(Moniteur belge n°134 du 13 mai 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven fait l’appel nominal.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des tanneurs de Verlon, Florenville, Bouillon et Arlon demandent que les doits de sortie sur les cuirs en poil indigènes, soient portés au taux du tarif français. »
- Renvoyé à la commission des pétitions.
M. Brabant, au nom de la section centrale à laquelle le projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre et relatif aux classes de miliciens des années 1833, 1834 et 1835 a été soumis, propose l’adoption de ce projet : ainsi ces classes resteraient provisoirement à la disposition du ministre jusqu’au 1er mai 1841.
- La discussion de cette loi aura lieu immédiatement après la délibération sur les matières à l’ordre du jour.
M. Desmet – Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si le gouvernement est informé qu’il soit question en France d’y augmenter les droits à l’entrée sur les toiles et fils de lin. Les journaux disent que dans la commission anglo-française ce point a été arrêté.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je n’ai reçu aucune information sur ce point, de notre envoyé à Paris ; je n’ai pas même vu les journaux auxquels le préopinant fait allusion.
M. Desmet – Je demanderai au ministre des affaires étrangères de prendre des informations à cet égard.
M. Delehaye – L’honorable M. Desmet vient de faire connaître les craintes manifestées par quelques journaux sur l’augmentation en France des droits d’entrée sur les toiles et les fils de lin ; cet honorable membre fait partie de la commission d’enquête linière ; jusqu’ici j’ai cru que les investigations de cette commission ne serviraient à rien ; j’ai modifié mon opinion à cet égard ; aussi je demanderai si la commission continue ses recherches, si ses travaux sont avancés, et si elle a conçu l’espoir de trouver un remède au mal. Je suis fâché de ne pas voir au banc des ministres M. le ministre de l'intérieur, car ma demande doit s’adresser spécialement à lui.
(En ce moment, M. le ministre de l'intérieur entre en séance, et M. Delehaye renouvelle son interpellation).
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je dois saisir cette occasion pour déclarer à la chambre que la commission linière s’occupe de la tâche qu’elle a acceptée avec le zèle le plus louable ; mais à mesure qu’elle travaille, elle voir surgit de nouvelles difficultés dans la matière. Elle pense qu’il ne suffit pas de procéder à une enquête superficielle qui ne donnerait tout au plus que les moyens de pallier momentanément le mal ; et d’après cette pensée elle a porté ses investigations, non seulement sur l’industrie linière, comme on l’entend généralement, mais aussi sur tout ce qui s’y rattache, et de suivre, en quelque sorte, le lin depuis sa culture jusqu’à ses dernières transformations ; une telle enquête est d’une grande étendue ; je ne puis en assigner le terme ; ce que je puis dire à la chambre, c’est que les membres de la commission, ainsi que le gouvernement sont animés du désir d’y mettre fin le plus tôt possible.
M. le président – Nous en sommes restés au second vote sur l’article 21, qui concerne les dispositions générales de la loi. Voici cet article :
« Art. 21. Lorsqu’à la demande principale, il est opposé une demande reconventionnelle ou en compensation et que chacune d’elle est susceptible d’être jugée en dernier ressort, le juge de paix ou le tribunal de première instance prononce sur toutes sans appel ; si l’une des demandes n’est susceptible d’être jugée qu’à charge d’appel, il ne sera prononcé sur toutes qu’en premier ressort.
« Si la demande reconventionnelle ou en compensation excède les limites de la compétence du juge de paix, il pourra, soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer sur le tout les parties à se pourvoir devant le tribunal de première instance, sans préliminaire de conciliation. »
- Cet article est de nouveau adopté sans discussion.
M. le président – Les articles 18, 19 et 20 du projet primitif ont été supprimés.
M. de Behr demande la parole sur l’article 18.
M. de Behr – La suppression de l’article 18 du projet est trop contraire à l’économie de la loi en discussion pour ne pas exiger quelques observations de ma part. La pensée qui a constamment dirigé la commission a été de rendre la justice la plus prompte et moins dispendieuse pour les parties. Or, l’un des moyens d’atteindre ce but, c’était de remédier autant que possible à l’abus des appels qui se manifeste sur quelques sièges, et entrave la marche des affaires. Ces lenteurs excitent les plaintes des justiciables avec d’autant plus de raison, que le gain de leur procès leur offrirait les ressources, dont ils peuvent avoir besoin et qu’ils sont quelquefois dans la nécessité de sacrifier une partie de leurs prétentions.
La plus stricte équité commande d’ailleurs de dédommager quelque peu de ses dépenses celui qui, après avoir obtenu justice, est obligé de soutenir une nouvelle instance contre un plaideur passionné ou de mauvaise foi. En matière civile, le rejet du pourvoi en cassation entraîne une indemnité au profit du défenseur ; pourquoi en serait-il autrement de l’appel ? C’est, dit-on, parce que le recours en cassation est un remède extraordinaire. Mais pour ceux qui ne se contentent pas de mots, il est de toute évidence que l’exercice illimité de ce recours n’est en réalité qu’un degré ultérieur de juridiction sur la question de droit et l’application de la loi. Ajoutons que le pourvoi n’étant pas suspensif ne présente pas le même inconvénient que l’appel et qu’il a souvent pour objet les questions les plus ardues et les plus controversées entre les auteurs, tandis que beaucoup d’appels ne sont formés que dans la vue de gagner du temps ou de forcer un adversaire peu aisé à faire des sacrifices. On a objecté que les parties étaient souvent déterminées à appeler par les conseils de leurs avocats. Mais ce n’est pas dans un intérêt particulier, c’est dans l’intérêt général que le projet de loi a été formulé. Si l’objection pouvait être de quelque valeur, il s’ensuivrait que celui qui succombe dans son appel, devrait être affranchi de toute condamnation à l’amende et aux frais. En matière de requête civile, l’action ne peut être introduite qu’après une consultation favorable de trois jurisconsultes. Eh bien, si le demandeur échoue, il n’en est pas moins condamné à l’amende et aux dommages intérêts, malgré sa bonne foi et l’avis de ses avocats.
En ce qui concerne les amendes proposées par le gouvernement et la commission, j’ai déjà dit, et je répéterai que la dépréciation qui a eu lieu depuis la confection du Code de procédure dans la valeur relative du numéraire, permet de porter au double les sommes fixées à cette époque, sans méconnaître les vues qui ont déterminé le législateur français. Il est d’ailleurs très rationnel d’imposer aux appelants qui succombent le payement d’une somme modique en retour des dépenses qu’ils occasionnent à l’Etat par l’établissement de corps plus nombreux pour juger des prétentions dont il a été déjà fait justice en premier ressort.
Comme les sommes relatives à cet objet, telles qu’elles sont portées au projet de loi me paraissent trop élevées, et qu’il convient d’ailleurs de les mettre en rapport avec les modifications apportées au tarif primitif de la compétence, j’aurai l’honneur de proposer l’amendement suivant :
« L’appelant qui succombera sera condamné à une amende de 10 francs envers l’Etat, et à une indemnité de 10 à 20 francs au profit de chacune des partes intimées s’il s’agit d’un jugement de justice de paix ; l’amende sera de 20 francs, et l’indemnité de 40 à 100 francs, s’il s’agit d’un jugement de tribunal de première instance ou de commerce.
« L’amende sera perçue avec le droit d’enregistrement. »
M. Metz – L’amendement que je viens d’entendre proposer par M. de Behr est la reproduction de l’opinion qu’il émise dans l’une de vos dernières séances, opinion que la chambre n’a pas jugé à propos de partager ; et j’aime à croire qu’elle persistera dans la résolution qu’elle a prise après une discussion sérieuse sur le principe qui a dicté l’article 471 du code de procédure civile, et sur le principe qui m’a fait demander la suppression de l'article 18.
J’avais l’honneur de vous dire alors, messieurs, que le droit d’appel était un droit sacré, un droit que de hautes considérations avaient fait introduire dans la législation ; que ces considérations étaient puisées dans la faiblesse de l’esprit humain, dans les erreurs dont trop souvent les tribunaux nous offrent des exemples ; que du moment où on reconnaissait la nécessité d’un second degré de juridiction, il ne fallait pas le rendre illusoire en l’entourant de difficultés, de formalités, de pénalités ; que l’amende prononcée par l’article 471 du code de procédure civile, de 5 francs pour les justices de paix et de 10 francs pour les tribunaux de première instance, était suffisante, et qu’au lieu d’augmenter cette pénalité, il vaudrait mieux la supprimer ; je faisais observer que les plaideurs usent avec la plus grande modération du droit d’appel, puisque, d’après la statistique présentée par M. Raikem, sur 100 jugements de justice de paix il n’y en avait que 5 qui fussent l’objet d’un appel ; que les plaideurs doivent être disposés à appeler en considérant que sur 4 jugement de justice de paix, il y en a deux de réformés ; que l’appelant qui succombe est tombé dans une erreur qui n’est pas toujours la sienne, puisque souvent cette erreur est le résultat des conseils d’un avocat.
Eh bien, l’avocat conseillait l’appel ; l’avocat disait : « Mon ami, votre affaire est mal jugée, appelez ; » et le plaideur appelait. Or, messieurs, qui punissez-vous ? Est-ce l’avocat ? Non, c’est le plaideur, et cela est d’une injustice criante.
Je sais bien qu’il est parfois des plaideurs entêtés qui appellent sans le moindre motif, mais il n’est rien dont on n’abuse et il ne faut pas supprimer une chose bonne en elle-même, pour l’abus qu’on peut en faire. Si le droit d’appel est une fort bonne chose, n’allez pas punir ceux qui exercent ce droit avec modération, avec sagesse, parce que quelques individus l’exercent follement.
J’ai parlé tout à l’heure du nombre des décisions des juges de paix qui sont soumises à l’appel. Quant aux jugements des tribunaux de première instance, il y en a un sur dix dont on appelle. A Arlon, je le dis à l’honneur de ce tribunal, il n’y en a eu qu’un sur 23. Eh bien, messieurs, peut-on exercer avec plus de modération ce droit, lorsque vous voyez que sur cinq jugements soumis à l’appel, deux sont réformés ? D’ailleurs, vous puniriez encore le plaideur de la faute de l’avocat ; comme je vous le disais hier, l’avocat rejette volontiers la perte du procès sur le juge, il dit que le juge a mal prononcé, qu’il a mal apprécié l’affaire ; parfois même, dans l’intimité du cabinet, l’avocat se laisse aller jusqu’à taxer le juge d’ignorance. Que voulez-vous donc que fasse le pauvre plaignant ? En homme confiant, il appelle, parce que son avocat lui a conseillé d’appeler. Cependant, s’il succombe, vous voulez qu’il soit passible d’une amende et d’une indemnité, parce qu’il aura usé d’un droit que la loi lui accorde. C’est véritablement, me semble-t-il, reprendre d’une main ce qu’on donne de l’autre.
Je pense, messieurs, que ces considérations nous engageront à maintenir la résolution que vous avez prise dans une de vos dernières séances.
M. de Behr – Le droit d’appel est sans doute un droit précieux, mais ma proposition n’entraverait aucunement l’exercice de ce droit. Je veux seulement empêcher l’abus qui en est fait. Or, il est évident que l’on abuse du droit d’appel, qu’on appelle d’une foule de causes, uniquement pour gagner du temps, pour fatiguer la partie adverse ; puisque nous voyons à la fin de l'année un nombre considérable de causes rayées des rôles des cours d’appel. Eh bien, messieurs, lorsqu’il en est ainsi, n’est-il pas juste d’imposer à celui qui appelle mal à propos une légère amende et de lui faire payer une faible indemnité au profit de celui à qui il a fait subir des retards très fâcheux et qu’il a entraîné dans des frais considérables ?
On objecte, messieurs, que c’est presque toujours sur le conseil des avocats que les plaideurs appellent des jugements rendus contre eux, mais la loi n’est pas faite dans l’intérêt des avocats, elle est faite dans l’intérêt des justiciables ; il est certain que si l’on voulait avoir égard aux conseils des avocats, jamais il n’y aurait de jugement prononcé, car il y a toujours des avocats pour soutenir le pour et le contre ; si les plaideurs subissent les conséquences du fait même leur juge, à plus forte raison sont-elles responsables du fait de leur avocat. Nous avons un exemple de cela en matière de requête civile ; là une cause ne peut être introduite que sur l’avis favorable de trois avocats ; eh bien, malgré cela, si la partie qui se pourvoit succombe elle doit payer les dépens et elle est condamnée à une amende.
On vous a dit, messieurs, que l’appel est nécessaire pour faire réformer les erreurs commises par le premier juge. J’admets cela, mais lorsque le premier juge s’est trompé, lorsque son jugement est réformé, ne fût-il qu’en un seul point, dans le point le plus minime, il n’y a ni amende ni indemnité ; ce n’est que quand le juge supérieur confirme purement et simplement la décision du premier juge qu’il y a lieu à amende et à indemnité, indemnité qui est bien peu de chose si on la compare aux frais que l’intimé a dû supporté.
M. Dubus (aîné) – Je suis du nombre de ceux, messieurs, qui regrettent la suppression de l'article 10 du projet de la commission ; dans le sein de la commission, j’ai donné mon assentiment à cet article. Je crois, ainsi que l’honorable préopinant, qu’il était en harmonie avec les autres dispositions de la loi, en harmonie surtout avec le but que l’on veut atteindre par le projet, et je pense que l’absence d’une semblable disposition nous ferait manquer ce but.
Un des motifs qui ont déterminé à étendre la compétence des juges de paix en premier ressort, c’est que nous avons voulu venir au secours des tribunaux de première instance qui sont surchargés. Eh bien ! je pense, messieurs, que ce but ne sera pas atteint, si vous ne rétablissez pas la disposition qui nous occupe. Lorsque le projet du gouvernement a été présenté, j’ai entendu des personnes qui ont tout à fait l’expérience de la matière objecter que, par ce moyen-là, on ne diminuerait pas la besogne des tribunaux de première instance, que dans toutes les affaires où il s’agirait d’un objet ayant un valeur de 100 à 200 francs, la partie qui succomberait devant le juge de paix se pourvoirait en appel, que tout l’effet de la loi serait de faire subir à ces affaires deux instances au lieu d’une, qu’ainsi, sans diminuer la besogne des tribunaux de première instance, on multiplierait les frais de procédure. Cette objection est grave. A la vérité, il est un certain nombre d’affaires qui ne viendront pas devant les tribunaux de première instance : ce sont celles où il n’y a point de contestation, les demandes fondées sur un titre à l’égard desquelles il intervient même d’ordinaire un jugement par défaut ; mais je prie de remarquer, messieurs, que ce ne sont pas ces affaires-là qui prennent le temps des tribunaux, qui amènent l’encombrement, parce que ni leur examen, ni leur jugement ne demande de travail. Les affaires qui prennent beaucoup de temps aux tribunaux sont celles où il y a une véritable contestation ; or, s’il est vrai que dans toutes celles-là, lorsque l’objet de la contestation sera d’une valeur de 100 à 200 francs, la partie qui aura succombé sera portée à se pourvoir en appel, il est assez manifeste que la disposition qui a étendu la compétence des juges de paix, au lieu de produire un bien, produira un mal, qu’elle aura pour résultat de faire subir deux instances à la plus grande partie des affaires dont je viens de parler.
Si tel devait être le résultat de la loi, il faut convenir qu’il serait réellement fâcheux. Mais quand cette objection m’a été faite, j’ai répondu, messieurs, par la disposition du projet que nous discutons en ce moment ; j’ai fait remarquer que cette disposition renferme un remède contre les appels téméraires,, remède qui est même préventif, puisqu’il doit y avoir consignation de l’amende avant la mise au rôle de la cause dont on veut appeler ; or, avant de consigner une amende, on y regardera à deux fois ; dès le premier acte qu’il a à poser, le plaideur est ainsi amené à faire de salutaires réflexions, et il résultera de là que celles de ces affaires qui ne paraîtront pas manifestement fondées ne seront pas portées devant les tribunaux de première instance. Il me paraît, messieurs, que ce doit tellement être là l’effet de la disposition que nous discutons, que ceux qui la combattent expriment précisément la crainte que, si elle était adoptée, on n’appelle plus ; vous voulez, disent-ils, rendre le droit d’appel illusoire ; ils craignent qu’avant d’appeler, les plaideurs n’y regardent de trop près, et ils voudraient qu’ils n’y regardent pas du tout.
Dans les causes où il y aura réellement erreur de la part du premier juge, on ne sera pas arrêté par la disposition, on consignera l’amende, qui, d’après la proposition de l’honorable M. de Behr, ne sera pas considérable et que l’appelant ne perdra que si son appel est jugé téméraire. Or, dans ce cas, la peine est tout à fait juste.
Quant à l’indemnité, n’est-il pas juste que celui qui a gagné en première instance, et qui a subi la vexation d’un appel mal fondé, n’est-il pas juste de lui allouer un dédommagement ? Puisqu’il a souffert et qu’il a souffert par la faute de l’appelant, n’est-il pas tout à fait juste que celui-ci soit condamné à réparer le dommage qu’il lui a causé ?
Messieurs, je vous prie de considérer quant à la première des deux dispositions, que le principe d’une amende de fol appel, est écrit dans la législature en vigueur ; il est consigné dans l’article 471 du code de procédure, et personne ne demande la suppression de cet article.
Ainsi, d’après cette disposition, il y a une amende de fol appel. Mais faut-il que ce soit une véritable amende de fol appel, ou que ce soit une amende tout à fait illusoire ? Voilà la question essentielle. Si vous voulez une amende de fol appel, c’est une véritable dérision ; c’est tellement une dérision, que je crois pouvoir poser en fait que cela n’est pas considéré comme une amende de fol appel ; que cette somme passe inaperçue au milieu des autres frais de l’instance en appel ; de telle sorte que lorsque l’appelant a obtenu gain de cause, il néglige de se faire restituer la somme.
Si l’on demandait des renseignements à M. le ministre des finances, il résulterait de ces renseignements, que dans la plupart des cas où l’individu a obtenu la réformation d’un jugement de justice de paix, il ne réclame pas l’amende de fol appel. Ce fait lui-même fait la satire de la disposition en vigueur ; il fait voir que l’amendement de 5 francs n’est plus en rapport avec les valeurs d’aujourd’hui. Ce pouvait être une amende suffisante en 1807, mais elle n’est plus suffisante en 1840. Et pour mettre l’article 471 du code de procédure en harmonie avec les autres dispositions dont nous nous occupons, il me paraît nécessaire de doubler l’amende de fol appel, comme l’honorable M. de Behr le propose.
Quant à la seconde disposition, je le répète, elle est fondée sur un principe d’évidente équité ; c’est que celui qui cause dommage à autrui, doit le réparer. On dira qu’il y est pourvu par la législation en vigueur, parce que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Mais tout le monde sait que les frais qui entrent en taxe, ne font qu’une partie assez faible de la véritable dépense que doit faire celui qui a soutenu un procès, à tel point qu’on a vu des personnes ruinées pour avoir gagné plusieurs procès.
Je bornerai là mes observations, pour soutenir l’amendement de l’honorable M. de Behr.
Il me reste cependant une réponse à faire à l’assertion qu’on a émise, que, lorsqu’une partie intente un procès téméraire, c’est la faute de l’avocat. Messieurs, toutes les personnes qui ont l’expérience des affaires judiciaires diront que c’est beaucoup plus la faute du plaideur que celle de l’avocat ; et je crois qu’il n’ait reconnu maintes fois que le plaideur passionné, auquel un premier avocat a dit que sa cause n’est pas fondée, va en trouver un deuxième, puis un troisième, jusqu’à ce qu’il en trouve un qui consente à soutenir des passions, et certes, dans ce cas-là, on ne dira pas que le procès témérairement intenté, l’est par la faute de l’avocat.
M. Metz – Messieurs, le plaideur passionné, tel que vient de le dépeindre l’honorable préopinant, est fort heureusement une exception dans la société. Sans doute, il en est, comme vient de le dire l’honorable M. Dubus, qui ne reculent devant aucun frais, et qui courent d’étude et étude, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé un avocat assez imprudent, ou un avocat assez ignorant pour leur conseiller un appel qu’ils intenteraient d’ailleurs de leur chef, s’ils ne rencontraient pas d’avocat pour les soutenir.
Mais parce qu’il y a quelques individus de cette catégorie qui forment des espèces de rareté dans la société, faut-il aller, pour tous les autres, grever de pénalités, entourer de difficultés, l’exercice d’un droit que la législation leur assure ? Faut-il donc aller à la règle générale par les exceptions ? Mais c’est là un grand vice de raisonnement dans lequel j’ai été surpris de voir tomber l’honorable préopinant.
On dit que c’est une amende dérisoire de fol appel que celle qui est comminée par l’article 471 du code de procédure. Mais si l’amende de 5 francs est une amende dérisoire, croyez-vous que l’amende de 10 francs proposée par l’honorable M. de Behr soit plus efficace et puisse rendre moins fréquent le nombre des appels. Il s’agira, par exemple, d’une somme qui va jusqu’à 200 francs en justice de paix, et vous croyez que le plaideur sera arrêté par une amende de 10 francs ; il ne le sera pas plus alors qu’il ne l’est aujourd’hui, que l’amende est seulement de 5 francs. Une amende de 20 francs arrêtera-t-elle le plaideur qui, devant un tribunal, aura eu plus de deux mille francs engagés et qui croira réussir en appel ? Si votre disposition n’empêche pas les appels, elle est dès lors inutile. Loin donc qu’il y ait des raisons pour augmenter le taux de l’amende, il y aurait bien plutôt lieu de réformer l’article 471 du code de procédure.
On a parlé de l’amende ou indemnité à laquelle on est tenu dans la requête civile, quoique conseiller par trois avocats. Je réponds à cette objection, comme l’a fait l’honorable M. Raikem, que la requête civile, ainsi que le recours en cassation, sont des voies extraordinaires dont il est convenable de limiter l’usage, parce qu’elles emportent avec elles des conséquences très fâcheuses. Mais ce qui regarde la requête civile et le recours en cassation qui sont des moyens extraordinaires, ne peut pas être appliqué à l’appel qui est un moyen ordinaire, hautement écrit dans nos mœurs et dans nos lois.
L’honorable M. Dubus a dit que si on n’adoptait pas l’amendement de l’honorable M. de Behr, on allait contre le but de la loi, qui serait de restreindre le nombre des appels ; et qu’on surchargerait d’affaires les tribunaux de première instance ou les cours. Messieurs, cette dernière considération me touche fort peu ; car nous devons nous attendre à cette surcharge d’affaires dans les tribunaux ; la division toujours plus grande de la propriété, l’augmentation successive de la population doivent dans l’avenir décupler peut-être le nombre des affaires que les tribunaux ont à juger actuellement.
Mais, parce que les tribunaux de première instance ou les cours seront surchargés, faut-il interdire l’appel aux plaideurs ? Non, sans doute ; si les tribunaux sont surchargés, vous prendrez des mesures pour faire cesser ces encombrements ; vous créerez des chambres temporaires, vous augmenterez le nombre des juges, de manière à ce que la justice puisse être rendue à tout le monde, loin de l’entraver, comme on veut le faire ; mais je ne vois réellement pas pourquoi on voudrait entourer de difficultés l’usage de l’appel, et frapper d’une amende l’exercice d’un droit aussi cher que chaque individu désire conserver.
Messieurs, l’appel n’est pas un droit qu’on doive limiter ; l’appel est une défense contre l’oppression. C’est une considération de haut intérêt social qui a fait introduire l’appel. Eh bien, loin de vouloir hérisser l’appel de difficultés, je ne gênerais en rien l’exercice d’un droit cher et sacré, c’est le droit de demander justice.
Pourquoi ne punissez-vous pas alors l’individu qui commence un procès ? C’est que la liberté des hommes réunis en société est entravée de mille manières, c’est que nous sommes soumis par le fait de notre existence sociale à une foule de désagréments, et parmi ces désagréments se trouve celui d’être attrait en justice, parce que je me crois à moi-même le droit d’en attraire un autre quand nos intérêts sont opposés ; c’est un échange de sacrifices.
Par ces considérations, je pense, messieurs, qu’il n’y a pas lieu d’admettre l’amendement de l’honorable M. de Behr ; je crois que bien loin d’étendre la pénalité de l’article 471 du code de procédure, l’on devrait la supprimer entièrement.
Quant à la question des dommages intérêts, si les tribunaux trouvent que l’appel a été téméraire, qu’il n’est motivé sur rien, qu’il n’a été inspiré que par la méchanceté ou la passion, eh bien, ces tribunaux prononceront, à charge de l’appelant, les dommages intérêts qu’ils jugeront convenables.
Il n’est pas d’affaire dans laquelle on ne puisse conclure à des dommages intérêts. Les tribunaux les prononcent. Le plaideur peut les demander ; s’il ne les demande pas, c’est qu’il n’en veut pas ; car, s’il veut avoir une indemnité pour avoir été troublé par un faux appel, il la réclame. Il peut également en demander la première fois qu’il est traduit en justice. Si les tribunaux voient qu’on a usé envers lui de méchanceté, qu’il est victime d’une véritable chicane, qu’on a intenté une action sans aucune espèce de fondement, ils peuvent accorder une indemnité au défenseur. Les juges en prononcent également quand l’appel est dicté par un sentiment haineux. Mais quand ils reconnaissent qu’on a porté devant eux une question de droit douteuse, tellement douteuse que les magistrats eux-mêmes ne sont pas sûrs de leur opinion, ils ne punissent pas un plaideur pour l’avoir soumis à deux juridictions.
Je ne pense pas qu’après ces considérations auxquelles on peut en ajouter d’autres, la chambre adopte l’amendement proposé. Je laisserai à l’honorable M. Raikem, qui partageait mon opinion lors du premier vote, le soin de présenter ces autres considérations.
M. Raikem – Vous vous rappelez, messieurs, que l’article maintenant en discussion a déjà été l’objet de l’attention de l’assemblée, et que sur les observations faites alors, la chambre s’est déterminée à écarter les dispositions proposées.
Il me semble que cette disposition doit être envisagée sous le rapport des principes de la législation. Vous savez que l’on ne doit pas innover en législature, à moins que l’utilité de l’innovation ne soit évidemment démontrée. Il ne s’agit pas dans cette disposition comme à l’égard d’autres dispositions insérées dans la loi, de décider législativement un point controversé en jurisprudence ; alors ce n’est pas une innovation qu’on introduit, mais on donne plus de fixité à la loi elle-même. Ici c’est une innovation qu’on propose et une innovation qui est en contradiction avec les bases posées par l’assemblée constituante au système qui nous régit encore. Vous savez que la loi du 1er mai 1790 pose en principe qu’il y aura deux degrés de juridiction. Or, quand on parcourt ces deux degrés de juridiction, on ne fait que suivre la voie ordinaire. Sur ce, l’honorable préopinant a assimilé l’appel à une voie extraordinaire, à un recours en cassation, comme si le recours en cassation n’était lui-même qu’un degré de juridiction. Mais quelle différence entre le recours en cassation et l’appel ? En cassation, on sait qu’on juge le jugement lui-même plutôt que le droit de la partie. C’est l’intérêt public qui guide plutôt que l’intérêt privé. Quand la partie ne se pourvoit pas en cassation et qu’on trouve dans un jugement une erreur qu’on craint devoir former précédent, il y a lieu au pourvoi dans l’intérêt de la loi. On sait qu’il n’y a pas d’appel dans l’intérêt de la loi. Il n’y a donc pas d’assimilation possible.
On a parlé de la requête civile et de l’avis des avocats. On sait combien sont bornées les ouvertures des requêtes civiles. Et l’on ne peut, sous aucun rapport, assimiler les voies extraordinaires du pourvoi en cassation et de la requête civile à la voie commune de l’appel.
Cependant, pour parer aux inconvénients qu’on a cru rencontrer dans la législation actuelle, on propose de doubler les amendes comme on a doublé la compétence. L’amende pour l’appel des justices de paix serait de 10 francs au lieu de 5 francs, telle qu’elle est fixée aujourd’hui, et pour l’appel du tribunal de première instance et du tribunal de commerce, au lieu de 10 francs, l’amende serait élevée à 20 francs. La somme serait doublée comme pour la compétence, il est nécessaire de doubler aussi l’amende. Je ne le pense pas. On a ajouté une disposition dont on croit tirer de grands fruits. D’après l’amendement, il y aurait pour l’intimé qui gagnerait sa cause une indemnité de 10 à 20 francs, s’il s’agit des jugements des juges de paix ; et quand il s’agirait de jugements de tribunaux de première instance ou de commerce, l’indemnité serait de 40 à 100 francs.
L’appelant qui gagnerait son procès n’aurait aucune espèce de recours contre l’intimé ; cependant, le premier jugement pouvait être d’une injustice flagrante, l’appel est suspensif ; et quand on est devant le juge d’appel, on est dans la même position qu’en première instance. Quand il interviendra un jugement infirmatif ou confirmatif, il y aura une indemnité ; si l’intimé gagne son procès, l’appelant, quoiqu’il ait démontré l’injustice du premier jugement, n’aura aucune indemnité pour l’avoir fait réformer. Il peut arriver que l’appelant soit le défenseur en première instance, et, quand au fond du procès, quoiqu’appelant, il n’en reste pas moins défendeur en appel.
Si le défendeur qu’on a voulu dépouiller injustement gagne son procès en première instance en appel, il n’aura rien, tandis que si l’intimé triomphe en appel, il aura une indemnité.
Je ne crois pas que, quand on parcourt les vois ordinaires de juridiction, on doive placer les parties dans des positons si différentes et si inégales.
Vous accordez à l’intimé qui triomphe un indemnité de 10 à 20 francs. Mais vous ne diminuerez pas par là la besogne des tribunaux de première instance. Bien qu’il y ait des appels dilatoires, ce ne sont pas ces appels qui donnent de la besogne aux tribunaux de première instance, ce sont les affaires contestées qui viennent tenir les audiences. Je doute fort que cette indemnité de 10 à 20 francs fasse obstacle à ce qu’on interjette appel. Mais, dit-on, par un appel injuste, vous vexez la partie intimée. Mais également par une action injuste en première instance on vexe le défenseur. Cependant on ne lui accorde aucune indemnité, cependant il fait des faux frais aussi bien que l’intimé en appel.
On vous a dit : il y a des frais qui n’entrent pas en taxe. Mais alors, est-ce avec une faible indemnité comme celle qu’on propose qu’on peut les compenser ? Les tribunaux prononceront presque toujours le minimum. L’indemnité réclamée en requête civile peut, il est vrai, être majorée par le juge quand il y a lieu, mais toujours on condamne la partie qui succombe au minimum de l’indemnité. Le plus souvent ce sera donc le minimum qu’on prononcera.
Je ne sais si l’intimé trouvera un soulagement dans cette indemnité de 10 et même de 20 francs. Si le tarif n’indemnise pas suffisamment la partie qui triomphe, ce ne serait pas une indemnité globale qui serait un acte de justice. C’est la critique du tarif que l’on fait, c’est ce tarif qu’il faudrait élever de manière à rendre indemne la partie qui gagne son procès.
On ne parviendra pas à ce résultat par la disposition qu’on propose.
En définitive, quand il y aura de ces contestations qui sont très difficiles à décider, sur lesquelles les jurisconsultes sont d’avis différents et que pourtant il faut bien qu’on décide, sur lesquelles le juge se prononce sans être bien sûr que son opinion soit meilleure que l’opinion contraire, dans ces sortes de contestations, je ne vois ni utilité, ni justice à accorder une indemnité aux parties. Quand les parties sont solvables, elles ne forment pas témérairement des appels, il y a des frais et des faux frais qu’on doit faire, et cela donne lieu à réfléchir. Une partie solvable ne portera pas en appel un procès qui serait évidemment non fondé ; mais ceux qui seraient tentés de porter en appel un procès non fondé, ce sont les personnes insolvables. Quant aux personnes insolvables, qu’on les condamne à des indemnités tant qu’on voudra, il n’en résultera aucun soulagement pour l’intimé.
Je ne vois aucune utilité à l’innovation proposée ; je crois en conséquence pouvoir persister dans l’opinion que j’ai soutenue.
M. de Behr – J’ai une observation à faire en réponse à l’honorable M. Metz. Il me semble qu’il n’est pas d’accord avec lui-même. Il parle de la nécessité de ne pas limiter le droit d’appel qui est un droit sacré, et ensuite il dit que l’amende que nous proposons n’empêcherait personne d’appeler. Il y a là une contradiction évidente, car dire que le droit d’appel doit être libre et sacré, et que l’amende n’empêcherait pas d’appeler, c’est dire que le droit d’appel n’est pas entravé dans son exercice.
L’honorable M. Metz témoigne beaucoup de sollicitude pour les plaideurs, mais il ne voit pas à côté de l’appelant,, l’intimé qu’on oblige à faire des frais irrécouvrables, contraint quelquefois de sacrifier les prétentions les plus légitimes, pour ne pas courir les chances d’une seconde instance. Il dit que les tribunaux condamneront à des dommages intérêts, quand la prétention ne sera pas fondée. Je défie l’honorable membre de citer un seul exemple de condamnation à des dommages intérêts de celui qui a succombé en appel. Pour moi, je n’en connais aucun.
J’ai dit que le pourvoi en cassation n’était, en réalité qu’un degré de plus de juridiction pour les questions de droit, je persiste dans cette opinion. Cependant on accorde une indemnité de 150 francs ; on dit que s’il y a une indemnité, la position des partis ne sera plus égale, c’est cependant ce qui arrive à la cour de cassation. Vous voyez que le raisonnement que l’on fait au sujet de l’appelant qui succombe, est applicable à celui qui succombe dans un pourvoi en cassation.
Quand j’ai parlé de la requête civile, j’ai dit que c’était une voie extraordinaire ; mais j’ai voulu répondre à l’observation de l’honorable M. Metz qui a dit que le plaideur, n’appelant que d’après l’avis de son avocat, ne devait pas être puni de son erreur. La requête civile ne peut être introduite que d’après l’avis de trois avocats ; cependant, quand elle est rejetée, il y a une amende et des dommages intérêts. Vous voyez que l’avis des avocats n’est jamais pris en considération.
On vous a dit que, parce qu’on avait doublé la compétence, ce n’était pas un motif pour doubler la peine, puisqu’on n’a doublé la compétence qu’à raison de la dépréciation du signe monétaire. Depuis la mise en vigueur du code de procédure, il y a eu la même dépréciation. N’est-il pas évident que, par application de ce principe, il faut doubler l’amende ?
On dit que l’indemnité n’empêchera aucun appel, et qu’on n’y trouvera pas un remède aux abus. Mais si l’indemnité n’empêche aucun appel, au moins l’intimé, traîné injustement devant le juge supérieur, obtiendra, sinon une compensation, au moins, jusqu’à un certain point, un dédommagement des dépenses qu’il a dû faire pour se défendre contre un appel injuste.
- L’amendement de M. de Behr est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Les amendements introduits dans les dernières dispositions du projet de loi sont confirmées par le vote de la chambre.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi ; en voici le résultat :
67 membres sont présents.
1 s’abstient (M. Cogels, parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.)
66 prennent part au vote et votent pour l’adoption.
Ont voté pour l’adoption : MM. Brabant, Cools, de Behr, de Brouckere, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Lange, Lejeune, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Seron, Sigart, Simons, Trentesaux, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Wallaert.
Discussion générale
M. le président – La discussion est ouverte sur le projet de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie.
M. le ministre de la guerre (M. Buzen) – Pour ménager les moments de la chambre, j’ai pensé pourvoir me rallier au projet amendé par la section centrale, et assurer, avec les crédits à accorder, le service jusque dans le courant du mois de novembre, parce qu’il me sera, au besoin, possible de rejeter quelques dépenses de ce mois sur le mois suivant.
J’ai toutefois une réserve à faire contre quelques opinions émises par l’honorable M. de Brouckere dans le rapport qu’il vous a fait hier.
Je me suis engagé, il est vrai, à opérer toutes les réductions conciliables avec le bien du service et l’intérêt de l’armée, et dont quelques-unes avaient été consenties par mon prédécesseur.
Je m’y engage de nouveau ; mais il y a loin de là à une conviction que dix douzièmes pourraient suffire jusqu’à la fin de novembre, ou que onze douzièmes suffiraient aux besoins de l’exercice entier.
Cela pourrait être vrai, qu’il ne me serait pas possible d’en prendre l’engagement.
M. Peeters – Dans un moment où l’on paraît vouloir voter un crédit provisoire pour un terme assez long, je crois de mon devoir d’adresser quelques observations sur l’armée à M. le ministre de la guerre. Vous savez tous, messieurs, et comme habitant d’un pays où il y a eu continuellement des logements militaires, j’ai pu en juger par moi-même, qu’il y a eu des abus graves dans l’armée depuis la révolution surtout, dans les cantonnements pour les distributions de vivres l’on transigeait souvent avec l’entrepreneur, le soldat ne recevait que la moitié de ce qu’il aurait dû recevoir, les paysans ou les habitants de la campagne étaient obligés de suppléer ce qui manquaient s’ils voulaient éviter des disputes avec les soldats qui, d’ailleurs, n’en étaient pas coupables et ne pouvaient se passer de manger.
Très souvent, l’entrepreneur des fourrages restait en défaut dans les cantonnements ; les administrations communales étaient obligées de fournir pour lui.
L’entrepreneur ne payait ordinairement aux communes que les trois quarts de ce qu’il recevait du gouvernement ; les communes qui ne voulaient pas se contenter de ce payement, on leur cherchait chicane. Je connais des communes qui ne sont pas encore payées pour des fourrages livrés de cette manière en 1831.
Pour prévenir, à l’avenir, de pareils abus, le gouvernement devrait, suivant moi, organiser une administration pour les distributions de vivres de l’armée, composée d’hommes probes, capables, bien payés et responsables de leurs actes.
Une administration pareille, bien organisée, pourrait rendre de grands services au pays ; elle pourrait, lorsque les grains sont à bon marché, créer des greniers d’abondance qui seraient fort utiles au pays, soit en temps de guerre, soit à des époques où le prix des céréales serait trop élevé ; et l’on ne serait pas toujours à la merci d’un entrepreneur, qui souvent offre peu de garantie ; il s’enrichit en peu de temps, si le prix des vivres diminue après l’adjudication, et il resterait en défaut, s’il y avait une grande augmentation. D’ailleurs, en cas de guerre, les entrepreneurs doivent être informés d’avance des mouvements de l’armée, ce qui me paraît aussi un grand inconvénient.
L’année passée, j’ai eu l’honneur de vous parler des abus qui se commettaient dans les adjudications au camp de Beverloo. J’ai vu avec plaisir que le ministre de la guerre, qui vient de se retirer, y avait remédier beaucoup ; cependant, tout n’étant pas fait encore, je recommande cet objet à l’attention du nouveau ministre.
J’ai vu avec regret que, dans les cahier des charges pour les adjudications de constructions de fortifications de Diest et autres, on stipule ordinairement que l’on doit employer exclusivement du bois du Nord ; je ne sais pas pourquoi on veut exclure le bois du pays, surtout lorsqu’on en trouve qui a la dimension nécessaire, et qu’il est d’ailleurs prouvé qu’il est préférable pour certaines constructions.
Il est généralement reconnu que le bois de sapin, employé sous terre, est impérissable, surtout lorsqu’on peut l’enterrer tout vert.
Le bois que le cahier des charges impose, ne peut avoir cette qualité, il est tout à fait sec avant d’arriver dans le pays.
J’ai été à Diest il y a quelques jours, j’y ai vu, pour être employés aux fortifications, des sapins blancs du Nord, tout à fait séchés, et que, pour mon propre usage, je n’aurais voulu pour rien, surtout en devant l’employer sous terre.
Si mes renseignements sont exacts, il paraît, que depuis que la société sur les remplacements existe, beaucoup de remplaçants agréés par les conseils de milice, sont renvoyés des corps en y arrivant et qu’on oblige ainsi le remplacé à venir prendre un remplaçant à la société, à raison de quinze cents ou deux mille francs.
Je pense qu’une société de remplacement pourrait être fort utile au pays, si le gouvernement lui-même voulait s’en charger. Cette société devrait avoir un but moral et non pas être organisée pour gagner de l’argent. On y trouverait le moyen de procurer une gratification au bon soldat qui veut continuer le service, et de remplacer à bon marché ceux qui n’aiment pas le service.
Le gouvernement, vu l’article 15 de la constitution, a trouvé nécessaire d’abolir ce qu’on appelait parades d’églises, pour ne pas forcer le soldat à aller à l’église malgré lui ; je suis fâché de devoir dire qu’on n’est pas si scrupuleux lorsqu’il s’agit de les empêcher.
Les parades et les mouvements militaires paraissent se faire de préférence les dimanches et les jours de fêtes.
L’année passée, toute l’armée belge qui était restée stationnaire dans la Campine, pendant plusieurs mois, a été mise en mouvement précisément le jour de Pâques. Mesure qui a mis dans l’impossibilité de faire leurs devoirs religieux non seulement vingt mille soldats, mais tous les paysans qui devaient les accompagner pour transporter leurs bagages, ainsi que les autorités locales chargées des logements militaires.
Il me paraît que cette manière d’agir n’est pas bien conforme à l’esprit de la constitution ; si, par respect pour les libertés des cultes, on ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni en observer les jours de repos, à plus forte raison, on ne devrait pas en être empêcher.
J’ai l’honneur de recommander ces quelques observations à l’attention sérieuse de M. le ministre de la guerre.
Dans les moments de paix, le gouvernement doit faire disparaître les abus, suite des guerres et des révolutions ; il doit s’organiser fortement et ne rien négliger pour administrer aussi régulièrement et économiquement que possible ; c’est pourquoi je voterai pour la proposition de la section centrale.
M. le général Willmar – Je ne m’attendais pas à ce qu’à propos de la discussion de ce crédit provisoire (quoi moi-même j’eusse l’intention de prendre la parole sur cette demande de crédit), il fût passé une espèce de revue critique de l’administration de la guerre, telle que celle que vient de faire l’honorable M. Peeters. Il a porté ses premières critiques sur ce qui se passe dans les adjudications de vivres. Ce sont choses particulièrement relatives aux cantonnements ; par conséquent, ce sont choses qui ne doivent pas se renouveler. Cela ne peut presque pas avoir d’application pour l’avenir, si ce n’est pour les troupes réunies au camp.
Du reste, je dois déclarer que pendant trois ans et demi que j’ai eu l’honneur de diriger l’administration de la guerre, je n’ai pas été informé d’abus tels que ceux signalés par l’honorable orateur. Si quelques cas ont été signalés, ils ont été en infiniment petit nombre. Ceci répond, à mon avis, à cette proposition d’organiser un service de vivres.
Au reste, je dois rappeler à la chambre que, pour la partie la plus importante, ce service existe. Le pain de la troupe lui est donné par les boulangeries militaires, qui constituent une régie, une véritable administration de cette partie la plus importante de l’alimentation de l’armée. J’ai le droit de dire qu’en général tout le pain qui provient des boulangeries militaires est de qualité supérieure et n’a donné lieu à aucune plainte de la part de la troupe.
Les adjudications ont longtemps contenu des stipulations en faveur des matériaux étrangers, lorsque les matériaux étaient reconnus d’une qualité supérieure à celle des matériaux indigènes. Cependant déjà cette clause a été retranchée ; et dans ce moment même, il existe une commission mixte, établie par les deux ministères des travaux publics et de la guerre, chargées de rechercher s’il serait possible d’exclure l’emploi des matériaux étrangers.
L’honorable orateur a fait une critique de la société qui s’est organisée, il y a 4 ans, et que j’ai trouvée organisée, en prenant l’administration de la guerre, société qui a pour objet le remplacement dans l’armée. Il a émis le vœu que le remplacement fût dirigé de manière à conserver à l’armée les bons sujets. Je dois dire que l’honorable M. Peeters ne connaît en aucune façon l’association, ni l’objet qu’elle s’est proposé, ni les résultats qu’elle a obtenus ; car c’est précisément le but pour lequel cette association a été établie.
Et ce but a été si bien rempli que sur tous les remplaçants fournis par cette société, je pense, il n’y a qu’un très petit nombre de déserteurs ; tandis que sur les remplaçants fournis par les autres moyens, le nombre de déserteurs est infiniment plus considérable ; il est difficile de citer un fait qui prouve mieux la moralité de l’association citée. C’est toujours parmi les sous-officiers qu’elle trouve des remplaçants, et c’est une garantie de plus qu’on a choisi de bons sujets.
Une chose que j’ai été surpris d’entendre, c’est de nouvelles plaintes sur ce que les dimanches seraient encore consacrés à des parades et à des inspections : je pense que si quelques cas semblables peuvent être cités, ils sont extrêmement rares. J’avais ordonné de sévères investigations sur cet objet afin que de pareilles choses ne se renouvellent plus, et que les soldats restent libres le dimanche. Cependant, je ferai observer que les parades les dimanches pourraient être utiles pour exciter la vie militaire, pour donner le goût de l’état militaire ; mais, par respect pour la liberté des cultes, il a été ordonné de ne consacrer aucune partie de la journée du dimanche à des inspections, à des parades.
Quant au fait particulier qu’une partie de l’armée a été mise en mouvement le jour de Pâques, je n’en ai pas été informé ; mais si cela a eu lieu, c’est pas suite de circonstances extraordinaires.
Le rapporteur du projet de loi sur les 14 ou 17 millions pour le département de la guerre a dit que le rapport sur le budget de ce département, pour l’exercice 1840, n’avait pas pu être présenté dans le délai ordinaire par des causes connues de tous ; j’avoue que, pour ma part, je ne connais aucune cause de retard, sinon une indisposition de quelques jours du rapporteur de la section centrale ; il n’y a eu de ma part aucune cause personnelle de retard, et c’est ce que je voulais signaler à la chambre.
Je n’ai pas eu, dès le moment de sa présentation, d’objections à faire contre le projet d’allouer un crédit global pour assurer le service du ministère de la guerre jusqu’à la fin de l’année ; je dois cependant dire que, par des considérations de diverse nature, les unes générales, les autres en quelque sorte personnelles, j’ai vu cette proposition avec une sorte de regret. Je comprends parfaitement bien que le ministre de la guerre n’ait pas pu entrer dans la discussion immédiate du budget présenté, et n’ait pas pu présenter lui-même un budget nouveau ; je conçois surtout ce dernier point ; je conçois aussi le premier, bien que j’eusse été disposé à me faire son second dans la discussion du budget présenté, comme si j’avais dû l’appliquer, ce à quoi je n’étais pas destiné, quand même il aurait été voté.
Quoi qu’il en soit, je regrette que le ministre de la guerre n’ait pas voulu s’engager dans cette discussion ; et je le regrette d’autant plus que les circonstances n’étaient pas mauvaises pour obtenir un budget de la guerre qui aurait été en harmonie avec la dignité du pays ; un budget qui n’aurait pas été normal sans doute, mais dans lequel on aurait posé les principes d’un budget normal. C’est dans ce sens que je regrette que ce budget n’ait pas été voté.
Il y a pour moi un autre motif de regret : c’est que les crédits provisoires prolongeront les incertitudes qui règnent dans les cadres de l’armée, incertitudes qui portent atteinte à l’esprit militaire et à l’énergie active qui en fait la véritable essence.
M. le ministre de la guerre s’est rallié à la proposition de la section centrale, de réduire à dix douzièmes le crédit global ; je comprends cette adhésion, car je ne vois pas bien quelle importance il y aurait d’obtenir onze douzièmes ou dix douzièmes ; quoi qu’il puisse arriver, je suis convaincu que lorsque ce crédit sera expiré, la chambre allouera tout ce qui sera nécessaire pour assurer le service de l’armée jusqu’au premier janvier 1841 ; ceci veut dire qu’il n’y aura pas de budget de 1840 ; qu’il n’y aura pas discussion à fond d’un budget pour cet exercice.
C’est cette conviction où je suis qui m’a déterminé à prendre la parole sur l’objet en délibération et à faire, je le reconnais, une chose un peu insolite en élevant une discussion sur un crédit provisoire ; mais je pense que les considérations que j’ai à exposer encore, justifieront cette exception aux yeux de la chambre.
Puisqu’il n’y aura pas discussion du budget de 1840 je pense qu’il en résulte positivement qu’il n’y aura pas non plus discussion du rapport auquel ce budget de la guerre pour 1840 a donné lieu. Or, ceci m’inspire de véritables regrets, parce que je n’aurais certainement pas accepté ce rapport, ni dans son ensemble, ni dans ses détails : Il aurait été sur tous les articles l’objet de mes réfutations.
Voilà, messieurs, ce que j’avais besoin de dire à la chambre, à l’armée, au pays ; et c’est pour cela que j’ai cru devoir profiter de la dernière occasion où il sera encore question dans la chambre du budget de 1840 pour le dire.
Il y a dans le rapport deux choses : il y a indication d’un projet d’organisation de la force armée en Belgique ; il y a discussion de détail sur les différents articles du budget. Quant à un projet d’organisation générale de la force armée, je trouve parfaitement naturel qu’au moment de faire un budget pour le pied de paix, un budget pour les circonstances nouvelles où le pays se trouve, ce projet d’organisation ait pris place dans le rapport ; mais je ne me serais pas rallié à cette organisation qui, à mon avis, est l’organisation française, sortant d’une espèce de lit de Procuste.
Cette organisation, bien différente de celle que j’avais proposée, a pour base une réduction immédiate et forte des cadres de l’armée et une réduction sur les troupes, résultat de la suppression du fond de réserve et de la suppression des dépôts. Voilà des traits principaux, et voilà les points sur lesquels je n’aurais pu m’entendre avec la section centrale.
Dans les cadres, je n’aurais pu admettre que des réductions progressives, par suite d’extinctions et dans les grades inférieurs.
La réduction des troupes, je l’ai poussée à ses dernières limites. J’ai toujours regardé comme indispensable la conservation de la réserve ; j’y ai introduit moi-même ces économies douloureuses quand elles m’ont semblé équitables ; toutefois, et il m’aurait été impossible d’y rien faire de plus.
Telles sont les grandes considérations qui auraient empêché un accord possible entre le ci-devant ministre de la guerre et la section centrale. Je le répète, les objets traités par elle, pouvaient trouver place dans le rapport, comme ils pourront trouver place dans les archives de la chambre, dans les collections particulières ou dans les bibliothèques.
Mais il y a dans le rapport une autre partie : il y a l’examen détaillé de toutes les parties ou de tous les articles du budget ; il y a des réductions proposées sur tout, indépendamment de celles qui auraient été le résultat du système général de la section centrale s’il eut été adopté.
C’est cette partie du rapport qui m’a fait vivement regretter qu’il n’y ait pas pu y avoir une discussion publique et approfondie du budget de la guerre, à laquelle j’eusse pu prendre part à un titre quelconque.
J’avais aussi des réductions à consentir sur plusieurs articles du budget ; j’en avais même qui ne sont pas indiquées dans le rapport. Ces réductions, je les aurais toujours renfermées dans les limites que je viens de poser, et je ne les aurais consenties ni dans les mêmes proportions où elles sont proposées dans le rapport, ni surtout par les mêmes motifs. Ce que j’aurais voulu, au contraire, ce que je me flattais d’obtenir d’était d’établir le défaut complet de fondement et de justice de cette partie du rapport. J’aurais voulu prouver cette double proposition que les assertions sur lesquelles les projets de réductions étaient fondés, étaient en général inexactes, et que les conclusions tirées de ces assertions étaient également inexactes et illogiques. Voilà, je le répète, ce qu’à propos de chaque article du budget, je m’étais flatté de pouvoir établir, ce dont j’ai cru qu’il m’était permis de protester devant la chambre à l’occasion du projet dont il s’agit.
Du reste, je voterai le projet de la section centrale, puisque M. le ministre de la guerre s’y est rallié.
M. de Brouckere – L’honorable préopinant est assurément dans son droit, et lorsqu’il exprime le regret que son budget n’ait pas pu être discuté cette année et lorsqu’il lance quelques attaques contre le rapport qui a été fait sur ce budget. Quant au regret qu’il exprime de ce que la discussion ne peut pas avoir lieu cette année, nous la partageons tous, car nous comprenons tous parfaitement qu’il eût été plus régulier de discuter le budget que d’accorder des crédits provisoires pour l’année presque entière. Quant au rapport, l’honorable préopinant aurait eu beaucoup de plaisir à prouver combien ce rapport manquait de fondement et de justesse ; mais je suis persuadé que l’auteur du rapport eût eu également beaucoup de plaisir à prouver que son travail ne manquait ni de fondement, ni de justesse ; la chambre et le pays auraient alors jugé qui avait raison ou l’ancien ministre de la guerre ou le rapporteur de la section centrale. Maintenant le procès restera sans décision et chacun pourra s’en former l’opinion qu’il voudra.
J’ai dit dans mon rapport que des circonstances connues de la chambre, et qu’il était inutile de rappeler, avaient empêché la section centrale, chargée de l’examen du budget de la guerre, de terminer ses opérations aussitôt qu’elle l’eût voulu ; je crois en effet que ces circonstances sont connues de tous ; on en trouve une partie dans le rapport qui a été l’objet des attaques un peu aigres de l’honorable préopinant, et lui-même peut s’en rappeler une que j’avais oubliée, c’est que l’honorable rapporteur de la section centrale a été indisposé pendant un temps assez long ; cette seule circonstance a retardé la présentation du rapport de plus de quinze jours.
Je laisserai toutes les autres assertions de l’honorable préopinant sans réponse, ; car si nous commencions la discussion du rapport, autant vaudrait discuter tout de suite le budget lui-même.
M. Desmet – Ce ne serait pas un mal.
M. de Brouckere – J’ai déjà dit, non seulement que ce ne serait pas un mal, mais que ce serait un grand bien, s’il nous était possible de discuter le budget de la guerre immédiatement. Si l’honorable M. Desmet voulait nous indiquer comment nous devons nous y prendre pour obtenir ce résultat, il n’aurait pas seulement mon assentiment, mais mon appui.
M. le ministre de la guerre, au commencement de la discussion, a protesté contre des assertions qu’il croit avoir trouvées dans mon rapport ; j’aurais dit, selon lui, qu’il avait annoncé la conviction de 11/12 du budget suffiraient pour l’exercice entier. Si M. le ministre veut relire mon rapport, il verra qu’il ne referme nullement cette assertion ; j’ai dit seulement que M. le ministre de la guerre a fait entrevoir la possibilité que 11/12 fussent suffisants pour l’exercice, mais je n’ai pas prétendu qu’il eût pris à cet égard aucun engagement ; parce qu’un engagement de cette nature ne s’est effet, par trouvé dans sa bouche. Je le prie de relire mon rapport, il verra que j’ai mis une grande circonspection dans tout ce que j’ai avancé à cet égard ; je me suis borné à dire que M. le ministre avait annoncé des économies, que la section centrale comptait sur ces économies, et j’ai rappelé qu’il avait fait entrevoir la possibilité de pourvoir à tous les besoins de l’exercice au moyen des 11/12 du budget. Or, entre une possibilité et un engagement, il y a une différence énorme.
Je crois que M. le ministre a agi très sagement en se ralliant au projet de la section centrale ; c’est déjà une chose non seulement exceptionnelle, mais exorbitante, d’accorder à un ministre, au lieu d’un budget qui se divise en chapitres et en articles, tous limitatifs, et qu’il ne peut pas dépasser, de lui accorder, au lieu de cela, un crédit global dont il dispose à son gré, sauf sa responsabilité ; c’est là une preuve de confiance dont un ministre doit être flatté et qu’il doit recevoir avec reconnaissance ; mais, comme je l’ai dit, lorsqu’on a recours à des mesures exorbitantes comme celle-là, on ne va pas au-delà de ce que les circonstances réclament impérieusement. Ainsi, du moment où il n’a pas été prouvé à la section centrale, comme cela est prouvé en effet, qu’il suffit d’accorder 10/12 pour que le service ne soit pas entravé, je pense que la section centrale eût manqué à son devoir en proposant un crédit plus élevé. Du reste, il doit être dans l’intention non seulement des membres de la section centrale, mais de tous les membres de la chambre, de compléter, comme l’a dit l’honorable préopinant, ces crédits provisoires, quand le moment en sera venu, de manière que le service de l’armée soit assuré jusqu’au 1er janvier prochain. Quant à discuter plus tard le budget de 1840, il ne peut pas en être question, car il serait vraiment absurde de discuter le budget d’un exercice écoulé.
M. Peeters – Je déclare qu’il n’y a rien de personnel dans ce que je viens de dire à la chambre sur le service des vivres pour l’honorable général Willmar ; les abus dont j’ai parlé, ainsi que j’ai eu le soin de le dire, ont eu lieu en 1831 et en 1832, et alors certainement il n’était pas ministre.
J’ai adressé ces observations pour l’avenir et non pour incriminer l’ancien ministre qui, ainsi qu’il l’a fort bien dit, a beaucoup amélioré ce service.
Pour ce qui regarde la société de remplacement, j’ai parlé d’après des renseignements que je croyais exacts ; tant mieux pour le pays s’ils ne le sont pas.
J’ai appris également avec plaisir de M. le général Willmar qu’à l’avenir on emploiera le bois du pays de préférence.
M. Pirson – Puisque nous ne discutons pas le budget de la guerre, et que dès los la chambre ne peut pas voter d’économie, c’est à M. le ministre d’opérer lui-même toutes les économies qu’il sera possible de faire. Je ne veux pas, sous ce rapport, accorder à M. le ministre de la guerre moins de confiance que la section centrale, et je pense comme elle que nous devons nous en rapporter à sa bonne volonté, à son zèle. Mais je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il a des moyens égaux, d’être bien juste et d’appliquer surtout des principes d’égalité légale dans toutes les circonstances où il croira devoir faire des économies. Un moyen de faire des économies, c’est de supprimer beaucoup d’emplois, et le prédécesseur du ministre actuel était déjà entré dans cette voie. Je n’en fait pas un grief à l’honorable général Willmar ; Je reconnais au contraire qu’il a suivi exactement la ligne légale ; mais je demande si les officiers d’un grade inférieur que l’on met en non-activité, et qui n’ont que la demi-solde d’infanterie, si ces officiers auront de quoi vivre. Quant aux officiers d’un grade supérieur, ils ont un traitement tel qu’ils pourraient fort bien se contenter de la demi-solde ; mais ce sont précisément ceux-là qui reçoivent les deux tiers de leur solde lorsqu’ils sont mis en disponibilité, tandis que les malheureux officiers d’un grade inférieur sont mis en non-activité avec la moitié seulement de leur solde. Je crois donc que, dans les circonstances actuelles, alors qu’il est question de faire passer l’armée sur le pied de paix il y aurait une mesure légale à prendre, puisque le ministère ne peut pas s’écarter de la proportion que la loi établit entre les diverses catégories d’officiers. Il faudrait au moins que les officiers dont l’emploi est supprimé eussent de 2/3 de leur solde, et surtout qu’on ne leur appliquât pas cette dénomination de non activité à laquelle le précédent ministre de la guerre a attaché en quelque sorte une flétrissure. Je ne parlerai pas de l’individu qui a été l’occasion d’une discussion irritante dans la chambre et dans le pays, mais, dans cette discussion, et pour diminuer le blâme que tout le monde faisait peser sur la mesure dont il s’agissait, on vous a dit que la position de non-activité était toujours considérée en quelque sorte comme une punition. Eh bien, messieurs, les malheureux officiers dont l’emploi a été supprimé seront mis en non-activité, et il n’en est pas un qui ne pleure non pas la perte de son traitement, mais la position qu’on lui aura faite. Cependant, si l’on supprimait l’emploi de ces officiers, ce n’est pas leur faute, ils se sont montrés patriotes, ils ont voulu défendre la partie ; aujourd’hui, la patrie n’a plus besoin de leurs services ; mais si vous ne les payez pas de manière qu’ils puissent vivre, au moins ne les mettez pas dans une position à laquelle on a attaché une espèce de flétrissure. Il faut donc, me semble-t-il, que M. le ministre de la guerre, fasse une proposition à la chambre pour changer la dénomination de la position qui sera donnée aux officiers dont on supprimera l’emploi, et pour leur donner, dans les grades inférieurs, un traitement plus élevé que celui de la non-activité d’infanterie ; car vous conviendrez que cela est insuffisant, non pas seulement pour la plupart d’entre eux, mais pour tous.
Je prierai donc M. le ministre de la guerre d’examiner par quels moyens il pourrait changer cet état de choses. Il devra naturellement prononcer bientôt la suppression d’un grand nombre d’emplois. Il ne faut pas que dans cette circonstance la nation soit injuste envers les hommes qui se sont voués à la défense du pays, il ne faut pas non plus qu’il y ait une disproportion si grande entre la suppression d’emplois d’officiers de haut grade et la suppression d’emplois d’officiers d’un grade inférieur : on donne les deux tiers à ceux qui sont riches, et l’on ne donne que la moitié à ceux qui sont pauvres.
J’ai signalé antérieurement une irrégularité qui me semblait exister dans la position des garnisons. Il est arrivé souvent, par exemple, que deux compagnies, en garnison à Dinant, devaient correspondre avec la masse du régiment qui était à Bruges ou à Nieuport, de manière qu’un seul régiment était pour ainsi dire dispersé dans la Belgique tout entière. Il me semble que pour donner aux compagnies d’un même régiment le moyen de correspondre avec facilité, il faudrait au moins les agglomérer dans la même province.
M. le ministre de la guerre (M. Buzen) – Messieurs, l’honorable M. Pirson demande s’il est entendu que M. le ministre de la guerre n’aura recours qu’aux moyens légaux pour réaliser des économies ; messieurs, on ne peut pas supposer que les ministre emploiera d’autres moyens ; si les lois ne l’autorisent pas à faire ces économies, certainement il ne les fera pas.
Pour ce qui est d’accorder aux officiers en non activité, les deux tiers de la solde, cela ne pourrait se faire qu’en vertu d’une disposition législative.
En ce qui concerne les officiers qui ont été mis en non-activité, je pense que jusqu’à présent peu ou point n’ont été placés dans cette position, que sur leur demande. Ces officiers n’ont donc pas à se plaindre.
M. Brabant – Messieurs, ce n’est pas aujourd’hui pour la première fois que la lenteur apportée à la présentation des rapports, a été, je ne dirai pas attaquée, mais signalée à la chambre.
Je dois quelques explications sur les causes de ce retard.
Nommé rapporteur à la fin du mois de décembre, je n’ai voulu commencer à m’occuper du travail que quand la section centrale aurait pris des résolution sur la majorité des articles du budget. Or, ce n’est qu’après les vacances que la chambre s’est données, à l’occasion des fêtes de Noël et du nouvel an, que la section centrale a repris son travail, ou plutôt a commencé véritablement son travail ; car avant cette époque, nous avons dû nous occuper du dépouillement des renseignements qui nous avaient été transmis par M. le ministre de la guerre d’alors ; et même plusieurs renseignements ne nous sont venus qu’après les vacances.
J’ai été ensuite indisposé ; mais aussitôt que la section centrale a arrêté ses résolutions, je me suis mis à l’ouvrage, et le rapport ne tarda pas plus de 15 jours. Je sais très bien qu’il y en a d’autres qui ont le travail beaucoup plus facile et qui n’auraient pas dû consacrer un temps aussi considérable à une œuvre qui ne mérite pas de rester dans les bibliothèques ; elle restera il est vrai, dans les archives de la chambre ; mais quant à la partie de ce rapport, dont je suis l’auteur, il m’importe fort peu qu’elle figure dans les bibliothèques.
Cependant, après avoir critiqué le long temps qu’on avait mis à la rédaction du rapport, on a demandé successivement deux délais pour l’examiner, et si je ne me trompe, c’est seulement le 12 mars que la discussion a commencé. Voilà pour le retard qu’a éprouvé le rapport.
Quant à l’organisation qui a été proposée, je n’ai pas à la défendre, puisqu’elle n’est pas en discussion ; si elle l’était, je la défendrais, encore même que ce ne soit pas mon œuvre spontanée, car les membres de la section centrale m’ont autorisé à mettre même dans le rapport que la plupart du temps ce n’était que subsidiairement que j’avais conclu, comme le fait le rapport.
Plusieurs assertions auraient été hasardées dans ce rapport, plusieurs économies de détail porteraient à faux, et les déductions ne seraient pas logiques.
L’accusation est générale. J’aurais voulu qu’on entrât dans quelques détails, si on tenait à justifier les propositions qui avaient été portées au budget.
Pour ma part, et quoique je ne m’attendisse pas à une semblable discussion, je crois que mes souvenirs pourront suppléer au défaut de document. Il existe notamment des pièces qui, sur la demande de M. le ministre de la guerre, lui ont été remises, à la condition qu’il voulût bien me les communiquer au moins la veille du jour où la discussion s’engagerait sur ce point.
Messieurs, je sais bien qu’il y a quelque chose de fâcheux dans ce que nous ne discutons pas maintenant le budget de la guerre pour 1840. Beaucoup de positions sont dans l’incertitude, cette incertitude jette l’alarme dans les esprits, et bien certainement elle peut nuire à l’esprit militaire. Mais, messieurs, était-il possible dans une année où l’on passait d’un pied de guerre exagéré au pied de paix, était-il possible de maintenir toutes les existences que la révolution a créées ? Ne devait-on pas profiter du droit que la loi sur la position des officiers donne au gouvernement pour soulager la nation ? Et même ne devait-on pas, si les positions n’étaient pas assez favorables, chercher le moyen de soulager le budget, sans cependant froisser les intérêts de ceux qui se trouvaient en cause ?
Je tiens à justifier particulièrement cette assertion qu’il y avait exagération surtout dans le nombre d’officiers créés successivement. Au reste, je dois dire que je n’entends pas attaquer le précédent ministre de la guerre ; les nominations qu’il a faites, à l’exception de celles qui ont eu lieu au mois de janvier 1839, n’ont pas été trop nombreuses.
Mais il résulte du budget qui nous a été présenté que le nombre des officiers portés en solde, s’élevait à 2,999, tandis qu’en 1830, et immédiatement avant la révolution, tout le royaume des Pays-Bas n’en avait que 2,377 ; de manière que nous avions 500 officiers de plus que tout le royaume des Pays-Bas, dont la Belgique ne formait que les 3/5.
Quant aux moyens propres à soulager le budget de cette exubérance de plans, la section centrale indiquait l’emploi de ceux qui avaient été en usage à une époque de paix par d’autres nations ; elle avait reconnu que la nation qui s’était conduite avec le plus de générosité vis-à-vis de ses soldats, c’était l’Angleterre ; elle n’aurait pas voulu qu’on eût recours aux moyens dont s’était servi en France, à une époque de réaction, une dynastie que les événements avaient rétablie.
Il ne s’agit pas de discuter maintenant les moyens qu’on a employés alors : mais tous les écrivains militaires que j’ai lus s’applaudissent de la générosité de mesures qui furent adoptées à cette époque par la nation anglaise. Si l’on avait recours à de pareils moyens en Belgique, je suis persuadé qu’ils obtiendraient l’assentiment de ceux mêmes auxquels on les appliquerait, et que le trésor en obtiendrait un soulagement considérable.
Voilà les seules observations que j’ai à présenter pour le moment. Si l’on entrait dans les détails du rapport, je suis prêt à soutenir la discussion.
M. d’Huart – Messieurs, l’honorable M. Willmar regrette beaucoup qu’il n’y ait pas actuellement une discussion détaillée sur les différents articles du budget de la guerre qu’il avait présenté pour l’année 1840 ; il le regrette d’autant plus que le système des crédits provisoires lui fait prévoir que le budget de la guerre de cette année ne sera pas discuté et qu’on se bornera à compléter, vers la fin de 1840, par un nouveau crédit, l’insuffisance des allocations antérieures.
Je pense, messieurs, que l’honorable membre se trompe, et qu’il sera très convenable de discuter plus tard le budget détaillé de la guerre pour l’année 1840. lorsque le ministre viendra demander un crédit complémentaire, il sera indispensable qu’il fasse connaître les dépenses opérées et la répartition qu’il en aura faite entre les divers services auxquels aura pourvu le crédit global précédemment alloué.
Je dis donc que l’honorable M. Willmar est, selon moi, dans l’erreur, lorsqu’il croit qu’il n’y aura pas de discussion du budget et ainsi il trouvera l’occasion de présenter ses objections et contre le rapport de la section centrale et contre les propositions quelconques qui pourraient être faites en opposition à ses vues actuelles.
C’est principalement pour vous soumettre la remarque qui précède que j’ai demandé la parole, parce que je ne voudrais pas que des discours prononcés par deux ou trois personnes on puisse venir nous opposer plus tard une fin de non-recevoir sur la discussion d’un budget détaillé ; je crois cette discussion indispensable et pour nous rendre compte de notre position, et pour le ministre de la guerre lui-même. En effet, au moyen de cette discussion détaillée, le ministre aura une direction certaine, et il aura, d’ailleurs, six mois de temps pour examiner et répartir les allocations nécessaires aux différents services, en sorte que nous pourrons ensuite commencer la discussion du budget de 1841 avec connaissance de cause, parce que nous ne nous serons point bornés, au début de la prochaine session, à allouer sans examen détaillé, le complément des crédit qui sera alors demandé.
Quoi qu’il en soit, messieurs, il me paraît résulter de ce qui s’est passé à l’égard du budget de la guerre un fait certain ; il y aura économie sur les sommes primitivement demandées par le département de la guerre pour 1840. l’ancien ministre nous dit qu’il aurait proposé lui-même des réductions dans la discussion, réductions au nombre desquelles il s’en serait même trouvé de non prévues par la section centrale. Nous devons applaudir à cette expectative, car il importe que des économies soient opérées, et surtout, autant que possible, là où les sommes sont de grande importance, comme pour le budget du département de la guerre, par exemple, qui absorbe à lui seul plus du tiers de nos ressources. Il importe, dis-je, d’abaisser ce budget au taux le plus bas possible, compatible avec la sûreté intérieure du pays et avec les charges qui pèsent sur les contribuables.
M. Desmet – J’aurais mieux aimé discuter le budget de la guerre que de donner au gouvernement 27 millions de confiance, parce que, je le répète, je pense que vous ne discuterez pas le budget de 1840. Je partage l’opinion de M. Willmar, qu’on viendra au mois de novembre prochain vous demander un crédit complémentaire. Ce que dit M. d’Huart qu’on pourra alors facilement discuter le budget, je ne le comprends pas, car vous aurez déjà dépenser dix douzièmes. C’est demander le médecin quand le malade est mort. Ce serait une chose inouïe dans les fastes parlementaires que de voter, en 1841, le budget de 1840. Ne vous y trompez pas, la discussion ne pourrait pas avoir lieu avant 1841. La chambre se réunira le 10 novembre ; avant qu’elle soit constituée et que les rapports soient prêts, on atteindra la fin de l’année.
Le pays trouvera étrange que vous votiez 30 millions sans examen, surtout quand on vous demande d’autoriser un emprunt de 90 millions et qu’on vous annonce qu’on vous demandera une autre somme pour les indemnités.
Quand la paix est faite, on doit faire des économies sur les dépenses de guerre.
Il est impossible de donner un vote de confiance dans l’état actuel des choses. Je m’abstiendra.
M. Mast de Vries – Je voterai la proposition de la section centrale, non pas que je veuille accepter toutes les dépenses qui seront faites, c’est-à-dire que je ne veux pas que ce soit un précédent pour M. le ministre de la guerre, je donne un vote de confiance malgré moi, parce que je vois la position où se trouve le ministre de la guerre et que je suis persuadé qu’il fera tout ce qui dépendra de lui pour justifier la confiance de la chambre. J’ai voté le rapport de la section centrale quoiqu’il soit fortement critiqué. Je pense qu’il contient du bon et du très bon. Le ministre peut en faire son profit, et quand il présentera un budget normal ; je suis persuadé qu’il y introduira beaucoup de choses qui se trouvent dans ce rapport.
J’ai pris la parole pour signaler une économie dont il n’est pas question dans le rapport de M. Brabant et qui trouve sa place ici, parce qu’elle pourra se faire de suite ; je veux parler de l’entreprise des corps de garde. Cette entreprise monte à 100 mille francs, et un seul entrepreneur traite pour toutes les provinces. Je ne sais pourquoi ce mode est suivi. Il y aurait une grande économie si on laissait traiter pour ces entreprises, dans les localités où il y a des commandants de place. C’est ce qui se fait pour les hôpitaux sédentaires, on traite pour le chauffage dans les localités où ils se trouvent. On aurait cent personnes qui pourraient se charger des parties de l’entreprise, et qui ne pourrait pas la prendre en entier. Celui qui obtient l’entreprise en masse doit sous-traiter dans toute la Belgique ; il est évident qu’il doit faire des bénéfices, sans cela il ne se présenterait pas. Ces bénéfices, l’Etat les ferait s’il laissait traiter dans les villes où il y a des commandants de place qui pourraient en être chargés, car ils n’ont rien de bien sérieux à faire.
Pour le temps de guerre, on pourrait faire une objection, c’est que les corps de garde sont aujourd’hui dans une localité et demain dans une autre. Mais cela ne fait rien. En 1837 et 1838 cela a eu lieu, mais alors ce sont les communes qui doivent fournir les corps de garde.
Je parle des entreprises de corps de garde, parce que je les ai vues affectées et qu’elles doivent être adjugées pour le 1er juillet. J’engage M. le ministre à prendre mes observations en considération et à adjuger les entreprises de corps de garde dans les localités où il doit y en avoir. Il obtiendra une grande économie.
Je ne m’occuperai pas des autres parties du budget de la guerre, elle sont hors de causes, nous donnons un crédit de confiance et je suis persuadé que M. . le ministre répondra à la confiance de la chambre.
Je ne partage pas l’opinion qu’il n’y aura pas de discussion du budget de 1840. Quand j’ai voté pour le projet dans la section centrale, je l’ai fait dans la pensée qu’il y aurait une discussion du budget de la guerre et que cette discussion serait un fil pour nous conduire au budget de 1841. Si j’avais la certitude que le budget de 1840 ne serait pas voté, ce serait un motif pour moi de refuser le crédit demandé.
M. F. de Mérode – Je préfère les économies que peut obtenir spontanément et en connaissance M. le ministre de la guerre aux réductions qui lui seraient imposées par les chambres. Je voterai donc volontiers le chiffre global qui laissera au ministre, cette année, les moyens de combiner d’une manière pratique les éléments d’un budget normal sur pied de paix. Je désire qu’il n’affaiblisse pas trop l’effectif des régiments et qu’il conserve aux officiers la position que méritent leurs services. Je ne veux pas qu’après avoir beaucoup promis à l’armée au moment du péril, on l’annule en quelque sorte lorsque son existence ne semble plus aussi importante. A mes yeux, sans organisation militaire bien entendue et permanente, il n’y a point de solide nationalité. Avec l’industrie exclusive, on peut transformer un pays en vaste atelier, on peut enrichir beaucoup de spéculateurs, on ne crée et surtout on ne maintient pas une nation, les libertés publiques mêmes deviennent, si des forces suffisantes ne les protègent point, la proie de l’esprit de faction toujours prêt à violer les lois ; ce sont les Belges, réunis autour du drapeau national, qui ont conservé au pays sa sécurité intérieure et extérieure, gardons-nous de l'oublier.
Aussi, messieurs, les enfants de famille que la loi de milice enlève à leurs parents doivent être traités avec une sollicitude très particulière. Ce n’est pas sans un vif regret que je vois encore beaucoup de casernes dépourvues de lits de fer où les soldats couchent seuls. Aussi, loin de me plaindre du marché de la compagnie Legrand, je féliciterai toujours l’ancien ministre, l’honorable général Evain, de s’être exposé à une lutte pénible et réitérée pour procurer au moins à vingt mille de nos soldats un couchage convenable. Il est triste de savoir que plusieurs mille hommes sont encore obligés de prendre leur repos sur de mauvais lits à deux places fournis par les régences. Cela est inconvenant dans un pays où l’on ne craint pas de dépenser à la hâte et sans ménagement pour le trésor public cent millions en chemins de fer, placés pour la plupart à côté de routes pavées, de canaux ou de rivières navigables.
Ce que je dis, messieurs, n’est pas dirigé contre le ministère actuel ; car je parle un langage qui n’a pas varié. Je dirai aussi que les hôpitaux livrés au service d’infirmiers mercenaires n’offrent pas aux militaires malades la garantie de soins charitables et assidus. Quelques hôpitaux de l’armée sont desservis par des sœurs. J’engage instamment M. le ministre de la guerre à étendre ce bienfait à tous les hôpitaux. Je sais par un témoin oculaire qu’il arrive qu’une mort prochaine est brutalement et inhumainement annoncée à un pauvre soldat malade par tel infirmier, qui ne voit dans ses fonctions que le salaire qu’il en retire. Souvent, en outre, les médicaments et les vivres sont soustraits aux besoins de ceux auxquels ils sont destinés.
Tout cela, messieurs, est contraire à l’ordre moral trop souvent oublié au milieu des préoccupations que fait naître l’ardeur excessive d’améliorations matérielles d’un nature peu productive pour ceux qui souffrent, mais qui se présentent avec la réalité ou l’apparence de grands profits pour ceux qui veulent conquérir une fortune rapide et qui savent attirer l’attention du gouvernement mieux que l’obscur serviteur de l’Etat. Nos casernes sont en général mauvaises. Ce sont pour la plupart de vieux couvents ouverts mal appropriés à l’usage qu’on leur donne maintenant.
Je me permettrai donc d’inviter M. le ministre de la guerre à visiter beaucoup et à voir de ses propres yeux les bâtiments destinés aux troupes. Les frais de tournées employés dans ce but auront toujours mon assentiment, et je souhaite que les intérêts essentiels du soldat passent avant toute considération d’économie générale ou locale.
Quant à l’instruction de l’armée, il est évident que la suppression du camp de Beverloo lui serait fatale. Bien des personnes sont portées à s’extasier devant une troupe bien armée, bien habillée, qui brille par sa tenue et connaît le maniement des armes, tel qu’il suffit sur une place publique. Mais rien n’est plus illusoire que toutes ces apparence, si on n’y joint pas la connaissance des grandes manœuvres. Or, c’est au camp seulement qu’on se forme à cet égard, du moins c’est ce que j’ai entendu dire à tous les chefs de corps animés de l’amour sincère du métier auquel ils se dévouent.
N’oublions pas l’axiome : Si vis pacem para bellum. Malheur, tôt ou tard, au peuple qui met de l’insouciance à préparer ses moyens de résistance à l’invasion étrangère. Rien, néanmoins, n’est plus entraînant que le sommeil sur le lit de repos que procure la paix. Endormi dans une fausse sécurité, on se réveille saisi par des puissances actives, et la Belgique a déjà perdu trop de provinces, pour risquer d’en perdre encore par sa faute. L’instruction des hommes de guerre est un des premiers éléments de la défense nationale. Souvenez-vous que si vous apparteniez à la Prusse, à la Hollande ou à la France, vous seriez forcés de payer une large part dans un budget militaire. Ce que vous subiriez pour d’autres, sachez le supporter pour votre nationalité propre ; pour une nationalité qui, cette fois, n’est pas le résultat de la conquête. J’invite M. le ministre de la guerre à n’opérer des réductions qu’après une sage prévoyance.
M. d’Huart – L’honorable M. Desmet dit qu’il s’abstiendra de voter le crédit provisoire, parce qu’il voudrait qu’on abordât immédiatement la discussion des détails du budget de la guerre. Il y a cependant nécessité de voter ce crédit puisque l’impossibilité où est placée la chambre d’aborder cette discussion est démontrée. Il ne faut pas se dissimuler que nous sommes en présence de la nécessité de donner au gouvernement les moyens de pourvoir aux besoins de l’armée par l’effet d’un vote de confiance ; quand à moi je suis prêt à l’accorder et je suis persuadé que M. le ministre de la guerre justifiera pleinement cette confiance.
On a prétendu qu’il serait impossible de discuter le budget de la guerre pour 1840 à la rentrée des chambres ; il y aura, dit-on, dix mois d’écoulés, comment voulez-vous voter un budget dont les 5/6 auront été dépensés ? Voici comment j’entends la chose ; le ministre, en demandant le complément de crédits, indiquera les dépenses faites sur chacun des articles établis en projets, qui compose le budget de la guerre, et la chambre ajoutera le complément reconnu nécessaire aux sommes dépensées pour le restant de l’exercice, de façon que les crédits globaux votés et celui subséquent seront répartis et subdivisés par la loi selon les différents chapitres et articles auxquels ils auront été ou seront appliqués. Voilà comment je comprends le vote d’un tel budget ; je ne veux donc pas remettre en question les dépenses faites par le département de la guerre, ni voter plus tard un crédit global.
Je persiste d’ailleurs à penser qu’il est dans l’intérêt du gouvernement et du ministre de la guerre en particulier, de procéder de cette manière.
L’honorable préopinant a parlé de la bienveillance qu’il faut continuer à porter aux officiers de l’armée ; il veut, dit-il, prémunir le ministre de la guerre contre les injustices qu’on pourrait commettre à leur égard en opérant des économies. Eh bien ! il n’est entré dans l’intention d’aucun membre de la chambre, de nuire à la position des officiers de l’armée ; le rapporteur de la section centrale vous a déjà laissé entrevoir que la mesure qui diminuerait le nombre des officiers serait, si elle était adoptée comme il la conçoit, une véritable faveur qu’on leur accorderait et non un préjudice. En effet, si on procédait à cet égard comme cela s’est pratiqué en Angleterre, beaucoup d’officiers s’empresseraient à demander eux-mêmes à être compris dans la suppression, pour profiter des conditions qui y seraient attachées.
Je suis loin de dire que le moyen indiqué par la section centrale est celui qu’il faut adopter. Peut-être trouvera-t-on qu’il vaut mieux maintenir les cadres actuellement organisés, de manière à pouvoir mettre sur pied en cas de besoin une force plus imposante ; pour mon compte, j’attendrai des lumières de la discussion à cet égard. Toujours est-il que la section centrale, en demandant des économies sur le budget de la guerre, a, selon moi, compris les véritables intérêts du pays, et s’il faut laisser les cadre de l’armée intacts, n’avons-nous pas dans ce budget autre chose que le personnel des officiers ? n’avons-nous pas du matériel, des frais d’administration, de casernement, le nombre des soldats ? Toutes ces dépenses s’élèvent à des sommes considérables ; et ne sera-t-il point possible d’opérer sur ces chapitres des réductions qui seront conformes à l’intérêt du pays ?
Ainsi, qu’on ne vienne pas s’appuyer contre nous de l’intérêt qu’il faut porter aux officiers. Nous portons tous aux officiers autant d’intérêt que l’honorable préopinant, mais cet intérêt ne s’isole point de celui qui doit s’attacher à la nation entière, c’est de cette manière générale que le législateur doit envisager ces questions.
Je dis qu’il importe de faire des économies dans les dépenses du département de la guerre, mais comme vous tous, je ne demande point des économies désorganisatrices ; j’attendrai, pour me prononcer sur leur importance, que la discussion ait démontré les moyens convenables de les opérer dans le sens que je viens d’indiquer.
M. de Brouckere, rapporteur – J’avais demandé la parole pour dire quelques mots relativement à la question qui a été la plus agitée, celle de savoir s’il y aura ou s’il n’y aura pas de discussion pour le budget de 1840. D’un côté, on dit que cette discussion est impossible ; d’un autre côté, on fait de cette discussion en quelque sorte la condition sine qua non de l’assentiment à la demande de crédit. Je crois qu’au fond nous sommes tous d’accord. Sans doute une discussion détaillée, approfondie, du budget de la guerre au moins de décembre, non seulement serait chose impossible, mais encore ce serait absurde. Mais s’ensuit-il que nous donnions tous ces fonds au ministre de la guerre sans lui demander de comptes et sans aucun examen ? Non sans doute. Voici comment les choses se passeront ; je ne crois pas qu’elles puissent se passer autrement.
Nous accordons à M. le ministre de la guerre les dix douzièmes de son budget ; il faudra au mois de novembre qu’il demande le complément qui lui sera nécessaire. Ce sera alors pour la chambre le moment, je ne dirai pas d’exiger, car je suis sûr que M. le ministre de la guerre ira au devant de ses vœux, mais enfin d’examiner le compte de l’emploi des fonds que nous votons.
Nous aurons une autre manière de contrôler l’emploi du crédit que nous allons voter, ce sera en comparant l’emploi de ce crédit avec le budget de 1841 qui, je l’espère, sera présenté en même temps que la demande de crédit pour la fin de l’exercice de 1840.
Je pense, d’après cela, qu’il n’est personne qui n’ait tous ses apaisements pour voter le crédit demandé.
M. F. de Mérode – Je n’ai pas attaqué la section centrale, j’ai réclamé seulement pour les soldats, les casernes et le couchage isolé ; j’ai demandé le maintien du camp de Beverloo, nécessaire pour l’instruction des officiers et surtout des supérieurs.
Je n’ai aucunement attaqué ni l’honorable M. d’Huart, ni aucun membre de la section centrale. Certainement, il est inconvenant et immoral de laisser les soldats coucher deux ensemble. Ce mode de couchage a été supprimé en France. J’ai visité dans ce pays plusieurs casernes ; j’ai vu qu’elles étaient très bien fournies et que chaque soldat couchait seul. S’il en est ainsi dans un pays qui a tant de charges que la France, à plus forte raison, en doit en être de même en Belgique.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Les regrets qui ont été exprimés sur l’impossibilité où se trouve la chambre d’aborder la discussion détaillée du budget, ces regrets sont partagés par le ministère.
Nous reconnaissons que les chambres et le gouvernement doivent s’imposer la loi de procéder avec une rigoureuse régularité à l’examen de toutes les questions financières et notamment des budgets qui les résument presque toutes. Mais cette régularité, il ne nous a as été donné de nous en prévaloir. Nous espérons que l’année prochaine une discussion plus approfondie viendra dédommager la chambre et le pays de ce que la discussion du budget de la guerre laissera à désirer pour cette année. Aujourd’hui nous ne pouvons que remercier la section centrale de la confiance illimitée qu’elle accorde à l’un de nos collègues. Nous ne méconnaissons pas ce qu’il y a d’extraordinaires à accorder à un ministre l’autorisation de dépenser, globalement, sans division aucune, jusqu’à concurrence de 27 millions. Mais plus cette confiance est illimitée, et plus le ministère fera ses efforts pour la justifier, pour n’en user qu’avec la circonspection nécessaire et de manière à concilier les intérêts du trésor avec les intérêts de l’armée.
Quant à nous, nous aurions préféré une confiance raisonnée à la confiance en quelque sorte forcée que la section centrale nous accorde ; et cette confiance raisonnée, nous osons l’espérer pour le vote du prochain budget.
On a parlé de la nécessité d’introduire des économies dans le budget de la guerre. Cette nécessité est reconnue par tout le monde, mais à certains points de vue et dans certaines limites. Nous croyons que le gouvernement doit introduire dans le budget de la guerre toutes les économies raisonnables, c’est-à-dire toutes les économies conciliables non pas seulement avec les intérêts du fisc, mais avec les intérêts de l’armée.
Plus l’armée coûte au pays, plus le gouvernement, plus les chambres doivent être attentives à ce qu’un instrument aussi coûteux conserve toute son utilité, tous ses ressorts ; plus le gouvernement doit veiller au maintien de cette institution si précieuse, sans laquelle il n’y a pas de vigueur dans les mœurs publiques, pas de véritable nationalité. Ainsi étant d’accord en cela avec un honorable préopinant, le ministère fera toujours tous ses efforts pour assurer aux officiers et aux soldats le sort le plus honorable et en même temps le plus agréable que puisse comporter la situation du pays. Nous voulons comme lui, non seulement assurer la conservation des grades, mais améliorer les positions ; nous voulons que nos soldats aient un bon couchage, une bonne nourriture, de bons hôpitaux, de bonnes casernes ; mais pour atteindre ce but, pour faire face à tous ces besoins, il ne faut pas procéder légèrement à des économies, et nous avons le droit de compter sur le concours de l’honorable membre, quand il s’agira de défendre ces grands intérêts de l’armée.
Un honorable préopinant, en insistant sur les économies, a rappelé que le gouvernement vient de proposer à la chambre un emprunt de 90 millions. Les besoins auxquels ces 90 millions sont destinés à faire face, le gouvernement ne les a pas créés, il les a trouvé existants. Il a cru de son devoir de venir demander à la législature les moyens d’y pourvoir. Ces 90 millions sont destinés à couvrir les dépenses qui ont été votées en principe par les chambres. Les chambres ont voté les chemins de fer, si elles veulent que les chemins de fer s’exécutent, il faut donner l’argent nécessaire à leur exécution. Les chambres ont voté un crédit pour 4,000 actions dans le chemin de fer rhénan ; il faut aussi faire les fonds nécessaires pour couvrir cette dépense. De même le gouvernement s’est trouvé en face d’un déficit qu’il a jugé indispensable de combler, parce que son opinion est que la première condition d’une bonne comptabilité, c’est la régularité. Il a dû également comprendre dans la demande d’emprunt les fonds nécessaires pour faire face à ce déficit ; mais il n’y a rien du fait du ministère dans la nécessité où il se trouve de proposer un emprunt de 90 millions.
Du reste, le moment n’est pas venu de discuter cet emprunt, dont la destination, j’ose l’espérer, recevra votre approbation. Il donnera le moyen de concourir au développement matériel du pays. Je sais avec un honorable préopinant que tout n’est pas matériel dans le pays, qu’il est des intérêts d’un autre ordre, et ces intérêts, les intérêts moraux, sont au moins aussi importants aux yeux du gouvernement que les intérêts matériels. Mais si vous voulez assurer aux intérêts moraux la prépondérance, la puissance qu’ils doivent avoir, c’est surtout par le développement des intérêts matériels que vous pourrez y parvenir ; et pour revenir à la question d’économie dans le budget de la guerre, je dis que plus un pays sera riche, plus il se livrera à des travaux utiles ; enfin plus chez lui la matière fera des progrès plus il lui sera possible d’affecter une partie de sa richesse aux améliorations auxquelles l’armée a droit.
Les armées dans les pays riches, en Angleterre par exemple, ne passent pas pour être maltraitées. Les soldats anglais paraissent mieux traités que tous les soldats du continent, et ces soldats appartiennent à un pays riche, à un pays qui s’applique depuis de longues années au développement de ses intérêts matériels.
- La discussion est close.
Les deux articles du projet de loi sont successivement mis aux voix et adoptés. Il sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il est ouvert au ministre de la guerre un crédit provisoire de quatorze millions de francs (fr. 14,000,000), pour faire face aux dépenses jusque dans le courant du mois de novembre 1840.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
66 membres sont présents.
61 membres votent l’adoption.
5 membres s’abstiennent.
En conséquence le projet est adopté et sera transmis au sénat.
Les membres qui se sont abstenus exposent leurs motifs.
M. Cogels – Ainsi que l’a fort bien dit l’honorable M. de Brouckere, la marque de confiance qui nous est demandée est exorbitante. Je n’ai aucun motif de douter des intentions de M. le ministre d’introduire dans toutes les branches du service toutes les économies possibles, mais j’aurais voulu qu’il se fût engagé en même temps à se renfermer dans les limites fixées par le budget, qui n’a pu être discuté. Nous aurions trouvé, au moins, alors en quelque sorte, les garanties exigées par l’article 115 de la constitution. Dans l’absence de ces garanties, je n’ai pas voulu donner mon assentiment à la loi ; je n’ai pas voulu la rejeter afin de ne pas entraver le service de l’armée.
M. de Florisone – Je ne puis donner mon assentiment à une marche irrégulière de demander des crédits provisoires pour un budget qu’il ne sera pas possible de discuter.
M. de Foere – Je me suis abstenu parce que dans cette circonstance, comme dans toute autre, je n’accorde pas de vote de confiance.
M. Desmet – Je me suis abstenu pour les motifs développés dans les discours que vous venez d’entendre.
M. Ullens – En regard avec l’emprunt proposé par le ministre des finances, il me serait difficile, par suite, d’accorder un crédit de 14,000,000 sans examen aucun, sans division aucune, ni des chapitres, ni des articles auxquelles les sommes demandées devront s’appliquer. Ne voulant pas, toutefois, entraver le service public, je n’ai pas voté contre la loi, espérant que M. le ministre introduira dans son département toutes les économies possibles, et qu’à l’instar d’une puissance voisine, il réduira les dépenses au plus strict nécessaire, sans cependant désorganiser l’armée.
Les membres qui ont voté l’adoption sont : MM. Brabant, Cools, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Langhe, Delfosse, Dedecker, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Lange, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Seron, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Wallaert, Willmar et Zoude.
- La séance est levée à 4 heures et demie.