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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 avril 1840

(Moniteur belge n° 94 du 3 avril 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven fait l’appel nominal à une heure et demie.

M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven rend compte des pièces adressées à la chambre.

« Des habitants des communes de Hamme, Gand, Auwegem, Eessen, Bouchaute demandent le rétablissement de l’usage de la langue flamande dans certaines provinces, pour les affaires de la commune et de la province. »

« Le sieur Henri Antoine Melan, milicien de la commune de Liége, de la classe de 1834, se plaint d’avoir été déclaré, par erreur, retardataire de la milice et incorporé en vertu de l’article 168 de la loi de 1817. »

- Ces deux requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Hambruges demande que cette commune devienne chef-lieu de canton dans la nouvelle réorganisation judiciaire. »

- Cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Des négociants et cultivateurs en lin des communes de Moerseele, Eecloo, Rollegem-Capelle, Avelgem, Hulste, demandent des mesures protectrices de l’industrie linière. »

« Les habitants de la commune d’Ardoye (Roulers) exposent la situation pénible où se trouve l’industrie linière et demandent de prompts secours pour cette industrie périclitante. »

M. Rodenbach – Je dois, messieurs, appuyer de toutes les forces les réclamations qui font l’objet de la pétition dont on vient de vous présenter l’analyse. Il s’agit de la crise qui frappe l’industrie linière. La commune d’Arloye, dont la population est de 8,000 âmes, se trouve dans la plus affreuse misère : quatre mille de ses habitants sont dépourvus de tout moyen de subsistance. La crise est d’autant plus déplorable que le prix des vivres est extrêmement élevé ; les pommes de terre, qui sont pour ainsi dire la seule nourriture des artisans, sont plus chères du double que les années ordinaires.

Je demande que la pétition soit renvoyée à MM. les ministres de l’intérieur et des finances. Je prierai ceux-ci de bien vouloir inviter la commission d’enquête à presser son travail. La misère est à son comble dans les Flandres ; on m’a accusé d’exagération, mais il n’y en a pas dans ce que j’ai dit ; pendant les 15 jours de notre absence, j’ai pu m’assurer de la détresse où ces provinces se trouvent.

M. Delehaye – Je suis également porteur de pétitions des communes de Somerghem, Nevele et Oedelen ; elles sont couvertes d’un nombre considérable de signatures. Les pétitionnaires disent pour la centième fois que le ministère fait tout ce qu’il peut pour laisser l’industrie linière, et ils demandent que la commission d’enquête fasse tous ses efforts pour amener des mesures qui puissent porter remède aux maux de cette industrie.

Je prierai M. le président de vouloir soumettre cette pétition à la chambre et proposer le renvoi demandé par l’honorable M. Rodenbach.

- Ces pétitions sont renvoyées à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.


M. Seron s’excuse par lettre de ne pouvoir assister à la séance du jour avant 4 heures.

- Pris pour notification.

Motion d'ordre

Démission du gouvernement

M. de Langhe – Messieurs, le ministère a fait une question de cabinet de l’affaire du général Vandersmissen, a-t-il eu tort, a-t-il eu raison ? C’est un point que je ne veux pas examiner, mais toujours est-il que, conséquent avec ce qu’il avait déclaré et voyant que le vote de la chambre lui était contraire, il a donné sa démission, et qu’il a réitéré ses déclarations précédentes lorsqu’il a présenté le projet de loi relatif à un crédit provisoire pour le département de la guerre. Dès lors, nous devions croire qu’il avait l’intention de se retirer. Mais, d’un autre côté, si des tentatives ont été faites pour la recomposition du cabinet, il paraît que ces tentatives sont restées sans résultat. La nation se trouve dès lors dans une très grande incertitude ; quand on s’aborde, la première question que l’on s’adresse (et souvent cette question part des deux côtés à la fois), est celle-ci : Le ministère reste-il, ou s’en va-t-il ? Il faut que cette situation soit éclaircie et je demanderai à MM. les ministres qu’ils veuillent nous donner des explications à cet égard et nous dire où en est la situation parlementaire.

Nous avons vu, messieurs, que deux de nos honorable collègues M. Lebeau et M. de Muelenaere ont été consultés ; je désire également qu’ils veuillent bien nous donner toutes les explications que la discrétion comporte, car la nation a soif d’explications.

Quant à nous, messieurs, nous avons à discuter une foule de projets de loi qui intéressent au plus haut degré la nation ; nous voulons tous travailler activement au bien-être d’un ministère solidement constitué. Nous devons donc demander que la situation actuelle cesse ; qu’elle cesse d’une manière quelconque, mais il est important qu’elle cesse promptement.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, la chambre a été convoque pour entendre la lecture d’une proposition. (Interruption.) Les explications que nous avons à donner se rattachant à la fois à la situation du ministère et à cette même proposition, je crois qu’il serait convenable d’en entendre la lecture, qui a été autorisée par les sections. Aussitôt que cette lecture sera faite, je donnerai les explications demandées, car si je les donnais immédiatement, il serait impossible aux personnes qui ne connaissent pas la proposition de comprendre la discussion.

M. de Brouckere – Je ferai, messieurs, deux observations : la première, c’est que la proposition dont on demande la lecture n’émane pas du gouvernement ; la seconde, c’est que tous les membres de la chambre en ont pris ou en ont pu prendre lecture ; car ils ont été convoqués d’une manière très insolite, j’en conviens, d’une manière fort peu conforme au règlement, j’en conviens encore, mais enfin, ils ont tous été convoqués à l’effet de prendre lecture de la proposition dont il s’agit.

A quoi nous servira d’ailleurs qu’on vienne lire une proposition que nous ne pouvons pas discuter ? M. le ministre sait fort bien que tout ce que la chambre pourra faire lorsque la proposition aura été lue, ce sera de la prendre en considération, si elle l’en juge digne, et cela sans discussion.

Je dis, messieurs, que le ministère, sous peine d’agir d’une manière inconvenante, ne peut pas s’abstenir de répondre aux interpellations qui lui ont été adressées par un membre de la représentation nationale. Après cela, si le ministère veut garder le silence, nous n’avons pas de moyens coercitifs pour le contraindre à le rompre, mais je compte sur la bienveillance de l’honorable M. Lebeau et de l’honorable M. de Muelenaere, et je me joins à l’honorable M. de Langhe, pour les prier de vouloir bien nous donner quelques explications, si le ministère refuse de répondre.

M. Pirson – J’adhère complètement, messieurs, à ce que vient de dire l’honorable M. de Brouckere, mais je dois faire une observation : M. le ministre de l'intérieur vient parler d’une proposition qui doit nous être faire par des collègues ; on sait que cette proposition n’a pas été déposée sur le bureau, et dès lors ni nous ni MM. les ministres, n’aurions dû connaître d’avance ce qu’elle contient. Il paraît, au contraire, que MM. les ministres le connaissent fort bien, et que cette proposition, qui nous est soumise par des collègues, nous est faite dans le sens et dans les intérêts du ministère, qui est en effet très embarrassé en ce moment, entre l’arrêté royal concernant le général Vandersmissen et le vote que nous avons émis le 14 mars. Eh bien, messieurs, il faut que le ministère mette à couvert une signature auguste, et s’il persiste à rester dans sa position actuelle, il rejettera sur la couronne le blâme qu’il a encouru pour une mesure dont lui seul doit demeurer responsable.

Je n’en dirai pas davantage pour le moment, mais je développerai l’idée que je viens d’émettre lorsque le moment en sera venu.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On anticipe, messieurs, sur la discussion, il ne s’agit, en ce moment, que d’une seule chose, nous ne demandons qu’une simple lecture de la proposition, et cela est conforme au règlement.

M. le président – La chambre veut-elle entendre la lecture de la proposition ?

M. Pirson – Il y a deux motions ; on a adressé des interpellations au ministère et on a demandé la lecture de la proposition.

Projet de loi autorisant le gouvernement à pensionner des officiers en dehors des cas prévus par la loi du 24 mai 1838

Lecture

M. Zoude monte à la tribune et donne lecture de la proposition. Elle est conçue en ces termes :

« Art. 1er. Le Roi pourra, pendant la présente année, mettre à la pension de retraite les officiers placés en non-activité pour cause indéterminée, depuis la ratification du traité du 19 avril 1839, sans que ces officiers réunissent les conditions exigées par l’article 2 de la loi du 24 mai 1838 (Bulletin officiel, n°21).

« Art. 2. Les officiers pensionnés en exécution de la présente loi ne pourront porter l’uniforme qu’en vertu de l’autorisation spéciale du ministre de la guerre.

« (Signé) J.-N.-J. de Behr, vice-président, L.-J. Zoude, Eug. Desmet, B. Dubus, de Florisone, Eloy de Burdinne, comte W. de Mérode, Mast de Vries, F. Wallaert, baron de Sécus, P. David, Polfvliet, P.-J. de Nef, baron Vanden Broeck de Terbecq, Morel-Danheel, de Garcia de la Vega. »

Motion d'ordre

Démission du gouvernement

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, le ministère a adressé sa démission par écrit au Roi, le 14 mars ; S.M. nous ayant fait l’honneur de nous recevoir, notre démission a été confirmée verbalement avec prière de pourvoir à notre remplacement.

Le Roi a appelé M. Lebeau. A la suite de l’entretien avec cet honorable membre, S.M. lui a déclaré qu’Elle désirait s’éclairer davantage sur la portée et les conséquences du vote de la chambre, ajoutant qu’Elle le considérait dès maintenant obligé, comme membre de la majorité, de se charger de la mission de former un ministère.

S.M. a ensuite appelé d’autres membres de cette chambre afin de s’éclairer sur la situation, son désir étant de connaître si un changement de système de gouvernement était dans les vœux de la chambre ; la volonté du Roi était surtout d’avoir un ministère en harmonie avec la majorité.

Le Roi a fait en cela une juste appréciation du gouvernement représentatif.

Nous n’avons pas cru jusqu’ici pouvoir retirer notre démission ; cependant nous avons déclaré à S.M. et nous le déclarons aussi à la chambre, que si le projet de loi est adopté, nous n’aurions pas de motif de persister dans la résolution de nous retirer.

Il est à remarquer que le vote du 14 mars est incomplet, en ce qu’il reste une mesure à prendre par suite de ce vote.

L’initiative prise en ce moment par plusieurs députés a pour objet de fixer les conséquences de ce vote. Déterminées comme elles le sont dans le projet de loi, le ministère peut les accepter. M. le ministre de la guerre a exprimé, dans la séance du 14 mars, le regret que le gouvernement n’eût pas trouvé dans la législation existante les moyens que lui fourniront ce projet.

Il s’agit d’une position isolée que l’on peut réduire de manière à sauver les inconvénients qui ont été signalés dans la discussion.

Mais si un procès politique doit être la conséquence du vote du 14 mars, le ministère ne peut retirer sa démission. C’est dans ce sens que je m’étais exprimé dans la première discussion.

M. Lebeau – Messieurs, quoique des interpellations parfaitement opportunes dans les circonstances actuelles m’aient été adressées, j’aurais peut-être hésité à y répondre sans le langage que vient de tenir M. le ministre de l'intérieur, qui me force à donner quelques explications. J’espère le faire avec la circonspection et la réserve qu’exige la nature des relations dont j’ai à parler et le caractère de l’auguste personnage qui m’a fait l’honneur de m’appeler auprès de lui.

Le surlendemain du vote émis par la chambre, vote qui a eu pour conséquence la déclaration de MM. les ministres qu’ils se retiraient, Sa Majesté m’a fait l’honneur de m’appeler auprès d’Elle.

Un entretien s’est engagé, et la chambre comprendra que de hautes convenances ne me permettent pas d’en reproduire les détails. Toutefois, après les paroles que vous venez d’entendre, je me crois aussi en présence d’un devoir envers le pays, envers la chambre, envers moi-même, devoir devant lequel aucune considération ne eut me faire reculer.

Sa Majesté, il est vrai, a dit, comme vient de l’indiquer M. le ministre de l'intérieur, mais par forme de réflexion tout à fait générale, que quand on a contribué à démolir, on a accepté l’obligation d’essayer de reconstruire. J’ai répondu immédiatement que je n’avais jamais recherché la tâche de former un cabinet ; mais qu’au besoin, si cette tâche m’était offerte, je ne la déclinerais pas ; que surtout, dans les circonstances actuelles, c’était pour moi un devoir impérieux de l’accepter, et d’essayer de la mener à bonne fin.

Je vous dirai, messieurs, quelle était l’opinion qui me dominait, lorsque j’ai tenu ce langage à S.M. Je ne crois pas que la majorité de cette chambre soit inféodée à aucune opinion, à aucun homme ; je croyais et je crois encore que la majorité de cette chambre appuierait, accueillerait au moins avec une bienveillance expectante, tout cabinet composé d’hommes à antécédents honorables, d’hommes qui ont donné des gages à la fois de leur amour de l’ordre et de leur amour d’une sage liberté ; et que toutes les opinions, à quelques nuances qu’elles appartiennent, dès qu’elles s’étaient montrées modérées, exemptes d’exagération, avaient des chances de rencontrer l’appui de la majorité de cette chambre. Voilà quelles étaient mes réflexions, lorsque je tenais ce langage à S.M.

Résumant l’entretien dont je fus honoré par Elle, je déclarai positivement que si j’avais bien compris le sens des explications échangées entre la Couronne et moi, je ne me croyais pas, dès ce moment, autorisé à essayer de composer un cabinet. La chambre comprendra parfaitement que la conséquence d’une déclaration aussi formelle, et non contredite, fut, de ma part, une abstention complète de toute tentative, et que dès lors aucun nom propre ne fut mis en avant, qu’aucune liste ne fut proposée ; la conférence même paraissait si peu terminée, que S.M. me fit l’honneur de me dire qu’elle comptait me revoir. N’ayant pas été rappelé au palais, je demandai la permission de quitter Bruxelles, permission que j’obtins, et sans une indisposition subite qui m’a retenu près de huit jours dans la capitale, je serais parti pour Namur dès le 18 ou le 19 mars. Depuis l’entrevue dont je viens d’entretenir la chambre, je n’ai plus eu l’honneur de voir le Roi.

M. de Muelenaere – Messieurs, membre de cette chambre, je ne crois à aucun de mes collègues le droit de m’interpeller sur les conversations que je puis avoir eues avec le chef de l’Etat. Les convenances m’imposeraient peut-être un silence absolu, mais comme ce silence pourrait faire naître des suppositions erronées, je veux répondre deux mots à l’honorable M. de Langhe.

J’ai eu l’honneur d’être appelé par le Roi. Sa Majesté ne m’a pas chargé de la formation d’un cabinet, mais je m’empresse d’ajouter aussi que si le Roi m’avait fait l’honneur de me confier cette mission, j’aurais cru devoir le décliner, du moins je n’aurais pas voulu m’en charger en premier lieu.

Projet de loi autorisant le gouvernement à pensionner des officiers en dehors des cas prévus par la loi du 24 mai 1838

Développements

M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je prierai M. Zoude de proposer le jour auquel il lui conviendrait d’exposer les motifs de sa proposition.

M. Zoude – A l’instant même, M. le président.

M. le président – La parole est à M. Zoude, pour les développements de sa proposition.

M. Zoude (à la tribune) donne lecture de ces développements.

M. le président – La proposition qui a été appuyée sera imprimée et distribuée. Quel jour la chambre entend-elle fixer pour la prise en considération ?

De toutes parts – Lundi ! lundi !

M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, la prise en considération de la proposition sera mise à l’ordre du jour de lundi.

L’ordre du jour appelle également la fixation du jour pour la nomination des membres des jurys d’examen. Quel jour la chambre entend-elle fixer pour procéder à cette nomination ?

De toutes parts – Demain !

M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, la nomination des membres du jury d’examen sera mise à l’ordre du jour de demain.

- Rien n’étant plus à l’ordre du jour, la séance est levée à 3 heures.