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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 22 janvier 1841

(Moniteur belge n°23 du 23 janvier 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.

M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse de la pétition suivante.

« Le sieur Colette, à Namur, demande que la réserve de l’armée soit conservée et que l’arrêté du 6 décembre 1839 qui a réduit la solde des officiers de la réserve soit rapporté. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Composition des bureaux de section

Première section : M. de Theux, président ; M. Dubus (aîné), vice-président ; M. Lange, secrétaire ; M. Van Hoobrouck, rapporteur des pétitions.

Deuxième section : M. de Mérode, président ; M. Mast de Vries, vice-président ; M. de Villegas, secrétaire ; M. Vandensteen, rapporteur des pétitions.

Troisième section : M. de Foere, président ; M. Ullens, vice-président ; M. Kervyn, secrétaire ; M. Hye-Hoys, rapporteur des pétitions.

Quatrième section : M. Raikem, président ; M. de Behr, vice-président ; M. B. Dubus, secrétaire ; M. de Garcia, rapporteur des pétitions.

Cinquième section : M. Dechamps, président ; M. de Nef, vice-président ; M. Simons, secrétaire ; M. Cogels, rapporteur des pétitions.

Sixième section : M. Brabant, président ; M. Wallaert, vice-président ; M. Dedecker, secrétaire ; M. Zoude, rapporteur des pétitions.

Motion d’ordre

M. Van Cutsem – J’ai été invité, par billet en date d’hier, à me rendre aujourd’hui à la sixième section à midi. Je suis arrivé avant midi, et n’ayant trouvé personne à la section, je me suis rendu dans l’antichambre de la chambre pour lire les journaux. Un instant après, je suis descendu, et lorsque je suis arrivé à la section centrale, on avait déjà terminé toutes les opérations pour la nomination des présidents, vice-présidents et secrétaires.

Je me suis adressé à un des membres de cette section poir lui demander à quelle heure on s’était réuni ; il m’a répondu qu’on avait commencé les opérations dix minutes avant midi.

Je demanderai à M. le président de donner les ordres nécessaires pour qu’à l’avenir on ne commence plus les opérations avant l’heure indiquée sur les billets de convocation.

M. le président – Je ferai observer que le président n’exerce aucune action sur les opérations des sections. Il faudrait s’adresser au président de la section.

M. Delehaye – Je sais bien que M. le président n’exerce aucune influence sur les opérations des sections, aussi n’est-ce pas à lui que s’adressera mon observation.

Je ferai remarquer que les séances publiques commencent longtemps après l’heure fixée ; il en est autrement des séances des sections. Quand il s’agit de se constituer, presque toujours, les opérations sont terminées au moment qu’elles devraient commencer.

M. Lys – Je suis aussi arrivé avant midi à ma section ; et toutes les opérations étaient terminées.

M. Delfosse – J’ai la même observation à présenter que l’honorable M. Delehaye ; je fais partie de la même section que lui, nous nous y sommes trouvés à midi, tout le monde était parti. C’est au point que nous pensions que rien n’avait encore été fait et que nous avons attendu l’arrivée de nos collègues.

M. Sigart – J’ai la même observation à faire.

M. Dubus (aîné) – Je suis arrivé un peu après-midi, j’ai trouvé toutes les opérations terminées, ou plutôt elles se terminaient au moment où je suis entré.

Je suis étonné de toutes les réclamations qui s’élèvent et qui sont inusitées dans cette chambre. Je crois que ce qui s’est passé aujourd’hui se fait d’ordinaire. Lorsque l’heure de la convocation des sections est la même que celle de la convocation de la chambre, on s’empresse d’aller aux sections pour se trouver ensuite à l’appel. Les honorables membres devraient faire régler l’heure, pour qu’on sache quand le coup de midi tombe.

Je suis obligé de faire cette observation en présence du grand nombre de réclamations qui s’élèvent.

M. Dechamps – Je fais partie de la cinquième section à laquelle appartiennent MM. Delfosse et Delehaye. Je suis arrivé à midi, peut-être quelques minutes avant, je n’avais pas la montre à la main. J’ai trouvé trois ou quatre de mes collègues. Nous avons attendu assez longtemps, un quart d’heure environ. Je me suis même absenté pour venir lire les journaux dans la salle des Pas Perdus, et j’ai demandé à mes collègues de me faire appeler lorsque la section centrale serait complète.

Quelques temps après on m’a appelé en disant que personne ne venait, et nous avons passé à l’organisation de la section.

M. Zoude – Je fais partie de la sixième section ; je suis arrivé cinq ou six minutes avant midi. Trois ou quatre membres étaient présents. Pensant qu’il ne viendrait plus personne, nous avons passé à la constitution de la section. Mais nous consentirons volontiers à ce que ces opérations soient annulées.

M. Fleussu – En voilà bien assez.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1841

Discussion générale

M. le président – L’ordre du jour appelle la discussion du budget des finances. Je prierai M. le ministre de déclarer s’il se rallie aux propositions de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallierai à quelques-unes des propositions de la section centrale, mais je ne puis me rallier à toutes. Je m’expliquerai à mesure que les articles se présenteront.

M. le président – Ainsi la discussion s’établit sur le projet du gouvernement.

M. Doignon – Messieurs, dans la séance du 21 décembre dernier, M. le ministre des finances nous a présenté un projet provisoire de loi des voies et moyens, qui avait pour objet de faire décréter la continuation des impôts à partir du 1er janvier 1841. Cette loi a été adoptée par vous.

Mais en même temps M. le ministre nous avait fait la promesse de présenter des projets de lois séparés, relatifs aux proposition d’augmentations d’impôt que le gouvernement nous a présentées. Voici ce qu’il disait dans son exposé des motifs : « Un projet particulier renfermera les modifications au tarif des douanes, un autre projet, les modifications aux droits d’inscription et de transcription, un dernier ce qui concerne la suppression des droits de tonnage extraordinaire d’Ostende. »

Je m’attendais à la rentrée des vacances de voir présenter ces différents projets ; mais le ministère n’en a rien fait. Je demanderai au gouvernement s’il a renoncé à son plan, s’il n’entend pas faire discuter ces augmentations de voies et moyens, que vous savez d’ailleurs être très peu populaires et qui ont excité de si vives réclamations dans tout le pays. Le gouvernement craindrait-il d’aborder la discussion de ces propositions ; ou bien pense-t-il pouvoir marcher avec la loi des voies et moyens que nous avons votée et à l’aide des bons du trésor. Je désirerais quelques explications sur ce point.

Messieurs, il paraît que le gouvernement maintient la société générale en possession de la recette des impôts de l’Etat. Je dois lui rappeler la responsabilité qui pèse sur lui en faisant continuer la recette par cette société. Cette responsabilité est telle, messieurs, qu’il n’y a pas très longtemps qu’au sénat, il a été déclaré par une commission qu’on rejetterait le budget si on persistait à laisser la caisse de l’Etat entre les mains de cette banque.

En effet, n’y aurait-il pas danger pour l’Etat si, par suite d’exécutions politiques ou autres, la société générale se trouvait dans une position fâcheuse ; si elle éprouvait des catastrophes, des malheurs inattendus, ce qui est arrivé à des sociétés également très solides. Dans ces circonstances aussi pressantes, les créanciers mêmes de la société ne profiteraient-ils pas les premiers des deniers de l’Etat qui se trouveraient dans les caisses ? Les deniers de l’Etat ne seraient-ils pas employés aux besoins du moment ? Il en résulterait alors une entrave au service public, et une grande perturbation dans l’administration du pays. Car l’Etat lui-même ne pourrait plus payer, et il serait obligé de suspendre ses payements.

Voilà un inconvénient qu’il n’est pas facile d’éviter et qu’une bonne administration doit prévoir.

Depuis que la société générale est en contestation avec le gouvernement hollandais, je demanderai si elle offre encore aujourd’hui les mêmes sécurités.

Au budget actuel comme au budget précédent, il est porté une somme de 220,000 francs allouée à la société générale pour la recette de l’Etat. Vous vous rappelez même que cette remise a été majorée successivement. Tandis que d’un côté le contribuable paie les impôts en écus, la société générale fait souvent ses paiements en billets, ce qui est pour elle un avantage, et un avantage tel qu’on devrait, selon moi, faire modérer la remise.

D’un autre côté, il y a quelques années le gouvernement a autorisé une nouvelle émission assez considérable de billets de banque. Je demanderai si les précautions convenables ont été prises, si le public a toutes les garanties en pareil cas.

Depuis cinq ans, messieurs, un rapport vous a été fait par une commission spéciale de la chambre, sur les créances de l’Etat à charge de la société générale. Mais depuis lors, bien des faits et des événements se sont passés. Tandis que la chambre a été saisie de ce rapport, de ses conclusions et de toutes les questions qu’on y traite, il paraît que le gouvernement a intenté diverses actions en justice contre la société générale.

D’un autre côté, la société générale a attaqué le gouvernement. Des jugements, des arrêts sont intervenus, et peut-être existe-t-il des conflits. Depuis cette époque le traité avec la Hollande est aussi intervenu.

Dans cet état de choses, je demanderai que le gouvernement veuille bien nous faire connaître l’état actuel et exact des contestations entre lui et la société générale ; qu’il nous fasse un rapport sur tout ce qui s’est passé depuis plusieurs années, car on nous a laissé tout ignorer.

Je demanderai qu’on nous communique les procédures, les mémoires des parties et leurs conclusions. La chambre, depuis cinq ans, a été renouvelée entièrement. Je demanderai qu’on communique aux nouveaux membres de la chambre, toutes les pièces et documents relatifs aux affaires entre la société générale et l’Etat.

Comme ces différends soulèvent des questions de droit civil et de droit public, je prierai encore le ministère de prendre les avis des jurisconsultes et de nous les communiquer.

La société générale, de son côté, a fait faire des consultations, des brochures en faveur de sa cause. Pourquoi l’Etat ne ferait-il pas la même chose ? je crois que rien ne doit être négligé pour instruire cette affaire, et j’accorderai tout crédit qu’on demandera pour arriver à ce résultat.

La conduite du ministère, messieurs, à l’égard de la société générale me paraît inexplicable.

S’il est une créance liquide et certaine, c’est bien celle du solde de l’encaisse de l’Etat, resté en 1830 entre les mains de la société générale. Comment se peut-il que depuis dix ans cet encaisse ne soit pas encore rentré ? Le retard apporté à cette rentrée n’est pas excusable, et c’est ce que la cour des comptes elle-même a fait entendre dans les observations qu’elle nous a transmises au mois de décembre dernier.

Dans son rapport du budget de 1840, la section centrale concluait en ces termes :

« D’après ces considérations, la section demande que le gouvernement prenne les mesures les plus efficaces afin que la cour des comptes procède, sans plus de retard, au règlement du solde existant au moment de la séparation, dans les mains du caissier général, et pour que le montant en soit mis promptement à la disposition du trésor. »

La cour des comptes, sans doute stimulée par ces conclusions à voulu mettre à couvert sa responsabilité, et elle a, passé quelques mois, adressé une dépêche à M. le ministre des finances pour le mettre lui-même en demeure.

Voici comment elle s’exprime :

« Elle croirait, dit-elle, trahir ses devoirs, si elle différait plus longtemps à interpeller itérativement la société générale, à l’effet de produire le solde de son compte en caisse au 30 septembre 1830, et, en cas de refus, si elle résistait, à prononcer un arrêt aux fins de l’y contraindre par tous moyens de droit ; c’est à quoi elle est résolue ; mais avant de reprendre cette grave question, elle a désiré, M. le ministre, vous soumettre sa détermination, etc. »

Voici quelle a été la réponse de M. le ministre :

M. le ministre répondit à la cour « qu’il s’était fait remettre sous les yeux la correspondance de ses prédécesseurs relative à cet objet, et qu’il s’occupait à en prendre connaissance ainsi qu’à revoir tous les documents qui s’y rattachent ; mais qu’un examen approfondi était indispensable afin de pouvoir se fixer sur l’opportunité des mesures indiquées dans la lettre de la cour ; qu’il espérait, après avoir terminé cet examen, se trouver bientôt en état de répondre à la cour. »

Je demanderai à M. le ministre des finances, si, à l’heure qu’il est, il est à même de nous donner une réponse plus explicite, plus catégorique ; car vous voyez, messieurs, que la réponse faite par le gouvernement est insignifiante. Après 10 années d’attente on vient nous dire qu’il faut encore examiner, qu’il faut réfléchir ; après dix années d’attente, on ne sait pas encore si le moment est opportun pour agir !

On répand des doutes sur la compétence de la cour des comptes, mais cette question est complètement éclaircie par la cour des comptes elle-même. Comme elle l’a fait remarquer, il y a dans les statuts de la société générale un article qui attribue à cette cour l’examen et la liquidation des comptes de la société générale, et sous le régiment précédent, on n’aurait pas osé élever le moindre doute à cet égard. La commission de la chambre a examiné et discuté la question dans le même sens.

Parlera-t-on du traité qui a été conclu avec la Hollande ? Mais ce traité ne contient pas la moindre stipulation relativement à l’encaisse dont il s’agit.

Cet encaisse est tout simplement un dépôt ; or, si un particulier avait déposé de l’argent dans la caisse de la société générale, il est certain que la restitution de ce dépôt ne pourrait pas souffrir la moindre difficulté ; eh bien ! messieurs, nous sommes ici envers la société générale dans la même position qu’un particulier qui aurait fait un semblable dépôt.

Il y a ici quelque chose de bien étrange, messieurs ; tandis que nous avons dans la caisse de la société générale une somme de onze millions, c’est à cette même société que l’on s’est adressé pour la négociation du dernier emprunt, de sorte que la société générale nous a prêté nos propres écus, et cela à un intérêt de 5, 6, 7 ou 8 p.c., suivant la commission dont nous ne connaissons pas le taux.

M’objectera-t-on la convention que le ministère a faite il y a cinq ou six ans avec la société générale ? Mais, dans son rapport, il a été démontré à l’évidence, par la commission, que cette convention est nulle, qu’elle doit être considérée comme non avenue. Cette convention attribue, il est vrai, un intérêt de 4 p.c. à l’Etat, mais, comme je l’ai déjà dit, d’un autre côté nous payons peut-être jusqu’à 8 p.c.

Il est donc évident qu’il faut faire rentrer l’encaisse de la société générale ; lorsque nous avons là depuis si longtemps des écus disponibles une créance liquide et certaine, il est douloureux de voir le gouvernement nous demander de nouveaux impôts.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable préopinant demande au gouvernement si, comme il en a fait, d’après lui, la promesse, il proposera un projet de loi spécial pour chacune des augmentations d’impôts proposées au budget des voies et moyens.

L’honorable membre prétend que le gouvernement a pris l’engagement de présenter des projets de loi spéciaux pour ces augmentations ; cependant, messieurs, il n’en est pas ainsi. L’honorable M. Doignon a lu un passage du rapport que j’ai présenté à la chambre dans la séance du 21 décembre ; mais, ainsi qu’il l’a encore fait, il y a quelques jours, il a tronqué le sens de la phrase en ne lisant qu’une partie. Je vais, moi, lire la phrase entière, et la chambre verra que le gouvernement n’a pas pris le moindre engagement de présenter des projets spéciaux. Voici, en effet, ce que j’ai dit :

« Du reste, messieurs, sauf les dispositions qui concernent la contribution foncière, il n’est rien changé aux propositions qui vous ont été soumises dans votre séance du 17 novembre ; elles sont maintenue dans ce sens que chaque accise présentant une augmentation de droit, doit être considérée comme formant un projet de loi spécial ; qu’un projet particulier renfermera les modifications au tarif des douanes ; un autre, ce qui est relatif au droit d’inscription et de transcription, et enfin un dernier ce qui concerne le droit de tonnage extraordinaire à Ostende. »

Vous voyez bien, messieurs, que je n’ai nullement parlé de présenter des projets nouveaux ; j’ai demandé au contraire que chaque proposition fît considérée par la chambre comme formant un projet spécial.

L’honorable membre demande si le gouvernement n’a pas l’intention de soutenir les propositions qu’il a faites. Assurément nous persistons dans nos propositions, mais le gouvernement a pensé que puisque l’époque ordinaire du premier janvier était écoulée, il convenait de discuter les lois des dépenses avant le budget des voies et moyens, parce qu’alors chaque membre de la chambre connaîtra exactement quelles sont les dépenses auxquelles il faut faire face, parce qu’alors chacun sera dégagé de la préoccupation des économies éventuelles et sentira la nécessité de pourvoir par des moyens quelconques aux dépenses votées.

Depuis longtemps la société générale est chargée de la recette des deniers de l’Etat, et dans mon opinion, cette société présente toutes les garanties nécessaires pour inspirer la plus complète sécurité. Les difficultés qu’elle éprouve dans ses relations avec le gouvernement des Pays-Bas ne sont point de nature à altérer ni son crédit, ni son importance, ni sa richesse.

Toutefois je conviens que le gouvernement doit s’occuper de ce qui concerne les rapports de cette société, tant avec le département des finances qu’avec la cour des comptes. Jusqu’ici la cour des comptes n’a point admis en liquidation la remise accordée à la société générale, du chef de la recette des deniers de l’Etat, par la raison qu’elle n’a pu exercer de contrôle sur sa gestion ; c’est là un état de choses qu’il importe d’approfondir pour y porter remède. Aussi le gouvernement s’occupera avec sollicitude de cet objet et bientôt la chambre elle-même aura l’occasion de prendre une décision sur cette question, lorsqu’elle aura à discuter la loi sur la comptabilité générale de l’Etat, que le gouvernement se propose de présenter probablement dans le cours de cette session.

L’honorable préopinant réclame un rapport relatif aux différends qui peuvent exister entre le gouvernement et la société générale. Je crois qu’il ne s’agit ici que de ce qui concerne la redevance et l’encaisse. Sans doute il eût été à désirer que les difficultés existant à cet égard eussent pu être aplanies plus tôt, mais les circonstances ne l’ont sans doute pas permis. Aujourd’hui elles doivent se résoudre par la voie diplomatique, et il serait impolitique de notre part d’exiger dès à présent, de la société générale, le paiement des redevances et de l’encaisse, alors qu’ils sont l’objet de négociation entre les deux gouvernements.

M. Doignon – Je vous prie de remarquer, messieurs, que la section centrale a interprété la phrase dont M. le ministre des finances vient de donner lecture comme je l’ai moi-même interprétée ; la section centrale a pensé, comme moi, que l’on ferait des projets de lois spéciaux séparés pour les diverses majorations proposés par le gouvernement. Si je n’ai pas lu le paragraphe tout entier, c’est parce qu’il était trop long, mais vous avez pu voir, par la lecture qu’en a faite M. le ministre des finances, qu’il présente bien le sens que j’y ai donné. Je n’ai donc rien tronqué, mais j’ai dit une chose fort exacte. D’après l’exposé des motifs, il s’agissait de nous présenter trois projets distincts.

M. le ministre n’a pas rencontré toutes les observations que j’ai faites : j’ai demandé notamment un état relatif aux contestations qui existent entre l’Etat et la société générale. Il est de notoriété qu’il existe aujourd’hui plusieurs procès entre eux ; et ces procès ont été entamés à notre insu et nonobstant le rapport et les conclusions de la commission ; nous en ignorons encore tous les examens. Je demande donc itérativement qu’on nous fasse, à cet égard, un rapport qui nous donne une idée complète de ce qui s’est passé depuis plusieurs années et notamment depuis le rapport présenté par une commission de la chambre ; je demande, en outre, que l’on distribue aux nouveaux membres de la chambre toutes les pièces et documents relatifs aux différends dont il s’agit.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Comme je l’ai déjà déclaré, tous les différents qui existent entre le gouvernement et la société générale dont l’objet de négociations diplomatiques, et je pense que, dans cet état de choses, il serait très imprudent de présenter à cet égard un rapport à la chambre.

M. Dechamps – Si j’ai bien compris ce que M. le ministre des finances vient de répondre à l’honorable M. Doignon l’ancien budget des voies et moyens devrait être considéré maintenant comme formant autant de projets de lois spéciales qu’il y a d’augmentations proposées, et d’après l’opinion de M. le ministre des finances, la chambre serait saisie ipso facto de ces lois spéciales. Il est essentiel que la chambre soit positivement éclairée sur ce point, qu’elle sache si elle est oui ou non saisie des projets dont il s’agit.

Puisque j’ai la parole et qu’on vient de s’occuper de la question de la société générale, je me permettrai de faire une observation à cet égard ; je ne veux pas traiter cette question à fond, car je n’y suis pas préparé en ce moment, et je compte y revenir lorsque nous nous occuperons du budget des voies et moyens. Je me bornerai à dire maintenant que je suis étonné de la conduite tenue récemment par le gouvernement en ce qui concerne la société générale.

Vous savez tous, messieurs, que de graves contestations sont pendantes d’une part entre la société générale et le gouvernement hollandais, et d’autre part entre cette société et le gouvernement belge. Le syndicat d’amortissement a saisi toutes les valeurs que la société générale possède en Hollande ; d’un autre côté, le gouvernement a fait signifier à la société générale qu’elle n’eût à payer à d’autre qu’à lui-même la somme que le syndicat réclame, et cela par huissier.

La société générale obéit ; elle attaque le syndicat d’amortissement devant les tribunaux hollandais ; le gouvernement laisse condamner la société générale, il laisse compromettre les grands intérêts qui se rattachent à cette question en Hollande.

Le gouvernement soutient que cette question doit être résolue diplomatiquement ; s’il en est ainsi, le gouvernement aurait dû y penser plus tôt, il aurait dû se présenter devant les tribunaux hollandais, pour faire déclarer leur incompétence ; mais comme il n’a pas eu cette intention, je ne comprends pas qu’il soit venu se joindre au syndicat, pour faire déclarer l’incompétence des tribunaux belges ! Si l’on veut abandonner la solution de cette question aux négociations diplomatiques, je le veux bien ; mais alors le gouvernement n’aurait pas dû commencer par restituer au gouvernement hollandais tout ce qui pouvait lui servir d’armes dans les négociations ; on restitue d’abord les biens de la maison d’Orange, on lève le séquestre et puis on fait déclarer l’incompétence des tribunaux belges. Je ne comprends pas une pareille conduite de la part du gouvernement.

Messieurs, le point sur lequel je voudrais avoir des explications catégoriques de la part de M. le ministre des finances, c’est la question de savoir si la chambre doit être considérée comme saisie des projets de loi spéciaux qui se rattachent au budget des voies et moyens, ou bien si la chambre doit attendre la présentation de projets nouveaux.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, dans l’intention du gouvernement, ainsi que cela est exprimé dans le rapport du 21 décembre, la loi des voies et moyens doit être considérée comme formant autant de projets de loi qu’il y a d’article spéciaux traités dans cette loi. Le gouvernement croit d’autant plus devoir persister dans cette voie, que le rapport de la section centrale roule sur chacune des propositions, et que, si de nouveaux projets étaient présentés, il serait nécessaire de former de nouveaux rapports. Ainsi la chambre est bien saisie des projets spéciaux dont on a parlé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, je suis quelque peu surpris de devoir demander la parole pour défendre des actes qui ont été plusieurs fois discutés et qui du reste sont complètement étrangers au cabinet actuel. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la levée du séquestre des biens de la famille d’Orange-Nassau, cette affaire était tout à fait consommée lorsque nous sommes arrivés au ministère. Nous n’avons donc pas à nous en expliquer.

Quant à la défense qui a été faire par le gouvernement à la société générale de se libérer des sommes que pourrait réclamer d’elle, soit le gouvernement néerlandais, soit le syndicat d’amortissement, ce fait non plus n’est pas nouveau ; il était aussi consommé à notre entrée aux affaires.

Du reste, je ne reculerai pas devant l’explication de ces différents faits, si je ne croyais que, dans l’état actuel des relations qui se sont ouvertes depuis quelque temps à Bruxelles entre le gouvernement des Pays-Bas et le gouvernement belge, il n’y eût pas une extrême imprudence à entrer dans les explications qui ont été provoquées par d’honorables préopinants.

Tout ce que je puis leur dire, c’est que les questions qui se rattachent à l’exécution du traité, et celles qui se rattachent aux contestations existant entre la société générale et le syndicat, ou plutôt entre le gouvernement néerlandais et la société générale, ainsi que toutes les discussions qui ont été portées devant les tribunaux, à la suite d’actes antérieurs, toutes ces questions, dis-je, sont actuellement l’objet de conférences, dont la marche, jusqu’à présent, doit nous inspirer assez de confiance dans un dénouement favorable à tous les intérêts.

L’honorable préopinant à l’esprit trop élevé, il a une connaissance trop parfaite des convenances parlementaires et des intérêts qui sont engagés ici, pour vouloir exiger du gouvernement des réponses plus précises.

M. Vandenbossche – J’entends toujours parler de négociations diplomatiques relativement à la société générale ; je pense que toute négociation est dangereuse aussi longtemps que nous n’aurons pas examiné quels sont les droits du gouvernement vis-à-vis de cette société et notamment à l’égard des domaines qu’elle retient. Je me réserve de parler sur cette question lors de la discussion du budget des voies et moyens. En attendant, je prierai M. le ministre des finances de stater plutôt que d’activer les négociations.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, j’ai demandé la parole pour réclamer une explication au ministre des finances ; c’est au sujet d’un fait qui concerne son administration et qui ne sera pas renvoyé au cabinet précédent, car je trouve le fait consigné, avec sa date, dans le rapport de la cour des comptes qui nous a été distribué.

Voici comment s’explique la cour des comptes :

« Le 23 juin de cette année, il a été adjugé à Bruxelles, devant la commission des monnaies, à laquelle était adjoint un des membres de la cour, la vente d’anciennes monnaies provinciales et du pays. Le prix de l’adjudication s’éleva à une somme considérable. Le lieu naturel de l’enregistrement paraissait être Bruxelles ; cependant l’on est étonné de voir que c’est dans un bureau voisin de la capitale que l’enregistrement a été opéré. Ce changement de bureau, qui constitue une faveur pour un comptable au détriment d’un autre, est aussi de nature à pouvoir léser le trésor ; car on sait que le tantième des remises des receveurs diminue dans la même progression que s’accroissent les recettes. Si donc l’on fait recouvrer un droit élevé d’enregistrement dans un bureau où les recettes sont moindres que dans celui où il aurait dû être perçu, le trésor en éprouve un préjudice proportionnel. »

Ainsi, d’après le fait signalé à l’attention de la chambre, un acte d’une importance très considérable, et sujet à l’enregistrement, ayant été passé au ministre des finances, au lieu de faire enregistrer cet acte à Bruxelles, où la recette du droit se serait opérée à moindres frais pour le trésor, on l’aurait fait enregistrer dans un bureau voisin de la capitale, dont les recettes sont moins importantes, et donc par suite le tantième de perception aurait été plus considérable, de sorte qu’en faisant cet avantage à ce receveur, au préjudice du receveur de Bruxelles, on aurait lésé en même temps les intérêts du trésor.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le fait dont vient de parler l’honorable préopinant existe réellement. Mon autorisation n’a pas été demandée, je dois le déclarer, pour opérer l’enregistrement de l’acte dans un bureau étranger à Bruxelles. Quand j’ai eu connaissance de ce fait, je me suis empressé de donner les ordres nécessaires pour faire verser au trésor la différence entre la remise qui aurait été perçue au bureau de Bruxelles et celle qui a pu être touchée au bureau où l’acte a été enregistré.

Du reste, des ordres sont donnés pour qu’un semblable fait ne se renouvelle plus sous mon administration.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je demanderai à M. le ministre des finances, si, avant de frapper de nouveaux impôts, il ne convient pas d’apporter des modifications aux lois d’impôts existantes. Les modifications sont devenues nécessaires, en ce sens qu’on a trouvé les moyens d’éluder la loi. Depuis longtemps on réclame la révision de la loi qui impose à la consommation les sucres et le sel. Je demanderai s’il entre dans les intentions de M. le ministre de présenter des dispositions telles que les impôts soient perçus désormais au profit du trésor, et non plus au profit des industriels.

J’aurai une autre interpellation à faire au cabinet. Je désire savoir si on ne cherchera pas le moyen de réaliser l’encaisse considérable qui se trouve dans les coffres de la société générale, c’est la somme de 500,000 francs qui résulte de la cession des domaines. Cette somme, due annuellement par la société générale, ne revient pas intégralement à la Belgique. La Hollande y participe. Je demanderai si la société générale nous payera bientôt cet arriéré.

Messieurs, déjà depuis plusieurs années la société générale avait bien voulu nous remettre l’encaisse, sauf garantie, bien entendu, et pour autant que nous lui eussions acheté cinq mille hectares de forêts. Si alors elle avait les fonds disponibles et voulait bien nous les remettre, ou plutôt les garder en paiement des forêts qu’elle nous cédait, comme elle a continué à jouir de ses forêts, il est certain qu’elle doit à l’Etat l’intérêt de cet encaisse. Voilà encore une chose sur laquelle je prierai M. le ministre des finances de nous donner des explications.

M. Desmet – J’ai été, ainsi que M. Dubus, frappé de l’observation de la chambre des comptes. Je n’aurais jamais cru qu’un pareil abus se fût produit dans le département des finances. M. le ministre vient de dire qu’il n’avait pas su que l’enregistrement dont il s’agit avait et lieu dans un bureau de la province au lieu de l’être à Bruxelles.

Je dirai que ce n’est pas seulement à cause de la perte qui en résulte pour le trésor que j’ai été surpris mais parce que cet enregistrement a eu lieu dans certain bureau rural et que le fait coïncide singulièrement avec ce qui s’est passé dans un arrondissement électoral où les agents des finances ont joué un rôle qui a révolté tout le monde. C’est le canton que j’habite pendant l’été. Les employés des finances ont employé les menaces et les promesses de toute espèce pour que les électeurs nommassent telle personne qu’on leur désignait. Les journaux en ont parlé.

Cela a fait un très grand scandale. Il paraît que c’est dans ce canton que l’enregistrement dont il s’agit a eu lieu au préjudice du receveur de Bruxelles. Quand on emploie les agents du gouvernement pour influencer les électeurs, on fait une chose déplorable qui nuit non seulement au pays, mais au gouvernement. Oui, quand le gouvernement descend assez bas pour employer ses agents à influencer les élections, il porte atteinte à la considération dont il a besoin.

J’ai fait cette observation pour amener des explications.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je repousse de toutes mes forces les insinuations de l’honorable préopinant, comme étant de la plus grande inexactitude.

M. Dubus (aîné) – Dans quel bureau le fait signalé a-t-il eu lieu ?

M. le ministre des finances (M. Mercier) – C’est dans le bureau d’Assche.

M. Dubus (aîné) – Voilà de la coïncidence !

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Cette coïncidence vous la connaissez.

Je déclare qu’il n’est nullement à ma connaissance que des employés des finances aient fait des démarches auprès des électeurs, et encore moins qu’ils aient fait des menaces. Ce sont là d’odieuses inculpations que je renvoie à leur auteur.

M. Delehaye – Je suis réellement étonné de la manière dont on vient accuser le gouvernement d’intervention dans les élections, surtout quand on a gardé le silence sur l’intervention que le gouvernement précédent s’est permise avec un scandale bien plus grand que celui dont on se plaint aujourd’hui.

Qu’est-il arrivé dans le district de Gand ? je ne fais pas de reproche à M. Raikem, il n’était pas encore ministre. Une place était vacante dans l’administration judiciaire, plusieurs candidats se présentaient. Pour influencer les élections, le fait que je dénonce est connu de tout le monde, on a nommé un homme qui n’était pas avocat et ne possédait point les connaissances requises. Il n’est pas de moyen qui n’ait été employé, pas d’intrigue qui n’ait été ourdie par le pouvoir, et aujourd’hui, bien qu’on n’ait pas prononcé un mot alors, on vient se plaindre de ce qu’un fonctionnaire de l’administration des finances aurait peut-être employé son autorité pour exercer quelque influence sur les élections. Je ne sache pas que le nouveau cabinet ait donné des places pour influencer les élections. S’il se permettait de le faire, je serais le premier à le blâmer. J’étais encore en fonctions quand le fait que je viens de signaler a eu lieu : c’était contraire à mon opinion, quoique la personne nommée m’inspirât toute confiance comme particulier, mais sa nomination à des fonctions judiciaires est un fait contre lequel je protesterai toujours, d’autant plus que ce scandale a été commis dans le seul but d’influencer les élections.

M. de Theux – Les anciens ministres de la justice n’étant pas présents, ils ne peuvent répondre au fait qu’on a signalé, qu’un homme qui n’était pas avocat aurait été nommé à des fonctions dans l’ordre judiciaire. Quant à moi, je n’en ai aucune connaissance. Je fais cette remarque, parce que M. Nothomb, qui a exercé l’intérim du ministère de la justice, et M. Ernst, qui a été longtemps à la tête de ce département, ne sont pas ici. Je ne sais pas auquel de ces deux honorables membres le fait peut être imputé.

Je ne voulais prendre la parole que sur l’observation présentée par M. le ministre des affaires étrangères, qui s’est étonné que nous n’ayons pas réclamé la parole pour répondre aux observations de M. Dechamps.

Dans mon opinion, ce sont les ministres en fonctions, qui sont en possession des archives, qui doivent répondre sur les faits administratifs aux différentes observations dont ils sont l’objet, sauf aux ministres sortants à compléter ou rectifier ce qu’ils pourraient trouver d’incomplet ou d’inexact dans les réponses données. Telle doit être, selon moi, la manière de procéder, et il serait difficile qu’il en fût autrement, car il est impossible d’avoir tellement la mémoire des faits qu’on ne s’expose pas à commettre des inexactitudes en répondant à des interpellations alors qu’on n’est pas détenteur des archives.

Si j’ai bien saisi le discours du député d’Ath. Il porte sur la levée du séquestre et sur la compétence. A l’égard de la levée du séquestre, nous avons uniquement suivi les stipulations du traité. A l’égard de la compétence, M. le ministre des affaires étrangères a, je le suppose, suivi les mêmes errements que moi : Comme il a voulu mettre beaucoup de réserve dans cette question, je l’imiterai. Je me bornerai à dire que je n’ai à regretter aucun des actes que j’ai posés en cette matière.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – L’honorable préopinant se tromperait étrangement s’il croyait que j’ai voulu jeter du blâme sur les actes de mes prédécesseurs auxquels il a fait allusion. Je n’ai fait qu’exprimer quelque surprise de ce qu’on n’avait pas pris la défense d’un acte de l’ancienne administration qui était porté à la connaissance des chambres depuis plus d’une année et qui avait été l’objet d’explications antérieurement échangée, j’ai été étonné, je le répète, qu’on ne prît pas la défense d’un acte semblable, qui avait acquis la plus grande publicité. Je veux parler de la levée du séquestre qui avait été mis sur les biens de la maison d’Orange-Nassau.

Je suis loin d’avoir voulu insinuer le moindre blâme contre la levée du séquestre, ni dans ce que j’ai pu dire de la convenance de l’autre mesure, de la défense qui a été faite par l’ancien cabinet à la société générale de compter dans les mains de la commission du syndicat hollandais les sommes qui pouvaient lui être dues, et de répondre aux prétentions que la commission du syndicat voulait exercer, soit diplomatiquement, soit judiciairement, contre la société générale.

Je reconnais du reste la justesse des principes posés par le préopinant, que c’est au gouvernement à défendre les actes du gouvernement, car il est meilleur juge de la circonspection dans laquelle il doit se renfermer, et il a en sa possession les archives.

Si le fait qui a été reproché avec quelque amertume au ministère n’avait pas été rendu public depuis plus d’une année, je n’aurais pas exprimé une sorte de surprise de ce que l’ancien cabinet ne prenait pas la parole pour donner des explications sur ses actes. Jamais il n’est entré dans ma pensée d’incriminer les actes de mes prédécesseurs. Je les ai toujours défendus. Dans le doute, je le ferais encore, car je crois que ce sont là les véritables doctrines gouvernementales.

M. de Theux – Je suis satisfait des explications qui viennent d’être données. Il est toujours prudent, pour un ministre sortant, de laisser d’abord expliquer sur ses actes le ministre en fonctions, qui est dépositaire des archives et peut le mieux juger en connaissance de cause jusqu’à quel point il convient d’entrer dans des explications.

M. Dubus (aîné) – A propos de l’observation que j’avais faite, ou plutôt de ce que j’avais attiré l’attention de la chambre sur une remarque de la cour des comptes et des observations faites à ce sujet par l’honorable M. Desmet, un honorable député de Gand s’est récrié sur les abus qui ont eu lieu dans les élections sous le cabinet précédent. Je ne sais pas quelle peut être la portée de cette observation, car il ne s’agissait pas du cabinet précédent, mais d’un acte du cabinet actuel, à moins qu’il veuille prétendre que sous le cabinet précédent l’intervention du gouvernement dans les élections était un abus, tandis que ce serait chose désirable sous le cabinet actuel.

Si c’est là le motif de son observation, il est fort étrange, car de ce côté de la chambre, on a soutenu avec beaucoup de force, il y a un an, que le gouvernement ne devait pas intervenir dans les élections. Cela signifie que sous le cabinet d’alors, le gouvernement ne devait pas intervenir, mais que, d’après l’honorable membre, sous le présent cabinet, il doit intervenir, parce que cela lui convient. Voilà une étrange logique parlementaire. Après avoir signalé cette contradiction apparente jusqu’ici, je dirai que je regarde le fait articulé par l’honorable membre comme très étrange, comme un abus très grave, comme une violation flagrante de la loi, car on aurait conféré des fonctions judiciaires à une personne n’ayant pas les qualités requises, on aurait fait un acte nul. Le Roi ne peut pas dispenser des obligations de la loi, excepté dans les cas où la dispense est autorisée.

Je me suis informé auprès de mes collègues pour savoir si quelqu’un avait connaissance du fait signalé, et un honorable membre m’a dit que le fait était relatif à la nomination d’un juge de paix. Que ce juge de paix ait été nommé, quoiqu’il ne fût pas jurisconsulte, qu’y a-t-il d’étonnant ? Sur dix juges de paix, il y en a plus de cinq qui n’ont jamais été avocat. Je vous dirai que je ne sais pas si c’est un mal ; quand j’examine les arrondissements où les juges de paix remplissent le mieux leurs fonctions, sont entourés de la considération publique, en un mot, satisfont à toutes les nécessités de leurs fonctions, je rencontre des personnes qui ne sont pas avocats, qui n’étaient pas jurisconsultes quand on les a nommés juges de paix. Et voilà comment on a manqué à toutes les convenances, c’est parce qu’on a nommé, sous le cabinet précédent, un juge de paix qui n’était pas avocat. Si c’est là réellement l’abus qu’on a voulu signaler, il est d’une tout autre portée que celui que l’honorable M. Desmet, se rendant l’écho de l’opinion publique, imputé au gouvernement, et qui se serait passé à Assche.

M. le ministre des finances a désavoué le fait ; il a dit que l’enregistrement avait eu lieu sans qu’il en eût eu connaissance, et il a désavoué formellement les raisons qu’on a attribuées à ce fait étrange, d’avoir enregistré dans un bureau rural un acte qui devait être enregistré à Bruxelles. Je prends acte du désaveu de M. le ministre des finances ; seulement, je ferai remarquer, à cet égard, qu’il aurait pu punir l’auteur d’un pareil acte et s’enquérir des motifs qui avaient déterminé à faire l’enregistrement dans une commune rurale, et cela au préjudice du receveur de la ville, au préjudice du trésor. Or il n’a pas paru, d’après les explications de M. le ministre, qu’il ait rien fait de semblable ; car il a semblé ne pas connaître les motifs de cet acte tout à fait blâmable.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je puis donner à la chambre l’assurance que le but dans lequel cet enregistrement a eu lieu n’a rien de commun avec la politique.

M. Dubus (aîné) – Tant mieux !

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne crois pas devoir entrer dans des explications vis-à-vis de la chambre sur les mesures que j’ai prises, ce sont des actes purement administratifs.

M. Delehaye – Je regrette que l’honorable député de Tournay se soit permis une insinuation très peu bienveillante pour moi. Il n’y a pas un quart d’heure que j’ai déclaré moi-même que si le ministère actuel intervenait dans les élections comme l’a fait le ministère précédent, je serais le premier à blâmer sa conduite. Après une déclaration de ma part aussi positive et aussi vraie, peut-on me rendre solidaire de quelques doctrines qui paraissent avoir été professées ? Je conçois qu’en France un député partage l’opinion des membres qui siègent sur le même banc que lui. Mais en Belgique, des opinions différentes sont émises de toutes les parties de la chambre. Ce n’est pas moi qui ai mal à propos classé les membres de la chambre en catholiques et en libéraux. Toutes les fois que l’occasion s’est présentée de s’élever contre cette division, je l’ai fait. J’ai même dit que cette qualification était pour moi un non-sens. Ainsi, je respecte toutes les opinions qui ont été émises ; mais parce qu’une opinion a été émise sur le banc où je siège., il ne faut pas supposer que je m’y sois associé. J’ai blâmé un ministère d’avoir voulu influencer les élections. A l’occasion des mêmes faits, je blâmerais de même tout ministère, quel qu’il soit. Mais j’ai exprimé mon étonnement de ce qu’un honorable membre, qui a constamment soutenu un ministre qui intervenait dans les élections, se soit élevé contre un fait d’intervention électorale, imputé au ministère actuel.

Je déclare (parce que cela a causé dans le pays un véritable scandale) qu’une nomination de juge de paix a eu lieu uniquement dans l’intérêt d’une élection. Je pense avec l’honorable M. Dubus (aîné) qu’il n’est pas nécessaire d’être avocat pour être juge de paix. Je conçois qu’il y a des positions qui permettent de remplir convenablement ces fonctions. Mais quand il y a des candidats beaucoup plus méritants, qui ont été repoussés uniquement parce qu’ils ne pouvaient exercer dans les élections la même influence que celui qui a été nommé, je dis que cette nomination est un véritable scandale.

Ce n’est pas moi qui engagerais le ministère à intervenir dans les élections. Je l’engage au contraire à s’abstenir d’imiter l’exemple que lui a donné à cet égard l’ancien ministère. Il y a eu des faits plus graves. Ne sait-on pas qu’un haut fonctionnaire de l’administration a déclaré à des candidats qu’il ne pouvait émettre un avis qui leur fût favorable, parce qu’il avait voté pour moi. C’est-à-dire qu’il serait injuste envers eux, parce qu’ils m’avaient donné un mandat en confiance, que j’ai cherché à remplir consciencieusement.

M. Fleussu – Si l’honorable député de Tournay, répondant à l’honorable député de Gand, s’était borné à chercher à le mettre en contradiction avec lui-même, j’aurais laissé à ce dernier le soin de lui répliquer ; mais l’honorable député de Tournay a fait de cette question, qui s’est présentée d’une manière tout à fait incidentelle, une question de parti. C’est de ce côté, a-t-il dit, en montrant le côté où nous siégeons, que sont parties, il y a un an, les protestations contre l’intervention du gouvernement dans les élections. Je pense, avec l’honorable M. Delehaye, qu’il ne faut pas fractionner cette chambre en côté droit et en côté gauche. Mais je suis le député qui a protesté, avec le plus de force et d’énergie, contre l’intervention du gouvernement dans les élections, alors qu’il poussait cette intervention trop loin, alors que les agents du gouvernement abusaient de leur influence, de leur position, pour imposer en quelque sorte aux électeurs les candidats choisis par le gouvernement. Je n’ai pas voulu que le gouvernement pût faire des emplois et des faveurs qui sont à sa disposition une sorte de monnaie électorale.

Je proteste donc contre ce qu’a dit l’honorable député de Tournay. Dès à présent, je vous déclare que si le ministère actuel commettait les mêmes faits qui ont été commis par le ministère précédent, que si ses actes soulevaient dans le pays les mêmes clameurs qu’ont soulevées ceux du ministère précédent, je m’en rendrais encore l’écho. Je serai toujours, sous ce rapport, comme sous tous les autres, conséquent avec moi-même.

M. Cogels – Dans la séance du 3 juin dernier, lors de la discussion de la loi d’emprunt, j’avais déjà signalé les inconvénients de l’arrêté pris pour la refonte des anciennes monnaies provinciales. J’avais signalé même l’illégalité de cet arrêté ; car la loi que nous avons votée pour la refonte des anciennes monnaies disait positivement qu’elles seraient converties en monnaies nouvelles, ou que la vente n’en serait opérée qu’après leur conversion en lingots, et après que le titre en aurait été dûment constaté. Nous avons fait remarquer alors que cette clause remédiait à tous les inconvénients ; car il n’y a rien de moins variable que le cours des matières d’or et d’argent. Les opérations que l’on fait sur ces manières ne rapportent généralement que ¼ à 1/8 p.c. ; on se contente même quelquefois de ½ par mille.

Maintenant, si mes renseignements sont exacts, tout ou partie de ces anciennes monnaies a été adjugé à une maison, qui sans doute n’aura pas fait une mauvaise affaire ; car les chances qu’il y avait à courir, elle aura eu soin de les réserver en sa faveur. Pourquoi a-t-il fallu procéder ainsi ? n’était-il pas plus simple de refondre les monnaies, d’en constater le titre, et de les envoyer à Lille ou à Paris, où on les aurait vendues, au prix du jour ; à leur prix réel ; car la valeur d’un lingot est, pour ainsi dire, aussi bien déterminée que celle d’une pièce de 5 francs. Ainsi, vous auriez évité des frais d’enregistrement dont, il est vrai, la majeure partie rentre au trésor, mais dont une partie, la remise du receveur, va dans sa caisse particulière. On pouvait faire l’économie de cette remise.

J’ai cru devoir faire cette observation, afin que s’il reste encore des anciennes monnaies provinciales, ce que j’ignore, on ne les vende qu’après les avoir converties en lingots.

M. Doignon – Je ne puis laisser clore cette discussion, sans faire remarquer à la chambre la réponse assez singulière de M. le ministre des affaires étrangères, relativement à l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat. M. le ministre me répond : « C’est la diplomatie qui jugera. » Mais a-t-il donc oublié que la chambre est saisie de la question, qu’une commission a été nommée par elle pour l’examiner, et qu’elle a décidé que la cour des comptes était seule compétente dans cette affaire ? Après cela, le gouvernement pouvait-il, de sa seule autorité, trancher la question, et nous dire : « Non, ce n’est pas la cour des comptes qui jugera, la chambre n’a rien à voir à cela ; c’est la diplomatie qui décidera. » Voilà l’état de la question, tel que l’a présenté M. le ministre des affaires étrangères. Pour ma part, je dis que la diplomatie n’a rien à voir dans la question de l’encaisse, et qu’il n’existe dans le traité aucune stipulation qui puisse autoriser une telle prétention.

La question a été également examinée l’année dernière par la section centrale, qui l’a résolue dans le même sens (page 11 de son rapport).

La section centrale fait observer que cette transaction a été conclue sous l’influence du traité du 15 novembre 1831, et dans la prévision qui est formellement exprimée dans cet acte, qu’en exécution de ce traité la liquidation du solde de l’ancien caissier devrait s’opérer entre la Belgique et la Hollande, tandis qu’ »il résulte maintenant des stipulations du traité de paix du 19 avril 1839, que la Hollande n’a plus à intervenir dans la liquidation de ce solde. »

Voilà, selon moi, une autorité qui a aussi son poids.

Aujourd’hui, d’après M. le ministre, nous ne saurions réellement plus à quoi nous en tenir : tantôt c’est la cour des comptes qui est compétente ; tantôt ce sont les tribunaux (car je crois que la question est aussi pendante devant les tribunaux) ; et aujourd’hui ce serait la diplomatie.

Au milieu de tout cela, il faut donc en revenir au rapport que j’ai demandé au gouvernement, sur tout ce qui s’est passé relativement à la société générale, depuis plusieurs années. Sous ce rapport, il est évidemment impossible d’apprécier les diverses questions qui se présentent. Mais, avant tout, on doit respecter les droits de la législature.

Puisque j’ai la parole, je dirai encore un mot pour protester contre cette division dans la chambre dont on a parlé. Si j’ai un regret, c’est d’avoir vu M. le ministre de la justice à une précédente séance attachée trop d’importance à cette division. Dans tous les pays constitutionnels, il y a des opinions différentes ; il y a lutte entre elles ; il ne s’ensuit pas que la chambre soit divisée en deux camps comme on l’a prétendu ; je proteste contre cette assertion. Du reste, l’opinion qui a pour elle la vérité doit l’emporter.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je n’ai jamais dit que la chambre était fractionnée en deux camps ; mais j’ai dit que si les débats auxquels on se livrait continuaient dans le même esprit qu’ils avaient commencé, ils finiraient par fractionner la chambre en deux camps. Et quant à l’importance que j’ai attachée à un pareil résultat, je l’ai attachée avec raison.

La discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des articles

Discussion du tableau des crédits (finances)

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr ; 21,000. »

- Adopté.

La chambre passe à la discussion de l’article 2.

Article 2

« Art. 2. Administration centrale : fr. 429,200. »

La section centrale propose une réduction de 3,000 francs.

M. Dubus (aîné) – Je ferai observer que la réduction porte sur le chiffre global. La section centrale a cru que le chiffre global vote précédemment était suffisant, sauf au ministre à la diviser comme il le juge à propos.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il est vrai que la réduction proposée par la section centrale porte sur le chiffre global, mais cette section a eu une intention qu’elle a manifestée ; c’est de faire porter la réduction sur le chiffre du salaire des huissiers et gens de service. La preuve se trouve dans le passage de son rapport dont je vais donner lecture :

« La section centrale, satisfaite de ces explications, a délibéré ensuite sur la majoration de 3,000 francs demandée au n°7, pour huissiers et gens de service, et après avoir comparé l’état des traitements avec celui des crédits votés pour 1840, elle est d’avis que, loin d’y avoir insuffisance, il y a augmentation assez considérable pour qu’il soit inutile de recourir à une nouvelle allocation en faveur des gens de service ; en conséquence, elle rejette à l’unanimité la majoration, et réduit l’article à 426,200 francs. »

Messieurs, l’allocation proposée n’est pas, à proprement parler, une augmentation de dépenses ; c’est une simple régularisation.

A mon arrivé au ministère des finances, la dépense pour les huissiers et gens de service se faisait sur le pied d’une somme de 30,332 fr. 50 c. Aujourd’hui je ne demande que 30,000 francs. Cette somme de 30,332 fr. 50 c. était imputée en partie sur l’allocation de l’administration centrale et en partie sur l’article des dépenses imprévues.

Voulant faire cesser cet état de choses que la cour des comptes avait signalé, au lieu de continuer à prendre une partie de la dépense sur l’article des dépenses imprévues, j’ai demandé à la chambre de vouloir comprendre dans l’allocation qui est destinée à supporter le salaire des huissiers et gens de service la partie qui était imputée sur les dépenses imprévues et qui s’élève à 2,190 fr.

Mais, je le répète, cette dépense se faisait sur le pied de 30,332 fr. et sera réduite à 30,000 fr.

Messieurs, le nombre des huissiers et gens de service n’est pas trop considérable au département des finances, parce que le personnel y est très nombreux. Cependant un des huissiers étant décédé, j’ai supprimé l’emploi par mesure d’économie. Aujourd’hui, la dépense n’est donc plus que de 29,362 fr. au lieu de 30,332. Le crédit que je réclame présente un excédant de 637 fr. Il est indispensable pour rétribuer les gens que l’on prend à la journée momentanément, lorsque des huissiers ou des gens de service ne peuvent remplir leur tâche par suite de maladie ou pour toute autre cause.

Je demande donc que la somme pétitionnée par le gouvernement soit votée intégralement, parce que, je le répète, la proposition de la section centrale tend à une véritable réduction, d’autant plus qu’elle retranche 2,000 francs du chapitre des dépenses imprévues. Ainsi, elle rejette d’une part le transfert que je propose au chapitre de l’administration centrale, et d’autre part, elle diminue le chiffre pour dépenses imprévues.

Je déclare qu’en ce qui concerne les dépenses imprévues, je consentirai à la réduction de 2,000 fr. qui est proposée ; mais c’est à la condition que la chambre alloue le chiffre de 30,000 fr.

M. Zoude, rapporteur – Quand la section centrale a déclaré qu’il y avait un excédant de crédit pour le salaire des huissiers et gens de service, elle l’a fait d’après les pièces qui lui ont été communiquées par M. le ministre.

M. le ministre a établi une nouvelle organisation de son administration. La section centrale a désiré connaître la portée de cette mesure. Elle a demandé un tableau des employés avec leurs traitements nouveaux et les traitements anciens en regard. M. le ministre nous a fourni un état ; et de son inspection, il est résulté qu’il présente une augmentation de 23,050 fr. Sur cette somme de 23,000 fr., nous avons remarqué qu’on avait rétribué des surnuméraires ; leurs appointements s’élèvent à 3,000 fr. Il y a donc un excédant réel de 20,000 fr.

M. le ministre nous dira qu’il y a eu des suppressions d’emplois. Quand nous avons demandé l’état des employés, il connaissait le but de la section centrale, qui était de voir s’il y avait moyen de faire des réductions. S’il y avait des réductions d’emplois, M. le ministre pouvait nous l’expliquer. Du reste, il paraît qu’il n’y a eu qu’une seule suppression. En déduisant les 9,000 fr. qui en résultent, nous aurons encore un excédant de 11,000 fr.

Dans cet état de choses, la section centrale a dût s’étonner qu’en 1840 on ait dû avoir recours au crédit des dépenses imprévues pour le traitement des huissiers et gens de service. C’est pour ce motif qu’elle a refusé l’augmentation de 3,000 fr.

Il reste maintenant une question à examiner. Il paraît que M. le ministre a fixé les traitements de manière à ce que toute la somme soit absorbée. C’est à la chambre à décider si elle veut sanctionner par son vote une mesure qui pourrait devenir arbitraire.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, l’honorable préopinant reconnaîtra sans doute que le ministre est resté dans les bornes de l’allocation qui lui avait été accordée, c’est-à-dire qu’il n’a pas dépensé pour les traitements de l’administration centrale au-delà des sommes allouées pour l’imputation de ces traitements.

Comme dès le commencement de l’exercice on a imputé sur le chiffre des dépenses imprévues le salaire de deux ou trois huissiers, on a continué sur le même pied jusqu’à la fin de l’année.

Messieurs, il y a des vacances d’emploi dans l’administration centrale comme dans les provinces ; c’est ce qui est arrivé cette année comme toutes les années précédentes, un emploi supérieur a été supprimé ; mais par contre des emplois nouveaux ont été créés, car la besogne n’a pas diminué par suite de cette suppression. Ainsi, si la place de directeur général a été supprimée, par contre il a été nommé un nouvel inspecteur, un contrôleur, et sur la somme disponible de 20,000 fr. environ, il a été fourni aux appointements de ces deux fonctionnaires et de sept ou huit surnuméraires qui ont été nommés comme adjoints, parce que le temps était venu de les rétribuer. Ces nominations ont absorbé plus de la moitié de la somme de 20,000 francs. Le restant a été réparti en augmentation de traitements entre les fonctionnaires qui l’avaient le mieux mérité par leurs bons services et l’importance de leurs attributions.

Du reste, sauf l’imputation de 2,190 francs qui a été continuée pour les appointements de deux ou trois huissiers sur les dépenses imprévues, le crédit accordé n’a pas été dépassé.

Encore une fois, si cette imputation a été faite sur les dépenses imprévues, c’est parce que la somme accordée pour les huissiers et les gens de service, n’était que de 27,000 francs, et que l’excédant de la dépense a été jugée, par mon prédécesseur, devoir être porté sur les dépenses imprévues. C’est pour régulariser cet état de choses que je demande un transfert.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, de la manière dont on procède, nous devons nous attendre à ce que les dépenses iront toujours en augmentant. D’année en année nous avons voté des augmentations, et précisément par les motifs qu’on nous donne aujourd’hui, pour en obtenir une nouvelle, c’est-à-dire qu’on commence toujours par prélever sur les dépenses imprévues, et qu’ensuite on demande à grossir le chiffre de l’article qui avait prévu la dépense, afin, dit-on, de rentrer dans la règle.

Un point paraissait bien arrêté dans l’esprit de beaucoup de membres de cette assemblée, lorsqu’on a procédé à l’examen des budgets ; c’était de soumettre à un examen sévère toute augmentation de dépenses, de n’admettre que celles qui seraient complètement justifiées. Je dois dire qu’on s’est beaucoup relâché de cette résolution, et que maintenant il suffit de quelques raisons plus ou moins vagues pour déterminer la chambre à accorder tout ce qui est demandé.

Le résultat sera qu’on ne diminuera pas le chiffre pétitionné pour les dépenses et qu’il faudra voter de nouveaux impôts et écraser le contribuable.

Quant à moi, je protesterai par mes votes contre cette tendance d’augmenter les dépenses ; j’y résisterai comme les années précédentes, de tous mes moyens.

Et d’abord je vous rappellerai les augmentations qui ont eu lieu pour les budgets immédiatement précédents ; déjà au budget de 1839, on a augmenté de 4,000 francs le crédit pour l’administration centrale. Et quels sont les motifs qui ont été donnés ? C’est qu’on avait été obligé d’imputer une partie de la dépense sur le chapitre des dépenses imprévues. Pour rentrer dans un état régulier, la chambre a accordé l’augmentation.

Eh bien ! aujourd’hui quelle raison vient-on alléguer ? Toujours ce même motif, qu’on a dû imputer 3,000 francs sur les dépenses imprévues ! Mais si vous accordé ce qui vous est demandé, bien certainement dans un ou deux ans, après une nouvelle déviation de la règle, on vous demandera une nouvelle augmentation qui sera tout aussi justifiée.

Mais qu’avez-vous à examiner ? C’est s’il y avait nécessité d’imputer cette somme de 3,000 fr. sur les dépenses imprévues ? Or, c’est ce qui non seulement n’est nullement établi ; mais je vous ferai voir tout à l’heure que le contraire est prouvé.

C’est-à-dire qu’il est prouvé par les chiffres qu’on n’a pas eu besoin pour 1840 d’imputer 3,000 francs sur les dépenses imprévues ; que le crédit de l’article 2 du chapitre premier, voté pour 1840, a dû au contraire présenter un excédant ; et dès lors si l’on impute sur les dépenses imprévues, c’est que l’on veut apparemment réserver l’excédant pour une autre destination que le paiement des traitements fixes des employés et gens de service. Au budget de 1840, on a demandé et obtenu pour les employés et gens de service de l’administration centrale une nouvelle augmentation de 22,000 francs ; je reconnais que sur cette somme 20,000 fr. étaient destinés à une dépense extraordinaire, celle du bureau de liquidation avec la Hollande ; mais les 2,000 fr. restant étaient spécialement demandés pour les huissiers et gens de service, pour lesquels on nous demande aujourd’hui une nouvelle majoration de 3,000 fr.

Il y a donc eu une augmentation de 4,000 fr. sur le budget de 1839, une augmentation de 2,000 fr. sur le budget de 1840 et pour 1841, on nous en demande une nouvelle de 3,000 fr.

J’ai dit que je prouverais que pour 1840 on n’a pas eu besoin d’imputer sur les dépenses imprévues. En effet, pour être mis à même d’apprécier le crédit réclamé, nous avions demandé à M. le ministre un état complet des traitements de tous les employés au mois de décembre 1840, avec l’indication, en regard des traitements de décembre, du chiffre des traitements, dont chacun de ces employés jouissait au commencement de l’exercice, au moins de janvier 1840.

Cet état nous a été fourni pour les employés seulement et non pour les gens de service. Or, de la comparaison des deux colonnes de cet état, il résulte qu’un très grand nombre de traitements ont été augmentés ; toutefois pour que le crédit fût absorbé, il aurait fallu que l’augmentation eût pris date dès le commencement de l’année ; or elle n’a eu lieu que depuis le 1er décembre ; ce n’est donc qu’un douzième du montant de l’augmentation qui a été dépensé, et dès lors les onze autres douzièmes restent disponibles, que veut-on faire de ces 11/12 ? Si l’on impute une partie des traitements des gens de service sur les dépenses imprévues au lieu de faire l’imputation sur le crédit qui avait cette destination et qui n’était point absorbé à beaucoup près par le montant de tous les traitements tels qu’ils ont été établis pendant toute l’année, serait-ce que l’on veut réserver cet excédant pour un autre emploi ?

Je vous ai parlé de l’augmentation récente des traitements, cette augmentation, messieurs, a été considérable. On a allégué un changement d’organisation dans l’administration des contributions directes ; il est vrai que l’administration supérieure à été réorganisée, mais elle ne l’a pas été dans le sens de l’économie, puisque le montant des traitements actuels d’une seule administration excède d’environ 16,000 fr. le montant des traitements de cette même administration, tels qu’ils existaient au mois de janvier 1840. On a supprimé les fonctions de directeur, mais on a remplacé les cinq premiers fonctionnaires de l’administration par six fonctionnaires, et tandis que les cinq fonctionnaires recevaient ensemble 34,000 francs, les six reçoivent 37,000 francs. On a donc trouvé le moyen de dépenser 3,000 francs de plus pour diminuer la besogne des fonctionnaires dont il s’agit. Indépendamment de cela, on a augmenté le nombre des employés et les traitements de beaucoup d’employés dans cette administration.

Ce n’est pas là, messieurs, la seule administration où les traitements ont été augmentés, nous en remarquons une autre, celle du trésor public, pour laquelle on a demandé, en 1839, une augmentation de 4,000 francs et où les traitements ont été augmentés de 6,300 francs. Et remarquez, messieurs, que c’est précisément sur les gros traitements que les augmentations ont surtout porté. Ainsi des chefs de division qui avaient 5,250 francs en reçoivent depuis le 1er décembre dernier 5,800 ; un inspecteur du trésor a vu son traitement porté de 4,500 à 5,400 fr. ; un teneur de livres, de 3,300 à 3,800 ; plusieurs autres traitements de 2,400 à 3,200 ont été aussi augmentés. Tandis que vers la fin de l’état où j’ai puisé ces renseignements, vous voyez figurer une longue liste d’employés dont les traitements sont plus modestes et qui n’ont cependant obtenu aucun augmentation.

J’ai déjà dit, messieurs, que presque toutes ces augmentations ne datent, quant au trésor, que du 1er décembre dernier, date postérieure à la présentation des budgets ; c’est-à-dire que l’on a augmenté les traitements précisément à la veille de la discussion des budgets. Or, je ne puis pas admettre que l’on vienne ainsi forcer en quelque sorte notre vote ; qu’au moment où nous allons nous occuper de la discussion des budgets, on augmente les traitements tout exprès pour pouvoir nous dire : « Voilà l’état général de tous les traitements ; il porte 3,000 fr. de plus que le chiffre voté jusqu’ici ; il faut donc bien que vous adoptiez cette majoration de 3,000 fr. »

Je dis donc, messieurs, pour me résumer, que d’abord il n’est pas exact qu’on ait été obligé d’imputer 3,000 fr. sur le crédit des dépenses imprévues, pour faire face aux frais de l’administration centrale en 1840, puisque le chiffre voté pour cette administration était suffisant pour couvrir toutes les dépenses faites en 1840. Je dis en second lieu que ce n’est que par suite des augmentations de traitements accordés depuis la présentation des budgets que l’on élève pour 1841 le chiffre au-delà de ce qu’il était pour 1840. Le chiffre de 1840, loin d’être suffisant, présente un excédant considérable.

Dans cette situation, je ne puis pas admettre la majoration demandée, et je la repousserai par mon vote.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les allocations demandées au budget pour l’administration centrale ont deux destinations bien distinctes : une partie de ces allocations doit servir à rétribuer les fonctionnaires et les employés du département des finances, l’autre a pour objet de rétribuer les huissiers et gens de service.

Eh bien, je déclare qu’en ce qui concerne les sommes destinées aux fonctionnaires et employés, il n’y a point de demande d’augmentation dans le budget ; pas un centime d’augmentation n’est réclamé de ce chef.

Relativement aux huissiers et hommes de peine, j’ai trouvé à mon entrée au ministère que leurs traitements s’élevaient à 30,333 fr. 50 c. Eh bien, je demande à pouvoir liquider leurs salaires sans porter préjudice aux employés du ministère.

Dans l’état qui a été fourni à la section centrale ne figurait pas le traitement d’un fonctionnaire dont l’emploi est resté vacant pendant un temps assez long ; c’est cette omission qui a été cause de l’erreur dans laquelle est tombé l’honorable M. Dubus, lorsqu’il a cru que le chiffre voté pour 1840 est suffisant. La section centrale avait demandé un état des fonctionnaires et employés du département des finances avec les augmentations de traitement qui leur ont été accordées ; on ne pouvait pas faire figurer dans un état semblable le traitement attaché à un emploi qui était supprimé, de sorte que le chiffre total que présentait cet état s’est trouvé au-dessous de la dépense réelle qui se faisait au 1er janvier 1840.

Loin de nous, messieurs, l’idée que nous suppose l’honorable préopinant, d’imputer une partie des dépenses de l’administration centrale sur les dépenses imprévues, dans le but de nous ménager par là d’autres ressources. La chose est fort simple, nous avons continué à faire ce qui se faisait précédemment ; l’augmentation demandée est le résultat d’une dépense faite depuis plusieurs années, et ce qui prouve que nous voulons agir avec économie, c’est qu’à la première occasion, nous avons supprimé une place d’huissier, qui était venue à vaquer. Il résulte de cette suppression que la dépense à faire, au lieu d’être de 30,332 fr. 50 c. ne sera plus que de 29,362 fr. 50 c.

Comme il a été possible de faire une économie et qu’une circonstance récente pourrait en amener une nouvelle, je pourrais consentir à ce que le chiffre pour salaire des huissiers et gens de service soit réduit à 29,000 fr. ; de cette manière, la majoration de cet article sera entièrement compensée par la réduction proposée sur les dépenses imprévues, et ce ne sera plus qu’un simple transfert.

M. Desmaisières – Messieurs, je dois expliquer à la chambre comment il se fait que la majoration demandée pour les huissiers et gens de service s’est trouvée depuis le commencement de l’année, imputée sur le chapitre des dépenses imprévues. La loi du budget ne porte qu’un crédit global pour les traitements de tous les employés de l’administration centrale, mais lorsqu’au ministère on en vient à la comptabilité, afin de ne pas prendre à l’un pour donner à l’autre, on établit la comptabilité par numéros ; or, le numéro intitulé : « Huissiers et gens de service, » se trouvait voté avec un chiffre inférieur à celui pour lequel il aurait dû être compris dans les développements du budget. Cela est résulté surtout de ce que les travaux extraordinaires qui sont incombés au ministère des finances, par suite de l’exécution du traité, ont augmenté beaucoup la besogne des huissiers et gens de service. Mais, maintenant, lorsqu’on arrive au bout de l’année, et si, sur les autres numéros du même crédit, il se trouve un excédant, on peut, comme c’était mon intention, régulariser les choses en transférant d’un numéro sur l’autre, car la loi du budget n’est pas violée, parce que le budget porte un chiffre global pour les traitements des employés en général.

Puisque j’ai la parole, je dirai qu’en ma qualité d’ancien ministre des finances, connaissant les besoins sous ce rapport, je dois appuyer la majoration de 2,000 fr. qui est demandée pour les huissiers et les gens de service. Eh effet, si vous comparez les traitements de ces employés, qui ont beaucoup de besogne, avec les traitements de leurs collègues des autres ministères, vous verrez qu’en général les premiers sont de beaucoup inférieurs au second. J’appuie donc la demande de M. le ministre des finances.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, pour les huissiers et gens de service, il était porté dans les développements du budget de 1839, 25,000 francs ; au budget de 1840, on a demandé 27,000 francs ; maintenant l’on demande 30,000 francs qu’on réduit à 29,000 fr. On pourrait réduire toutes les questions au point de savoir s’il faut augmenter telle ou telle partie des traitements ; mais la question n’est pas là ; la question est de savoir s’il faut augmenter le crédit total.

Votre section centrale n’a pas examiné et n’avait pas à examiner s’il fallait 27, 28 ou 29,000 francs pour les huissiers et les gens de service. Il lui a suffi de s’assurer que le crédit global avait été suffisant pour 1840, crédit qui aurait présenté un excédant considérable si, à la fin de l’année, on n’avait pas augmenté un grand nombre de traitements.

Je crois avoir établi que le crédit global voté pour 1840 était suffisant et présentait évidemment un excédant considérable. Le ministre vous présente maintenant un état qui offre une insuffisance d’environ 2,000 francs. Mais cette insuffisance, de quoi est-elle le résultat ? Elle est la conséquence des augmentations de traitement qui ont été accordées par M. le ministre des finances depuis la présentation du budget. Ainsi, admettez-vous qu’à la veille de la discussion du budget, on puisse augmenter, pour venir vous dire ensuite que le chiffre des traitements est insuffisant ? Si vous admettez cela, vous admettez d’avance toutes les augmentations de dépenses que le ministre viendra vous demander ultérieurement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je dois répéter qu’il n’y a pas d’augmentation de dépenses, qu’il y a au contraire diminution, puisque je n’ai consacré aux traitements que la somme que la chambre a eu l’intention de voter pour cette dépense. Il importe peu à quelle partie de l’année des augmentations de traitement ont été accordées dans mon département. Les employés qui ont reçu ces augmentations les méritaient ; et peut-être même leur a-t-on rendu justice un peu tardivement ; mais je prie la chambre de le remarquer, les augmentations ont été renfermées dans la limite du crédit voté par la chambre.

Du reste, de ce qu’en 1840, des emplois ont été assez longtemps vacants, on ne doit pas conclure que cela se reproduira cette année et les suivantes ; au contraire, je crois qu’en bonne administration il faut pourvoir aux emplois vacants le plus promptement possible. Les circonstances particulières qui se sont présentées en 1840 n’existeront plus cette année, de sorte qu’il est peu probable que des sommes restent disponibles sur les traitements des employés de l’administration centrale.

M. Desmet – Je ne voterai pas la somme de 2,000 francs, surtout parce qu’elle est destinée à augmenter le chiffre global affecté aux traitements des employés du département des finances. Tous les jours on augmente les gros traitements ; est-ce dans les circonstances financières où nous sommes que nous devons marcher dans cette voie progressive de dépenses sans savoir où nous allons ? Je ne le pense pas : aussi je voterai contra la proposition du gouvernement.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, bien que M. le ministre des finances se soit expliqué à plusieurs reprises de la manière la plus claire, la plus catégorique, l’insistance qu’on met à soutenir qu’il y a augmentation dans la dépense, nous force à revenir encore sur cette discussion.

Il résulte de ce qu’a dit mon honorable collègue que loin qu’il y ait augmentation dans l’allocation concernant les huissiers et les gens de service, il y a au contraire diminution. Dès lors vous pouvez voter le crédit en toute sûreté de conscience. Il n’y aura donc pas lieu de ce chef, comme on vient d’en exprimer la crainte, d’écraser les contribuables de nouveaux impôts. On demande pour 1841 les mêmes sommes que celles qui ont été allouées l’année dernière, on vous demande moins, puisque mon honorable collègue vient de consentir à une réduction de 1,000 francs, et l’on réclame une chose plus régulière que ce qui se passait antérieurement. Les années précédentes, outre l’allocation votée au chapitre des traitements pour les employés et les gens de service, l’on prélevait sur le chiffre des dépenses imprévues une somme destinée à payer les traitements des gens de service. Eh bien cette manière d’imputer n’était pas régulière ; l’on vous demande d’imputer toutes les sommes consacrées aux fonctionnaires et gens de service sur le crédit à ce destiné, et de réduire d’une somme équivalente le chapitre des dépenses imprévues. Ainsi, si le chiffre des traitements est augmenté de 2,000 francs, vous diminuez d’autant le chiffre des dépenses imprévues ; et partant il y a parfois équilibre. De plus, il y a régularisation.

M. Dubus (aîné) – Messieurs…

M. Verhaegen – Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Dubus (aîné) – Votre rappel au règlement vient trop tard : j’ai la parole.

M. Verhaegen – M. Dubus a déjà parlé cinq fois.

M. Dubus (aîné) – C’est la troisième fois que je parle dans cette discussion ; au reste j’attendrai que la chambre m’autorise à continuer.

M. le président – La chambre m’autorise-t-elle à accorder une troisième fois la parole à M. Dubus aîné ? (oui ! oui !) La parole est continuée à M. Dubus (aîné).

M. Dubus (aîné) – Messieurs, je ne comprends pas comment on vient dire qu’il n’y a pas augmentation. Le fait est qu’il y a eu augmentation et augmentation successive en 1839 de 4,000 fr. et 1840 de 2,000 fr. et l’on vous demande pour 1841 une nouvelle augmentation de 2,000 fr. Mais, dit-on, ces 2,000 francs n’ont été imputés sur les dépenses imprévues ; messieurs, c’était là un abus, et cet abus n’était même pas nécessaire. A cela on n’a rien à répondre, car si on n’avait pas augmenté les traitements, le crédit global sur lequel on avait prélevé ces augmentations aurait présenté un excédant qui aurait dépassé les 2,000 fr. Au fond de tout cela il y a donc une augmentation nécessaire de dépense, on ne peut pas le nier.

Quant à ce qu’on a dit qu’il n’est pas régulier d’imputer sur les dépenses imprévues, il y a très longtemps que cela a été soutenu dans cette chambre, et malgré cela, on n’en a pas moins continué ce système d’imputation. Il y a plus, dans le sein de la section centrale on a prié M. le ministre des finances de déclarer qu’il ne ferait plus aucune imputation de ce genre, en ce qui concerne les dépenses de l’administration centrale. M. le ministre n’a pas voulu prendre cet engagement. On continuera donc encore à imputer sur les dépenses imprévues. Or, c’est là une porte toujours ouverte à des augmentations de dépenses.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne comprends pas l’insistance de l’honorable préopinant, à soutenir qu’il y a augmentation, alors qu’il est clair comme le jour qu’il n’y en a point. En effet, que demande le gouvernement ? Il demande que le chapitre des dépenses imprévues soit diminué de 2,000 fr., montant du salaire des gens de service, imputé sur ce crédit, et que cette somme soit transférée à l’allocation générale destinée aux traitements des employés.

Résultera-t-il de là un centime d’augmentation de dépense ? Assurément non. Nous ne demandons en réalité pour les dépenses imprévues, et l’administration générale réunie, que la même somme que l’année dernière, pas un centime de plus, pas un centime de moins.

M. de Langhe – Les ministres soutiennent qu’il n’y a pas d’augmentation. Mais s’il est vrai qu’ils demandent pour l’administration centrale et les dépenses imprévues la même somme que l’année dernière, il n’est pas exact que la chambre ait imputé une partie des dépenses imprévues au payement des huissiers et gens de service. Si on a imputé cette dépense sur les dépenses imprévues, c’est au mépris des décisions de la chambre. La chambre entendait que les huissiers et gens de service fussent payés sur le chiffre alloué pour l’administration centrale ; si on a agi autrement, c’est un abus.

On dit : « Il n’y a qu’un transfert. » Mais maintenant le chiffre des dépenses imprévues n’offrira plus au ministre la même latitude pour les dépenses réellement imprévues, car il peut y avoir d’autres dépenses imprévues que le traitement des huissiers et gens de service, qui ne sont pas des dépenses imprévues. Je pense donc qu’il demande plus que l’année dernière. S’il avait besoin de vingt mille francs pour dépenses imprévues, il devrait les demander.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai présenté les choses comme je les ai trouvées. On avait alloué 27,000 fr. pour les huissiers et gens de service, et la dépense s’est élevée à 30,000 fr. ; c’est pour cela qu’on a imputé une fraction de la dépense sur l’article des dépenses imprévues. Il n’y a pas dans la demande faite par le gouvernement d’augmentation de dépense ; c’est, comme je l’ai déjà dit, un simple transfert. Cette imputation sur les fonds imprévus se fait depuis nombre d’années.

Le chiffre de 429,000 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Frais de tournée : fr. 12,000. »

La section centrale propose une réduction de 2,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois pouvoir me rallier à la proposition de la section centrale pour les frais de tournée.

- Le chiffre de 10,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Matériel : fr. 43,000. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre à 35,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai reproduit le chiffre de l’année dernière. Mais tenant compte des dépenses qui ont été faite au ministère des finances et considérant que le matériel est suffisant pour cette année, j’ai pensé que l’allocation pourrait être réduite à la somme proposée par la section centrale.

Article 5 à 9

« Art. 5. Service de la monnaie : fr. 7,200 »


« Art. 6. Multiplication des carrés, etc. : fr. 30,000 »


« Art. 7. Achat de matière et frais de fabrication de pièces de 5 et de 2 centimes : fr. 330,000 »


« Art. 8. magasin général des papiers, etc. : fr. 117,000. »


« Art. 9. Frais de publication et rédaction de documents statistiques. : fr. 5,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre II. Administration du trésor dans les provinces

Articles 1 et 2

« Art. 1. Traitement des directeurs : fr. 86,550. »


« Art. 2. Caissier général de l’Etat : fr. 220,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre III. Administration des contributions directes, cadastre, etc.

Articles 1 à 3

« Art. 1. Service sédentaire : fr : 844,800. »


« Art. 2. Remises et indemnités des comptables : fr. 1,630.000. »


« Art. 3. Service actif : fr. 4,631,900. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 4

« Art. 4. Renforcement de la douane : fr. 100,000. »

La section centrale refuse cette allocation.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Comme une partie de l’année sera écoulée avant que le personnel puisse être complètement sur le pied sur lequel je me propose de la mettre, l’augmentation de dépense de 100,000 fr. pourrait être réduite sans inconvénient à 70 mille francs pour cette année.

M. de Nef – L’application de la mesure rigoureusement prescrite par le gouvernement d’arrêter les porteurs d’une marchandise frauduleusement introduite a eu pour résultat, depuis quelque temps d’en faire condamner plusieurs par le tribunal à un emprisonnement de quelques semaines, et par ce moyen de réprimer presqu’entièrement la fraude dans les environs de Turnhout. Cependant, par le renforcement du personnel, l’exécution de la mesure prescrite sera plus facile encore, si, comme j’ose l’espérer, on fait choix d’hommes moraux et incorruptibles ; c’est dans cette prévision que j’adopterai, comme je ‘ai fait dans la section centrale, la somme demandée pour prévenir une dépense bien plus considérable, celle d’établir une seconde ligne, à laquelle je ne cesserai de m’opposer, convaincu comme je le suis de son inutilité et de ses désastreux résultats.

M. Dubus (aîné) – La plupart des sections se sont prononcées dans l’état actuel des choses contre l’allocation dont il s’agit. Elles ont trouvé que d’une part il était utile de discuter préalablement le projet de loi qui a pour objet la répression de la fraude, et que d’un autre côté le gouvernement n’avait fournir aucune donnée qui pût mettre à même de connaître le montant du crédit qui serait nécessaire. Ces motifs subsistent encore aujourd’hui.

En réduisant sa demande à 70,000 francs, M. le ministre ne nous donne pas plus de détails qu’il n’en a donné précédemment. Ces sortes de demandes se justifient par états détaillés ; j’en trouve la preuve dans l’article précédent qui est accompagné d’un état indiquant le nombre et le grade des employés entre lesquels doit se répartit le crédit. L’augmentation demandée doit se justifier de même. Ouvrez le budget de la guerre, vous verrez justifier de cette manière toutes les allocations pétitionnées pour l’armée. L’an dernier, on est venu demander vaguement la somme de 150,000 francs pour renforcer le service de la douane, sans justifier l’emploi qu’on en ferait ; la chambre, considérant que la demande n’était pas suffisamment instruite l’a refusée, déclarant qu’elle n’était pas à même de se prononcer sur la somme qui était nécessaire pour renforcer le service de la douane.

Cette année, on a demandé au budget 100 mille fr. et aujourd’hui on réduit la somme à 70,000 fr. Il nous est aussi difficile de juger aujourd’hui si les 70 mille fr. demandés sont nécessaires qu’il nous l’était, l’année dernière, de juger de la nécessité des 150 mille fr. demandés pour le même objet.

Le ministre a sans doute ses vues et son plan, quant à la réforme qu’il se propose ; pourquoi n’avoir pas augmenté de ces détails le tableau donné chaque année à l’appui du service actif de la douane ? Il serait dérisoire de réduire les fonctions du législateur à voter aveuglément, et sans renseignements, notamment sans les renseignements donnés jusqu’ici et sur lesquels il s’est prononcé.

Ce n’était donc pas un rejet que proposait la section centrale, mais la déclaration qu’elle était dans l’impossibilité de voter le chiffre proposé n’ayant aucune donnée pour l’apprécier. Cette impossibilité existe pour la chambre comme pour la section centrale. Je pense que la chambre sera conséquente avec ce qu’elle a fait l’an dernier en écartant le crédit demandé.

Je pense qu’il y aura lieu de renforcer la douane. Cependant je ne partage pas l’opinion de ceux qui croient que la fraude est facile en Belgique, et se fait sur une large échelle.

J’ai la conviction contraire, et je la puise dans des documents dont on ne peut méconnaître la portée à cet égard ; ce sont les statistiques constatant les importations et les exportations, d’après les registres de la douane. Je dis que dans un pays où les marchandises frappées de droits élevés sont importées pour un grand nombre de millions, en passant par les bureaux de douane, la fraude ne se fait pas d’une manière large et facile. Car alors ceux qui paient les droits à la douane sont dupes. Or, en général, les négociants ne sont pas facilement dupes. Je crois qu’on peut invoquer les statistiques des importations et des exportations résultant des registres de la douane, pour prouver qu’il n’est pas facile de tromper notre douane, qu’elle présente une garantie contre la fraude. S’il y a moyen d’augmenter cette garantie, j’y donnerai mon assentiment, quand j’aurai reçu les renseignements nécessaires pour me prononcer sur le chiffre.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si la section centrale m’avait exprimé le désir de recevoir un état du personnel qui devait être créé par suite d’une augmentation de dépenses de 100,000 fr., je me serais empressé de le lui fournir. J’ai remarqué qu’on parlait dans le rapport de renseignements vagues. Mais enfin il est notoire que dans tout le pays on se plaint de la fraude assez considérable qui se fait, malgré tous les efforts de l’administration. Mon honorable prédécesseur, frappé de ces plaintes, a créé une commission, dans le but de trouver de meilleurs moyens de répression de la fraude. Cette commission s’est livrée à un travail considérable, qui a fait la matière d’un projet de loi, maintenant soumis à la chambre.

En outre, il s’est fait une enquête en province. Des membres de la commission, des sénateurs, des députés qui en faisaient partie se sont rendus dans les provinces et ont constaté que ce qu’on réclamait partout, c’est une augmentation de personnel. Je crois avoir donné cette indication à la section centrale, je crois lui avoir fait connaître en outre que l’intention du gouvernement était de ne créer avec cette augmentation que des emplois subalternes tels que ceux de brigadier, sous-brigadier, préposé de première et de deuxième classe.

Les provinces du Limbourg, du Luxembourg et d’autres réclament une augmentation de personnel.

Partout on fait le même vœu. Je conviens, avec l’honorable M. Dubus, que sur différents points où le personnel de la douane a été augmenté, et en général même, la fraude à diminuer. Cependant je dois ajouter que l’expérience, que les saisies que l’on fait assez souvent prouvent que la fraude est loin d’être entièrement anéantie. Or, le moyen le plus efficace de réprimer la fraude, c’est, avec de sages combinaisons de service, l’augmentation de personnel de la douane. J’espère donc que la chambre, dans sa sollicitude pour notre industrie, allouera le crédit demandé.

M. Mast de Vries – L’année dernière, une pareille demande a été soumise aux chambres. Je m’y suis opposé l’an dernier. Je vais rappeler à la chambre les raisons qui ont déterminé ma manière de voir. Le gouvernement proposait aussi 100,000 francs pour renforcer le personnel de la douane. J’ai eu l’honneur de dire que la position était changée depuis la cession du Limbourg. Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir qu’au lieu d’une languette de terre qui allait jusqu’à Venloo, nous avons maintenant une ligne droite qui joint la province de du Limbourg à la province de Liége. Nous avions besoin pour surveiller cette frontière et pour empêcher la fraude aux environs de Maestricht d’un personnel considérable, qui est maintenant disponible.

Depuis que je parlais ainsi, j’ai dû féliciter le gouvernement des mesures qu’il a prises pour la douane, et surtout de la manière dont la douane empêche la fraude. Je voudrais que le gouvernement continuât de prendre des mesures de ce genre, et des mesures telles qu’il ne dût pas augmenter le personnel. Mais si on consulte les fonctionnaires, ils demanderont toujours, pour alléger leur service, des augmentations de personnel.

Je ferai remarquer qu’il y a lieu de modifier la loi que nous avons votée pour empêcher l’introduction du bétail hollandais dans le pays, qui se faisait en fraude d’une manière scandaleuse. Aujourd’hui, depuis la cession du Limbourg on ne fraude plus ; mais on élude la loi, en ce sens que le bétail de la Hollande, qui n’a pour cela qu’à traverser cette languette de terre dont je parlais tout à l’heure, nous arrive par la Prusse.

M. Desmet – Messieurs, j’ai demandé la parole quand l’honorable préopinant avait avancé que, par les mesures qu’on avait prises, la fraude du bétail étranger était considérablement diminuée, et je comptais lui observer que si on ne faisait plus entrer frauduleusement le bétail hollandais, on avait depuis la nouvelle limitation de nos frontières vers la Hollande un moyen d’introduire ce bétail sans devoir le faire en fraude ; mais qu’aussi on ne faisait sans payer le droit. C’est donc à cause de la dernière limitation et ensuite de la fraude de la loi existante sur l’entrée du bétail étranger que l’introduction a lieu sans fraude, mais ce n’est nullement parce que de meilleures mesures douanières sont prises qu’il n’y a plus de fraude pour l’entrée du bétail. C’est ce que l’honorable M. Mast de Vries a fait remarquer ; c’est la raison pourquoi je ne m’étends pas plus sur cet objet, mais il y a nécessité de modifier la loi à ce sujet.

Mais comme j’ai la parole, je dirai deux mots sur la majoration qu’on pétitionne, et surtout parce que je compte voter contre.

Si, avec les 100,000 francs de majoration qu’on demande pour renforcer le personnel de la douane, on trouvait un bon moyen d’empêcher la fraude, j’aurais grandement tort de ne pas donner mon assentiment à la majoration ; au contraire, j’en voterais très volontiers jusqu’à 300,000 francs. Mais, d’après moi, ce ne sera pas un remède efficace pour arrêter la fraude, et quoi qu’en pense mon honorable collègue et ami M. Dubus, on fraude encore très joliment, et la fraude fait un tort immense à nos diverses industries. On doit, si on veut réussir, employer d’autres moyens. On doit en grande partie employer ceux indiqués par le projet de loi dont nous sommes nantis ; on doit surtout doubler le rayon de la ligne ; nous devrions faire comme font nos voisins, et personne ne peut contester qu’en France la fraude est bien restreinte.

Et si nous voulons réellement rendre un service à certaines branches importantes de l’industrie nationale, nous devons encore prendre des mesures que le projet de loi n’indique pas ; et si vous voulez sérieusement que l’industrie cotonnière ne soit pas entièrement anéantie du pays, il faut sans retard prendre la mesure à laquelle je veux faire allusion, sinon je ne lui donne plus longtemps d’existence ; bien encore j’ai vu que deux grandes fabriques de Gand venaient de cesser leurs travaux : celle de Coppens et de Hemptinne.

Messieurs, il est temps que nous songions sérieusement à nos industries, et que nous leur donnions la protection dont elles ont besoin et dont elles jouissent dans d’autres pays et surtout chez nos voisins, chez nos rivaux en industrie. Depuis la révolution on nous fait jouer réellement un rôle de dupes ; nos voisins tiennent leurs portes hermétiquement fermées et ne laissent entrer que très difficilement nos produits, tandis que chez nous nous laissons nos portes pleinement ouvertes et pour le bien-être de l’industrie nationale, nous acceptons avec complaisance les marchandises étrangères.

Cependant, messieurs, vous ne pouvez l’ignorer, la misère est grande dans notre pays dans ce moment-ci, jamais elle n’y a été aussi grande et aussi désastreuse ; et elle n’a lieu qu’uniquement parce que le travail manque. Quand il y a en Belgique du travail, il n’y a point de pauvreté, mais je le dis, le travail manque dans toutes les branches et il manque, par la seule cause que nos industries n’ont point de protection et que les fabricats étrangers viennent entièrement détruire notre marché.

C’est donc pour obtenir les mesures que je voterai, non pas le rejet de la majoration, mais bien l’ajournement, et j’ose me flatter que sans retard, la chambre comme le gouvernement, s’occupera sérieusement des moyens nécessaires pour arrêter l’entrée de produits étrangers.

M. Lys – Le renforcement du personnel de la douane me paraît nécessaire, messieurs, parce qu’il tend à réprimer la fraude.

Tous, messieurs, nous désirons que le marché intérieur soit conservé à notre industrie en faisant exécuter les lois qui accordent un droit protecteur.

Aussi, messieurs, nous devons accorder au gouvernement les moyens nécessaires.

Ces moyens consistent, messieurs, à réprimer la fraude, et pour ce faire, il faut dès lors accorder au gouvernement le personnel qu’il sollicite.

Et en effet, messieurs, si nous ne voulons pas accorder une double ligne, ou au moins si nous ne l’avons pas accordée jusqu’à présent, il faut alors nécessairement augmenter le personnel, car plus la ligne est rétrécie, plus elle doit être garnie de douaniers, puisque le territoire réservé est trop facile à être franchi.

Qu’on ne dise pas, messieurs, que la fraude ne s’opère point ; s’il en était ainsi, pourquoi réclamerions-nous si souvent et si fortement le marché intérieur pour notre industrie, pourquoi les cotonniers de Gand demanderaient-ils l’estampille ; pourquoi les fabricants de Verviers demanderaient-ils si vivement l’exécution des lois protectrices ?

Je citerai, messieurs, un genre de fraude qui s’opère, et je la recommanderai à l’attention de M. le ministre des finances.

La quincaillerie d’Allemagne entre en transit, se dépose à Tournay, sort vers la France et rentre immédiatement en fraude.

Je voterai donc pour le chiffre proposé par le gouvernement.

M. Dumortier – J’ignore s’il se fraude de la quincaillerie. Mais ce que je sais, c’est que la fraude ne se fait plus aussi facilement qu’autrefois. Ce qui le prouve, c’est l’augmentation de la prime de fraude, qui est presque doublée depuis les modifications que nous avons apportées à la loi des douanes. C’est pour nous une chose très satisfaisante, de voir que la fraude ne se fait plus d’une manière aussi scandaleuse qu’autrefois.

J’approuve le gouvernement d’avoir, comme son prédécesseur, proposé une somme afin de renforcer la ligne de douane. Cependant, dans mon opinion, nous ne pouvons accorder cette somme avant le vote de la loi dont elle est l’application. Je demande donc non pas le rejet de l’allocation demandée, mais j’en demande l’ajournement jusqu’au vote de ce projet de loi relatif au renforcement du personnel de la douane et à la répression de la fraude.

M. Zoude, rapporteur – Si le rapporteur doit faire connaître l’opinion de la majorité, il peut aussi défendre l’opinion de la minorité. La minorité a considéré la majoration comme essentielle pour augmenter le revenu de la douane, pour augmenter nos voies et moyens et pour assurer à l’industrie une protection efficace.

On demande le plan d’organisation. Mais M. le ministre ne l’a-t-il pas suffisamment indiqué, lorsqu’il a dit que l’augmentation ne devait servir qu’à créer des emplois subalternes ?

La commission d’enquête, dans sa tournée, a recueilli partout des plaintes sur la fraude ; et nous savons que le seul moyen d’assurer la répression de cette fraude, c’est d’augmenter le personnel de la douane. Je voterai pour l’augmentation demandée.

M. Cogels – Je crois que lors même que M. le ministre aurait donné les détails de l’organisation projetée, il nous serait assez difficile de l’apprécier ; car il faudrait pour cela avoir appartenir à la douane, ou avoir fait la fraude. Je communiquerai seulement à la chambre quelques observations que j’ai faites par moi-même, et je dirai que, pour ce qui concerne la frontière hollandaise, le personnel paraît avoir besoin d’une augmentation immédiate, parce qu’avant la conclusion du traité, il y avait une surveillance qui ne s’exerçait seulement par la douane, mais aussi par l’armée. Comme la circulation entre la Hollande et la Belgique était interdite, vous aviez toute l’armée hollandaise qui surveillait les communications et qui interdisait aussi bien aux Hollandais de se rendre sur le territoire belge, qu’aux Belges de se rendre sur le territoire hollandais.

Ce que je puis dire aussi, c’est que dans les premiers mois qui ont suivi la conclusion du traité et le rétablissement des communications, j’ai vu dans la ligne des douanes que j’habite en été, parce que ma petite propriété se trouve dans la ligne des douanes ; j’ai vu des soldats concourir au service de la douane, parce que ce service n’était pas suffisant. J’ai vu un douanier commander quatre fantassins et faire sa tournée avec eux.

J’ai cru devoir communiquer ces observations à la chambre, parce qu’elle pourra mieux apprécier s’il y a lieu d’accorder la majoration demandée.

M. Mast de Vries – Messieurs, l’observation que vient de faire l’honorable député d’Anvers, je ne puis tout à fait l’admettre. Ce n’est pas depuis la conclusion du traité que la ligne de douane a été améliorée, c’est depuis l’ordre qu’a donné, il y a peu de temps, le gouvernement de faire comparaître les fraudeurs devant les tribunaux correctionnels.

L’année dernière, à cette époque, j’ai vu frauder et tellement frauder, que j’ai dit à quelques membres de cette chambre, que bien que je suis partisan d’une liberté large de commerce, si un tel état de choses continuait, je devrais changer ma manière de voir.

Mais aujourd’hui, dans les mêmes endroits où on fraudait l’année dernière, on ne fraude plus. Et ce n’est pas depuis l’exécution du traité, mais depuis les mesures que le ministère actuel a prise contre la fraude.

C’est ce que je voulais démontrer à la chambre, et c’est pourquoi je ne pense pas que la demande qui nous est faite soit nécessaire.

Quand il s’agira de discuter la loi sur la fraude, nous aurons diverses observations à faire sur le personnel de la douane. On pourra admettre alors des mesures bien plus faciles que celles qui existent pour réprimer la fraude. Par exemple, une partie des prises pourrait être accordée aux gardes champêtres qui habitent sur la ligne. Soyez certains que si on accordait une part des saisies aux employés civils, cette mesure aurait beaucoup plus d’effet que le renforcement de la douane, parce qu’il y aurait surveillance d’une autre administration sur le personnel même.

M. Cogels – Il faut que je me sois mal expliqué ou que l’honorable préopinant m’ait mal compris. Je n’ai pas dit que la fraude se faisait plus aujourd’hui qu’autrefois, mais ce que j’ai cru devoir signaler à la chambre, c’est le changement apporté dans nos relations avec la Hollande. J’ai dit qu’avant le traité, il existait une surveillance de police, tout à fait étrangère à la douane, et qui empêchait toute communication. Cette surveillance a disparu, et il est certain qu’il en est résulté des facilités pour les fraudeurs. C’est tout ce que j’ai voulu signaler.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le gouvernement a demandé une augmentation d’allocation dans la persuasion qu’il résulterait de l’adoption de ce chiffre un accroissement de revenu pour le trésor au moins double de cette somme, ainsi qu’une protection beaucoup plus efficace pour l’industrie nationale.

Messieurs, un ajournement est souvent un rejet, lorsqu’il s’agit d’un budget annuel. Nous en avons la preuve par ce qui s’est passé l’année dernière. Certes, il était dans la pensée de mon honorable prédécesseur, que le projet de loi qu’il avait présenté aurait été discuté promptement, et que dès lors l’ajournement ne serait que temporaire. C’est pour ces motifs qu’il a cru pouvoir consentir à cet ajournement.

Aujourd’hui les mêmes circonstances peuvent se reproduire ; il peut arriver que la loi ne soit pas immédiatement discutée. Si j’avais la certitude qu’elle pût l’être d’ici à un mois ou six semaines, je n’hésiterais pas à me rallier à la proposition de l’honorable M. Dumortier, d’ajourner le vote de ce chiffre, comme on l’a fait l’année dernière. Mais il me semble que l’exemple du passé doit nous servir à quelque chose, et que si on a la conviction que cette augmentation de personnel peut être utile au trésor, et contribuer à assurer la protection promise par la loi à l’industrie nationale, on ne doit pas hésiter à voter les 70,000 francs que je demande.

Toutefois, en réduisant le chiffre, il n’est pas dans ma pensée de réduire définitivement l’allocation. J’ai besoin de faire remarquer de nouveau que c’est parce qu’une partie de l’année sera écoulée lorsque l’organisation pourra être effectuée sur le pied d’un personnel plus nombreux, que je puis réduire le chiffre à 70,000 francs.

Je le répète donc, je ne pourrais consentir à l’ajournement que pour autant que j’eusse la certitude que le projet sera discuté immédiatement, et qu’alors on prendrait en même temps des mesures pour ce qui concerne l’augmentation du personne ; à défaut de cette certitude je dois persister dans ma demande.

M. Pirson – Messieurs, il est bien certain que dans les provinces boisées comme le Luxembourg, la province de Namur et la partie du Hainaut qui touche à la province de Namur, la ligne a besoin d’être renforcée. Dans les pays boisés il est très difficile de disposer les postes de manière à ce que les fraudeurs ne passent pas entre eux.

Il faut savoir comment se fait le service sur la frontière. Pendant la nuit on établit une ligne de sentinelle, qui doivent veiller à ce que les fraudeurs ne passent pas. Eh bien ! si votre personnel n’est pas suffisant, vous ne pouvez établir des sentinelles à des distances assez rapprochées pour que les fraudeurs ne passent pas.

Au reste, si j’étais possédé de l’esprit de localité, je vous dirais que la fraude est très utile à la ville de Dinant ; que nous vivons un peu de la fraude avec la France, et que la France fait beaucoup de fraude par Dinant. Mais je ne suis pas possédé de cet esprit de localité à tel point que je veuille repousser les mesures nécessaires pour réprimer la fraude. Je crois qu’il est urgent d’adopter des mesures dans ce but et surtout dans les pays boisés comme le Luxembourg et le Namurois.

Depuis Beaumont jusqu’à Luxembourg vous n’avez qu’une ligne boisée. Et encore cette ligne n’est pas directe, il y a des sinuosités telles qu’une ligne qui serait de 30 lieues, est par le fait de 50 à 60 lieues.

Je voterai pour le chiffre demandé.

M. Zoude, rapporteur – Messieurs, je rappellerai l’expérience que nous avons déjà faite. En 1836, nous avons voté une augmentation de 50,000 fr. pour le personnel de la douane ; eh bien, M. le ministre des finances vous a déclaré que ces 50,000 fr. en avaient valu plus de 300,000 au trésor. Je pense qu’en allouant au gouvernement le chiffre qu’il vous demande vous obtiendrez une rentrée au moins aussi forte.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 70,000 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Articles 5 à 10

« Art. 5. Garantie : fr. 43,860. »


« Art. 6. Poids et mesures : fr. 58,100. »


« Art. 7. Avocats de l’administration : fr. 35,670. »


« Art. 8. Frais de bureau et de tournées : fr. 186,650. »


« Art. 9. Indemnités : fr. 334,800. »


« Art. 10. Matériel : fr. 140,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 11

« Art. 11. Crédit pour opérations cadastrales dans le Limbourg et le Luxembourg : fr. 200,000. »

M. Dumortier – La somme qu’on demande sur cet article est certainement très élevée, mais on comprend qu’elle est très faible, eu égard à la dépense totale nécessitée par les opérations cadastrales.

Lorsque nous avons examiné la question du cadastre, il a été dit à diverses reprises que les pièces relatives au cadastre dans le Limbourg et le Luxembourg étaient restées dans les villes de Maestricht et de Luxembourg. Je désirerais savoir si on a obtenu du gouvernement hollandais la restitution des pièces relatives aux parties de ces deux provinces qui nous sont restées. Car évidemment ce qui a été fait ne doit plus être recommencé.

Je voudrais aussi savoir si les opérations seront promptement terminées. Elles nous ont déjà entraîné à tant de dépenses qu’il est vraiment nécessaire d’apporter un peu d’économie dans ce qui reste à faire.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Les pièces cadastrales qui concernent le Limbourg et le Luxembourg nous ont été restituées par le gouvernement des Pays-Bas ; elles se trouvent entre nos mains, et c’est depuis lors que les opérations ont dû être reprises dans les deux provinces.

Il est bien évident, ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Dumortier, qu’on fera usage de ces pièces pour le nouveau cadastre. Mais les opérations n’étaient pas achevées, on a dû les interrompre, et depuis il y a eu beaucoup de mutations qu’on n’a pu suivre, de manière que le travail qui reste à faire est encore très considérable.

Toutefois, on tirera le meilleur parti possible des opérations déjà effectuées.

- Le chiffre est adopté.

Articles 12 et 13

« Art. 12. Indemnités pour transcriptions des mutations : fr. 25,000. »


« Art. 13. Entrepôt d’Anvers : fr. 31,000. »

- Ces deux articles sont adoptés.

Chapitre IV. Administration de l'enregistrement, des domaines et des forêts

Articles 1 à 8

« Art. 1. Traitement des employés de l’enregistrement : fr. 348,000. »


« Art. 2. Traitement des employés du timbre : fr. 49,920. »


« Art. 3. Traitement des employés des domaines : fr. 49,710. »


« Art. 4. Traitement des agents forestiers : fr. 223,000. »


« Art. 5. Remises des receveurs : fr. 832,910. »


« Art. 6. Remises des greffiers : fr. 41,000. »


« Art. 7. Frais de bureau : fr. 20,000. »


« Art. 8. Matériel : fr. 28,000. »

- Tous ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 9

« Art. 9. Frais de poursuites et d’instances : fr. 55,000. »

M. de Behr – Je dois appeler l’attention de M. le ministre sur la légèreté avec laquelle des procès sont intentés au nom de son administration ; l’administration succombe dans la plus grande partie des causes qu’elle intente ; il en résulte de grands frais et une sorte de déconsidération pour le gouvernement. Je prierai M. le ministre de veiller à ce que des procès ne soient plus intentés d’une manière aussi intempestive.

M. Lys – Je me rallie à ce que vient de vous dire l’honorable député de Liége.

Je prierai M. le ministre de prêter toute son attention aux frais de poursuites et d’instances.

Il me semble, messieurs, que l’administration est trop tenace dans ses opinions. Des causes identiques ont déjà été jugées deux fois par la cour de cassation et elle reporte de nouveau devant cette cour régulatrice les mêmes questions.

Je citerai spécialement un fait en matière de succession.

L’administration a succombé devant le tribunal de Verviers, elle n’a pas interjeté appel.

Elle s’est opposée au libellé des frais ; elle a succombé dans son opposition et on m’assure qu’elle va se pourvoir en cassation sur cette question de frais.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’aurai égard aux observations qui viennent d’être présentées par les honorables préopinants. Toutefois, je crois qu’elles ne portent pas sur toutes les branches de l’administration ; car il en est plusieurs qui obtiennent gain de cause pour la plupart des procès intentés par elles. Il est d’autres branches de mon département où il se présente des questions difficiles et controversés : cela arrive surtout pour les affaires domaniales ; je ne puis m’empêcher de faire connaître que l’administration du domaine, après avoir perdu certaines causes importantes par les principes qu’elles renfermaient, a quelquefois, par sa persistance, obtenu définitivement une juridiction conforme à l’opinion qu’elle avait soutenue en premier lieu.

Si je fais ces observations, ce n’est pas, messieurs, que je n’aie pas l’intention de reprendre en considération les observations des honorables préopinants. Je déclare au contraire que j’examinerai avec le plus grand soin les affaires de quelque importance qui devront être soumises aux tribunaux, et que dans mes instructions, je recommanderai toujours d’agir avec autant de conciliation que le permettront les intérêts confiés à mon département.

M. Dubus (aîné) – Il s’agit, messieurs, des frais de poursuite et d’instance de l’administration de l’enregistrement ; et ce qui concerne les affaires d’enregistrement. Il est bien vrai que le gouvernement doit se garder de se relâcher d’une juste sévérité, mais je ne pense pas qu’on puisse lui reprocher d’être tombé dans ce défaut, je crois plutôt qu’il est tombé dans l’excès opposé et qu’il est allé souvent jusqu’à plaider encore des affaires dans lesquelles il avait déjà succombé plusieurs fois, et cela dans l’espoir d’obtenir en définitive une solution favorable au trésor. Lorsque le gouvernement ou ses agents suivent un semblable système, il en résulte que pour ceux qui sont exposés à devoir soutenir des procès contre le fisc, il vaut souvent mieux de renoncer à des droits légitimes que de plaider.

Or, nous ne devons pas désirer qu’on aille jusque-là. Je pense donc que le gouvernement fera bien de s’occuper de cette question et de faire droit à ce grief, car il y a ici un grief véritable.

Je ferai remarquer à la chambre que le chiffre de 55,000 francs ne paraît pas être suffisant, car dans un projet de loi qui vous a été présenté par M. le ministre des finances au mois de décembre dernier, il est demandé une somme de 106,000 fr. pour solder des dépenses de cette nature des années 1830 à 1837. Le chiffre de 55,000 fr. se trouve donc tous les ans dépassé et dépassé de beaucoup.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si mes souvenirs sont fidèles la plus grande partie des sommes dont vient de parler l’honorable M. Dubus sont destinées à solder des dépenses antérieurs à 1830, mais qui ont été liquidées plus tard ; je crois même que beaucoup de ces dépenses se rapportent même aux droits de mouture et d’abattage. Quoiqu’il en soit et sans pouvoir l’affirmer d’une manière formelle, je ne pense pas que le crédit de 55,000 fr. soit ordinairement dépassé.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, le projet de loi dont je viens de parler a pour objet la demande d’un crédit supplémentaire, destiné à solder des créances arriérées des exercices 1830 à 1837, relatives à l’administration de l’enregistrement des domaines et des forêts, il ne peut donc pas être question de mouture, ni d’abattage.

(Moniteur belge n°24 du 24 janvier 1841) M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je dois aussi signaler un abus grave et qui est de nature à dépopulariser le gouvernement en lui faisant beaucoup d’ennemis.

Je veux parler de provocations d’expertise que font certains receveurs des domaines (je dis certains, car ces sortes de tracasseries n’ont pas lieu partout), en provoquant de la part des individus qui ont fait des successions, ont acquis ou échangé des propriétés, un supplément de droits, amendes et autres rétributions, prétendant presque toujours que les estimations ont été fixées à des taux inférieurs à la vraie valeur, et en exigeant que la propriété dont il y a mutation soit portée à des prix extravagants. Les habitants des campagnes, dans la crainte de tracasseries, le plus souvent cèdent à l’exigence des employés du fisc et paient ce qu’ils ne doivent réellement pas.

C’est là une véritable extorsion. Les vexations sont poussées à tel point, dans un canton que je connais, que les habitants sont sur le point de former une association mutuelle contre les vexations du fisc, laquelle se chargerait de soutenir la cause de ceux qui éprouveraient ces sortes de tracasseries, inconnues jusqu’à ce jour sur une aussi grade échelle.

Je connais grand nombre de ces vexations. Je me bornerai à n’en citer qu’une pour abréger la discussion.

Un individu ayant été exproprié par le gouvernement pour cause d’utilité publique, reçut, pour prix d’un hectare de terre expropriée, la somme de 3,000 fr. ; à la même époque le même propriétaire échange un hectare de terre contre un autre de pareille contenance ; et pour le droit de mutation, le même individu fixe la valeur de cette propriété à un taux même supérieur à celui que le gouvernement avait établi pour l’indemniser de la partie dont il l’avait exproprié ; c’est-à-dire à plus de 3,000 fr., et je ferai remarquer que la partie échangée était de moindre valeur que la partie payée par le gouvernement à trois mille francs. Eh bien, messieurs, le receveur des domaines a provoqué une expertise et a exigé un supplément de droit, amende, frais de significations par huissiers, etc., etc. ; en établissant que l’hectare de terre échangée devait être estimé à 6,000 fr., pour payer le droit de mutation, en d’autres termes, que ce que le gouvernement estimait être d’un revenu de 61 fr. pour payer ce qu’il exproprie, devait être porté à 120 fr. quand il s’agit de payer des droits de mutation à l’Etat, sur des objets de même valeur.

Voilà, messieurs, la mesure inquisitoriale suivie par le receveur des domaines auquel je fais allusion, et je la signale à M. le ministre des finances, pour qu’il y mette ordre, s’il ne veut dépopulariser le gouvernement dans ce canton.

Je le répète, messieurs, et je vous déclare que la manière dont les agents du fisc se conduisent surtout dans les campagnes, est de nature à dépopulariser entièrement le gouvernement.

(Moniteur belge n°23 du 23 janvier 1841) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, les fonctionnaires du département des finances ont une mission pénible à remplir, ils s’en acquittent, parce qu’ils sont pénétré du sentiment de leur devoir ; jusqu’à preuve contraire, je ne crois pas qu’il y en ait qui exercent des vexations, comme le dit l’honorable préopinant. Si des vexations sont commises, qu’on me les signale, et je les réprimerai, mais qu’on ne vienne pas ici chercher à énerver le zèle d’honorables fonctionnaires en articulant contre eux des accusations vagues, et que je considère comme mal fondées, jusqu’à ce que des preuves me soient administrées.

Si M. Eloy de Burdinne connaît des faits répréhensibles, qu’il les fasse connaître, et, je le répète, ils seront réprimés, mais je dois repousser de toutes mes forces des imputations telles que celle qu’il vient de lancer contre des fonctionnaires qui sans doute n’ont fait qu’appliquer la loi qu’ils sont chargés de mettre à exécution.

M. de Behr – Je ne fais aucun reproche à l’administration, mais je puis assurer que j’ai vu des avocats du fisc prendre des conclusions et ne pas plaider, et lorsque je leur faisais des observations à cet égard ils me disaient : Nous avons reçu des ordres, nous devons prendre des conclusions, mais nous ne plaidons pas.

Je recommande au gouvernement de veiller à ce qu’il ne soit plus intenté des procès aussi légèrement qu’on l’a fait jusqu’ici, car sur 5 procès soutenus par telle administration elle en perd au moins 4.

M. Van Cutsem – Je ne sais, messieurs, ce qui se passe dans les autres arrondissements entre les particuliers et l’administration de l’enregistrement, mais quant à l’arrondissement de Courtray, où il y a une population de 230,000 âmes, je puis donner l’assurance la plus formelle qu’il ne s’y plaide pas trois procès par an entre l’administration de l’enregistrement et des particuliers ; toutes les fois qu’il y a de ces procès, ce n’est pas que l’administration de l’enregistrement ait outrepassé ses devoirs, elle n’a agi que contre ceux contre lesquels elle devait agir.

A entendre plusieurs des orateurs qui viennent de parler, il semblerait que l’administration intenter des procès à tort et à travers, mais quand on connaît la source de ces procès, on n’est pas étonné de voir l’administration diriger de temps à autre une action contre des particuliers.

Ces actions ont lieu ordinairement, parce que les particuliers font des déclarations de successions insuffisantes ; l’administration décerne, en pareil cas, contrainte pour que ces déclarations soient rectifiées. Si les particuliers n’étaient pas alors les premiers à vouloir des procès, ils s’en rapporteraient à la décision des experts qui sont nommés dans ces affaires, de manière que, s’il y a des procès, ce sont les particuliers, plutôt que l’administration de l’enregistrement, qui en sont la cause.

J’ai cru devoir présenter ces observations pour faire connaître ce qui se passe dans mon arrondissement en cette matière.

M. Eloy de Burdinne – Sans doute, les habitants des campagnes n’ont pas de procès, mais je maintiens ce que j’ai dit ; j’atteste que, dans certains cantons, les habitants sont vexés au point qu’on leur faire souvent payer ce qu’ils ne doivent pas ; mais plutôt que de consentir à une expertise, ils préfèrent payer et faire un sacrifice. N’est-ce pas une extorsion ? Les habitants des villes sont à l’abri de pareilles vexations ; il y a des gens qui sont là pour leur conseiller de faire lever les difficultés par des experts. Mais il n’en est pas de même dans les campagnes, où, je le répète, les vexations sont vraiment intolérables.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, l’honorable préopinant vient de lancer contre une classe de fonctionnaires une accusation à laquelle nous devons nous empresser de répondre.

L’honorable préopinant se montre très parcimonieux en fait de dépense publique, il se montre aussi très soigneux des intérêts du trésor ; et cependant ses observations, si elles avaient du retentissement, porteraient, contre son intention sans doute, préjudice à ces intérêts.

Les paroles que l’honorable membre vient de prononcer, qu’elles pouvaient être accueillies par l’administration comme un reproche mérité, tendraient à énerver l’action administrative. Or, ceux qui se montrent si soucieux des intérêts du trésor, doivent tâcher de renforcer l’action administrative, loin de l’affaiblir. L’on vient de signaler la conduite d’agents du domaines dans plusieurs cantons comme allant jusqu’à la spoliation. Je repousse de toutes mes forces une pareille accusation. Nous ne pouvons admettre que des fonctionnaires soient accusés d’actes pareils. Peut-être l’honorable préopinant a fait allusion à un agent isolé, à un fait isolé, qu’il connaît d’une manière particulier ; mais, je le répète nous ne pouvons pas admettre cette accusation comme s’étendant à toute une classe de fonctionnaires.

M. Eloy de Burdinne – (Nous donnerons son discours)(discours non retrouvé).

M. Mast de Vries – Messieurs, mon intention n’est pas d’incriminer qui que ce soit au département des finances ; mais je crois qu’il y a quelque excès de zèle. Voici un fait sur lequel j’appelle l’attention de M. le ministre des finances.

Les administrateurs des pauvres font vendre de temps à autres des coupes de bois. Jusqu’ici, quand deux paysans se trouvaient dans le cas d’acheter ce bois, l’un se déclarait adjudicataire, l’autre ne se déclarait pas caution, mais il se déclarait co-adjudicataire. Par là, il satisfaisait entièrement à la loi, et jusqu’à présent ce mode a été suivi sans inconvénient. Mais cette année-ci, on exige un surcroît que l’adjudicataire fournisse une caution. Il en résulte un surcroît de dépenses de 6 à 7 p.c., pour droit d’enregistrement, et ce surcroît tombe à charge de l’administrateur des pauvres. J’appelle sur ce fait, que je garantis, la sollicitude de M. le ministre des finances.

M. Dumortier – Messieurs, je signalerai à mon tour un abus qui se passe dans l’arrondissement de Tournay. Lorsque les fermiers se rendent au marché, pour vendre leurs grains, et qu’ils montent leurs chevaux, on veut les forcer à prendre une patente, comme s’ils avaient un cheval de luxe. Cela est-il raisonnable ? Du temps du roi Guillaume, les tribunaux avaient tranché la question dans l’intérêt des cultivateurs, qui montent leurs chevaux exclusivement pour aller vendre leurs grains. Eh bien, les tribunaux se sont prononcés contre l’administration. On pouvait croire qu’un pareil abus aurait eu un terme ; mais il n’en est rien ; on a recommencé les procès, et on ira de procès en procès, jusqu’à ce qu’on ait obligé les fermiers à prendre une patente. Je signale ce fait à M. le ministre des finances.

Je ne pense pas que lorsque la chambre a apporté des changements à la loi sur les chevaux de luxe, elle ait jamais entendu imposer les fermiers, du chef des chevaux qu’ils montent, pour aller vendre leurs céréales au marché.

M. de Garcia – Messieurs, la question soulevée par l’honorable préopinant a été jugée par le tribunal dont je fais partie, et elle a été déférée aux cours d’appel. Je crois que le tribunal auquel j’appartiens a décidé que les chevaux montés à la selle par les fermiers qui vont au marché pour vendre leurs grains, devaient payer la moitié du droit, et ne pas être considérés dès lors comme chevaux de luxe. Voilà la jurisprudence des tribunaux de première instance. Le ministre doit savoir ce qui a été décidé par les tribunaux supérieurs.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.

La chambre adopte ensuite successivement et sans discussion les articles suivants qui forment les derniers du budget des finances.

Article 10

« Art. 10. Dépense des domaines : fr. 60,300. »

Chapitre V. Employés en disponinibilité

Article unique

« Art. unique. Employés en disponibilité : fr. 3,675. »

Chapitre VI. Secours

Article unique

« Art. unique. Secours : fr. 5,000. »

Chapitre VII. Dépenses imprévues

Article unique

« Art. unique. Dépenses accidentelles et imprévues : fr. 28,000. »

Discussion du tableau des crédits (non-valeurs, péage sur l'Escaut)

La section centrale adopte toutes les propositions du gouvernement.

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

Chapitre premier. Non-valeurs

Articles 1 à 5

« Art. 1. Non-valeurs sur le foncier : fr. 300,000 »


« Art. 2. Non-valeurs sur l’impôt personnel : fr. 350,000. »


« Art. 3. Non-valeurs sur les patentes : fr. 73,000. »


« Art. 4. Décharge ou remise aux bateliers en non-activité : fr. 35,000. »


« Art. 5. Non-valeurs sur les redevances des mines : fr. 18,700. »

Chapitre II. Remboursements

Articles 1 à 5

« Art. 1. Restitution des droits et amendes, et intérêts y relatifs, de frais d’adjudication et de façons d’ouvrage brisés : fr. 30,000. »


« Art. 2. Restitutions d’impôts, péages, capitaux revenus remboursements, amendes et payement d’intérêts, frais d’adjudication et charge des successions vacantes ou en déshérence : fr. 200,000. »


« Art. 3. Remboursements des postes aux offices étrangers : fr. 100,000. »


« Art. 4. Attributions aux employés des postes de la moitié des ports des journaux : fr. 37,500. »


« Art. 5. Attributions d’amendes forestières : fr. 12,000. »

Article 6

« Art. 6. Déficit de comptables anciens et nouveau (pour mémoire.)

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole. Je ne me rappelle pas avoir vu cet article-là dans les budgets précédents. Je ne sais pas quel en est l’objet.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Cet article a également figuré dans les autres budgets. Comme il ne figure que pour mémoire, je ne vois pas la nécessité de le maintenir.

- L’article 6 est supprimé.

Chapitre III. Péages

Article unique

« Article unique. Remboursement du péage sur l’Escaut : fr. 650,000. »

M. Desmaisières – Dans une précédente discussion, il a été question du droit de navigation perçu par la Hollande sur la partie hollandaise du canal de Terneuzen, contrairement au traité, selon moi, et, je cris, selon les ministres actuels aussi.

On a semblé croire cependant qu’il résulterait du non-paiement de ce droit un privilège pour la navigation du canal de Terneuzen, tandis qu’au contraire, il n’y a jamais privilège à jouir des droits que confère un traité solennellement voté par les chambres et sanctionné par les deux nations. Mais je demanderai, comme cette question était encore en litige à cette époque, et comme je croirais dangereux de proposer un amendement pour comprendre ce remboursement à titre d’avance, du droit de navigation perçu sur la partie hollandaise du canal de Terneuzen, comme je croirais dangereux, dis-je, de faire intervenir la législature dans cette question encore en litige, je ne proposerai pas d’amendement, mais je demanderai si une décision est intervenue à cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – La question soulevée par l’honorable préopinant n’a pas cessé d’occuper l’attention du gouvernement et particulièrement de la commission de navigation qui siège à Anvers. Cette commission a fait jusqu’ici et continuera d’employer les plus grands efforts pour faire prévaloir le système que professe le gouvernement relativement à l’exemption du péage sur la partie hollandaise du canal de Terneuzen. Mais aucune de nos commissions, quel que soit le zèle qu’elles aient apporté dans l’exercice de la mission qui leur est confiée, n’a encore pu terminer sa tâche. Il faut bien remarquer que nous sommes en présence d’un gouvernement qui soutient aussi ce qu’il croit être ses droits avec une grande ténacité, que le zèle des commissaires et du gouvernement à presser le travail des commissions est fort souvent impuissant, car sur beaucoup de questions une manière de voir contraire à la leur est soutenu avec la même énergie par les commissaires néerlandais. Je prie la chambre de croire que le terrain occupé par nos prédécesseurs a été conservé et défendu pied à pied par le cabinet et par notre commission. J’ai quelque lieu d’espérer qu’on est arrivé à la solution de plusieurs questions importantes et que nous pourrons bien présenter un résultat au pays et aux chambres. Mais j’ai le regret de devoir dire que les questions de navigation ne sont pas encore terminées. Ce que je puis dire, c’est que les intérêts qui s’y rattachent sont vraiment soutenus par nos commissaires et par le gouvernement.

Je dois rendre hommage aux scrupules de l’honorable préopinant, il a compris le danger de proposer à la chambre une intervention quelconque dans la question du péage de Terneuzen, je dois imiter cette réserve dans mes explications.

- Le chiffre n’étant pas contesté, il est adopté.

Dépenses pour ordre

Articles 1 à 7

« Art. 1. Extinction des bons du trésor émis en vertu de la loi du 1er janvier 1839, à concurrence des remboursements à effectuer par la banque de Belgique : fr. 1,000,000. »


« Art. 2. Attributions d’amendes, saisies et confiscations opérées par l’administration des contributions : fr. 120,000. »


« Art. 3. Remboursements de cautionnements dont les fonds versés en numéraire sont restés en Hollande : fr. 200,000. »


« Art. 4. Remboursements de cautionnements versés en numéraire dans les caisses du gouvernement de Belgique : fr. 150,000. »


« Art. 5. Restitutions de cautionnements fournis pour sûreté de droits de douane, d’accises, etc. : fr. 200,000. »


« Nota – Le chiffre des crédits alloués aux articles 4 et 5 n’est point limitatifs ; il peut l’élever dans la proportion des recettes effectuées du chef de ces cautionnements. »


« Art. 6. Frais d’expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000. »


« Art. 7. Frais d’ouverture des entrepôts : fr. 14,000. »

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole. Je vois une note relative aux articles 4 et 5 ; je demanderai pourquoi on conserve l’article 3, remboursement de cautionnements dont les fonds versés en numéraire, sont restés en Hollande. Si chaque année on en rembourse, il doit en rester moins à rembourser, et cependant on voit toujours figurer un chiffre très élevé pour cet objet. D’un autre côté, il semble que la restitution des cautionnements est un point qui ne peut pas donner lieu à difficultés.

Il n’y a pas de dette plus claire que celle-là. Si des Belges ont versé des cautionnements dans les caisses de la Hollande, elle ne peut pas différer un instant la restitution. Je demande quelles sont les circonstances qui font différer cette restitution, nous font continuer des avances de cette nature et pourquoi on porte toujours le chiffre de 200,000 francs.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ferai d’abord observer que cette somme ne figure que parmi les dépenses pour ordre, et ensuite qu’un semestre de la dette a été retenu parce que le gouvernement hollandais a reconnu qu’il était juste que nous fussions nantis d’une somme équivalente aux cautionnements et autres fonds restés en Hollande. Le prélèvement des 200,000 francs se fait sur la somme que nous avons et n’entre pas en dépense.

Le chiffre de 200,000 francs qui figure au budget a toujours été insuffisant pour satisfaire aux demandes de remboursement de cautionnements restés en Hollande qui sont beaucoup plus considérables. Il serait à désirer qu’on ne fût pas tenu de se renfermer dans ce chiffre, le gouvernement n’ayant plus de raison fondée pour refuser le remboursement de leur cautionnement à ceux qui ont reçu leur quitus.

- Les 7 articles sont successivement adoptés.

Discussion des articles et vote sur l'ensemble du projet

On passe au vote du projet de loi.

« Art. 1er. Le budget du département des finances, des remboursements, non-valeurs et péages et des dépenses pour ordre, pour l’exercice 1841, sont fixés comme suit :

« Le budget des finances à la somme de 11,278,335 fr.,

« Le budget des remboursements, non-valeurs et péages à la somme de 1,806,200 fr.,

« Le budget des dépenses pour ordre à la somme de 1,714,000 fr.,

« répartis conformément au tableau annexé à la présente loi. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat.

58 membres prennent part au vote.

55 répondent oui.

3 répondent non.

Le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Cogels, Coghen, Cools, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Dolez, Donny, Dubois, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Zoude et Fallon.

Ont répondu non : MM. de Langhe, Doignon et Dubus (aîné).