(Moniteur belge n°101 du 9 avril 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Lejeune fait l’appel nominal à 2 heures.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, dans une précédente séance, vous avez renvoyé la pétition du conseil communal de la ville de Tamise à l’examen de la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
Je viens, en son nom, m’acquitter de la tâche que vous lui avez imposée.
Le conseil communal de Tamise vous expose que, par suite de l’impétuosité des dernières tempêtes, un des débarcadères du quai de cette commune a été totalement détruit et présente, dans ce moment, le plus grand danger, de sorte qu’il est nécessaire de le remplacer par un nouveau, dont la dépense, d’après le devis joint à la pétition, s’élèverait à la somme de 5,040 francs.
La ville de Tamise est le principal port de cette riche et industrieuse partie de la Flandre orientale qui constitue aujourd’hui le district de St-Nicolas. Son commerce a acquis une assez grande importance et sa navigation avec tout le littoral de l’Escaut est très active. L’enlèvement du débarcadère laisse donc en souffrance de graves intérêts.
Le conseil communal reconnaît qu’il incombe de faire effectuer à ses quais les réparations ordinaires, mais il ajoute que ses ressources le mettent dans l’impossibilité de parer aux dépenses occasionnées par des événements exceptionnels et qui sont en dehors de ses prévisions.
D’un autre côté, la commune s’est imposée les plus grands sacrifices, tant pour élever des asiles à l’infortune ou à la souffrance que pour ouvrir des routes pavées, qui ont peut-être été aussi utiles aux localités circonsvoisines, qu’à la ville elle-même, de sorte qu’elle ne pourrait aujourd’hui dépasser sans inconvénient la somme de ses charges communales.
Dans cet état de choses, le conseil s’est adressé à vous pour réclamer un subside extraordinaire tendant à réparer les sinistres occasionnés par les dernières tempêtes. A l’appui de sa pétition, il a joint toutes les pièces qui établissent d’une manière irrécusable l’exactitude de ses allégations.
Votre commission des pétitions a examiné ces pièces avec attention ; elle a reconnu que la position financière de la commune la méritait réellement dans l’impossibilité de pourvoir à de nouvelles dépenses, de sorte que la demande serait de nature à pouvoir être prise en considération. En conséquence elle a l’honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. le président – La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la parole, il va être procédé à la discussion des articles.
« Art. 1er. Un crédit de cent-trente-deux mille francs (132,000 fr.) est ouvert au département des travaux publics à l’effet de pourvoir au payement des travaux extraordinaires que le rétablissement de la navigation sur le canal de Maestricht à Bois-le-Duc a rendus nécessaires. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit, qui formera l’article 14 du chapitre IV du budget des travaux publics, exercice 1839, sera couvert au moyen de pareille somme à prélever, par voie de transfert, sur l’article premier, chapitre V, du budget du même département, exercice 1838. »
- Adopté.
Il est procédé par appel nominal au vote sur l’ensemble Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 65 membres qui ont pris part au vote, et qui sont :
MM. Berger, Brabant, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Seron, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Ch. Vilain XIIII, Willmar, Zoude, Cogels et de Ridder.
M. le président – L’ordre du jour appelle la prise en considération de demandes en grande naturalisation. La première demande est celle du sieur de la Croix.
Voici le rapport de la commission, présenté par M. Dubus (aîné) :
« Le sieur Guillaume-François-Benoît-Hirène-Auguste de la Croix, lieutenant au troisième régiment de ligne, né à Gand, d’un père français, le 1er thermidor an XI (20 juillet 1803) demande la grande naturalisation, aux termes du §3 de l’article 2 de la loi du 27 septembre 1833.
« Son père habitait à Gand et exerçait les fonctions de percepteur des contributions de la commune de Destelbergen : il continua à y demeurer jusqu’en 1814, époque où il rentra en France avec toute sa famille.
« Ce ne fut qu’en 1830 que le pétitionnaire revint en Belgique, où il se soumit aux lois de la milice, par un tirage au sort supplémentaire.
« Le 3 décembre 1830, il fut nommé employé au commissariat-général de la guerre : un arrêté du régent du 11 mai 1831 le nomma sous-lieutenant. Il fut promu au grade de lieutenant, par arrêté royal du 10 mai 1833.
« Il expose que c’est à cause de son ignorance des lois civiles qu’il n’a pas fait, dans l’année de sa majorité, la déclaration prescrite par l’article 9 du code civil.
« Mais il importe de remarquer qu’il n’a atteint sa majorité qu’en 1824 ; qu’à cette époque la loi fondamentale de 1815, encore en vigueur, réputait indigène tout habitant né, soit dans le royaume, soit dans les colonies, de parents qui y sont domiciliés, sans lui imposer la condition de faire une déclaration quelconque, dans l’année de sa majorité. Le pétitionnaire ne paraît donc pas pouvoir être considéré comme ayant négligé de faire cette déclaration, et par suite la disposition susrappelée de la loi de 1835, où l’expression « qui auraient négligé » a été introduite à dessein par la chambre, ne lui serait pas applicable.
« Le sieur de la Croix habitant, depuis 1830, la Belgique où il est né de parents qui y étaient domiciliés, paraît devoir être considéré comme indigène, à moins que de 1824 à 1830 il n’ait fait quelque acte par lequel il aurait abdiqué la qualité de Belge ; et, dans ce cas même, il pourrait la recouvrer en se conformant à l’article 18 du code civil.
« En conséquence, la commission estime qu’il n’y a pas lieu à faire droit sur la requête du sieur de la Croix.
M. le président – Messieurs, il est probable que si ce rapport avait été communiqué au pétitionnaire, celui-ci aurait retiré sa demande ; il paraît effectivement qu’il conserve la qualité de Belge. Je proposerai donc à la chambre de charger le bureau de donner communication du rapport au pétitionnaire, pour qu’il fasse connaître s’il entend persister ou non dans sa demande. (Appuyé !) S’il n’y a pas d’opposition, le bureau donnera communication du rapport de la commission au sieur de la Croix.
Nous passons à la demande du sieur Denis Moles le Bailly-d’Hont.
Voici le rapport de la commission, présenté par M. Desmanet de Biesme.
« Par requête en date du 31 mai 1836, le sieur Denis Moles le Bailly-d’Hont demande la grande naturalisation.
« Il résulte de l’examen des pièces qu’il a produites, que s’il n’a pas fait la déclaration en temps utile, cela provient uniquement de ce qu’il se croyait Belge depuis longtemps, et ne pensait pas avoir besoin de remplir cette formalité.
« Né à Paris, le 5 novembre 1776, le sieur Denis Moles le Bailly d’Hont est fils du sieur Denis Moles et de la dame Anne Felding.
« Il a été adopté par dame Anne-Joséphine le Bailly, en vertu d’un jugement rendu par le tribunal de première instance de Gand, le 30 août 1808, lequel a été confirmé par la cour d’appel de Bruxelles, le 19 juillet 1809, cette adoption a été inscrite à l’état civil de Gand, en date du 22 juillet 1809.
« Il a depuis 1810 fixé son domicile dans la ville de Bruges, et il y a établi le siège de ses affaires ; il s’y est marié à une demoiselle de cette ville, et en a eu un fils.
« Sous l’empire et le gouvernement précédent, il a exercé, pendant plusieurs années, les fonctions de maire et bourgmestre de Beveren, près de Roulers, et il a été membre des états provinciaux de la Flandre occidentale.
« Depuis la révolution, il a été convoqué et admis à voter dans les élections pour la chambre et le sénat.
« N’ayant donc jamais éprouvé la moindre difficulté dans l’exercice de ses droits civiques, le pétitionnaire se croyait Belge, lorsque la régence de Bruges, se fondant sur l’article premier de la loi électorale du 3 mars 1831, le prévint, par sa lettre du 6 avril 1836, qu’il ne pouvait exercer son droit d’électeur, n’étant pas Belge de naissance et n’ayant pas reçu la naturalisation.
« C’est dans cette position que le sieur Moles le Bailly d’Hont, s’adresse à la chambre pour obtenir la grande naturalisation se fondant sur l’article 16 de la loi du 27 septembre 1835, qui vous permet de la lui accorder sans avoir rendu des services éminents à l’Etat.
« Toutes les autorités qui ont eu à émettre leur avis appuient cette demande et se plaisent à rendre hommage au caractère honorable du requérant ; il jouit d’une existence très indépendance, et paie à l’Etat, en contributions directes, le cens exigé pour être sénateur.
« Ces témoignages m’ont aussi été conformés par des honorables députés du district de Bruges, dont il est parfaitement connu. »
Conformément aux dispositions de la loi, il va être procédé à la prise en considération de la demande par boules blanches et noires.
On procède à l’appel nominal.
En voici le résultat :
Nombre de votants : 64
Boules blanches : 57
Boules noires : 7
En conséquence, la demande est prise en considération.
Elle sera transmise au sénat.
La chambre passe à la demande de grande naturalisation formée par le sieur Joseph Zurstrassen.
« Messieurs,
« Le sieur Joseph Zurstrassen, négociant à Verviers, demande la grande naturalisation en vertu de l’article 16 de la loi du 27 septembre 1835.
« Le pétitionnaire, né à Warendorff (Prusse), le 1er octobre 1789, habite la ville de Verviers depuis 1804 ; avant et depuis la révolution il a rempli les fonctions de juge au tribunal de commerce de Verviers, de membre de la chambre de commerce et de membre du bureau de bienfaisance ; il jouit de l’estime et de la considération publiques.
« Le sieur Zurstrassen se trouvait dans le cas de pouvoir être considéré comme Belge de naissance, en remplissant en temps utile, les formalités prescrites par l’article 133 de la constitution. Voici ce qui résulte des pièces annexées à la demande pour justifier, conformément à l’article 16 de la loi du 27 septembre 1835, que, par des circonstances indépendantes de sa volonté, ces formalités n’ont pas été remplies dans le terme prescrit :
« 1° Pour justifier de sa résidence en Belgique, depuis et avant le 1er janvier 1814, il a demandé au commissaire de police de Verviers un certificat qui lui a été délivré par ce fonctionnaire le 26 juillet 1831, et qui constate que le sieur Joseph Zurstrassen habite la ville de Verviers depuis l’année 1804. Ce certificat porte en outre : que le pétitionnaire s’est présenté devant le commissaire de police à l’effet d’obtenir une déclaration pour se faire naturaliser en Belgique ;
« 2° Le 6 août suivant il a signé une procuration sous sous-privé, enregistrée le même jour, contenant pouvoir de faire, en son nom, auprès de l’autorité provinciale, la déclaration prescrite par l’article 133de la constitution ;
« Ces pièces furent adressées, par le pétitionnaire, à la maison de banque M.J. Vercour, à Liège ; les diligences nécessaires furent faites, mais, à cause de défauts de forme qu’on objecta, les pièces furent renvoyées par le mandataire, le 12 août 1831, à Verviers, pour être régularisées. Le pétitionnaire était absent, il croyait avoir rempli toutes les formalités nécessaires pour jouir du bénéfice de l’article 133 de la constitution, et le délai fatal expira avant qu’il lui fût possible de faire sa déclaration. »
La chambre procéda au vote par appel nominal sur cette demande de grande naturalisation ; voici le résultat du vote :
Nombre de votants, 61.
Boules blanches, 54.
Boules noires, 7.
En conséquence, la demande est prise en considération ; elle sera transmise au sénat.
La chambre passe à la demande de grande naturalisation faire par les sieurs A.-F. von den Busch et P.-J.-L. von den Busch.
Voici le rapport fait sur cette demande par M. Mast de Vries, au nom de la commission des naturalisations :
« Messieurs,
« Les sieurs Alexandre-François von den Busch et Pierre-Jean-Louis von den Busch, demeurant à Tongres, se sont adressés à la chambre des représentants, le 22 avril 1836, à l’effet d’obtenir la grande naturalisation.
« Les pétitionnaires sont nés à Tongres, le 2 août 1810 et le 19 août 1812, de Charles-François-Gaspart-Aloïs von den Busch, étranger établi, depuis de longues années, en Belgique, et de leur mère belge Anne-Catherine Treunen.
« Il suffisait aux demandeurs de faire, à leur majorité, la déclaration prescrite par l’article 9 du code civil, mais, ayant négligé cette formalité, ils réclament le bénéfice du paragraphe 3 de l’article 2 de la loi du 27 septembre 1835.
« Les avis et renseignements qui se trouvent au dossier leur sont favorables. »
M. Dumortier – Il me paraît évident que les deux pétitionnaires n’ont pas besoin de la grande naturalisation, ils jouissent de la qualité de Belges. Ils sont nés à Tongres d’un père étranger et d’une mère belge, domiciliés en Belgique. La loi fondamentale dans son article 8 assimile aux indigènes les personnes qui sont dans ce cas. Il y a un arrêt de la cour de cassation dans ce sens.
M. le président – Les pétitionnaires n’ont pas fait la déclaration prescrite par l’article 9 du code civil.
M. Dumortier – Ils n’avaient pas besoin de faire cette déclaration, d’après la loi fondamentale. L’article 8 de la loi fondamentale est ainsi conçu :
« Art. 8. Nul ne peut être nommé des états-généraux, chef ou membre des départements d’administration générale, conseiller d’Etat, commissaire du roi dans les provinces ou membre de la haute cour, s’il n’est habitant des Pays-Bas, ; né, soit dans le royaume, soit dans ses colonies, de parents qui y sont domiciliés. – S’il est né à l’étranger pensant une absence de ses parents, momentanée, ou pour service public, il jouit des mêmes droits. »
Si la loi fondamentale permettait à ceux qui étaient nés en Belgique, de parents y domiciliés, de faire partie des états généraux, d’être ministres, sans exiger de déclaration, il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande. Il y a de plus jurisprudence sur ce point, il y a arrêt de la cour de cassation.
M. le président fait observer que la loi fondamentale a été abrogée avant la majorité des demandeurs, c’est-à-dire, avant l’âge où elle leur accordait la qualité de Belges, et que de plus ils ont négligé une déclaration lorsqu’ils avaient leur majorité.
M. Dumortier – Mais on ne fait pas de déclaration à l’âge de 21 ans.
M. de Behr – Il faut examiner si la loi fondamentale ne leur a pas conféré la qualité de Belges, de plein droit, et d’une manière indélébile.
M. le président – Il y a toujours défaut de déclaration ; s’oppose-t-on au scrutin ?
M. Demonceau – Pourquoi s’opposer au scrutin ? Ceux des membres de la chambre qui ont la conviction que les demandeurs sont Belges mettront la boule blanche sans hésiter ; ceux qui ne croient pas que la loi fondamentale leur a donné la qualité de Belges, la leur accorderont par leur vote.
La chambre ouvre le scrutin sur la demande du sieur Alexandre-François von den Busch.
Nombre de votants, 57.
Boules blanches, 50.
Boules noires, 7.
En conséquence, la demande est prise en considération et sera transmise au sénat.
La chambre ouvre ensuite un scrutin sur la demande du sieur Pierre-Jean-Louis von den Busch.
Nombre de votants, 54.
Boules blanches, 48.
Boules noires, 6.
En conséquence, la demande est prise en considération et sera transmise au sénat.
M. le président – Je crois que la chambre devrait fixer son ordre du jour. Quelqu’un fait-il une proposition ?
M. Dumortier – Si quelques membres pouvaient nous donner des explications sur la formation du ministère, nous leur en serions reconnaissants. Je sais que nous n’avons pas le droit d’interpeller nos collègues, mais s’il en est qui puissent nous apprendre quelque chose à cet égard, je désirerais qu’ils voulussent bien le faire.
M. Demonceau – On ne peut exiger de personne des explications de cette nature. Je pense qu’il vaudrait mieux charger le bureau de convoquer la chambre aussitôt qu’une décision aura été prise.
M. Devaux – Messieurs, l’affaire de la compagnie rhénane du chemin de fer paraît devoir exercer quelqu’influence sur la fixation de l’ordre du jour. On a demandé si quelques membres avaient des éclaircissements à donner sur l’époque probable de la formation du cabinet.
J’ai eu l’honneur d’être appelé au palais dans la journée d’hier. Notre honorable collègue, M. d’Huart, y avait été mandé avant moi.
Le sentiment d’un devoir impérieux avait seul pu déterminer M. d’Huart à venir assister à notre séance de lundi, car, pour se rendre à Bruxelles, il avait dû quitter le lit d’un de ses enfants gravement malade. Cédant à ses inquiétudes de père, il est reparti le même jour pour sa campagne près de Dinant, et n’a pu recevoir par conséquent l’invitation de S. M.
J’ai eu l’honneur d’avoir un entretien avec le Roi, en l’absence de M. d’Huart qui avait été appelé concurremment avec moi ; cet entretien n’a pu être qu’une simple conversation sur la situation actuelle des affaires.
Le Roi se proposant de se rendre demain au château d’Ardenne, a prie M. d’Huart, dont la campagne est voisine d’Ardenne, de s’y rendre vendredi.
Il vous paraîtra probable, comme à moi, d’après ces circonstances, qu’on ne pourra s’occuper d’arrangements ministériels, à Bruxelles, que dans quelques jours. Si je suis bien informé, S.M. sera de retour dès le commencement de la semaine prochaine. Et comme dans la formation d’un cabinet, il faut s’entendre non seulement sur les personnes, mais sur les choses, il doit sembler très difficile, sinon impossible qu’un ministère nouveau soit formé avant les fêtes de Pâques ; dès lors, si MM. les ministre démissionnaires ne soutiennent pas la discussion de l’acte passé avec la compagnie rhénane, et si le délai n’est pas prolongé, il est à prévoir qu’il restera peu de temps pour la discussion de ce projet de loi par les deux chambres.
M. Demonceau – La section centrale s’est occupée de l’examen du projet de loi relatif aux quatre mille actions du chemin de fer rhénan ; la question lui a paru excessivement grave, et je crois être l’organe de la section centrale en disant qu’il n’est pas possible de discuter ce projet de loi sans la présence d’un ministère quelconque.
Cette question doit être plutôt envisagée sous le rapport politique que sous le rapport financier. S’il faut ne croire certains bruits répandus précédemment, l’honorable membre auquel l’honorable M. Devaux vient de faire allusion aurait témoigné beaucoup d’éloignement pour l’adoption du projet de loi. C’est donc une raison de plus pour la section centrale d’engager la chambre à attendre la présence d’un ministère. Je pense avoir rendu la véritable pensée de la section centrale. Je n’en suis cependant pas le rapporteur, mais comme je m’étais aperçu que le rapporteur était absent, j’ai cru devoir prendre la parole.
M. le président – J’ajouterai aux renseignements que l’honorable M. Demonceau vient de donner, que la section centrale a terminé son travail et que le rapporteur a été nommé ; mais le rapporteur m’a dit qu’il lui faudrait quelques jours pour terminer son rapport.
M. Lys – Je partage l’opinion de l’honorable M. Demonceau. C’est une question à la fois politique et commerciale ; le côté financier sera très secondaire. Il me paraît dès lors qu’il faut un ministère, avant que la chambre aborde la discussion de la loi.
M. Fleussu – Messieurs, il y a encore une raison qui est la conséquence du projet de loi lui-même tel qu’il sera élaboré par la section centrale, c’est que la section centrale est d’avis d’insérer un article qui consiste à faire en quelque sorte une loi au gouvernement de n’accepter la convention que sous une condition que le rapport vous fera connaître ; avant de sanctionner la loi, le gouvernement aura donc à examiner, s’il lui convient de souscrire à la condition à laquelle je fais allusion, de manière que la présence d’un ministère quelconque est absolument nécessaire.
Quant à l’opinion tranchée qu’on paraît vouloir prêter à l’honorable M. d’Huart sur la question dont il s’agit, je dois dire que M. d’Huart, qui faisait partie de ma section, ne s’est nullement prononcé d’une manière formelle ; qu’il a manifesté beaucoup de doutes ; que même tous les membres de la section centrale partageaient ces doutes ; que nous avions d’abord certaine répugnance à nous montrer favorables pour le projet de loi et que notre opinion définitive était subordonnée aux réponses que recevraient les observations sur lesquelles le rapporteur était chargé d’appeler l’attention de la section centrale. Lorsque l’honorable M. d’Huart aura examiné les motifs du rapport, ses doutes pourront s’éclaircir, et il lui arrivera peut-être comme à d’autres qu’il finira par adopter une opinion autre que celle vers laquelle il a semblé tendre d’abord.
M. F. de Mérode – Je ne puis m’empêcher de faire une observation : on peut voir maintenant combien les perturbations ministérielles nuisent à la prompte expédition des affaires les plus importantes de l’Etat.
M. le président – Je dois appeler l’attention de la chambre sur un objet qui est très urgent, je veux parler de la loi sur la milice.
M. Dumortier – Je fais partie de la section centrale du budget de la guerre, je pense pouvoir rappeler à la chambre ce qui s’est passé dans cette section, relativement à cet objet.
Nous avons examiné la question de savoir s’il fallait présenter un projet de loi concernant la question de la milice. C’est une question très grave. Nous avons pensé que l’initiative ne pouvait être prise par des députés qu’à la dernière extrémité.
Nous avons donc été d’avis que, si pour le jour de la rentrée du sénat un ministère n’était pas formé, la section centrale devrait alors aviser aux moyens de maintenir momentanément le statu quo, de manière à laisser la question entière.
M. Rodenbach – Messieurs, il me semble que, puisque nous n’avons pas encore de ministère, nous pourrions nous ajourner jusqu’au 21 au 22 de ce mois ; nous avons encore le temps jusqu’au 27, pour décider la question concernant les 4,000 actions à prendre par le gouvernement dans le chemin de fer prussien. Il sera également temps encore de maintenir à la disposition du gouvernement les miliciens de 1833, 1834 et 1835, puisque ce n’est que le 1er mai que ces miliciens seront libérés.
Je pense donc que la chambre pourrait se réunir le 21 ou le 22 ; il n’y a aucun inconvénient à ajourner les deux projets de loi dont il s’agit ; le ministère sera sans doute composé alors…
Un membre – Le sénat ne sera pas réuni.
M. Rodenbach – Le sénat pourra être convoqué extraordinairement, puisque c’est une affaire urgente ; agir autrement, et cela en l’absence d’un ministère, serait moins rationnel, moins constitutionnel.
M. Mast de Vries – Le sénat se réunit le 13 de ce mois, et il se retirera le même jour, parce qu’il n’y a qu’une loi à voter.
M. le président – On propose que la chambre ait séance demain pour entendre le rapport de la section centrale, relativement à la question de la milice.
Des membres – Nous ne serons pas en nombre.
M. Dumortier – La chambre paraît être d’accord sur la nécessité de prendre à cet égard une mesure temporaire. Pourquoi la section centrale ne se retirerait-elle pas un instant pour délibérer sur cette mesure, et proposer un projet de loi, s’il y a lieu ? (Appuyé ! appuyé !)
M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, la section centrale publique sera suspendue, et la section centrale est priée de se réunir.
- Au bout d’un quart d’heure, la séance publique est reprise.
M. Brabant, rapporteur de la section centrale, monte à la tribune et s’exprime en ces termes :
« Messieurs, la loi du 3 juin 1839 était ainsi conçue :
« Art. 1. Les miliciens appartenant aux classes de 1832, 1833 et 1834, resteront provisoirement à la disposition du gouvernement jusqu’au 1er mai 1840. »
« Art. 2. Le gouvernement fixera l’époque de l’exécution de la présente loi. »
Depuis, la classe de 1832 a été congédiée ; et sans la disposition qui a vous êtes proposée, il y aurait lieu à licenciement des classes de 1833, 1834 et 1835. La section centrale a donc supprimé dans la loi du 3 juin 1839, la classe de 1832, qui est libérée maintenant, et elle y a compris la classe de 1835. Elle propose de maintenir provisoirement à la disposition du gouvernement les miliciens des trois classes jusqu’au 1er juillet prochain. Dans l’intervalle le ministère sera sans doute formé, et il aura le temps de se former une opinion sur le parti à prendre relativement à ces classes.
Le projet de loi que la section centrale vous propose est conçu en ces termes :
« Art. 1er. Les miliciens appartenant aux classes de 1833, 1834 et 1835 resteront provisoirement à la disposition du gouvernement jusqu’au 1er juillet prochain.
« Art. 2. Le gouvernement fixera l’époque de l’exécution de la présente loi. »
De toutes parts – Aux voix ! aux voix !
M. le président – On réclame l’urgence. S’il n’y a pas d’opposition, le projet de loi est mis en délibération.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles qui sont l’un et l’autre adoptés sans discussion, en la teneur ci-dessus.
M. le président – Avant de passer à l’appel nominal, il conviendrait que la chambre fixât son prochain ordre du jour.
M. Rodenbach – Messieurs, puisque nous allons voter une loi provisoire sur la milice, que nous n’avons pas de ministère, et que nous ne pouvons pas non plus nous occuper de la loi relative aux 4,000 actions, il conviendrait que la chambre prît un congé.
Je crois qu’il conviendrait de prendre un congé jusqu’au 27 avril, c’est le deuxième jeudi de Pâques.
M. Mast de Vries – Nous n’avons rien faire encore de la session ; je pense qu’il suffit de nous ajourner jusqu’au 22 avril.
M. Desmaisières – Je dois faire observer que le terme de la convention avec la compagnie rhénane expire le 27 avril ; et nous n’obtiendrons pas de nouveau délai. J’ai demandé au vice-président de la société de prolonger le terme, et il m’a répondu que cela était impossible, parce qu’il devait y avoir une réunion d’actionnaires pour le mois de mai.
M. Rodenbach – Dans tous les cas on ne peut discuter le projet de loi avant le 27. D’abord notre vote ne suffit pas, il faut qu’il soit sanctionné par le sénat, et on a dit tout à l’heure qu’on ne pouvait pas convoquer le sénat deux fois de suite.
D’ailleurs, je dois déclarer que l’agent du chemin de fer rhénan a fait une concession, et je suis persuadé que le président, qui doit le voir demain matin, obtiendra un nouveau délai d’un mois. La concession qu’il a faite a été de consentir à un amendement prochain par la section centrale.
Je crois qu’il convient de fixer au 27 avril notre prochaine réunion. Vous ne pourrez pas vous réunie avant.
M. le président – Plusieurs propositions sont faites. M. Rodenbach propose de nous ajourner au 27, M. Mast de Vries propose de nous ajourner au 22 ; je vais mettre ces propositions aux voix, en commençant par celle de M. Rodenbach.
- La chambre rejette la proposition d’ajournement au 27 et fixe la prochaine séance au 22, en mettant à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la convention avec la société rhénane.
Le rapport sera imprimé et distribué à domicile, soit à Bruxelles, soit en province.
Il est ensuite procédé à l’appel nominal sur le projet de loi concernant la milice.
Ce projet est adopté à l’unanimité des 51 membres présents qui sont :
MM. Brabant, Coppieters, de Florisone, de Langhe, Delehaye, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Lejeune, Delfosse, Maertens, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Seron, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verhaegen, Willmar, Zoude et Fallon.
La séance est levée à 4 ½ heures.