(Moniteur belge n°56 du 25 février 1840)
(Présidence de M. de Behr)
M. Mast de Vries fait l’appel nominal à 2 heures.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Mast de Vries présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des habitants des communes de Peteghem, Viersel, Anvers, Elseghem, Burght, Marie Hoorebeke, Wannegemlede, St-Job-in-t Gon, Borsbeek, Merxem, Leke, Martens, Leedre, Bachte-in-Leerne, Cruybeke, Oycke, Oudecappelle, Opbrakel, Ninove et Gand demandent le rétablissement de la langue flamande dans certaines provinces, pour les affaires de la commune et de la province. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants d’OOst-Eecloo demandent des mesures protectrices de l’industrie linière. »
- Renvoyé à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
« Des cultivateurs, domiciliés à Zelzaete, dont les terres qui composent les exploitations sont situées en Hollande se plaignent des formalités et surtout des impôts arbitraires auxquels ils sont soumis de la part de l’administration hollandaise dans leur exploitation. »
- Renvoyé à la commission des pétitions.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) présente un projet de loi relatif au tarif de la Sambre (Suit l’exposé des motifs non repris dans cette version numérisée)
- Il est donné acte de la présentation du projet et la chambre le renvoie aux sections.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – Le Roi m’a chargé de vous présenter deux projets de loi : l’un est relatif à l’interprétation de la loi de 1817 sur les successions, et concerne la question de savoir si les anciens gains de survie coutumiers sont soumis aux droits de succession établis par la loi de 1817. A cet égard, la jurisprudence a été divergente : deux tribunaux de première instance ont déclaré que le droit n’était pas dû ; la cour de cassation a annulé ces deux décisions, et, aux termes de la loi de 1832, il y a lieu à interprétation de la loi.
Le deuxième projet a pour but d’autoriser l’établissement d’un troisième juge d’instruction dans l’arrondissement de Bruxelles.
Je demanderai que ces deux projets soient renvoyés à une commission.
- Le renvoi à une commission est ordonné. Cette commission sera nommée par le bureau.
M. le président – Un article portant définition des chemins vicinaux a été supprimé dans le premier vote ; cette suppression est confirmée par un second vote.
« Art. 1er. Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans, à dater de la publication de la présente loi.
« Elles feront, dans le même délai, compléter, ou réviser, s’il y a lieu, les plans existants. »
M. Lebeau – Je ne sais pas pourquoi on a introduit dans la loi les mots « et sentiers vicinaux » ; on n’attache pas aux chemins vicinaux telle ou telle largeur, il suffit que le chemin serve à la généralité pour qu’il soit vicinal ; dans la loi française on ne parle pas des sentiers vicinaux.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le projet primitif contenait une définition très large des chemins vicinaux ; mais la section centrale a proposé de la supprimer et de comprendre le mot « sentiers » dans la loi ; je me suis rallié à cette proposition ; et je crois qu’elle est utile.
M. Lebeau – Cela ne serait utile qu’autant que le sentier ne serait pas un chemin pour la généralité. Dans la loi française, on ne fait pas la distinction que vous voulez établir ; cette distinction n’est pas nécessaire. Vous n’avez pas introduit le mot « sentier » dans les autres articles de votre loi, alors vous pourrez jeter du douter pour savoir s’ils s’appliquent aux sentiers.
M. Liedts – Il peut y avoir de la différence entre la loi française et la loi belge sur les chemins vicinaux ; en France les chemins vicinaux sont réputés la propriété de la commune ; en Belgique, les chemins vicinaux sont plus généralement une servitude et pour maintenir les servitudes de passage, il me semble utile de porter sur les plans les sentiers qui ne sont que des servitudes à charge des riverains. Il importe peu du reste qu’on en fasse mention dans la loi.
M. Desmet – Les chemins vicinaux en Belgique appartiennent à tous et n’appartiennent à personne. Il n’y a pas d’inconvénient à ajouter le mot « sentiers » ; mais quand même on ne l’ajouterait pas, les sentiers ne seraient pas moins compris dans la loi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – En insérant le mots « sentiers » dans l’article premier, il est inutile d’en parler dans les autres articles ; car dans l’article premier, il s’agit des plans ; dès qu’un chemin sera compris dans les plans, il sera compris dans les chemins vicinaux, et aucun doute ne sera possible.
M. Milcamps – Je pense qu’on peut supprimer le mot « sentiers » parce qu’évidemment le nom de chemins vicinaux comprend les sentiers qui servent la généralité : si l’on voulait faire un changement, ce serait de dire : « sentiers publics » au lieu de « sentiers vicinaux ». Un sentier public est accordé à la généralité des habitants et sous ce rapport, il est assimilé aux chemins vicinaux ; cependant on ne peut pas en mettre l’entretien à la charge de la commune, car leur entretien est à charge des riverains. Dans toutes les communes les sentiers sont publics, et l’expression de « vicinale » ne leur a jamais été appliquée dans les lois tant anciennes que modernes. Toutefois je ne vois pas de difficulté à laisser le mot « sentiers » car le plan lui donnera le caractère qu’il doit avoir pour lever tout doute, mais pour parler le véritable langage des lois, il vaudrait mieux dire : « sentiers publics. »
La suppression des mots : « et sentiers vicinaux » est mise aux voix et adoptée.
- L’article ainsi amendé est adopté.
« Les plans dressés, complétés ou révisés en exécution de l’article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, y compris les fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains. »
M. d’Huart – Je proposerai, messieurs, d’introduire dans cet article une disposition qu’il a été convenu d’y insérer lors de la discussion pour le premier vote ; il s’agirait d’ajouter à la rédaction actuelle les mots suivants :
« Ils contiendront de plus la désignation prescrite par l’article 12 ci-après. »
L’article 12 exige qu’il soit fait une désignation spéciale, dans les plans, des communications qui sont à charge des communes ; lorsque cet article a été discuté, j’ai, en ma qualité de rapporteur de la section centrale, annoncé qu’il deviendrait convenable d’ajouter à l’article 2 une disposition semblable à celle que j’ai l’honneur de cous soumettre en ce moment.
M. Cools – Je ne m’opposerai pas à cette addition, mais je ferai remarquer que, comme elle n’est que la conséquence d’une disposition de l’article 12, elle devrait nécessairement disparaître si cette disposition de l’article 12 n’était pas adoptée.
M. d’Huart – C’est de droit.
M. de Garcia – Je crois, messieurs, que cet article est encore incomplet ; voici ce qu’il porte :
« Art. 2. Les plans dressés, complétés ou révisés en exécution de l’article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, y compris les fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains. »
Je crois que les plans devront aussi indiquer la largeur nécessaire pour établir une bonne viabilité, et cela ne me paraît pas assez clairement indiqué dans l’article. En outre je pense qu’il serait bon que les plans indiquassent aussi les chemins qui seront reconnus inutiles. Lorsqu’il s’agira d’exécuter la loi, les communes auront des frais énormes à faire pour donner aux chemins la largeur nécessaire, pour mettre les chemins dans un bon état de viabilité ; d’un autre côté, plusieurs chemins seront reconnus inutiles et la vente de ces chemins procurera aux communes des ressources qui les aideront à améliorer les autres.
D’après ces considérations, je proposerai d’insérer dans cet article, après les mots : « reconnaissances légales », ceux-ci : « et la largeur convenable pour en assurer la bonne viabilité, ainsi que, etc ». L’on verrait ainsi à quoi se rapportent les « emprises à faire sur les riverains » ; ces emprises ont nécessairement pour objet de donner aux chemins la largeur qu’ils doivent avoir pour être dans un bon état de viabilité, et c’est pour expliquer cela d’une manière plus claire que je propose l’addition dont je viens de parler ; je proposerai de plus d’ajouter à l’article la disposition suivante :
« Ces plans indiqueront aussi les suppressions de chemins ou de parties de chemins qui seront reconnus inutiles à la circulation. »
Il est hors de doute, messieurs, qu’on en viendra là forcément, seulement le travail serait incomplet si cela ne se faisait pas dans les deux ans qui sont donnés pour la confection des plans.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne pense pas, messieurs, que l’amendement de M. de Garcia puisse être mis en délibération, car c’est une matière nouvelle sur laquelle il propose de statuer. Quant au fond je ferai remarquer qu’il y aurait des inconvénients à multiplier ainsi toutes les questions ; au moment de la confection des plans, on amènerait nécessairement par là la confusion dans les opérations des autorités communales, et il arriverait que pour avoir voulu trop faire, on ne fît rien. D’ailleurs les dispositions de la loi relatives à la suppression des chemins inutiles sont suffisantes, elles consacrent des principes dont on pourra tirer parti plus tard pour obtenir le résultat que l’honorable M. de Garcia a en vue.
M. de Garcia – Je pense, messieurs, que l’article n’est pas clair, et c’est pour cela que j’ai proposé mon amendement. Si maintenant cet amendement n’est pas adopté, il aura au moins servi à éclaircir la question de la suppression des chemins inutiles.
- La question préalable, proposée par M. le ministre de l'intérieur, est mise aux voix et adoptée.
M. le président – Il y a maintenant l’amendement de M. d’Huart.
M. Milcamps – Il me paraît, messieurs, que l’amendement propos par l’honorable M. d’Huart est tout à fait inutile, que ce serait dire deux fois la même chose, d’abord dans l’article 2, et ensuite dans l’article 12. Remarquez, en effet, que l’article 12 dit tout ce qu’il faut faire et que la disposition proposée par M. d’Huart n’est qu’une répétition de ce que stipule cet article.
M. d’Huart – Je reconnais très volontiers, messieurs, que la disposition que je propose n’est pas indispensable, mais vous admettrez avec moi que l’article 2 ne sera pas complet si vous n’y ajoutez pas cette disposition. L’article 2 est destiné à faire connaître aux autorités communales ce que les plans doivent renfermer ; il porte
« Art. 2. Les plans dressé, complétés ou révisés en exécution de l’article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, y compris les fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains. »
Voilà différentes indications que les plans doivent contenir, mais il en est une autre encore, qui ne se trouve mentionnée, pour ainsi dire que d’une manière incidente dans l’article 12 ; il faudra donc que les autorités aient toutes les dispositions de la loi présentes à l’esprit pour savoir que l’article 2 n’est pas complet et qu’il trouve son complément dans une disposition de l’article 12. La section centrale, messieurs, a pensé qu’il serait beaucoup mieux d’insérer dans l’article 2 la disposition que j’ai proposée comme rapporteur de cette section.
- La disposition proposée par M. d’Huart est mise aux voix et adoptée.
L’article est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Ces plans seront exposés pendant deux mois au secrétariat de la commune.
« L’exposition sera annoncée par voie de publication et d’affiches, dans la forme ordinaire et dans un journal de la province ou de l’arrondissement, s’il en existe. »
M. le président – M. le ministre de l'intérieur propose d’ajouter une disposition additionnelle au premier paragraphe ainsi conçue :
« Pendant ce délai, et sauf ce qui est statué à l’article 4 à l’égard des propriétaires, tout individu à droit de réclamer en se conformant à l’article 6. »
M. le ministre propose ensuite une disposition additionnelle à l’article 4, ainsi conçue :
« Les propriétaires pourront réclamer pendant le délai de deux mois à partir du jour de l’avertissement. »
Par suite de ces deux dispositions, M. le ministre propose la suppression de l’article 5.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, l’article 6 du projet du gouvernement était ainsi conçu :
« Pendant le délai déterminé à l’article 4, tout habitant ou propriétaire forain à le droit de réclamer soit contre les plans nouveaux, soit contre les rectifications apportées aux plans existants. »
L’article 5 nouveau porte :
« Art. 5. Pendant le délai de deux mois à partir du jour de l’avertissement donné conformément au mode de publication prescrit par l’article précédent, tout individu a le droit de réclamer, soit contre les plans nouveaux, soit contre les rectifications apportées aux plans existants. »
Mais veuillez remarquer que l’article 4 nouveau ne parle que de l’avertissement à donner aux propriétaires dont les parcelles doivent être incorporées ou restituées au chemin. Il y a donc une lacune à l’égard des réclamations à faire d’autres chefs ; c'est pour ce motif que je propose de faire une distinction entre les réclamations des propriétaires dont les parcelles doivent être restituées ou incorporées au chemin, et les réclamations faites des autres chefs qui font l’objet de l'amendement que j’ai l’honneur de présenter à l’article 3.
Je ferai en outre remarquer que le délai est différent pour l’une et l’autre catégorie de réclamations. Pour la réclamation qui a sa source dans l’article 4 le délai court à partir du jour de l’avertissement donné par les autorités locales aux propriétaires dont les parelles doivent être restituées ou incorporées au chemin, tandis que pour les réclamations de la second e partie, le délai court à partir du jour du dépôt du plan.
M. d’Huart – Messieurs, il me paraît que l’article 5 donne aux individus, autres que les propriétaires, la même faculté que M. le ministre veut leur attribuer par sa disposition additionnelle à l’article 3 ; il n’y a que cette différence ci, c’est que le délai est encore plus long dans le système actuel de la loi qu’il ne le serait d’après la disposition dont il s’agit. Car que porte l’article 5 ? Il porte que « pendant le délai de deux mois, à partir du jour de l’avertissement donné conformément au mode de publication prescrit par l’article précédent, tout individu a le droit de réclamer, soit contre les plans nouveaux, soit contre les rectifications apportées aux plans existants. »
Or, quand cet avertissement sera-t-il donné aux propriétaires ? Ce sera après que les plans auront été déposés, et M. ; le ministre veut donner aux individus autres que les propriétaires le droit de réclamer dans les deux mois qui suivront le dépôt du plan. Le délai, dans ce système, sera donc moins long que dans le système que la chambre a adopté au premier vote.
La seule objection qu’on fasse au principe du projet primitif, c’est que les individus autres que les propriétaires ne connaîtront pas l’avertissement ; mais il est inutile d’aller au-devant de ce motif. Ces individus connaîtront le dépôt des plans, et comme l’avertissement ne vient qu’un mois après que les plans auront été exposés, les mêmes individus auront trois mois pour réclamer. D’après le système qui a été adopté au premier vote, un délai plus court que celui de deux mois ne peut être laissé aux personnes autres que les propriétaires, et il y aura nécessairement un second délai plus long, parce que l’avertissement à donner aux propriétaires ne viendra jamais qu’après l’exposition des plans.
Je crois donc que nous pourrions voter les dispositions qui ont été adoptées lors du premier vote et que nous avons eu le temps d’étudier. Nous ne sommes pas suffisamment éclairés sur les nouveaux amendements qui ont pour objet de supprimer un article et d’en modifier deux autres.
M. Lebeau – Messieurs, on a pensé que l’avertissement donné aux propriétaires serait la règle, mais évidemment ce sera l’exception, car bien qu’il y ait un certain nombre de communes, ces emprises sont trop anciennes, ou elles sont trop peu nombreuses, pour que l’administration ait le pouvoir de les faire disparaître, ou elle ne peuvent plus être constatées, ce qui est le cas le plus général pour les communes. Dans d’autres communes, il n’existe pas d’emprises du tout. Je n’hésite donc pas à dire que généralement il n’y aura pas d’avertissements dans les communes et que dès lors l’amendement de M. le ministre de l'intérieur, que je n’avais pas saisi à une première lecture, me paraît indispensable.
M. Desmet – Messieurs, la nouvelle rédaction de M. le ministre de l'intérieur est nécessaire. L’article 5 ne concerne que ceux qui ont reçu l’avertissement. Cependant il faut bien que les individus autres que ceux-ci aient le droit de réclamer, dès que les plans sont déposés.
M. d’Huart – Messieurs, je ne dirai plus rien contre la proposition ; seulement je tiens à faire observer qu’il n’était pas nécessaire de bouleverser les articles du projet de loi, et d’introduire dans l’article 3 la disposition de l’article 5 : on pouvait conserver les articles tels qu’ils étaient, et se borner à introduire dans l’article 5 l’amendement que nous discutons, par un simple changement de mots.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai proposé ce changement que pour plus de clarté ; il faut bien que chaque prescription se rapporte à l’article qui en pose le principe.
- Personne ne demandant plus la parole, la disposition additionnelle proposée par M. le ministre de l'intérieur au premier paragraphe de l’article 3 est mise aux voix et adoptée.
Le second paragraphe de l’article est ensuite adopté.
L’article 3, tel qu’il a été amendé, est adopté.
« Art. 4. Les propriétaires des parcelles indiquées au plan comme devant être restituées ou incorporées au chemin, seront avertis du jour du dépôt du plan.
« L’avertissement contiendra la désignation de ces parcelles et leur sera donné sans frais, au moyen de la signification qui leur en sera faite, à la requête du collège des bourgmestre et échevins, par l’officier de police ou le garde champêtre du lieu, soit à personne, soit à domicile, s’ils habitent la commune. Dans le cas contraire, l’avertissement sera adressé par la voie de la poste aux lettres, si leur résidence est connue ; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d’intervalle suivant le mode usité. »
M. le ministre propose d’ajouter le paragraphe suivant :
« Les propriétaires pourront réclamer dans le délai de deux mois à partir du jour de l’avertissement. »
M. Cools – Il me semble qu’il y a une lacune dans le second paragraphe de cet article. Peut-être les explications qu’on donnera me démontreront-elles qu’elle n’est qu’apparente. Cette lacune existerait en ce qui concerne les propriétaires n’habitant pas la commune. Tout est prévu pour les propriétaires qui habitent la commune ; mais pour ceux qui ne l’habitent pas, voici ce qu’on dit : « Dans le cas contraire, l’avertissement sera adressé par la voie de la poste aux lettres si leur résidence est connue ; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d’intervalle suivant le mode usité. »
L’affiche sera ordinairement sans objet pour ceux qui n’habitent pas la commune. Quant à la notification par la poste aux lettres, elle a été admise par économie. Mais on n’a aucune garantie que l’avertissement sera arrivé à l’intéressé. Il importe cependant qu’on ait cette garantie ; la poste aux lettres ne tient pas note des lettres qu’elle transporte. Le propriétaire qui aura intérêt à contester les prétentions de la commune pourra toujours opposer qu’il n’a reçu aucun avertissement. S’il est entendu que les lettres seront chargées, on aura toute garantie ; cependant il me semble qu’il serait bon de le dire ; en conséquence, je proposerai d’ajouter les mots : « au moyen de lettres chargées. »
Quand la lettre est chargée on n’en tient pas seulement note au bureau d’expédition, mais encore au bureau d’arrivée. Celui qui reçoit la lettre chargée doit en donner un reçu.
M. Lebeau – Je crois qu’en adoptant cet amendement on exposerait les communes à des frais assez considérables ; il me semble qu’on se préoccupe trop de la crainte que le propriétaire n’habitant pas la commune ne soit pas suffisamment averti. Il le sera par le vote de la loi, et par les règlements provinciaux. Il a ensuite un métayer ou un locataire qui pourra l’avertir. Je le répète, c’est pousser trop loin la prévoyance, et charger les communes de frais qui peuvent être considérables.
M. Cools – Les lettres peuvent ne pas arriver, sans mauvaise intention ; par exemple à défaut d’une indication suffisante sur l’adresse.
M. David – Quand on envoie une lettre chargée, si elle n’arrive pas, que peut-il en résulter ? je ne vois pas la responsabilité que peut encourir la poste ? La lettre chargée n’est pas plus sûre qu’une autre.
M. Verhaegen – Il est convenu, sans doute, que c’est sauf rédaction que l’article dont il s’agit va être voté.
M. le président – Proposez les changements que vous jugez convenables.
M. Verhaegen – Nous devons, je pense, en faisant une loi, observer les règles de la langue que nous employons.
L’article est ainsi conçu :
« Les propriétaires des parcelles indiquées au plan comme devant être restituées ou incorporées au chemin, seront avertis du jour du dépôt du plan. »
Plus le deuxième paragraphe ajoute :
« L’avertissement contiendra la désignation de ces parcelles, et leur sera donné… »
« leur » devrait se rapporter aux propriétaires ; mais la langue française ne comporte pas ces constructions.
Il faudrait au lieu des mots « leur sera donné sans frais » dire : « et sera donné sans frais aux propriétaires », ou bien encore dire seulement : « et sera donné sans frais, etc. »
M. Lebeau – Je demande qu’on mette d’abord aux voix l’amendement de M. Cools qui est discuté, et ensuite, le ferai une observation sur la rédaction.
M. le président – Il est plus rationnel de la faire maintenant.
M. Lebeau – Voici alors comme je propose de rédiger le deuxième paragraphe de l’article 4.
« L’avertissement contiendra la désignation de ces parcelles et sera donné sans frais, à la requête du collège des bourgmestre et échevins, par l’officier de police ou le garde champêtre du lieu, soit à personne, soit à domicile, si les propriétaires habitent la commune. Dans le cas contraire, etc. » Comme au projet.
- Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.
L’amendement de M. Cools n’est pas adopté.
Le paragraphe additionnel proposé par le ministre est adopté.
L’ensemble de l’article, tel qu’il a été amendé, est également adopté.
La suppression de l’article 5 proposée par M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères comme conséquence des amendements qu’il a proposés, est mise aux voix et prononcée.
M. le président – L’article 5 étant supprimé, l’article à mentionner dans l’amendement de M. le ministre de l'intérieur n’est plus l’article 6 mais l’article 5. (Adhésion).
Les articles suivants sont successivement confirmés par le vote de la chambre
« Art. 6 (devenu l’article 5). Les réclamations sont adressées au conseil communal ; elles contiennent élection de domicile dans la commune ; il en est donné récépissé par le secrétaire.
« Si le réclamant n’habite pas la commune, la notification sera faite au domicile élu »
« Art. 6. L’appel contre les décisions des conseils communaux est ouvert devant la députation permanente du conseil communal.
« Il doit être interjeté, à peine de déchéance, dans le délai de deux mois à partir de la notification de la décision du conseil communal. »
« Art. 7. L’appel a lieu par requête présentée à la députation provinciale.
« Le greffier reçoit la requête ; il en donne récépissé.
« La députation permanente statue, sans recours ultérieur, dans les trois mois, à dater de la réception de la requête ; sa décision est notifiée conformément aux articles 4 et 5. »
« Art. 8. Après l’accomplissement des formalités ci-dessus, les plans sont arrêtés définitivement par la députation permanente.
« Néanmoins, il peuvent toujours être modifiés par les autorités compétentes, en se conformant aux dispositions des articles 4, 6 et 8. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion. »
La chambre passe à l’article 9 ainsi conçu :
« Art. 9. L’ordonnance de la députation provinciale qui arrête définitivement le plan, ne fait aucun préjudice aux réclamations de propriété ni aux droits qui en dérivent.
« Les instances auxquelles ces droits donnent lieu sont instruites et jugées devant les tribunaux comme affaires sommaires et urgentes.
« Lorsqu’en exécution du plan, il y aura lieu à expropriation, le plan sera approuvé par arrêté royal, et on se conformera aux dispositions de la loi du 17 avril 1835, sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Lorsqu’on a voté l’article relatif à la prescription, j’ai annoncé à la chambre l’intention de présenter un amendement à l’article 10, qui devient maintenant l’article 9 pour mettre les communes à l’abri des réclamations après un certain laps de temps. Je dépose cet amendement qui consiste à ajouter après le premier paragraphe de l’article, la disposition suivante :
« Elle (l’ordonnance de la députation provinciale) servira de titre à la prescription de dix et vingt ans. »
C’est un doute qui sera levé par cette addition. Mais il est bien entendu que, pour que cette ordonnance puisse servir de titre, il faut que la possession et les autres conditions exigées pour la possession par le code civil y soient jointes. J’ai voulu uniquement lever le doute sur la question de savoir si l’ordonnance de la députation permanente forme un titre pour obtenir la prescription.
Comme le code civil est interprété par la plupart des auteurs en ce sens qu’une commune ne peut acquérir une servitude de passage par prescription, on a pensé que les communes pouvaient être exposées dans un siècle ou deux à se voir contester la jouissance de tous les droits de servitude, bien qu’ils fussent portés sur les plans. C’est ce que je voulais éviter par mon amendement.
M. Verhaegen – Je ne vois aucun inconvénient à admettre une prescription de dix et vingt ans, alors qu’il y a un véritable titre. Mais l’admettre dans l’espèce serait chose fort dangereuse. D’après la manière dont les articles précédents ont été adoptés, alors que vous avez rejeté l’amendement de M. Cools, quel sera donc le titre, qui servira de base à la prescription. Ce sera le tableau dressé aux termes des articles que nous venons de voter. Mais lorsque le propriétaire n’habitera pas la commune, quelle connaissance aura-t-il de ce tableau ? On dit qu’il en aura connaissance par son métayer, par son fermier. Mais il peut arriver qu’il y ai négligence de la part du fermier. Comme vous avez décidé qu’il n’y aurait pas de lettre chargée, vous n’aurez pas de garantie que la lettre parvienne aux propriétaires, qui n’habitent pas la commune ; or, la plupart des propriétaires, et surtout les grands propriétaires, seront dans ce cas. On se trompe quand on pense qu’ils ont tous dans la commune un métayer ou fermier, qui les préviendra. Ainsi qui préviendra les propriétaires de bois et de prairies ?
Faites attention, messieurs, qu’il s’agit de trancher un question de propriété. On veut admettre comme titre de propriété une pièce à laquelle aucune loi n’a jamais reconnu ce caractère.
Pour qu’un titre puisse être opposé à quelqu’un, pour prescrire contre lui il fait qu’il y ait concouru. Or, il n’en est pas ainsi dans le cas qui nous occupe.
On dira que le propriétaire sera censé connaître les plans. Pour moi, c’est ce que je ne peux admettre.
Par ces motifs, je voterai contre l’amendement.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – Déjà les motifs d’introduire la proposition présentée par M. le ministre de l'intérieur vous ont été exposés. Mais un honorable préopinant vient de dire que, pour que la prescription puisse avoir lieu, il faut que celui contre qui on prescrit ait concouru au titre. Messieurs, je crois qu’aux termes du code civil, et même de la législation qui a précédé il y a ici une erreur ; et, en effet, quand la prescription peut-elle avoir lieu ? C’est quand on achète de celui qui n’est pas propriétaire ; quand on achète de celui qui est propriétaire la prescription est inutile ; il y a transmission de la propriété. Il se trouve que le possesseur actuel d’un immeuble n’en est pas le propriétaire ; il vend cet immeuble à un tiers de bonne foi, et ce tiers acquiert la propriété par la prescription de 10 ans entre présents et de 20 ans entre absents. Ainsi ce motif ne peut être opposé, en aucune manière, à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
Par suite de ce que le titre qui sert de base à la prescription de dix ou vingt ans ne doit pas émaner du véritable propriétaire, nous avons à examiner si, dans le cas qui nous occupe, le plan général peut être envisagé comme un titre pour la commune à l’effet de servir de base à la prescription de dix ou vingt ans selon la présence ou l’absence du propriétaire. Le plan général de la commune désigne tel chemin comme chemin vicinal ; il regarde le chemin comme appartenant à la commune ; et ce plan ou ce titre reçoit plus de publicité que les titres qui existent dans les cas ordinaires ; il peut donc servir à la commune, si elle est en possession depuis dix ou vingt ans, sans réclamation de la part du propriétaire.
Maintenant le propriétaire, que pourrait-il venir prétendre ? Il pourrait soutenir que le chemin tel qu’il est indiqué sur le plan forme en tout ou en partie sa propriété. Le cas qui arrivera le plus ordinairement sera celui où il y aura doute sur le point de savoir si telle portion de terrain compris dans le chemin en faisait partie, ou si cette portion de terrain appartenait au riverain ; et le propriétaire pourra toujours réclamer en temps utile. D’abord les plans sont publics ; en second lieu, il n’est guère à craindre que les lettres ne parviennent pas à leur adresse ou que les propriétaires ne soient pas avertis. Ils ont des personnes sur les lieux ; il y a des affiches et des avertissements ; et du reste, je crois que les autorités communales rempliront leurs devoirs.
Ce serait un cas très rare celui où les avertissements ne parviendraient pas : on fait les lois pour les cas ordinaires, et on n’en fait pas pour les cas exceptionnels ; car sans cela on ne pourrait porter aucune loi.
Dans cette situation on peut regarder le plan comme un titre propre à établir la prescription de 10 ou de 20 ans. Non seulement il faudra ce titre, il faudra encore bonne foi de la part de l’autorité communale, il faudra en outre une possession ; or, la possession est un fait patent. Si même il arrivait par extraordinaire que le propriétaire étranger à la commune n’eût pas reçu l’avertissement, au moins la possession paisible, continuée pendant 10 ou 20 ans ne peut, dans les cas ordinaires, échapper à sa connaissance. Je crois donc que l’on peut introduire la disposition qui établit la prescription par 10 ou 20 ans.
Plus on s’éloignera de la date du plan et plus sera douteuse la question de savoir si telle parcelle appartient à la commune ou au riverain ; par la disposition proposée on atteindra le but que se propose toute bonne loi, qui est d’empêcher, autant que possible, les procès.
M. Verhaegen – Je ne puis considérer comme sérieuse la réponse du ministre de la justice. J’ai dit et je maintiens que pour qu’il y ait un tire, il faut le concours de deux personnes. Si la personne qui veut prescrire peut, à elle seule, faire le titre, le fait seul de l’occupation suffit ; si le titre ne doit émaner que de la personne dont émane le fait de la possession, ne parlez plus de titre, il est une superfétation. Le tableau ou le plan de la commune, qu’est-ce qu’il est ? il est un fait de l’administration communale si vous considérez cela comme titre, eh bien, ce sera la commune qui se sera fait un titre. Nul ne peut créer un titre pour lui-même. On déclare que le tableau sera considéré comme un titre ; mais on le dit parce qu’on veut une fiction ; puisque vous déclarez que le plan sera titre ; il ne l’est donc pas naturellement ; mais prenez garde, toute fiction est dangereuse.
Si vous voulez faire une exception à la règle concernant les titres, pourquoi la commune prescrirait-elle pour 10 ou 20 ans, tandis que la prescription générale est de 30 ans ?
Maintenant on dit que le propriétaire sera informé ; que ce sera le cas ordinaire ; qu’il ne faut pas s’occuper des cas extraordinaires ; eh bien, je pense que le cas ordinaire est celui où le propriétaire n’habite pas la commune, et où il ne sera pas informé : Si la commune disait qu’elle ne sait pas où demeure le propriétaire, que lui objecteriez-vous ?
Si l’on veut du système que l’on propose, autant vous dire simplement que la commune aura la prescription par 10 et 20 ans.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si l’opinion de ceux qui prétendent que les communes ne peuvent acquérir par la prescription de 10 ou 20 ans prévalait, vous mettriez les communes dans l’impossibilité de conserver les chemins vicinaux qu’elles peuvent avoir acquis anciennement à titre de servitude, car après un laps de temps les communes seront dépourvues de titres, puisque les titres s’effacent et se perdent par le temps, ou elles seront dans l’impossibilité de prouver qu’elles avaient acquis ces servitudes anciennement par la prescription.
On dit que nous introduisons une fiction dans la loi : nous avons voulu trancher un doute, celui de savoir si l’approbation donnée par la députation permanente forme un titre ; nous pensons que cette approbation doit former nu titre, et avec plus de fondement qu’un acte privé qui désigne un droit de passage quelconque, par cette raison que les plans sont exposés en public. Il suit en effet de cette exposition que chacun peut faire ses réclamations, et comme ils reçoivent la sanction de l’autorité supérieure, ils peuvent former titre, mieux encore, il nous semble, que ceux qui n’ont pas reçu cette sanction, ni aucune publicité.
La disposition dont il s’agit, je l’ai annoncée quand on a discuté l’article 11 de la section centrale qui permettait aux commune d’acquérir une servitude par voie de prescription ; mais comme cette manière d’acquérir présentait quelque difficulté, pour ôter tout embarras, j’ai proposé l’amendement en délibération.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – Le préopinant a objecté contre la disposition présentée par le ministre de l’intérieur, qu’on ne peut se faire un titre à soi-même, et que la commune s’en ferait un : remarquez que ce n’est pas la commune qui s’établit un titre à elle-même, que le plan doit être arrêté par ordonnance de la députation provinciale ; que c’est cet arrêté qui sera le titre pour la prescription de 10 ou 20 ans.
Or, si un titre qui peut rester ignoré peut servir de base à la prescription de 10 ou 20 ans, à plus forte raison une ordonnance de la députation permanente, publiée de la manière prescrite par la loi, et qui ne peut guère être ignorée que dans des cas très rares, à plus forte raison, dis-je, une semblable ordonnance peut-elle servir de base à cette prescription.
On dit, messieurs, que c’est une innovation ; mais si la loi était claire et précise, sur ce point il serait fort inutile de porter une disposition telle que celle que propose M. le ministre de l'intérieur.
Remarquez, messieurs, que si l’on prolongeait le temps nécessaire pour la prescription, ou si on laissait indécise la question de savoir si les communes peuvent prescrire les limites des chemins vicinaux, ce serait faire naître beaucoup de procès : lorsque les ordonnances sont encore présentes, lorsqu’il ne s’est pas écoulé 10 ou 20 ans, depuis leur publication, on peut plus facilement constater les droits, soit de la commune, soit des propriétaires qui réclameraient des portions de terrains considérées comme faisant partie des chemins ; mais plus vous vous éloignez du moment de l’approbation des plans, plus les questions de propriété qui pourraient être douteuses deviendront difficiles à résoudre ; aussi, messieurs, a-t-on toujours considéré la prescription comme la patronne du genre humain, et je crois qu’il faut principalement appliquer cette prescription au cas dont nous nous occupons, car il faut autant qu’il est en nous éviter des procès aux communes.
Je crois donc, messieurs, que nous devons adopter la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur.
M. d’Huart – Je viens, ainsi que l’honorable M. Verhaegen, m’opposer à l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.
D’après cet amendement, l’ordonnance de la députation des états qui approuve le plan, c’est-à-dire le plan lui-même, formera pour la commune un titre au moyen duquel, au bout de 10 ou de 20 ans, suivant que la personne intéressée habite ou soit absente, la commune aura acquis la prescription. En matière ordinaire on ne l’acquiert qu’après trente ans, et ici on permettrait à la commune de l’obtenir en dix ans, alors qu’il n’y aurait pas même eu prise de possession (dénégation de la part de MM. les ministres de la justice et de l’intérieur). C’est là un point, messieurs, sur lequel j’appelle toute votre attention.
D’après les premiers articles que nous venons de voter, on dressera les plans, on y déterminera la largeur que les chemins ont qu’ils doivent avoir, d’après ces recherches et les reconnaissances qui auront été faites ; je suppose qu’un chemin qui a 5 mètres de largeur soit porté au plan comme en ayant 8 ; eh bien, au bout de 10 ou de 20 ans la commune pourra prétendre qu’elle a acquis les 3 mètres qui forment la différence entre la largeur réelle du chemin et celle qu’il doit avoir d’après le plan ; et cependant le propriétaire n’aura vu aucun acte ostensible qui indique une prise de possession, il n’aura pu en être averti que par un plan qu’il ne connaissait pas. (Nouvelle dénégation de la part de M. le ministre de l'intérieur). Si vous ne l’entendez pas ainsi, il convient de changer votre rédaction ; car la disposition, telle que vous la proposez, prête matière à des doutes sur les conséquences que je viens d’indiquer.
Quoi qu’il en soit, messieurs, lorsque pour les matières ordinaires la prescription ne peut s’acquérir qu’au bout de 30 ans de possession, il serait singulier de donner aux communes le moyen de l’acquérir en dix ans, surtout qu’une simple lettre jetée à la poste suffirait pour faire prendre date cet égard. Il me semble, en tout cas, que nous ne devrions pas modifier aussi légèrement le code civil dans ce qui touche aux questions de propriété.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’avais donné des explications à la chambre en déposant mon amendement, j’avais dit qu’indépendamment du titre résultant de l’approbation des plans par la députation, il faudrait de plus le fait de la possession, et cela est clair, messieurs ; lorsque vous ne dérogez point au code civil d’une manière formelle, les dispositions de ce code demeurent subsistantes ; or, que faut-il pour jouir du bénéfice de la prescription aux termes du code civil ? Il faut la bonne foi et la possession ; il faudra donc, dans le cas actuel, comme dans tous les autres, la bonne foi et la possession, il faudra de plus un titre, qui est l’approbation du plan par la députation provinciale.
On a dit, messieurs, que nous dérogeons au droit commun d’après lequel il faut 30 ans pour acquérir par prescription. Veuillez remarquer que lorsque le code civil exige 30 ans, il suppose qu’il n’y ait aucun titre ; il suffirait que les habitants d’une commune eussent passé pendant 30 ans sur une propriété pour que la commune ait acquis un chemin, si tant est que le code civil permît d’acquérir la servitude de chemins par prescription, mais je pense que le code civil ne le permet pas, et c’est précisément pour obvier à cet inconvénient que j’ai proposé mon amendement ; sans cela les communes seraient à perpétuité tenues de conserver les titres en vertu desquels ils possèdent leurs chemins, ce qui est impossible.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – M. le ministre de l'intérieur a déjà répondu à l’observation de l’honorable député de Virton que les propriétaires pourraient se voir privés d’une partie de leur propriété par la prescription ; alors qu’ils n’auraient pu remarquer aucune prise de possession ; je ferai seulement remarquer à cet égard qu’il faut non seulement une possession mais encore une possession non équivoque. Ainsi donc dans le cas supposé par l’honorable député de Virton non seulement il n’y aurait pas lieu à prescription en dix ou vingt ans, mais il n’y aurait pas même lieu à prescription au bout de trente ans, puisqu’il suppose une possession équivoque, tandis qu’aux termes du code civil il faut une possession non équivoque.
On a dit, messieurs, que l’ordonnance de la députation provinciale qui approuve le plan ne peut être invoqué comme un titre par les communes. Que fait cette ordonnance ? Elle déclare qu’un chemin vicinal est la propriété de la commune ou que la commune a le droit de jouir d’un chemin vicinal à titre de servitude.
Eh bien, un acte semblable à l’égard duquel on provoque les réclamations des intéressés, ne doit-il point avoir autant d’effet qu’un acte de translation de propriété de la part de celui qui n’est pas propriétaire, fait devant notaire et qui n’est soumis à aucune publicité ?
Ainsi, messieurs, pour acquérir par prescription en vertu de la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur, il faudra non seulement l’ordonnance de la députation provinciale, il faudra encore une possession non équivoque, il faudra en outre la bonne foi ; je crois donc que cette disposition rendra de véritables services aux communes sans qu’elle puisse nuire à qui que ce soit.
M. Liedts – J’ai peu de choses à ajouter, messieurs, à ce que les deux honorables ministres de la justice et de l'intérieur et des affaires étrangères viennent de dire ; j’adopterai la disposition telle que M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères l’a proposée ; elle tend à combler une lacune que je crois avoir signalée dans la première discussion, et telle qu’elle est maintenant rédigée, elle évite un inconvénient que l’on avait trouvé dans ma proposition, laquelle était peut être trop générale.
J’avais fait remarquer à la chambre que si l’on n’admettait pas la prescription acquisitive des chemins vicinaux et des servitudes vicinales au profit des communes, les propriétaires riverains auraient pu, plus tard, supprimer ces chemins, puisque toutes les communes sont dans l’impossibilité de reproduire les titres en vertu desquels ces chemins leur appartiennent, et qu’elles pourraient ainsi se voir enlever une partie de leurs communications, surtout si l’on remarque que les servitudes de passage sont imprescriptibles d’après le code civil. On fit observer alors que beaucoup de propriétaires laissent passer à travers leurs bois et leurs terres parce qu’ils savent qu’il ne peut jamais résister de là un titre pour la commune, mais que s’ils pouvaient prévoir qu’un jour on se prévaudrait de ce passage pour le maintenir à tout jamais, ces propriétaires n’agiraient plus avec la même tolérance au grand détriment des habitants des campagnes à qui ces communications sont aujourd’hui fort utiles. Cette observation était fondée, messieurs, mais aujourd’hui l’inconvénient disparaît, puisque la disposition de M. le ministre ne s’applique qu’aux seules communications vicinales qui sont portées sur les plans publiquement exposés, contre lesquels tous les intéressés peuvent réclamer et qui doivent être approuvés par la députation permanente.
Il faut en outre, pour que ces chemins puissent être acquis à la commune par prescription, que ceux qui y auraient un droit de propriété gardent pendant dix ans s’ils sont présents, et pendant 20 ans, s’ils sont absents, un silence absolu relativement à la déclaration de la députation qui approuve le plan, car pendant ce délai, tous ceux qui croiraient que l’on fait à tort passer un chemin sur leur propriété peuvent recourir aux tribunaux.
J’avoue, messieurs, que si nous considérions la chose comme des juristes, les plans dressés par les communes ne pourraient pas être invoqués comme un titre proprement dit dans le sens du code civil, puisque personne ne peut se créer un titre à soi-même. M. le ministre de la justice a beau dire que c’est la députation permanente qui donne en quelque sorte ce titre aux communes, puisque c’est elle qui arrête définitivement les plans ; toute la hiérarchie administrative est une et indivisible, depuis la commune jusqu’au pouvoir royal, de sorte que lorsque la commune arrête le plan et que la députation permanente l’approuve, ce n’en est pas moins l’autorité administrative qui se crée un titre à elle-même, titre dans lequel elle donne comme chemin vicinal telle ou telle communication. Mais nous ne sommes pas appelés à considérer la disposition comme jurisconsulte, nous devons voir s’il y a utilité publique à l’admettre, et cette utilité publique est palpable. Je crois que si vous ne mettez pas cette disposition dans la loi, vous exposez beaucoup de communes à perdre, après un certain laps de temps, un bonne partie de leurs communications vicinales, pour les voir incorporer aux propriétés riveraines.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – Messieurs, je me serai mal expliqué, ou l’honorable préopinant m’aura mal compris. Je n’ai pas supposé, comme l’honorable membre le pense, que le plan formait un titre dans le sens de la loi actuellement en vigueur. La présente loi aurait été dans ce cas absolument inutile, et il aurait été superflu de l’appuyer.
Mais j’ai simplement comparé le titre émané de l’autorité administrative à celui qui est émané d’un non propriétaire, non pas dans le but d’établir la prescription aux termes de la loi actuelle, mais pour exposer les motifs qui militent en faveur de la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur.
- L’amendement de M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, j’ai aussi annoncé, lors du premier vote, qu’il serait nécessaire que les plans approuvés par la députation permanente fussent déposés au greffe du conseil provincial et au commissariat d’arrondissement. Il peut arriver qu’une commune perde ses plans, ou que l’administration communale ait intérêt à les écarter. Je crois qu’il serait très utile qu’un double du plan fût déposé au greffe du gouvernement provincial, ainsi qu’au commissariat d’arrondissement. Il en résultera cet avantage, que les propriétaires, au lieu de se rendre eux-mêmes dans les communes, pourront consulter le plan au chef-lieu de la province ou de l’arrondissement. Je proposerai donc cette disposition additionnelle qui serait placée immédiatement après l’amendement qui vient d’être adopté :
« Un double des tableaux approuvés par la députation permanente sera déposé au greffe du gouvernement provincial et au commissariat d’arrondissement. »
M. F. de Mérode – Mais si cette dépense était onéreuse pour les communes, ne pourrait-on pas se borner à deux expéditions du plan ?
M. de Garcia – Je ferai observer que les registres de l’état civil ne sont rédigés qu’en double ; une double expédition dans l’espèce me paraît suffisante.
M. Cools – Je crois que deux plans suffiront, l’un pour la commune et l’autre pour la députation permanente. Je puis invoquer mon expérience personnelle. Dans la Flandre orientale, le règlement de 1818 a prescrit la formation de deux plans ; il arrive assez souvent qu’un plan s’égare dans une commune, et bien dans ce cas, on a recours au gouverneur de la province, et ce recours a toujours suffi pour lever le doute qui se présentait.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si l’on pense que trois expéditions des plans doivent entraîner une dépense trop forte pour les communes, je consens volontiers à ce qu’un double soit seulement déposé au gouvernement provincial.
M. le président – Par suite, l’amendement de M. le ministre de l'intérieur serait ainsi conçu :
« Un double des tableaux approuvés par la députation permanente sera déposé au greffe du gouvernement provincial. »
- Cet amendement est adopté.
Les deux premiers paragraphes de l’article sont mis aux voix et adoptés.
M. le président – M. le ministre de l'intérieur propose de détacher les deux derniers paragraphes du même article, pour en faire un nouveau.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Comme il y a un changement de rédaction dans le premier paragraphe, on pourrait faire imprimer l’amendement pour demain.
M. le président – L’amendement sera imprimé et distribué.
La séance est levée à 4 heures ¾.