(Moniteur du 12 mai 1840, n°133)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven fait l’appel nominal à 1 heure.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Lambert Straatman, commissionnaire expéditeur, à Bruxelles, né à Berg-op-Zoom, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des propriétaires et cultivateurs de la Flandre occidentale, demandent qu’une partie au moins des bestiaux achetés par le gouvernement pour améliorer les races bovines, soient vendus à Bruges et à Ostende. «
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruges demandent que la chambre adopte la proposition d’enquête de M. de Foere et qu’elle soit parlementaire. »
« Même pétition des négociants de la ville de Bruges. »
« Des armateurs et négociants du port d’Anvers demandent que la chambre adopte la proposition d’enquête de M. de Foere. »
« Même pétition des constructeurs, cordiers, voiliers et fournisseurs de navires d’Anvers. »
- Ces dernières pétitions resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de la proposition de M. de Foere.
« Par message en date du 9 mai, M. le ministre des finances adresse à la chambre des explications qu’elle lui a demandées sur la pétition de la dame veuve Catherine-Joseph Peeters, boutiquière à Anvers. »
- Pris pour notification.
M. de Brouckere, rapporteur de la section centrale, monte à la tribune et donne lecture de son rapport sur la demande d’un crédit fait par M. le ministre de la guerre.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et décide qu’elle discutera le projet à l’ouverture de la séance de demain.
M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions, fait le rapport suivant – Messieurs, la commission des pétitions m’a chargé de vous faire rapport sur la pétition d’un militaire appartenant à la partie cédée du Limbourg qui a été condamné en Hollande pour avoir servi dans l’armée belge avant le traité du 19 avril.
Le pétitionnaire, natif de Maestricht, expose à la chambre qu’il était au service hollandais lorsque la révolution éclata ; que, regardant la Belgique comme la patrie à laquelle sa ville natale appartenait, il s’empressa de venir lui offrir le secours de son bras ; qu’il fut suivi par plusieurs de ses frères d’armes qui, comme lui, servirent avec fidélité dans nos armées jusqu’au moment où un congé lui fut délivré.
Que plusieurs de ces infortunés compagnons, se croyant couverts par l’article 20 du traité de paix, s’empressèrent, après un exil de 10 ans, de rentrer sous le toit paternel, mais qu’ils s’en virent bientôt arrachés pour être condamnés, les uns à 5, les autres à 10 ans de détention pour faits de désertion.
Que plusieurs, heureusement, moins confiants dans l’application des dispositions de l’amnistie, se trouvent en effet libre, mais sans asile, sans feu ni lieu.
Dans un état de choses aussi déplorable, le pétitionnaire vient prier la chambre de vouloir intervenir près du gouvernement pour que celui-ci sollicite du cabinet de La Haye une application assez large de l’article 20 du traité, pour qu’il lui soit permis, et à ses compagnons d’infortune, de rentrer dans leurs familles.
Une réconciliation sincère entre les deux pays étant recommandée autant par la politique que par l’humanité, votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des affaires étrangères, avec invitation d’appuyer près du gouvernement hollandais la réclamation du pétitionnaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Ce doit être un renvoi pur et simple.
M. Zoude, rapporteur – Alors je prierai M. le ministre de vouloir prendre en considération la position malheureuse des pétitionnaires et des autres personnes qui se trouvent dans le même cas.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Il est bien entendu, qu’aux yeux du gouvernement le renvoi a précisément le sens que lui attribue l’honorable rapporteur. Je veux seulement faire remarquer qu’il serait contraire aux usages de la chambre, de renvoyer la pétition au ministre avec une recommandation spéciale ; la chambre ne peut renvoyer une pétition au gouvernement que de deux manières : purement et simplement, ou avec demande d’explications ; or, dans le cas actuel, il ne peut pas s’agir de demander des explications ; il faut donc adopter le renvoi pur et simple.
M. Zoude, rapporteur – Nous nous en rapportons à votre sollicitude.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, les concessionnaires du chemin de fer d’entre Sambre-et-Meuse, dans une pétition accompagnée de plusieurs pièces à l’appui, établissent l’immense avantage que ce chemin procurerait au pays qu’il doit traverser, en ce qu’il mettrait en contact les riches minerais de fer qui y abondent avec le bassin houiller de Charleroy, qui possède beaucoup de fourneaux au coak, qui obtiendraient par là un rabais dans les frais de transport qui varient de 50 à 65 p.c., tandis qu’il fournirait aux usines d’entre Sambre-et-Meuse le charbon dont elles ont besoin ; et que dans l’état actuel des choses, elles ne peuvent se procurer qu’à des prix de transports très élevés.
Ce chemin qui serait déjà très productif sous ce rapport, acquerra une bien plus haute importance depuis qu’il a été décidé que la ligne de chemin de Bruxelles à Namur passera par Charleroy.
Il deviendra bien autrement important encore lorsque le gouvernement français aura concédé le chemin de fer qui partira de Sedan pour venir à la rencontre de celui de Belgique vers Couvin.
On sait que le département des Ardennes possède un nombre considérable d’établissements industriels qui tous ont besoin du charbon minéral ; aussi les chambres consultatives de commerce des villes de Sedan, Charleville et Mézières, le conseil général du département et la commission d’enquête ont constaté à un si haut degré l’utilité publique attachée à cette construction, qu’il ne peut rester de doute sur l’accueil que lui réserve le gouvernement de ce pays.
On ajoute que ce chemin sera encore la voie dont se serviront les voyageurs du département des Ardennes et autres circonvoisins pour aller à Paris en empruntant le chemin de fer de Bruxelles.
On fait remarquer, en outre, que le matériel en rails et locomotives serait fourni par la Belgique, parce que les usines françaises ne pourront les confectionner à un aussi bas prix.
Après avoir énuméré l’immense avantage que présente le chemin de fer d’entre Sambre-et-Meuse, les concessionnaires disent qu’il coûtera 12 millions et demi qui seraient fournis par des capitalistes étrangers, que cette somme serait entièrement dépensée dans le pays en main-d’œuvre, matériel, etc. ; mais que pour obtenir ces fonds à l’étranger, malgré la certitude que, pour le transport d’objets commerciaux, il n’y aura pas en Belgique de chemin de fer aussi productif, il est indispensable que le gouvernement lui prête un appui moral en garantissant à la société un intérêt minimum de 3 p.c. Cette garantie est nécessaire, disent-ils, pour rassurer les capitalistes, que des entreprises hasardeuses ont trop souvent compromis.
Nous croyons, messieurs, que cette garantie ne sera jamais invoquée, parce que le chemin, par son importance, devra rapporter un intérêt beaucoup plus élevé.
L’Etat, d’ailleurs, recevrait, par cette construction, un accroissement de contributions de toute nature qui l’indemniserait largement.
La commission pense donc que cette demande peut être prise en sérieuse considération par le gouvernement.
Les concessionnaires réclament une seconde condition, celle de la liberté du tarif ; votre commission croit encore que les intéressés sont les meilleurs juges de cette fixation.
Mais ils demandent, en outre, que le gouvernement renonce à la faculté de rachat qu’il s’est réservé moyennant la prise de 25 p.c., parce que cette condition est nuisible, disent-ils, à la confiance qui ne s’attache qu’à la fixité de l’entreprise.
Votre commission se rallie difficilement à cette proposition, dont elle abandonne l’appréciation aux lumières des gouvernements, et quant à ce qui fait l’objet principal de la pétition, convaincus que nous sommes d’une vérité généralement connue maintenant, que ce n’est plus l’or, mais le fer et la houille qui constituent la véritable richesse d’une nation, nous apprécions toute l’importance d’une route qui doit exercer une influence incalculable sur la forgerie et les exploitations houillères de charbons ; nous estimons, en conséquence, que cette pétition est de nature à être soumise aux méditations de M. le ministre des travaux publics auquel nous vous en proposons le renvoi.
- Le renvoi pur et simple est mis aux voix et adopté.
M. Demonceau – Je ne conteste en aucune manière l’importance de la pétition dont il s’agit ; mais je voudrais savoir si la chambre, en votant le renvoi à M. le ministre des travaux publics appuierait les idées émises par la commission, si par là, elle engagerait le gouvernement à venir au secours de la société. C’est là une question grave qui devrait être examinée avec la plus grande maturité avant d’être décidée. La pétition n’a qu’un but, c’est d’obtenir du gouvernement une garantie d’intérêts pour les actionnaires ; et je pense que la chambre ne voudra pas s’engager à la légère dans un semblable système. Quant à moi, si la question nous est soumise, je ne pense pas que ce système obtienne mon approbation.
M. de Brouckere – Je crois que le moment n’est pas venu de discuter le fond de la question ; l’honorable membre a déjà déclaré qu’il est contraire à la demande ; je ne me prononcerai, moi, ni pour ni contre cette demande ; je me bornerai à faire remarquer à la chambre qu’il ne s’agit, en ce moment, que d’une seule chose, d’appeler l’attention spéciale du gouvernement sur la pétition.
M. Zoude, rapporteur – Telles sont les conclusions de la commission.
M. Demonceau – Si c’est ainsi qu’on entend la chose, j’appuie aussi le renvoi.
- Le renvoi est prononcé.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) monte à la tribune et s’exprime en ces termes – Messieurs, M. le ministre de la guerre étant affligé d’une extinction de voix, il m’a prié, si la chambre veut bien le permettre, de donner lecture d’un projet de loi qu’il entend soumettre à vos délibérations.
- M. le ministre donne ensuite lecture d’un projet de loi tendant à laisser à la disposition du gouvernement, jusqu’au 1er mai 1841, les miliciens des classes de 1833, 1834, 1835.
La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet, ainsi que l’exposé des motifs qui l’accompagne et le renvoi à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget de la guerre.
M. le ministre des finances (M. Mercier) monte à la tribune et donne lecture d’un projet de loi, tendant à autoriser le gouvernement à contracter un emprunt de 90 millions de francs, ainsi que d’un rapport explicatif à l’appui de ce projet.
La chambre ordonne l’impression de ces pièces et les renvoie à l’examen des sections.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) présente ensuite un projet de loi, tendant à modifier temporairement l’article 8 de la loi sur les céréales.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet et le renvoi également à l’examen des sections.
M. de Roo – Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s’il sera à même de nous faire un rapport sur la question du redressement de la section du chemin de fer entre Gand et Bruges, avant la discussion du projet de loi sur l’emprunt. Son prédécesseur nous avait promis de faire ce rapport avant la discussion dont il s’agit.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je répondrai à l’interpellation de l'honorable préopinant que, jusqu’ici, cette affaire n’a pas fait l’objet de mon examen. Si la chambre le désire, je pourrai lui faire un rapport sur le projet dont il s’agit ; mais je dois lui faire observer que le changement à introduire dans la direction du chemin de fer entre Gand et Bruges donnerait lieu à une augmentation de dépenses, par suite de laquelle le chiffre de l’emprunt auquel nous sommes forcés de recourir devrait être considérablement élevé. Si la chambre le désire et si je puis obtenir dans un bref délai les renseignements nécessaires, je pourrais lui faire le rapport qui a été promis par mon prédécesseur.
M. de Roo – Le précédent ministre des travaux publics avait promis de faire le rapport dont il s’agit, avant la discussion de l’emprunt ; il y a engagement pris ; M. le ministre ne peut donc pas se dispenser de faire ce rapport.
M. Nothomb – Messieurs, lorsque j’ai quitté le ministère, cette question était soumise au conseil des ponts et chaussées. J’avais fait remarquer à la chambre que c’était en effet une question qui était essentiellement de la compétence des hommes de l’art, et en promettant à la chambre un rapport, des renseignements, des explications, je n’avais autre chose en vue que de donner communication à la chambre du rapport détaillé que j’avais demandé au conseil des ponts et chaussées, rapport qui n’est pas encore fait, je pense, en ce moment. Peut-être sera-t-il possible à mon successeur d’obtenir ce rapport pour le communiquer à la chambre avant la discussion du projet de loi sur l’emprunt ; de cette manière, la promesse que j’avais faite serait remplie, car, je le répète, c’est en ce sens qu’il faut entendre mon engagement ; c’était la promesse de communiquer à la chambre les observations du conseil des ponts et chaussées.
M. de Roo – Je ne demande pas autre chose : ce sont ces observations dont je désire la communication, en quelque sens qu’elles soient rédigées.
La chambre confirme les amendements qu’elle a introduits lors du premier vote dans les articles 1 et 7
« Art. 8. La compétence, s’il s’agit d’une somme d’argent ou d’un objet appréciable d’après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l’évaluation qu’il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.
« Le défenseur pourra se libérer en acquittant le prix de cette évaluation, sans préjudice aux intérêts et aux dépens s’il y a lieu. »
« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux actions dont il est parlé aux numéros 2, 3 et 4 de l’article précédent. »
(Le dernier paragraphe a été supprimé lors du premier vote.
M. de Garcia – Messieurs, cet article a été adopté sauf sa rédaction. Il se rapporte uniquement aux articles précédents, et ne peut s’appliquer aux articles suivants. Pour prévenir tout doute à cet égard, je proposerai la rédaction suivante :
« dans les cas des articles précédents, la compétence, s’il s’agit d’une somme d’argent ou d’un objet appréciable d’après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l’évaluation qu’il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.
« Le défenseur, etc., etc., comme au projet. »
Un membre - Mais c’est la même chose que l’article.
M. de Garcia – C’est la même chose et ce n’est pas la même chose (On rit). Je répète que c’est la même chose et que ce n’est pas la même chose : si l’on entend que la disposition ne s’applique qu’aux articles précédents, c’est la même chose ; mais comme on pourrait croire que l’article 8 s’applique à l’article 9, ce ne serait pas la même chose ; c’est pour lever ce doute que j’ai présenté ma rédaction.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, il me semble qu’il ne peut y avoir le moindre doute sur la portée de la rédaction de l’article 8 du projet. Cet article ne s’applique qu’aux cas où il s’agit d’une somme d’argent ou d’un objet appréciable, il se rapporte donc uniquement aux cas déterminés par les articles précédents et il doit rester étranger à l’article 9, où il n’est question que des actions possessoires.
M. de Garcia – Du moment que l’on est d’accord que l’article doit être entendu ainsi, je retire mon amendement.
« Art. 9. Les juges de paix connaissent, en outre, à charge d’appel :
« 1° Des déplacements de bornes, des usurpations de terre, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l’année ; des entreprises sur les cours d’eau servant à l’arrosement des près, commises pareillement dans l’année ; des dénonciations de nouvelle œuvre, complaintes, actions en réintégrande et de toutes autres actions possessoires ;
« 2° Des actions en bornage, de celles relatives à la distance prescrite par la loi, le règlements particuliers, et l’usage des lieux, pour les plantations d’arbres et de haies, lorsque la propriété n’est pas contestée ;
« 4° Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l’article 674 du code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées. »
M. Raikem – Messieurs, d’après l’article 7 que la chambre vient de voter définitivement, et qui avait été amendé, sur la proposition de l’honorable M. Metz, « les actions relatives au curage des canaux servant au mouvement des usines, sont de la compétence des juges de paix. » Cette disposition a été empruntée à la loi française.
Mais, messieurs, la loi française avait établi comme corollaire que les juges de paix connaîtraient des entreprises commises dans l’année, sur les cours d’eau servant à l’irrigation des propriétés et au mouvement des usines, sans préjudice des attributions de l’autorité administrative, dans les cas déterminés par les lois et par les règlements. Il me paraît que ces deux dispositions de la loi française sont corrélatives, et qu’en conséquence de l’amendement qui a été définitivement adopté dans l’article 7, il convient d’introduite une disposition semblable dans l’article 9 nouveau. J’en fais la proposition.
M. le président – Votre proposition tend-elle à déplacer les actions relatives au curages des canaux servant au mouvement des usines et à les rejeter dans l’article suivant ?
M. Raikem – J’aurai l’honneur de vous faire observer, M. le président, que je maintiens la disposition telle qu’elle vient d’être adoptée. Mais il me semble que, pour mettre l’article en discussion en concordance avec l’article déjà adopté, il y aurait lieu d’insérer dans la loi les dispositions de la loi française, relative aux cours d’eau servant au mouvement des usines, comme nous avons adopté la disposition de la loi française dans l’article 7, en ce qui concerne le curage des canaux servant au mouvement des usines. Il y aurait lieu de substituer au paragraphe premier de l’article 9 le numéro 1 de l’article 6 de la loi française.
M. Metz – Je crois que l’observation de l’honorable M. Raikem ne manque pas de justesse. Son amendement serait inutile si nous ne trouvions pas que la disposition adoptée au premier vote laissait quelque chose à désirer. On l’a déjà fait remarquer lors de la première discussion. L’honorable M. Leclercq ou l’honorable M. Liedts a fait observer qu’on s’était écarté le moins possible de la loi de 1790, à tel point qu’on avait laissé un mot, le mot « pré », qu’on n’avait pas voulu remplacer par le mot « prairies », parce qu’on aurait pu penser qu’il ne s’agissait que des cours d’eau servant à l’arrosement des prairies, tandis qu’il fallait entendre les cours d’eau servant à l’arrosement de toutes les propriétés.
L’adoption de l’amendement de M. Raikem rendrait la loi plus claire, la compétence des juges de paix donnerait lieu à moins de contestation. Tout doute serait levé.
- L’amendement proposé par M. Raikem est mis aux voix et adopté. Il remplace le n°1 de l’article 9.
« Art. 10 Ne sera pas recevable l’appel des jugements mal à propos qualifiés en premier, ou qui, étant en dernier ressort, n’auraient pas été qualifiés. Seront sujets à l’appel les jugements qualifiés en dernier ressort, s’ils ont statué, soit sur des questions de compétence, soit sur des matières dont le juge de paix ne pouvait connaître qu’en premier ressort. Néanmoins, si le juge de paix s’est déclaré compétent, l’appel ne pourra être interjeté qu’après un jugement interlocutoire, et conjointement avec l’appel de ce jugement. »
- Cet article est confirmé.
M. de Behr – Je crois qu’il faudrait placer les articles 12 et 13 avant l’article 11.
- Cette interversion est adoptée.
« Art. 11. « Dans toutes les causes, autres que celles où il y aurait péril en demeure, et celles dans lesquelles le défenseur serait domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville, le juge de paix pourra interdire aux huissiers de sa résidence de donner aucune citation en justice, sans qu’au préalable il n’ait appelé, sans aucun frais, les parties devant lui. »
- Confirmé.
« Art. 12. L’appel des jugements des juges de paix ne sera recevable, avant les trois jours qui suivront celui de la prononciation des jugements, à moins qu’il n’y ait lieu à exécution provisoire, ni après les 30 jours qui suivront la signification à l’égard des personnes domiciliées dans le canton.
Les personnes domiciliées hors du canton auront, pour interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai réglé par les articles 72 et 1033 du code de procédure civile. »
M. Demonceau – En lisant cet article, je me suis souvenu qu’il était extrait de la loi française. Voici les motifs qui m’ont porté à demander que cet article ne fût pas inséré dans le projet présenté au nom de la commission.
Aux termes des dispositions du code de procédure civile sur la matière, aucun jugement ne peut être exécuté qu’autant qu’il se soit écoulé huit jours depuis la date du jugement, à moins que le jugement ne soit déclaré exécutoire par provision. De même on ne peut appeler d’un jugement que huit jours après sa date, à moins qu’il s’agisse également d’un jugement exécutoire par provision.
Ici je trouve une anomalie ; voici en quoi : Vous donnez la faculté d’appeler après trois jours de la date du jugement, quand ce jugement n’est pas exécutoire par provision, par la même raison il faudrait permettre l’exécution après les trois jours, surtout si vous tenez à rester d’accord avec les principes.
Si foi doit être due au titre, on doit permettre l’exécution dans le même délai que l’appel. Il m’a paru que, sous ce rapport, la loi française n’était pas une innovation heureuse, et qu’il valait mieux maintenir les deux articles du code de procédure. Il suffit de lire ces articles pour voir la corrélation qui existe entre eux, ce sont les articles 449 et 450.
L’article 449 porte : Aucun appel d’un jugement non exécutoire par provision ne pourra être interjeté dans la huitaine, à dater du jour du jugement ; les appels interjetés dans ce délai seront déclarés non recevables, sauf à l’appelant à les réitérer, s’il est encore dans le délai. »
Voilà pour ce qui concerne l’appel.
Voici pour l’exécution :
« Art. 450. L’exécution des jugements non exécutoires, par provision, sera suspendue pendant ladite huitaine. »
Vous voyez que les auteurs de la législation actuelle, législation actuelle qui reçoit son exécution depuis plus de 30 ans, ont été conséquents, en ce qu’ils n’ont pas plus permis d’exécuter un jugement dans la huitaine de sa date que d’en appeler. Dans le même délai, le motif en est, qu’on veut absolument que les plaideurs réfléchissent huit jours avant d’appeler ou de forcer l’exécution d’un jugement.
Si vous permettez l’appel avant l’expiration de la huitaine, l’avantage sera pour celui qui a perdu son procès : ce qui ne me paraît pas rationnel ; et ce fut surtout ce motif qui me détermina à demander à la commission de ne pas insérer cet article dans son projet, ce même projet m’engage à demander aujourd’hui la suppression de cette partie de l’article admis lors du premier vote.
La deuxième disposition contient encore une innovation tout à fait en opposition avec la théorie aujourd’hui en vigueur.
L’appel en général doit être interjeté dans les trois mois. Les articles 75 et 1033 du code de procédure règlement le premier les délais d’appel, pour ceux qui sont domiciliés hors du royaume ; le deuxième, les délais pour comparaître en justice.
En disant que les personnes domiciliées hors du royaume auront pour interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai réglé par les articles 75 et 1033 du code de procédure civile, on change une législation qui a reçu son exécution d’une manière très régulière jusqu’à présent. Il a été reconnu généralement, et par la doctrine et par la jurisprudence, que l’article 1033 s’appliquait bien aux délais d’appel, en ce sens qu’il ne fallait pas compter le jour de l’échéance du terme de trois mois. Mais on n’a jamais admis, que je sache, que le délai pour comparaître comptât dans les délais d’appel ; au contraire, l’article 443 dit que le délai pour interjeter appel sera de trois mois, qu’il courra pour les jugements contradictoires du jour de la signification à personne ou à domicile ; pour les jugements par défaut, du jour où l’opposition ne sera plus recevable.
L’article 444 porte : « Ces délais emporteront déchéance ; ils courront contre toutes parties, sauf le recours contre qui de droit ; mais ils ne courront contre le mineur non émancipé que du jour où le jugement aura été signifié tant au tuteur, etc. »
L’article 1033 dispose ensuite ce qui suit :
« Le jour de la signification ni celui de l’échéance ne sont jamais comptés pour le délai général pour les ajournements, les citations, sommations et autres actes faits personne ou domicile. Ce délai sera augmenté d’un jour à raison de trois myriamètres de distance, et quand il y aura lieu à voyage ou envoi et retour, l’augmentation sera du double. »
Vous comprendrez qu’il ne faut pas légèrement changer une législation qui a reçu son application, surtout pour n’en faire l’application qu’à un degré de juridiction. Cette législation est, selon moi, la meilleure ; si l’on veut y changer quelque chose, ce serait, au lieu d’accorder trois mois pour appeler, de réduire ce délai à un ou deux mois si l’on veut. Mais je le répète, dans mon opinion, le mieux serait de maintenir le délai actuel, que l’expérience n’a pas démontré être trop long ; car aussitôt après le délai de huitaine après la date, il est libre à la partie qui a eu gain de cause, non seulement de signifier le jugement qu’elle a obtenu, mais d’en forcer l’exécution, soit pour le rendre définitif, soit pour contraindre son adversaire à relever appel.
D’ailleurs, si vous décidez que les personnes domiciliées hors du canton auront, outre le délai de 30 jours, celui réglé par les articles 73 et 1033 du code de procédure, dans la pratique, il y aura toujours difficulté de savoir si l’appelant est domicilié à telle ou telle distance.
Je suppose qu’une personne de Gand plaide devant le tribunal de Verviers et qu’il appelle du jugement de ce tribunal après le mois fixé par la disposition que je voudrais voir rejeter, il faudrait vérifier la distance réelle de Gand à Verviers et il pourra y avoir procès sur la question de savoir si le délai a été ou non observé. Vous concevez les inconvénients d’un tel système, il vaut mieux rester dans le système qui a été en vigueur jusqu’à ce jour.
A l’appui des observations que je viens de présenter, je citerai une circonstance extraordinaire qui a eu lieu récemment.
Il s’agissait de l’application de la loi des barrières. Aux termes de cette loi, les usines dans la distance de 2,500 mètres du poteau sont exempts du droit. Le tribunal de première instance devant lequel l’affaire fut portée, ordonna de constater quelle distance il y a entre le poteau de la barrière et l’usine. L’enquête fut dirigée de manière à suivre le parcours de la route. On trouve ainsi une distance de plus de 2,500 mètres, et le tribunal condamna à payer les droits de barrière.
En appel, on procéda d’une autre manière : on prit la distance à vol d’oiseau et le jugement du tribunal de première instance fut réformé. Vous voyez les difficultés que présentent ces questions ; il faudrait, pour les résoudre, que chaque tribunal, eût un tableau exact et officiel des distances, ce qui, selon moi, ne suffirait pas encore. Il me paraît donc très dangereux de créer ainsi des délais en quelque sorte incertains, et je me flatte que la chambre ne confirmera pas la disposition adoptée lors du premier vote.
M. Lys – Je ne vois pas qu’il y ait de difficulté à permettre de faire appel au bout d’un délai de 3 jours. Ce n’est pas là une anomalie ; mais je trouve qu’il y en aurait une véritable changer le délai fixé pour faire appel. L’on dit qu’il sera difficile de calculer les distances, mais il n’en est pas ainsi. Je ne sais, par exemple, quel juge ignore la distance qu’il y a de Gand à Verviers. Ce calcul des distances, on est obligé de le faire aux termes du code de commerce en matière de lettres de change, quand il y a recours contre les endosseurs ou le tireur après protêt, et, dans plusieurs cas, aux termes du code de procédure civile. Il n’a jamais donné lieu à des difficultés, il en sera de même pour l’avenir.
Songez que le but que vous vous proposez est surtout la célérité ; ne l’oubliez pas dans la disposition qui nous occupe, comme vous ne l’avez point oublié dans les autres dispositions du projet.
On se plaint de ce que l’article déroge au code de procédure civile ; mais ce code est tout ce qu’il y a de moins respectable. Tout le monde sent la nécessité de le changer ; car il est hérissé de difficultés qui arrêtent à chaque pas.
Je crois qu’il y a lieu de maintenir l’article tel qu’il a été adopté.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Cet article contient deux dispositions bien distinctes, l’une qui interdit d’interjeter appel avant les trois jours qui suivent la prononciation du jugement ; l’autre qui détermine le délai passé lequel on ne pourra plus appeler. On a cru voir un inconvénient dans la première disposition qu’on a fait observer ne pas être en harmonie avec l’article 450 du code de procédure civile ; mais il faut remarquer que cet article du code de procédure ne s’applique qu’aux juges de première instance, de sorte que l’inconvénient ne peut exister pour les juges de paix.
Cependant, je crois qu’il y a une lacune dans l’article tel qu’il est proposé et qu’il conviendrait de la combler ; puisqu’on interdit d’appeler pendant un délai de trois jours, il faudrait aussi interdire l’exécution des jugements dans ce délai ; en un mot, il faudrait une disposition analogie à l’article 450 du code de procédure. Cette disposition serait ainsi conçue :
« L’exécution des jugements non exécutoires par provision sera suspendue pendant le délai de trois jours. »
Vient maintenant la seconde disposition de l’article qui, dit-on, donnera lieu à de très grands embarras pour le calcul des distances. Mais, ce calcul des distances, qui a lieu dans plusieurs cas aux termes du code de procédure, ne donne lieu à aucun embarras, et il en sera de même dans le cas dont il s’agit.
M. Demonceau – Je ferai remarquer à M. le ministre de la justice qu’il y a une grande différence entre les délais pour les ajournements et les délais pour relever appel. Dans le premier cas, il n’y a, en général, que nullité de l’exploit ; dans le second, il y a déchéance, et par là vous empêchez celui qui s’est trompé dans le calcul des délais de tenter d’obtenir redressement de l’erreur qu’aurait pu commettre un premier juge. D’ailleurs, d’après la disposition adoptée, il pourra se faire que deux personnes figurant dans le même procès, l’une ait un délai plus long que l’autre ; ainsi vous consacrez l’inégalité dans la législation ; je ne puis donc partager l’opinion de M. le ministre et je persiste à croire que la chambre devrait fixer un délai uniforme.
Quant à l’observation de M. le ministre de la justice, que l’article 450 du code de procédure civile ne serait pas applicable aux juges de paix, c'est là une erreur. Il a été toujours certain pour moi (je ne crois pas qu’il y ait eu de décision en sens contraire) que les règles établies en matière d’appel s’appliquent aussi bien aux jugements des juges de paix qu’à ceux des tribunaux de première instance.
M. Raikem – M. le ministre de la justice vient de signaler une lacune dans l’article en discussion. Cet article porte : « L’appel des jugements des juges de paix ne sera pas recevable avant les trois jours qui suivront celui de la prononciation des jugements., etc. » M. le ministre de la justice propose un amendement très rationnel qui a pour objet de disposer que, pendant ces trois jours, l’exécution du jugement ne pourra avoir lieu.
Je crois qu’on pourrait combler une autre lacune dans cet article. Son second paragraphe est ainsi conçu :
« Les personnes domiciliées hors du canton auront, pour interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai réglé par les articles 73 et 1033 du code de procédure civile. »
Quant au délai fixé par l’article 1033, c’est, comme on l’a fait remarquer, une innovation que d’appliquer à l’appel l’augmentation du délai en raison des distances.
Le renvoi à l’article 73, qui concerne les personnes domiciliées hors du royaume, n’est que la répétition de l’article 445 du code de procédure civile qui nous régit, lesquels, comme on sait, est applicable aux jugements des juges de paix comme à ceux des tribunaux de première instance.
Cet article porte :
« Art. 445. ceux qui demeurent hors de la France continentale auront pour interjeter appel, outre le délai de trois mois depuis la signification du jugement, le délai des ajournements réglé par l’article 73 ci-dessus. »
On ne fait ici que réduire à un mois le délai de trois mois.
Ainsi on rappelle dans l’article en discussion la disposition de l’article 445 du code de procédure civile, par renvoi, l’article 73. Dès lors, ne devrait-on pas rappeler également l’article 446 ? Il porte :
« Art. 446. Ceux qui sont absents du territoire européen du royaume pour service de terre ou de mer, ou employés dans les négociations extérieures pour le service de l’Etat, auront, pour interjeter appel, outre le délai de trois mois (ici il ne s’agirait que d’un délai d’un mois), depuis la signification du jugement, le délai d’une année. »
Il me semble qu’il y aurait lieu d’ajouter l’énonciation de l’article 446, en substituant le délai d’un mois à celui de deux mois. Par ce moyen et avec l’amendement de M. le ministre de la justice, la disposition de l’article serait complète.
M. Metz – Il est généralement reconnu que l’article 450 du code de procédure est applicable aux justices de paix comme aux tribunaux de districts ; d’après cet article, il est certain qu’un jugement qui n’est pas exécutoire par provision ne peut être exécuté avant la huitaine. L’exécution d’un jugement est en quelque sorte un acte de force, un acte de violence ; c’est un acte par lequel on arrive à la saisie, à la vente du mobilier de la partie condamnée ; la loi a donc fait sagement de donner un délai pour que cette partie condamnée, faisant usage de toutes ses ressources, puisse satisfaire au jugement. D’après ces considérations, je crois que l’amendement de M. le ministre de la justice est inadmissible. Il ne faut pas se hâter d’exécuter les jugements ; un délai de 8 jours n’est pas trop pour laisser à la partie condamnée les moyens de préparer ses ressources.
On a interdit l’appel avant trois jours parce qu’on ne veut pas que la partie condamnée s’abandonne à un premier mouvement, et qu’on veut qu’elle ait le temps de réfléchir avant d’appeler. En abrégeant les délais relatifs à l’exécution des jugements, on pourrait servir des passions haineuses ; il faut mettre la partie condamnée à l’abri des violences de la partie adverse. Dès qu’un jugement est exécuté, il n’y a plus lieu à l’appel. Le délai de 8 jours n’a jusqu’ici donné lieu à aucun inconvénient. Je demanderai que le délai d’appel comme le délai d’exécution soit de 8 jours.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je me rallie à la proposition.
M. Dolez – Je crois devoir rappeler une des observations faites par M. Demonceau. Il y aurait des inconvénients à admettre un délai d’appel mobile, ou variable selon les distances. Je comprends que l’on veuille abréger les délais d’appel pour les justices de paix, mais la mobilité des délais ne produira pas toujours cet effet. Les parties ignoreront presque toujours la véritable distance qui les sépare du lieu où l’appel sera interjeté ; elles n’ignoreront pas un délai fixe.
Dans une affaire, il peut y avoir plusieurs parties intéressées à l’appel, et si elles sont situées à des distances différentes, l’une pourra avoir un mois, l’autre un mois et quelques jours ; ces différents délais amèneront que, lorsque cette partie la plus éloignée formerait appel, les autres ne seraient plus recevables à le former. Vous ferez surgir une foule d’incidents sur les appels formés au dernier jour. Le plaideur qui se verra frappé de déchéance emploiera tous les moyens pour prouver qu’il a formé son appel en temps utile. Ainsi, au lieu de diminuer les procès, vous les augmenterez.
M. Demonceau – Si l’on adopte la proposition de M. Metz, il est inutile de l’insérer dans la loi, parce qu’alors on rentre dans le droit commun.
M. Metz – Le code de procédure civile laissait quelque incertitude pour savoir si l’exécution des jugements des justices de paix était suspendue pendant 8 jours ; le doute a été levé en considérant le titre où il est traité d’une manière générale des appels ; car le titre spécial aux justices de paix ne dit pas que la limite soit de 8 jours ; c’est précisément pour remédier à cette omission qu’il faut admettre l’amendement proposé par M. le ministre de la justice avec le délai de 8 jours.
M. le président met aux voix la question de savoir si le délai sera de 8 jours, c’est-à-dire, si l’on restera dans le droit commun.
Cette question est résolue affirmativement par le vote de l’assemblée ; en conséquence, l’article 12 des délibérations de la chambre, qui aurait été l’article 11 de la loi, est supprimé.
« Art. 13. Dans les cantons où le besoin du service l’exigera, le gouvernement pourra, sur l’avis du tribunal de l’arrondissement, autoriser les huissiers des cours et tribunaux de première instance à instrumenter concurremment avec les huissiers de la justice de paix. »
- Adopté.
« Art. 14. Les tribunaux de première instance connaissent en dernière ressort des affaires personnelles et mobilières, jusqu’à la valeur de 2,000 francs, et des actions réelles immobilières jusqu’à 75 francs de revenu déterminé soit en rente, soit par prix de bail.
« Si le revenu de l’immeuble n’est déterminé ni en rente, ni par prix de bail, il sera déterminé par la matrice du rôle de la contribution foncière, au moment de la demande, pourvu que ce revenu s’y trouve spécialement déclaré. »
M. de Garcia – Je crois, messieurs, qu’il faudrait encore dire ici comme on l’a fait dans un autre article « personnelles ou mobilières » au lieu de : « personnelles et mobilières. »
- L’article est adopté avec cette modification.
« Art. 15. Si la valeur de l’objet mobilier est indéterminée, le demandeur devra le déterminer par les conclusions, à peine de voir rayer la cause du rôle et d’être condamné aux dépens. »
- Adopté.
« Art. 16. La cause sera également rayée du rôle avec dépens, si la demande a pour objet des dommages intérêts soit principaux, soit accessoires, qui n’auraient pas été évalués et spécialement motivés dans les conclusions. »
- Adopté.
L’article 17 n’a pas été amendé.
« Art. 18. Lorsque la valeur d’un objet immobilier ne peut être déterminée de la manière indiquée en l’article 14, le demandeur et le défenseur devront la déterminer dans leurs conclusions. Si l’évaluation la plus élevée n’excède pas les limites du premier ressort, l’affaire sera jugée sans appel ; dans le cas contraire, l’affaire sera jugée en premier ressort.
« A défaut d’évaluation par le demandeur, l’affaire sera rayée du rôle et il sera condamné aux dépens ; et, à défaut d’évaluation par le défenseur, la compétence du juge sera déterminée par celle faite par le demandeur. »
M. de Garcia – Messieurs, comme nous avons supprimé l’article 12, l’article 14 deviendra le 13 ; il faudra donc dire ; « de la manière indiquée en l’article 13. »
M. le président – Le bureau fera sous ce rapport les rectifications nécessaires.
M. Raikem – Si je conçois bien, messieurs, le système de cet article, c’est le demandeur qui doit d’abord faire l’évaluation de l’objet immobilier qui est en contestation, et ce n’est qu’après que le défenseur, s’il n’est pas content de l’évaluation faite par sa partie adverse, doit, de son côté, donner l’évaluation qu’il attribue à l’immeuble en contestation ; c’est ensuite l’évaluation la plus élevée qui détermine la compétence du tribunal, soit en premier, soit en dernier ressort.
Mais si le demandeur ne fait pas d’évaluation, alors le défenseur ne sera pas non plus obligé d’en faire une, puisqu’il ne doit faire une évaluation que lorsque le demandeur a fait la sienne.
Si le demandeur n’a pas fait d’évaluation sa cause sera rayée du rôle, et il sera condamné aux dépens. Néanmoins, je pense qu’il pourra encore poursuivre l’instance et faire juger l’affaire en la faisant de nouveau porter au rôle et en faisant ensuite son évaluation dans ses conclusions ; je crois que de cette manière il pourra obtenir jugement sans éprouver d’autres désagréments que le retard qu’il aura subi par la radiation de la cause du rôle et le paiement des dépens qui ne seront pas fort considérables. Mais il peut arriver que le défenseur désire terminer l’affaire, qu’il soit pressé de voir intervenir un jugement ; cependant il dépendra du demandeur de traîner l’affaire aussi longtemps qu’il le jugera convenable, en ne faisant pas d’évaluation ; n’y aurait-il pas dans ce cas une espèce de déni de justice à l’égard du défenseur ? remarquez, messieurs, que dans ce cas-là il s’agit d’un objet immobilier qui a souvent une grande importance pour celui qui le possède. On désire souvent que sa propriété ne soit pas en contestation.
Il me semble, messieurs, d’après ces considérations, que l’article présente, sous ce rapport, un inconvénient ; je voudrais que l’on pût trouver un moyen de le faire cesser, car je le regarde comme très grave.
M. de Behr, rapporteur – Il est vrai, messieurs, que le défenseur peut avoir intérêt à obtenir un jugement, mais si le demandeur s’obstine à ne pas donner son évaluation, le défenseur aura toujours la péremption d’instance ; il aura un autre moyen, ce sera de se constituer demandeur en réclamant du tribunal qu’il impose à sa partie adverse silence perpétuel sur sa prétention, alors il pourra lui-même faire son évaluation.
Il me semble donc, messieurs, que l’inconvénient signalé par l’honorable M. Raikem n’est pas réel.
M. Raikem – On sait, messieurs, qu’il faut trois ans et souvent six mois pour acquérir la péremption d’instance ; or, le défenseur peut avoir soif de justice, lorsqu’il s’agit d’une propriété immobilière ; il peut désirer de ne pas attendre trois ans et six mois pour voir cesser l’incertitude dans laquelle il a été placé. D’ailleurs, est-ce que la péremption d’instance ne peut pas être interrompue par un acte de procédure dans lequel on ne fera pas d’évaluation ? le demandeur ne peut-il pas dans ce cas traîner indéfiniment l’affaire ?
L’honorable préopinant indique un autre moyen ; il dit : « Le défenseur peut se constituer demandeur en intentant lui-même une action à la partie adverse. » Mais, messieurs, lorsqu’il y a déjà une action intentée, n’est-ce pas un obstacle à ce que l’on en intente une nouvelle ? D’ailleurs, le défenseur, en se constituant demandeur, ne le mettrait-il pas dans une position plus défavorable, puisque dans le doute le juge doit prononcer en faveur du défenseur.
M. Demonceau – Je crois, messieurs, que l’inconvénient signalé par l’honorable M. Raikem existe réellement et qu’il peut être quelquefois très pénible de devoir attendre pendant plus de 3 ans avant d’obtenir justice, mais si je comprends bien la disposition, voici comment elle pourra recevoir son exécution : Si le demandeur ne fait pas d’évaluation l’affaire sera rayée du rôle et il sera condamné aux dépens ; alors le défenseur devrait avoir le droit de faire reporter l’affaire au rôle et de la faire poursuivre. Il me semble que c’est là la manière, selon moi, d’éviter l’inconvénient que l’honorable M. Raikem a signalé.
M. Raikem – Il me semble, messieurs, que le meilleur moyen de parer à l’inconvénient auquel l’article, tel qu’il est rédigé, donnerait lieu, ce serait d’accorder au défenseur le droit de faire lui-même l’évaluation, alors même que le demandeur ne l’aurait pas faite et de statuer que dans ce cas l’évaluation du défenseur déterminera la compétence du tribunal. Je demanderai à M. le rapporteur s’il se rallierait à une proposition semblable ?
M. de Behr, rapporteur – Je n’y verrais pas d’inconvénient ; cependant, je pense toujours que le défenseur qui voudrait faire juger sa cause, pourrait toujours atteindre son but en demandant au tribunal d’imposer silence perpétuel au demandeur.
M. Metz – Chacun craint de voir traîner les affaires en longueur alors que le demander ne jugerait pas à propos de faire, comme le veut la loi, l’évaluation de la valeur de l’objet immobilier qu’il réclame. Il me semble qu’il y aurait un moyen bien simple de parer à cet inconvénient. Ce serait de laisser, dans le cas dont il s’agit, juger l’affaire par défaut contre le demandeur ; qu’au lieu de mettre : « à peine de voir rayer sa cause du rôle, et de se voir condamner aux dépens », on dise : « à peine de voir juger la cause par défaut contre lui. »
M. de Behr – J’ai l’honneur de présenter l’amendement suivant, qui, je crois, conciliera toutes les opinions :
« Toutefois, à défaut d’évaluation par le demandeur, le défenseur pourra poursuivre la cause, en faisant l’évaluation, laquelle déterminera la compétence du juge. »
- Cet amendement est adopté.
L’article ainsi amendé est définitivement adopté.
« Art. 20. Les tribunaux de commerce jugeront en dernier ressort les actions de leur compétence jusqu’à la valeur de 2,000 francs en principal. »
M. Verhaegen – Messieurs, je croirais manquer à mon devoir, si je n’engageais la chambre à revenir sur cette disposition.
Cet article 20 a passé inaperçu : il a une portée beaucoup plus grande qu’on ne paraît le croire.
Les tribunaux, d’après cet article, jugeraient en dernier ressort, jusqu’à concurrence de 2,000 francs en principal.
Dans les petites villes où il n’existe qu’un tribunal de commerce, par exemple, les dangers que je crains se présentent dans toute leur force.
C’est surtout dans ces tribunaux qu’il y a le moins de capacité, et ce sont ces tribunaux qui ont le moins de capacité, lesquels jugent pour ainsi dire de toute la fortune d’un petit commerçant, d’un petit détaillant. Car dans les petites villes, 2,000 francs, pour un petit marchand, pour un petit boutiquier, constituent toute sa fortune.
C’est dans ces localités que les tribunaux de commerce présentent le moins de garanties. Et il ne faut pas se le dissimuler, c’est un greffier qui, le plus souvent, juge à lui seul.
Si maintenant un seul homme qui peut se tromper (et je n’irai pas plus loin) qui, dis-je, peut se tromper, peut compromettre toute la fortune d’un petit marchand, d’un petit boutiquier, vous m’avouerez, messieurs, que l’article 20 présente les plus graves dangers.
Il est possible que dans la suite on apporte des changements à l’organisation des tribunaux de commerce, et il serait à désirer que des changements y fussent apportés, et cela dans le plus bref délai.
Mais aussi longtemps que les tribunaux de commerce continent à exister, comme ils existent aujourd’hui, étendre leur compétence, me paraît une chose très dangereuse.
Je pense, messieurs, que nous pouvons revenir sur cette disposition, parce que le changement qui a été introduit dans le projet primitif nous permet de remettre tout l’article en discussion. Voici pourquoi.
On a ajouté, lors du premier vote, après les mots « 2,000 francs », ceux-ci : « en principal ». Si maintenant, au lieu de combattre cette disposition additionnelle, je la conserve, il m’est permis sans doute de proposer une diminution dans le chiffre.
La loi portait d’abord que les tribunaux de commerce jugeraient en dernier ressort jusqu’à la valeur de 2,000 francs. Par suite d’un amendement proposé par M. le ministre de la justice, on a ajouté à l’article les mots « en principal. » Ces mots indiquent une extension. Si maintenant, moi qui ne suis pas partisan d’une extension de compétence, je voulais combattre cette extension, j’en aurais certainement le droit. Mais si, pour éviter les difficultés, je maintiens ces mots extensifs, il m’en permis de demander qu’on diminue le chiffre. J’arrive également par cette voie au résultat que je veux obtenir.
Je fais cette observation pour qu’on ne vienne pas m’objecter le règlement et me dire que je ne puis combattre que la partie de l’article qui constitue l’amendement.
J’ai l’honneur de proposer à la chambre de rayer purement et simplement l’article 20 du projet et de laisser la compétence des tribunaux de commerce telle qu’elle existe aujourd’hui.
M. de Behr – Messieurs, je ne sais ce qui se passe dans les tribunaux de commerce du ressort de la cour de Bruxelles ; mais je sais bien que les tribunaux de commerce du ressort de la cour d’appel de Liége sont très bien composés et qu’ils jugent très bien. La preuve en est qu’il y a bien peu d’appels de leurs décisions et que la plupart de leurs décisions qui donnent lieu à un appel sont conformés ; de sorte que, sous ce rapport, ils m’inspirent la plus grande confiance.
Messieurs, si on veut revenir au taux primitif, nous retomberons encore dans l’inconvénient de surcharger les cours d’appel, inconvénient qu’on a voulu prévenir, en augmentant le taux des affaires à juger, en dernier ressort par les tribunaux de commerce.
M. Verhaegen – Messieurs, je n’ai pas voulu parler le moins du monde du tribunal de commerce de Bruxelles, de même que je n’a pas entendu parler du tribunal de commerce de Liége, de celui de Verviers, ou de toute autre tribunal spécial de commerce bien composé.
Mais il en est d’autres dans les petites localités, et je les énumérerai pas, qui ne présentent pas les mêmes garanties, et c’est surtout dans ces petites localités où les tribunaux de commerce n’offrent pas ces garanties, que se trouvent les petits boutiquiers , dont toute la fortune pourrait être compromise.
Il y a des tribunaux de commerce dans des localités où il n’existe pas de tribunaux de première instance. Eh bien, dans ces localités, 2,000 francs constituent la fortune d’un petit marchand ; il ne faut pas parler des tribunaux de commerce de Liége, de Bruxelles et d’Anvers. Je ne descends pas à ces particularités ; je vois la chose en grand. Je pense que permettre aux tribunaux de commerce de statuer en dernier ressort, jusqu’à concurrence de deux mille francs, c’est s’exposer à de graves dangers.
Je comprends avec M. de Behr qu’il serait utile de diminuer la besogne des cours d’appel trop surchargée ; si les cours d’appel sont trop surchargées, il faut prendre des mesures pour parer à cet inconvénient ; mais pour opérer une économie, je ne voudrais pas que les intérêts des justiciables fussent froissés. Il faut rester dans la position où l’on s’est placé. Les tribunaux de commerce en général, quoi qu’en en dise, ne présentent pas la même garantie que les tribunaux civils. Souvent, il se présente des questions de droit devant les tribunaux de commerce. Je demande à l’honorable préopinant qui juge ces questions de droit, qui sont fréquentes ? C’est le greffier ! On me dit que non ; moi, je dis que le non, c’est l’exception, et que le oui, c’est la règle. J’en appelle à mes collègues ; les véritables questions de doit sont jugées par les greffiers ; ou bien on consulte les avocats. Je trouve à cela des inconvénients ; quand les négociants, juges d’un tribunal de commerce, sont obligés de consulter leur avocat avant de prononcer leur jugement, c’est une chose très dangereuse.
Il y aurait moyen de parer à cet inconvénient. Cette observation que je vais faire pourra être utile. On a dit qu’il conviendrait de constituer les tribunaux de commerce de manière qu’il y eût toujours des jurisconsultes avec les négociants ; alors il y aurait des garanties. On pourrait également, devant les cours d’appel, assumer des négociants pour examiner les affaires de commerce, de même qu’on assumerait des jurisconsultes auprès des tribunaux de commerce ; alors on aurait toute garantie ; ce système mixte serait très convenable. Mais aussi longtemps que ce système ne sera pas introduit, donner une compétence aussi forte aux tribunaux de commerce, c’est donner lieu à de graves inconvénients.
J’ai entendu, depuis l’adoption de cet article beaucoup d’observations ; il s’est élevé beaucoup de craintes ; je prie la chambre d’y réfléchir mûrement. Cet article est excessivement dangereux. Quant à moi, je crois avoir rempli ma tâche. Vous ferez ce que vous jugerez à propos. Je demande la suppression de l’article.
M. Raikem – J’ai fait attention aux observations de l’honorable préopinant. Elles méritent sans doute d’être examinées et prises en considération. Mais, d’un autre côté, il m’a paru que l’article 20 en discussion est un corollaire de celui par lequel on a augmenté la juridiction en dernier ressort des tribunaux civils. D’après la législation qui nous régit, les tribunaux civils et les tribunaux de commerce prononcent en dernier ressort jusqu’à concurrence de la même somme. Il me paraît que nous devons suivre le principe de la législation actuelle et admettre la même somme de 2,000 francs pour les tribunaux de commerce aussi bien que pour les tribunaux de première instance. Si l’on trouve la somme trop élevée pour les tribunaux de commerce, ce serait plutôt le cas, pour ceux qui partagent cette opinion, de faire un amendement qui, tout en augmentant la compétence, ne s’élèverait pas cependant autant qu’on l’a fait au premier vote.
Nous avons adopté la disposition de la loi française du 25 mai 1838, qui porte la compétence des juges de paix à 100 et 200 francs. La loi du 11 avril, concernant les tribunaux civils, a fixé la compétence en dernier ressort à 1,500 francs, ce qui est un juste milieu entre le taux actuel de 1,000 francs et celui de 2,000 francs proposé au projet. Dans le cas où l’on préférerait ce chiffre pour les tribunaux d’arrondissement et les tribunaux de commerce, il y aurait une analogie parfaite dans les matières de commerce.
Dans beaucoup de localités où il n’y a pas de tribunaux de commerce, ce sont les tribunaux de première instance qui jugent les affaires commerciales ; Eh bien, quand ils auraient à prononcer en matière civile, leur compétence irait jusqu’à 2,000 francs, et quand ils seraient saisis de matières commerciales, ils ne pourraient prononcer en dernier ressort que jusqu’à concurrence de la somme de 1,000 francs.
Vous voyez qu’il y aurait une très grande anomalie. Si l’on voulait borner la disposition à l’appel des tribunaux spécialement constitués comme tribunaux de commerce, la disposition changerait de face, mais il n’y aurait pas moins une disparate, de distinguer les tribunaux de commerce des tribunaux civils ordinaires.
On a dit que c’étaient presque toujours les greffiers qui décidaient quand il se présentait des questions de droit devant les tribunaux de commerce. On a déjà répondu à cet argument basé, au moins pour plusieurs tribunaux de commerce, sur une supposition erronée. Mais, en outre, je ferai observer que, pour les questions de droit, on peut se pourvoir en cassation contre les jugements des tribunaux de commerce. Ce n’est que pour les questions de fait que leurs jugements ne peuvent pas être attaqués. Ce sont cependant des questions de fait qui se présentent le plus souvent devant ces tribunaux ; et sans doute les négociants ont toute l’aptitude nécessaire pour les apprécier.
Je ne vois donc pas qu’on ait démontré que la disposition serait exorbitante pour les tribunaux de commerce.
M. Dolez – Je veux, avec mon honorable collègue, M. Verhaegen, qu’on n’élève pas la juridiction des tribunaux de commerce. Je motive comme lui mon opinion sur deux considérations : La première est la composition actuelle des tribunaux de commerce. Je dois admettre, avec quelques-uns de nos collègues, que dans certains tribunaux de commerce, ce n’est pas toujours le greffier qui décide ; mais on reconnaîtra que dans ce cas-là, c’est un membre influent, dont les autres prennent l’avis et qui compose à lui seul le tribunal ; de sorte que, soit le greffier, soit un juge, c’est un seul homme qui jugera sans appel jusqu’à concurrence de 2 mille francs. C’est une question grave que de livrer à la décision d’un seul homme une somme de pareille importance. Je dis une somme de pareille importance, parce que, pour le petit commerce, l’importance relative d’une somme de deux mille francs est plus grande que celle d’affaires de même valeur portées devant les tribunaux ordinaires, par exemple, quand il s’agit de propriétés foncières.
L’honorable M. Raikem a dit qu’on avait le recours en cassation pour les affaires de droit, mais il n’a pas pris garde que le recours en cassation n’empêche pas l’exécution du jugement. Il en résulterait que le malheureux négociant condamné, que son pourvoi fût admis ou non, serait entraîné dans une ruine dont il ne pourrait plus se tirer. Le jugement du tribunal de commerce peut entraîner la contrainte par corps, le recours ne suspend pas l’exécution. Il est à remarquer que le recours en cassation est très dispendieux ; il entraîne des frais importants ; la consignation de l'amende de 150 francs, l’indemnité de 150 francs au profit de défenseur quand le demandeur succombe. C’est une voie que bien peu de personnes se décident à tenter.
L’honorable M. Raikem disait encore que, dans plusieurs localités, les tribunaux de première instance remplissaient les fonctions de tribunaux de commerce, que dans ces localités, autoriser les tribunaux de première instance à juger en dernier ressort jusqu’à deux mille francs quand il s’agirait d’affaires ordinaires et jusqu’à mille francs seulement quand il s’agirait d’affaires commerciales, serait consacrer une véritable inégalité devant la loi.
Je ferai observer que, quand les tribunaux de première instance siègent comme tribunaux de commerce, ils procèdent comme s’ils étaient composés de négociants ; on y plaide sans ministère d’avoué et on y suit les formes de procédure des tribunaux de commerce ordinaires. Il faut donc les mettre alors sur la même ligne que les tribunaux de commerce composés, en réalité, de négociants. Il n’y a pas le moindre inconvénient à les laisser sous l’empire de la législation actuelle. Ou bien si on croit une augmentation nécessaire on peut porter à 1,500 francs la compétence qu’on avait cru pouvoir élever jusqu’à deux mille francs. Je vous livre ce terme moyen qui ne vaut pas la législation actuelle. Quant à moi, c’est pour celles-ci que je me prononce.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Pour apprécier la disposition dont il s’agit, il faut bien se pénétrer de l’esprit dans lequel elle a été rédigée. Elle a été portée non pour étendre la compétence des tribunaux de commerce, mais comme conséquence de l’article adopté relativement aux tribunaux de première instance et aux juges de paix, parce qu’on a considéré que la valeur monétaire avait changé depuis la loi de 1790. Partant de ce point, si les juges consulaires étaient assez habiles, en 1790, pour connaître des affaires jusqu’à concurrence de mille francs, il faut bien reconnaître, à moins de supposer que leur habilité a diminué depuis cette époque, il faut bien reconnaître qu’ils sont également habiles à juger aujourd’hui des affaires jusqu’à concurrence de 2,000 francs. Or, au lieu d’avoir diminué, je crois que la capacité des juges consulaires a augmenté depuis 1790. Du reste, les mauvais tribunaux de commerce le gouvernement peut les supprimer, il a le pouvoir de le faire et il en usera au besoin.
Il résultera d’ailleurs de la suppression de l’article dont nous nous occupons, une anomalie qui ne permet pas de l’admettre ; les tribunaux de commerce jugeraient jusqu’à concurrence de 1,000 francs, et les tribunaux de première instance dans les localités où il n’y a pas de tribunaux de commerce jugeraient en dernier ressort les matières commerciales jusqu’à concurrence de 2,000 francs, car ils ne sont point tribunaux de commerce ; ils décident de ces matières en vertu de la juridiction qui leur est propre comme juges ordinaires à défaut de juges d’exception dans la localité où ils siègent.
Ce serait là une anomalie qui ne peut être admise, surtout quand on considère qu’il s’agit moins d’étendre la compétence que de la maintenir au même niveau en tenant compte du changement dans la valeur monétaire.
M. Verhaegen – J’ai à répondre à un argument de M. le ministre de la justice et à un autre de M. Raikem.
Je ne pense pas que cet article ait été motivé par la considération dont on vous a parlé. Il est très possible que le changement de la valeur monétaire ait déterminé à changer le chiffre de la compétence des juges de paix qui avait été fixée en 1790 ; mais le chiffre de la compétence des tribunaux de commerce a été fixé par l’article 606 du code de commerce ; ainsi cette considération ne vient pas ici à propos. Voilà la réponse que j’avais à faire à M. le ministre de la justice.
M. Raikem dit qu’il y aurait de l’inconvénient à laisser les tribunaux civils juger jusqu’à 2,000 francs, tandis qu’on restreindrait la compétence des tribunaux de commerce à 1,000 francs. Il y a, dit-il, des tribunaux civils jugeant commercialement ; ceux-là jugeraient jusqu’à 2,000 francs, ce serait une bigarrure inadmissible.
Mais si j’ai fait une observation sur les tribunaux de commerce, j’en ferai une analogue sur les tribunaux civils jugeant commercialement. S’il manque quelque chose aux tribunaux de commerce, il manque quelque chose aux tribunaux civils jugeant commercialement. Aux premiers il manque des jurisconsultes, aux seconds il manque des négociants capables d’apprécier les usages du commerce.
Je pense donc que ces deux espèces de tribunaux doit être mis sur la même ligne, que les tribunaux civils jugeant commercialement, de même que les tribunaux de commerce, ne doivent juger en dernier ressort que jusqu’à concurrence de 1,000 francs.
M. Raikem – Je n’ai pas parlé de terme moyen ; j’ai seulement cité la loi française ; Je n’ai pas prétendu qu’il fallait faire une différence entre les tribunaux de commerce et les tribunaux civils jugeant des affaires commerciales. Mais j’ai fait remarquer la singularité d’avoir les mêmes juges siégeant en dernier ressort jusqu’à 2,000 francs pour les affaires civiles, et ne jugeant en dernier ressort que jusqu’à 1,000 francs pour les affaires commerciales.
A cet égard, l’honorable préopinant a dit qu’il manque quelque chose aux tribunaux de commerce, comme il manque quelque chose aux tribunaux civils ; que dans les tribunaux de commerce il manque des jurisconsultes ; que dans les tribunaux civils il manque des négociants capables d’apprécier les usage du commerce.
Eh bien, quand il s’agit d’affaires portées devant un tribunal de commerce, j’ai déjà fait observer que les questions de fait étaient celles qui se présentaient le plus souvent, et qu’alors les juges de commerce étaient à même d’apprécier ces questions de fait aussi bien jusqu’à concurrence de 2,000 francs, que jusqu’à concurrence de 1,000 francs.
Comme j’avais fait observer qu’il y avait recours en cassation pour les questions de droit, on m’a répondu que le jugement était exécutoire nonobstant le recours en cassation, ce que je croyais fort bien savoir. On a dit aussi que le recours en cassation entraînait des amendes et indemnités ; mais on sait que l’amende est restituée quand le jugement est cassé ; que, dans ce cas, il n’est pas dû d’indemnité, et que l’on ne se pourvoit en cassation que quand on a quelque chance de succès et quand on aperçoit que la loi a été violée.
Je crois donc que les considérations qu’on a fait valoir n’ont aucunement énervé l’article en discussion, et que les arguments de M. le ministre de la justice restent debout, car il y aurait évidemment anomalie à ce que des juges jugeassent en dernier ressort en matière commerciale jusqu’à concurrence de 1000 francs et dans les autres matières jusqu’à concurrence de 2,000 francs.
Mais, dit-on, il manque dans les tribunaux civils des négociants qui puissent apprécier les usages du commerce. On pourrait en dire autant des cours d’appel, car il s’y trouve plus de jurisconsultes que de négociants, si même, il s’y trouve des négociants, ce qui serait en quelque sorte l’effet du hasard. Il faudrait donc faire, dans la seconde instance, la même différence entre les affaires commerciales et es affaires civiles.
Je crois qu’il y a lieu d’adopter l’article du projet et que le système contraire introduirait dans la compétence une véritable bigarrure.
- L’article 20 est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.