix, je le dirai des greffiers des justices de paix, des greffiers des tribunaux de première instance et des tribunaux de commerce. Quelques-uns de ces derniers n’ont qu’un traitement d’un peu plus de 900 francs, mais ils ont un casuel qui leur en tient lieu.
Si de la magistrature je passe à l’ordre administratif, je dirai que dans l’administration des prisons il existe un certain nombre d’employés qui ont des émoluments. On donne à quelques-uns de ces employés la nourriture, le chauffage, l’éclairage et le logement. D’autres n’ont pas ces émoluments, et ont, dès lors, un traitement plus fort. Il est naturel qu’on tienne compte aux premiers de leurs émoluments, car s’ils n’en jouissaient pas, leur traitement serait aussi plus élevé.
C’est pour ces motifs que j’ai cru devoir engager M. le ministre des finances à présenter l’amendement dont il vient d’être donné lecture.
Quant à la liquidation de ce casuel et de ces émoluments, elle n’a rencontré jusqu’ici aucune difficulté.
On a parlé des frais de voyage qui sont accordés aux magistrats mais ces frais ne peuvent pas être considérés comme des émoluments, ni comme casuel, ils ne sont qu’une indemnité de dépenses qu’un fonctionnaire public fait, à titre d’avance, pour en être remboursé.
(Moniteur n°27 du 27 janvier 1841) M. Delehaye – Messieurs, je pense que le projet de loi consacrera plusieurs injustices qui, d’après moi, ne pourront disparaître que pour autant que vous établissiez différentes catégories de fonctionnaires, ayant droit à une pension.
C’est ainsi par exemple que, pour l’ordre judiciaire, vous avez déjà déclaré que plusieurs fonctionnaires de cet ordre n’étaient pas suffisamment rétribués ; on a parlé tout à l’heure des juges de paix ; eh bien, il y a des juges de paix qui, tout compris, n’ont que 1,200 francs. Les commis-greffiers des tribunaux de 1er instance n’ont que 16 à 1,700 francs.
Cependant vous voulez exercer une retenue sur le traitement de ces fonctionnaires, alors que vous ne leur avez pas encore accordé l’augmentation que vous avez reconnue juste.
Je vois des anomalies plus étranges encore. En effet, on veut que les fonctionnaires se cotisent entre eux pour venir au secours des veuves et orphelins. A cet effet, vous établissez une caisse et vous forcez ceux qui n’ont ni veuve ni orphelins, à contribuer à la dotation de cette caisse. Par exemple, les ministres des cultes, est-il juste qu’ils contribuent au paiement des pensions aux veuves et orphelins. J’ai commencé par dire que vous empiriez le sort de fonctionnaires reconnus dès à présent n’être pas suffisamment rétribués, et que vous n’assuriez pas leur avenir.
Pour d’autres, vous détruisez le présent sans aucune espèce de compensation. Je veux parler des desservants. Comment voulez-vous opérer une retenue de 3 p.c. sur un traitement qui s’élève à 800 francs ? M. le ministre voudrait que, dans la somme sur laquelle s’opérerait la retenue, fût aussi compris le casuel. Comment allez-vous déterminer le casuel du desservant ? à moins que vous ne déclariez que la disposition ne s’applique par à ce casuel. Alors vous feriez bien de le dire ; car le terme usité est bien casuel. Si vous qui êtes auteurs de la proposition, ne distinguez pas, comment voulez-vous que nous le fassions ?
Il y a d’autres erreurs encore. Hier on vous a parlé des professeurs des universités. Comment peut-on mettre sur la même ligne les professeurs des universités et d’autres fonctionnaires qui n’ont pas le même rang et ne rendent pas les mêmes services ? Il est évident que des intérêts seront blessés.
Si nous voulions éplucher la loi, nous ne trouverions pas un seul article qui, même sous le rapport de la rédaction, fût satisfaisant. Si vous ne faites qu’une seule catégorie de fonctionnaires, il est impossible que je donne mon assentiment à la loi, parce que, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, il en résulte des injustices et des anomalies que je ne puis consacrer par mon vote.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Nous avons établi la retenue de 3 pour cent dans le seul but de donner des pensions aux veuves et aux orphelins des fonctionnaires de l’Etat. Par conséquent il n’a pas dû entrer dans l’intention du gouvernement de soumettre à cette retenue le traitement des ecclésiastiques.
Nous nous sommes réservé de soumettre des amendements à mesure que la discussion s’engagerait. J’ai à présenter à l’article 3 un second amendement, ou plutôt un changement de rédaction, pour qu’il soit bien entendu que les traitements des ministres du culte ne sont pas soumis à la retenue.
Quant aux autres anomalies dont parle l’honorable préopinant, celles qu’il signalera et qui seront reconnues, pourront être écartées.
Celle qu’il signale à l’égard des juges de paix n’existe pas ; il faut admettre en principe que la retenue sur les traitements n’est établie que pour compensation à de nouveaux avantages. Quant il s’agira d’examiner plus particulièrement la position des juges de paix, on pourra prendre en considération le peu d’élévation de leurs traitements, et si, pendant la discussion de cette loi, des amendements reconnus équitables sont proposés en faveur de telle ou telle catégorie de fonctionnaires, ils seront examinés avec toute l’attention qu’ils mériteront. Rien ne doit donc nous empêcher de procéder à l’examen de l’ensemble de la loi ; si le projet présente quelques lacunes ou défectuosités, on pourra l’améliorer au fur et à mesure de la discussion.
Je ferai observer que cette loi n’est que le maintien de ce qui existe, excepté en ce qui concerne le département des finances. Pour toutes les autres administrations, je le répète, elle est le maintien de la législation actuelle.
Il y avait dans le projet primitif une exception à ce système au détriment des professeurs des universités ; cette exception disparaît par suite d’un amendement présenté dans la séance d’hier.
L’amendement que je désirerais présenter encore au projet de la section centrale, consisterait à adopter, quant à la retenue du traitement du premier mois de l’entrée en fonctions, le projet du gouvernement, c’est-à-dire que la retenue faite au fonctionnaire nouvellement nommé, au lieu d’être du premier mois, ne serait que de la moitié du premier mois.
En effet le plus grand nombre des employés des finances appartenant au service actif des douanes, n’ont guère de ressources. Ils peuvent bien vivre en famille en attendant leur nomination à un emploi de préposé. Mais pour aller s’établir dans une autre localité sans une légère fraction de leur traitement, cela leur serait impossible. La plupart seraient forcés de contracter des dettes, ce qui les mettrait dans une situation gênée, qui ne pourrait tourner qu’au détriment du service de l’Etat.
Je demande donc qu’on borne la retenue à la moitié du 1er mois, au lieu du mois entier, c’est-à-dire qu’on maintienne à cet égard la proposition du gouvernement.
Je propose en outre d’ajouter au n°1 de l’article 3, ces mots : « Autres que ceux des ministres du culte catholique », et d’effacer le mot « indistinctement. »
M. de Garcia – Pour répondre à l’observation que j’ai eu l’honneur de présenter sur la difficulté de l’application de l’article amendé, le ministre a invoqué ce qui se passait sous l’empire de l’arrêté-loi de 1814. Mais en invoquant ce qui se passait sous l’empire de cette loi, le ministre n’a rien ajouté concernant la retenue ; or, sous l’empire de cette loi, il ne se faisait aucune retenue, il n’y avait pas grande difficulté d’application à apprécier le casuel d’un juge de paix, quand il demandait sa pension. Mais quand il s’agira de faire la retenue, ce sera tout autre chose, il faudra avoir une liquidation chaque année.
Vous voyez que dès lors l’application peut devenir très difficile. Je ne dis pas qu’elle soit absolument impossible. Je désire seulement être éclairé. Je demande le renvoi à la section centrale.
M. Dumortier – Ce qui me frappe dans la discussion de cet article, c’est que nous ne procédons pas méthodiquement. En effet, dans la discussion habituelle des lois de finances, avant de s’occuper des moyens de faire face aux dépenses, on commence par dire les dépenses qu’on veut faire. C’est ainsi que dans toutes les sections nous avons voulu que le budget des dépenses fût examiné avant le budget des voies et moyens. Ici, nous discutons d’une manière inverse. Avant de dire les dépenses que nous voulons faire pour les pensions, nous commençons par discuter les moyens d’y faire face. C’est là ce qui jette de l’incertitude dans nos délibérations. Si nous avions commencé par établir ce que nous voulons en fait de pensions, l’examen des moyens d’y faire face ne présentait pas de difficulté. Cette méthode, selon moi, aurait singulièrement simplifié les questions relatives aux pensions.
Aujourd’hui nous reconnaissons que les pensions s’élèvent à quatre millions, indépendamment de celles payées par la caisse de retraite, et qui montent à 1 million. Ainsi la totalité des pensions s’élève à environ 5 millions. De ces pensions, il faut défalquer les pensions militaires. Mais d’un autre côté, jusqu’à ce jour vous n’avez à payer aucune pension du chef du chemin de fer. Plus tard il faudra tenir compte de cela. Voilà donc cinq millions de pensions. D’après les calculs présentés par le ministre dans ses développements, l’intégralité des traitements civils s’élève à 14 millions. Le chiffre des pensions sera donc le quart de l’intégralité des traitements.
Remarquez bien qu’aujourd’hui on met encore une certaine réserve dans la collation des pensions de la caisse de retraite, parce que le conseil d’administration de la caisse de retraite, devant faire face aux pensions, au moyen d’une retenue proportionnelle sur le traitement des employés, a soin de ne pas mettre trop d’employés à la retraite, pour ne pas avoir à opérer une trop forte retenue. Mais quand ce sera l’Etat qui devra payer, ceux qui admettent à la pension étant désintéressés, les pensions iront crescendo.
Vous en aurez bientôt pour 6 millions, alors qu’il n’y aura que 14 millions de traitements effectifs. Cet état de choses m’effraye dans l’intérêt du trésor public.
Je ferai remarquer que le ministre se trompe quand il dit que la loi actuelle n’est que le maintien de ce qui existe aujourd’hui. Cela est vrai jusqu’à un certain point, mais si le fonctionnaire administratif avait droit à une pension, ni la veuve ni les orphelins n’y avaient droit. Ici on demande de reconnaître un droit à la pension au profit des veuves et des orphelins. Mais ce droit emportera une somme considérable. Il est vrai, vous aurez un revenu pour couvrir la dépense ; mais faites le calcul de ce que rapportera la retenue de 3 p.c., si vous défalquez des quatorze millions tout ce qui peut excéder 300 francs de retenue, vous aurez un produit de 300,000 francs au plus. Aujourd’hui, la caisse de retraite pour pensions aux veuves et orphelins, paye plus de la moitié de cette somme. Il y aura de ce chef une charge nouvelle.
Quant à la proposition du ministre des finances, je ferai remarquer deux choses à l’assemblée : d’abord, c’est que le chiffre de la retenue, déterminé dans le projet de loi est bien inférieur à celui déterminé en France, puisqu’en France le gouvernement propose d’élever la retenue à 5 p.c. Vous voyez d’après cela qu’avec une retenue de 3 p.c., nous ne pourrons suffire aux besoins.
Ce n’est pas tout. D’après le projet de loi, le traitement du premier mois de tout employé nouvellement nommé devait être retenu. Que demande M. le ministre des finances ? Que le traitement de 15 jours seulement soit retenu. En France, c’est l’inverse : c’est le traitement des deux premiers mois qu’on propose de retenir. Ainsi le trésor public ne recevrait de ce chef, en Belgique, que le quart de ce que reçoit le trésor en France. En procédant ainsi, vous augmenterez évidemment les charges du trésor public.
J’ajouterai quelques mots à ce qu’ont dit plusieurs honorables collègues, relativement à la proposition d’ajouter le casuel comme base des retenues, pour la pension. Vous savez qu’il y a en Belgique des traitements considérables qui ne se composent que de casuel. Ainsi, les conservateurs des hypothèques ont des traitements de 15 à 20 mille francs qui ne se composent que de casuel. Vous allez donc calculer les pensions sur de telles bases ! Ce système vous conduira à faire des pensions impayables.
Ce n’est pas tout. J’ai toujours pensé que, dans une bonne hiérarchie de pensions, on devait avoir égard aux fonctions et non aux traitements. Aussi ai-je toujours blâmé (et la chambre entière l’a blâmé comme moi), que, par suite de l’organisation de la caisse des retraites, un receveur eût une pension supérieure à celle des employés supérieurs. Cela est subversif de toute bonne administration. C’est ainsi qu’on peut voir un directeur-général avoir une pension de trois ou quatre mille francs, tandis qu’un simple receveur en a une de six mille francs. Je dis que c’est subversif d’une bonne administration, parce que cela déterminera les hauts fonctionnaires à rechercher les emplois inférieurs, et que vous serez ainsi privés des capacités dans les fonctions élevées où elles sont surtout nécessaires. A cet égard, il y a, ce me semble lacune dans la loi.
Dans la séance d’hier, j’ai demandé qu’il fût formé dans chaque ministère une tontine, pour pourvoir aux pensions de retraite des personnes qui, jusqu’ici, n’ont pas droit à la pension, ou qui seront, à l’avenir, investies de fonctions publiques. Dans ma pensée, cela aurait pour effet d’alléger les charges du trésor public. Je voudrais que les pensions politiques, celles des ministres, des gouverneurs fussent seules à la charge de l’Etat, parce que l’on ne peut calculer les pensions de ces hauts fonctionnaires d’après le nombre de leurs années de service. Quant aux autres pensions, il y serait pourvu au moyen de tontines. C’est ce système qui doit prévaloir si l’on veut voir le chiffre des pensions diminuer successivement. Dans le système inverse, le chiffre des pensions ira toujours en augmentant. Cependant, ce système, que je propose, présente, je le reconnais, de grandes difficultés. Mais si l’on ne peut l’adopter dans son ensemble, rien ne s’oppose à ce qu’on l’applique aux adjonctions que nous voulons faire à la loi ; car la question est entière pour les personnes auxquelles le projet de loi tend à conférer des droits à la pension qu’elles n’avaient pas jusqu’ici.
Mais ce qui importerait ce serait de décider d’abord à qui nous voulons conférer des droits à la pension. Lorsque nous aurions décidé à qui nous voulons donner des pensions, alors nous pourrions voir comment il convient d’y faire face ; car il n’est pas logique de commencer par déterminer la quotité des retenues sur les traitements de fonctionnaires, avant de savoir à quels fonctionnaires s’appliquera cette retenue, à quels besoins devra faire face ce fonds provenant des retenues.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il importe assez peu qu’on commence par le titre Ier ou par le titre II, la discussion du projet de loi. Mais ce qui ne nous est pas indifférent, c’est de relever quelques erreurs commises par l’honorable préopinant ; car il prétend que si la loi est adoptée, le nombre des pensions sera plus considérable, parce que, dit-il, dans ce moment, on a soin de ne pas augmenter le chiffre des pensions, dans la crainte que les fonctionnaires ne soient soumis à une nouvelle retenue.
Je suis d’une opinion contraire ; et si autre chose que l’intérêt du service pouvait guider le ministre dans la collation des pensions, je prouverai facilement que le contraire de ce qu’annonce M. Dumortier devrait nécessairement arriver ; il ne s’agit ici que du département des finances, puisqu’à l’égard des autres départements, nous ne faisons que conserver l’état de choses actuel. Ces observations portent donc à faux, en ce qui concerne les autres départements, sous le régime de la loi en discussion. Or, le ministre des finances serait moins obsédé de demandes de pensions qu’il ne l’a été jusqu’à ce jour ; en effet cette loi diminuerait considérablement pour beaucoup d’employés la quotité des pensions. Ses dispositions sont, comparativement à ce qui existe, défavorables aux fonctionnaires et employés du département des finances.
Si donc un autre intérêt que celui d’une bonne administration pouvait guider le ministre (ce qui ne doit même pas se supposer), je soutiens que le chiffre des pensions, au lieu d’augmenter, sera moins élevé et que leur nombre sera aussi moins considérable. Des fonctionnaires qui aujourd’hui désirent obtenir leur pension n’auront plus le même intérêt et chercheront même de tout leur pouvoir à reculer à l’époque de leur mise à la retraite.
L’honorable M. Dumortier dit qu’on doit établir une distinction entre les pensions des comptables et celles des fonctionnaires supérieurs ; c’est précisément ce que fait le projet de loi ; d’après les règlements actuellement en vigueur, aucun maximum n’est déterminé, de sorte qu’un receveur peut jouir de la même pension qu’un directeur, que les fonctionnaires de l’ordre le plus élevé. Par le tableau annexé au projet de loi, on propose d’établir un maximum de 4,000 francs pour la pension des fonctionnaires à remises, c’est-à-dire de tous les comptables. On a mis encore un autre obstacle à l’élévation de la pension des comptables, en proposant que la retenue n’ait lieu que sur les ¾ des remises. On a donc atteint complètement le but que se propose l’honorable préopinant. La loi, sous ce rapport, a été améliorée, dans le sens qu’il a lui-même indiqué.
Ainsi, il est certain qu’en adoptant la loi actuelle, la chambre n’imposera aucune nouvelle charge au trésor, qu’au contraire il résultera de son vote approbatif un véritable dégrèvement pour le trésor, provenant de la diminution des pensions de la plupart des fonctionnaires des finances et des comptables sans exception, et en outre de l’établissement d’un maximum pour les comptables et fonctionnaires de toute class de ce département.
Je ne parlerai pas du casuel que l’honorable membre se plaint de voir prendre en considération ; car déjà j’ai fait observer à la chambre que ce n’était que la répétition d’une disposition existante. Si l’on a pu jusqu’ici baser des pensions sur un casuel, la difficulté ne sera pas plus grande à l’avenir. En ce qui concerne les conservateurs des hypothèques, ils étaient admis à faire valoir une partie de leurs émoluments pour la fixation de leur pension. Il n’y a donc rien de changé à cet égard.
M. Dedecker – J’ai demandé la parole pour une espèce de motion d’ordre que je voudrais faire à la chambre.
Je suis du nombre de ceux qui regardent la rédaction d’une loi générale sur les pensions, sinon comme impossible, du moins comme fort difficile, et d’autant plus difficile que je pense que nous ne sommes pas préparés à cette importante discussion.
Sans vouloir me départir du respect que je dois et que j’aime à devoir à mes collègues, je crois, à voir tous nos tâtonnements, tous ces amendements qui surgissent de tous côtés, que tous, gouvernement et chambres, nous avons étudié assez le projet de loi en discussion pour voir les lacunes qui s’y trouvent, les difficultés qu’il soulève, mais pas assez pour découvrir et coordonner les éléments propres à faire uene bonne loi.
Le gouvernement, dans l’exposé des motifs du porjet de loi, dit que son but principal a été de faire disparaître de nombreuses anomalies qui existent en matière de pensions. En effet, cette matière est, à l’heure qu’il est, réglée, soit par des arrêtes-lois à moitié abrogés, à moitié en vigueur, soit par des règlements spéciaux pour telle ou telle classe d’ayants droit à la pension. Mais je pense que, dans une matière comme celle-ci, sans égalité dans les conditions d’admission, il est inutile d’espérer de faire un travail de généralisation et d’opérer un mouvement vers l’unité.
Un autre motif qui s’oppose à ce qu’on fasse une bonne loi générale sur les pensions, c’est qu’à chaque instant nous voyons surgir de nouvelles catégories de fonctionnaires. Hier, M. le ministre des travaux publics a proposé de comprendre dans le nombre des fonctionnaires auxquels doit s’appliquer la loi, les employés de l’administration des travaux publics et du chemin de fer. Il y a quelques années, on a créé un conseil des mines ; quelques personnes rêvent encore la création d’un conseil d’Etat. Il est donc impossible de faire une loi générale, parce qu’on ne peut déterminer d’avance dans la loi toutes les catégories d’employés qui contribueront aux charges et qui participeront aux bénéfices résultant de la loi des pensions.
L’honorable M. Dumortier a demandé l’ajournement du vote sur l’article premier, parce que (c’est une de ses raisons) dans l’état actuel de nos négociations avec la Hollande, on ne connaît pas au juste l’actif des caisses de retraite qu’il s’agit de supprimer. Nouvelle et sérieuse difficulté qu’il ne faut pas perdre de vue.
Il me semble donc, messieurs, que par tous ces motifs, il conviendrait de renvoyer le projet au gouvernement pour qu’il le rédigeât sur de toutes autres bases. Mais dans tous les cas, il me semble qu’il faudrait commencer par discuter le principe : convient-il de rédiger une loi générale des pensions ? Je propose qu’on discute ce principe avant de s’occuper des articles de la loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense, messieurs, que la discussion générale étant close, il ne peut plus s’agir de discuter ce principe, principe qu’a décidé la loi présentée par l’ancien ministère, et qui le ministère actuel a fait sienne en se ralliant au projet de la section centrale.
Je ne sais de quelle espèce de tâtonnement a voulu parler l’honorable préopinant. J’admets que dans la discussion de cette loi, comme de toutes autres, des amendements sont proposés, des explications sont demandées et données, que la discussion doit éclairer la chambre et le gouvernement ; mais il n’y a pas là tâtonnement.
L’honorable préopinant a cité un exemple, celui qui concerne les employés du chemin de fer. Eh bien ! la loi présentée n’a pu faire mention de la caisse des veuves des employés du chemin de fer, parce que, lorsqu’elle vous a été présentée, la tontine qui a été établie depuis n’existait pas. D’ailleurs, l’amendement proposé n’a pas pour objet d’admettre les employés du chemin de fer à la pension. Ces employés ont droit à une pension comme fonctionnaires de l’Etat, d’après l’arrêté-loi de 1814. Ainsi la disposition présentée ne leur confère à cet égard aucun droit. Elle a uniquement pour objet de faire verser dans les caisses de l’Etat l’encaisse des employés du chemin de fer. Elle n’a pas d’autre but. Il y a une lacune dans le projet, mais cette lacune ne provenait pas d’une erreur, on ne peut l’attribuer qu’à une création postérieure à la présentation de la loi.
M. de Theux – Ainsi que vous l’a dit M. le ministre des finances, l’intention du ministère qui a présenté le projet, n’a pas été d’astreindre à la retenue les traitements des ministres du culte catholique, auxquels il est interdit de se marier, et qui dès lors ne peuvent laisser de veuves au profit desquels les retenues sont principalement exercées.
Toutefois je crois utile, pour éviter toute ambiguïté d’adopter l’amendement de M. le ministre des finances. Mais je crois qu’il pourrait être rédigé différemment et qu’il serait mieux placé à la fin de l’article. Car tout l’article a rapport aux caisses de retraite à établir au profit des veuves. On pourrait terminer ainsi l’article : « Le présent article n’est pas applicable aux ministres du culte catholique. »
Le doute est survenu de cette circonstance qu’un projet spécial était élaboré pour combler une lacune dans la législation, lacune qui provenait de ce que les arrêtés portés par le gouvernement précédent n’avaient pas force de loi en ce qui concerne les pensions ecclésiastiques. Postérieurement, le ministère ayant présenté un projet général des pensions, le projet spécial dont je viens de parler y a été intercalé ; mais l’intention du gouvernement n’a pas été de frapper de retenue les traitements des ministres du culte catholique.
M. le président – Ainsi, en remplacement de l’amendement proposé par M. le ministre des finances, M. de Theux propose d’ajouter à l’article le paragraphe suivant : le présent article n’est pas applicable aux ministres du culte catholique.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je n’ai pas d’objection à faire à cette rédaction.
M. de Villegas – Il faut renvoyer cet amendement, comme les autres, à la section centrale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Pourquoi cela ?
M. Delehaye – Messieurs, l’honorable M. Dumortier a manifesté des craintes qui me paraissent très fondées. Il vous a dit que désormais les fonds de la caisse des pensions ne seront plus suffisants pour faire face aux besoins. M. le ministre des finances a cru avoir répondu à cette assertion en disant que rien n’est changé à ce qui existe. Je crois, au contraire, que vous allez admettre un changement très notable et qui fera hausser considérablement la somme à demander au trésor.
Comme on vous l’a déjà fait observer, les veuves et les orphelins des membres de l’ordre judiciaire n’avaient aucun droit à la pension. Je n’ai connaissance que d’une seule loi qui a été faite, si je ne me trompe, en faveur de la veuve d’un procureur général, M. Plaisant. C’est la seule loi qui a été faite par la législature et en vertu de laquelle une pension ait été accordée à la veuve d’un magistrat de l’ordre judiciaire.
Eh bien ! que résultera-t-il de votre loi ? C’est que vous allez reconnaître le droit à la pension de toutes les veuves et de tous les orphelins des membres de l’ordre judiciaire. Dès lors, vous allez augmenter considérablement les fonds nécessaires pour faire face aux prescriptions de la loi.
D’un autre côté, si vous réduisez le taux de la retenue admis en France sur les appointements, et si vous diminuez encore les ressources qu’aurait pu trouver la caisse dans la retenue des appointements du premier mois, je dis que vous créez un déficit certain.
Je vois encore une autre anomalie parmi beaucoup d’autres qui vous ont déjà été signalées. M. le ministre des finances vous a dit que parmi les receveurs à remise, il y en avait qui recevaient jusqu’à 10, 12 et 16 mille francs. Pourquoi ne pas porter le taux de la retenue sur toute la remise et ne le porter que sur les trois quarts ?
Je prends pour exemple un receveur qui à 10,000 francs. La retenue portera sur un chiffre de 7,500 francs. Il sera obligé de verser dans la caisse de retraite une somme jusqu’à la concurrence de 3 p.c. sur 7,500 francs. Pour être conséquent, on devrait établir qu’il aurait une pension en rapport avec la somme sur laquelle la retenue a été établie. Pas du tout ; vous déclarez que le maximum de la pension sera pour ce fonctionnaire de 4,000 francs.
Enfin je dis que plus on examinera le projet, plus on sera convaincu qu’il vous a été soumis avec légèreté.
Messieurs, il est à remarquer que quand on met nos lois à exécution, elles sont souvent très mal interprétées. Je ne puis attribuer cet inconvénient qu’à la légèreté avec laquelle elles sont présentées et votées, et peut-être aussi au mode d’amender en usage.
Pour ma part, dans l’état actuel des choses, il faudrait, pour que j’adopte le projet de discussion, qu’il fût entièrement modifié ; sans cela je lui refuserai mon vote.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Quand j’ai répondu à l’honorable M. Dumortier, j’ai parlé des pensions des fonctionnaires de l’Etat. Il est vrai que je n’ai pas rencontré à ce qu’il a allégué à l’égard des pensions des veuves et des orphelins.
J’ai dit que, quand aux pensions des fonctionnaires de l’Etat, il y aurait plutôt diminution qu’aggravation de charges pour le trésor ; je crois l’avoir suffisamment démontré.
Quant à ce qui concerne les pensions des veuves et des orphelins, je pense que la retenue de 3 p.c. sera suffisante pour subvenir à ces pensions. A cet égard, on ne peut établir que des prévisions ; donner une assurance formelle est impossible ; je crois cependant, en me basant sur le passé, que la retenue de 3 p.c. sera suffisante.
Du reste, je donnerai à cet égard quelques explications ultérieures à la chambre, en les appuyant sur des chiffres.
L’honorable M. Delehaye signale une prétendue anomalie dans la loi ; mais cette anomalie est diamétralement opposée à celle qu’a prétendu signaler de son côté l’honorable M. Dumortier.
Ainsi, M. Dumortier s’est plaint de ce que les receveurs pouvaient obtenir une pension trop élevée relativement aux pensions des fonctionnaires plus hauts en grade. L’honorable M. Delehaye se plaint au contraire que le receveur, étant soumis à une retenue, ne reçoive pas la même pension que le fonctionnaire plus élevé en grade qui aurait subi la même retenue. Il y a contradiction évidente entre ces deux opinions.
Le projet obvie en partie à l’objection de l’honorable M. Delehaye en décidant que le receveur ne sera soumis à une retenue de 3 p.c. que sur les trois quarts des remises qui lui sont allouées ; mais il a été reconnu en principe que le grade et l’importance des fonctions devaient entrer en considération dans la fixation des pensions. C’est le principe adopté par le ministère précédent et qu’on trouve générale juste, principe que l’honorable M. Dumortier a rappelé tout à l’heure et fortement appuyé, c’est d’ailleurs ce principe qu’on a cru que la pension des receveurs devait être soumise à un maximum. D’ailleurs, il est à remarquer que la retenue n’a pas pour objet principal d’établir la pension du fonctionnaire, mais d’accorder un revenu à la veuve et aux orphelins.
M. de Brouckere – Messieurs, un honorable préopinant vient de prétendre que la loi avait été soumise à la chambre avec une inconcevable légèreté. Je crois que cette accusation n’est nullement fondée ; si elle l’était, elle tomberait d’aplomb sur la section centrale qui a examiné le projet.
Or, je fais partie de cette section centrale, et je puis dire que, loin qu’elle ait agi avec une extrême légèreté, elle a examiné le projet avec beaucoup de soin, et qu’elle y a consacré un grand nombre de séances.
Qu’est-ce qui fait que dans la discussion tant d’opinions diverses se font jour ? C’est peut-être parce que la chambre elle-même ne s’est pas préparée assez à la discussion. Chacun prend un article à part, et vient le critiquer sans examiner la loi dans son ensemble.
M. Dumortier – On discute les moyens.
M. de Brouckere – Précisément ; proposez le principe et les conséquences en découleront. Mais si, comme vient de le faire l’honorable M. Delehaye, vous prenez un article au hasard, il y aura toujours moyen de trouver la loi mauvaise. Je défie de discuter une loi de cette manière-là.
Mais discutez le projet dans son ensemble, et vous verrez qu’il y a un système arrêté ; que cette loi a une base, qu’on s’est rapproché de ce base autant qu’on l’a pu.
Je ne prétends pas que la loi soit parfaite. L’honorable membre vous dit que si elle reste telle, il votera contre. Mais c’est précisément pour la rendre meilleure qu’on discute ; personne n’a la prétention de prétendre qu’elle doive être adoptée telle qu’elle vous est soumise ; proposez des amendements, et pour ma part je crois que pour peu qu’on y apporte des améliorations, cette loi ne sera pas mauvaise.
Il est une chose à remarquer ; c’est que la position de beaucoup de fonctionnaires se trouvera aggravée, et qu’aucune ne sera améliorée.
On a parlé des fonctionnaires de l’ordre judiciaire. Eh bien ! Voyez quelle sera leur position. On leur promet depuis dix ans d’améliorer leur position, et quand on parle de cette promesse, on dit que le trésor n’est pas dans un état assez brillant.
Aujourd’hui, au lieu d’augmenter leurs appointements, vous allez les diminuer. Car vous allez leur retenir un tantième, tandis que tous ceux qui sont entrés en fonctions y sont entrés avec cette prévision qu’ils obtiendraient après un certain nombre d’année une pension qui leur est promise par la loi de 1814, sans qu’aucune retenue serait exercée sur leurs appointements.
Si vous vous occupez d’une autre catégorie de fonctionnaires qui prennent part à la formation d’une caisse de retraite, eh bien ! vous allez rendre leur position bien moins brillante qu’elle ne l’était.
Examinez chaque classe de fonctionnaires et vous verrez que la position d’aucune n’est améliorée, tandis que la position de plusieurs est de beaucoup empirée. Il est tout naturel dès lors que la loi sera ici l’objet de beaucoup de critiques, mais je crois que la chambre ne doit pas reculer devant ces critiques, et qu’elle doit examiner le projet. On propose d’ajourner cet examen ; mais je vous le demande, messieurs, si vous ajourniez la loi, les difficultés qui se présentent aujourd’hui, ne se reproduiraient-elles pas avec la même force, à l’époque, quelle qu’elle soit, à laquelle vous auriez renvoyé la discussion ? Je pense donc que la chambre aurait tort de reculer devant la discussion de la loi sur les pensions, loi qui, je le répète, froisse beaucoup d’intérêts, et les miens comme ceux de beaucoup de fonctionnaires, mais que je regarde comme indispensable, puisque dans l’état actuel des choses, le gouvernement doit avoir deux poids et deux mesures, en ce sens que certaines catégories de fonctionnaires sont beaucoup mieux traités que d’autres.
M. Delehaye – L’honorable préopinant a trouvé mauvais que j’aie dit que la loi nous a été présentée avec légèreté. Mais, messieurs, tous les orateurs qui ont parlé dans cette discussion ont trouvé la loi mauvaise, on ne voit surgir de tous côtés que des amendements ; j’ai donc eu le droit de dire que la loi nous a été présentée avec légèreté.
En ce concerne les membres de l’ordre judiciaire, si l’honorable M. de Brouckere avait été présent à la séance d’hier, il aurait entendu que j’ai dit moi-même que la retenue à opérer, d’après le projet, sur les traitements de certains membres de l’ordre judiciaire, serait injuste. L’honorable membre a eu l’air de dire que beaucoup de personnes sont intéressées dans cette loi ; quant à moi, je n’y suis intéressé ni en bien ni en mal, je n’ai d’autre intérêt dans la question que de faire une bonne loi.
Je le répète, messieurs, quand je vois les objections que la loi soulève de toutes parts, dès la discussion de l’article 1er, je crois que la chambre ne doit pas reculer devant ce reproche quand la loi a été présentée avec légèreté.
M. de Brouckere – L’honorable membre dit que la loi est mauvaise parce que, dit-il, on présente de tous côtés des amendements ; mais je demande, messieurs, ce que cela prouve ; cela ne se voit-il pas toutes les fois qu’une loi importante nous est présentée ? Du reste la section centrale s’est réunie aujourd’hui, elle a examiné les amendements qui lui ont été renvoyés hier, et elle les a pour ainsi dire tous rejetés.
M. Zoude – Comme l’honorable M. de Garcia l’a fait remarquer, l’amendement présenté par M. le ministre des finances, relativement aux greffiers des justices de paix, des tribunaux de première instance et des tribunaux de commerce, cet amendement a une très grande portée, j’appuie donc la proposition qui a été faite de renvoyer cet amendement à la section centrale.
M. le ministre a proposé de ne retenir que les quinze premiers jours du traitement des fonctionnaires nouvellement nommés ; la section centrale a cru devoir exiger une retenue d’un mois entier ; elle s’est déterminée à cela en prenant en considération l’état du trésor et ce qui se fait en France, où l’on retient également un mois entier. Sous le roi Guillaume, messieurs ce n’était pas un mois, c’était tout un trimestre que l’on retenait. Il n’est d’ailleurs pas de fonctionnaire ni d’employé qui ne consente volontiers à subir la retenue que nous proposons.
Il a été question de supprimer entièrement la retenue sur les traitements des ecclésiastiques ; la retenue ayant pour objet, non seulement la pension des fonctionnaires et employés, mais aussi celle de leurs veuves et orphelins, nous pensons qu’il y a lieu à diminuer la retenue en ce qui concerne les ecclésiastiques. Je proposerai de réduire cette retenue de moitié.
L’honorable M. Delehaye a dit que les ecclésiastiques sont maltraités par le projet ; je prierai l’honorable membre de consulter l’article 30, il y verra, que tandis que les autres fonctionnaires, à 60 ans d’âge et 30 années de services, n’ont droit qu’à une pension égale à la moitié de leur traitement, les ecclésiastiques ont droit à une pension égale aux 2/3 de leur traitement, pension qui augmente encore d’un trentième par année, tandis que celle des autres fonctionnaires s’arrête à la moitié.
On demande, messieurs, que la discussion de la loi soit ajournée ; mais je ferai remarquer que cette loi est attendue avec impatience depuis très longtemps. Ensuite, les employés du ministère des finances acquièrent tous les jours de nouveaux droits à la pension, et si la loi est encore ajournée, le chiffre des pensions de la caisse de retraite deviendra réellement exorbitante. Si vous n’adoptez pas la loi, les veuves et les enfants des membres de l’ordre judiciaire n’auront aucun droit à la pension, nous avons appris avec douleur que l’on a vu les orphelins d’un ancien magistrat implorer la charité publique. Il importe à la dignité de la magistrature que les veuves et les enfants des membres de l’ordre judiciaire soient au moins mis à l’abri du besoin.
Nous devons donc nous hâter de discuter la loi. D’ailleurs, si nous ajournons la discussion à deux ou trois ans d’ici, les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui se présenteront également alors.
M. Cogels – Il m’a été impossible, messieurs, d’étudier la loi qui nous est soumise avec toute l’attention qu’elle mérite, et par conséquent, je ne me proposais pas de prendre part à la discussion. Je dois cependant faire remarquer que ce qui vient d’être dit dans cette séance prouve la nécessité qu’il y a d’adopter la proposition de M. Dumortier, de commencer la discussion par le titre II.
Quelle est, messieurs, la base de la loi ? C’est une espèce de tontine ; seulement c’est une tontine dans laquelle chacun ne contribue pas pour une part égale ni sur une base égale, et dans laquelle chacun ne participera pas non plus sur une base égale. Il est impossible d’établir cette tontine comme on en établit d’autres, sur des calculs fixes, sur des tables de mortalité, car le droit se règle d’après les années de service ; chez les uns, il y aura des veuves et des orphelins, chez les autres, il n’y en aura pas. Il faut donc nécessairement, ce me semble, commencer par établir quels seront les droits que chacun aura à la pension. Une fois que cette question sera résolue, on pourra beaucoup mieux déterminer quelle sera la part contributive, on pourra peut-être établir différentes catégories, des différences dans la contribution des différents fonctionnaires.
Ce sont là, messieurs, les seules considérations que je voulais soumettre à la chambre pour appuyer la proposition de l’honorable M. Dumortier. Si nous adoptons cette proposition, je crois que la discussion sera beaucoup simplifiée et que nous épargnerons beaucoup de temps.
M. Dumortier – J’avais demandé la parole, précisément pour présenter les observations qui viennent d’être faites par l’honorable M. Cogels. Je crois qu’une grande partie des embarras de la discussion naissent de ce que nous discutons les conséquences de la loi avant d’en avoir discuté le principe. Le principe, c’est la pension ; la conséquence c’est le moyen d’y faire face ; commençons par discuter le principe et nous nous entendrons aisément ensuite sur les conséquences.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, tout en rendant hommage au travail de la section centrale, au zèle qu’elle a mis à s’acquitter de la tâche difficile qui lui était imposée, je dois dire cependant que dans l’état actuel de la discussion il me sera impossible de reprendre un parti sur l’article qui nous occupe en ce moment ; j’ai besoin d’y réfléchir, j’ai besoin de temps et d’étude pour me mettre en état de me prononcer.
Il est, messieurs, un point de vue qui doit principalement fixer votre attention, c’est celui de l’intérêt du trésor. Voici sous quel rapport je conçois que l’on fasse un sacrifice pour acquitter les pensions. Je conçois que l’on considère cela comme une dette de l’Etat, dette à laquelle il faut satisfaire ; mais toujours faut-il qu’on puisse apprécier l’importance de cette dette, que l’on puisse dire à combien s’élèvera le sacrifice exigé, que l’on sache quelle est la somme qui ne sera jamais considérablement dépassée. Or je le demande, sommes-nous dans une semblable position ? Quand on jette un coup d’œil sur le passé, on doit être réellement effrayé du chiffre auquel les pensions pourront s’élever.
La section centrale ne nous présente pas de calculs, mais il en était présenté un dans l’exposé des motifs de la loi ; eh bien, ce calcul ne se trouve plus vrai. Lorsque la loi nous a été présentée, M. le ministre calculait que les charges de la caisse de retraite s’élevaient alors à 913,000 francs ; or, aujourd’hui, elles s’élèvent à 1,152,000 francs d’où provient cette différence ? De ce que les pensions nouvelles portent chaque année, sans exception, un chiffre beaucoup plus élevé que les extinctions. Eh bien, ce qui est arrivé jusqu’ici chaque année sans exception, cela n’arrivera-t-il plus lorsque le projet actuel aura été converti en loi ? Où sont les calculs qui puissent nous donner cette conviction, qui puissent au moins nous donner une quasi-certitude à cet égard ? Je vous avoue, messieurs, que je n’ai rien trouvé de rassurant sous ce rapport. Depuis 8 à 10 ans nous marchons de déception en déception et je crains que le projet actuel ne soit encore une déception nouvelle.
A la fin de 1832, le montant des pensions de la caisse de retraite s’élevait à 638,000 francs ; à la fin de 1840, le montant des mêmes pensions s’élevait à 1,151,643 francs ; voilà donc 513,643 francs d’augmentation en 8 années, malgré toutes les extinctions qui ont eu lieu pendant cette période. Si vous supposez seulement 200,000 francs d’extinctions, vous avez le chiffre énorme de 713,643 francs de pensions nouvelles accordées depuis huit ans, et cela uniquement aux employés du ministère des finances. S’il devait y avoir une progression même beaucoup moindre que celle-là, dans les autres branches de l’administration générale, vous verrez d’année en année la charge du trésor s’accroître, et il arrivera un moment où cette charge deviendra intolérable.
Vous devez donc dès aujourd’hui poser des bases telles que ce soit une charge qui n’ait pas de chances probables de s’augmenter ici indéfiniment. Je ne trouve pas, dans les pièces qui sont sous nos yeux, rien qui nous donne par conséquent l’assurance que ces causes viendront à cesser au moyen du projet de loi nouveau.
Qu’on restreigne, par exemple, le chiffre des pensions, cela emportera-t-il nécessairement que les pensions nouvelles ne seront pas données pour un chiffre plus considérable que le montant des extractions ?
Remarquez qu’on avait désigné comme la cause du mal les nombreuses mises à la retraite qui avaient été la conséquence de la révolution. Mais si cela avait été vrai, il serait arrivé une époque à laquelle nous aurions vu cesser les effets avec la cause. Et cependant si je prends pour exemple l’année 1840, je trouve que cette année est une de celles où le chiffre des pensions s’est augmenté dans la progression la plus forte, et néanmoins nous sommes maintenant bien loin de la révolution.
Ainsi, lorsqu’on a présenté le budget de 1840, on estimait les pensions nouvelles à accorder à des employés des finances pendant l’année 1840 à 2,000 francs, et l’on estimait les extinctions à 30,000 francs ; d’où l’on concluait qu’à la fin de cette année 1840, le passif de la caisse de retraite serait diminué de 5,000 francs. Mais au lieu de le diminuer de 5,000 francs, on l’a augmenté de 83,000 francs ; de manière que les pensions nouvelles accordées en 1840, ont excédé les extinctions de 83,000 francs ; et si vous supposez que les extinctions se sont élevées à 30,000 francs pour 1840 vous devrez admettre que, dans le courant de cette année, il a été accordé aux seuls employés des finances pour 113,000 francs de pensions nouvelles.
J’avoue que ces chiffres-là m’effrayent ; j’ai besoin de calculs, de renseignements, pour me déterminer pour un vote quelconque ; sinon, il me serait impossible de me prononcer.
Un honorable député de Termonde a proposé qu’on discutât d’abord le principe de la loi, y a-t-il lieu à faire une loi générale sur les pensions ?
On lui a répondu que la discussion générale étant close, il n’y avait plus lieu de discuter le principe de la loi. Cependant, il y a lieu de la discuter, non pour savoir si on fera une loi sur les pensions, mais pour savoir que sera la base de cette loi. Nous avons en effet à discuter l’amendement qui a été présenté hier, et d’après lequel il serait établi pour chaque ministère une tontine ; cet amendement ne peut être discuté, sans que nous discutions en même temps le véritable principe de la loi. Or je vous demande si vous pouvez vous prononcer maintenant sur l’article 3, pour ne vous prononcer que plus tard sur l’article dont je viens de parler. Véritablement, nous devrons en revenir à discuter le principe de la loi, et sous ce rapport, j’appuie la motion de l’honorable M. Dedecker, en ce sens, qu’on discute avant tout l’amendement dont il s’agit.
(Moniteur belge n°28 du 28 janvier 1841) M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, je crois que les incertitudes qui ont été signalées par d’honorables préopinants, et qu’il faut bien reconnaître tiennent à un mode vicieux d’aborder l’examen de cette loi. Je crois qu’on est amené à devoir se prononcer sur les conséquences avant d’avoir discuté les prémisses.
Je ferai, du reste, remarquer à l’honorable préopinant que renvoyer l’examen du projet de loi à une époque indéterminée, ce n’est certainement pas remédier aux abus qu’il a signalés tout à l’heure, car ces abus, s’il y en a, se sont accomplis sous le régime de l’arrêté-loi de 1814 (qui ne sera abrogé que par une loi nouvelle), et sous celui de la caisse de retraire fondée au département des finances.
Eh bien, messieurs, s’il y a des abus, le projet de loi qui vous est soumis a spécialement pour but d’y mettre un terme. L’on est bien obligé de reconnaître, par exemple, qu’il y aurait une amélioration notable dans le régime des pensions qui sont aujourd’hui accordées par la caisse de retraite, en ce sens qu’il y a une réduction considérable dans le maximum, tel qu’il est déterminé par le règlement de cette caisse et tel qu’on propose de le fixer par le projet de loi en discussion Il est telle pension, par exemple, qui, sous le régime actuel de la caisse de retraite, peut être portée très légitimement à 8 ou 10,000 francs, et qui, par l’effet du tarif dont M. le ministre des finances a parlé tout à l’heure, ne pourra être fixée à plus de 4,000 francs.
Ainsi donc, si l’honorable préopinant veut mettre un terme aux abus qu’il dit exister dans le régime de la caisse de retraite, il devrait appeler de tous ses vœux le vote de la loi qui est présentement en discussion.
Qu’on le remarque bien, l’ajournement de la loi laisse subsister le régime sous lequel se seraient accomplis les prétendus abus signalés par l’honorable préopinant.
Je crois que la partie principale du projet de loi, ce qui la caractérise, ce qui la différencie de la législation en vigueur, c’est le principe de l’allocation d’une pension en faveur des veuves et des enfants des fonctionnaires publics ; d’où découle nécessairement cet autre principe qui est nouveau dans la législation, le principe d’une retenue à opérer sur les traitements de tous les fonctionnaires publics sans distinction.
Jusqu’ici des retenues sur les traitements des fonctionnaires publics n’ont pas été opérées en vertu d’une loi, mais en vertu d’arrêtés spéciaux. Et nous avons un exemple que ce régime de retenue pour une caisse de veuves et orphelins peut coexister avec une loi qui ne consacre pas cette retenue. Ainsi, par exemple, la loi sur les pensions militaires décide que les pensions des fonctionnaires de l’armée seront payées par le trésor public : ce qui n’a pas empêcher le gouvernement, procédant par règlement d’administration publique, de soumettre les fonctionnaires de l’armée à une retenue en faveur de leurs veuves et orphelins, qui reçoivent une pension, non sur cette espèce de tontine.
Un régime, à peu près analogue existerait au département des finances, si, faisant rentrer les fonctionnaires de ce département sous le régime de l’arrêté-loi de 1814, on décidait que ces fonctionnaires recevraient, comme les autres fonctionnaires, leurs pensions sur le trésor de l’Etat ; s’ils voulaient alors continuer à faire jouir leurs veuves et leurs enfants d’une pension spéciale, on y procéderait par un arrêté royal, soit en maintenant la caisse de retraite telle qu’elle existe, soit en y apportant des modifications. Mais dans ce cas l’on devrait déclarer que la caisse de retraite n’aura jamais droit à des subsides sur les fonds de l’Etat, pas plus que la caisse des veuves et des orphelins qui existe dans l’armée.
Mais pour décider ces questions, il faut d’abord que la chambre se prononce sur celle-ci qui, à mon avis, est presque toute la loi : accordera-t-on sur le fonds de l’Etat des pensions aux veuves et aux orphelins des fonctionnaires publics ? Si vous décidez cette question affirmativement, le principe de la retenue sera la conséquence de cette décision, si vous vous prononcez dans un sens contraire, vous décidez alors virtuellement qu’il n’y aura pas de retenue pour la caisse des veuves et orphelins.
Je crois donc que si vous voulez sortir du dédale où vous êtes engagés depuis deux jours, il faut poser plusieurs questions de principe, et en premier lieu celle-ci : « L’Etat accordera-t-il des pensions aux veuves et aux orphelins des fonctionnaires publics ? » Quand vous aurez résolu cette question, rien ne sera plus facile que de poser et de résoudre les autres questions qui en découlent.
(Moniteur n°27 du 27 janvier 1841) M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, j’avais à présenter à la chambre la plupart des observations que vient de faire M. le ministre des affaires étrangères. Je crois, en effet, que le principe de la loi repose presque tout entier sans cette question :
« Accordera-t-on sur les fonds de l’Etat des pensions aux veuves et aux orphelins des fonctionnaires publics ? »
Voilà le principe fondamental de la loi. Restent deux autres questions qui seront, je crois, facilement résolues : « Y aura-t-il un régime spécial, 1° pour les ministres, 2° pour les membres du clergé ? »
Il y a donc trois principes dans la loi ; un principe pour les ministres, un autre pour les ministres du culte, et un troisième, qui est fondamental, pour les veuves et les orphelins.
Si le principe d’une pension à accorder aux veuves et aux orphelins est admis, il s’ensuit que vous admettez un autre principe, un principe nouveau, celui d’une retenue à opérer sur les traitement des fonctionnaires publics. Si, au contraire, voue jetez le premier principe, vous devrez rejeter également le second. En effet, le principe d’une retenue à opérer sur les traitements des employés n’existe pas aujourd’hui. Les fonctionnaires publics de tout ordre ont droit à une pension, en vertu de l’arrêté de septembre 1814, sans qu’ils soient tenus de ce chef à aucune réduction de traitement.
Par le projet de loi en discussion, on propose de les assujettir à une retenue, en vue d’alimenter une caisse, en faveur de leurs veuves et de leurs orphelins ; TOUS les fonctionnaires, mariés ou non mariés, seraient passibles de cette retenue, de manière que la caisse des veuves et des orphelins serait probablement dotée assez favorablement pour n’avoir pas besoin d’être secouru par le trésor public.
Il faut croire que les retenues opérées sans distinction sur les traitements des fonctions suffira amplement pour faire face aux pensions des veuves et des orphelins.
En supposant qu’elle ne pût pas suffire, chaque année la discussion du budget vous mettra en mesure d’apporter remède au mal. Lorsque vous voterez le budget des voies et moyens et des dépenses, le budget des voies et moyens devra présenter les sommes nécessaires pour faire face aux pensions ; de telle manière que si l’on voyait que le trésor public éprouve du chef des pensions une charge trop considérable, on proposerait de modifier la loi que nous faisons aujourd’hui et d’augmenter la retenue à opérer sur les fonctionnaires de tout ordre. Je ne vois pas que la loi soit si difficile ni si embarrassante que quelques membres l’ont prétendu. Au reste, de ce qu’elle serait difficile, ce ne serait pas un motif pour reculer devant son examen. Toutes les lois sont à peu près dans le même cas, toutes les lois présentent des difficultés. Vous ne les repoussez pas, ou vous ne les ajournez pas pour cela. Si vous abordez la question de principe signalée par mon collègue des affaires étrangères, la question des veuves et des orphelins, je crois qu’après avoir résolu cette question, vous aurez écarté la seule difficulté que présente la loi.
M. de Theux – Il me répugne de faire encore quelques observations, cependant je crois devoir dire qu’indépendamment du principe de la retenue au profit des veuves et des orphelins, il y a une autre question non moins importante, c’est celle de savoir si la retenue sera telle que, d’après des calculs probables, elle suffise aux pensions. Dans le cas où une retenue trop considérable devrait être établie, viendrait la question de savoir s elle serait obligatoire, ou si on pourrait s’en affranchir en renonçant à la pension éventuelle. Ce sont là des questions de principe qu’il faut résoudre. Cela dépendra de la hauteur de la retenue qu’on voudra établir. Beaucoup de personnes la trouvent trop onéreuse, d’autres craignent qu’elle ne soit pas suffisante et qu’il n’en résulte une charge considérable pour l’Etat. Si on commençait par discuter ces questions de principe, après les avoir résolues, on marcherait rapidement ; toutes les dispositions qui se rattachent à ces questions de principe ne présenteraient plus de difficultés.
Je n’entrera pas maintenant dans l’examen de quelques opinions émises par l’honorable rapporteur, sur l’application de l’article 3, parce que, dans l’état actuel de la question ce serait prématuré.
M. Vandenbossche – L’honorable M. Dedecker a proposé d’examiner d’abord les principes de la loi, et cette proposition a été appuyée par l’honorable M. Dubus. Si j’ai bien saisi l’opinion de l’honorable représentant de Termonde, elle n’est pas qu’on doit ajourner la loi, mais qu’on doit prier le gouvernement de la retirer et de nous présenter une loi nouvelle fondée sur d’autres bases. A cet effet, il conviendrait, je crois, de discuter les principes que nous désirerions voir adopter par le gouvernement dans la nouvelle loi qu’il nous proposerait. Nous n’aurions pas seulement à nous prononcer sur la question de savoir si l’on pensionnera les veuves et les orphelins, mais aussi sur celle de savoir si les personnes qui ont une grande fortune, après l’avoir amassée en partie au moyen de leurs fonctions, doivent encore vivre aux dépens du budget, quand ils ne peuvent plus rendre de service à l’Etat.
C’est cette proposition de l’honorable député de Termonde, tendant à prier le gouvernement de retirer la loi actuelle et de nous en présenter une autre que j’appuie. Si elle n’est pas adoptée, je voterai contre la loi.
M. le président – M. Dedecker propose de soumettre cette question à la chambre :
« Faut-il une loi générale des pensions ? »
M. Dubus demande qu’on s’occupe d’abord du système de tontine proposé par M. Dumortier.
M. le ministre des affaires étrangères M. le ministre des travaux publics proposent de soumettre ces questions à la chambre :
« 1° Sera-t-il accordé aux veuves et aux orphelins des pensions à la charge de l’Etat ?
« 2° Y aura-t-il un régime spécial pour les ministres ?
« 3° Y aura-t-il un régime spécial pour les ministres du cultes ? »
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Nous ne proposons pas tout cela.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il me semble qu’une seule question doit être mise aux voix dès à présent. Les autres questions de principe pourront être agitées ultérieurement. Mais la question fondamentale, celle par laquelle la législation actuelle est modifiée, l’admission des veuves et orphelins à la pension, cette question qui vient d’être posée par M. le ministre des affaires étrangères est la seule qui semble devoir être mise maintenant aux voix.
Admet-on le principe de la pension pour les veuves et les orphelins ? Telle est la question à résoudre en premier lieu.
Mais il est extrêmement important que l’on continue la discussion de ce projet, car je rappellerai à la chambre que depuis 1834, elle est saisie d’un projet de loi concernant l’admission à la pension dans le département des finances, où l’on prétend que de graves abus auraient été commis. C’est l’honorable M. Duvivier, alors ministre des finances, qui a présenté ce projet de loi. Il n’a pas été discuté. Si la loi actuelle est ajournée, sept nouvelles années peuvent encore s’écouler sans qu’on ait voté une loi sur cette matière. Il y aurait donc lieu, pour simplifier la discussion, de mettre aux voix la question dont je viens de parler.
M. Dedecker – Comme l’a fait remarquer l’honorable M. Dubus, la proposition que j’ai eu l’honneur de faire à la chambre n’est en quelque sorte que la reproduction de l’amendement de M. Dumortier. La fin de non-recevoir qu’on m’a opposée, que la discussion générale est close, n’était donc pas admissible, puisque nous avons le droit de discuter l’amendement de M. Dumortier.
Ma proposition est celle-ci : « Convient-il de faire une loi générale des pensions ? » Et M. Dumortier demande qu’il n’y ait pas de loi générale, mais dans chaque ministère une tontine spéciale pour les employés du département.
Ainsi que cela a été reconnu par plusieurs orateurs, il faut commencer par discuter les principes, sans cela il est impossible d’avancer l’examen de la loi. De tous côtés on dit qu’on n’est pas assez éclairé et cependant on ne veut pas en venir à la question fondamentale : Y aura-t-il une loi générale sur les pensions ?
Je reconnais la nécessité d’une loi des pensions ; je ne veux pas en entraver la discussion, mais je désire qu’elle soit complète et éclairée.
Je ne veux vous donner qu’une preuve de l’inutilité de la discussion qu’on vient d’entamer ; c’est que nous ne sommes qu’à l’article 3, et déjà le gouvernement, pour sa part, en est à son quatrième ou cinquième amendement, et les deux premiers articles n’ont pas même pu être soumis à l’épreuve d’un vote. Ces tâtonnements prouvent que nous ne sommes pas en mesure de discuter les articles de la loi ; il faut aborder les principes.
Je persiste dans ma proposition, qui est la reproduction de l’amendement présenté hier par M. Dumortier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je voudrais savoir quelle est la proposition de l’honorable préopinant.
M. le président – Il demande la priorité pour l’amendement de M. Dumortier, qui propose l’établissement d’une tontine spéciale dans chaque département ministériel, pour pourvoir aux pensions de retraite des personnes qui n’ont pas droit à la pension et qui seront à l’avenir investies de fonctions publiques.
(Moniteur belge n°28 du 28 janvier 1841) M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, je ferai observer que la question que je propose de soumettre aux lumières de la chambre est un préalable nécessaire à la proposition de M. Dumortier. Si vous décidez que l’Etat, sous certaines conditions, se charge de pourvoir aux besoins des veuves et orphelins de ses employés, vous écartez par cela même la nécessité d’une tontine à introduite dans les départements ministériels, objet pour lequel, du reste, la compétence de la chambre pourrait être déclinée. L’exemple de ce qui s’est fait prouve qu’il n’est pas besoin de loi pour établir ces espèces de tontine dans les départements ministériels.
Je propose donc qu’on se renferme dans la question de principe que j’ai soumise à la chambre. S’il est décidé que l’Etat prendra à sa charge, sous certaines conditions, le sort des veuves et des orphelins, la proposition de M. Dumortier se trouve écartée. Si, au contraire, vous décidez que l’Etat se renfermera dans le système de l’arrêté-loi de 1814, qui accorde une pension aux fonctionnaires de toutes les classes, mais n’en accorde ni aux veuves, ni aux orphelins, la proposition faite par M. Dumortier aura son opportunité ; on pourra la discuter. Quant à faire des lois partielles sur les pensions, je ne sais ce qu’on veut dire. Il existe une loi générale des pensions ; le gouvernement propose d’y déroger par une loi générale. Le gouvernement exerce son initiative comme il l’entend ; propose son projet de loi comme il l’entend ; si vous le trouvez mauvais, rejetez-le. Mais vous ne pouvez pas dire au gouvernement : Vous présenterez votre projet comme nous l’entendons et non comme vous, gouvernement, vous l’entendez.
C’est pour la cinquième fois que cette question est produite devant la chambre.
L’honorable M. Duvivier, mon collègue alors au département des finances, a présenté, en 1833, une loi sur l’organisation de la caisse de retraite, pour mettre fin aux prétendus abus dont vous vous plaignez ; cette loi élevait la retenue à 5 p.c., fixait le maximum de la pension à 6,000 francs et consacrait plusieurs autres améliorations qu’il n’a pas dépendu du ministère d’alors de faire réaliser. Nous sommes en 1841 et jamais ce projet n’a eu les honneurs de la discussion.
Je crois donc que si vous ajournez encore, je crois surtout que si vous voulez avoir une loi sans défauts reconnue telle par toute la chambre, il faut vous résigner à attendre bien des années encore. Il est douteux que la loi vous paraisse jamais sans défauts. Ce qu’il y a donc de mieux à faire, c’est d’aborder la discussion, en commençant par les questions de principe ou les dispositions fondamentales.
(Moniteur belge n°27 du 27 janvier 1841) M. Cogels – Il y a deux propositions de l’honorable M. Dumortier. D’abord il y a un amendement que ce n’est pas, je crois, le lieu de discuter maintenant. Mais il y a une autre proposition relative à l’ordre de la discussion, et dans laquelle cet honorable membre est parfaitement d’accord avec MM. les ministres des affaires étrangères et des travaux publics. Qu’a demandé M. le ministre des affaires étrangères ? Qu’on commence par discuter le principe, la question de savoir si l’on accordera des pensions à des veuves et enfants de fonctionnaires, qui n’y ont pas de droits, sous l’empire de la législation actuelle.
En commençant par la discussion du titre II, cette question est d’abord résolue. Seulement, la proposition de l’honorable M. Dumortier est plus étendue, elle nous fournira une bien meilleure base que la proposition de M. le ministre des affaires étrangères ; car quand nous aurons discuté le titre II, qui règle tous les droits à la pension, nous saurons bien mieux quelle sera la retenue qu’il faudra exercer, qui devra la supporter, et dans quelle proportion elle devra être établie. Je crois que l’honorable M. Dumortier est d’accord en cela avec M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dumortier – Comme le dit l’honorable préopinant, j’ai présenté hier un amendement et j’ai fait aujourd’hui une motion d’ordre. Mon amendement m’a été suggéré par la crainte que la loi ne fasse peser de nouvelles charges sur le trésor public. Dans cet état de choses, nous devons d’abord examiner s’il n’y a pas lieu de créer une tontine pour pourvoir à ces charges nouvelles. Mais cela est subordonné à l’ordre de la discussion. Je crois que la discussion sera beaucoup simplifiée, si l’on commence par discuter à qui des pensions devront être accordées. C’est ce à quoi tend une motion d’ordre.
Abordons la discussion du titre II ; suivons l’ordre des articles, et au fur et à mesure qu’une difficulté se présentera, occupons-nous de la résoudre. Je crois qu’ainsi il n’y aura pas d’embarras dans la discussion. Autrement, jamais nous n’en sortirons.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – nous ne sommes opposés en aucune manière à la proposition de l’honorable M. Dumortier tendant à ce que l’on commence par discuter le titre II. Les objections présentées par le gouvernement s’adressent à d’autres points et nullement à celui-là.
M. de Theux – Je ferai seulement observer que quand on abordera la discussion du chapitre III qui concerne les pensions des veuves et enfants, on sera très embarrassé de résoudre les questions, avant d’avoir fixé la quotité de la retenue, tandis que ces deux questions se présentent dans le n°10 de l’article 3. C’est une observation que je soumets à l’honorable M. Dumortier.
Quant aux deux autres questions de principes, soulevées par M. le ministre des affaires étrangères et par la proposition de l’honorable M. Dumortier, cela se rattache au n°1 de l’article en discussion. Mais il aurait fallu discuter les articles par numéros, ce qui a pu embarrasser la discussion, c’est que la discussion a embrassé tous les numéros. Si l’on s’était renfermé dans le n°1, cela aurait beaucoup facilité le travail.
Je bornerai là mes observations.
Quant à moi, l’ordre dans lequel on procédera, m’est assez indifférent.
M. Desmaisières – Je crois que l’on est généralement d’accord sur ce point, qu’il faut commencer par la discussion des principes de la loi. Je crois même que le ministère, tout en combattant M. Dedecker, se trouve d’accord avec lui. Seulement, il me paraît ne pas l’avoir compris. D’après ma manière de le comprendre, je pense que l’honorable membre n’a pas voulu proposer l’ajournement de la discussion de la loi. Je crois que cela est loin de sa pensée. Seulement il a voulu aussi que l’on commençât par s’occuper des principes. Comme premier principe, il s’est demandé si les dispositions de la loi devaient être générales, c’est-à-dire si elles devaient s’appliquer à tous les ordres de fonctionnaires et d’employés, aussi bien à ceux des finances, qu’à ceux de l’intérieur ou de l’ordre judiciaire, etc.
Je crois que c’est là le principe qu’il aurait voulu voir mettre en discussion. Il aurait voulu qu’on décidât d’abord si la loi sera générale, ou si elle contiendra des dispositions spéciales se rapportant à divers ordres de fonctions.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Il y en a. Il y a plusieurs catégories.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Nous nous réunissons, quant à présent, à la proposition de l’honorable M. Dumortier, tendant à ce que l’on discute, en premier lieu, le titre II du projet de loi.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée ; en conséquence la chambre décide qu’elle s’occupera en premier lieu du titre II du projet de loi.
La proposition de M. de Garcia est mise aux voix et adoptée ; en conséquence, les amendements relatifs à l’article 3, sont renvoyés à la section centrale.
La séance est levée à 4 heures et demie.