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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 février 1840

(Moniteur belge n°39 du 8 février 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven procède à l’appel nominal à une heure et quart.

M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven fait connaître l’analyse de plusieurs messages du sénat faisant connaître l’adoption du projet de loi tendant à accorder un crédit provisoire au département de la guerre et de dix projets de loi de naturalisation qui lui ont été transmis par la chambre.

- Pris pour notification.

Ordre des travaux de la chambre

M. Verhaegen – L’année dernière, vers cette époque, nous avons porté une loi par laquelle nous avons maintenu l’état de choses existant, quant aux jurys d’examen. Cette loi cesse d’avoir ces effets, et je pense qu’au mois d’avril prochain, il n’y a plus de jury. Je signale ce point à l’attention de M. le ministre de l'intérieur, afin qu’il prenne ses précautions pour remplir cette lacune.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – C’est ce que je comptais faire.

Projet de loi relatif aux chemins vicinaux

Discussion des articles

Chapitre premier. De la reconnaissance et de la délimitation des chemins vicinaux

Article 12 du projet du gouvernement (article 11 du projet de la section centrale)

M. le président – La discussion continue sur l’article 12 du projet du gouvernement (article 11 de la section centrale). M. Liedts a proposé à cet article un amendement ainsi conçu : « Art. 11. la servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription. »

« Art. 12. Les servitude vicinales de passage, légalement acquises, ainsi que les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

M. Peeters, rapporteur – Messieurs, en relisant les discussions d’hier, et l’amendement proposé par l’honorable M. Liedts, je pense qu’il serait dangereux d’admettre ce principe, ainsi que l’avait voulu la section centrale, que les servitudes vicinales de passage peuvent s’acquérir par prescription.

Il existe, en effet, une masse de petits sentiers fort utiles à la commune, qu’on tolère parce qu’ils ne nuisent pas à la propriété, mais qui ne sont pas dus par les propriétaires. Si vous admettez que ces passages peuvent s’acquérir par la prescription, les propriétaires s’empresseront de les défendre ; le public sera privé inutilement de ce grand avantage, et vous mettrez le désordre dans plusieurs communes. Pour ce qui regarde le paragraphe premier de l’article 12, amendé par la section centrale, d’après les observations faites à la séance d’hier, je pense que cet article devra subir aussi un changement de rédaction. Celle proposée par l’honorable M. Liedts me paraît assez bien ; on pourrait ajouter aux mots « aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public », les mots « ouverts, et qu’ils n’ont pas été entièrement supprimés. »

La section centrale, qui a maintenu l’imprescriptibilité des chemins vicinaux, a seulement voulu faire une exception pour les chemins tout à fait devenus inutiles, et que la commune aurait supprimés, afin qu’on ne puisse pas, plus tard, venir molester le propriétaire qui aura pu avoir perdu son titre.

La section centrale n’est pas allée plus loin ; elle n’a pas supposé le cas de déplacement de chemins publics, dont nous a parlé hier l’honorable M. Verhaegen. Quant à moi, je pense que le déplacement n’est qu’un empiètement qui ne peut être regardé comme une suppression, et que, dans ce cas même, d’après la rédaction de la section centrale, ces chemins seraient imprescriptibles, en effet, le propriétaire aurait, dans la supposition faite par l’honorable M. Verhaegen, fait un empiètement sur les chemins publics, et le public aurait ailleurs empiété sur sa propriété ; mais le chemin n’aurait pas cessé d’exister, et devrait être rétabli là où il existait primitivement, d’après les plans généraux d’alignement. Toutefois, comme les opinions sont partagées à cet égard, il sera bon de la faire disparaître par quelques mots ajoutés à la rédaction de M. Liedts.

Car, remarquez-le bien, si vous supprimez le dernier paragraphe de l’article amendé par la section centrale, et dans le cas de déplacement supposé hier par l’honorable M. Verhaegen, la commune n’aurait plus de chemins, car le chemin primitif supprimé serait perdu pour la commune par le non-usage de trente ans, et le nouveau chemin déplacé n’aurait pas été acquis par l’usage.

M. de Garcia – J’ai examiné l’amendement de l’honorable M. Liedts. J’avais écouté attentivement les observations présentées, à la séance d’hier, par l’honorable M. Verhaegen, qui a trouvé que l’article proposé manquait de clarté et de précision. Je dois dire que j’ai trouvé parfaitement claires les explications de M. le ministre de l'intérieur et de M. Dubus (aîné). Mais il ne suffit pas que les explications soient claires ; la loi doit être claire aussi, et, selon moi, elle ne l’est pas.

Je me demande, ainsi que l’honorable M. Verhaegen, quelle différence il y a entre des chemins vicinaux et des servitudes de passage légalement acquises. Il peut y en avoir accessoirement ; principalement, il n’y en a pas. Je m’explique. Quand je dis principalement, je veux dire que les servitudes vicinales de passage sont en réalité des chemins vicinaux. Notez que je ne dis pas des « chemins communaux », mais des « chemins vicinaux », c’est-à-dire des communications d’un village à un village, d’une commune à une commune, d’une commune à une ville.

Partant de là, je pense que c’est pour respecter les droits acquis et l’usage qu’on a voulu admettre cette rédaction. Mais je crois qu’on peut les respecter également et être fort clair.

Il faut que la loi ne connaisse que les chemins et les sentiers vicinaux. Comme cela est sera claire. Peu importe qu’un chemin vicinal soit assis sur une propriété communale, ou qu’il existe comme servitude sur une propriété riveraine, il n’en est pas moins vrai que ce sera toujours un chemin vicinal. Cela ne change rien quant au droit principal ; il n’y a quelque chose de changé que quant aux droits des riverains. Il est certain que, quand le chemin sera sur une propriété communale, elle pourra planter sur son chemin, et que quand la commune n’aura qu’une servitude sur la propriété riveraine, le particulier pourra planter. Ainsi il faut admettre une distinction dans l’article 12. Je crois que l’amendement que je vais proposer consacrerait cette distinction et serait très clair.

Veuillez remarquer que jusqu’ici on n’avait parlé que de chemins et de sentiers vicinaux ; et à l’article 12 on vient d’introduire une nouvelle expression « servitude vicinale de passage » ; C’a été conserver les droits de propriété aux riverains dans certains cas. Ceci est de la doctrine. On a dit que, dans les Flandres, c’est un usage que les chemins vicinaux ne sont qu’un droit de passage sur des propriétés particulières. Je mets en fait qu’il n’y a pas de province où il n’en soit ainsi, au moins de quelques chemins. Il faut donc prendre une disposition générale. Il faut laisser aux tribunaux, à l’administration le soin de décider qu’un chemin est sur une propriété communale, ou doit être considéré comme une servitude sur une propriété riveraine.

Je crois que ce but serait atteint par mon amendement, qui est ainsi conçu :

« Les chemins et les sentiers vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, soit qu’on les considère comme propriété communale ou comme des servitudes dues par les propriétaires riverains, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi, etc. »

Ainsi la loi laisserait tous les droits anciens.

M. Desmet – Je crois pouvoir dire que l’honorable préopinant n’a pas bien senti la portée des deux amendements de l’honorable M. Liedts. Il me semble que ces deux amendements sont tout à fait distincts. Je crois que dans l’article 11 il n’est question que d’un droit de passage, qui ne doit servir qu’à une partie des habitants d’une commune, et pour se rendre à une exploitation quelconque.

Certes on ne peut pas envisager ces voies de tolérance comme des chemins publics, c’est une voie qu’on tolère sur une propriété privée et qui entre dans la règle générale de cette espèce de propriété.

Pour ce qui concerne la première partie du second amendement qui concerne les servitudes vicinales, je ne peux pas bien y répondre ; car en pratique je ne conçois pas ce qu’on entend par servitudes vicinales, surtout en les appliquant à des chemins publics. Je n’appuierai l’amendement en question que pour autant qu’il consacre le principe de l'imprescriptibilité en faveur des chemins publics des communes, soit qu’on les considère comme vicinaux ou purement communaux.

Je crois que nous devons consacrer le principe de l’imprescriptibilité de tous les chemins publics des campagnes vicinaux, communaux, et ceux qu’on nomme sentiers ou piedsentes. Ce n’est pas seulement utile pour mettre ces chemins publics à l’abri de tout empiètement et usurpation, mais je pourrais dire que c’est pour ainsi dire de droit. Car, dans une province, tous ces chemins ont toujours été considérés comme imprescriptibles, sans aucune distinction, qu’il s’agisse de grande route et de chemins communaux de quelque dimension qu’ils soient, jusqu’à la dimension du sentier même. Ils sont tous sur la même ligne ; tous sont envisagés comme du domaine public, à l’usage de tous, et la propriété de personne. Nos anciennes coutumes, le décret de 1764, le consacrent ainsi. Il y est dit que tous ces chemins qui passent par des terrains riverains en sont séparés, et que, quand on vend une pièce de terre, on doit séparer l’espace qu’occupe le chemin ; c’est ainsi que le stipule l’article 9 de la rubrique 10 de la coutume d’Alost.

Ces chemins sont classés comme suit : 1° le chemin de 40 pieds de large, qui est aujourd’hui la route provinciale ; 2° le chemin vicinal, proprement dit, et qu’on nomme dans la coutume Pontweg, qui doit avoir une largeur de 20 pieds ; 3° le chemin communal, proprement dit, nommé Prochie weg ; qui est large de 14 pieds ; 4° le chemin de voisinage intérieur, Gebuer weg, qui a une largeur de 10 pieds ; 5° le chemin de 7 pieds de large et qui est destiné à conduire les bestiaux ; 6° le sentier de l’Eglise et du Marché, qui a une largeur de 5 pieds ; et 7°, la piedsente nommée, dans la coutume, Voet pad, qui n’a qu’un largeur de 3 pieds. Tous, petits et grands, sont regardés comme voies publiques et impossibles d’être prescrits par la possession, en tout ou en partie.

Les servitudes vicinales n’existent chez nous que pour les chemins de halage. Ce sont des servitudes sur les propriétés riveraines, seulement pour le halage des bateaux ; on ne peut y aller en voiture. C’est là la seule servitude vicinale qu’on pourrait découvrir ; et je ne connais point d’autre cas où on pourrait les appliquer.

En 1764, on a fait comme aujourd’hui ; on n’a fait aucune définition ; on a consacré en principe ce qui existe. A cette époque on a dit que les chemins étaient imprescriptibles, non seulement comme ils existaient alors, mais dans la largeur qu’ils devaient avoir. Tout chemin doit avoir sa largeur. Aucune cause, aucune raison, aucun laps de temps ne peut être admis pour prescrire à cet égard. Je dis donc que l’imprescriptibilité des chemins a toujours existé, et qu’aucune partie n’en peut être prescrite ; car ils devaient toujours conserver leur largeur réglementaire.

Je dois surtout faire cette remarque pour quand il s’agira de mettre à exécution la loi ; on devra prendre attention que dans la Flandre tous les chemins doivent avoir leur largeur réglementaire, qu’aucune prescription ne peut être présentée de la part des propriétaires riverains, qui n’ont jamais été en état de prescrire.

Quand un chemin avait été usurpé dans sa largeur, l’administration tâchait de trouver de quel côté, empiètement avait eu lieu, et elle ordonnait la reprise de ce côté ; mais quand il y avait quelque doute, qu’on ne pouvait pas clairement décider de quel côté on avait empiété sur le chemin, alors l’administration ordonnait l’élargissement des deux côtés en parties égales.

Lorsque la visite de 1764 et 1765 a été faite, c’est ainsi qu’on a procédé ; et cette visite peut être considérée comme loyale et faisant partie du décret ; ce sont ces visites et les dispositions du décret qui ont toujours été observées chez nous, pour la police des chemins ruraux, et jamais le gouvernement français n’a suivi d’autres règles ; les préfets des départements y ont toujours basé leurs arrêtés.

Il y avait cependant une exception, c’était celle des bâtiments qui, à la visite de 1764, se trouvaient dans la largeur des chemins. Ces bâtiments ont été conservés.

Quoi qu’on eût consacré le principe de ne pas toucher aux bâtiments, on a cependant stipulé que tous les bâtiments faits depuis 1764 auraient été démolis pour autant qu’ils se trouveraient dans la largeur réglementaire des chemins. Or, comme il n’y a guère de bâtiments qui soient antérieurs à 1764, du moins en grand nombre, je crois pouvoir dire que, dans les Flandres, où on est sous le régime des décrets de 1764 et 1764, tous les bâtiments qui se trouveraient dans les chemins devront être démolis sans qu’on pusse prétendre à quelque indemnité.

Je vois à regret, messieurs, que le projet ne parle pas des plantations ; c’est cependant là un objet très important. Chez nous, où les chemins ont toujours été considérés comme faisant partie du domaine public, les propriétaires riverains avaient en compensation des frais d’entretien du chemin, le droit de planter sur ce chemin.

Quoi qu’il en soit, messieurs, je crois que nous devons consacrer le principe de l’imprescriptibilité, et c’est dans ce sens que j’appuierai la dernière partie du second amendement de l’honorable député d’Audenarde, de toute autre déposition qui consacrerait encore plus entièrement ce principe.

M. Vandenbossche – Messieurs, je ne puis approuver l’amendement de M. Liedts, ni aucune stipulation qui aurait pour objet d’établir dans nos lois le système ou l’idée de servitude vicinale appliqué à un chemin vicinal quel qu’il soit.

Tout chemin vicinal, sentier ou autre, constitue, à mes yeux, une propriété de la commue, une propriété publique, et ce qui le prouve, c’est que dans tous les plans cadastraux, ils se trouvent distraits des propriétés qu’ils traversent ; or, ceci ne serait pas s’ils ne formaient qu’une servitude. Le propriétaire paie les contributions dans ses propriétés qui sont frappées, quelles que soient les charges auxquelles elles pourraient se trouver assujetties ; si donc vous admettiez qu’un chemin vicinal n’est autre chose qu’une servitude, vous établiriez indirectement que le propriétaire doit continuer à payer les contributions de la partie qui lui est soumise, et vous commettriez une injustice à son égard.

Cette opinion, me, ne dérange en rien l’économie de la loi que nous discutons. On craint qu’un chemin vicinal puisse se perdre par le non-usage complet ou son extinction totale pendant trente ans. S’il se trouve ainsi perdu, c’est qu’il n’est pas nécessaire ou même utile. Mais, dit-on, on peut le déplacer, et le chemin qu’on lui aura substituer ne sera qu’une servitude et ne pourrait pas s’acquérir par la prescription ; c’est là, je pense, une erreur, ce n’est là qu’une direction substituée à une autre, et le propriétaire ou les différents propriétaires doivent, dans le cas, être censés convenus de cette substitution, et, par conséquent, le chemin, dans la direction substituée à une première, devient chemin vicinal au même titre que le chemin définitivement supprimé.

L’amendement de la section centrale ne fait que reproduire ce principe qui n’a jamais été contesté. Je trouve donc que les derniers mots doivent en être supprimés en tant qu’ils pourraient donner lieu à des prétentions non fondés et à des procès. Avec cette suppression, je pense que l’amendement de la section centrale, sauf toutefois a ajouter après « chemins » les mots « et sentiers », peut être adopté ; je désirerais donc que l’article fût conçu comme suit :

« Les chemins et sentiers vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public. »

Qu’on médite le peu de mots que je viens de prononcer, et je pense qu’on me donnera raison.

M. de Villegas – Messieurs, j’aurai l’honneur de vous présenter quelques observations que l’examen du double amendement de l’honorable M. Liedts m’a suggérées.

Pour rendre les amendements de l’honorable M. Liedts plus accessibles, il faut partir de cette distinction, qu’il existe des chemins vicinaux qui appartiennent aux communes et d’autres sur lesquels les communes n’ont qu’un droit d’usage.

Par le premier amendement à l’article 12 du projet du gouvernement, la servitude vicinale de passage peut être acquise par la prescription. Cet amendement a principalement en vue de trancher pour l’avenir les questions très controversées auxquelles la disposition de l’article 691 du code civil peut donner naissance. J’appuierai cet amendement.

Par le second amendement on propose à la législature de déclarer imprescriptibles les servitudes vicinales légalement acquises, ainsi que les chemins vicinaux tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans d’alignement et de délimitation.

L’imprescriptibilité des servitudes de passage est l’effet de la déclaration de la vicinalité. C’est une extension du principe se trouvant dans la loi commune et qui définit les dépendances du domaine public.

Mais quand la voie vicinale, soit qu’on la nomme servitude de passage, sentier ou chemin, cesse-t-elle d’être imprescriptible ?

L’auteur de l’amendement veut que la voie vicinale soit prescrite par le non-usage.

Il en résulte qu’après un laps de 30 ans, le particulier propriétaire du sol serait libéré de la servitude de passage, ou bien que par la possession légale d’un tiers, la commune perdrait son droit de propriété, si le chemin a cessé de servir à la circulation publique.

Je ne puis, pour ma part, appuyer cette partie de l’amendement de l’honorable M. Liedts.

Je pense qu’aussi longtemps que le chemin n’a pas été déclassé par l’autorité compétente, conformément au chapitre 3 du projet, en un mot aussi longtemps que sa vicinalité existe, il est imprescriptible. Le projet de loi présenté par le gouvernement prévoit le cas d’abandon ou de suppression de chemins vicinaux, et prescrit les formalités à observer à ce sujet.

Aussi longtemps donc que l’acte administratif d’abandon ou de suppression n’existe pas, le chemin est présumé utile aux communications du public.

Le principe contraire serait souvent très préjudiciable aux intérêts de la commune ; en effet, il peut se faire que, par suite de quelques circonstances, un chemin soit déserté par le public ; et que plus tard il devienne utile à la communication. On pourrait, il est vrai, demander l’ouverture de ce chemin, mis il est à remarquer que la commune devrait en faire décréter l’utilité publique, et indemniser le possesseur exproprié.

Je livre ce peut de mots aux méditations de la chambre.

- Les amendements de Messieurs. Peeters, Vandenbossche et de Villegas sont successivement appuyés.

M. Dubus (aîné) – Je m’expliquerai brièvement, messieurs, sur les divers amendements qui viennent d’être soumis à notre examen, et qui ont pour objet de sous-amender les propositions formulées, dans la séance d’hier, par l’honorable M. Liedts.

La principale de ces propositions est conçue comme suit :

« Les servitude vicinales de passage légalement acquises, ainsi que les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’il servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

La section centrale, dans la rédaction qu’elle vous avait soumise, ne parlait que des chemins vicinaux ; l’amendement a pour objet d’y joindre les servitudes vicinales de passage.

Je reconnais qu’en effet la rédaction de la section centrale peut laisser à désirer si on la met en comparaison avec d’autres dispositions du projet, déjà adoptées par la chambre sur la proposition de la section centrale ; ainsi l’article 1er et conçu comme suit :

« Art. 1er. Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans, à dater de la publication de la présente loi. »

On annonce donc, dès l’article 1er, que la loi est relative aux chemins et sentiers vicinaux, et toutes les autres dispositions de la loi se rapportant en quelque sorte à celle-là, on pourrait donc demander pourquoi, dans l’article dont il s’agit en ce moment, on ne parlerait que des chemins vicinaux, sans parler également des sentiers vicinaux. Cette observation me parait fondée, et je crois que l’article 12 doit s’appliquer à tout ce qui fait l’objet de loi, d’après l’article 1er, c’est-à-dire aux chemins et sentiers vicinaux.

C’est précisément pour ne pas changer, sans nécessité, les termes de la loi, que je suis disposé, pour ma part, à adopter la première partie de l’amendement de M. de Garcia, qui consiste à remplacer, dans l’article 12 amendé par M. Liedts, les expressions : « servitudes vicinales de passage » par celle de « sentiers, » et dire « chemins et sentiers vicinaux. » Je crois que ces expressions étant les mêmes que celle de l’article premier, il est convenable de les adopter. Nécessairement les servitudes vicinales de passage y seront comprises, à moins qu’on ne dise qu’elles ne sont pas comprises dans l’article premier ; or, nous avons bien entendu qu’elles y étaient comprises. S’il y avait doute à cet égard, il suffirait de recourir aux motifs pour lesquels la section centrale a proposé la suppression de l’article premier du projet du gouvernement.

« La section centrale n’a pas cru que la loi actuelle doive décider d’une manière absolue que les chemins sont ou ne sont pas des propriétés de la commune où ils sont situés, ni qu’ils doivent être entretenus par les communes dans tous les cas où elles en sont propriétaires, car il est des chemins que les communes entretiennent quoiqu’elles n’en soient pas propriétaires, comme il en est dont elles sont propriétaires, et qui sont entretenus par des particuliers. Ces points n’ont pas besoin d’être réglés par la loi actuelle, il est préférable de laisser subsister ce qui existe sans blesser les droits acquis, pourvu que l’on prenne les mesures nécessaires pour assurer la conservation des chemins et leur entretien par ceux qui en ont aujourd’hui l’obligation. »

Vous voyez donc, messieurs, que la section centrale n’a pas été d’avis que la loi décidât à qui appartient la propriété des chemins vicinaux ; elle a considéré qu’il y en a, dans les communes, sans propriétaires, et qu’il y en a d’autres qui ne sont réellement que des servitudes vicinales de passage ; mais elle a entendu que la loi s’appliquât à tous les chemins et sentiers vicinaux, que les communes en fussent ou non propriétaires.

Voilà, messieurs, quel est le sens des mots : « chemins et sentiers vicinaux » qui se trouvent dans l’article premier ; et je crois que nous devons employer les mêmes termes dans l’article 12 ; sans cela on pourrait croire que l’article 12 n’a pas, relativement aux objets auxquels il s’applique, le même sens que l’article premier.

La rédaction dont je m’occupe porte que les chemins et sentiers vicinaux sont imprescriptibles « aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public » ; M. Peeters voudrait qu’on y ajoutât ces mots : « et qu’ils n’ont pas été entièrement supprimés. » Il me paraît évident, messieurs, qu’aussi longtemps qu’un chemin est à l’usager public, il n’a pas été entièrement supprimé. Dès lors ; ceux qui trouveront dans la loi une adjonction comme celle proposée par l’honorable M. Peeters en chercheront un autre motif que celui qui a été donné par l’honorable membre ; et ils seront amenés à donner à l’article un autre sens. Qu’arriverait-il, par exemple, si un chemin qui traverse deux sections d’une commue et qui est coupé lui-même par d’autres chemins, venait à être entièrement supprimé dans une de ces sections, tandis qu’il serait maintenu dans l’autre section ? Ne viendrait-on pas dire alors que c’est ici le cas de l’application de la disposition additionnelle proposée par M. Peeters, que le chemin, au moins en tant qu’il s’étend de tel point à tel autre point, n’a pas été entièrement supprimé ? or, ce serait là s’écarter entièrement du but que se propose l’article 12.

Je suppose un chemin d’une demi-lieue d’étendue, qui ait été reconnu inutile et supprimé dans un parcours d’un quart de lieue, ce chemin n’aura pas pour cela été entièrement supprimé, aux termes de l’amendement de M. Peeters ; mais sur une étendue d’un quart de lieue, il ne sert plus à l’usage public ; évidemment si la partie qui ne sert plus à l’usage public est occupée par un particulier, ce particulier pourra l’acquérir par la prescription ; cependant, avec l’amendement de M. Peeters, il s’élèverait des doutes à cet égard, puisque le chemin n’a pas été entièrement supprimé, de sorte que c’est précisément parce que cette addition à l’article entendu dans le sens que je lui donne, forme un pléonasme, que je la trouve dangereuse, et que je m’opposerai à l’adoption de cet amendement.

Un autre honorable membre, député d’Alost, voudrait retrancher la dernière partie de l’article, consistant en ces mots : « sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. », parce que, dit-il, cela suppose qu’antérieurement cette imprescriptibilité, restreinte dans les termes dans lesquels elle est limitée par l’article 12 n’aurait pas existé ; or, ajoute-t-il, elle a existé généralement et partout.

Voilà une assertion qu’il faudrait appuyer d’une démonstration complète. Jusque-là il sera permis de douter qu’il en ait été ainsi en tout temps et partout avant le moment actuel.

Ce qui est certain , c’est que cette clause de non-préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi, ne fait que consacrer le respect de ces droits acquis, sans reconnaître pour cela qu’il y en ait. Ce n’est qu’une réserve et rien de plus.

Un autre honorable membre, député d’Audenaede, a proposé un changement de rédaction dans l’article 12, lequel, à mes yeux, n’est autre chose que le renversement de cet article.

Au lieu de dire que « les chemins vicinaux sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public », l’honorable membre propose de déclarer « les chemins vicinaux imprescriptibles aussi longtemps qu’ils n’ont pas été abandonnés ou supprimés par l’autorité compétente, conformément à la présente loi. »

De manière que, par cela seul qu’un chemin aurait été, à une époque quelconque, porté sur un tableau de chemins vicinaux, une révolution même de plusieurs siècles ne serait pas suffisante pour en constater la légitime suppression. C’est là assurément une disposition exorbitante, et il faudrait tout au moins un pressant motif d’utilité publique pour introduire une dérogation aussi notable aux principes généraux en matière de prescription qui, en définitive, sont les principes qui consacrent toutes les propriétés ; car tout le monde sait que par la suite du temps les titres s’égarent ; mais c’est la possession en définitive qui légitime les propriétés. Or, ici cette possession ne serait jamais suffisante contre la représentation d’un acte, si ancien qu’il fût, constatant qu’il a existé autrefois un chemin dans un endroit où une direction quelconque. Quant à moi, je n’admettrai pas cette disposition d’une rigueur excessive.

Je pense que nous ne devons avoir aucun doute que, quand une communication vicinale a été abandonnée de fait pendant 30 ans, c’est qu’il n’y avait pas de vicinalité proprement dite ; car cette vicinalité consiste dans l’utilité publique ; or, un motif d’utilité publique qui serait demeuré ignoré ou oublié depuis 30 ans, ne peut pas être admis comme subsistant.

Mais, dit-on, ce chemin peut avoir été déserté pendant quelque temps comme peu utile, mais les circonstances peuvent le rendre utile dans la suite ; eh bien, alors, ce seraient ces circonstances qui rendraient nécessaires d’en déclarer la vicinalité, si le chemin avait été abandonné pendant l’époque voulue pour la prescription. Car, remarquez-le bien, l’utilité générale est un titre pour les communes à une communication quelconque ; seulement, lorsqu’en vertu de cette utilité, une commune requiert la communication, elle doit payer l’indemnité ; et il me paraît éminemment juste qu’on paie l’indemnité à celui qui possède depuis 30, 40, 50 ans, depuis un siècle même.

Vous le voyez, toute la question revient au point de savoir, si, dans l’espèce que s’est faite l’honorable membre, on devrait refuser l’indemnité à celui qu’on dépossèderait. Or, il serait, selon moi, souverainement inique de la lui refuser.

Voilà, messieurs, le peu d’observation que j’avais à faire sur les sous-amendements qui viennent d’être présentés, à l’amendement de l’honorable M. Liedts. Dans ma manière de voir, cet amendement devrait, en définitive, être rédigé comme suit :

« Les chemins et sentiers vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles, aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

Quant à l’autre disposition formulée par la section centrale, et qui porte : « la servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription » : je ferai remarquer que l’expression de « servitude vicinale de passage » est ici convenable, parce que l’article va au devant d’une difficulté ; et c’est cette expression qui résout la difficulté.

On reconnaît qu’il y a des chemins vicinaux qui appartiennent aux communes, et qu’il y en a d’autres qui ne leur appartiennent pas, mais qui ne sont que des servitudes au profit de ces communes. Or, il s’élève un doute pour savoir si ces servitudes vicinales de passage peuvent être acquises par prescription, nonobstant l’article 691 du code civil. C’est une question qui est sujette à controverse ; et la section centrale vous propose de décider l’affirmative, c’est-à-dire de reconnaître que cette servitude peut être acquise par prescription.

L’honorable M. Peeters trouve dangereuse cette disposition, que je regarde, moi, comme juste ; il me paraît que les motifs donnés par la section centrale, motifs que j’ai rappelés hier et qu’il est inutile de répéter aujourd’hui, la justifient complètement sous ce rapport. L’honorable membre dit qu’elle provoquera la suppression immédiate de tous les sentiers actuellement existants.

M. Peeters – J’ai parlé seulement des sentiers tolérés.

M. Dubus (aîné) – L’honorable membre dit qu’il n’a entendu parler que des sentiers qui sont tolérés ; mais je ne vois pas le grand danger qu’il peut y avoir à supprimer des voies qui ne sont pas dues ; car ou ces voies sont utiles, ou elles ne le sont pas ; si elles sont utiles, la commune en fera décréter la vicinalité ; si elles ne sont pas utiles, à quoi bon repousser une disposition juste, dans la crainte de voir supprimer des voies qui ne sont pas dues ?

J’ai dit que cet article tranche pour l’avenir une controverse ; cette controverse existe en effet. Il y a des personnes qui soutiennent que l’article 691 est applicable aux sentiers publics ; il y en a d’autres qui soutiennent le contraire par des raisons très plausibles. S’il devait résulter de la proclamation du principe que nous posons pour l’avenir dans l’article 11 qu’on soulevât la question pour le passé, cela donnera occasion aux tribunaux de trancher la question pour le passé, comme nous voulons la trancher pour l’avenir. Je le répète, les communes auront, en définitive, le moyen de conserver toujours les voies véritablement utiles, en réclamant la déclaration de vicinalité.

Je voterai pour l’article 12 avec le sous-amendement de M. Liedts, et pour l’article 11, tel que l’a proposé la section centrale.

M. de Garcia – Messieurs, l’honorable M. Dubus a bien voulu donner son approbation à la première partie de mon amendement. Je n’ai pas été aussi heureux quant à la seconde partie qui a pour objet d’énoncer seulement les droits que les propriétaires riverains ont ou n’ont pas sur telle ou telle communication vicinale.

On a dit hier qu’il faut de la doctrine dans les lois, qu’il ne faut pas décider les cas qui sont à décider en vertu des lois. Or, c’est le but qu’atteint la deuxième partie de mon amendement ; s’il s’élève des questions de propriété sur le droit des propriétaires riverains, ces questions restent intactes et les tribunaux les décideront. Il peut, par exemple, être intéressant pour un propriétaire qui ne laisse qu’une servitude de passage sur sa propriété, de pouvoir planter des arbres sur ce chemin, chose qu’il pourra faire, lorsqu’il aura fait constater que ce n’est qu’une servitude de passage sur ses propriétés.

Messieurs, il est un privilège qu’il ne faut pas perdre de vue et qui est enseigné par tous les publicistes français, c’est que généralement tous les chemins vicinaux sont réputés propriété communale, constituent le domaine public municipal. Faites bien attention à cette expression le « domaine public municipal ». Ainsi, les chemins vicinaux ne sont réellement pas, quant à leur usage et à leur destination, une propriété communale, c’est une propriété du domaine public municipal qui, comme le domaine public provincial, rentre dans le domaine public proprement dit pour son usage et sa destination.

Le pouvoir exécutif a délégué au pouvoir provincial et au pouvoir communal, une partie de son droit ; et c’est à ce titre que les chemins vicinaux sont considérés comme faisant partie du domaine public municipal.

Je crois donc qu’il est essentiel, pour conserver tous les droits et les usages acquis, de maintenir la seconde partie de mon amendement.

Comme on fait marcher de front la discussion de l’article 11 et celle de l’article 12, je dirai un mot sur l’article 11 qui est ainsi conçu :

« La servitude vicinale peut être acquise par prescription. »

Quant à moi, je ne puis donner mon assentiment à cet article.

Je désire que la chambre considère les principes consacrés par l’article 691 du code civil.

Messieurs, dans l’usage de la jurisprudence à raison des fonctions que je remplis dans la magistrature, je sais à combien de procès calamiteux et ruineux les anciennes coutumes de notre pays ont entraîné les communes. Je connais telle commune qui pour une parcelle de terre ne valant pas 50 francs, a dépense dix mille francs. Si M. Brabant était présent, il pourrait vous attester ce fait, qui est à sa connaissance. Je crois qu’il a été dans l’intention du législateur français de détruire une source de procès, en disant : Les servitudes discontinues et non apparentes ne peuvent s’acquérir par la prescription.

Vous reconnaîtrez qu’il y a une grande sagesse dans la proclamation de ce principe, si vous considérez les procès qu’entraîneraient des servitudes semblables. Dans la jurisprudence, les particuliers qui sont parties intéressées à la conservation d’une servitude, sont appelés à déposer dans les enquêtes qui se font. Quels inconvénients ne doivent pas résulter de là ? Il est impossible que celui qui est intéressé à avoir telle servitude vienne déposer contre son intérêt. Si vous reconnaissez ce principe de prescription pour les servitudes vicinales de passage, vous devez le reconnaître également pour l’enlèvement des bois morts dans les forêts et pour les pâturages. Si vous introduisez une dérogation, à raison des chemins vicinaux, je ne vois pas, quand il s’agirait d’une loi de police municipale, pourquoi vous ne proposeriez pas, au profit de la commune, le principe qu’elle peut acquérir par prescription toutes autres servitudes discontinues.

Je répète que l’adoption d’un principe dérogeant au code civil serait fort dangereux. En effet, au lieu de rendre service aux communes, on leur portera préjudice, car on sera difficile pour accorder passage sur une propriété. Dans les pays d’un sol fertile, l’inconvénient se fera peu sentir ; là on empêche soigneusement la foule des propriétés, mais dans les pays moins riches, il en est autrement. Les propriétaires laissent facilement parcourir leurs propriétés, soit pour aller recueillir le bois mort, les herbes, etc. les habitants des communes, pour aller recueillir ces produits, créent une foule de chemins dont ils se servent aussi souvent pour raccourcir leur trajet, quand il vont dans une localité voisine. Qu’arrivera-t-il si on admet le principe de la prescription ? C’est que les propriétaires s’empresseront d’interdire tout passage sur leurs propriétés. Loin donc de servir les habitants d’une commune par cette mesure, vous les desserviriez.

M. Peeters – J’avais proposé un sous-amendement pour prévenir les inconvénients signalés hier par M. Verhaegen, qui avait supposé le déplacement d’un chemin vicinal. Mais les observations présentées par l’honorable M. Dubus m’ont convaincu que l’adoption de mon amendement entraînerait d’autres inconvénients, je le retire.

Il me reste à parler du dernier paragraphe. Je partage l’opinion que vient d’exprimer M. de Garcia ; je crois qu’en adoptant sa proposition qui admet la prescription des servitudes de passage, au lieu de faire du bien aux communes, nous leur ferons un grand mal, nous ferons naître une masse de procès et supprimer beaucoup de sentiers très utiles.

M. d’Huart – Dans la discussion déjà assez longue qui a commencé hier et qui se poursuit aujourd’hui, on a examiné à la fois deux questions très importantes, qui sont tout à fait distincts, la prescription des chemins vicinaux et la prescription des servitudes vicinales de passage. Il faudrait pour arriver à une solution diviser ces questions et suivre l’ordre indiqué dans la proposition de M. Liedts. Je désirerais que M. le président voulût mettre une seule de ces deux questions en discussion. Nous pourrions arriver plus vite à un résultat.

Les membres qui ont la même opinion que moi, qui veulent bien admettre la prescription pour les chemins vicinaux, et veulent la repousser pour les servitudes vicinales de passage, se trouvent dans l’embarras pour exprimer leur opinion sur cette double question. Si la chambre voulait diviser la discussion et considérer la dernière proposition comme article 11, je demanderais la parole pour motiver mon opinion qui ne lui sera pas favorable.

M. le président – La division pour le vote est de droit, mais, pour diviser la discussion, il faut une décision de la chambre.

M. Demonceau – J’appuie la proposition que vient de faire M. d’Huart. Il est certain que déclarer les servitudes vicinales de passage, prescriptibles par la possession de 30 ans, c’est changer la disposition du code civil, c’est au moins lever un doute qui existe entre les auteurs et dans la jurisprudence. Il me semble donc qu’il conviendrait de se fixer sur ce point. Veut-on admettre qu’une servitude discontinue puisse être prescrite par la possession de 30 ans ? Voilà la première question à examiner.

Maintenant vient la seconde, celle de savoir si on déclarera imprescriptibles non seulement les chemins vicinaux, mais encore les sentiers vicinaux. Faites bien attention au rapport de la section centrale. Tandis que la section centrale admet l’expression de servitude de passage pour pouvoir l’acquérir par la possession de 30 ans, quand elle arrive à l’article dont il s’agit, elle déclare imprescriptibles les chemins vicinaux seulement ; la section centrale n’emploie plus le mot servitude de passage, elle ne paraît pas vouloir déclarer imprescriptibles, contre la commune, les servitudes vicinales de passage.

Vous concevez que, s’il est difficile de faire la distinction entre un chemin vicinal, un sentier et une servitude vicinale de passage, il faut bien que la servitude soit également déclarée imprescriptible au profit de la commune, c’est-à-dire qu’on ne puisse pas opposer la prescription contre la commune.

Voilà les deux questions à examiner.

En se servant des mots chemins et sentiers, comme le propose M. Dubus, en les combinant avec la proposition de la section centrale, l’on pourrait, ce me semble, prescrire les servitudes contre la commune.

M. Verhaegen – Il me semble que jusqu’à présent nous ne pouvons pas diviser la discussion. Je vais avoir l’honneur d’en donner la raison. Pour cela je dois plus ou moins entrer dans la question du fond.

Depuis hier nous reculons, et nous reculons beaucoup. Hier je comprenais quelque chose ; aujourd’hui je ne comprends plus rien. Au lieu d’un amendement il y en a six. Chacun apporte dans la discussion une opinion nouvelle et des principes nouveaux, d’après les localités auxquelles appartiennent les membres ; parce que dans les diverses provinces il y a des principes différents, ces principes exercent de l’influence sur les doctrines des honorables membres qui prennent la parole.

Nous avons reculé et reculé de beaucoup ; je commencer à croire qu’il nous sera fort difficile de faire une loi proprement dite. Nous ferons des lois de budgets et d’accessoires de cette espèce ; mais pour une loi proprement dite, cela nous sera très difficile. Il faudrait qu’il y eût un moyen d’élaborer les lois, qu’il y eût un corps, commis à cet effet, chargé d’examiner tous les principes sur la matière, de coordonner les dispositions, et de présenter un projet à l’assemblée législative. Mais tant qu’elle se fera dans l’assemblée, cette élucubration sera impossible. A défaut de corps compétent pour faire ce travail, il faudra de nouveau renvoyer le tout à la section centrale. Car, avant de voter les principes, il faut savoir ce que l’on veut.

Nous venons d’établir un principe d’imprescriptibilité ; et nous ne sommes pas d’accord sur les choses ; nous ne sommes pas encore d’accord sur ce qu’il faut entendre par chemin vicinal, et nous venons de déclarer imprescriptibles les chemins vicinaux. Commençons par nous mettre d’accord sur ce que c’est qu’un chemin vicinal. Avant de poser un principe tel que celui qu’on veut nous faire adopter, celui de l’imprescriptibilité, tâchons de savoir à quoi nous voulons l’appliquer.

Après avoir parlé de chemin vicinal, on vous parle de servitude vicinale de passage.

Quand, hier, j’ai demandé la différence qu’il y avait entre le chemin vicinal et la servitude vicinale de passage, on s’est borné à me répondre que les définitions étaient inutiles. Je comprends que les définitions sont inutiles dans la loi même ; mais pour ceux qui font la loi, il faut qu’ils sachent à quoi la loi sera applicable ; ils ne peuvent pas faire une loi dans le vague, appliquer des principes à des choses qui ne sont pas connues. Il faut donc commencer par connaître les choses auxquelles vous voulez appliquer des principes.

Aujourd’hui l’honorable M. Dubus ne m’a pas satisfait. Hier j’ai compris son système, aujourd’hui je vais me permettre de lui soumettre mes réflexions.

Je ne comprends plus le système. D’après lui, on pourrait comprendre sous le mot « sentier » les servitudes de passage. Chemins et sentiers vicinaux, cela peut comprendre les servitudes vicinales de passage. Je ne le pense pas, parce qu’il en est pour le sentier comme pour le chemin. Un sentier peut être la propriété de la commune, comme un chemin peut être la propriété de la commune ; et un sentier peut exister sur la propriété d’un particulier, comme servitude au profit de la commune, comme un chemin peut exister sur la propriété d’un particulier, comme servitude au profit de la commune. Ainsi, le mot sentier ne comprendra pas nécessairement la servitude de passage, dans le sens qu’on y attache. Pour moi, je commence à douter ; depuis le commencement jusqu’à la fin, je ne sais plus ce que c’est un chemin vicinal.

M. Dubus (aîné) (à M. Verhaegen) – Vous ne m’avez pas compris ; vous m’avez fait dire ce que je n’ai pas dit.

M. Verhaegen – J’ai compris que M. Dubus admettait l’amendement de M. Liedts, sous-amendé par M. de Garcia ; Si je me suis trompé, il voudra bien expliquer en quoi consiste mon erreur.

Quoi qu’il en soit, je me demande toujours ce que c’est qu’un chemin vicinal. Il y a du doute sur la signification même du mot. Il y a des auteurs qui prétendent que le chemin vicinal est celui qui conduit d’un village à un autre (vici ad vicum) en opposition avec les chemins provinciaux et les grandes routes ; cependant votre intention n’est pas de restreindre la loi à ces chemins. Vous voulez y comprendre tout chemin, sentier ou passage à l’usage des habitants d’une ou de plusieurs communes ou d’une fraction de commune. Commençons par poser les principes, et voyons ce que nous voulons. Voulons-nous que tout chemin, entier ou passage soit imprescriptible, décidons-le en termes généraux et de manière à ne rien exclure ; tel est le but de l’amendement que j’ai l’honneur de proposer et qui est ainsi conçu :

« Les chemins, les sentiers et les servitudes de passage, à l’usage d’une ou de plusieurs communes, ou d’une fraction de communes, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public. »

De cette manière, il n’y aura pas de doute, le grand principe sera posé ; tous les chemins seront imprescriptibles.

M. Dubus (aîné) – Cet amendement ne s’applique qu’à l’article 12 ; l’honorable membre ne s’oppose pas à la division, puisqu’il divise lui-même dans son amendement.

M. Verhaegen – Si on ne veut diviser qu’entre l’acquisition et la perte par prescription, je n’y vois pas d’inconvénient ; mais j’avais compris qu’on voulait diviser quant à la perte par prescription.

M. F. de Mérode – Il me semble qu’on a bien tort de consacrer tant de temps à la discussion sur la prescription et sur l’imprescriptibilité ; il faudrait s’en tenir aux lois existantes et ne pas oublier que le seul but de la loi est de mettre les chemins vicinaux en bon état d’entretien.

- La chambre consultée décide que la discussion sera divisée et que l’article 11 proposé par M. Liedts sera discuté en premier lieu. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 11. La servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription. »

M. d’Huart – Il s’agit donc en ce moment de la servitude vicinale de passage qui, aux termes de la disposition soumise à la chambre, pourra être acquise par prescription. C’est ici une dérogation aux lois existantes ; tout au moins on peut prétendre qu’il y a doute à cet égard. Quoiqu’il en soit, ce serait trancher une question très importante qu’il conviendrait de laisser décider par l’application des lois actuelles.

C’est à cette disposition que s’applique l’observation que voulait faire l’honorable M. de Mérode ; il importe de ne pas jeter la perturbation dans des droits acquis et de ne pas changer des dispositions qui nous régissent depuis longtemps.

Si on me démontrait clairement qu’il y a avantage réel à trancher cette question, je ne m’y opposerais pas ; mais il n’en n’est pas ainsi ; et si l’on prenait ce parti, il en résulterait immédiatement une foule de procès et d’embarras. Il y aurait procès parce qu’à l’instant les propriétaires empêcheraient le passage sur tous les sentiers sur la propriété desquels ils croiraient avoir des droits, la commune soutiendrait le procès, et tout le monde sait ce qui en résulterait pour la commue et pour le propriétaire.

Il existe des passages très utiles à la commune ou fractions de communes, et qui cependant sont simplement tolérés par les propriétaires. Vous allez mettre ceux-ci dans la nécessité de priver les communes de ces passages qu’ils avaient tolérés jusqu’ici.

Ne tranchons donc pas la question ; laissons les choses dans l’état où elles sont ; songeons à mettre nos chemins vicinaux en état de viabilité ; c’est là l’objet principal de nos délibérations.

Je pense que ces courtes réflexions suffiront pour motiver mon vote qui sera contraire à l’article 11.

M. Liedts – Vous remarquerez que l’article 11 que j’ai eu l’honneur de vous proposer n’est que la reproduction textuelle de la proposition de la section centrale. Il me semble qu’il faut commencer par là. Il est naturel de dire comment s’acquièrent les servitudes vicinales de passage, avant de dire comment elles se perdent.

On fait entrevoir que, si cette disposition était maintenue, elle donnerait lieu à une foule de procès. C’est, à mon avis, pour éviter les procès que la section centrale a proposé la disposition. En effet, sous ce rapport, on ne peut nier la nécessité de la disposition proposée.

Veuillez vous rappeler qu’en fait il n’y a pas une commune en état de prouver qu’un chemin vicinal est une propriété communale. En fait les servitudes vicinales de passage forment la totalité, ou tout au moins la grande majorité des chemins vicinaux. Si vous n’admettez pas la disposition, il en résultera qu’il y aura procès entre les communes et les propriétaires qui voudront supprimer les chemins vicinaux. Et qu’arrivera-t-il ? Que la commune dans l’impossibilité où elle sera de prouver qu’elle a la propriété de ces chemins, sera obligée de prouver qu’elle en avait acquis la propriété par prescription, avant la publication du code civil. Or, ce sera souvent impossible. Et, en vertu du principe que toute propriété est présumée libre de servitude, le particulier pourra rejeter sur la commune l’obligation de prouver que la servitude lui est acquise. Comme les communes seront dans l’impossibilité de faire cette preuve, il en résultera qu’au bout de quelques années tous les chemins vicinaux seront supprimés.

La section centrale fait observer qu’aujourd’hui les communes ne sont pas encore dans l’impossibilité de faire cette preuve ; mais que dans quelques années lorsque l’époque de l’introduction du code civil sera trop loin de nous, cette impossibilité sera absolue.

Une voix – Et les plans ?

M. Liedts – Mais c’est là un titre que vous vous créez à vous-même, et que vous ne pouvez dès lors pas invoquer.

Je dis, messieurs, que si vous ne déclarez pas que les chemins vicinaux peuvent s’acquérir par la prescription, o ceux de ces chemins dont les communes ne conservent plus de titres seront exposés à être supprimés.

M. Milcamps – J’avais demandé la parole, messieurs, pour présenter précisément les mêmes considérations que vient de faire valoir l’honorable M. Liedts en faveur de la disposition. J’ajouterai seulement que nous ne devons pas craindre que cette disposition ait des résultats désavantageux, car tous les jurisconsultes de cette chambre savent qu’avant la publication du code civil, il était de droit, en Belgique, que l’on pouvait acquérir, par la prescription, la servitude de passage comme toutes les autres servitudes. Eh bien, on ne signale pas qu’il soit résulté des inconvénients de cette ancienne législation.

Je donnerai donc mon assentiment à l’article 11.

M. F. de Mérode – Il est possible, messieurs, qu’il y ait quelques inconvénients à ne pas admettre la proposition de l’honorable M. Liedts, mais je trouve qu’il y aurait beaucoup plus d’inconvénients à l’admettre. Je crois que pour éviter un mal on en occasionnerait un beaucoup plus grand. Le but de la loi que nous votons en ce moment, c’est d’avoir des chemins vicinaux viables et bien entretenus ; ce but, nous pourrons très bien l’atteindre, tout en laissant les choses dans l’état où elles se trouvent, en ce qui concerne la propriété des chemins. Je n’admettrai donc pas de propositions nouvelles relativement à cette propriété, mais j’admettrai toutes les dispositions qui me paraîtront de nature à amener l’amélioration et la viabilité des chemins et sentiers.

M. Verhaegen – Messieurs, par les raisons données par l’honorable M. d’Huart, je suis d’avis que la disposition ne peut pas recevoir notre assentiment, et je me permettrai d’ajouter aux observations de l’honorable membre quelques observations nouvelles, pour vous donner la conviction que cette disposition ne peut d’ailleurs être d’aucune utilité.

Je suis d’avis, messieurs, comme je le disais tantôt, qu’il faut, en général, admettre que les chemins, sentiers et passages dont jouissent les communes sont imprescriptibles, et quand nous en serons à ce point là, je développerai mon opinion à cet égard ; mais si l’on n’admet pas la prescription alors qu’il s’agit de perdre le droit, je ne puis pas l’admettre alors qu’il s’agit d’acquérir le droit ; il ne peut pas y avoir ici deux principes différents, il n’y a pas de distinction admissible.

Le code civil, messieurs, n’a consacré le principe que lorsque la servitude est discontinue et non apparente, elle ne peut s’acquérir que par titre, pour qu’une servitude soit acquise, il faut donc un titre ou 30 ans de possession avant le code civil dans les localités où les coutumes admettaient la prescription. Maintenant on veut déroger au code civil, on veut établir des principes tout à fait nouveaux et pourquoi ? A-t-on vu qu’il soit résulté des inconvénients de la législation actuelle ? Non, messieurs, je ne pense pas que, depuis que le code civil existe, on puisse rencontrer de semblables inconvénients. Mais y en eût-il, la proposition n’y porterait point remède ; je demanderai, en effet, à l’auteur de la proposition s’il est d’avis d’introduire dans la loi le principe de la rétroactivité ? je ne le pense pas, car ce serait une monstruosité ; on ne peut pas faire compter la possession antérieure à la présente loi. Eh bien, si l’on n’admet pas la rétroactivité, à quoi servira la disposition ? A rien absolument, car ce ne serait qu’après les 30 ans qui vont s’écouler, à dater de la promulgation de la loi, que la disposition pourrait avoir un effet.

On a dit que la législation actuelle a donné lieu à des procès. Mais, messieurs, je suis à même aussi de savoir quelles sont les contestations qui se présentent devant les tribunaux, et je puis dire que les procès dont on parle sont loin d’être nombreux ; mais je crois qu’il y aurait une masse de procès si l’on adoptait la proposition ; il en résulterait surtout l’inconvénient signalé par l’honorable M. Peeters ; tous les propriétaires qui jusqu’à présent toléraient, dans l’intérêt des communes, le passage sur leurs propriétés, parce que, dans l’état actuel de la législation, ce passage, quelque long que soit le temps pendant lequel il a eu lieu, ne peut pas donner un droit aux communes, puisqu’aux termes du code civil, les servitudes discontinues, et non apparentes ne peuvent s’acquérir que par titre ; tous les propriétaires s’empresseraient d’empêcher ce passage du moment où il pourrait, par la prescription, donner un droit à la commune.

Ne vaut-il pas mieux, messieurs, laisser les choses telles qu’elles sont, sous l’empire du droit commun ? S’il peut s’élever quelque controverse, les tribunaux en décideront ; si, au contraire, la chose est claire, il n’y aura pas de réclamations comme il n’y en a pas eu depuis que le code civil a été publié.

Je ne sais pas pourquoi nous voudrions être plus rigoristes, plus savants que les auteurs du code civil. Le code civil a été longuement médité et élaboré par des gens qui s’y connaissaient ; il faudrait de très graves motifs, il faudrait surtout bien méditer, bien élaborer la matière avant d’en venir à déroger à une semblable loi.

M. de Langhe – Je pense, messieurs, que si l’on applique rigoureusement les principes de la section centrale et de l’honorable M. Liedts, il en résultera de graves inconvénients. Dans le pays que j’habite les chemins sont impraticables pendant une bonne partie de l’hiver ; eh bien ! les piétons ne pouvant pas se servir des chemins, passent le long de ces chemins sur les propriétés riveraines, et très souvent ils ne se bornent pas à créer un seul chemin, ils en créent dix, à tel point que les propriétaires, pour empêcher cette détérioration de leur propriété, préfèrent former eux-mêmes un petit chemin pour que les habitants ne passent que par un seul endroit. Si maintenant il peut résulter un droit de ce passage, il est certain que les propriétaires ne le permettront plus ; et non seulement il en résultera encore des procès, mais il en résultera encore des voies de fait, parce que chacun veut conserver sa propriété intacte.

Je pense donc, messieurs, que l’adoption de l’article présenterait de graves inconvénients.

M. Liedts – Je ne conçois pas, messieurs, que l’on vienne réclamer contre la proposition de la section centrale, alors que cette proposition n’a d’autre but que de remettre en vigueur la législation qui existait avant le code civil et qui est peut-être cause que nous avons, notamment dans les Flandres, tant et de si bons chemins vicinaux. Le seul motif que fait valoir l’honorable M. Verhaegen contre la proposition, c’est que depuis l’existence du code civil aucun abus n’a été signalé. Je ne sais pas, messieurs, ce qui se passe à cet égard dans les autres provinces, mais dans la Flandre orientale beaucoup de chemins vicinaux et de servitudes de passage ont été supprimés depuis l’introduction du code civil, précisément parce que les propriétaires étaient persuadés que les communes ne pourraient pas prouver par des titres leur droit sur ces chemins et servitudes. Eh bien, messieurs, je dis que si la disposition n’est pas adoptée, vous verrez supprimer une infinité de chemins d’une utilité incontestable.

On dit que la loi ne procurera aucun avantage que dans 30 ans ; mais, messieurs, si nous ne pouvons pas empêcher immédiatement le mal qui résulte de la disposition du code civil, est-ce un motif pur ne pas y mettre au moins des bornes pour l’avenir ?

Quant à l’inconvénient qui a encore été signalé, que les propriétaires qui laissent maintenant passer les habitants sur leurs propriétés, lorsqu’en hiver les chemins sont mauvais, ne permettront plus ce passage lorsqu’il devra en résulter une servitude, ceux qui font cette objection, perdent de vue que cela ne peut pas donner lieu à une servitude, puisqu’il faut que la possession soit contraire pour qu’il puisse en résulter une prescription, et que, dans le cas cité, la possession ne s’exerce que pendant une partie de l’année.

M. Dubus (aîné) – Je viens, messieurs, défendre la proposition de la section centrale. Cette proposition a été combattue par les honorables MM. d’Huart et Verhaegen, et j’ai été étonné d’entendre l’honorable M. Verhaegen présenter comme une chose qui ne laisserait pas l’ombre d’un doute que la proposition de la section centrale vient déroger au code civil. La section centrale a présente la question comme étant matière à controverse ; en effet, c’est une question controversée, et les motifs qui militent en faveur du système, que l’article 691 ne s’appliquent pas aux servitudes vicinales de passage, sont très puissants, et je pourrais citer telle décision qui a donné gain de cause à ce système.

Ainsi, il ne faut point présenter ce point comme étant hors de doute, comme incontestable, que, d’après l’article 691 du code, aucun chemin vicinal ne peut exister, si l’on n’en représente le titre, car, je le répète, cela est sujet à très grande controverse, d’abord parce que l’utilité générale dit, d’après l’esprit même du code, être considérée comme un titre, et parce que l’article 691 ne paraît avoir pour objet qu’une servitude proprement dire, due pour un fond à un autre fond, et non pas un droit de passage établi dans l’intérêt du public.

Ce double motif est celui que j’ai vu adopter par l’autorité judiciaire dans un jugement rendu à l’ancien droit du pays, car, en définitive, c’est une loi française qu’on nous a imposée par l’article 691 du code civil ; car autrefois, non seulement les chemins vicinaux, mais les servitudes proprement dites, continues ou non, pouvaient s’acquérir par la seule possession ; sauf les exceptions dans certaines coutumes locales, c’était là le droit général du pays.

Eh bien on vous a dit avec beaucoup de raison qu’on n’avait reconnu aucun inconvénient à cette législation belge, et la section centrale, ne vous propose même pas d’y revenir d’une manière générale, elle propose uniquement son amendement pour les chemins vicinaux ; et pourquoi ? c’est que s’il est ordinaire de stipuler une servitude dans un acte écrit, il est au moins extrêmement rare qu’il y ait également un titre pour un chemin public, de sorte qu’ici la disposition est en quelque sorte commandée par les faits.

Si vous n’admettez pas cette disposition, et si vous supposez que la jurisprudence vienne à trancher contre les communes la question dont j’ai parlé tout à l’heure, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera que les procès qui ne surgissent pas maintenant, d’une part, parce que trop de personnes vivent encore et pourraient attester l’état d’un chemin à usage pendant 30 ans avant la publication du code civil, et parce que, d’autre part, bien des personnes peuvent croire que la controverse serait jugée en faveur des communes ; il arrivera, dis-je, que tous ces procès surgiront plus tard, ils surgiront alors que les communes seront sans défense ; il ne leur sera plus possible alors de représenter leur titre, parce que leur seul titre, d’après M. Verhaegen, serait une jouissance de 30 ans antérieurement au code, et que, les témoins étant morts, cette jouissance ne pourrait plus être prouvée. Il est donc du grand intérêt des communes de voir trancher cette controverse dès maintenant.

Les inconvénients qu’on a fait ressortir ne peuvent pas s’appliquer aux chemins et sentiers vicinaux dont l’utilité vicinale est incontestable, car, quant à ceux-là, cette utilité les a rendus nécessaires depuis longtemps, et le titre, qui est l’ancienne possession peut encore être prouvé et sera prouvé. Mais le seul inconvénient, c'est que les passages simplement tolérés ne seraient plus tolérés. Mais, ce sont là des passages qui sont vraisemblablement, non dans l’intérêt de la commune, mais de quelques particuliers isolés, et, en définitive, en attachant de l’importance à cet inconvénient prétendu, nous ne devons pas sacrifier l’intérêt général de la commune à celui de quelque particulier.

Je me bornerai à ces observations. Je me réfère du reste aux raisons qui ont été données par l’honorable M. Liedts.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, un point important à éclaircir, c'est de savoir si un chemin ou un sentier qui aura été porté au plan dressé en exécution de la présente loi pourra encore, après 30 ans, être contesté à la commune. Pour moi, je ne le crois en aucune manière ; je pense que, si on admet que l’article 69 du code civil ne permet pas à une commune d’acquérir, par prescription, un chemin vicinal, cette disposition du code ainsi interprétée, ne serait nullement applicable aux chemins qui auraient été portés sur le plan dressé en exécution de la présente loi.

S’il en est réellement ainsi, il ne reste plus qu’une difficulté de fait : c’est de stimuler le zèle des administrations municipales pour qu’aucune d’elles ne néglige de porter un chemin vicinal quelconque sur les plans.

Si tous les chemins et sentiers vicinaux sont exactement portés sur le plan, et si le plan, appuyé d’une possession de 30 ans, par les communes, à l’abri de toute espèce de contestation, je crois qu’alors on obtiendra le résultat que désire obtenir la section centrale, et que tout au moins le débat ne roulera plus que sur les chemins et sentiers vicinaux qui n’auraient pas été portés sur e plan.

Reste le cas de la perte d’un plan. Mais on peut prévenir cette cause de contestation en prenant quelques mesures de précaution, par exemple, en déposant un double du plan au commissariat du district et un autre dans les bureaux de l’administration provinciale de manière qu’on aurait trois expéditions du plan, et il serait bien malheureux qu’elles se perdissent toutes à la fois.

M. Desmet – Messieurs, l’honorable auteur de l’amendement vous a cité la province de Flandre pour appuyer la partie de son amendement qui concerne les servitudes vicinales, et il vous a dit que beaucoup de procès y avaient lieu sur des usurpations dans les terrains des chemins publics.

Je crois que l’honorable membre est dans l’erreur, il n’y a point de province où la législation sur les chemins vicinaux soit plus certaine que chez nous et où il y ait plus de difficulté pour pouvoir acquérir, par la prescription, une largeur des chemins. Et cela est très facile à comprendre, nous avons toujours eu une législation claire et précise depuis que nous sommes sous le régime des décrets de 1764 et 1765, et les décrets ont toujours été en usage, même sous le régime français ; les préfets du département de l’Escaut n’ont jamais eu d’autre guide pour la police et l’entretien des chemins vicinaux et communaux que lesdits décrets de Marie-Thérèse.

Chaque commune a sa visite des chemins, qui est un procès-verbal qui contient le nombre des chemins dans la commune, leur alignement, leur délimitation, et leur largeur réglementaire ; ces visites sont toutes basées et conformes à celle faite en 1766, ensuite du décret de cette année ; et comme j’ai eu l’honneur de vous le démontrer au commencement de la séance, la question de l’imprescriptibilité y est si bien établie que je ne vois pas la possibilité qu’on puisse acquérir sur un chemin de sa largeur, par la prescription, ou que des difficultés sérieuses puissent en surgir.

Il y a eu des procès à l’occasion de ces chemins, mais c’était particulièrement sur la largeur qui surpassait celle que prescrivait le décret réglementaire. Anciennement ces terrains qui étaient hors de la largeur des chemins étaient aux seigneurs ; par les lois françaises les seigneurs ont perdu ce droit, et il a été donné aux communes. C’est sur ce point que des contestations ont eu lieu entre les anciens seigneurs et les communes, et que les seigneurs se sont prévalus de la prescription.

M. Demonceau – Messieurs, s’il s’agissait d’abroger, en général, les dispositions du code civil, je donnerais probablement mon assentiment à une proposition de ce genre. Mais pourquoi abroger les dispositions du code civil, au seul profit des communes ? je n’en vois pas la nécessité ; c’est faire beaucoup trop en faveur des communes. Je suis de l’avis de ceux qui pensent qu’il est de toute justice de déclarer l’imprescriptibilité des tous chemins établis en faveur d’une commune, mais après avoir déclaré qu’il ne sera pas possible de prescrire contre la commune ; c’est aller trop loin selon moi, que de dire ensuite que la commune pourra, en tous cas, prescrire contre les particuliers. Si l’on ne peut pas prescrire contre la commue, il n’est pas juste que la commune puisse prescrire contre les particuliers.

La commune, de l’aveu même de ceux qui appuient la proposition, possède toujours le moyen de procurer un chemin nécessaire et utile. De deux choses l’une, ou le chemin que la commune veut nous prescrire est d’utilité publique, ou il ne l’est pas ; si le chemin est d’utilité publique, la commune a droit de déposséder les propriétaires, mais à une condition, et cette condition c’est de payer l’indemnité. Ainsi en définitive, vous ne donnez à la commune que le moyen de se libérer d’une indemnité, et, par suite, de s’enrichir aux dépens des particuliers. Si au contraire, le chemin n’est pas véritablement d’utilité publique, quel motif pourrait-on avoir d’autoriser la prescription ? Je ne pense donc pas que nous devrions adopter le système proposé, et je voterai contre l’amendement en discussion.

- L’article 11 est mis aux voix et n’est pas adopté.

Article 12

M. le président – Nous passons à l’article 12.

M. Cools – Je demande la parole. Par suite de la suppression de l’article 11, il reste un point à éclaircir ; c’est le doute soulevé par M. le ministre de l'intérieur. Je ne sais si les plans suffiront pour éviter toute contestation dans l’avenir ; je ne résous pas la question, je soumets mes doutes à la chambre.

Ne faudrait-il pas remplacer…

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Les plans serviront de titres aux communes.

M. Cools – Tous les intéressés sont avertis qu’il y a déchéance, s’ils ne réclament pas, mais cela suffit-il …

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Cette question pourra être examinée au second vote, quand on examinera l’amendement apporté à l’article 10.

D’après les dispositions de l’article 10, combinées avec les autres dispositions du projet, voici le sens qui me paraît être celui de la loi.

Il ne suffit pas qu’un chemin ou sentier soit porté au plan prescrit par la loi pour qu’il n’y ait pas ouverture à demande d’indemnité de la part de celui qui se croirait propriétaire du terrain. Mais cette demande d’indemnité serait à coup sûr couverte par le laps de 30 ans. Il est bien évident que le plan dressé par l’autorité publique constitue, au profit de la commune, un titre public qui n’ôte pas le droit de propriété, mais la commune conserve le droit d’avoir le passage tel qu’il est décrit au plan ; ce droit résulte de l’approbation donnée par la députation provinciale au plan dressé par l’autorité communale.

Il ne reste plus alors d’ouverture que pour une simple demande d’indemnité. Cette demande doit nécessairement être prescrite par le laps de 30 ans, puisqu’il ne s’agit plus que d’un objet pécuniaire. Si on juge à propos d’abréger le délai, pour ne pas laisser la commune sous le poids d’une réclamation éventuelle pendant trente ans, le délai de 10 ans et même celui de 5 ans serait, à coup sûr, suffisant pour que les propriétaires formassent une réclamation en indemnité.

M. Verhaegen – J’ai demandé la parole pour faire observer qu’il n’est pas exact de dire que, quand un chemin est indiqué dans un plan, il ne s’agit plus d’examiner que la question d’indemnité. C’est la question de propriété qu’il y aurait lieu d’examiner. La commune ne pourrait pas dire : J’ai compris tel chemin, tel sentier dans mon plan, il ne s’agit plus que de vous donner à vous propriétaire une indemnité. La question de propriété serait jugée, et si le propriétaire établissait son droit, la commune serait évincée, à moins de remplir les formalités prescrites en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique. Nous avons rejeté la prescription en faisant abstraction de tout titre quelconque ou de ce qu’on pourrait considérer comme un titre, je n’irai pas maintenant admettre que, quand la commune a fait son tableau et y a compris un chemin ou passage public d’un endroit à l’autre, elle s’est créé un droit.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Quand j’ai dit que les plans constituaient un titre positif au profit des communes, j’ai dit que c’était un titre administratif, et que si la commune consentait à payer l’indemnité en suivant les formalités prescrites en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, elle devait rester en possession du chemin.

J’ai dit, en outre, que, dans tous les cas, la demande en indemnité du propriétaire, ne pourrait durer au-delà de 30 ans, parce que le plan constitue, au profit de la commune, une possession fondée sur un titre. Or, la possession accompagnée d’un titre met à l’abri de toute réclamation en indemnité ; je crois que, pour rester dans les principes, il ne faudrait même exiger que la possession de 10 ans ; car le titre et la possession de 10 ans, si on ne réclame pas pendant ce laps de temps, entraînant la prescription, aucune réclamation, de quelque nature qu’elle soit, ne peut plus être accueillie.

C’est une proposition que je me réserve de faire loirs du second vote.

M. le président – Voici l’amendement de M. Verhaegen.

« Les chemins, sentiers et servitudes de passage à l’usage d’une ou de plusieurs communes ou fractions de communes, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

M. Dubus (aîné) – Je désire savoir si l’honorable M. Verhaegen maintient dans son amendement les mots « servitudes de passage. » L’introduction de ces mots ayant été motivée sur l’article 11, et se trouvant rejeté, il me semble qu’il y a lieu de les retrancher de l’article 11 l’amendement.

M. Verhaegen – Oui, je maintiens les mots « servitudes de passage » ; dès qu’il y a quelque chose d’établit au profit de la commune, cela doit être imprescriptible. Je lève le doute sur ce qu’il faut entendre par chemins vicinaux, sentiers et servitudes de passage ; je tranche la question en la généralisant.

M. Vandenbossche – J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l’observation de M. le ministre de l'intérieur. On est d’accord que les chemins vicinaux qu’on appelle servitudes de passage ne sont pas des servitudes proprement dites. D’après le code civil, on ne peut acquérir que des servitudes et prescrire dans certains cas l’indemnité due aux propriétaires.

M. le ministre propose de limiter le temps par lequel on pourrait prescrire.

Plusieurs voix – Il ne s’agit pas de cela : au second vote on discutera cette question.

M. Vandenbossche – Je tenais à dire que je ne partage pas l’opinion de M. le ministre.

M. Milcamps – J’adopterai l’amendement de M. Liedts, sous-amendé par M. de Garcia, dans les termes suivants :

« Les chemins et sentiers vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles, aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

Dans mon opinion, par cet amendement, les droits de la commune sont suffisamment garantis. D’ailleurs cette rédaction est en harmonie avec l’article 1er déjà adopté ; on pourrait même soutenir que le mot « sentiers » comprend les servitudes de passage.

L’honorable M. Verhaegen nous a encore demandé e que l’on entend par le terme « vicinal ». Messieurs, j’ai consulté un dictionnaire, j’ai trouvé : «Vicinal, vicus, bourg, chemin vicinal qui sert de moyen de communications entre plusieurs communes ».

Ainsi ces chemins et ces sentiers de villages sont des chemins et sentiers vicinaux lorsqu’ils ont été déclarés tels par l’administration.

Vous savez, messieurs, que les articles 2, section 6 du décret du 28 septembre 1791, 1er de l’arrêté du 23 messidor an V et 6 de la loi du 9 ventôse an XIII, attribuent exclusivement aux autorités administratives le droit de déclarer vicinaux les chemins qu’elles auront reconnus nécessaires à la communication des communes et d’en fixer la largeur.

Mais il résulte de la jurisprudence constante que ces dispositions n’ont pas été abrogées, ni expressément, in implicitement, par aucune loi, qu’elles sont générales et par conséquent applicables à toutes les communications de quelques communes, de quelqu’espèce qu’elles puissent être.

Eh bien, du moment que les plans seront dressés, que la largeur en sera déterminée, il s’ensuivra que tous les chemins, les sentiers, les servitudes de passage qui y seront portés, seront déclarés vicinaux.

Cette déclaration de vicinalité ne préjudicie pas aux tiers ; d’ailleurs la présente loi à soin de le dire et de les rassurer.

Ainsi, supposons que les arrêtés des administrations provinciales déclarent un chemin vicinal et en fixent la largeur, que, dans la largeur donnée au chemin, on eût porté atteinte à la propriété d’un tiers, ce tiers serait fondé à porter son action devant les tribunaux, et les tribunaux seraient compétents pour juger la question d’indemnité, pour statuer sur l’indemnité qui pourrait être réclamée par ce tiers.

M. Verhaegen – J’ai généralisé la disposition, pour ne pas conserver l’expression « vicinale ».

M. Milcamps a dit qu’il avait cherché dans le dictionnaire la définition du chemin vicinal. Ce n’est pas là que j’ai été la chercher. Je l’ai cherchée dans la nature des choses ; et le dictionnaire donne précisément la définition que la nature des choses m’avait indiquée : Un chemin est vicinal quand il sert à l’usage des communes ; c’est un chemin d’une commune à une autre d’après le dictionnaire (vici ad vicum). Voilà la signification qu’en général on donne au mot vicinal. Il est vrai que l’honorable M. Milcamps, quand il a eu dit qu’un chemin, un sentier, un passage sont vicinaux par cela même qu’ils sont considérés comme tels immédiatement après, a ajouté que la déclaration de vicinalité ne nuit pas au tiers, c’est-à-dire, que les tiers pourront contester la nature du chemin. Comme cela exerce de l’influence sur la prescription et sur l’imprescriptibilité, ce n’est pas la question.

A tort ou à raison, l’article 1er que nous avons supprimé, portait : « Art. 1er. Un chemin est vicinal, quel que soit le mode de circulation, lorsqu’il est légalement reconnu nécessaire à la généralité des habitants d’une ou plusieurs communes, ou d’une fraction de commune. »

Partant de ce principe, on a admis que ces chemins sont imprescriptibles. Comme on a trouvé la définition dangereuse, on l’a retranchée ; mais il faut bien s’expliquer sur l’idée qu’on attache aux mots ; si vous déclarez imprescriptibles les chemins et les sentiers, il s’élèvera la question de savoir ce que c’est qu’un sentier ; c’est pour cela que j’ai généralisé dans mon amendement. Si l’honorable préopinant n’y voit pas d’inconvénient, comme il peut y en avoir à restreindre les termes, il me semble qu’il devra préférer mon amendement à celui de M. Liedts, sous-amendé par M. de Garcia.

J’entends dire à mes côtés que l’amendement est le même. S’il représente la même idée, il n’offre pas d’inconvénient et lève tout doute sur ce qu’on doit entendre par vicinal. Je crois donc devoir persister dans mon amendement.

M. Dubus (aîné) – J’opposerai à l’amendement de M. Verhaegen les mêmes motifs que j’ai opposés à celui de M. de Garcia. Je crois que nous ne devons pas introduire cette espèce de bigarrure dans la loi, que nous devons être conséquents avec la résolution que nous avons prise hier. Qu’avons-nous décidé hier ? En supprimant l’article 1er, nous avons décidé qu’il ne fallait pas définir dans la loi ce que c’est qu’un chemin vicinal. Je sais que l’honorable M. Verhaegen regrette cette décision ; mais c’est un regret tardif, car il devait demander le maintien de l’article et développer les motifs qu’il avait à faire valoir pour qu’il fût maintenu. S’il fallait en venir là, je crois que cet article serait très difficile à rédiger et que sa rédaction susciterait des discussions qui demanderaient beaucoup de temps. Que résulte-t-il de la décision prise hier ? Il en résulte que la définition que nous n’avons pas voulu mettre à l’article 1er, nous ne devons pas la mettre au milieu de la loi à l’article 12 ; ce serait décider le contraire de ce que nous avons décidé hier.

Cette différence de rédaction entre deux articles donnerait lieu de croire que les mots « chemins » et « sentiers » que vous avez insérés dans l’article premier n’ont pas le sens général que vous avez voulu leur donner. Je dis « que vous avez voulu leur donner », parce que la section centrale, qui a présenté la rédaction de l’article premier adopté, a expliqué dans son projet qu’elle entendait que ces expressions comprenaient les chemins et sentiers dont la propriété appartiendrait à d’autres que la communes, chemins et sentiers que ne sont que des servitudes au profit de la commune.

Mais si, après avoir dit, dans l’article premier, « chemins » et « sentiers », vous ajoutez dans cet article « servitudes de passage », ce sera donner lieu de croire que les chemins vicinaux établis sur la propriété d’autrui ne sont pas compris dans l’article premier. Je crois donc que nous ne pouvons admettre le sous-amendement de M. Verhaegen, afin d’être conséquent avec notre résolution d’hier.

M. Demonceau – Dès qu’il est bien entendu que la section centrale, en supprimant l’article premier, et en ajoutant à l’article 2 le mot, a parlé non seulement des sentiers dont la commune est propriétaire, mais encore des sentiers situés sur la propriété d’autrui, je pense que l’amendement de M. Verhaegen devient inutile, qu’il faut s’en tenir à l’amendement de M. de Garcia comme l’a modifié M. Dubus. Je dois cependant faire une observation à la chambre, parce qu’il résulte du premier rapport de la section centrale combiné avec son second rapport, que la section centrale n’entendait pas les choses ainsi que les a expliquées M. Dubus.

Savez-vous comment M. le ministre de l'intérieur avait rédigé son amendement ? le voici :

« Amendement de M. le ministre de l'intérieur à l’article 12 (11 nouveau) :

« Les chemins vicinaux, y compris les servitudes de passage légalement établies au profit des communes, sont imprescriptibles soit en tout, soit en partie, tels qu’ils sont reconnus et maintenus sur les plans généraux en conformité de la présente loi. »

La section centrale, après avoir examiné cette disposition, s’exprime ainsi :

« Quant aux simples servitudes de passage, l’article 706 du code civil statue qu’elles s’éteignent par le non usage pendant trente ans, et si un passage est réellement utile à la commune ou bien seulement à quelques habitants d’une commune, croit-on qu’on parvienne jamais, quelle que soit l’influence du propriétaire du fonds sur lequel le passage est établi, à en empêcher l’usage pendant un temps aussi long que celui requis pour la prescription extinctive de la servitude.

« L’amendement de M. le ministre porterait, sans nécessité aucune, une forte atteinte à différentes dispositions du code civil dont il dérangerait l’économie ; l’article 2227, qui soumet les communes aux mêmes prescriptions que les particuliers, serait en partie abrogé. Il en serait de même de l’article 701, qui donne au propriétaire du fonds, sujet à une servitude de passage, le droit d’assigner à celui à qui la servitude est due, en remplacement de la servitude qui lui est devenir onéreuse ou incommode, un autre endroit aussi commode pour l’exercice du droit de passage.

Maintenant qu’on explique les choses autrement qu’elles ne sont expliquées dans le rapport, je voterai pour l’amendement.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je crois avoir été d’accord avec la section centrale dans les explications que j’ai données hier à la chambre. J’ai dit qu’il y a une distinction à faire entre la suppression totale d’un chemin ou d’un sentier et l’empiètement sur un chemin ou un sentier. J’ai dit que les motifs pour lesquels la section centrale n’admettait pas que l’on pût prescrire des empiètements sur un chemin vicinal, s’appliquent également au sentier vicinal.

L’honorable M. Dubus est tombé d’accord avec moi sur ce point, puisqu’il a admis l’amendement de l’honorable M. de Garcia, que j’avais indiqué hier en proposant d’ajouter le mot « sentier ». Cela tranche la question, et ne peut laisser le moindre doute sur la proposition de la section centrale.

Mais lorsque la section centrale a dit que la disposition proposée était en partie contraire à une disposition du code civil, elle entendait parler de la suppression totale d’un sentier par le non usage, mais nullement des empiètements ; car du moment qu’un sentier existe, les empiètements sur ce sentier ne peuvent être prescrits par un laps de temps, quelque long qu’il soit.

M. Verhaegen – On a parlé de bigarrure ; il me semble, en effet, qu’à la manière dont nous allons, il y aura de la bigarrure dans cette loi ; et je crains bien que ceux qui devront l’appliquer ne puissent la comprendre.

Je ne regrette pas la définition du chemin vicinal, comme la prétendu M. Dubus, Je ne veux pas revenir sur la décision de la chambre. Il est admis en droit que toute définition insérée dans les lois offre de graves inconvénients ; Je ne demande donc pas qu’on insère dans la loi la définition du chemin vicinal. Mais quand je pose un principe, je veux qu’on sache à quoi ce principe s’applique. Nous législateurs, nous devons nous comprendre, nous ne devons pas porter une disposition dans le vague. Ainsi nous devons savoir si une disposition est générale, ou si elle s’applique à tel ou tel cas.

On dit : « Il est entendu que, quand on dit sentier, cela comprend les servitudes de passage ». D’abord je ne sais si, alors que les termes d’une loi sont clairs, il suffirait de recourir à la discussion pour lui faire donner telle ou telle interprétation. Je pense que quand une loi est claire, on n’a pas recours au compte-rendu de nos discussions. Mais ce compte-rendu dût-il lever tous les doutes, je pense encore qu’il serait préférable que le texte de la loi ne permît aucun doute ; car le langage de la loi doit être clair.

Mais s’il en était ainsi, les mots « chemins » et « sentiers » comprendraient les servitudes de passage, ce que moi, je l’avoue, je ne puis pas admettre, car enfin, les mots sont faits pour représenter les idées, et quand on dit « chemin », quand on dit « sentier », on ne dit pas « servitude de passage ». Les mots « chemins » et « sentiers » comportent l’idée que la commune est propriétaire du terrain sur lequel on passe, tandis que les mots « servitude de passage » comportent l’idée que le terrain sur lequel on marche appartient à des particuliers. Mais enfin, si l’on pouvait se contenter de cela pour la signification des mots, et dire que les mots « chemins » et « sentiers » comprennent les servitudes de passage, qu’auriez-vous fait pour la question de savoir à quels chemins la disposition est applicable ? On demandait tantôt ce que vous entendiez par chemins vicinaux ; avez-vous aussi déclaré que les chemins vicinaux comprennent tous les chemins sans exception ? Probablement on ne s’expliquera pas sur ce point d’une manière catégorique. Pour moi « chemin vicinal » est un terme restrictif ; il y a plusieurs espèces de chemins communaux ; la première classe des chemins communaux sont ceux qui conduisent d’une commune à une autre, c’est-à-dire les chemins vicinaux ; maintenant voulez-vous donner à ce terme restrictif un sens général et dire aussi que l’on ira voir dans les procès-verbaux de nos discussions quelle a été notre intention à cet égard ? Mais ayons le courage de dire ce que nous voulons, ne laissons pas subsister un doute que nous pouvons lever. Si nous voulons que tous les chemins et sentiers communaux, aussi bien ceux qui ne servent qu’à l’usage d’une seule commune que ceux qui conduisent d’une commune à une autre soient imprescriptibles, et je crois que telle est l’intention de la chambre, alors disons-le dans la loi et ne bornons pas la disposition aux chemins vicinaux ; car de cette manière, il n’y aurait rien de fait.

« Mais, dit-on, alors nous avons eu tort d’admettre les mots chemins vicinaux dans l’article 2. » Il n’est pas trop tard, messieurs, nous pouvons revenir sur l’article 2 au second vote. S’il entrait dans l’intention de généraliser le principe de l’imprescriptibilité, de l’appliquer à tous les chambres, sentiers et passages dont jouissent les communes, qu’on dise dans la disposition, comme le porte l’amendement, que tout chemin, tout sentier, tout passage qui sert à plusieurs communes, à une seule commune ou à une fraction de commune, est imprescriptible. Une semblable disposition ne présente aucun inconvénient et elle offre l’avantage de lever un doute qu’il n’est pas de la dignité du législateur de laisser subsister. Il n’est pas en effet de la dignité d’un corps législatif de dire : « Si la disposition que j’adopte est équivoque, on n’aura qu’à consulter la discussion pour en découvrir le sens, pour découvrir ce que j’ai voulu dire. » Il faut qu’il dise franchement dans la loi ce qu’il a voulu dire.

Si, maintenant, il y a quelque chose à changer à l’article 2, s’il convient de mettre aussi bien dans cet article quelque chose de plus que ce que l’on a dit, eh bien, on le fera au second tour. Qu’avez-vous dit, messieurs, dans l’article 2 ? Vous avez dit :

« Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins et sentiers vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans, à dater de la publication de la présente loi.

« Elles feront, dans le même délai, compléter ou réviser, s’il y a lieu, les plans existants. »

Eh bien, n’avez-vous pas voulu comprendre dans cet article tous les chemins quelconques, tous les chemins et sentiers qui ne servent qu’à l’usage d’une seule commune ou d’une fraction de commune, tant les servitudes de passage que les chemins vicinaux proprement dits, que les chemins qui conduisent d’une commune à une autre commune ? Evidemment oui ; les honorables préopinants l’ont dit eux-mêmes. Pourquoi donc nous servir d’une expression restrictive, alors que votre intention est de généraliser ? Eh bien, il n’est jamais trop tard pour bien faire ; si l’on a eu tort de restreindre ce que l’on voulait généraliser, on pourra, je le répète, y revenir au second vote.

En résumé, messieurs, il y aurait des inconvénients graves à laisser subsister un doute qu’il est de notre dignité de lever, et c’est pour cela que j’ai proposé mon amendement.

M. Dubus (aîné) – J’avais demandé la parole pour répondre à l’honorable M. Demonceau que le passage du rapport complémentaire de la section centrale qu’il a cité n’est point du tout en opposition avec l’article 12 que je propose, car que disait-on dans ce passage ? On y disait que non pas l’article qui est maintenant en discussion, mais la proposition primitive du gouvernement en tant qu’elle était applicable aux servitudes vicinales de passage, constituerait une modification notable à la disposition du code civil qui porte : que la servitude se perd par le non usage ; or, dans l’article 12 actuel, nous admettons également que la servitude s’éteint pas le non usage, puisque ce n’est que quand le chemin continue à servir à l’usage public qu’il est imprescriptible. Ainsi l’observation de la section centrale est en parfaite harmonie avec l’article 12, tel qu’il est maintenant rédigé. Du reste, l’opinion de la section centrale, à cet égard, ne peut pas être douteuse, puisqu’elle a été clairement exprimée dans le premier rapport ; alors, que cette section a propos la suppression de l'article premier du projet du gouvernement.

Quant à ce que vient de demander l’honorable M. Verhaegen, comme il faut entendre dans l’article 12 les mots « chemins et sentiers vicinaux » ? Je réponds qu’il faut les entendre comme la loi tout entière les entend. Pour quels chemins et sentiers faisons-nous la loi ? Tous ceux auxquels le restant de la loi s’applique, l’article 12 s’y applique également. Mais je ne veux pas ajouter à l’article 12 des expressions qui ne se trouvent pas dans les autres articles et qui pourraient faire croire que l’article 12 est plus étendu que les autres ; à mes yeux les servitudes vicinales de passage sont comprises dans l’article 1er ; elles sont également comprises dans l’article 12.

M. Liedts – Lorsque l’article 2, qui devient l’article 1er, sera soumis au second vote, il y aura peut-être à y insérer, pour plus de clarté, les expressions « servitudes vicinales de passages légalement acquises » mais tant que cette modification n’a pas été introduite dans l’article 1er, il ne faut pas non plus l’introduire dans l’article 12, il faut qu’il y ait harmonie entre les deux textes.

Quant à la définition de la nature des chemins, que l’honorable M. Verhaegen veut faire insérer dans l’article actuel, je le prie de remarquer que si cette définition se trouvait dans l’article 12 doit se trouver en même temps dans les autres articles, évidemment il y aurait des doutes.

Ainsi, par exemple, lorsque vous chargez les communes d’entretenir les chemins, il faudrait dire quelle est la nature des chemins dont vous mettez l’entretien à la charge des communes ; en un mot, il faudrait insérer la définition dans tous les articles où vous employez les mots « chemins vicinaux ». Ne serait-il pas plus simple d’introduire une définition dans l’article 1er ? Alors toute la loi se référerait en quelque sorte à cette définition ; mais si l’on ne veut pas de définition à l’article 1er, il serait dangereux d’en insérer une dans le seul article que nous discutons en ce moment.

M. Simons – Je demande la suppression des mots : « aussi longtemps qu’il servent à l’usage public », et l’addition de ceux-ci : « soit en tout, soit en partie », après le mot « imprescriptibles. »

En effet, messieurs, que voulons-nous ? Notre but est de mettre les voies vicinales sous la sauvegarde de la loi. Nous voulons empêcher non seulement les empiétements, mais aussi les suppressions illégales qui, quoi que l’on puisse en dire, n’ont que trop souvent lieu au plat pays.

Eh bien, en conservant la disposition limitative : « aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public », nous n’atteindrons notre but qu’imparfaitement. Nous empêcherons, il est vrai, les usurpations minimes et insignifiantes, mais nous laisserons la porte ouverte aux suppressions totales ; en d’autres termes, nous mettrons obstacle aux petits larcins et laisserons le cours libre aux vols importants.

Tel ne peut, sans doute, être l’intention de la chambre.

On heurte un principe ; l’on porte atteinte au droit commun, dit-on. Mais, messieurs, si nous reconnaissons l’utilité, la nécessité d’une pareille disposition, quelque exorbitante qu’elle puisse être, ayons le courage de trancher la question.

L’utilité d’une disposition, qui déclare en principe l’imprescriptibilité des voies vicinales, dans toute l’étendue du terme, me paraît incontestable ; et, par suite, pour mon compte, je ne balancerai pas à y donner mon adhésion, d’autant plus que par là, nous ne portons aucune atteinte à des droits acquis.

Mais, répond-on, il se peut que la suppression d’un chemin vicinal ait eu lieu légalement et que, par suite de cette suppression, l’on se rende acquéreur du terrain du chemin supprimé.

En vertu du titre translatif, on se mettra en possession du terrain acquis, et on restera dans cette possession paisible, à titre de propriétaire, pendant un laps de trente, cinquante, cent ans ou plus, et, malgré une possession aussi prolongée, la commune pourrait venir inquiéter le possesseur de bonne foi, si son titre de propriété étant venu à s’égarer, il se trouverait dans l’impossibilité de le reproduire. Une pareille disposition, qui heurte de front le droit commun, dit-on, est trop exorbitante pour que l’on puisse l’admettre.

Mais, messieurs, l’on perd de vue que, par le chapitre 3, la loi exige tant de formalités, qu’il est impossible qu’il n’en reste de trace sur la pièce même qui devra servir de titre à la commune pour inquiéter un propriétaire légitime de telle ou telle portion de terrain.

En effet, quelle sera la pièce dont l’exhibition sera indispensable de la part de la commune, pour inquiéter le possesseur d’un terrain qui aura servi de chemin vicinal. Ce sera le plan général d’alignement dont il est fait mention à l’article 1er. Eh bien, ne pouvons-nous pas exiger que, dans le cas de suppression d’un chemin vicinal légalement prononcée, il en soit fait mention immédiatement après sur le plan même, et ainsi l’inconvénient que l’on a signalé ne sera plus du tout à craindre.

M. Dumont – Il me paraît, messieurs, que si l’on n’est pas d’accord sur l’amendement de l’honorable M. Verhaegen, c’est parce qu’on ne l’est pas sur la question essentielle. Le premier point sur lequel il faudrait s’entendre, c’est l’objet de la loi. La loi a-t-elle pour objet de statuer sur tous les chemins ruraux, ou bien, veut-elle ne s’occuper que d’une seule espèce de ces chemins, de ceux que tout le monde comprend dans la dénomination de chemins vicinaux ? Je pense que si la loi doit s’appliquer à tous les chemins ruraux, la qualification de chemins vicinaux, employée à l’article 1er, est mal choisie, parce que cette qualification ne s’applique généralement qu’aux chemins qui conduisent d’une commune à une autre commune. Je crois donc que si vous voulez rendre la loi applicable à tous les chemins, il faut nécessairement modifier l’article 1er, et adopter des expressions qui embrassent tous les chemins quelconques. Alors on serait bientôt d’accord avec l’honorable M. Verhaegen, car le seul but de son amendement est d’empêcher qu’on ne restreigne le sens de la loi. Comme on l’a déjà dit, il existe deux espèces de chemins, ceux qui sont la propriété de la commune et ceux qui ne sont qu’une servitude de passage établie sur des propriétés particulières ; évidemment les uns et les autres sont compris dans la dénomination de chemins et sentiers, et ici je ne suis pas entièrement de l’avis de M. Verhaegen, qui voudrait qu’on l’on ajoutât encore à la disposition les mots « servitudes de passage » ; je pense que cette addition est inutile, puisque, pour exercer une servitude de passage, il faut nécessairement un chemin ou un sentier.

En résumé, messieurs, je crois que l’article premier devrait être rédigé de manière à comprendre tous les chemins ruraux ; mais une fois que l’article premier serait ainsi généralisé, je ne vois plus quel avantage M. Verhaegen verrait à généraliser encore les expressions de l’article 12.

- L’amendement de M. Simons est appuyé.

M. de Garcia – Messieurs, il me semble que si mon amendement était adopté en entier, il n’y aurait plus aucune espèce de doute sur la question qui a été soulevée par l’honorable M. Verhaegen. L’honorable membre pense que les mots « chemins et sentiers vicinaux » ne comprennent pas les servitudes de passage.

Eh bien, de la manière dont j’ai rédigé mon amendement, je laisse entrevoir que tout y est compris, même les servitudes. En effet, je dis que tous les chemins et sentiers vicinaux qui sont repris dans les tableaux, soit qu’on les considère comme propriété communale, soit comme résultant d’une servitude sur la propriété riveraine, seront imprescriptibles. Par les mots « chemins et sentiers vicinaux », j’ai voulu comprendre tout ce qui sert en général à la communication publique, d’un village à un village, d’une commune à une commune, d’une commune à une grande route ou à une ville.

M. de Villegas – Par suite des explications qui ont été donnes dans le courant de la discussion, je déclare retirer mon amendement pour me rallier à celui de la section centrale, tel qu’il vient d’être modifié.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.