(Moniteur belge n°24 du 24 janvier 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Des brasseurs de la ville de Louvain adressent des observations sur le projet de loi relatif aux céréales. »
- Sur la proposition de M. Vandenhove, renvoi à la section centrale, chargée de l’examen de ce projet de loi.
« La chambre de commerce et des fabriques de Courtray adresse des observations contre le traité entre la Belgique et les Etats-Unis. »
- Sur la proposition de M. Van Cutsem, renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à ce traité.
« Le sieur François-Joseph Peil, capitaine au régiment d’élite en garnison à Bruxelles, né à Dremmen (province rhénane) au service des Pays-Bas et de la Belgique depuis 1825, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
La chambre adopte définitivement les amendements introduits dans les chapitres Ier, II et III.
La discussion est ouverte sur l’article unique du chapitre V : « Service de santé », qui a été adopté avec le chiffre de 40,000 francs. Le chiffre demandé par le gouvernement était de 45,000 francs.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Vous vous rappelez qu’au premier vote, l’honorable M. Dubus (aîné) demanda la réduction de cet article au chiffre de 40,000 francs, en alléguant qu’en 1835 le ministre n’avait proposé 45,000 francs que parce qu’alors il y avait deux commissions : l’une pour la révision des matières relatives à l’art de guérir, l’autre pour la pharmacopée belge ; que ces commissions ayant depuis longtemps terminé leurs travaux, le montant des dépenses de ce chef devait être défalqué.
J’ai déclaré que provisoirement je me ralliais à cette réduction sauf à vérifier le fait. Je me suis en effet convaincu qu’en 1834 le ministre d’alors avait demandé 5,000 fr. de plus qu’aux précédents budgets, et que, parmi les motifs présentés pour justifier cette mesure, il avait indiqué les deux commissions dont j’ai fait mention, comme devant donner lieu à quelques dépenses.
Il est vrai qu’une de ces commissions, celle nommée pour examiner les matières relatives à l’art de guérir, a terminé son travail. Mais celle nommée pour réviser la pharmacopée belge a été empêchée de terminer ses opérations par les maladies successives de plusieurs de ses membres. J’espère que l’année ne s’écoulera pas avant que ce travail soit terminé Mais si d’un côté les dépenses ont diminué par la cessation de ces deux commissions, d’un autre côté, les dépenses à imputer sur ce chapitre sont augmentées, depuis 1834, par une circonstance que vous apprécierez facilement.
En 1834 et dans les années antérieures, les commissions provinciales, médicales délivraient elles-mêmes les brevets de chirurgien accoucheur, et il résultait de ce chef un casuel qui, joint aux 1,100 florins que ces commissions reçoivent du gouvernement, servait à payer tous leurs frais. Mais est intervenue plus tard la loi sur l’enseignement universitaire qui a enlevé aux commissions médicales le pouvoir de délivrer ces brevets. Il est résulté de là un déficit dans leurs recettes qui doit annuellement être comblé par le gouvernement. Il y a telle commission où ce déficit s’élève en ce moment à plusieurs milliers de francs. Sous peine de voir ces commissions, je ne dirai pas ralentir, mais suspendre entièrement leurs utiles travaux, il faut que le gouvernement vienne à leur aide. Ainsi, de ce chef, il devra être imputé sur le chapitre du service de santé une somme plus forte que celle qui devait y être imputée dans les années antérieures à la loi sur l’enseignement universitaire. C’est ainsi que, pour 1839, il a fallu allouer 1,737 fr. pour frais d’inspection des pharmacies dans les Flandres et dans le Brabant, somme que les commissions médicales ne pourraient trouver dans les faibles recettes qu’elles font aujourd’hui.
Un second motif qui avait engagé l’honorable M. Dubus à proposer une diminution sur le chiffre demandé pour le service de santé, c’est qu’il avait remarqué dans le compte provisoire de l’exercice de 1839, présenté par M. le ministre des finances, jusqu’au mois d’octobre dernier, qu’il restait une somme très importante disponible. Mais la majeure partie de cette somme a été absorbée par des dépenses mandatées depuis lors. Ensuite il reste à imputer sur ce crédit une somme de 5,000 fr. qui sera liquidée un de ces jours par la cour des comptes, et qui a pour objet les frais faits par le gouvernement, à l’occasion de la fièvre typhoïde qui a régné aux environs de la capitale, où il a fallu organiser un hôpital provisoire et faire tout ce qui était nécessaire pour prévenir les progrès de cette maladie. De sorte que le subside pour 1839 sera totalement épuisé.
Une remarque que vous ne devez pas perdre de vue, c’est que si une somme reste disponible, il n’en est que mieux ; car il est impossible de prévoir les maladies épidémiques qui peuvent se déclarer pendant l’absence des chambres, et qui peuvent exiger que le gouvernement fasse instantanément des dépenses d’appropriation de locaux pour couper le mal dans sa racine. Si n’y avait pas une somme dont on pût disposer à cet effet, nous ne pourrions y porter remède ; car la cour des comptes a admis comme système qu’on ne pouvait imputer sur le chapitre des dépenses imprévues, des dépenses pour lesquelles il y a une allocation spéciale. Par conséquent, prévu ou imprévu, tout ce qui regarde le service de santé doit être imputé sur ce chapitre du budget.
J’espère que, moyennant ces observations, l’honorable M. Dubus n’insistera pas sur la réduction qu’il a proposée.
M. Dubus (aîné) – En proposant une réduction sur le service de santé, je l’avais fait avec une sorte d’hésitation. J’avais même consulté M. le ministre de l'intérieur sur la possibilité d’une réduction de 5,000 fr. Au premier abord, M. le ministre avait cru que cette réduction était possible, sauf à y revenir. Une circonstance qui avait déterminé à cette réduction, c’est que, pour 1839, la moitié du crédit paraissait avoir suffi pour toutes les dépenses de ce service. Mais maintenant que je sais que le crédit est totalement épuisé par les imputations qui ont eu lieu depuis, j’ai déclaré que je ne voulais pas entraver le service. Je n’insiste donc pas.
M. David – A l’occasion de la discussion sur le service de santé, je prierai la chambre de vouloir bien songer à la révision de la loi sur la police médicale. Ce projet de révision fait partie des projets arriérés. Je demanderai qu’il soit compris dans l’ordre du jour. Cette loi est vraiment nécessaire au pays.
M. Desmet – A l’occasion du service de santé, j’appellerai l’attention sur l’emploi que l’on fait abusivement dans les boulangeries du sulfate de cuivre, ou vert-de-gris. Si les lois ne suffisent pas, je crois qu’il est utile et même nécessaire qu’on présente un projet de loi, afin qu’on n’empoisonne pas tout le monde. Souvent, il y a des maladies ; on ne sait pas d’où elles proviennent. J’en ai parlé à des médecins qui les attribuent à l’emploi du sulfate de cuivre dans le pain. J’insiste pour que M. le ministre prennent des mesures propres à prévenir cet abus.
- La chambre adopte l’article unique du chapitre V, « Service de santé », avec le chiffre de 45,000 francs, au lieu de celui de 40,000 francs adopté au premier vote
La chambre adopte définitivement et sans discussion les amendements apportés au chapitre VI, IX, XI et XIV.
M. le président – Nous allons passer à la discussion du projet de loi.
M. de Mérode – Avant de voter le budget de l’intérieur, j’ai quelques éclaircissements à demander à M. le ministre pour savoir si je dois voter pour ou contre son budget.
M. le président – Vous avez la parole.
M. de Mérode – Avant de voter le budget de l’intérieur, je désire adresser une interpellation à M. le ministre.
A son entrée au ministère, il s’est laissé circonvenir par des influences secrètes, qui l’ont fait dévier des principes de gouvernement et des principes de justice qui doivent garantir l’existence des employés de l’Etat.
Sans aucun motif plausible, il a détruit la carrière d’un fonctionnaire de l’ordre administratif, qui remplissait ses devoirs d’une manière irréprochable.
Je ne prétends pas, messieurs, faire partager, à ce sujet, ma conviction intime à chacun de vous, ni engager la chambre dans une discussion ; mais j’ai le droit, pour mon compte, de demander à M. le ministre de l'intérieur s’il a le projet de réparer un tort très grave à mes yeux ; tort que j’ai signalé à son attention en conversation particulière, et ici même plus d’une fois.
Ce n’est pas un intérêt spécial et privé qui m’excite ; c’est l’intérêt général des loyaux serviteurs du gouvernement qu’il faut protéger contre l’esprit d’intrigue et de réaction.
Si M. le ministre de l'intérieur a l’intention de produire dès qu’il le pourra l’acte réparateur que je rappelle de nouveau à son équité, je croirai qu’il se soustrait à tout empire occulte, et je voterai son budget ; dans le cas contraire, je serai forcé de le rejeter.
Le rejet individuel ne changera rien à l’état des choses, mais il satisfera néanmoins ma conscience que remue le désir de préserver mes concitoyens de l’oppression, quelle que soit sa nature.
Messieurs, il a existé en France, sous la restauration, une congrégation dévote, sorte d’assurance mutuelle, par laquelle on faisait son chemin en ce monde en s’occupe subsidiairement de l’autre. Pareille affiliation tendant à propager l’hypocrisie. Certes, si on essayait d’en créer une semblable en Belgique, je lui ferais obstacle selon mes moyens. Or, il y existe une société de même genre quant au but temporel, quoique de couleur inverse au spirituel, établie, en outre, sur une bien plus large échelle que la congrégation pieuse ultra-blanche de la restauration. Les arcanes, le ménage intérieur de ladite société ne me regardent assurément pas ; seulement, à l’aide de la publicité, si conforme à l’esprit de nos institutions, je veux mettre le pays en garde contre l’envie indistinctement manifestée, même par voie de la presse, d’éliminer beaucoup de personnes très dignes de remplir les fonctions publiques, pour en donner autant que possible les avantages et le pouvoir à d’autres, soi-disant plus éclairées, et qui conçoivent effectivement d’une manière assez habile les moyens de parvenir au terme de leur ambition.
Peu disposé à laisser passer sans rien dire les combinaisons d’accaparement exclusif, je refuserai ma confiance à tout ministère ou à tout ministre qui en faciliterait plus ou moins le succès ; c’est pourquoi, sans vouloir la réclamer avec une exigence trop pressante, quant à l’exécution, j’attends la promesse concernant l’acte équitable dont j’ai parlé, et si je ne puis croire qu’il aura lieu, je voterai contre le budget de l’intérieur.
Ce qui se passe en Espagne et aussi en Suisse où l’autorité publique est tombée à la merci d’hommes qui en abusent pour opprimer une classe nombreuse de citoyens attachés à leurs traditions, doit nous servir d’avertissement avant qu’il ne soit trop tard.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, ma réponse sera très courte. J’admets que la chambre des représentants puisse interpeller un ministre, s’il organisait un système de destitution contre des fonctionnaires publics ou contre une classe de fonctionnaires.
Mais ce que je ne puis admettre, c’est que la chambre interpelle le gouvernement à l’occasion d’un simple déplacement d’un fonctionnaire de l’ordre administratif. Tout ce que je puis dire, c’est que des motifs purement administratifs m’ont donné la conviction que le fonctionnaire dont il s’agit convenait beaucoup mieux dans un autre arrondissement que dans celui où il se trouvait. Il n’y a là aucune suggestion étrangère, c’était ma conviction. Aucune inimitié personnelle non plus ne m’animait. Je connaissais le fonctionnaire dont il s’agit ; je l’ai connu depuis son enfance, dans sa famille et sous des rapports très honorables. Mais des motifs locaux, des motifs d’administration, et purement d’administration, m’ont décidé à le déplacer.
S’il avait accepté ses nouvelles fonctions, peut-être qu’à l’heure qu’il est le gouvernement eût trouvé l’occasion d’améliorer sa position. Il les a refusées et dans des termes tels que je ne veux pas prendre l’engagement de revenir sur ce que l’honorable M. de Mérode appelle un abus, et sur ce que j’appelle, moi, un usage légitime des droits du gouvernement.
M. de Mérode – M. le ministre nous dit qu’il connaissait parfaitement le fonctionnaire dont il s’agit, qu’il le connaissait depuis sa naissance. Cela est très possible ; mais ces circonstances ne changent rien à l’état des choses.
M. le ministre a déclaré qu’il avait agi par des motifs administratifs. Eh bien ! je dis qu’il n’a pas agi par des motifs administratifs et c’est pour cela que je lui ai demandé s’il était dans l’intention de redresser un tort qui était pour moi le commencement d’un système de destitutions accordées à des prétentions exclusives ; je sais bien que l’administration est légalement libre dans la collation et le retrait de certains emplois. Cependant comme elle, aussi moralement responsable, je combats une direction qui me paraît dangereuse et que j’ai ici le droit d’apprécier comme une politique ; en me prononçant selon des faits à moi connus pour ou contre tel ou tel budget.
Remarquez que je ne demande pas un vote à la chambre ni à M. le ministre de l'intérieur les motifs pour lesquels il a enlevé sa position au fonctionnaire que j’ai signalé, mais c’est parce que je connais les motifs contraires à l’esprit de la constitution, que je demande à M. le ministre s’il veut me prouver qu’il est sorti d’une mauvaise ornière pour rentrer dans le droit chemin.
Je suis homme de liberté, homme de gouvernement, vu qu’il n’y a pas de liberté sans gouvernement. Je sais en outre que nous ne pouvons pas être régis par des perfections : aussi ne serai-je jamais censeur intolérant des dépositaires du pouvoir. Cependant il y a des actes que je ne puis leur passer, parce qu’ils ont un caractère essentiellement mauvais, et parmi ces actes je range l’arbitraire exercé contre des subordonnés paisibles, inoffensifs, qui ne manquent à aucune de leurs obligations envers le gouvernement ou autre et que l’on sacrifie à des exigences tyranniques de parti.
M. Desmet – Je n’étais pas ici lorsqu’a eu lieu la discussion générale du budget de l’intérieur. Si j’avais été présent, j’aurais fait des observations analogues à celles de l’honorable comte de Mérode, et je n’aurais pas fait allusion à un seul individu, mais à trois individus.
On pourra répondre qu’il s’agit de mesures d’administration, mais c’est là un motif que je ne crois pas réel. Il y a des raisons de croire que c’est pour leurs opinions que certaines personnes ont été déplacées. Quant à moi, comme je crois que c’est contre les opinions qu’on veut agir, je ne puis donner mon appui à un gouvernement qui agit par esprit de parti.
M. le président – Nous allons passer à la discussion du projet de loi du budget.
« Art. 1er. Le budget du département de l’intérieur, pour l’exercice 1841, est fixé à la somme de 3,201,360 fr. 20 c. »
« Art. 2. La présente loi sera exécutoire le lendemain de sa promulgation. »
- Personne ne demandant la parole, ces deux articles sont adoptés. Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget.
En voici le résultat :
60 membres prennent part au vote.
50 membres répondent oui.
10 membres répondent non.
Le budget est adopté.
Ont répondu oui : MM. Buzen, Cogels, David, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Nef, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Roo, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Dumortier, Fallon, Fleussu, Kervyn, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Volxem et Zoude.
Ont répondu non : MM. de Garcia de la Vega, de Langhe, de Meer de Moorsel, de Mérode, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne et Peeters.
M. le président – L’ordre du jour appelle maintenant la discussion générale du projet de loi des pensions.
M. Lys – M. le président, je réclamerai l’exposé des motifs que je n’ai pas encore reçu ; et je crois que tous les nouveaux membres sont dans ce cas.
M. Dubus (aîné) – Il paraît que plusieurs membres de la chambre n’ont jamais reçu l’exposé des motifs de ce projet, qui nous a été présenté dans la session de 1837-1838, et le rapport de la commission, que nous n’avons que depuis peu de temps, s’en réfère, pour la plupart des observations, à l’exposé des motifs.
Cette dernière pièce n’existe plus, on ne la trouve ni aux archives, ni au greffe.
M. le président – Il aurait fallu faire cette observation lorsque le projet a été mis à l’ordre du jour.
M. de Brouckere – Bien que le projet de loi des pensions soit à l’ordre du jour depuis longtemps, il est incontestable que beaucoup de membres ne sont pas préparés à la discussion, qui pourtant est une des plus importantes qui puissent avoir lieu.
Je crois donc qu’il serait dangereux de fermer dès aujourd’hui la discussion générale sur cette loi, parce que, parmi les membres qui ne sont pas préparés, il en est qui auront des observations importantes à présenter.
Je demanderai donc qu’on ouvre la discussion générale, qu’on entende les orateurs qui sont préparés, mais qu’elle soit continuée à lundi.
M. Fleussu – J’ai demandé la parole pour appuyer les observations de l’honorable M. Lys.
Ce projet de loi a été présenté en 1838, de manière que les membres rentrés, comme moi, par exemple, ne l’ont pas examiné en section. Je ne l’ai connu que par le rapport de la section centrale, qui, comme on l’a observé, s’en réfère pour les motifs principaux au projet du gouvernement.
Je me suis adressé à la questure, au greffe, partout pour avoir l’exposé des motifs, on m’a répondu qu’il n’en restait plus. Enfin j’ai obtenu de l’obligeance de M. le greffier un recueil de pièces au nombre desquelles se trouvait cet exposé. Il ne m’a été remis que hier, de manière que je n’ai pu en prendre connaissance que d’une manière très succincte.
M. Zoude, rapporteur – Je ne m’attendais pas à ce qu’on voterait immédiatement le budget de l’intérieur, en sorte que tous mes papiers sont chez moi. Je demandera donc qu’on suspende un instant la séance ou qu’on remette la discussion à lundi.
M. Dumortier – Je viens de compter qu’il y avait 16 à 18 membres qui n’étaient pas présents en 1837, et qui par conséquent n’ont pas connaissance du texte primitif de la loi, de l’exposé des motifs, en un mot de tout le commencement de l’introduction de la loi dans cette assemblée.
Ces mêmes membres n’ont pas assisté aux discussions en sections et ne connaissent dès lors par la loi. Je crois donc qu’il y aurait lieu d’ordonner la réimpression de l’exposé des motifs pour lundi si c’est possible.
On m’a fait observer qu’il n’y a que huit pages à réimprimer ; ainsi on pourrait facilement en faire la distribution demain dans la journée. Car il sera inutile de réimprimer le texte de la loi qui se trouve dans le rapport en regard du projet de la section centrale. Il y n’aura donc que l’exposé des motifs qui, comme je viens de le dire, ne comprend que 8 pages d’impression. Du reste, pour aller plus vite encore, on pourrait l’insérer au Moniteur, de sorte qu’on l’aurait pour demain matin.
- La chambre ordonne l’impression au Moniteur.
Plusieurs voix – A lundi !
M. le président – Si quelqu’un est préparé pour parler dans la discussion générale, on peut toujours l’entendre.
- Personne ne demandant la parole, la discussion est renvoyée à lundi.
Plusieurs membres – A deux heures.
- La chambre décide que la séance de lundi sera ouverte à deux heures.
M. le président – Nous avons encore un objet qui pourrait être mis à l’ordre du jour, c’est la loi relative aux droits de succession.
M. Dumortier – Dans une séance précédente, M. le ministre des travaux publics a fait remarquer qu’il serait enfin temps de nous occuper de ce qui concerne les comptes de l’Etat. Voilà en effet 10 ans que la Belgique est constituée et nous n’avons encore arrêté aucun compte. Cependant l’article 115 de la constitution porte que chaque année les chambres arrêtent la loi des comptes. Je demande donc que la chambre veuille bien s’occuper cette année d’arrêter au moins quelques comptes. C’est d’ailleurs une chose indispensable. Car sans elle nous finirons pas être accablés d’un arriéré tel qu’il sera impossible de nous mettre jamais au courant.
Je crois que les rapports sur les comptes de 1830 à 1832 ont été distribués, et, s’il en est ainsi, je demanderai que ces rapports soient mis à l’ordre du jour ; si, au contraire, les rapports dont il s’agit n’étaient pas encore terminés, je prierais la chambre de bien vouloir inviter la commission des finances à nos soumettre dans un bref délai son rapport au moins sur les comptes des premières années.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je fais partie de la commission des finances qui a été chargé de l’examen des lois relatives aux comptes de l’Etat. Déjà depuis plusieurs années, elle s’est occupée de cet objet, et passé deux ou trois ans, elle a arrêté les points sur lesquels des renseignements lui étaient nécessaires. Ces points étaient assez graves et la demande de renseignements a été adressée à la cour des comptes. La réponse de la cour des comptes vient de nous parvenir, il y a quelques semaines, le jour même où la chambre a suspendu ses travaux à la fin de décembre ; la commission va maintenant prendre ces réponses en considération et continuer son travail.
M. le président – J’ai proposé à la chambre de mettre à l’ordre du jour le projet de loi relatif aux droits de succession.
M. Dechamps – Il me paraît qu’il faut avant tout discuter les budgets dont les rapports sont présentés. Nous sommes saisis du rapport sur le budget des voies et moyens, et je crois qu’il serait important de nous occuper de ce budget ; vous savez, messieurs, que des réclamations assez vives nous ont été adressées sur plusieurs des augmentations d’impôts, proposées par le gouvernement ; je crois que le pays serait bien aise de savoir quelles sont les intentions du gouvernement et de la chambre à cet égard. Je pense donc qu’après la loi des pensions, on pourrait mettre à l’ordre du jour la discussion du budget des voies et moyens, car il s’écoulera probablement un temps assez long avant que nous puissions avoir un rapport sur l’un ou l’autre des budgets de dépenses.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, j’ai fait remarquer hier à la chambre qu’il serait à désirer que les budgets des dépenses fussent votés avant le budget des voies et moyens, attendu que l’époque ordinaire de la mise à exécution des budgets, le premier janvier, se trouve passée et que dès lors quelques semaines de plus ou de moins ne causeraient pas un très grand préjudice. Cependant si, après la discussion de la loi des pensions, il n’y a pas de rapport soit sur le budget de la guerre, soit sur le budget des travaux publics, il me semble aussi qu’alors on ne pourrait plus tarder à discuter le budget des voies et moyens, et je demanderai, pour ce cas, que la chambre veuille bien discuter en premier lieu ce qui concerne l’impôt sur les distilleries.
M. de Theux – Ce n’est que hier, messieurs, que la section centrale du budget des travaux publics a terminé son travail, il faut encore maintenant que M. le rapporteur termine son rapport, puis que ce rapport soit imprimé. J’ignore combien de temps durera la discussion de la loi des pensions ; mais si elle n’est pas longue, il est évident que l’on ne pourra pas immédiatement après aborder la discussion du budget des travaux publics.
M. Dumortier – Si l’on veut entamer dans un bref délai la discussion de la partie du budget des voies et moyens relative aux distilleries, il me semble qu’on pourrait faire cela même avant la discussion de la loi des pensions ; plus vite nous discuterons le budget des voies et moyens, plus vite nous ferons entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat ; or, c’est à cela que nous devons viser dans la situation où se trouvent nos finances. Pour mon compte, je désire donc que l’on puisse s’occuper le plus tôt possible de ce qui concerne la loi des distilleries ; cependant je ferai remarquer que la section centrale a encore laissé en arrière quelques points et qu’elle devra encore avoir quelques conférences : il y a encore 4 ou 5 points, je pense, qui restent à éclaircir, par exemple, ce qui est relatif au revenu des villes, qui, d’après le projet, ne paieront pas les droits sur les eaux-de-vie et les bières, au-delà d’une certaine limite. Voyez, messieurs, ce que vous voulez faire, mais il faut encore une quinzaine de jours avant que nous puissions nous occuper des budgets de dépenses qui restent à voter, il est indispensable, ce me semble, que nous mettions à l’ordre du jour, après la loi des pensions, le budget des voies et moyens.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois, messieurs, qu’une discussion du budget des voies et moyens tout entier serait inopportune avant le vote des voies et moyens sur lesquelles on paraît être tout à fait d’accord, par exemple, ce qui concerne l’augmentation de l’accise sur les distilleries, et je ne vois aucun inconvénient à ce que l’on mette cet objet à l’ordre du jour d’une de nos prochaines séances, même avant la loi des pensions. Quant aux points qui sont contestés, je désirerais qu’on n’en commençât la discussion que lorsqu’après le vote des budgets des dépenses, on aura la conviction pleine et entière qu’il y a nécessité absolue de créer de nouvelles ressources. Alors la discussion ne sera pas vague, par suite de la préoccupation d’économies qui peut-être ne pourront pas se réaliser.
M. Eloy de Burdinne – Je partage l’opinion de M. le ministre des finances, que nous devrions commencer par discuter le budget des voies et moyens. Dans une administration bien entendue, on commence, avant de voter des dépenses, par examiner si l’on a les moyens d’y faire face, et cela est aussi nécessaire pour un gouvernement que pour un particulier.
J’appuierai donc la proposition de discuter le plus tôt possible le budget des voies et moyens, d’autant plus que plus vous tarderez à prendre une résolution sur les impôts que l’on veut augmenter, plus le trésor perdra sur la rentrée de ces augmentations.
On a dit qu’il sera bon d’augmenter l’accise sur les distilleries ; je suis de cet avis, mais il est des impôts que l’on devrait encore chercher avec plus de soin de faire rentrer ; l’impôt du sucre, par exemple, devrait produire 4 à 5 millions, si l’on empêchait la fraude si, en un mot, on remplissait l’intention du législateur qui a établi cet impôt.
Il faudrait donc introduire dans la loi sur les sucres les modifications que l’expérience indique comme nécessaires. Il faut faire rentrer les impôts établis avant d’en créer de nouveaux, qui sont toujours une calamité pour le pays.
Vous conviendrez, messieurs, que s’il suffit pour être ministre des finances d’imposer des additionnels aux contributions, le métier n’est pas fort difficile. La partie importante de la tâche d’un ministre des finances, c’est de faire produire les impôts existants, c’est de rectifier les erreurs qui se sont introduites dans l’exécution des lois financières.
J’apprécie sur ce point toute l’attention de M. le ministre ; il nous donnera, sans doute, sous ce rapport, des preuve de sa capacité, et je suis persuadé qu’il trouvera le moyen de faire en sorte que les lois destinées à procurer des ressources au trésor seront une vérité et non pas un mensonge.
- La chambre met à l’ordre du jour la partie du budget des voies et moyens qui est relative aux distilleries, sauf à discuter d’abord le budget des travaux publics ou le budget de la guerre, si le rapport sur l’un ou l’autre de ces budgets était prêt immédiatement après le vote de la loi sur les pensions.
La séance est levée à 2 heures.