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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 31 janvier 1840

(Moniteur belge n°32 du 1 février 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Scheyven fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :

« Des instituteurs du canton de Looz (Limbourg) adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’instruction primaire et moyenne. »

« Même pétition de plusieurs instituteurs de Bruxelles. »

- Renvoi à la section centrale pour le projet de loi concernant l’instruction moyenne et primaire.


« Le conseil communal de Wasmes demande que la chambre décide, à l’occasion de la discussion du budget de l’intérieur, que les indemnités du chef des pillages, lors de la révolution, soient mises à charge de l’Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des ouvriers de Bruxelles faisant partie de meetings, se plaignent de prétendues persécutions qu’ils éprouvent dans l’exercice de ce droit constitutionnel. »

- Dépôt sur le bureau de la chambre pendant la discussion du budget de l’intérieur.


« Le sieur Ch. Dutrieu, rentier à Malines propose de modifier l’article premier de la loi du 1er mars 1832 sur le jury, de manière que, dans aucun cas, les mêmes jurés ne doivent siéger plus de 15 jours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur F Callens, blessé de septembre, ne pouvant plus soutenir son service dans la douane, demande une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Lange demande que la pétition relative aux indemnités soit insérée au Moniteur comme suite aux documents du projet de loi concernant les indemnités.

- La proposition est adoptée.


M. Pirson – Dans la pétition sur les meetings, on accuse l’autorité d’avoir envoyé des agents provocateurs dans les réunions des ouvriers ; j’ai déjà dit que je n’accusais pas le ministre d’avoir agir de la sorte, mais que l’allégation mériterait examen, et qu’à l’occasion de la discussion du chapitre concernant la police, le ministre de l'intérieur nous donnerait des explications. En conséquence, je crois qu’il serait bon de laisser la pétition sur le bureau de la chambre, ainsi que le journal qui y est annexé, pendant la discussion du budget de l’intérieur.

Cette proposition est adoptée.

Proposition de loi doublant les droits sur les lins français

Lecture

M. le président – Il a été déposé hier sur le bureau, de la part de MM. de Foere et Van Hoobrouck, une proposition. Comme une section en a autorisé la lecture, M. de Foere a la parole.

M. de Foere monte à la tribune et donne lecture de sa proposition qui a pour but de doubler les droits actuellement établis sur les lins français. La proposition est signée par MM. de Potter, Dedecker, Van Cutsem, Dubois, etc…

Sur la proposition de M. le président, la discussion du projet de M. de Foere est renvoyée après la délibération sur les budgets.

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1840

Rapport de la section centrale

M. Van Hoobrouck de Fiennes – Dans la séance d’hier, M. le ministre de la marine a déposé un amendement tendant à autoriser la construction de cinq bateaux pilotes, qui a été renvoyé à la section centrale qui avait examine le budget de la marine ; c’est son rapport que je vais présenter.

La loi du 1er janvier 1839 mettait à la charge de l’Etat le service du pilotage ; l’Etat se chargera donc du paiement du personnel à dater de juillet 1839. Cette dépense se montait à 78,000 francs ; et si elle avait pu être prélevée sur les recettes du pilotage, il y aurait encore eu un excédant de 14,000 francs. Mais l’article 114 de la constitution exigeant que les recettes ainsi que les dépenses figurent au budget, il a fallu que le ministre prît le crédit de 174,000 francs ouvert aux travaux publics en 1839, pour frais de l’établissement et du service du pilotage. Les frais d’administration du pilotage, montant à 78,000 francs, et il ne restait que 91,000 francs.

D’un autre côté, l’adjudication des cinq bateaux-pilotes monte à 122,000 francs.

Celle de 140 tonneaux de lest pour ces bateaux monte à 19,000 francs.

Les frais de surveillance à 800 francs.

En tout : 141,800 francs.

Il y a un déficit de 47,000 francs environ ; ce déficit n’est pas réel ; il tient à la comptabilité ; et M. le ministre des travaux publics demande un crédit de pareille somme. La section centrale, après examen, propose l’adoption de l’amendement qui constituerait l’article 4 du chapitre IV du budget de la marine, et qui pourra être désigné comme complément pour la construction de cinq bateaux-pilotes.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1840

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article unique

« Art. unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement, de courage et d’humanité : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre XI. Statistique générale

Article unique

« Art. unique. Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale : fr. 10,000. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’ai réduit le chiffre à 7,500 francs comme il était réduit l’année dernière, parce que, d’après les arrangements que j’ai pris avec un imprimeur, cette somme suffira.

M. Mast de Vries – Le tarif général de nos douanes est un document important, et il devient très utile aux membres de cette assemblée ; je demande le maintien de la somme de 10,000 francs, pour que le ministre puisse donner un exemple de ce tarif à tous les membres.

M. Liedts – L’impression du tarif général de douanes a été faite dans le Luxembourg, et au lieu d’une réimpression je proposerai, par mesure d’économie, que le ministre se procure des exemplaires de ce document tout imprimé ; je donnerai l’adresse, et il est plus simple de faire l’acquisition d’un tel ouvrage que de l'imprimer. Il ne faudra pas 5,000 francs pour en distribuer un exemplaire à chaque membre.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le tarif a été en effet imprimé l’année dernière à Arlon, j’en ai acheté pour la chambre de commerce. Puisqu’on en a manifesté le désir, j’en ferai distribuer aux représentants. Je pense néanmoins que la somme de 7,500 francs peut rester au chapitre en discussion ; car la dépense du tarif des douanes peut être faite sur les fonds de commerce.

- Le chiffre de 7,500 francs est adopté.

Chapitre XII. Frais de police

Article unique

« Art. unique. Mesure de sûreté publique : fr. 80,000. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, l’honorable M. Pirson a signalé dans la séance d’hier un désordre qui aurait eu lieu à l’occasion d’un meeting. J’ai demandé à ce sujet un rapport écrit de M. l’administrateur de la sûreté publique et je crois que le plus simple sera d’en donner lecture à la chambre :

« Bruxelles le 31 janvier 1840,

« M. le ministre,

« Un nouveau meeting d’ouvriers avait été institué vers la fin de l’année dernière, par les sieur J. Kats, Jottrand et autres individus moins connus, dans une salle de danse appelée le Mouton, et sise à l’extrémité de la rue Haute en cette ville.

« Le commissaire du quartier ne pouvant surveiller à la fois convenablement les réunions du meeting et celles qui étaient spécialement consacrées à la danse, crut devoir retirer au propriétaire de la salle l’autorisation de donner à danser. Cette défense fut maintenue par le collège des bourgmestre et échevins.

« Le cabaretier Louckx persista néanmoins à ouvrir, comme d’ordinaire, la salle de bal, mais elle fut évacuée par ordre de l'autorité, et le délinquant traduit devant le tribunal qui le condamna à douer francs d’amende et aux frais du procès. Aussitôt après cette condamnation, Louckx informa M. le commissaire Van Beersel qu’il venait d’interdire à Kats et à ses adhérents l’entrée de son établissement ; il fit comme il dit, et la permission de donner à danser lui fut de nouveau accordée.

« Voilà tout ce que je connaissais de l’affaire, lorsqu’à ma grande surprise, l’Eclaireur de Namur inséra contre M. Van Beersel un article diffamatoire, que Méphistophélès s’est empressé de reproduire dans son dernier numéro. Il paraît que ce même article, présenté aux journaux de Bruxelles, avait été refusé ; c'est du moins ce qu’énonce L’Eclaireur lui-même.

« M. le commissaire de police s’est hâté de déposer une plainte entre les mains du procureur du Roi à Bruxelles, et en me faisant connaître cette résolution que j’approuve, il attribue la calomnie dont il s’agit, à la rancune que nourrissent contre lui quelques-uns des signataires de la dénonciation incriminée, jadis poursuivis judiciairement par ses soins.

« Le numéro ci-joint du messager de Gand contient textuellement, moins les signatures, l’article de l’Eclaireur.

« Il est inutile, M. le ministre, d’ajouter que la police est restée entièrement étrangère à tout ce qui pouvait troubler la réunion démocratique instituée au Mouton, et que si des mesures extraordinaires de précautions avaient été prises, c’était réellement dans le but de protéger éventuellement les orateurs du meeting contre les mauvaises dispositions des ouvriers qui commencent à voir au bout des déclamations dont on les sature, le véritable but de ces prétendus amis du peuple.

« L’administrateur de la sûreté publique, Hody. »

Vous voyez donc, messieurs, qu’il n’y a pas lieu de s’occuper de la plainte qui a été articulée par l’Eclaireur.

M. Liedts – Messieurs, M. le ministre de l'intérieur vous a donné des explications au sujet d’un meeting dont les journaux se sont occupés. Je demanderai que M. le ministre donne également quelques explications sur un autre événement qui regarde l’article en discussion et dont les journaux se sont également occupés. Il s’agit de l’expulsion d’un réfugié italien qui était accueilli par les meilleures familles de la ville de Gand. Quels sont les motifs qui ont pu justifier une mesure aussi extraordinaire, après un séjour de plusieurs années que ce réfugié a fait parmi nous ? Voilà ce que je désire savoir.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, cette mesure a été prise à la suite d’un rapport itératif adressé par l’autorité de Gand. Toutefois, je dois dire à la chambre qu’une réclamation étant survenue au sujet de cette mesure, on a sursis provisoirement à l’exécution, jusqu’à vérification des faits. Voilà l’état des choses.

M. Pirson – Messieurs, nous devons certainement employer tous nos moyens pour assurer la liberté des réunions populaires, en ce sens qu’elles soient toujours paisibles, et qu’elles n’aient pour but que de faire connaître leurs doléances à l’autorité supérieure ; je dois dire aussi que le gouvernement doit veiller, de son côté, à ce qu’il n’y ait aucun désordre ; il ne paraît pas que, dans le cas actuel, l’autorité ait fait un mauvais emploi de la force publique ; par conséquent, il n’y a rien à faire pour le moment ; il y a une information contre un commissaire de police, il faut laisser aller la justice, et après cela l’un ou l’autre des membres de la chambre verra s’il y a une proposition quelconque à faire.

M. Liedts – Messieurs, je crois que dans le chiffre de 80,000 francs sont compris les traitements de quelques employés aux frontières pour la vérification des passeports ; je demanderai à l’honorable ministre s’il n’est pas rendu compte de ces traitements à la cour des comptes. Si j’ai bonne mémoire, la cour des comptes n’a rien à voir dans l’emploi du détail des 80,000 francs ; cela s’étend-il aux traitements dont il est parlé dans les développements et que M. le ministre de l'intérieur a fournis à la section centrale ? Voilà ce que je désirerai savoir.

Et puisque j’ai la parole, je dirai encore qu’il est une chose dont je ne puis pas me rendre compte. Avant la conclusion de la paix, M. le ministre de l'intérieur nous a dit, chaque année, que tant que nous étions en face de l’ennemi, il était impossible de réduire le chiffre, et qu’on ne pourrait le faire qu’à la paix. Maintenant que nous avons la paix, nous devrions nous attendre à une diminution, mais pas du tout, c’est le même chiffre qu’on maintient.

Et, à cet égard, je ne puis m’empêcher de me poser ce dilemme : ou bien le ministre a trop peu fait avant la paix, ou il fait trop aujourd’hui ; ou il a exposé le pays avant la paix, ou il demande aujourd’hui beaucoup trop. S’il lui a suffi d’une somme de 80,000 francs, alors qu’il avait à surveiller tous les agents de notre ennemi, il est évident que cette somme est trop considérable lorsque cette surveillance active vient à cesser.

Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si 60,000 francs ne lui suffiraient pas pour atteindre le but que nous désirons tous, celui de la sûreté publique.

Il est vrai qu’aujourd’hui l’administration de la sûreté publique reste chargée de la surveillance de la loi des passeports et de la loi sur les expulsions ; mais avant la paix, ces deux lois existaient aussi ; l’administration de la sûreté publique avait aussi alors à veiller à l’exécution de la loi sur les passeports, et de celle que nous avons faire sur l’expulsion des étrangers ; mais outre cela, l’administrateur avait à surveiller les agents de nos ennemis ; cette surveillance vient à cesser, et de ce chef, M. le ministre ne présente aucune économie. Je désire donc que M. le ministre s’explique sur ce point.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, j’avoue que la première alternative posée par l’honorable préopinant est vraie, à savoir que les fonds étaient trop faibles avant la conclusion de la paix, ; mais c’est uniquement parce qu’il était difficile d’obtenir une majoration, qu’on ne l’a pas tentée.

Je ferai remarquer en outre qu’a a actuellement organisé un service de passeports à la frontière, et que de ce chef il résulte une dépense nouvelle ; ce service est fort utile. D’autre part, les facilités de voyage augmentent constamment par l’extension du chemin de fer et par l’organisation du service des bateaux à vapeur. La somme qu’on demande n’a donc rien d’exagéré.

Vous aurez pu remarquer encore que, dans le courant de cette année, l’on a fait des efforts nouveaux pour augmenter les assemblées populaires ; il est bon que l’autorité sache ce qui se passe dans ces réunions.

Pour ces motifs, je pense qu’il y a lieu de maintenir le chiffre proposé par le gouvernement.

Quant à la vérification par la cour des comptes des frais payés pour la surveillance des passeports à la frontière, ce service n’a été introduit qu’en 1839, et jusqu’ici, je n’ai pas examiné la question de savoir si les indemnités dont il s’agit doivent ou non être contrôlées par la cour des comptes ; mais je m’occuperai de ce point.

M. Liedts – Je propose une somme de 60,000 francs.

Le chiffre de 80,000 francs proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Chapitre XIII. Dépenses diverses et extraordinaires

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Traitement du contrôleur des jeux et autres dépenses : fr. 2,200. »

M. de Langhe – Messieurs, l’année dernière, une somme de 2,220 francs a été demandée pour le traitement du contrôleur des jeux de Spa, et en outre, après la présentation au budget de cette année, le ministre a demandé une somme de 20,000 francs, qui ne fut allouée par la section centrale que pour ce seul exercice. La chambre a accordé le crédit, mais il est probable qu’elle l’a entendu voter dans le sens de l’opinion de la section centrale. D’après cela on devait croire que la somme ne serait plus reproduite au budget de 1840 ; mais il paraît qu’il n’en est pas ainsi chez nous. Lorsqu’on a le bonheur de se trouver sur un de nos budget de dépenses, on est à peu près sûr d’y rester, on y est comme incrusté (on rit.)

On a imprimé cette année tous les contrats relatifs à cette affaire, ainsi que les instructions ministérielles. Je lis dans une lettre du ministre de l'intérieur et du Waterstraat de Coninck que, « quant au produit des redevances, Sa Majesté s’est réservée de prendre une disposition ultérieure sur la destination à y donner. »

Vous voyez donc, messieurs, qu’aucune destination n’était obligatoire : la destination que le roi Guillaume s’était réservée de donner a passé dans le domaine du pouvoir législatif, et M. le ministre l’a senti, puisqu’il a proposé l’allocation de cette somme.

Messieurs, je ne vois aucun droit acquis à la ville de Spa sur cette somme. Prétendra-t-on qu’elle y a droit à titre d’indemnité ? Mais il ne peut être dû d’indemnité à la ville de Spa pour ses jeux, qui, loin de nuire à ses intérêts, attirent chez elle des étrangers, et y font prolonger leur séjour. Ce n’est donc qu’à titre de faveur que la ville de Spa peut prétendre à ce subside. Or, sommes-nous dans une situation assez prospère pour pouvoir accorder légèrement de semblables faveurs ? devons-nous surtout accorder à telle ville plutôt qu’à telle autre ?

Ces motifs me déterminent, messieurs, à proposer la suppression de la somme de 20,000 francs.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, comme l’a fort bien dit l’honorable préopinant, il n’y a pas obligation d’allouer cette somme à la ville de Spa. Toutefois, il y a de puissantes considérations d’équité et d’utilité qui doivent déterminer la chambre à voter le subside.

La ville de Spa, comme on sait, est très peu populeuse et n’a pas de ressources. Cette ville a maintenant à souffrir de la concurrence que lui fait Ostende pour le séjour des étrangers et aussi de la concurrence que lui fait depuis un certain nombre donnée la ville d’Aix-la-Chapelle, où des jeux sont également établis. La ville de Spa est dans l’impossibilité absolue d’entretenir ses monuments ; cependant l’on conçoit que si elle doit laisser ses monuments se dégrader, elle finira pas être complètement abandonnée.

Voici, messieurs, la note que j’ai consignée au budget à l’appui de la demande de 20,000 francs, dont il s’agit :

« Un premier subside de 20,000 francs, en faveur de la commune de Spa, fut alloué au budget de 1839. Ces sommes doivent servir à faire restaurer les monuments et notamment les fontaines de cette localité. Des devis estimatifs de ces travaux portent la dépense à 80,453 francs 21 centimes. Un ingénieur, envoyé sur les lieux par le gouvernement, a reconnu que l’exécution des réparations urgentes et indispensables, occasionnera une dépense de 55,000 francs environ ; l’état financier de la ville de Spa ne lui permet pas de supporter cette charge ; il est dès lors nécessaire que le gouvernement vienne à son secours. »

Je ferai remarquer, messieurs, que d’ailleurs cette somme de 20,000 francs sera prise sur le bénéfice que le gouvernement fait au moyen du contrat pour les jeux de Spa, bénéfices dont Spa est l’occasion. Il me semble donc qu’il est de toute équité d’accorder à la ville de Spa une part de ces bénéfices pour l’entretien de ces monuments.

M. Lys – M. le ministre vient de développer, messieurs, les motifs qui l’ont porté à proposer ce subside en faveur de la ville de Spa, ce sont ceux que je voulais faire valoir. J’ajouter, messieurs, que cette ville a beaucoup souffert pendant tout le temps de l’occupation française, elle est restée déserte, ses maisons abandonnées, et les établissements sont restés une charge, loin de donner lieu à aucun bénéfice ; ce n’est qu’à la création du royaume des Pays-Bas qu’elle a repris vie. Sous ce gouvernement les bénéfices des jeux ont été entièrement destinés à l’entretien et à l’amélioration de ces établissements ; les fontaines de Spa ne sont pas seulement un objet d’utilité publique, c’est encore un objet de salubrité, et dès lors, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici de charger le budget de l'Etat d’un impôt, mais de l’emploi d’une partie des bénéfices des jeux, bénéfices, messieurs, que les établissements de Spa servent à produire, dès lors leur conservation est utile. J’ajouterai, messieurs, qu’en accordant le subside demandé, le gouvernement est loin de dépenser le montant des bénéfices qui sont dans les caisses, ainsi que je l’ai démontré lors de la discussion générale des budgets.

M. de Langhe – M. le ministre est convenu, messieurs, que la ville de Spa n’a aucune droit au subside dont il est question, mais, dit-il, le bénéfice des jeux de Spa se fait à l’occasion de cette ville. L’occasion n’est rien, messieurs ; si vous faisiez cette recette au détriment de la ville de Spa, certainement vous lui devriez une indemnité, mais, loin de la faire à son détriment, vous la faites en quelque sorte à son profit, car il est incontestable que la ville de Spa retire de ses jeux des avantages très considérables. L’honorable M. Lys vient de nous dire que la ville de Spa est dans une situation peu prospère ; mais, messieurs, il est beaucoup d’autres villes encore qui sont dans le même cas. Quant à ce que l’honorable membre a dit des fontaines, je ne vois pas que la salubrité publique soit intéressée à ce que ces fontaines soient plus ou moins bien bâties ; d’ailleurs je suis allé à Spa l’année dernière et j’ai trouvé les fontaines dans le même était qu’il y a trente ans.

- L’article 1er est mis aux voix et adopté.


« Art. 2. Frais de réparation des monuments de la commune de Spa : fr. 20,000. »

M. le président – M. de Langhe propose la suppression de cet article.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Frais d’acquisition, pour compte de l’Etat, d’une maison qui était enclavée dans l’hôtel de l’administration provinciale d’Anvers : fr. 15,150. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Subside à la province de Brabant pour construction d’une caserne de gendarmerie à Bruxelles : fr. 30,000. »

La section centrale propose le rejet de ce crédit.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je dois combattre les conclusions de la section centrale. Il a existé entre le département de l’intérieur et la province de Brabant une correspondance qui s’est prolongée pendant plusieurs années ; la province éprouvait en quelque sorte une répugnance invincible à faire la dépense de la construction d’un local nouveau pour le casernement de la gendarmerie, dépense nécessitée en grande partie par l’augmentation de la gendarmerie à Bruxelles, ainsi que je l’ai expliqué dans une note à l’appui du budget ; c’est par ce motif que le gouvernement s’est déterminé à accéder à la demande de la province tendant à obtenir au moins un subside quelconque (celui demandé d’abord était beaucoup plus considérable, et c’est à la suite de la négociation qu’il a été réduit à 30,000 francs.)

Si la chambre adopte le crédit demandé, la province devra encore supporter une dépense de 170,000 francs, et, d’autre part, la ville fait don à la province du terrain sur lequel la caserne devra être construite.

Il est à remarquer, messieurs, que Bruxelles étant la capitale, l’augmentation de la gendarmerie dans cette ville a, en quelque sorte, un but d’utilité générale, plus grand que dans d’autres localités, parce qu’il importe à tout le pays que la sûreté et la police soient bien établies, principalement dans la capitale.

M. Maertens, rapporteur – Je vais avoir l’honneur, messieurs, de vous communiquer les motifs qui ont déterminé la section centrale à ne pas allouer ce crédit. D’abord l’article 69 de la loi provinciale porte que les frais de casernement de la gendarmerie sont à la charge des provinces ; vous savez, messieurs, que dans chaque province il y a un certain nombre de gendarmes, et plus ce nombre est grand, pus ils peuvent venir en aide aux autorités locales, à la police locale, qui doit être payée par la localité. C’est précisément parce qu’il y a un avantage pour les provinces à avoir beaucoup de gendarmes salariés par l’Etat que la loi provinciale a voulu aussi que les frais de casernement de la gendarmerie fussent à la charge des provinces.

Si le gouvernement a augmenté de 26 hommes, 13 à pied et 13 à cheval, le nombre des gendarmes de la brigade de Bruxelles, c’est un véritable avantage qu’il procure à la province de Brabant, et cet avantage est payé par toutes les provinces, puisque les gendarmes sont nourris, salariés et équipés aux frais de l’Etat ; il est donc juste que la province supporte les frais de casernement.

On avait senti le besoin, messieurs, d’augmenter les agents de police à Bruxelles ; l’autorité communale avait fait à cet égard une proposition au conseil de régence ; jusqu’à présent cette proposition n’a pas encore été accueillie ; il est possible que l’augmentation de la brigade de gendarmerie dispense la ville de Bruxelles d’augmenter le nombre de ses agents de police. Ce serait encore là un avantage purement local.

La section centrale a donc pensé, messieurs, que puisque la loi met les frais de casernement de la gendarmerie, à la charge des provinces, et puisque toutes les provinces ont jusqu’à ce jour supporté ce casernement, il ne pouvait pas être juste d’accorder de ce chef un subside quelconque à la province de brabant.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je conviens, messieurs, que, considéré sous un certain point de vue, l’augmentation de la gendarmerie dans une localité quelconque peut être un avantage pour cette localité ; mais dans le cas actuel, l’avantage serait pour la ville de Bruxelles qui, d’après l’honorable rapporteur de la section centrale, pourrait jusqu’à un certain point éviter une augmentation des frais de police, par suite de l’augmentation de la gendarmerie, les gendarmes pouvant sous certains rapports suppléer la police locale. Ce peut avoir été là le motif qui a déterminé la ville de Bruxelles a concéder gratuitement le terrain destiné à la caserne dont il s’agit ; mais quant à la province, l’augmentation de la gendarmerie de Bruxelles n’élèvera pas les recettes d’un centime, et il en résultera au contraire pour elle une dépense considérable, puisque, si nous lui allouons les 30,000 francs demandés, il lui restera encore toujours 170,000 francs à payer.

M. de Foere – J’ajouterai, messieurs, aux observations de l’honorable rapporteur de la section centrale que la proposition a été rejetée par cinq sections sur six, par le motif bien déterminant, qui vient d’être développé par M. le rapporteur, qu’une allocation de cette nature serait tout à fait contraire à la loi provinciale, d’après laquelle la dépense du casernement de la gendarmerie incombe exclusivement aux provinces.

M. Lebeau – Je crois, messieurs, que ce serait la première fois qu’on appliquerait avec une pareille sévérité les dispositions des lois qui fixent les charges provinciales et communales. De ce que la loi a réputé charge provinciale ou charge communale telle ou telle dépense, il n’en suit point que l’Etat se soit interdit la faculté de venir, dans plusieurs circonstances, au secours des provinces et des communes. Ainsi, messieurs, bien que l’entretien des édifices communaux, l’entretien des églises, des presbytères, au défaut des fabriques, des écoles soient des charges communales, la loi le déclare en termes exprès ; bien qu’il soit écrit en toutes lettres dans nos lois organiques que l’entretien des enfants trouvés est une charge purement communale et provinciale, il n’en est pas moins vrai qu’eu égard à la situation financière dans laquelle peuvent se trouver certaines provinces, certaines communes, l’Etat intervient souvent dans ces sortes de dépenses, surtout lorsqu’il ne s’agit pas de frais d’entretien ordinaire, mais de dépenses tout à fait extraordinaires. C’est ainsi encore que l’entretien des cathédrales, bien que ce soit, à défaut des fabriques, une charge purement provinciale, est cependant en grande partie supportée par l’Etat, intervention à laquelle les chambres, avec beaucoup de raison, se sont toujours prêtées. Remarquez qu’il ne s’agit pas ici d’entretien ordinaire, de dépense ordinaire, de dépense normale ; il s’agit de l’érection d’une nouvelle caserne qui n’a pas été provoquée par la province, dont le projet n’est pas émané d’elle, mais du gouvernement, c’est lui qui a rendu cette construction nécessaire par la mesure qu’il a prise. Le gouvernement seul avait droit de décider cette augmentation ; il a augmenté le personnel de la gendarmerie dans la capitale, il avait sans doute de bonnes raisons pour cela ; mais la province se retrouve ainsi obligée de supporter un surcroît de dépense. C’est une dépense de premier établissement. Je crois que la dépense était imposée à la province et les voies et moyens n’ayant pas été augmentés, il y a lieu, en vertu des principes que vous avez appliqués dans une foule de circonstances analogues, d’accorder la somme demandée par le gouvernement, pour subsides à la province de Brabant.

Je prie la chambre de faire attention à la position financière des provinces. Je crois qu’on a peut-être un peu légèrement transporté, de la législation ancienne dans la législation nouvelle, beaucoup de charges qui incombaient aux provinces, par suite d’anciens décrets impériaux, sans s’enquérir des moyens avec lesquels les provinces feraient face à ces charges.

Les provinces ne sont pas dans la situation de l’Etat ; elles ne peuvent pas créer à volonté des impôts ; la matière imposable leur manque bien plus qu’à lui. Le gouvernement d’ailleurs lui refuserait l’autorisation d’établir de nouvelles charges. Les ressources de la province se bornent en général aux centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, aux droits de leur barrière, destinés en grande partie à faire des routes et à entretenir celles qui existent.

Si on veut ainsi faire supporter aux provinces des dépenses extraordinaires, il faudrait leurs procurer les moyens d’augmenter leurs ressources, ce qui est très difficile en présence des impôts déjà perçus au profit de l’Etat.

On pourrait, par d’autres considérations, appuyer l’allocation demandée ; mais vous avez hâte sans doute d’arriver au terme de cette longue et fatigante discussion.

Je crois donc qu’il y a lieu d’allouer le subside demandé pour la province de Brabant, d’autant plus que ce ne peut tirer à conséquence, puisqu’il ne s’agit que d’une dépense de premier établissement.

M. Dubus (aîné) – Il ne me paraît pas que la disposition de la loi provinciale que l’honorable préopinant a cité comme disposition analogue à ce dont il s’agit, présente un point de comparaison qui lui soit favorable. On nous demande ici un subside de 30,000 francs spécialement au profit d’une provinces déterminée, de la province du Brabant pour une dépense qui est mise exclusivement à la charge de cette province, par l’article 69 de la loi provinciale. On nous dit que par la loi provinciale, d’autres dépenses sont mises à la charge de la province, auxquelles, cependant, il est d’usage d’accorder des subsides. Mais ces subsides ne sont accordés qu’en vertu des règlements en vigueur. Ils ne sont pas accordés par les budgets à une province déterminée ; mais il est porté un fonds au budget sur lequel ces subsides sont accordés aux différences provinces, tandis qu’ici c’est un privilège spécial que la province du Brabant réclame au budget. C’est ici une disposition spéciale en faveur d’une province et non un fonds commun pour donner des subsides semblables à toutes les provinces.

Dans les autres cas que l’on a cités, j’ai dit qu’il y avait des règlements. En effet, des dépenses relatives aux églises catholiques, aux palais épiscopaux et aux séminaires diocésains sont mises à la charge des provinces par les décrets du 18 germinal an XI et 30 décembre 1809. C’est en vertu de ces décrets que l’Etat intervient dans ces dépenses. L’entretien des enfants trouvés n’est encore mis à la charge de la province par la loi provinciale, que dans la proportion déterminée par la loi. Nous avons fait une loi en vertu de laquelle la commune et l’Etat contribue à cet entretien.

Voilà les exemples que l’on a cités, mais là la loi a réservé l’intervention de l’Etat, tandis qu’ici la loi dit d’une manière pure et simple : les frais de casernement de la gendarmerie sont à la charge de la province. Toutes les personnes supportent cette charge. Nous ne devrions modifier cette disposition de la loi provinciale, que par la création d’un fonds sur lequel on accorderait des subsides à toutes les provinces et non un privilège à une seule.

Voici les motifs qui me déterminent à voter pour la proposition de la section centrale, de retrancher l’article.

M. de Brouckere – Il est vrai qu’en général les frais de casernement de la gendarmerie sont mis à la charge des provinces. Mais de ce que telle est la règle générale, s’ensuit-il que la loi ne puisse pas déroger à cette règle ? Non certainement ; comme l’a fort bien fait observer l’honorable M. Lebeau, dans une foule de cas le budget a dérogé à des lois spéciales, en accordant des fonds spéciaux pour tel ou tel objet spécial. On a cité des exemples parfaitement choisis, on pourrait en citer d’autres ; on pourrait citer dans chacun des budgets de l’intérieur des cas où le ministre est venu demander des subsides spéciaux pour des objets qu’il déterminait, non un fonds général à partager, mais des fonds destinés à des localités.

Toutes la question est donc de savoir s’il y a lieu de faire une exception en faveur de la province du Brabant, oui ou non. Moi, je n’hésite pas à dire que jamais exception n’a été mieux motivée. On a déjà fait valoir des raisons en faveur de cette exception, je vais vous expliquer sur quoi se fonde mon opinion. Messieurs, la gendarmerie de Bruxelles est beaucoup plus nombreuse que celle des autres localités. Je voudrais bien que l’on me citât une ville quelconque où l’on a besoin, pour le logement de la gendarmerie, d’un bâtiment coûtant 200,000 francs, non compris le terrain. Mais, dit-on, la ville de Bruxelles profitera de cette augmentation du personnel de la gendarmerie ; ce sont de nouveaux produits pour son octroi.

L’augmentation de produit, qui résultera de ce qu’il y aura quelques gendarmes de plus, sera insignifiante. D’ailleurs, on vous l’a dit, la ville de Bruxelles est ici hors de cause ; car ce n’est pas la ville, mais la province qui doit supporter la charge dont il s’agit. Or, qu’est-ce que la province gagne à ce qu’il y ait 26 gendarmes de plus à Bruxelles. Elle ne gagne rien. Il est bien dur déjà, pour toutes les communes de la province du Brabant, pour les arrondissements de Nivelles et de Louvain, de devoir supporter une dépense aussi forte, alors que, dans les autres provinces, cette dépense est dans une proportion beaucoup inférieure.

Dans l’intérêt de qui va-t-on renforcer dans une aussi forte proportion, la gendarmerie de Bruxelles ? Dans l’intérêt général. En effet, n’est-ce pas à Bruxelles qu’est établie l’administration de la sûreté publique ? N’est-ce pas à Bruxelles qui vient affluer cette masse d’étrangers qui sont l’objet d’une surveillance spéciale, non de la part de l’administration provinciale, ni de l’administration locale, mais de l’administration générale. C’est pour l’aider dans l’exercice de ses fonctions qu’on a besoin d’une gendarmerie beaucoup plus forte que dans les autres localités. Faut-il que ce soit la province du Brabant qui supporte exclusivement cette forte dépense ? Je n’hésite pas à répondre que non ; et je dis que quand la province consent à payer 170,000 francs sur 200,000 et se borne à demander un subside de 30,000 francs, la province s’est montrée très modérée dans ses réclamations. Aussi, si la chambre refusait ce subside en présence des circonstances que mes honorables amis et moi avions exposées et des considérations que nous avons fait valoir, je regarderais ce refus comme une véritable injustice.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je prends la parole pour faire observer que la loi provinciale ne prévoit pas, à l’égard des églises et monuments destinés au culte, l’intervention du gouvernement. Seulement, il est vrai que d’après l’usage constamment suivi par l’ancien gouvernement, l’Etat intervenait pour une moitié dans ces dépenses et on a continué d’en agir de la même manière.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – J’ai demandé la parole pour appuyer les considérations que les orateurs précédents ont fait valoir en faveur de l'allocation demandée. Il me semble que la situation de la province du Brabant est, sous le rapport de la gendarmerie, une situation tout à fait exceptionnelle, et que l’intention de la loi provinciale a été de mettre à la charge de la province les dépenses ordinaires de la gendarmerie dans une proportion raisonnable pour toutes les provinces.

On a cherché à faire valoir les avantages qui résulteraient pour Bruxelles de l'augmentation de la force de la gendarmerie ; mais il est évident que cet avantage, qui serait d’ailleurs pour la ville de Bruxelles, est tout à fait nul. On pourrait dire que cette plus grande force paraissait nécessitée par une plus grande affluence d’étrangers. Mais je ferai observer que la population, que la gendarmerie est chargée de surveiller, n’est guère consommatrice. Les grands centres de population attirent les hommes qui ont le plus besoin d’être surveillés. Plus la population d’une ville est considérable, plus de toutes les autres parties du pays, on y voit affluer ceux qui veulent vivre aux dépens d’autrui.

C’est donc sous ce rapport dans un intérêt tout à fait général que la gendarmerie de Bruxelles a dû être augmentée. Cela est confirmé par les faits eux-mêmes. Ce n’est ni l’autorité provinciale, ni l’autorité communale, mais les agents du gouvernement central qui ont provoqué l’augmentation du personnel de la gendarmerie à Bruxelles.

M. Liedts – La principale considération que l’on fait valoir, c’est que la dépense est faite dans l’intérêt général et que de ce chef tout le pays doit contribuer à la construction dont il s’agit. Mais il est une chose qu’on a oublié de faire remarquer, c’est l’avantage que la province du Brabant, la ville de Bruxelles, a d’être le centre du gouvernement.

Je voudrais qu’on nous fît connaître ce que recueille aujourd’hui la province et ce qu’elle recueillait avant 1830 ; alors que Bruxelles n’était pas la capitale permanente du royaume. Je suis persuadé qu’il y a une grande différence. A qui faut-il attribuer cette différence ? A ce que Bruxelles est le centre de toutes les grandes administrations qui attire beaucoup d’étrangers qui viennent s’y établir. Je dis que si la province entière, du chef des centimes additionnels, retire des avantages de ce que Bruxelles est le centre du gouvernement, elle doit aussi supporter les charges qui résultent de cette position.

M. de Brouckere – Il est vrai que la ville de Bruxelles retire des avantages de sa position spéciale, qui fait d’elle le centre de toutes les administrations. Mais cette observation, qui peut s’appliquer à la ville de Bruxelles, ne peut s’appliquer à la province du Brabant, qui n’en retire aucun avantage.

Plusieurs membres – Et les centimes additionnels ?

M. de Brouckere – L’augmentation de centimes additionnels, provenant de ce que Bruxelles est le siège du gouvernement, doit être bien minime, et ne peut vraiment être pris en considération.

L’honorable M. Liedts raisonne comme si l’on voulait mettre à la charge de l’Etat la totalité ou une très notable partie de la dépense, tandis qu’on ne demande à l’Etat qu’un subside égale à un sixième de la dépense. La province de Brabant concourt à la dépense pour cinq sixièmes ; et la ville de Bruxelles cède gratuitement le terrain, sans y être obligée ; je crois donc que la réclamation de la province de Brabant est extrêmement modérée.

- L’article 4 du chapitre XIII est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

La chambre passe au chapitre XIV

Chapitre XIV. Dépenses imprévues

Article unique

« Art. unique. Crédit ouvert pour les dépenses imprévues : fr. 30,000. »

M. de Langhe – Il a été joint au rapport de la section centrale un état des imputations faites sur ce chapitre pour l’exercice 1839. cet état a été produit, en quelque sorte pour information, puisque la dépense est faite. Je ferai cependant quelques observations.

Le troisième article de cet état est ainsi conçu :

« Complément d’une somme due par le ministère de l'intérieur, en suite d’une convention du 4 novembre 1835. »

Je ne sais pas quel est le genre de cette convention.

L’article suivant porte :

« A M. ***, commissaire d’arrondissement, frais de location d’un bâtiment pour ses archives, 1,200 francs. »

Ce commissaire de district doit avoir des archives considérables. S’il en est ainsi pour tous les commissaires de district, je ne suis pas étonné qu’il faille 100,000 francs pour le dépôt des archives de l’Etat, où doivent se réunir les archives de tous les commissaires de district. 1,200 francs ! Je suis sûr que c’est le loyer le plus élevé de la ville qu’habite ce commissaire de district. Je ne conçois pas qu’un local pour des archives coûte aussi cher.

Autrefois, les archives de la sous-préfecture de Bruges se trouvaient logées dans une petite chambre de grenier. Maintenant pour des archives il nous faut des palais. Je vois que nous sommes en progrès.

Plusieurs autres articles de cet état sont ainsi conçus :

« Ouvrages et fournitures à l’ancien temps des Augustins. »

Ce temple appartient à l’Etat ou à la ville ; s’il appartient à l’Etat, il y a des fonds sur lesquels ces dépenses doivent être payées. S’il apparient à la ville, c’est à elle de le faire réparer.

Je trouve plus loin :

« Prime d’assurance des bâtiments du conservatoire de musique et de l'observatoire de Bruxelles. »

Les primes d’assurances font partie des dépenses d’entretien. D’ailleurs ce ne sont pas des dépenses imprévues. C’est donc à tort qu’elles sont imputées sur ce fonds.

Enfin je vois un article ainsi conçu :

« A la société royale de la grande harmonie de Bruxelles, subside en considération de la situation financière et des services rendus dans des circonstances importantes. »

Je conçois qu’on reconnaisse sur ce fonds des services rendus, mais quand on pourvoit à la mauvaise situation de tel ou tel établissement.

Telles sont les observations de détail que j’ai cru devoir faire ; mais je ne prétends pas qu’elles doivent influer sur le vote de la chambre. Je veux seulement recommander à M. le ministre de l'intérieur d’apporter aux imputations la plus scrupuleuse attention.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’honorable préopinant a parlé d’une convention que le gouvernement a dû exécuter. Je ne m’en rappelle plus assez les détails pour donner des explications précises. J’aurais donné des explications à la section centrale, si elle en avait désiré. Mais c’était évidemment une convention obligatoire, à laquelle le gouvernement a dû satisfaire.

En ce qui concerne les archives d’un commissariat d’arrondissement, je ferai remarquer qu’elles sont très considérables, parce qu’elles comprennent les archives d’un ancien arrondissement trois fois plus grand que l’arrondissement dans ses limites actuelles. Indépendamment de cela, il y avait dans cette somme de 1,200 francs des frais d’inventaire de ces archives il n’y avait pas que des frais de location. Je l’ai vérifié ; car l’observation de l’honorable M. de Langhe m’avait frappé.

M. Liedts – Je demanderai un mot d’explication sur un autre article ainsi conçu : « Confection d’un plan général de la ville de Liége, 1,604 francs 50 centimes. Je ne puis me rendre compte de cette dépense, alors que le gouvernement a, par le cadastre, une carte parfaite de toutes les villes de la Belgique.

Quant à la location d’un bâtiment pour les archives d’un commissaire de district, il est évident que cela ne constitue pas une dépense imprévue. Car quand ce commissaire de district a été nommé, il devait savoir qu’il avait des archives à loger. Si vous accordez des fonds à un commissaire de district et pour location du bâtiment où sont les archives, vous devez en accorder à tous les commissaires de district.

Il est à ma connaissance parfaite qu’à Anvers, le commissaire de district a dû louer un local pour loger ses archives. C’est une nécessité inhérente à sa position. Mais si vous accordez, à ce titre, une indemnité à d’autres commissaires de district, il a droit à être remboursé de ses frais de loyer.

M. de Terbecq – Je demande la parole.

M. de Brouckere – Tous les commissaires de district vont réclamer.

M. de Terbecq – Messieurs, en effet dans l’état détaillé des imputations faites sur le chapitre XIV, concernant le crédit ouvert pour les dépenses imprévues, on trouve renseignée une somme de douze cents francs destinée à couvrir les frais de location d’un bâtiment pour les archives du commissariat de l’arrondissement de Termonde.

Cette allocation demande quelques mots d’explication.

Mon prédécesseur avait déjà présenté plusieurs réclamations pour obtenir une augmentation pour ses frais de bureau et une indemnité pour ceux de la location d’un emplacement où il pût placer ses nombreuses archives ; il est en effet à remarquer, messieurs, qu’il se trouvait nécessairement en possession d’une grande partie de celles de l'ancien arrondissement judiciaire de Termonde après que celui-ci eut été divisé en trois arrondissements administratifs.

Messieurs, lorsque je me trouvai appelé dans ces nouvelles fonctions de commissaire de l’arrondissement de Termonde, j’avais cru pouvoir demander aussi en toute justice, comme on n’avait pas encore donné suite aux réclamations de mon prédécesseur, une augmentation pour frais de bureau et une indemnité pour un local pour placer les nombreuses archives dont il est question. C’est ainsi que M. le ministre m’alloua globalement ou pour le double chef, une somme de douze cent francs. Je ferai remarquer que l’arrondissement administratif de Termonde, compte une population de 85,838 âmes, non compris la ville de Termonde ; c’est ce qui résulte de l’exposé de la situation de la province de la Flandre orientale pour 1839. Les frais d’abonnement pour les employés et les bureaux pour ce commissariat et de la milice ne sont que de 2,084 francs 24 centimes ; il vous sera donc très facile, messieurs, de comprendre, que je ne pouvais pas payer des employés pour suffire à la besogne que cause nécessairement l’administration d’une population d’environ 100,000 âmes, avec une somme de 2,084 francs 24 centimes, y compris feu, lumière, imprimés, etc ; ainsi que la location d’un bâtiment pour y placer les nombreuse archives dont j’ai déjà parlé. Voilà d’où résulte qu’une somme de 1,200 francs a été accordée à titre d’indemnité au commissaire de l’arrondissement de Termonde pour couvrir les frais de location d’un bâtiment qui sert au dépôt de ses archives, ainsi que pour couvrir les frais extraordinaires qu’il a dû supporter pour assurer le service de son administration, vu qu’il est constaté que les frais d’abonnement alloués étaient insuffisants, ainsi que je l’ai démontré ci-dessus. J’espère par ce court exposé avoir donné tout apaisement à messieurs les membres de cette assemblée pour ce qui concerne le chiffre porté au tableau des dépenses imprévues pour 1839.

M. de Brouckere – Je regrette que l’honorable préopinant ait cru devoir prendre la parole pour défendre l’allocation faite en sa faveur par M. le ministre de l'intérieur sur le chapitre des dépenses imprévues ; jusqu’ici il pouvait y avoir doute. Mais l’honorable préopinant a parlé de telle sorte qu’il a prouvé à l’évidence qu’il y a eu abus.

En effet, il ne s’agit plus de frais de location, remboursée par des motifs spéciaux, c’est d’une augmentation de frais de bureau en faveur du commissaire de district de Termonde (dénégations de la part de M. de Terbecq) c’est-à-dire qu’on a pris sur les fonds des dépenses imprévues de quoi accorder une gratification à un commissaire de district. Cette gratification n’a pas été accordée pour une année ; (Erratum au Moniteur du 2 février 1840 :) elle est accordée annuellement.

M. de Terbecq – Non. Elle a été accordée une seule fois.

M. de Brouckere – Je suis loin de soutenir que les appointements et les frais de bureaux de l’honorable membre, comme commissaire de district, sont plus que suffisants. Mais je dis que s’ils sont insuffisants, il faut l’exposer franchement et demander une augmentation. C’est un abus que d’accorder à un commissaire de district, à qui vous voulez faire une faveur, une augmentation que vous n’accordez pas à ses collègues. Tous les commissaires de district feraient très bien de réclamer auprès du ministre, pour obtenir la même faveur.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Dans d’autres circonstances, il a été accordé aussi des subsides extraordinaires à quelques commissaires d’arrondissement. Ici les motifs qui m’ont déterminé ont été la nécessité d’avoir un local pour les archives et de payer les frais relatifs à la confection d’un inventaire.

M. de Brouckere – Est-ce pour une année ?

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai pas accordé les fonds pour une disposition permanente.

On a parlé du plan de la ville de Liége. La ville de Liége fait faire des changements extrêmement fréquents et nombreux. On a désiré avoir au ministère le plan général de la ville pour mieux apprécier les changements en rapport avec le plan de la ville. Le ministère possède également le plan de la ville de bruxelles.

La somme de 1,604 francs 50 centimes a été réclamée pour lever le plan d’après le cadastre.

M. de Foere – J’appuie les observations de l’honorable député de Bruxelles. L’honorable député de Termonde a avoué que son prédécesseur réclamait cette indemnité depuis plusieurs années. C’est la meilleure preuve que ce n’était pas une dépense imprévue. Son observation est donc la condamnation de l’imputation qu’on a faite de cette dépense.

- L’article XIV du budget de l’intérieur étant terminé, la chambre en fixe le vote définitif à lundi.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. le président – M. le ministre de l'intérieur transmet les pièces relatives à l’élection de M. Delfosse à Liége. Je vais tirer au sort les noms des membres de la commission qui sera chargée de vérifier cette élection.

- Le sort amène les noms de MM. Lange, Ullens, Dubus (aîné), Milcamps, Mast de Vries, Duvivier, Liedts.

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1840

Discussion générale

M. de Foere – Lorsque, par voie de budget ou par une loi spéciale de crédit, le gouvernement demande un chiffre de 640,000 francs, la première question qui se présente à l’esprit de tout député consciencieux est celle de savoir quelle est l’utilité de cette somme dans son application ? quels sont les services à rendre au pays, par la dépense qu’on lui propose de faire ? J’ai cherché, pour ma part, une réponse à cette question. Afin de me rendre raison des services que, proportionnellement à ses dépenses, la marine militaire peut rendre au pays, j’ai dû interroger les services que cet établissement nous a rendus pendant les années précédentes. Je vous communiquerai, messieurs, le résultat des recherches que j’ai faites et des renseignements que j’ai obtenus.

La marine royale fut décrétée en 1831. L’année suivante un arrêt lui donna une organisation provisoire. Cette marine était alors composée de deux navires brigantins et de quatre goélettes mal construites et mal armées.

Lors de l'expédition contre la citadelle d’Anvers, les Hollandais avaient sabordé quelques-unes de leurs canonnières et en incendièrent quelques autres. Leur but était de les soustraire à leur ennemi. L’hiver de 1832 passa sur les canonnières ensablées, au printemps suivant la marine nationale, qui stationne sur l’Escaut, les renfloua au nombre de huit. Je prie la chambre de tenir compte du courage que nos marins déployèrent dans l’exécution de cette tâche pénible, quoique ces canonnières nous aient entraînés dans des dépenses qui n’ont point été compensées par leur utilité. Ces canonnières furent réparées, gréées, armées et mises en service.

Le ministère créa, depuis, deux écoles navales : d’abord une à Anvers, puis une autre à Ostende ; il établir aussi une école militaire. Des élèves se destinent aussi, dans cet établissement, à servir à bord des bâtiments de l’Etat.

Au commencement de 1832, il existait un noyau d’une quinzaine d’officiers de marine. Aujourd’hui, ce corps compte deux colonels, quinze officiers subalternes, douze aspirants de 1er classe, douze de 2e classe, une quinzaine d’officiers d’administration et quatre médecins. Dans ce nombre d’officiers de marine ne sont pas compris les élèves de l’école militaire qui se préparent au service de la marine. Ce personnel est, du reste, composé de maîtres d’équipage et de canotage, de coqs, d’environ cinq cents matelots, et de soixante mousses.

En 1835, la marine nationale arma le trois-mâts marchand le Robuste, à Bruges, en destination de l’Egypte. Il fit naufrage sur les côtes d’Alger.

Pendant la même année, le cutter l’Eclair, autre navire marchand, fut également équipé par la marine militaire. Il fit une campagne en Algérie pour compte de la maison Wattel, à Anvers.

En 1836, la maison de Lécluse, à Bruges, expédia le trois-mâts le Météore pour les ports de Malte et d’Alger. La même année vit partir pour le Brésil, le brick la Caroline appartenant à la maison Coghen à Bruxelles. Le gouvernement accorda aussi à ces deux navires marchands un équipage de marins de l’Etat, nourri et payé par le trésor public.

Une très petite fraction du corps de la marine de l’Etat a été employée à ces quatre expéditions extérieures.

Depuis 1836 le service de notre marine militaire a été restreint à celui de l’Escaut.

En 1837, une croisière fut ordonnée. Elle fut pompeusement appelée : croisière d’instruction. Elle eut lieu pendant la plus belle saison de l’année.

Les élèves n’eurent pas même à lutter contre un coup de vent ; la croisière fut aussi effectuée sans aucune relâche ; de sorte que la croisière n’apprit pas même à entrer ou à sortir d’un port ou d’une rade.

Pendant les années 1838 et 1839 notre marine militaire fut divisée ; une partie fut envoyée à Ostende, l’autre resta à Anvers. On fit prendre la mer à deux goélettes, mal construites en 1831, dont je vous ai déjà entretenus. Ces deux bâtiments, à peine à dix lieues au large d’Ostende, sont reconnus incapables de tenir la mer. Ils sont forcés de regagner le port, sous peine de couler bas. On exposa ainsi à un danger imminent un équipage et un état-major de navire.

Enfin, une expédition (c’est le nom que le gouvernement donna à un mauvais bateau patache d’une trentaine de tonneaux qui fit voile pour les îles Feroe), une expédition dis-je, fut faite vers ces îles dans le but de protéger la pêche nationale et de venir en aide à nos pêcheurs, soit par des secours en matériel, soit par des soins médicaux. Un équipage tout entier avec son état-major, montant cette misérable embarcation, fut de nouveau exposé à une mort imminente sur une mer dangereuse. Le bateau patache, marchant mal, semblait plutôt devoir réclamer les secours des bateaux de pêche, qu’être à même d’en apporter à nos pêcheurs du Nord.

La flottille prête aussi ses secours aux bâtiments de commerce faisant côte sur l’Escaut. Ces cas arrivent rarement ; aussi, il y a un bateau à vapeur qui a reçu cette destination, (Erratum, Moniteur du 5 février 1840 :) et avant que notre flottille prêtât son assistance, il existait sur l’Escaut d’autres moyens de secours.

Je dois encore ajouter que la flottille canonnière était aussi destinée à agir, en cas d’attaques, contre la marine hollandaise. J’abandonne aux hommes de l’art la tâche, qui ne doit pas être bien difficile, de supporter le nombre de minutes pendant lesquelles notre flottille eût résisté, malgré le courage et la bravoure de nos marins, à la marine de notre ennemi.

Tels sont, messieurs, les services que notre marine militaire, stationnée dans l’Escaut et dans le port d’Anvers, a rendus au pays. Si j’en ai omis, ou si d’autres me sont échappés, le fait a été involontaire. Je prierai, au reste, le ministre de remplir les lacunes que j’aurais laissées. C’est pour ces services qu’à peu près 640,000 francs sont pétitionnés de nouveau au budget de 1840.

Messieurs, huit fois la représentation nationale s’est assemblée, et huit fois elle a voté le budget de la marine dans l’état dans lequel je viens d’avoir l’honneur de l’exposer à la chambre et pour les services insignifiants que j’ai énumérés. Pendant tous ces exercices, la chambre vota les dépenses du budget de la marine sans qu’aucune amélioration fût apportée à ce misérable état de choses.

Une neuvième session est ouverte. Placés encore une fois devant le budget de la marine, plusieurs questions surgissent dans mon esprit que je livrerai à vos méditations sérieuses.

Si la marine est condamnée à rester dans l’état déplorable dans lequel elle se trouve, ne vaudrait-il pas mieux de la supprimer presque toute entière et de licencier la majeure partie de son personnel pour l’employer utilement ailleurs ?

Est-il bien juste et honorable pour le ministère et pour la chambre de continuer à compromettre ainsi l’avenir des officiers et des aspirants de la marine et à abuser de la confiance des familles qui, les unes sur les promesses du gouvernement, les autres sur le consentement facile inhérent à tout service rendu à l’Etat, ont permis à leurs enfants de se vouer a service de l’Etat sur mer ? N’est-il pas temps, messieurs, d’assurer au corps de la marine son sort et son avenir ?

Si le pays veut une marine pour rendre à l’Etat, sous plusieurs rapports, d’importants services, ne lui faut-il pas des navires capables de battre la mer, des officiers et des matelots exercés par la pratique de la mer et formés par une longue expérience à l’art de la navigation ?

Vous avez huit fois alloué des fonds pour l’entretien et la réparation de mauvaises coquilles, qui font la honte du pays ; si vous aviez affecté ces dépenses annuelles à trois ou quatre bons navires, de moyenne grandeur, vous auriez pu protéger efficacement votre pêche, vos côtes contre la fraude, vos relations commerciales, le placement des produits de votre industrie d’exportation, vos débouchés dans les pays lointains. Vous avez fait jusqu’à présent des dépenses énormes, en grande partie inutiles. Cet état de choses doit-il continuer ? Voulez-vous ou ne voulez-vous pas avoir une marine qui soit utile à l’Etat et qui lui fasse honneur, au lieu d’en avoir une qui soit, en grande partie, inutile au pays et qui en est la dérision ? Aux budgets de 1833, 1834 et 1835, le gouvernement a proposé, en effet, la construction de quelques navires qui eussent pu rendre des services réels à l’Etat. Jamais il n’a eu le courage de défendre sa proposition. Il a préféré continuer dans sa routine si accablante pour les contributions de l’Etat, sans qu’il ait pu en retirer des services qui pussent compenser les énormes charges qui lui ont été imposées pendant huit ans.

L’Etat paie à l’Angleterre 25,000 francs par an pour le transport de la correspondance entre ce pays et la Belgique. En opérant vous-mêmes le transport de vos dépêches, vous feriez d’abord le bénéfice de vs 25,000 francs ; ensuite, vous profiteriez le transport des passagers et des marchandises ; vous utiliserez vos propres matières premières, et votre propre travail ; vous trouverez le moyen d’employer utilement une partie du personnel de votre marine militaire. Les avantages que je viens d’énumérer ne sont-ils pas les conséquences directes des sains principes de l’économie politique ? Une note, insérée dans la colonne d’observation au dernier chapitre du budget de la marine, semble indiquer que tel est l’intention de M. le ministre des travaux publics. Si tel est son projet, je l’en félicite. Je l’appuierai de toutes mes forces. Mais qu’il soit décidé une fois pour toutes si le pays veut, ou non, avoir une marine qui soit utile au pays.

M. Eloy de Burdinne – Je demanderai, au ministre des travaux publics, si l’année prochaine on ne pourrait pas supprimer la dépense de la marine militaire. Si la Belgique avait des colonies, elle aurait besoin d’une telle marine ; mais n’ayant pas de colonies et ayant deux ports dont l’un n’est pas facile à aborder et dont l’autre présente des moyens faciles de défense, je crois que nous n’avons pas besoin de marine militaire.

Je ne me reconnais pas comme ayant les connaissances requises pour résoudre la question ; mais j’inviterai le ministre à voir si l’on ne pourrait pas éviter une dépense annuelle assez forte et qui est sans but. Je ne demande pas la suppression immédiate, parce que nous n’avons pas terminé nos différents avec la Hollande. J’appelle l’attention du gouvernement sur la question.

M. le ministre des travaux publics et de la marine (M. Nothomb) – Il ne fait pas confondre deux questions, la question de savoir si la marine ne pourrait pas être plus utile qu’elle ne l’est à présent, en créant une grande navigation et une flotte, comme le demande le premier orateur, ; mais il est une autre question, c’est celle de savoir si la marine, restreinte comme elle est aujourd’hui, n’a pas une utilité relative, cette question, je l’accepte dans les termes modestes où je l’ai posée, et je réponds affirmativement : Oui, la marine créée et maintenue par les budgets précédents est utile, et je dirai même nécessaire.

L’honorable M. de Foere vous a fait en quelque sorte l’historique de l’établissement de la petite marine belge ; pour être juste, il aurait dû poser cette question : A-t-on fait, avec les moyens restreints mis à la disposition du gouvernement ce que l’on pouvait faire ? Je réponds : Oui, c’est là la question pour le moment.

J’ai déjà eu l’occasion de faire remarquer dans les années précédentes, en posant la question d’utilité relative, que la marine est nécessaire pour le service de l'Escaut, pour la défense d’Anvers, pour le service de la douane, aujourd’hui, je veux citer d’autres motifs d’utilité. J’ai obtenu du ministre de l'intérieur que le service de sauvetage fût placé dans les attributions du ministère des travaux publics. En second lieu, par la loi du 1er juin 1839, le pilotage est rentré dans les attributions de l’Etat ; la marine concourra, par conséquent, à l’organisation des services du pilotage Quant au service sanitaire, c’est la marine qui convoie les navires lorsqu’ils sont considérés comme suspects. Les canonnières hollandaises les convoient à l’entrée de l'Escaut jusqu’au point où communique le territoire belge ; les canonnières belges convoient jusqu’au fort Sainte-Marie où est établie la quarantaine. Si nous n’avions pas les canonnières que nous avons, il faudrait en construire pour avoir dans l’Escaut la position que nous devons y avoir.

Le sauvetage n’est entré dans mes attributions que le 1er janvier. Il y a deux canonnières à Ostende ; sur la réclamation de Nieuport une troisième sera placée dans le chenal de ce dernier port.

Mes efforts ont tendu à rendre la marine de plus en plus utile, en me tenant dans le premier système d’utilité relative que je vous ai indiqué.

Maintenant une autre question très grave se présente : c’est celle de savoir s’il faut établir une véritable marine. Cette question mérite de faire l’objet d’une discussion spéciale. C’est ce que vous avez compris en séparant du budget de la marine le chapitre concernant les constructions maritimes ; le gouvernement attend le rapport de la commission spéciale auquel il a été soumis.

Je prierai la chambre de ne pas perdre de vue la distinction que j’ai faite, et, en finissant, je répéterai : Oui, la marine que nous avons a une utilité relative, et cette utilité est justifiée.

- La discussion générale est fermée.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Personnel : fr. 60,500. »


« Art. 2. Matériel : fr. 3,500. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre II. Bâtiments de guerre

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Bâtiments de guerre (Personnel) : fr. 330,524. »


« Art. 2. Bâtiments de guerre (Matériel) : fr. 293,877. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre III. Magasin

Article unique

« Art. unique. Magasin de la marine : fr. 11,200. »

- Cet article est adopté.

Chapitre IV. Pilotage

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Personnel (Traitement fixe) : fr. 67,000


« Art. 2. Personnel (Dépenses variables) :

« Remises à payer aux pilotes : fr. 67,000

« 5 p.c. sur le droit de pilotage : fr. 9,500

« Restitution des droits de pilotage : fr. 2,000. »

« Total : fr. 78,500. »


« Art. 3. matériel : fr. 37,035.

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 4

M. le président – M. le ministre a proposé un article 4 nouveau, ainsi conçu :

« Complément de la dépense de construction des cinq bateaux pilotes : fr. 47,226. »

M. Donny – Messieurs, je ne viens pas combattre l’amendement proposé par M. le ministre, mais j’ai vu, dans l’exposé général des motifs qui accompagne cet amendement, des chiffres dont la comparaison m’a vivement frappé et sur lesquels je vais appeler l’attention de M. le ministre et de la chambre. J’y ai vu que, lorsque le gouvernement fait piloter à la station d’Ostende 1,100 bâtiments, il reçoit à peu de chose près la même rétribution que lorsqu’il en fait piloter 2,700 à la station d’Anvers ; c’est là, messieurs, une preuve que le tarif du pilotage d’Ostende est beaucoup trop élevé comparativement à celui du pilotage d’Anvers. C’est une injustice et une injustice d’autant plus grande que les frais de la station d’Ostende ne coûtent au gouvernement que 17,000 francs par semestre, tandis que les frais de la station d’Anvers en coûtent 43,000. Ainsi, d’un côté le commerce d’Ostende paie un droit à peu près triple de ce que paie le commerce d’Anvers, et, d’un autre côté, les dépenses que le gouvernement fait à Ostende ne s’élèvent pas même à la moitié des dépenses qu’il fait à Anvers.

Déjà la chambre de commerce d’Ostende a fait parvenir à M. le ministre des réclamations contre cet état de choses ; j’appelle à mon tour toute l’attention de M. le ministre sur ce point, et je suis persuadé qu’il s’occupera le plus tôt possible de redresser ce que je considère comme une véritable injustice.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je devais m’attendre, messieurs, aux observations que l’honorable préopinant vient de vous faire, néanmoins j’ai cru présenter les faits tels qu’ils sont. Il est très vrai que, du 1er juillet au 31 décembre, le pilotage d’Ostende a rapporté à peu près autant que le pilotage d’Anvers ; Ostende a rapporté 45,000 francs, Anvers 47,000 ; il n’y a donc qu’une différence de 2,000 francs dans les produits. Il est très vrai encore que le pilotage d’Anvers a coûté 43,000 francs et celui d’Ostende 17,000 seulement. C’est un fait que je n’ai pas dissimulé, je ne le pouvais pas. L’honorable membre en conclut que le pilotage d’Ostende est élevé. Certainement le pilotage d’Ostende est trop élevé comparativement à celui d’Anvers ; mais une autre question, qui est très délicate, se traite en ce moment, et nous ne somme pas seuls pour la décider, c’est celle de savoir si le pilotage d’Anvers est assez élevé ; c’est une question dont la commission mixte, institue à Anvers, est saisie.

Je crois, messieurs, que l’état des choses actuel ne peut pas se perpétuer, aussitôt que les négociations ouvertes à Anvers seront assez avancées pour qu’on puise mettre en rapport les deux ports le gouvernement s’empressera de faire droit aux réclamations d’Ostende, si tant est que le tarif de pilotage, tel qu’il existe actuellement à Anvers, soit maintenu. Il ne s’agit ici que d’une question d’équilibre entre les deux ports, c’est ainsi que l’honorable membre a posé la question, c’est ainsi que le gouvernement l’a posée de son côté.

Ainsi, messieurs, on continuera d’instruire cette affaire et je crois que très prochainement on pourra rétablir l’équilibre comme le désire l’honorable préopinant.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Sauvetage

Article unique

« Article unique. Secours maritime (Sauvetage)

« Entretien des embarcations, hangars, achat de matériel et primes : fr. 16,500. »

- Cet article est adopté.

Chapitre VI. Constructions (p. m.)

Article unique

« Article unique. Constructions, (Mémoire) »

- Cet article est adopté.

Chapitre VII. Secours

Article unique

« Art. unique. Secours aux marins blessés et aux veuves d’officiers qui, n’ayant pas de droits à la pension, se trouvent dans une position malheureuse : fr. 4,000. »

- Cet article est adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

La chambre adopte ensuite successivement l’article premier de la loi, qui fixe le budget de la marine pour l’exercice 1840 à la somme de 959,952 francs, et l’article 2, qui rend la loi exécutoire le lendemain de sa promulgation.


On passe à l’appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 62 membres présents.

Ce sont : MM. Coghen, Cools, Coppieters, David, de Behr, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, de Nef, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d’Huart, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Cogels, Dedecker et Fallon.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président – L’ordre du jour appelle la discussion de la loi sur l’exportation des farines.

M. Mast de Vries – Nous ne sommes pas nantis des pièces ; ne pourrait-on pas voter la loi sur la refonte des anciennes monnaies. (Non ! non !)

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si quelques membres avaient des discours préparés sur la loi des farines, on pourrait les entendre, sauf à ne voter les articles que demain.

M. Eloy de Burdinne – Personne ne s’est muni des ses notes ; on ne peut entamer aujourd’hui cette discussion qui est importante ; je propose la remise de la discussion à demain.

- Cette proposition est adoptée. La chambre décide également que la discussion du projet sur les anciennes monnaies et ajournée à demain.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je demanderai à la chambre si elle ne trouverait pas à propos de mettre à l’ordre du jour de demain le second vote du budget de l’intérieur ? (Appuyé !)

M. Verhaegen – Messieurs, le vote de ce budget a déjà été remis à lundi, et plusieurs de nos collègues sont partis, dans la croyance que ce vote aurait lieu lundi. C’est ainsi que je puis assurer que M. de Foere et d’autres sont partis, sur la foi de la décision de la chambre. Est-il convenable après cela de fixer le second vote à demain ?

M. de Langhe – D’ailleurs, il n’y a pas de péril en la demeure, le sénat n’est pas réuni. Nous pouvons donc suivre exactement notre règlement qui exige qu’il y ait un jour franc entre le premier et le second vote.

- La chambre décide qu’elle procédera demain au second vote du budget de l’intérieur.

Projets de loi de naturalisation

M. le président donne lecture du projet de loi ci-après

Léopold, Roi des Belges,

A tous présents et à venir, salut

Vu la demande du sieur Joseph-Firmin Bayart, géomètre du cadastre, demeurant à Couillet, né à Berry-Saint-Christophe (France), le 18 pluviôse an X, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;

Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont té observées ;

Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d’âge et de résidence exigées par l’article 5 de ladite loi ;

Nous avons de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :

Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Joseph-Firmin Bayart.

Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal. Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 51 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.


Les projets de loi concernant les sieurs :

Philippe Botte, sous-brigadier de douanes à Bergen, né à Graven-Wiesbach (duché de Nassau), le 12 novembre 1784 ;

Et Pierre-Nicolas Jacquin, sous-lieutenant des douanes à Chimay né à Arcis (France), le 15 mars 1785,

Sont également adoptés à l’unanimité des membres présents.

- La chambre ne se trouvant plus en nombre, la séance est levée à 3 heures et demie.