(Moniteur belge n°26 du 26 janvier 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Mast de Vries fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Mast de Vries fait l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des cultivateurs, marchands et fabricants de lin de l'arrondissement de Courtray demandent une augmentation de droit à la sortie du lin. »
« Même pétition des cultivateurs, marchands et fabricants des arrondissements de Wervicq et de Commines. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Le conseil communal et les cultivateurs de lin de la commune de Vracene (Flandre orientale) adressent des observations contre les pétitions des filateurs qui réclament une élévation du droit sur le lin à la sortie. »
- Renvoi à la commission avec demande d’un prompt rapport.
M. de Langhe – Outre le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport, je demanderai l’insertion de toutes ces pétitions, pour ou contre, dans le Moniteur ; quelques-unes y ont été insérées, il est juste que les autres y soient également. Il est vrai qu’il y a plusieurs pétitions identiques ; je crois qu’il suffira de dire que la même demande est faite par telle et telle commune ; cela abrégera les impressions.
M. A. Rodenbach – Le nombre des pétitions est considérable ; si on les met dans le Moniteur, il faudra une vingtaine de suppléments ; je pense qu’on devrait simplement imprimer les pétitions des villes les plus importantes. Je demanderai aussi qu’on fasse un prompt rapport. En France, on s’occupe de prohibition par des droits sur les toiles et les fils ; il ne faut pas nous faire attendre des semaines pour obtenir un rapport ; la détresse et la misère des Flandres exige qu’on porte un prompt remède au mal. La misère est à son comble dans les Flandres ; ce n’est pas une exagération ; c’est malheureusement un fait réel. Il faut protéger l’industrie linière.
M. de Langhe – Je demanderai l’insertion au Moniteur de toutes les pétitions ; celles des cultivateurs ont un grand intérêt, et quoiqu’ils habitent les communes rurales, ils doivent être entendus. Quant à la misère dont parle l’honorable membre, il y a beaucoup d’exagération. Les travaux de la campagne sont une compensation à ceux qui manquent à l’industrie linière.
M. A. Rodenbach – Je conviens que l’agriculture ne souffre pas ; ce sont les cultivateurs qui sont le soutien des malheureux ; mais, dans l’arrondissement de Roulers, les tisserands vont par bandes mendier, ce que l’on n’a jamais vu dans les Flandres. Le district de l’honorable préopinant n’est pas un district manufacturier ; on s’y occupe plus particulièrement des dentelles ; c’est dans les districts manufacturiers que la misère est extrême. Je n’ai malheureusement rien exagéré.
M. Desmet – L’industrie linière est en souffrance ; il faut s’en occuper. Mais faire un triage entre les pétitions serait dangereux ; je demande qu’on les insère toutes, et un prompt rapport.
M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions – Ce n’est que depuis peu que la commission des pétitions est chargée des pétitions dont il s’agit ; il n’y a que 8 jours que les mémoires m’ont été remis ; je crois cependant que je pourrai présenter un rapport la semaine prochaine. Un autre membre était chargé de ce travail mais des empêchements ne lui ont pas permis de remplir ce devoir.
M. Eloy de Burdinne – Il y a quatre et cinq ans que la question linière est en discussion ; je crois qu’une bonne fois il faut terminer cette affaire.
- La chambre consultée décide que les pétitions pour et contre seront insérées au Moniteur.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Dans la séance d’avant-hier, M. Angillis a demandé quelques renseignements relativement à diverses sommes qui avaient été confiées à un employé de l’administration provinciale du Limbourg et qui est disparu, laissant un déficit considérable dans sa caisse. Voici où en est cette affaire. Cet employé est parti ne laissant pour tout avoir qu’une somme de quatre mille francs. Du reste les chiffres donnés par M. Angillis sont exacts. La perte est de 20 mille francs. On ne sait pas ce qu’est devenu cet employé, quelques personnes croient qu’il n’est plus de ce monde. Dans tous les cas, une poursuite judiciaire a été intentée ; je n’en connais pas encore les résultats. Quant à la question de responsabilité, elle se divise ; et la cour des comptes aura à statuer sur les deux sommes provenant des fonds de l’Etat. De ce chef, il y a un déficit de 14,500 francs ; savoir, comme l’a dit M. Angillis, 3,587 sur le premier subside accordé en 1833 et 11,000 francs sur le subside accordé en 1837 pour les dévastations commises par les troupes hollandaises.
Ce n’est pas le moment de s’expliquer sur la question de responsabilité. La somme de 9,450 francs résultant d’une collecte au profit des victimes d’un ouragan en 1833 fut remise au commencement de l’an 1833 à la députation provinciale, qui en a adressé quittance au ministère de l’intérieur ; telle a confié la somme au même employé.
Messieurs, des mesures vont être prises pour que des faits semblables ne puissent se reproduire. Déjà j’ai adressé une circulaire aux gouverneurs des provinces, pour la vérification des comptes des employés comptables. Jusqu’à présent on avait suivi les errements en usage sous le gouvernement précédent, mais comme les employés provinciaux ne fournissent pas de cautionnement, parce qu’ils ne perçoivent aucun émolument pour la garde des fonds semblables à ceux dont il s’agit, nous avons pensé que les garanties n’étaient pas suffisantes, je me suis concerné avec le ministre des finances pour prendre des mesures plus efficaces à l’avenir. Relativement au passé, c’est une question que la cour des comptes aura à examiner par suite du jugement à intervenir.
M. Angillis – Je remercie M. le ministre des explications qu’il a bien voulu donner. La question de comptabilité est sans doute difficile et importante ; mais dans cette affaire il y a aussi une question d’humanité. Il y a ici un agent comptable ; et quand un tel agent reçoit une somme quelconque pour une destination spéciale, il doit nécessairement être responsable de l’emploi qu’il en fait. S’il reçoit une somme comme dépositaire, il est encore responsable. Je n’irai pas plus loin dans l’examen de cette question. Si la distribution des sommes eût été faite au fur et à mesure des recettes, il n’y aurait pas eu perte ; il y a eu négligence. J’attendrai, afin de connaître les mesures qui seront prises ; et je crois que le ministre prendra toutes celles qui pourront faire rentrer les sommes dans la caisse provinciale, et les faire parvenir à ceux auxquels on les destinait.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne puis garantir, messieurs, que les sommes seront réintégrées dans la caisse, attendu que l’employé dont il s’agit est parti en laissant des ressources insuffisantes. Quant à la question de responsabilité, je ne crois pas du tout devoir la préjuger ici ; elle se diviserait entre la députation d’une part et le gouvernement d’autre part. Du reste, messieurs, il y a ici une question de bonne foi : la députation des états, en janvier 1834, a reçu les fonds de la collecte, et il paraît en effet extrêmement étonnant que depuis 1834, elle n’ait pas exigé la reddition des comptes de l’employé. Il semble que cet employé jouissait de la plus entière confiance, qu’il ne donnait lieu à aucun soupçon ; seulement on le connaissait pour être assez négligent ; il tardait toujours à remettre ses comptes, sans prétexte qu’il était surchargé de travail. Ce qu’il y a de réellement surprenant, c’est qu’aucune réclamation ne soit parvenue, ni à la députation, ni au gouverneur de la province, du chef de ces sommes, de la part des intéressés.
Au surplus, messieurs, je crois qu’il ne faut pas pousser cette discussion plus loin dans le moment actuel ; nous pourrons y revenir plus tard.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 142,220. »
- Adopté.
« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers extraordinaires : fr. 2,000. »
« Art. 1er. Pensions à accorder à des fonctionnaires : fr. 8,000. »
« Art. 2. Secours, continuation ou avances de pensions à d’anciens employés belges aux Indes ou à leurs veuves : fr. 7,570 80. »
« Art. 3. Secours à des fonctionnaires ou veuves de fonctionnaires, à des employés ou veuves d’employés, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l’obtention d’un secours, à raison de leur position malheureuse. : fr. 5,000. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 4. Dotation en faveur de légionnaires et de veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune : fr. 60,000. »
M. de Puydt – Messieurs, à l’occasion de cet article, je rappellerai à la chambre une proposition qui lui a été faite en faveur des légionnaires, il y a plusieurs années, par l’honorable M. Frédéric Corbisier, alors notre collègue. Je sais que cette proposition soulève de graves questions, mais il y a près de six ans qu’elle a été faite et depuis lors je crois que chacun des membres de la chambre a pu étudier ces questions de manière à pouvoir les résoudre. Quand on considère les services rendus au pays par les légionnaires, quand on considère à quel prix ils ont obtenu la décoration, quand on se rappelle que cette décoration est la récompense du sang versé sur les champs de bataille, il semble qu’il est peu digne d’une assemblée législative de laisser de semblables réclamations sans réponse. J’émets donc le vœu que cette proposition soit mise en discussion.
Une voix – Le rapport est fait.
M. de Puydt – On dit que le rapport est fait, c’est une raison de plus pour aborder la discussion. Si l’absence de M. Corbisier était la cause de l’espèce d’oubli que je signale, je ferais la proposition mienne ; et je la soutiendrais comme telle.
M. Lys – Messieurs, j’appuie la proposition de l'honorable préopinant.
Je ne connais pas de pension ou traitement plus légitime que ceux dus aux chevaliers de la légion d’honneur. C’est souvent le prix du sang versé pour la patrie, en un mot, c’est une dette d’honneur, c’est une dette patriotique.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Sans vouloir me prononcer en ce moment sur le fond de la question, je me joindrai aux honorables membres pour solliciter la discussion du projet dont il s’agit, comme j’en ai pris l’engagement sur la demande de plusieurs membres du sénat.
A cette occasion, je ferai remarquer que le tableau imprimé à la suite du rapport de la section centrale contient des renseignements sur la position personnelle des légionnaires ; quand j’ai remis ces renseignements à la section centrale, je ne supposais pas qu’ils seraient livrés à l’impression et je crois qu’à l’avenir, lorsqu’on imprimera de semblables tableaux, on fera bien de laisser en dehors au moins les considérations individuelles.
M. Maertens, rapporteur – Je vous ferai remarquer, messieurs, en réponse aux observations de M. le ministre, que les années précédentes, il a fait imprimer de semblables tableaux à la suite du budget.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Oui, mais sans les indications personnelles.
M. Maertens, rapporteur – Avec les mêmes indications, comme on peut le voir au budget de 1838.
Puisque M. le ministre parle de ces indications, je ferai observer à la chambre que la section centrale a remarqué précisément dans les indications dont il s’agit des faits qu’elle a cru devoir signaler. Autrefois il avait toujours été entendu que les secours accordés aux légionnaires supposaient que les légionnaires auxquels on accordait ces secours se trouvaient dans la nécessité ; eh bien, messieurs, si vous jetez les yeux sur le tableau dont il s’agit, vous verrez que tel légionnaire qui reçoit pour les fonctions qu’il exerce un traitement de 3,000 francs, jouit encore d’un secours de 200 ou 250 francs. C’est ce qui a engagé la section centrale à insérer dans son rapport les observations dont a parlé M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, il est impossible au gouvernement d’apprécier la position des familles ; des avoir si telle somme est suffisante à l’existence de telle famille ; cela dépend de circonstances particulières : quelquefois des parents à entretenir de nombreux enfants à élever ; il y a d’autres circonstances particulières qui peuvent faire qu’une somme ordinairement suffisante est cependant insuffisante dans tel cas donné.
- L’article 4 est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Province d’Anvers : fr. 124,077. »
M. de Langhe – Les observations que j’ai à faire, messieurs, se rapportent à l’administration de toutes les provinces, et je crois par conséquent que c’est ici le lieu de les présenter. On insinue souvent qu’on demandera une augmentation de traitement pour les commissaires de district ; je conviens qu’en effet ces fonctionnaires ne sont pas rétribués comme ils devraient l’être ; mais je crois qu’on pourrait augmenter leurs traitements, sans augmenter le chiffre du budget, et même en diminuant ce chiffre d’une manière notable.
Récemment encore, M. le ministre a proposé la création de petits arrondissements, et c’est la Flandre occidentale que l’on cite souvent, pour prouver que les commissaires de district doivent être nombreux ; eh bien, messieurs, je vais vous dire comment les choses se sont passées dans cette province, ce que je puis d’autant mieux faire, que j’y ai pris une part assez active.
En 1817, le gouvernement demanda aux états provinciaux de quelle manière ils croyaient que l’administration de leur province devrait être établie. Les états provinciaux de la Flandre occidentale nommèrent une commission pour préparer un travail sur cette matière ; j’eus l’honneur de faire partie de cette commission.
Nous avions eu dans les Flandres, des administrations connues sous le nom de Chatellenies, qui ont laissé le souvenir d’une bonne administration. Ces administrations étaient chargées en grande partie de l’administration communale proprement dite ; elles avaient dans chaque commune de leur ressort un seul homme nommé chef-homme, qui était chargé de l’administration journalière et surtout de la police.
On a voulu rétablir ces administrations dans la Flandre occidentale, et comme elles étaient chargées d’un travail considérable, il fallait leur donner une très petite circonscription ; nous avons donc proposé de créer douze arrondissements. Notre travail fut approuvé par les états provinciaux et envoyé au gouvernement ; mais celui-ci répondit que la création que nous proposions était contraire à la loi fondamentale qui voulait des commissaires de district et non des administrations de district, mais tout en repoussant cette partie de la proposition des états provinciaux, le gouvernement admit les douze districts. Ce n’est pas là ce que voulaient les états provinciaux, et dès l’année suivante, ils demandèrent la réduction du nombre des districts. Après plusieurs années, ce nombre fut réduit à 8, mais les états provinciaux demandèrent une nouvelle réduction ; alors on leur répondit qu’on cesserait de pourvoir aux vacatures qui viendraient à se présenter, jusqu’à ce que le nombre des districts fût réduit à ce qui était nécessaire, et c’est ainsi que l’arrondissement de Dixmude fut laissé pendant plusieurs années sans commissaire, par suite de la nomination du commissaire de district de Dixmude à un autre commissariat ; c’est à regret que j’ai vu M. le ministre pourvoir à cette vacature, et éloigner ainsi, selon moi, la réduction du nombre des arrondissements, demandée par la province.
Sous le gouvernement français, la Flandre occidentale, alors département de la Lys, avait quatre arrondissements. Je demande ici à la chambre la permission de parler de moi, parce que je vais citer un exemple et que je crois ne pouvoir en citer un meilleur que celui qui m’est connu d’une manière toute particulière. J’ai administré, pendant trois ans, comme sous-préfet, l’arrondissement qui était le deuxième sous le rapport de la population, mais qui était réellement le plus important de la province, parce qu’il comprenait le chef-lieu du département, le port d’Ostende et une étendue de 5 à 6 lieues de côtes, par lesquelles les Anglais cherchaient continuellement à introduire des marchandises et quelquefois des pamphlets contre le gouvernement.
Nous avons eu conscription sur conscription, de grandes quantités de déserteurs, des insurrections, des envois de colonnes mobiles, de la gendarmerie de la garde impériale, de nombreux conseils de guerre. Tout cela compliquait nécessairement beaucoup l’administration ; cependant je suis parvenu à tenir les affaires au courant ; je ne dis pas que si j’avais eu plus de loisir je n’aurais pas donné plus de soins à l’administration, mais je maintiens et j’ai la ferme conviction qu’en temps ordinaire, j’aurais pu très bien administrer l’arrondissement, et je crois qu’à plus forte raison d’autres pourraient le faire. Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que sous le régime français la correspondance avec les villes était dans les attributions des sous-préfets, tandis qu’aujourd’hui les villes correspondent directement avec la députation permanente et avec le gouverneur ; en outre les affaires extraordinaires dont j’ai parlé ne se représentent plus, et j’espère qu’elles ne se représenteront plus. J’ai donc la conviction que quatre arrondissements suffiraient pour ma province, et qu’il en est proportionnellement de même pour les autres provinces. Je crois en un mot qu’on pourrait réduire considérablement le nombre de commissaires de districts et par conséquent augmenter les traitements de ces fonctionnaires, même en diminuant d’une manière notable le chiffre du budget. Je suis persuadé que l’administration s’en trouverait bien.
M. Desmet – Messieurs, il est vrai que dans la Flandre occidentale le nombre des commissaires de district est trop considérable ; mais cette province fait, sous ce rapport, exception ; car dans toutes les autres provinces, les arrondissements administratifs, loin d’être trop petits, sont peut-être trop grands ; dans la Flandre orientale et dans le Hainaut, chaque commissariat a un ressort de 70 à 80 communes très populeuses ; le ressort est beaucoup plus étendu dans le Luxembourg. On ne pourrait donc diminuer le nombre des commissariats, sans faire tort à l’administration.
Je crois, messieurs, que les commissaires de district sont les seuls fonctionnaires qui soient si mal payés ; il est telle province où le traitement n’est que de 1,200 francs ; et cependant, la besogne de ces fonctionnaires est tellement importante qu’il est de fait qu’ils ne peuvent presque jamais s’absenter. On demande constamment des augmentations pour la magistrature ; je pense qu’à cet égard on devrait mettre sur la même ligne les commissaires de district.
En résumé, je crois que nous devons maintenir ce qui a été décidé par la loi provinciale, à savoir qu’on conserverait le nombre primitif de commissariats de district.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, la question qui a été soulevée par l’honorable M. de Langhe sera de nouveau examinée. Comme l’a rappelé l’honorable préopinant, lors de la discussion du projet de loi provinciale on a écarté la proposition qui tendait à diminuer le nombre des commissariats d’arrondissements, en proportion de celui des arrondissements judiciaires. Depuis lors, il n’a plus été question de ce projet. Il est certain que, dans les premiers temps, il y avait beaucoup de travail pour les commissaires d’arrondissements ; il y a eu les diverses lois organiques à mettre à exécution, une foule de renseignements à recueillir. En outre, il ne faut pas perdre de vue que l’administration est devenue plus difficile, à mesure que le système de lois communale et provinciale a été rendu plus libéral, car il est certain que sous l’empire des lois françaises, l’administration allait beaucoup plus rondement qu’elle ne peut aller aujourd’hui.
M. Delehaye – Messieurs, je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. de Langhe. Je crois que le nombre des commissaires de district est trop considérable. Pour ma part, je connais des commissaires de district qui ne sont jamais chez eux et qui ne doivent pas y être, parce qu’ils n’ont presque rien à faire. Il faudrait mettre ces fonctions en rapport avec d’autres fonctions d’une nature au moins aussi importantes, et je pense qui si on limitait le nombre des commissaires d’arrondissement à celui des arrondissements judiciaires, les commissaires de district pourraient très convenablement faire leur besogne. Il n’y a pas de comparaison à établir entre la besogne des procureurs du Roi et celle des commissaires de district ; la besogne de ceux-ci est beaucoup moins forte, et cependant le nombre des procureurs du Roi est infiniment moindre que celui des commissaires de district.
J’ai à faire une autre observation : il y a des commissaires de district qui sont très peu payés ; il en est d’autres qui le sont trop ; il est à ma connaissance qu’un commissaire de district a jusqu’à 10,000 francs ; il en est d’autres dont les appointements ne vont pas à 2,000 francs ; il est sans doute dans l’intérêt de tout le monde que la position de ces derniers soit améliorée ; mais je pense qu’on pourrait y parvenir, sans de nouvelles charges pour le pays, en diminuant d’un côté le nombre des commissariats, et de l’autre en réduisant le traitement actuel de quelques-uns de ces fonctionnaires.
M. Lebeau – Je suppose que l’on fait ces observations uniquement pour appeler l’attention du gouvernement et de la chambre sur la possibilité de la réduction du nombre actuel des commissaires de district, et non pas pour faire une proposition. Je ferai remarquer que la suppression de quelques commissaires de district jetterait de la perturbation dans plusieurs de nos lois organiques, notamment dans la loi électorale, où l’intervention des commissaires de district est requise pour presque toutes les opérations préliminaires de l’élection, non pas par arrondissements judiciaires, mais par arrondissements administratifs.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je ne veux pas discuter cette question à fond ; mais je rappellerai seulement que le nombre des commissariats a été organisé sous le gouvernement des Pays-Bas, à la demande de quelques administrations provinciales, sans que pour cela la dépense globale de la province ait été augmentée, parce que le gouvernement des Pays-Bas avait pris en considération pour fixer le traitement la diminution de travail de chacun des commissaires d’arrondissement ; c’est pourquoi plusieurs commissaires d’arrondissement sont mal payés dans la Flandre occidentale. Il en est de même dans le Luxembourg ; mais je suis convaincu que, dans cette province, les habitants préfèrent conserver leurs cinq commissariats à n’en avoir que deux ou trois qui seraient mieux rétribués.
Au surplus, je ne puis pas admettre ce qu’a dit l’honorable M. Delehaye, qu’un commissaire de district aurait un traitement de 10,000 francs ; il est telle province où les traitements réunis des commissaires d’arrondissement ne dépassent guère cette somme. Du reste, les traitements sont indiqués dans les développements du budget.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 124,077 francs est mis aux voix et adopté.
Les articles ci-après sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.
« Art. 2. Province de Brabant : fr. 133,375. »
« Art. 3. Province de la Flandre occidentale : fr. 140,157. »
« Art. 4. Province de la Flandre orientale : fr. 142,746. »
« Art. 5. Province du Hainaut : fr. 150,438. »
« Art. 6. Province de Liége : fr. 134,330. »
« Art. 7. Province de Limbourg : fr. 108,345 40. »
« Art. 8. Province de Luxembourg : fr. 117,691. »
« Art. 9. Province de Namur : fr. 109,508. »
« Art. 10. Frais de route et de tournées des commissaires d’arrondissement : fr. 18.500. »
M. le président – Nous passons au chapitre IV
« Art. 1er. Frais des jurys d’examen pour les grades académiques : fr. 80,000. »
M. de Brouckere – Messieurs, je regrette qu’aucun de MM. les ministres n’ait répondu un mot à ce que j’avais dit dans la discussion générale, relative à l’abandon dans lequel est laissée l’organisation de l’enseignement moyen et primaire. Je dois dire cependant que je m’attendais à ce silence de la part des ministres.
Je dois demander à la chambre la permission de lui soumettre quelques réflexions relativement à l’enseignement supérieur. Et d’abord je veux fournir à M. le ministre de l'intérieur l’occasion de démentir publiquement les paroles que quelques journaux lui ont attribuées, et auxquelles, je le déclare avec franchise, je n’ai jamais cru, parce que, s’il les avait proférées, elles seraient par trop inconvenantes.
Ces paroles, les voici :
« M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères ayant eu à traiter avec des personnes de Gand de certains intérêts universitaires, se serait laissé entraîner à dire que, comme ministre, il devait soutenir jusqu’à un certain point les universités de l’Etat ; mais que, comme particulier, il regardait celle de Louvain comme la seule dont l’enseignement fût moral. »
Je le répète et je le fais avec sincérité, je ne crois pas qu’un pareil langage soit jamais sorti de la bouche de M. le ministre de l'intérieur ; mais il est de son intérêt, et je dirai qu’il est de l’intérêt des universités de l’Etat que ces paroles soient démenties, et je suis persuadé que M. le ministre de l'intérieur s’empressera de le faire lorsque j’aurai cessé de parler.
Mais, messieurs, il ne suffira cependant pas que M. le ministre de l'intérieur dénie ces paroles ; il faudra qu’il prouve, par l’intérêt qu’il témoignera aux universités, que réellement il désire leur succès.
Or, si les renseignements que j’ai reçus sont exacts, il en résulterait que sous certains rapports on néglige quelque peu les universités de l'Etat, et que surtout on oublie la surveillance toute de bienveillance, que le gouvernement doit exercer sur elles.
Je pourrais citer beaucoup de faits. Mais pour être bref, je ne dirai que quelques mots relativement à l’état de l’enseignement à l’université de Gand. Et tout d’abord je déclare que, bien que ces renseignements aient été puisés à des sources certaines, que je regarde au mois comme certaines, je désire qu’on m’ait induit en erreur, et que M. le ministre de l'intérieur puisse, soit aujourd’hui, soit plus tard, détruire une partie de ces faits.
Messieurs, il y a à Gand 37 professeurs, dont 16 professeurs ordinaires, 19 professeurs extraordinaires et 2 agrégés. La faculté de médecine seule compte 10 professeurs et 2 agrégés : le personne y est donc plus qu’au complet, puisque l’article 10 de la loi organique sur l’enseignement porte qu’il y aura huit professeurs en médecine, et qu’en cas de nécessité, un ou deux professeurs de plus pourront y être nommés.
Cependant, messieurs, malgré ce personnel si nombreux, pendant deux ans les cours d’anatomie comparée et d’hygiène n’ont pas été donnés. Remarquez-le bien, ces deux cours forment la moitié des matières sur lesquelles doivent rouler les examens pour la candidature.
Il paraît messieurs, que les choses en sont venues à tel point que la faculté de médecine de Gand a dû se réunir ces jours derniers pour prendre des mesures à ce sujet, parce que le professeur de physiologie comparée avait déclaré qu’il ne pouvait pas continuer son cours, si on laissait plus longtemps les élèves dans l’ignorance des parties anatomiques dont il devait expliquer les fonctions. La faculté doit avoir déclaré que si le professeur d’anatomie comparée ne faisait pas son cours, elle prierait un autre professeur de le faire à sa place et qu’elle prendrait sur elle la responsabilité d’une pareille mesure, mesure à laquelle elle était obligée d’avoir recours par suite de la non-intervention du gouvernement.
Pendant le semestre d’été de 1839, le cours de clinique n’a pas été donné parce que le professeur avait obtenu du gouvernement la permission de voyager. Le cours théorique d’ophtalmologie ne se donne pas en ce moment ; le cours de géologie n’a pas été donné depuis deux ans et ne se donne pas encore aujourd’hui. Le professeur d’architecture nommé en 1835 n’a commencé ses leçons qu’en 1839. Il en a donné, assure-t-on, 19 l’année dernière, et d’après le programme du premier semestre de cette année, que j’ai eu sous les yeux, le nombre de ses leçons sera encore très restreint.
La physique industrielle et la chimie appliquée ne se donnent qu’une fois par semaine. Ce dernier cours est cependant du plus haut intérêt pour les élèves de l’école du génie civil.
Le professeur d’archéologie a fait, avec l’autorisation du gouvernement, un fort long voyage en Italie, voyage pendant lequel son cours a été suspendu.
Ce qu’il y a de plus fort, c’est que les cours de droit commercial n’a pas encore été donné. Mais le titulaire de ce cours a été nommé en 1837, et ce titulaire, c’est le bourgmestre de Gand. Il est bourgmestre et professeur depuis plus de trois ans et il n’a pas donné une seule leçon ; il ne laisse pas de toucher ses appointements et comme bourgmestre et comme professeur.
Messieurs, je désire qu’il y ait des inexactitudes dans ces renseignements ; je les soumets au ministre afin qu’après avoir pris de son côté des informations s’il le juge nécessaire, il puisse rectifier ce qu’il peut y avoir d’inexact, ce que je verra avec plaisir, dans l’intérêt de l’enseignement supérieur.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’honorable préopinant s’est étonné de ce que le ministère n’ait pas parlé du projet de loi relatif à l’enseignement primaire et moyen. La chambre est saisie de ce projet ; dans plusieurs occasions nous avons exprimé le désir qu’il fût mis en discussion. Mais le moyen le plus efficace d’arriver à la discussion et au vote de ce projet et de beaucoup d’autres, c’est d’obliger autant que possible nos débats. Vous savez quelles sont les circonstances extraordinaires d’ailleurs qui, l’an dernier, ont absorbé pour ainsi dire toute la session, non seulement les discussions politiques mais les discussions de diverses lois qui ont dû suivre l’exécution du traité ; de sorte que l’année dernière il était impossible de s’occuper d’une semblable loi.
En ce qui concerne le propos qu’on m’a prêté et que j’aurais tenu à des personnes de Gand, j’en fais ici la dénégation la plus formelle ; je le fais avec d’autant plus de verve, que jamais telle n’a été mon opinion. Je sais que l’enseignement qu’on donne aux universités de Liége et de Gand est de nature à rassurer les pères de famille, de sorte que je n’ai aucun motif moral pour blâmer l’enseignement qui se donne dans les universités de l’Etat.
Quant à la négligence qu’on prétend exister dans la surveillance, je ne puis l’admettre. Les inspecteurs administrateurs des deux universités de Gand et de Liége sont pleins de zèle, chacun leur rend justice à cet égard. Les dispositions organiques de la loi du 27 septembre 1835 sont extrêmement précises ; à tel point que chaque fois qu’un professeur ne donne pas son cours, il est obligé d’en informer le recteur ; et il doit être tenu un registre de points indiquant les leçons non données, et les motifs pour lesquels elles ne l’ont pas été.
Il est vrai que quelques cours n’ont pu être donnés par une raison fort simple, parce qu’ils n’étaient pas fréquentés. Pourquoi n’étaient-ils pas fréquentés, parce que les matières qu’on y enseigne ne sont pas encore comprises dans les examens, attendu que, d’année en année, on a prorogé la loi transitoire. C’est pour ce motif que, dans le rapport sur les universités, j’ai exprimé le désir que le projet présenté en décembre 1838 pût être discuté prochainement, afin d’arriver à un état définitif et de faire cesser ces dispositions transitoires.
Maintenant, je puis, pour autant que ma mémoire soit fidèle, répondre à quelques-unes des spécialités citées par le préopinant.
Selon lui, l’anatomie comparée n’est pas enseignée ; c’est une erreur, elle a été enseignée d’abord par un professeur de la faculté des sciences, qui fait le cours de zoologie. Postérieurement elle a été enseignée par un agrégé d’un haut mérite, lequel indépendamment des leçons qu’il a données, a fait beaucoup de préparations remarquables pour le cabinet d’anatomie comparée.
Il est vrai que, pendant l’année dernière, cet agrégé n’ayant pas pu obtenir de promotion, s’est retiré de l’université de Gand. Mais j’ai chargé l’administrateur inspecteur de s’entendre avec lui et de lui assurer une indemnité à raison des préparations qu’il ferait, en même temps qu’il donnerait ses cours, en attendant qu’il puisse être nommé professeur, emploi qui lui est destiné.
Il est à remarquer qu’un professeur est atteint d’une infirmité complète, à l’université de Gand, c’est M. Houdet. Son cours a dû être donné par un autre professeur.
M. de Brouckere – Ce n’est pas de lui que je veux parler.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Vous avez parlé du nombre des professeurs, j’ai cité M. Houdet pour faire voir que le nombre était réduit de fait.
Un des professeurs de clinique, car il y en a deux, a été également indisposé pendant le deuxième semestre ; il a été obligé de faire un voyage à l’étranger ; mais le cours a été donné constamment par l’autre professeur, qui est un ancien professeur de l’université de Gand.
M. de Brouckere – Mais ce n’est pas le cours de clinique interne.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je vous demande pardon, il y a deux cours de clinique interne ; l’un a été constamment donné, l’autre ne l’a pas été pendant l’été dernier, mais ils sont donnés tous les deux actuellement.
Je ne pourrais pas répondre pour le moment en ce qui concerne le cours d’hygiène ; peut-être les élèves n’ont-ils pas trouvé nécessaire de fréquenter ce cours. Au reste, je prendrai des renseignements.
Le cours de zoologie doit avoir été donné ; je ne sache pas que le professeur se soit absenté, c’est un homme très instruit et très actif…
M. de Brouckere – Je n’ai pas parlé du cours de zoologie, mais de celui de géologie.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Ce cours est dans les attributions de M. Margerin, et il doit avoir donné ses leçons.
M. de Brouckere – Puisque vous le nommez, je vous dirai que M. Margerin n’a pas donné une seule leçon.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le cours d’archéologie est donné par un professeur très distingué qui fait son cours avec beaucoup de talent et a écrit des ouvrages remarquables. Il s’est toujours montré très zélé ; je ne crois pas qu’il n’ait pas donné ses leçons. Il a fait, en effet, un voyage en Italie, mais c’est pendant la vacance, après avoir achevé son cours ; et ce voyage prouve encore son amour pour la science.
Le cours de droit commercial n’a pas été donné, mais la connaissance des matières qu’il comprend n’est pas obligatoire pour l’examen. Le cours avait été annoncé ; comme il n’y avait pas d’inscriptions, il était inutile de le donner.
Voilà les faits qui sont présents à ma mémoire. Je suis persuadé que l’administrateur inspecteur de l’université de Gand met un zèle tout particulier à remplir ses fonctions, et tout le monde sait combien il attache de prix à la prospérité de cette université.
Le corps enseignant a rendu souvent témoignage de son zèle.
M. Delehaye – Les faits signalés par M. de Brouckere existent, mais quelques professeurs, pour des motifs fondés, n’ont pu, pendant quelques temps, donner leurs cours. C’est ainsi que M. Houdet est malade depuis plusieurs années ; M. de Brouckere n’avait pas fait attention à ce professeur, mais je viens confirmer ce qu’a dit à son égard M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre a dit qu’un professeur attaché à la faculté de droit n’avait pas donné son cours parce qu’il n’y avait pas d’élèves. Mais s’il n’y a pas d’élèves, il me semble qu’il y avait un autre parti à prendre, c’était de ne pas nommer de professeur. Le professeur de droit commercial n’a pas été nommé dès l’organisation de l’université de Gand, ce n’est que longtemps après qu’il a été nommé. Pour ma part, je ne dirai pas les motifs de cette nomination : j’ai eu occasion de me prononcer à cet égard, je ne veux pas répéter ce que j’ai dit. La raison donnée par M. le ministre de l'intérieur n’est donc pas admissible.
Quant à la faculté de médecine, je pense que c’est celle qui mérite le plus de bienveillance de la part de la chambre. Il en est sorti des élèves très distingués ; et des médecins dont tout le monde apprécie le mérité lui ont rendu cette justice. Les élèves de cette université sont nombreux et ils rendent des services très signalés.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – A l’époque de la nomination de ce professeur, je ne savais pas que nous serions encore aujourd’hui sous l’empire des dispositions transitoires. Ce professeur est en état de donner son cours avec succès ; il sera rendu incessamment à l’enseignement suivant le désir qu’il en a exprimé lui-même. Quand les dispositions transitoires auront cessé d’être en vigueur, ce cours sera donné et le sera, je le répète, avec succès.
- L’article 1er est adopté.
« Art. 2. Universités : fr. 599,348. »
« Art. 3. Frais de l’école industrielle de Gand : fr. 10,000. »
« Art. 4. Frais d’inscription des athénées et des collèges : fr. 8,800. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 5. Subsides annuels aux établissements d’enseignement moyen : fr. 113,000. »
M. de Langhe – Messieurs, je viens m’élever contre la distribution inégale du chiffre de cet article ; En effet, si vous examiner l’état de répartition fourni par M. le ministre, vous verrez que Bruxelles a 23,000 francs, Namur 20,500 francs, Tournay 15,700 et Bruges seulement 6,350 ; Gand rien ; Anvers je ne sais s’il y a un athénée. Si vous descendez aux collèges proprement dits, vous verrez que trois provinces, les deux Flandres et la province d’Anvers, ne reçoivent aucun subside pour les établissements de ce genre. On dira peut-être que c’est faute de sollicitations. Cependant il est à ma connaissance qu’il en a été fait pour des villes qui étaient aussi fondées à obtenir que d’autres qui reçoivent. En effet, sur quoi base-t-on la nécessité de donner des subsides à des collèges ? C’est sur la prospérité des établissements et le défaut de ressources des villes. Or, la ville d’Ypres a fait une demande dans ce sens. Cette ville, outre que son état financier est assez embarrassé, a des dépenses qui lui sont particulières, elles paie des indemnités pour des pillages, car elle ne s’est pas laissé condamner, elle a transigé ; elle paie tous les ans des sommes considérables pour cet objet ; elle fait d’un autre côté des sacrifices considérables pour avoir un collège qui est dans un état prospère, car il a une centaine d’élèves, ce qui est beaucoup, pour une ville qui n’est pas considérable ; mais ces sacrifices, elle ne pourra pas les faire toujours, ou bien il faudra qu’elle ajourne d’autres dépenses essentielles. Je demander qu’on répartisse plus équitablement le crédit dont il s’agit, qu’on en donne une part quelconque aux provinces qui paient une large part dans les impôts, au lieu de donner tout aux mêmes provinces, comme on l’a fait jusqu’aujourd’hui.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’observation de l’honorable préopinant a été présenté déjà plusieurs fois. Jusqu’à présent on s’était borné à répondre qu’on attendait le vote de la loi sur l’enseignement moyen pour aviser à une répartition définitive de l’allocation dont il s’agit ; je sais qu’il existe des inégalités entre les différentes provinces, mais ce sont des faits bien établis depuis longtemps.
- L’article 5 est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Indemnité aux professeurs démissionnés dans les athénées et les collèges : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Instruction primaire : fr. 275,000. »
M. de Langhe – Je regrette de devoir demander encore la parole ; mais comme c’est une discussion d’articles, il faut bien présenter ses observations quand on arrive aux articles auxquels elles se rapportent.
Je remarque que la répartition des fonds pour l’enseignement primaire se fait d’une manière aussi inégale que celui destiné à l’enseignement moyen. Je vais citer les chiffres, je négligerai les centaines pour qu’on puisse mieux les saisir. La province d’Anvers reçoit 16,000 francs, le Brabant 30,000 francs, la Flandre occidentale 20,000 francs, la Flandre orientale 17,000 francs, le Hainaut 23,000 francs, la province de Liége 36,000 francs, la province de Limbourg 10,000 francs, la province de Luxembourg 10,000 francs et la province de Namur 28,000 francs.
Vous voyez encore ici, comme à l’article précédent, que ce sont les deux Flandres et la province d’Anvers qui reçoivent le moins, car je ne compte pas les provinces de Limbourg et du Luxembourg, qui, réduites comme elles le sont, ont plus que la Flandre ; car le Limbourg reçoit 10,000 francs. Si on compare sa population à celle de la Flandre occidentale, la Flandre occidentale devrait en avoir 40,000 francs ; si on compare les contributions payées par les deux provinces, la différence est encore plus forte.
Je demande qu’on avise à une répartition plus égale, qu’on ne craigne pas de blesser des droits acquis car les secours sont annuels. Si de crainte de blesser des droits acquis, on hésite à faire une répartition plus égale entre les provinces, c’est le moyen de donner raison à une opinion qui s’accrédite dans les Flandres qu’elles paient pour les autres sans espoir d’avoir leur part des faveurs du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’observation de M. de Langhe perd de son importance, depuis plusieurs années, car les subsides accordés aux deux Flandres ont été augmentés d’année en année. Je rappellerai un fait qui a influé sur la répugnance dans les Flandres, c’est qu’on y avait une certaine répugnance à demander pour cet objet des secours au gouvernement. La plupart des communes préféraient pourvoir à leurs frais à l’enseignement primaire ; c’est une raison d’indépendance qui semblait diriger un grand nombre d’administrations communales. Mais le chiffre des subsides accordés aux Flandres, je le répète, a été augmenté annuellement. Il y a encore une somme de 4,100 francs de subsides extraordinaires accordés aux établissements de la Flandre occidentale.
M. de Langhe – Cette somme est comprise dans le chiffre que j’ai indiqué.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne crois pas ; le fait est que divers subsides ont été accordés, suivant que les demandes ont été reconnues fondées. Un fait notoire, c’est que dans les Flandres, il y a un moins grand nombre de communes, la population de chacune d’elles est très considérable, tandis que dans d’autres provinces, les provinces de Liége, de Namur et de Luxembourg, il y a une foule de petites communes qui seraient dans l’impossibilité de suffire aux dépenses de leurs écoles.
M. Lebeau – Tout en reconnaissant ce qu’il peut y avoir de juste dans les observations de l’honorable M. de Langhe, je pense qu’il serait dangereux d’y faire droit immédiatement, en ce sens qu’on reprendrait à telle province pour reporter sur telle autre. Je pense que l’état de choses dont on se plaint ne peut cesser que quand on organisera l’enseignement moyen et l’enseignement primaire. Il y a la même raison pour demander le statu quo pour l’instruction primaire que pour l’enseignement moyen.
L’honorable membre se rendrait facilement compte des chiffres des subsides accordés pour l’enseignement moyen s’il voulait considérer que ces établissements sont la continuation d’établissements modèles, qui était sous la main du gouvernement. Les athénées de Tournay, de Bruxelles et de Namur, qui ont été organisés pour devenir des établissements modèles d’enseignement ont été montés à très grands frais. Sous peine de les bouleverser de fond en comble, il faut respecter ce qui est, jusqu’à ce que l’enseignement moyen ait été organisé et que la chambre se soit prononcée sur l’enseignement modèle à établir dans telle ou telle province, sinon dans toutes.
Quant à l’enseignement primaire, l’honorable membre a perdu de vue qu’il y a plusieurs règles de répartition adoptées par le gouvernement qui me paraissent parfaitement justes ; c’est qu’en général, dans les subsides dévolus aux communes, le gouvernement a égard à ce que font les communes et à ce que font les provinces. De cette façon, l’honorable membre aurait pu s’expliquer comment Namur se trouve en quelque sorte privilégié, si on la compare à d’autres provinces. C’est que la province de Namur, malgré l’exiguïté des ressources provinciales s’est placée au premier rang, pour les efforts faits en faveur de l’enseignement primaire. Vous en serez convaincus, quand je vous dirai qu’en dix années la caisse provinciale a alloué plus de 250,000 francs, à l’enseignement primaire, pour construction et ameublement d’écoles et supplément de traitement aux instituteurs. Par la menace ensuite de retirer ses subsides, vous sentez quel puissant stimulant elle a su avoir sur les caisses communales, vous sentez comment elle a su déterminer les communes à faire de grands sacrifices, et déterminer aussi le gouvernement à lui accorder des secours plus forts qu’à d’autres provinces, eu égard à sa population.
Je pense qu’il serait inconsidéré, inopportun de toucher aux subsides qui sont la base d’établissement existants ; on leur porterait une forte atteinte si on changeait la répartition actuelle ; mais j’appelle de tous mes vœux, pour satisfaire à de justes exigences, la discussion de la loi sur l’enseignement moyen et l’enseignement primaire.
Je crois qu’à cet égard toutes les opinions doivent demander la fin du provisoire qui règne depuis dix ans.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Les instituteurs reçoivent des rétributions plus abondantes dans les grandes communes que dans les petites ; dans ces petites communes, les rétributions des élèves sont plus rares et plus faibles. En outre, comme vous pouvez vous en assurer par un tableau distribué à la suite du rapport sur le budget de 1833, il est beaucoup de bureaux de bienfaisance qui accordent des subsides pour l’instruction primaire. Dans tout état de choses, nous faisons la répartition de la manière la plus équitable qu’il nous est possible, et sans égard à telle ou telle localité.
M. de Langhe – Le ministre dit que les communes des Flandres, étant plus populeuses, ont besoin de moins de secours ; mais en examinant le tableau de la répartition, je ne vois pas qu’on ait suivi la proportion indiquée par le ministre. Dans la ville de Liége, les instituteurs reçoivent 533 francs, tandis que les instituteurs de petites communes reçoivent 100 francs et moins. Je fais des vœux, comme tout le monde pour que la loi sur l’instruction primaire soit discutée ; cette loi mettrait fin à des distributions aussi arbitraires. Mais, comme nos travaux sont considérables, je crains qu’on ne s’en occupe pas cette année. D’ailleurs on craint de l’aborder.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Les choses ne sont pas entières pour faire la répartition. Annuellement j’ai eu soin de demander aux députations permanentes si les subsides de telle ou telle localité devaient être maintenues ; si une autre répartition entre les communes pouvait être préférable ; mais les avis ont été presque constamment de conserver les choses comme elles étaient. Il est rare qu’une administration non provinciale propose un changement de répartition. J’ai dit que dans la Flandre il y avait de grandes communes qui pouvaient suffire aux besoins des instituteurs ; mais je n’ai pas dit que la population devait être la règle de la répartition. Les répartitions sont basées sur les faits préexistants et sur les besoins ; nous n’avons pas de motifs pour préférer une localité à une autre.
M. Fleussu – Pour répondre aux observations de M. de Langhe, j’aurai l’honneur de lui faire remarquer qu’indépendamment des 500 francs accordés en subsides, la ville de Liége donne des suppléments considérables aux instituteurs ; il n’est pas de ville qui fasse autant de sacrifices que Liége pour l’instruction primaire et secondaire, et aussi pour l’instruction supérieure. Mais ce n’est pas de cela dont je voulais vous entretenir.
Messieurs, nous avons fait jusqu’à présent quelque chose pour l’enseignement ; mais c’est pour l’enseignement qui concerne les classes élevées de la société. Nous avons organisé le haut enseignement ; on l’a même organisé dans une proportion très large, et des institutions libres sont venues se joindre aux institutions de l'Etat. On a parlé tout à l’heure de l’université de Gand ; je dirai que l’université de Liége est dans un état satisfaisant, et que quand on aura amélioré la loi sur le haut enseignement moyen, qu’on aura révisé la loi du jury d’examen contre laquelle il y a préjugé dans le public, je crois que l’université de Liége pourra soutenir avec avantage la concurrence contre toutes les institutions rivales.
Maintenant, messieurs, je voudrais que l’on fît quelque chose pour la classe ouvrière ; c’est dans ce but que j’appuie de tous mes vœux, que je provoque de tous mes efforts une loi sur l’instruction primaire, car nous n’avons rien fait pour la classe ouvrière, et c’est dans la loi sur l’instruction primaire que la classe ouvrière trouvera des éléments d’amélioration morale.
Indépendamment de cette loi, je voudrais qu’il y eût dans les budgets de l'Etat des fonds pour venir en aide à l’ouverture d’écoles industrielles, car l’industrie a pris un élan extraordinaire.
On pourrait croire qu’il n’y a qu’une école industrielle en Belgique ; c’est une erreur. Liége possède aussi une école industrielle qui a été ouverte par les soins d’hommes généreux, et qui présente aux ouvriers d’immenses avantages.
Dans les soirées, la classe ouvrière va y recevoir des principes de moralité, et des leçons relatives au arts et mesures qu’elle exerce. Il y a là de grands avantages. Cette école est suivie très assidûment ; les leçons y sont très bien données ; mais vous sentez que les rétributions y manquent, et qu’elle ne reçoit pas tous les développements dont elle est susceptible ; il serait à désirer que le gouvernement vînt à son aide. Ne croyez pas que ce soit par un sentiment de jalousie que je parle ; non, messieurs ; je suis satisfait que le gouvernement aide l’école de Gand ; je demanderai seulement qu’il subsidiât aussi l’école de Liège ; ainsi que d’autres écoles industrielles qui pourraient s’ouvrir dans d’autres communes, et pour cela je propose l’amendement suivant :
« Pour favoriser les écoles industrielles : fr. 23,000. »
Cette somme est laissée à la disposition du ministre ; et dans la somme de 23,000 francs, je comprends les 10,000 francs déjà portés au budget ; en sorte que la majoration est de 15,000 francs.
M. Delehaye – Je me proposais de répondre au ministre de l'intérieur relativement aux Flandres.
La Flandre orientale avait porté dans son dernier budget encore une somme assez forte pour les écoles primaires ; à Gand on a établi un école normale. Les Flandres se sont efforcées de faire des sacrifices pour l’enseignement primaire, même quand le gouvernement ne les aidait pas.
M. Dumortier – Messieurs, j’ai demandé la parole pour combattre la proposition de mon honorable ami M. Fleussu. Je ne crois pas qu’il faille augmenter les subsides dont jouit la ville de Liége, quand il est constant que c’est la ville qui prend le plus à la Belgique. Si vous examinez le chapitre de l'instruction, vous verrez que la province du Hainaut, qui a 600 mille habitants, touche bien moins que la province de Liége, qui n’a pas les deux tiers d’habitants ; cette province de Liége touche 30 mille francs.
Il faut que les comunes fassent quelque chose par elles-mêmes ; il n’y a pas de provinces en Belgique où il y ait autant de communes que dans le Hainaut ; cependant il est abandonné, tandis que la province de Liége reçoit des subsides de toute espèce, indépendamment des 30,000 francs pour l’instruction primaire ; la ville de Liége a une université qui coûte environ 300,000 francs ; elle possède en outre une école des mines ; elle a encore un subside pour son collège ; et l’on demande par-dessus tout un subside pour son école industrielle. J’oubliais de noter qu’elle a un subside pour son conservatoire ; elle a des subsides pour toutes sortes de choses.
Qu’avons-nous à Tournay ? Depuis 1500 ans il y avait un collège dans cette ville ; je puis le démontrer ; c’est la première ville qui en Belgique ait eu des écoles ; cependant elle n’a pas eu d’athénée ; elle méritait bien d’en possédé un. L’Etat s’étant emparé des biens du collège, il était assez juste d’en établir un autre.
Mais comment les choses se sont-elles passées depuis la révolution ? Loin d’avoir obtenu une amélioration, la vile de Tournay a vu diminuer les subsides qu’on lui accordait, de 4 ou 6 mille francs, et c’est la seule ville de Belgique dont les subsides aient été diminués.
Voilà, messieurs, ce que nous acons obtenu du gouvernement.
Maintenant, messieurs, nous avons à Tournay, comme on l’a à Liége, un conservatoire de musique, mais nous ne recevons pas un sou du gouvernement pour cette institution, cependant, nous avons des artistes très distingués. Nous avons une académie de peinture pour laquelle nous ne recevons également pas un sou ; malgré cela je crois qu’il y a peu de villes qui puissent citer des noms aussi glorieux que ceux que nous avons produits. Nous avons une école d’industrie pour laquelle nous ne demandons pas un sou à l’Etat, que les autres localités fassent comme nous faisons, que chacun subsidie ses établissements. Si nous voulons tout mettre à la charge de l'Etat, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera évidemment que le budget de l'Etat deviendra énorme. Depuis la révolution on a constamment suivi ce système qu’on ne saurait assez déplorer : on a toujours réduit les dépenses des communes et des provinces pour augmenter les dépenses de l’Etat ; il s’ensuit que la situation financière de l'Etat est de plus pitoyable. Je le répète donc, il faut, autant que possible, laisser à chacun le soin de satisfaire aux besoins de sa localité. Nous ne demandons rien pour notre école d’industrie et nous n’appuyons pas non plus la proposition de l’honorable M. Fleussu ; cependant si le crédit était adopté par la chambre, j’espère bien que nous en aurions notre part, comme l’exige la justice distributive.
Pour être juste, messieurs, il faudrait toujours proportionner les subsides que l’on accorde aux différentes localités, aux sacrifices que chacune d’elles s’impose ; ce serait là le meilleur moyen de stimuler leur zèle, d’obtenir des résultats importants.
Cependant, messieurs, le gouvernement a adopté un système tout contraire ; telle localité obtient tout ce qu’elle demande, tandis que telle autre n’obtient rien. Voulez-vous une preuve, par exemple, des faveurs dont jouit la province de Liége ? Eh bien, messieurs, dans le crédit alloué pour la construction de routes, la province de Liége a obtenu deux millions, et elle a contribué pour 5 ou 6 cent mille francs, elle est ses communes tandis que le Brabant, qui a contribué pour deux millions et demi, n’a reçu que 500,000 francs ; le Hainaut s’est trouvé à peu près dans le même cas que le Brabant. Vous voyez donc, messieurs, qu’il y a des provinces qui jouissent d’un véritable privilège, et cela parce que, comme l’a dit si spirituellement l’honorable M. Desmet, nous avions un ministère de Meuse et Moselle. Ce sont là des abus, messieurs ; il faut que les crédits que nous votons tous les ans soient partagés dans une proportion juste et équitable ; il n’y a point de frères bâtards en Belgique, tous les Belges sont égaux et tous doivent jouir également des dons de l’Etat.
En résumé, messieurs, je crois qu’il n’u a pas lieu d’adopter la majoration demandée ; ce n’est pas au moment où nous sommes obligés d’avoir recours à toutes les économies pour tâcher de diminuer autant que possible le déficit de nos finances, ce n’est pas en ce moment que nous devons prendre l’initiative de voter de nouvelles dépenses qui ne sont aucunement justifiées ; ce serait là un très mauvais système, et pour mon compte je ne l’adopterai pas.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je dois faire connaître à la chambre que déjà la régence de Liége s’est adressée au gouvernement à l’effet d’obtenir un subside pour l’école dont a parlé l’honorable M. Fleussu, et que, mu par des considérations d’équité, je n’ai pas cru pouvoir accéder à cette demande.
Mais il est un autre subside que nous serons dans le cas de réclamer pour Liége, dans le prochain budget, c’est le subside nécessaire pour l’organisation des ateliers de travail dans l’école des arts et manufactures attachée à l’université ; nous désirons que cette école des arts et manufactures soit aussi complète que possible ; la régence de Liége et le conseil provincial on alloué les fonds nécessaires pour la construction des bâtiments, et pour les besoins du matériel de cet établissement, mais, d’après les arrangements que nous avons faits, nous vous proposerons de porter au budget les traitements qu’il y aura à allouer. C’est précisément parce que comme je l’ai déjà dit, nous tenons à ce que l’école dont il s’agit soit aussi complète que possible, que nous désirons ne pas reporter une partie du subside qui pourra être alloué sur d’autres établissements qui ont une importante infiniment moindre.
Nous avons, messieurs, déjà fait quelque chose pour l’ensemble industriel ; nous avons, par exemple, soutenu l’école industrielle de la ville de Verviers, nous avons aidé la ville de Tournay pour la création d’une école de métiers. Vous savez que Tournay est renommé pour la bonneterie, et il est bien à désirer que cette ville soit mise en mesure de soutenir la concurrence avec la France qui est extrêmement avancée dans la fabrication de la bonneterie ; la ville de Tournay et le conseil provincial du Hainaut ont fait de très grandes dépenses pour les frais de premier établissement de l’école dont il s’agit, et de notre côté nous lui accordons annuellement une somme de 5,000 francs.
Après cela je pense qu’il y a encore quelques localités où il serait utile de pourvoir à l’enseignement industriel, par exemple, il est possible que la ville de Saint-Nicolas et une ville de la Flandre occidentale soient aidées pour la création d’établissements de cette nature : jusqu’à présent les propositions qui nous sont faites à cet égard n’ont pu être mûries, mais je me propose de faire ultérieurement à la chambre un rapport sur cet objet et de demander aussi les fonds nécessaires ; car il est utile pour notre industrie de favoriser autant que possible la création ou le développement de semblables établissements.
M. David – Je voulais, messieurs, appuyer la proposition que vient de faire l’honorable M. Fleussu, et je le ferai malgré les communications que vient de nous faire M. le ministre de l'intérieur, qui paraît d’ailleurs avoir de bonnes vues sur l’avenir des écoles industrielles.
Je dirai donc que je ne vois figurer au budget de subsides que pour l’école industrielle de Gand. Et, messieurs, existe-t-il une ville qui puisse mieux mériter un subside du gouvernement que la ville de Liége pour des écoles de ce genre ?
Sans contester l’immense importance du Hainaut, sans contester son excédant de population sur celle de Liége pour la quotité de subsides que les deux provinces ont le droit de recevoir du gouvernement, je ferai observer à l’honorable M. Dumortier que nous ne parlons ici que d’écoles industrielles. Où pourrait-on placer une école industrielle avec plus de chance de succès, à côté de plus d’avantages signalés que dans une ville de Liège, qui compte une foule d’industries.
Messieurs, vous serez donc d’accord avec moi que la province de Liége, qui déjà possède l’utile institution d’une école industrielle, non subsidiée encore par l’Etat, a des droits incontestables nos faveurs.
Jusqu’à présent le matériel de l'école industrielle de la ville de Liége est extrêmement insignifiant et pourtant, messieurs, la province doit conserver et améliorer tous les éléments de sa prospérité, elle doit surtout conserver sa grande et antique réputation industrielle.
Je demande donc en faveur de cette province une bonne part dans la répartition du subside que je ne doute pas que n’amènera la proposition de mon honorable collègue, M. Fleussu.
M. A. Rodenbach – Sans vouloir énumérer les subsides que l’on accorde à la province de Liége, à la province du Hainaut et à d’autres localités pour des écoles industrielles, je dirai que c’est la Flandre occidentale qui reçoit peut-être la part la plus minime de tout le royaume dans les subsides qui sont accordés pour cet objet. Cependant, M. le ministre vient d’avouer qu’il y a aussi quelque chose à faire pour cette province ; si la proposition de M. Fleussu pouvait avoir quelque chance de succès je demanderais aussi une somme de 15,000 francs pour ma province et je crois qu’on ne pourrait pas refuser ce subside si l’on en adopte un pour d’autres localités. La ville de Bruges demande à organiser une école d’arts et métiers, et elle ne peut y parvenir ; cependant, s’il y a une ville en Belgique pour laquelle il serait juste de faire quelque chose, c’est à coup sûr la ville de Bruges qui ne compte pas moins de 20,000 pauvres sur une population de 45,000 âmes.
Il me semble donc que l’on devrait bien aider la ville de Bruges à organiser une école industrielle, et si je vois que la proposition de M. Fleussu a des chances de succès, j’en ferai une semblable en faveur de ma province.
M. Fleussu – Je suis étonné, messieurs, et à bon droit, des susceptibilités que ma proposition a excitées chez quelques honorables membres de cette assemblée, et surtout chez l’honorable M. Dumortier. On dirait, à entendre cet orateur, que si les sciences sont cultivées avec soin dans la ville de Liége, c’est au détriment de la ville de Tournay.
Je n’ai pas voulu le moins du monde établir une rivalité entre Liége et Tournay, pas plus qu’entre Liége et Gand ; ma proposition est générale et je m’aperçois qu’elle a été mal comprise. En effet, messieurs, je n’ai rien demandé pour la ville de Liége exclusivement ; j’ai fait observer que jusqu’à présent (et il y a dans ma proposition une question d’humanité qui n’a pas été assez appréciée,) j’ai fait observer, dis-je, que jusqu’à présent on a fait de grands sacrifices pour l’enseignement supérieur, c’est-à-dire pour celui qui est destiné aux classes les plus aisées de la société, mais que pour les classes malheureuses, pour les classes ouvrières, il n’a encore rien été fait depuis la révolution ; j’ai demandé qu’enfin l’on songeât aussi à faire quelque chose pour développer les facultés de l’artisan ; j’ai dit que je désirais vivement voir ouvrir partout (je n’ai pas dit à Liége, mais j’ai dit partout) des écoles industrielles, et j’ai demandé que, pour favoriser l’ouverture de semblables écoles, des fonds fussent mis à la disposition de M. le ministre de l'intérieur ; voilà, messieurs, la proposition que j’ai faite, et il ne s’agit pas là de la moindre rivalité entre Liége et une autre province quelconque.
Je suis fort étonné, messieurs, qu’une semblable proposition ne soit pas appuyée par le ministère, je ne conçois pas, en effet que lorsque nous voulons rendre un véritable service au gouvernement en cherchant à le mettre à même d’améliorer le sort des classes malheureuses, je ne conçois pas qu’alors le gouvernement nous laisse seuls et que M. le ministre ne trouve pas à dire un seul mot en faveur d’une semblable proposition.
L’honorable député de Tournay a parlé de sacrifices que font certaines villes et du peu de secours qu’elles obtiennent du gouvernement, mais la ville de Liége ou plutôt la province (car on a constamment confondu la ville et la province) oh ! celle-là, est réellement l’enfant gâté du ministère ; vous avez vu, dans la répartition de l’emprunt de 6 millions, combien elle a été favorisée : elle a eu deux millions pour ses routes ! Le Hainaut au contraire n’a obtenu qu’une faible somme. Eh bien, messieurs, qu’est-ce que cela prouve ? Que la province de Liége avait besoin de routes et que le Hainaut avait été jusque-là l’enfant gâté du gouvernement, puisqu’on lui avait fait beaucoup de routes.
On a parlé, après cela, de ce que l’instruction coûte à la ville de Tournay. Je ne sais pas, messieurs, ce qu’elle coûte à la ville de Tournay, mais je sais fort bien ce qu’elle a coûté à la ville de Liége, parce que j’ai fait partie de son administration. Eh bien, vous serez peut-être effrayés des sommes que la ville de Liége a dépenses dans l’intérêt de l’enseignement ; depuis 4 ans la ville de Liége a dépensé un million pour l’enseignement tant pour l’enseignement supérieur que pour les autres branches ; elle a fait des frais considérables pour l’achat des terrains de son jardin botanique, par exemple ; elle a voté des sommes considérables pour pourvoir aux dépenses que la loi met à sa charge. Outre cela elle porte annuellement à son budget une somme de 130,000 francs pour l’enseignement. Ne soyez pas étonnés, après cela, que Liége produise quelque éclat ; faites les mêmes sacrifices et vous produirez le même éclat.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs…
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Eloy de Burdinne – Si j’ai le droit de conserver la parole, je ne veux pas m’en dessaisir.
M. le président – C’est pour un rappel au règlement, la parole est à M. Dubus.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je demande qu’en exécution du règlement, la discussion à laquelle la chambre se livre, ne soit pas interrompue par une proposition dont elle ne peut pas maintenant s’occuper. L’article en discussion est l’article 7 « Instruction primaire 275,000 francs. » Après que cet article a été discuté, et quand on était sur le point d’aller aux voix, un honorable député de Liége, qui avait parlé sur l’article, a proposé un amendement à l’article 3 que vous avez déjà voté, et une discussion s’est établie sur cet amendement ; mais je crois que cette discussion ne doit pas être continuée, et qu’elle a déjà duré très longtemps : plus elle durera, plus on violera le règlement ; nous ne devions pas sortir de l’article 7, et quand la discussion a été close sur cet article, nous devions le voter.
Quant à l’amendement à l’article 3, je crois qu’il est trop tard de le proposer, car cet article a été voté purement et simplement ; à la vérité, l’honorable membre a reconnu lui-même qu’il aurait dû le faire, lorsqu’il s’est agi de l’article 3 mais c’est précisément pour cela qu’il devait s’abstenir désormais de le faire, sauf à y revenir au second vote, si tant est qu’il lui soit permis d’y revenir au second vote.
Ce mode de procéder présente d’autant plus d’inconvénient que cette proposition qu’on jette ainsi inopinément dans la discussion, n’a subi aucun examen. Messieurs, nous nous partageons en sections, nous nommons des sections centrales, précisément pour que toutes les propositions du gouvernement subissent l’épreuve d’un examen. Eh bien, dans cette circonstance, alors que le gouvernement nous dit qu’il n’a pas jugé à propos d’accorder le subside qu’on demande, on prétend que la chambre, s’érigeant en quelque sorte en gouvernement, et sur le simple exposé d’un seul député de Liége, accorde le subside que l’administration n’a pas cru devoir allouer, et que la chambre l’accorde, sans que les sections et que la section centrale aient examiné la demande. Si, messieurs, nous procédons de cette façon, il est très inutile de faire examiner préalablement les budgets ; on pourra, à la séance même venir faire des propositions de crédit. Il est évident que ce n’est pas de cette manière que nous devons remplir notre mandat ; nous ne devons nous prononcer que sur ce qui a été préalablement examiné. J’ai donc ce double motif pour que l’on ne prolonge pas cette discussion et qu’on vote enfin l’article 7. Je propose donc la question préalable.
M. Fleussu – Messieurs, je suis assez étonné qu’on ait recours à une question préalable pour repousser une question d’humanité. Cependant, je veux bien rester d’accord avec l’honorable préopinant, j’aurai du peut-être présenter avec plus d’opportunité mon amendement à l’article 3. Je consens donc, pour l’observation entière du règlement dont l’honorable préopinant est si jaloux, à ce qu’on vote maintenant l’article 7 ; je présenterai mon amendement sous forme d’un article spécial qui formera l’article 9.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, lors de la discussion du budget des travaux publics, j’avais demandé la parole pour répondre quelques mots à M. Dumortier, mais la discussion ayant été close, je n’ai pu réfuter les observations de cet honorable membre ; M. Dumortier venant de reproduite les mêmes arguments, je demande la permission de lui répondre deux mots…
M. le président – Ce n’est pas la question, il s’agit de l'instruction primaire.
M. Eloy de Burdinne – M. Dumortier a mêlé dans la discussion des intérêts de localité.
M. le président – Si M. Dumortier est sorti de la question, ce n’est pas un motif pour que vous en sortiez.
- Le chiffre de 275,500 francs proposé à l’article 7 (instruction primaire) est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Subsides pour l’instruction des aveugles et sourds-muets : fr. 20,000. »
- Adopté.
M. Eloy de Burdinne – Je demande la parole.
M. le président – La parole vous est accordée.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je n’ai pas demandé la parole pour discuter l’amendement de l’honorable M. Fleussu ; mais je désire répondre quelques mots à M. Dumortier, qui a avancé quelques faits inexacts lors de la discussion du budget des travaux publics.
M. le président – Je ferai observer de nouveau à l’orateur que cet incident n’est pas en discussion.
M. Eloy de Burdinne – Les arguments de M. Dumortier exigent une réplique ; si je ne réponds pas, il est évident que tout ce que M. Dumortier a dit reste debout.
M. le président – Cela n’est pas en discussion. La parole est à M. Dumortier sur l’amendement de M. Fleussu.
M. Dumortier – Messieurs, lorsque j’ai combattu l’amendement de l'honorable M. Fleussu, mon intention n’a pas été d’établi des rivalités entre diverses localités du pays; mon but au contraire a été de faire cesser ces rivalités ; car les rivalités n’ont pour source que le privilège ; faites cesser le privilège, vous n’aurez plus de rivalité.
Messieurs, je crois avoir démontré qu’il y avait privilège pour certaines localités. On vous a dit que le Hainaut a été la province la plus favorisée et la preuve qu’on a alléguée de ce fait, c’est que le Hainaut est la province où l’on a construit le plus de routes. Mais, messieurs, l’on perd de vue que les routes qui ont été construites dans le Hainaut antérieurement à la révolution l’ont été aux dépens de la province et des communes. Nous payons encore aujourd’hui les intérêts des sommes que nous avons consacrées à la construction de ces routes, routes dont l’Etat s’est emparé. Ainsi, loin d’avoir obtenu sous ce rapport un avantage du gouvernement, nous en avons reçu un immense désavantage, il nous a dépouillés de nos propres routes pour en appliquer le fruit à d’autres provinces. Les routes qui ont été faites depuis la révolution l’ont été par concession, et n’ont rien coûté à l’Etat. Le Hainaut n’est donc nullement favorisé, mais il est constant, messieurs, que de toutes les provinces c’est celle de Liége qui a la plus forte part au budget.
M. Eloy de Burdinne – Je demande la parole.
M. Dumortier – L’honorable M. Fleussu, en me répondant, a fait valoir les immenses sacrifices que la ville de Liége s’impose pour l’enseignement. J’approuve ces sacrifices. Mais je fera remarquer que Tournay fait encore, proportion gardée, de bien plus grands sacrifices, car si, au dire de l'honorable membre, Liége dépense annuellement 130,000 francs, Tournay dont la population n’est que le tiers de celle de Liége, consacre à l’enseignement 80,000 francs par an ; il faudrait donc que Liège dépensât 240,000 francs pour atteindre à un subside équivalent au nôtre.
Vous voyez donc que de tout ceci il résulte une vérité constante, c’est que ce sont ceux qui ont le plus grand appétit qui mangent le plus au budget. (Hilarité.)
Messieurs, je pense que le moyen le plus sage de faire cesser toute rivalité, c’est d’être juste dans la répartition des deniers de l’Etat. Que le gouvernement n’accorde pas tout à certaines localités, mais qu’il fasse quelque chose en faveur de chacune des parties du pays, en proportion du fonds qu’elles dépensent annuellement dans ce même but ; alors tout ira au mieux, et il y aura une juste et utile concurrence ; mais lorsque je vois quelques provinces absorber toutes les allocations du budget, et quand je vois qu’on n’accorde rien au Hainaut qui paie plus du cinquième des revenus de l’Etat, je manquerais à mon mandat si je ne protestais contre cette inique répartition.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je demanderai à l’honorable M. Fleussu s’il a entendu comprendre dans cette disposition les ateliers de travail ; en cas d’affirmative, comme il y aura une dépense de ce genre à faire à l’école des arts et manufactures de l’université de Liége, loin de combattre l’amendement, je l’appuierai : ce sera autant de fait pour le budget prochain. Mais si l’amendement se rapporte uniquement à l’école citée par l’honorable membre, je dois à la vérité de dire qu’après avoir examiné la demande de la régence de Liége, et pris en considération les ressources de cette ville, ainsi que les divers subsides dont elle jouit, je n’ai pas cru pouvoir faire une proposition spéciale à ce sujet.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, l’honorable M. Dumortier prétend que la province de Liége jouit de toutes les faveurs. Il a cité entre autres un chiffre de deux millions qui aurait été accordé à cette province pour construction de routes.
Eh bien, je dis, moi, que ce n’est qu’un acte de justice ; c’est une restitution de ce que la province de Liége a fait pour d’autres provinces et en particulier pour le Hainaut.
Le Hainaut a obtenu un canal de Mons à Condé. Eh bien, la province de Liége a dû contribuer dans les frais de construction de ce canal, et y a contribué pour une assez forte somme. En outre, la province de Liége a dû contribuer pur la construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc. On n’avait rien fait autrefois pour la province de Liége, et aujourd’hui on commence à acquitter la dette que l’Etat a contractée envers cette province.
A entendre l’honorable M. Dumortier, l’on n’aurait rien fait pour le Hainaut. N’a-t-on pas racheté le canal d’Antoing ?...
M. Dumortier – Il rapporte 10 p.c. ; c’est une affaire assez avantageuse, ce me semble.
M. Eloy de Burdinne – M. Dumortier dit que ce canal rapporte 10 p.c.; on pourrait lui demander ce que rapporteront à l’Etat les routes que l’on a construites dans la province de Liége.
D’après l’honorable M. Dumortier, il paraît qu’il n’y a de rapport que dans le Hainaut ; il semble ne pas se douter de ce que les routes peuvent rapporter chez nous. M. Dumortier a toujours beaucoup de chiffres à produire à l’appui de ce qu’il avance ; et quand il veut contredire, il place les zéros en première ligne de manière que les chiffres ne signifient plus rien. La province de Liége, dit-il, reçoit des millions. Mais il faudrait savoir ce que reçoit la province de Hainaut. Lorsque le Hainaut construit une route à la charge de la province, elle en perçoit le péage. La province de Liége, au contraire, fait des routes qui sont de véritables cadeaux au gouvernement, car elle n’en retire rien.
Veuillez remarquer ainsi que les routes construites dans la province de Namur et de Liége ne sont pas moins favorables au Hainaut qu’aux deux autres provinces que je viens de nommer, puisque ces localités, qui autrefois s’approvisionnaient de la houille extraite du côté de Huy, depuis que ces routes existent, s’approvisionnent de houille dans le bassin de Charleroy.
M. A. Rodenbach – D’après les explications données par l’honorable M. Fleussu je donnerai mon assentiment à sa proposition. Je le donnerais même si la somme état plus forte ; mais il est bien entendu que les ateliers de travail dont a parlé M. le ministre de l'intérieur seront compris dans l’amendement.
M. Fleussu déclare adhérer au sous-amendement proposé par M. le ministre de l'intérieur consistant à dire : « écoles industrielles et ateliers de travail. »
M. Desmet – Un amendement est proposé pour augmenter les subsides en faveur des écoles industrielles et des ateliers de travail ; je dois appuyer cette proposition. Lorsqu’il y a tant de luttes dans l’industrie pour produire au meilleur marché possible, nous devons faire aussi tous nos efforts dans ce but. Cette pensée a fait organiser des établissements spéciaux en Allemagne et en Angleterre. La France entre aussi dans cette voie. Il ne faut pas que la Belgique este en arrière. J’appuie la proposition de l'honorable M. Fleussu tendant à majorer l’article de 15,000 francs.
M. Dumortier – L’honorable M. Eloy de Burdinne a voulu tout à l’heure répondre à une observation que j’avais présentée. Cette observation était cependant des chiffres dont personne ne pouvait contester la véracité. Qu’oppose-t-il à ces chiffres ? Il dit que la province de Liége fait plus que le Hainaut. Mais vous avez vu dans le rapport du ministre des travaux publics que c’est tout le contraire.
On sait que toutes les faveurs sont pour certaines provinces à l’exclusion des autres. Voulez-vous voir jusqu’à quel point le Hainaut, quoique faisant de plus grands sacrifices que la province de Liége, est moins favorisée que cette province dans la répartition des subsides, ouvrez le rapport de 1834, vous y verrez que le Hainaut, les communes et les bureaux de bienfaisance de cette province ont dépensé par l’instruction primaire 80,000 francs et que le gouvernement n’a fourni que 16,000 francs, tandis que pour la province de Liége, qui n’a dépensé au même titre que 35,000 francs, le gouvernement a fourni 27,000 francs. Vous voyez que toutes les faveurs sont pour les provinces qui paient le moins. A la province qui ne fournit que 35,000 francs, on donne 27,000 francs ; à celle qui fournit 80,000 francs, on donne 16,000 francs. Il est évident qu’il n’y a pas là de justice distributive. Il m’est pénible d’entrer dans de telles discussions, mais j’aurais manque à mon droit, si je n’avais pas fait valoir ici les droits du Hainaut. Cette province paie plus et reçoit moins que celle de Liége. Cependant toutes les fois que nous élevons la voix en sa faveur, on nous di que ceux qui écoutent les intérêts de clocher sont ceux qui prennent le plus au budget des dépenses.
Je ne donnerai pas mon assentiment à la proposition qui vous est faite. Ce serait, d’ailleurs, préjuger une question qui se présentera lors de la discussion de la loi sur l’instruction primaire.
M. Devaux – Je serais assez porté à appuyer la proposition de l'honorable M. Fleussu dans les termes dans lesquels elle avait d’abord été présentée. Mais je ne sais plus maintenant comment on l’entend. M. Fleussu avait proposé de venir au secours des écoles industrielles en général, c’est-à-dire de favoriser l’établissement de ces écoles. D’après les explications de M. le ministre de l'intérieur, il paraît que les fonds seraient affectés à la seule école industrielle qui existe dans le pays. Et remarquez que cette école, attachée à l’une des universités de l’Etat, n’est pas destinée aux artisans.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Nous ajoutons : « Ateliers de travail », cela comprend tout.
M. Devaux – Il faudrait s’expliquer, car il est nécessaire que la chambre sache sur quoi elle est appelée à voter. Si on ne veut que mettre le gouvernement à même de favoriser des écoles d’art et métiers en général, je pourrais donner mon assentiment à la proposition. Mais s’il s’agit de venir au secours d’un établissement spécial, nous manquons de lumière sur cet établissement, et nous ne pouvons lui allouer des fonds sans avoir des données positives.
Je n’ai pas pris contre mon habitude la parole sur l’instruction publique, j’aurais craint d’ennuyer la chambre par mes doléances à ce sujet. Ce n’est pas que j’aie changé d’opinion ; je maintiens mon opinion, mais je pense que, dans le cours de cette session, l’occasion de traiter cette matière se présentera plusieurs fois. Cependant permettez-moi de vous faire observer dans quelle position défavorable la chambre va voter. Elle va voter complètement en aveugle sans avoir aucun renseignement qui puisse l’éclairer sur l’emploi des fonds qu’elle alloue.
D’abord pour l’enseignement universitaire, j’avais demandé, et cela serait bien nécessaire, que le rapport que la loi impose au gouvernement fût distribué avant la discussion du budget de l’instruction publique ; je n’ai pas été assez heureux pour que l’on ait déféré à ce vœu. Cette année encore, le rapport a été présenté de manière qu’il n’a pas pu être imprimé avant la discussion. Voilà pour l’enseignement universitaire ; cependant il y a des faits très importants à vérifier. Les uns assurent que cet enseignement est florissant, d’autres disent qu’il est agonisant. L’enseignement universitaire est assez important pour que, dans cette situation surtout, la chambre dût être éclairée. Nous n’avons aucun moyen de contrôler l’emploi de sommes considérables.
Quels renseignements avons-nous ? Qui peut dire où en est l’enseignement moyen ? le gouvernement lui-même est-il en état de nous dire où en sont les établissements subsidiés ? J’ai des raisons de croire qu’il est dans la plus complète ignorance à cet égard. Tous les ans nous votons les fonds pour l’inspection des athénées et des collèges. Quelle est cette inspection ? Quels sont les collèges et les athénées inspectées ? Je puis me tromper, mais je crois qu’il n’y a pas d’inspection, qu’il n’y a pas de rapport, car les inspecteurs ne se transportent pas dans les collèges. On ne sait ce que deviennent les athénées et les collèges subsidiés, à défaut d’inspection et de rapport. Il faut s’en rapporter à ce que disent ces établissements eux-mêmes.
Pour l’enseignement primaire, nous avons pour chaque province le nom des instituteurs auxquels il est accordé des subsides. Mais quel est l’emploi des subsides, quel est l’état de l’instruction primaire ? A quelles conditions les subsides sont-ils accordés ? nous n’en savons rien. Je sais qu’il a des provinces qui attachent aux subsides certaines conditions ; mais ces mesures sont-elles générales ? l’instruction primaire est-elle en progrès ? nous ne le savons pas. Dans quelques provinces il paraît que la députation provinciale s’occupe avec une grande sollicitude de l’instruction primaire. Dans d’autres provinces, cette instruction est presque abandonnée. Dans tout cela il y a une obscurité je dirai même un hasard déplorable.
Je n’irai pas plus avant dans cette matière. Je le répète, j’aurai l’occasion de m’occuper prochainement, je l’espère, de cette question dans la discussion des lois d’instruction.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Quoique le chapitre soit voté, je répondrai en peu de mots aux observations de l’honorable préopinant.
En ce qui concerne l’instruction primaire, les subsides ne sont continués ou accordés qu’après que nous nous sommes assurés par le rapport le l’autorité provinciale que les écoles sont bien organisées et que les instituteurs sont capables. En outre, on impose toujours aux instituteurs primaires qui reçoivent des subsides l’obligation de donner gratuitement l’instruction à un certain nombre d’enfants pauvres.
En ce qui concerne les établissements d’enseignement moyen, une inspection très détaillée a été faite, il y a deux ou trois ans, et depuis lors j’ai reçu des renseignements qui prouvent que les établissements qui reçoivent des subsides font leurs efforts pour y améliorer l’instruction.
Quant au nombre d’élèves des collèges qui reçoivent des subsides, j’en ai le tableau ; je pourrai le mettre sous les yeux de l’honorable membre.
Le même orateur a regretté que le rapport sur l’enseignement supérieur n’ait pas été présenté plus tôt. Veuillez remarquer qu’aux termes de la loi, le rapport doit indiquer l’emploi des sommes allouées annuellement aux universités. Ce rapport doit donc s’arrêter au 31 décembre. Il ne peut guère, par conséquent, être présenté qu’à la fin de janvier ou au commencement de février.
Si on discutait les budgets comme on en a exprimé le désir, au mois d’avril ou de mai, la présentation du rapport précéderait la discussion des budgets ; mais jusqu’à présent les circonstances ont forcé le gouvernement à présenter le budget plus tard et peu avant l’ouverture de l’exercice, c’est là ce qui a été cause que le rapport n’a pu être prêt jusqu’ici avant l’époque de la discussion des budgets. Cependant cette année je n’ai pas été en défaut, j’ai tellement pressé la réunion des éléments du rapport que j’ai pu le présenter il y a quelques jours. Voyant qu’il n’était pas distribué, j’ai envoyé chez l’imprimeur et j’ai appris que l’impression en était retardée, parce qu’on était occupé à imprimer les documents relatifs aux indemnités que l’on avait considérés comme plus urgents.
Je regrette que le rapport n’ait pu être imprimé. La chambre y aurait vu que les universités sont dans un état prospère. A l’époque où les derniers renseignements ont été obtenus, il y avait 90 élèves de plus dans les deux universités. Il a été pris différentes mesures qui ont concouru à l’amélioration des établissements. Le rapport est satisfaisant sur ce point.
Quant aux observations de l’honorable préopinant sur la discussion des projets de loi relatifs à l’instruction, je lui dirai que déjà cet objet a été agité dans la chambre en son absence.
Quant à la proposition spécialement en discussion, je ferai remarquer qu’elle ne s’applique pas exclusivement à un établissement : elle comprend les ateliers de travail. La somme allouée me permettra de disposer en faveur de celui qui va prochainement être attaché à l’école des arts et métiers de Liége et dont le principe a déjà été reconnu par la chambre ; car au budget de l’an dernier j’ai demandé à l’article « matériel » une majoration pour cet objet. Cet établissement sera populaire, puisqu’il aidera à former de bons ouvriers. Il est facile de comprendre qu’un enseignement purement théorique, comme celui qu’on donne dans les universités, ne suffirait pas, puisqu’il ne pourrait profiter qu’à des personnes déjà assez instruites ; c’est au moyen d’une instruction théorique et pratique que nous atteindrons le but que se propose la loi du 27 septembre 1835.
Indépendamment de cette destination, une partie de la somme pourra être employée à encourager d’autres établissements. C’est la pensée de l’auteur de la proposition ; c’est ainsi que nous l’avons également comprise.
J’ai déjà dit qu’il était affecté 3,000 francs à une école établie à Tournay, sur le fonds de l’industrie. Ici cependant me vient un doute sur l’imputation de ce subside. Peut-être la cour des comptes fera-t-elle difficulté de continuer à imputer la somme sur les fonds de l’industrie, attendu qu’il y aura un article spécial. Pour prévenir les difficultés, il vaudrait mieux majorer le chiffre de 5,000 francs, que l’on déduirait au chapitre de l'industrie.
Nous avons aussi accordé un subside à l’école industrielle de Verviers.
M. Dubus (aîné) – J’avais le dessein d’adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur relativement à l’effet du crédit spécial qu’il approuve maintenant ; parce qu’il a dit, dans cette même séance, qu’il y a au budget un article intitulé « encouragements à l’industrie et au commerce » dans lequel sont compris des fonds qui ont la même destination que la proposition dont on s’occupe maintenant. Il vient lui-même de reconnaître la difficulté qui peut résulter d’un double crédit avec une même destination. Dès lors ne serait-il pas convenable de renvoyer la discussion actuelle à l’article « encouragement à l’industrie et au commerce. » Nous aurions ainsi le temps de réfléchir à la proposition qui nous est faite et qui n’a été examinée ni dans les sections, ni dans la section centrale. Lorsqu’on arriverait à la discussion de cet article « encouragements à l’industrie » pour lequel le ministre a demandé une somme assez considérable, que la section centrale a contestée, on examinerait tous les éléments du crédit demandé, et on voterait ce que la chambre jugerait convenable de voter.
M. Devaux – Je crois que M. le ministre de l'intérieur faciliterait beaucoup le travail de la chambre en n’attendant pas jusqu’au 31 décembre pour faire le rapport sur l’enseignement supérieur, et en arrêtant ce rapport à la fin de l’année scolaire. Alors le rapport serait toujours prêt. Quant aux élèves qui seraient entrés dans les universités au commencement de l’année scolaire suivante, cela ferait l’objet d’une note supplémentaire qui serait annexée au rapport.
M. le ministre de l'intérieur dit que les collèges sont inspectés ; je lui en demande pardon, mais je crois qu’il se trompe.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Ils l’ont été il y a deux ans.
M. Devaux – Je crois que M. le ministre se trompe. Je crois que tous les collèges n’ont pas été inspectés il y a deux ans. Il y en a qui ne l’ont été qu’une fois depuis la révolution, il y a trois ou quatre ans ; il y en a qui ne l’ont jamais été. Je crois qu’il y a des collèges qui reçoivent de gros subsides, qui reçoivent jusqu’à 20,000 francs, et qui ont refusé l’entrée à l’inspecteur du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Cela est vrai.
M. Devaux – Je m’étonne que cela soit vrai, je m’étonne qu’un gouvernement qui donne un subside de 20,000 francs n’ait pas l’autorité nécessaire pour s’assurer de l'emploi de ce subside.
Mais si des collèges ont refusé l’entrée aux inspecteurs, il y en a où les inspecteurs n’ont pas passé depuis plusieurs années, depuis trois ou quatre ans. Quand des établissements sont subsidiés, ils doivent nécessairement être inspectés ; il importe de savoir s’il est fait un emploi utile des subsides que reçoivent 24 collèges.
Si l’inspection a lieu nous devons avoir quelques renseignements sur ces résultats. Quelle idée pouvons-nous former de ces établissements d’enseignement moyen situés dans des petites communes et recevant des subsides de 700 francs, 1,000 francs, 1,200 francs. Je ne vois qu’un rapport qui puisse nous mettre en état de nous faire une idée de ces établissements. J’avoue, cependant, que je m’en fais une triste idée. Je crois que c’est là de l’argent très mal dépensé.
Je crois qu’il ne convient pas qu’en cette matière si importante nous votions chaque année en aveugles comme nous le faisons.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Nous n’avons pas cru dans ce moment devoir discuter le principe de la répartition des subsides. Il y a des localités qui n’ont pas une grande population et qui tiennent beaucoup à conserver leurs collèges. Il y a des districts dont les habitants ne pourraient pas recevoir une instruction moyenne s’il n’y avait de collèges que dans de grandes villes. Ce sont des principes que nous discuterons lorsque nous nous occuperons du projet de loi.
Quand il y a une inspection, il y a trois ans, elle a été à peu près complète, mais il est vrai qu’elle n’a pas été entièrement complète.
- L’ajournement jusqu’à la discussion du chapitre VI « Industrie, commerce, agriculture, proposé par M. Dubus (aîné), est mis aux voix et prononcé.
La chambre passe au chapitre V « Cultes ».
« Art. 1er. Culte catholique (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 4,006,047 francs ; (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 3,736,487. »
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, la section centrale a proposé une première réduction de 167,000 francs sur l’article du culte, relativement aux dépenses diverses et imprévues. Je m’en vais indiquer à la chambre quel doit être l’emploi total du crédit de 201,000 francs qui figure de ce chef sous le littera A.
Je ferai remarquer que cette somme sera réduite annuellement au fur et à mesure que certaines dépenses auront passé au littera des traitements fixes ; mais dans l’état actuel des choses nous devons soutenir l’allocation demandée, et en voici les motifs.
Une partie de ces dépenses, messieurs, a dès maintenant un emploi assuré. En premier lieu, je ferai observer à la chambre que le projet de budget a été préparé au département de l'intérieur aux mois d’août et septembre ; que depuis cette époque, c’est-à-dire, que pendant les deux derniers trimestres de 1839, il a été rempli des postes pour 23,280 francs.
Indépendamment des postes qui ont été remplis depuis la confection du budget, il existe encore des postes vacants dont la somme totale monte à 54,500 francs. Ces postes ont été reconnus par les divers gouvernements qui ont précédé le gouvernement de la Belgique ; seulement ils sont vacants actuellement, ou du moins ils l’étaient à la fin de 1839. Mais puisque l’on en a rempli dans les deux derniers trimestres pour 23,280 francs, il est à présumer qu’une grande partie de ces postes seront remplis dans le courant de l’année 1840.
Dans les dépenses diverses il y a 23,500 francs, consacrés aux traitements des coadjuteurs. Voici, messieurs, ce qu’on entend par coadjuteurs. Lorsqu’un curé ou un desservant est âgé, infirme ou malade, on lui donne un vicaire qui reçoit 500 francs. Il y a économie dans cette manière de procéder ; car s’il fallait trop tôt pensionner les ecclésiastiques, leurs pensions dépassant 500 francs, il y aurait augmentation de dépenses. Il arrive quelquefois que les curés ou desservants guérissent ; alors les coadjuteurs sont retirés.
Dans la note que j’ai fournie à la section centrale, j’ai indiqué qu’il y avait des dépenses pour des postes nouveaux pour une somme de 35,712 francs, et que l’instruction de ces demandes était complète.
Indépendamment de ces demandes dont l’instruction est complète, il y en a encore un certain nombre adressées au département de l'intérieur, et qui sont en instruction. Si elles étaient accueillies elles monteraient à 27,500 francs.
Ainsi voilà déjà l’emploi de 162,292 francs ; et du chiffre demandé, de 101,000 francs, il ne restera que 38,611 francs.
Avec cette somme et les économies qui pourront résulter de ce que tous les postes que j’ai indiqués ne seront pas remplis en 1840, pendant l’année entière, il faudra subvenir au complément des frais de l’église du camp de Beverloo, dont la construction a été adjugée ; mais il reste à y faire tous les ouvrages intérieurs, plafonnages, menuiserie et autres ornements. En outre, comme je l’ai indiqué dans la note, il faut subvenir aux événements imprévus. Pendant 1839, nous avons été obligés de consacrer une somme considérable pour la restauration de l’église cathédrale de Bruges. A cause du grand nombre d’églises qui existent, il n’est pas étonnant qu’on ait besoin d’une somme assez notable pour pourvoir à des accidents imprévus.
Nous n’avons demandé, au littera C, pour reconstruction, agrandissement et réparations des églises et presbytères, qu’une somme de 90,000 francs ; il est évident que cette somme sera insuffisante. Nous pouvons en avoir la preuve morale dans les budgets provinciaux. Les provinces ont voté 183,00 francs pour cet objet ; et il est d’usage que l’Etat accorde une somme égale ; et ici l’Etat n’offre qu’une somme moitié moindre.
J’ai ici, à la main, des demandes adressées au ministère et qui s’élèvent à 148,000 francs. Il n’est pas étonnant que les sommes pour les édifices et pour les presbytères soient considérables parce que ces édifices ont été négligés pendant plusieurs années, et que dans certaines communes la population s’est accrue d’une manière extraordinaire, à cause des établissements industriels ou d’autres circonstances qui ont aggloméré les populations dans les localités.
De sorte que la somme excédante de 38,611 francs mentionnée serait même insuffisante pour suppléer au déficit des élèves et s’il n’y a pas lieu à quelques économies sur les postes qu’il s’agit de remplir.
Tels sont les renseignements que j’ai cru devoir donner à la chambre, et j’ai cru devoir les réduire en chiffres pour leur parfaite intelligence.
Il est vrai que le chiffre n’est pas le même que celui de 1839 ; mais alors nous avons pu suppléer au déficit par les économies résultantes du démembrement des provinces du Limbourg et du Luxembourg ; sans cela nous n’aurions pas pu donner 50,000 francs pour l’église de Bruges ; mais je dois ajouter qu’aussi longtemps que les suppléments des traitements votés par les communes ne seront pas à la charge de l’Etat, on peut considérer comme normales les sommes que nous avons demandées au budget du culte catholique.
M. Simons – M. le ministre de l'intérieur a fait, dans le sein de la section centrale, la demande d’une allocation supplémentaire de 100,000 francs à titre de subside pour l’érection d’un petit séminaire à Saint-Trond, en remplacement de celui qui existe à Rolduc, commune située sur la partie du territoire abandonnée à la Hollande.
La section centrale nous apprend, par son rapport, qu’elle n’a pas jugé convenable de s’occuper du fond de cette demande, ni de faire une proposition quelconque, à cet égard, à la chambre. Elle a cru devoir, dit-elle, renvoyer cet objet à une loi spéciale, ou au prochain budget.
Cet accueil peu favorable ou plutôt cette fin de non-recevoir, opposée à une demande aussi urgente et aussi juste, m’a vivement peiné.
Je ne puis attribué cette résolution qu’à l’esprit d’économie qui a présidé à son travail et qui a dominé toutes les conclusions en réduction qu’elle a cru devoir vous proposer. Pour ma part, j’applaudis aux efforts qu’elle a faits pour diminuer autant que possible le chiffre de nos dépenses. Je suis de ceux qui pensent qu’en entrant dans une nouvelle ère financière, par suite du traité de paix avec la Hollande, il importe que nous adoptions, pour règle invariable de nos allures, un système sagement économique.
Je m’associe donc franchement à l’idée d’économie qui l’a guidé.
Mais faut-il pour cela que l’on soit injuste ? Faut-il, pour atteindre le but que tous nous nous proposons, que nous repoussions des demandes de crédits auxquels l’équité autant que l’honneur nous font un devoir de faire un accueil favorable ? Voilà, messieurs, le véritable point de vue de la question.
Sans le traité de paix avec la Hollande, par lequel vous avez consenti à céder une partie du Limbourg à la Hollande, jamais le diocèse de Liége n’aurait été dans le cas de devoir avoir recours à la bienveillance de la législature et du gouvernement pour le subside dont il s’agit.
Ce diocèse, à force de sacrifices importants qu’il s’est imposés, et grâce aux soins et aux efforts incessants de son chef, était en possession du plus beau, du plus vaste petit séminaire de la Belgique, véritable petit séminaire modèle.
Eh bien, messieurs, le diocèse de Liége vient d’être dépossédé de ce bel établissement, par suite des arrangements politiques avec la Hollande. Il est obligé de se créer ailleurs, dans le pays, à grands frais, un nouvel établissement de ce genre, et vous lui refuseriez votre secours, et vous repousseriez par une fin de non-recevoir une réclamation aussi juste, aussi équitable ! Non, c’est impossible.
C’est ici une question d’honneur national, à laquelle il importe que nous répondions avec dignité, parce que vous en avez pris spontanément l’engagement formel dans la discussion qui a eu pour suite l’adoption du traité du 19 avril. Inutile sans doute de vous rappeler ici les paroles qui ont été prononcées à cette occasion dans cette enceinte. Elles sont encore présentes à votre mémoire. Pour la première fois, j’ose en réclamer avec confiance l’application.
Après des promesses aussi formelles vous ne reculerez pas devant les conséquences, d’autant moins que le subside que l’on réclame est peu important eu égard à la perte immense que le diocèse essuie dans l’intérêt général. En effet, la suppression de ce bel établissement ne doit-elle pas être assimilée, n’est-elle pas réellement une expropriation pour cause d’utilité publique ?
Eh bien, la constitution vous impose le devoir d’une indemnité préalable en faveur du plus petit propriétaire qui, dans l’intérêt général, est forcé de faire l’abandon de sa chétive propriété, ne s’ensuit-il pas que ce qui constitutionnellement est d’obligation envers celui-ci, doit l’être d’autant plus rigoureusement dans l’occurrence à l’égard d’un établissement intéressant, qui depuis son existence a produit des résultats importants, notamment en faveur de l’enseignement primaire. Car, veuillez ne pas le perdre de vue, l’établissement de Rolduc est non seulement consacré à former l’éducation de la jeunesse qui se destine aux fonctions cléricales, il renferme en outre une école normale pour doter nos communes rurales d’instituteurs primaires, dont la pénurie se fait si péniblement sentir, et qui est une des principales causes que l’instruction primaire n’a pas fait plus de progrès dans ces localités.
Je le répète, sous ce rapport, cette institution a produit les plus heureux résultats ; aussi le conseil provincial du Limbourg, dans sa dernière session, y a-t-il affecté une allocation spéciale dans le but d’encourager les jeunes gens à y suivre les cours pour se former à l’instruction de la jeunesse.
Cette considération sera, je n’en doute nullement, un titre de plus pour vous engager à ne pas refuser votre secours à la conservation d’un établissement aussi éminemment utile.
Mais, me dira-t-on, la section centrale n’a pas rejeté le crédit dont il s’agit ; elle en, a simplement appelé à un plus ample informé.
Messieurs, si cet objet n’était pas aussi urgent, je n’insisterais pas avec autant de force. Mais je vous en prie, ne veuillez pas perdre de vue que cet établissement n’est que momentanément toléré sur le sol hollandais. Son existence y est tellement précaire qu’à chaque instant il est menacé d’une suppression. Les conséquences d’une pareille mesure de la part du gouvernement hollandais causeraient une véritable perturbation dans ce diocèse, qu’il est de la dignité du pays de prévenir, parce que les suites en seraient des plus déplorables.
Eh bien, que vous demande-t-on, pour atteindre ce but ? Une allocation peu importante de 100,000 francs.
Je conçois que si, en votant le chiffre demandé pour cet objet, la législature s’engageait d’une manière indéfinie à faire face au surplus de la dépense que les travaux de cette bâtisse occasionneront, je conçois, dis-je, que dans un pareil cas, l’on reculât devant un pareil vote. Mais ici, messieurs, nous ne nous engageons absolument dans aucun subside ultérieur. Il vous sera parfaitement libre d’accorder ou de refuser des allocations subséquentes pour cet objet, si tant est qu’elles pussent vous être demandées, et par suite il a réellement, aucun inconvénient à vous prononcer immédiatement à ce sujet.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Depuis le rapport de la section centrale, j’ai convoqué la commission des architectes et lui ai communiqué le plan rédigé par l’architecte de Gand. Voici le rapport que cette commission a fait. J’avais recommandé la plus grande économie possible. Il m’a été répondu par la lettre suivante :
« Bruxelles, le 21 janvier 1840.
« Monsieur le ministre,
« Nous avons l’honneur de vous faire connaître le résultat de l'examen que nous avons fait des plans proposés pour l’appropriation et la construction des bâtiments nécessaires pour le transfert de Rolduc à Saint-Trond, du petit séminaire du diocèse de Liége.
« L’ensemble du projet est approuvé dans toutes ses dispositions et ne semble pas pouvoir être modifié dans le but de diminuer la dépense ; en effet, le nombre et les dimensions des locaux qui sont destinés à 450 élèves ont été réduits au plus strict nécessaire et en se conformant au programme donné par les supérieurs du séminaire.
« Sous le rapport de l’art, les plans sont entièrement satisfaisants. Pour ce qui concerne les matériaux à employer et renseignés dans le devis, nous pensons qu’on pourrait, en apportant toute l’économie voulue, diminuer la dépense d’environ vingt-cinq mille francs, cette réduction devrait porter principalement sur les pierres de taille.
« Agréer, M. le ministre l’assurance de notre considération très distinguée.
« Le président, comte A. de Beauffort : Le secrétaire, Jules Dugniolle. »
Voilà pour la partie financière. Quant à la question de principe et d’équité, je ne puis qu’appuyer les considérations qu’a fait valoir l’honorable préopinant. Déjà l’évêque de Liége a été obligé, à la demande du Saint-Siège, de consentir à la réduction de son diocèse dans les limites de la Belgique. Force lui est donc de transférer le séminaire de Rolduc dans une autre ville de son diocèse ; il a choisi Saint-Trond. Tout ce qu’il peut espérer, c’est un court délai pour qu’il puisse opérer cette translation. Mais, comme l’a dit M. Simons, ce délai sera nécessairement très court. Veuillez remarquer, que, par la construction du nouveau bâtiment, l’évêque de Liége n’acquiert rien ; c’est un édifice pour un autre édifice qui ne lui rapportera rien. Il pourra vendre l’édifice de Rolduc ; mais comme ces bâtiments sont à la campagne, ils ne pourront pas être vendus pour une somme bien considérable.
Cependant l’évêque consent à intervenir pour une somme de 200,000 francs qu’il prendra sur les biens possédés par le grand séminaire ; ce sont réellement 200 mille francs dont il se dépouille, car cette somme restera entièrement improductive.
Il est certain, messieurs, que la cause de cette translation est dans l’exécution du traité du 19 avril ; car, sans ce traité, il n’aurait jamais été question d’opérer une semblable transaction ; il ne serait donc pas juste d’en faire retomber les charges exclusivement sur l’évêque et sur les fidèles qui voudraient contribuer par des dons à faire la somme nécessaire pour la translation. D’ailleurs une somme aussi considérable est extrêmement difficile à réaliser.
Quant à la province de Limbourg, il serait injuste de mettre à sa charge un fardeau résultant uniquement d’un traité dont elle a eu longtemps à souffrir. Il ne serait pas plus juste de faire contribuer la province de Liége pour cet objet, attendu que la province de Liége a elle-même souffert par suite de la séparation d’une partie du Limbourg et du Luxembourg, ainsi que l’a exposé la chambre de commerce dans le mémoire qu’elle a adressé au Roi.
Il ne serait donc pas juste de recourir aux deux provinces de Liége et de Limbourg, qui ont déjà tant souffert par suite du traité, pour leur demander un subside, et dès lors il est surtout naturel que nous nous soyons adressés à la chambre pour combler le déficit.
M. Maertens, rapporteur – Je vais avoir l’honneur, messieurs, de vous faire connaître les motifs qui ont porté la section centrale à vous faire les deux propositions qui sont actuellement en discussion. L’article relatif au culte catholique se compose de 3 litera et dans les colonnes du budget que vous avez sous les yeux, on annonce une diminution de crédit de 110,103 francs comparativement à l’exercice de 1839 ; mais lorsque vous comparez les tableaux annexés aux budgets de 1839 et 1840, vous remarquerez que, par suite de la cession d’une partie du Limbourg et du Luxembourg, il y a une réduction de dépenses de 432,982 francs, de sorte qu’au lieu d’une diminution de 110,105 francs, le crédit demandé pour 1840 présente en réalité une majoration de 322,859 francs.
Cette majoration se trouve répartie de la manière suivante : d’abord 95,000 francs sur le litera C, construction et réparation d’églises, 227,839 francs ; sur le litera B, savoir 55,299 francs, résultant de l’élévation de plusieurs chapelles en succursales, et de la nomination de nouveaux vicaires pendant l’année 1839, et 109,360 francs , provenant de la majoration des dépenses imprévues.
Les deux premières majorations, celle de 93,000 francs et celle de 58,299 francs, ont été allouées par la section centrale, mais pour ce qui concerne la troisième, celle de 109,560 francs sur le chiffre des dépenses imprévues, la section centrale ne l’a point trouvée justifiée et n’a par conséquent pas pu l’admettre.
En comparant les crédits des dépenses imprévues de 1838, 1839 et 1840, on remarque ce qui suit :
En 1838, le chiffre des dépenses imprévues s’est élevé à la somme de 105,000 francs ; en 1839 il ne s’est élevé qu’à 31,444 francs et les motifs donnés dans les développements du budget portent que cette diminution résulte de la création de quelques nouveaux postes de vicaires là où la nécessité en avait été reconnue, et de l'érection en succursales de quelques chapelles ou annexes.
Au budget de 1840, le chiffre demandé pour les dépenses imprévues est de 201,000 francs et les motifs donnés à l’appui de cette majoration sont,qu’il faut ériger plusieurs chapelles en succursales dont le besoin se fait sentir depuis longtemps.
Ainsi donc, en 1839, le chiffre de 105,000 francs avait été diminué jusqu’à 31,444 francs, parce que différentes chapelles ayant été érigées en succursales et que, de ce chef, le chiffre des dépenses prévues avait été majoré ; en 1840, par suite de promotions et de la nomination de nouveaux vicaires, le chiffre des dépenses prévues a été de nouveau majoré de 58,299 francs, et au lieu de nous proposer une réduction sur le chiffre des dépenses imprévues, on vient au contraire nous demander au lieu de 31,444 francs une somme de 201,000 francs.
Vous sentez, messieurs, qu’en présence de semblables motifs, la section centrale n’a pas pu admettre une demande de majoration aussi considérable.
Nous n’avons pas voulu refuser au gouvernement les sommes dont il pouvait avoir besoin pour ériger des chapelles en succursales et pour faire de nouvelles nominations de vicaires, et la preuve en est, d’abord, en ce que, de ce chef, nous proposons d’allouer la somme de 58,444 francs qui est entrée dans les prévisions et, en second lieu, en ce que pour les dépenses imprévues, nous proposons d’allouer le même chiffre de 1839, que nous croyons devoir également suffire aux besoins de 1840, puisque les motifs pour lesquels cette somme était suffisante en 1839 existent encore aujourd’hui ; d’ailleurs, les nominations et promotions que l’on se propose de faire en 1840, n’auront lieu qu’au fur et à mesure que les demandes seront instruites, et dès lors les dépenses qui en résulteront ne seront que successives. Enfin, si contre les prévisions, des besoins urgents se faisaient sentir, le gouvernement ne serait pas sans ressources, puisqu’il trouverait sur le chiffre d’autres litera de quoi satisfaire à ces besoins.
Voilà, messieurs, les motifs qui ont guidé la section centrale. Vous voyez qu’elle est d’accord avec M. le ministre sur la nécessité d’ériger de nouvelles succursales partout où le besoin s’en fera sentir, et de nommer des vicaires là où on le trouvera utile.
Maintenait, messieurs, vous avez entendu les nouveaux développements donnés par M. le ministre de l'intérieur ; il a invoqué différents chiffres qui n’avaient pas été communiqués à la section centrale : peut-être sera-t-il parvenu à vous prouver qu’il y a des besoins plus élevés que ceux qui ont été prévus par la section centrale, c’est à la chambre à en juger ; mais la section centrale ne pouvait pas proposer l’adoption d’un chiffre qui n’était pas suffisamment justifié à ses yeux.
Voilà, messieurs, ce que j’avais à vous dire sur ce qui concerne le chiffre des dépenses imprévues.
Quant au second objet, il importe que la chambre sache bien de quoi il s’agit.
L’évêque de Liége avait à Rolduc un collège épiscopal ou petit séminaire ; Rolduc faisant partie du territoire cédé, il va sans dire que l’évêque ait cherché à transférer son petit séminaire sur le sol belge ; à cet effet il a acheté l’ancienne abbaye de Saint-Trond ; le prix d’achat de cette abbaye a été payé, mais il s’agit de faire l’appropriation des bâtiments à l’usage que l’évêque de Liége veut en faire, c’est-à-dire, à l’établissement d’un collège épiscopal tel que celui qu’il avait à Rolduc. D’après les plans qu’il a fait dresser, la dépense qu’il faudra faire de ce chef, s’élèvera à la somme de 536,208 francs ; pour couvrir cette dépense, l’évêque de Liége a à sa disposition la somme à provenir de la vente du séminaire de Rolduc qu’il se propose de faire et les ressources qui pourront résulter de dons volontaires, le tout évalué à 200,000 francs. Ce sont les 336,208 francs restant qu’on vient demander à la législature en proposant de les répartir sur trois exercices.
Cette demande, messieurs, a été faite à la section centrale sans que les sections aient pu s’en occuper ; lorsque la section centrale s’est réunie la première fois, M. le président a apporté les pièces relatives à cet objet, sans toutefois que les plans y fussent joints ; ce n’est que quinze jours après que ceux-ci sont arrivés à la section centrale ; M. le ministre ne le savait pas, lorsqu’il nous a soumis sa demande ; alors tout n’était qu’approximatif. Lorsque les plans nous furent remis, M. le ministre n’avait pas encore pu les soumettre à la commission des monuments et il n’était pas à même de donner à la section centrale des renseignements sur ce dont il s’agissait ; nous ne connaissions point l’importance du collège de Rolduc ; nous ne savions pas, si pour le remplacer, il fallait réellement un édifice aussi considérable que celui qu’on se propose de bâtir. Ensuite, s’il s’agit de donner à l’évêque de Liège une indemnité pour une perte qu’il a essuyée par suite du traité de paix, cette indemnité doit-elle était si considérable, doit-elle aller jusqu’aux trois cinquièmes de la dépense à faire ? Quel est le principe qu’il faut suivre dans une pareille circonstance ? Il a semblé à la section centrale que trancher sans un mûr examen des questions d’une telle gravité, ce serait ouvrir la porte à des demandes incessantes d’indemnités, car si l’évêque de Liége a souffert par suite du traité de paix, d’autres personnes encore se trouvent dans le même cas, et certes, si l’on indemnise l’un, la justice exige que l’on indemnise aussi les autres.
Ensuite, messieurs, le collège épiscopal de Rolduc n’est pas exclusivement destiné aux besoins du culte, on y forme la jeunesse aussi bien pour le barreau et pour la médecine que pour l’état ecclésiastique ne peut-on pas dire dès lors que c’est un établissement d’instruction publique, et alors tous les autres établissements d’instruction publique n’ont-ils pas le droit de venir demander un semblable subside ?
N’ont-ils pas le droit de venir demander des sommes qui rentreraient dans leurs mains et sur lesquelles le pays ne conserverait aucun droit ?
Messieurs, voilà mes motifs qui ont dicté la résolution de la section centrale ; la section centrale ne s’est pas trouvée suffisamment éclairée. M. le ministre qui n’a pas pu examiner toutes les difficultés que je viens de signaler, ne pouvait pas non plus donner à cet égard des explications suffisantes à la section centrale.
La section centrale a donc désiré que cet objet fût livré à l’examen des sections, et à cet effet, elle avait proposé le renvoi de la demande au budget de 1841 ; mais sur l’observation qu’on a faite, que l’affaire avait un caractère d’urgence, qu’il était nécessaire de mettre plus tôt la main à l’œuvre, la section centrale a ajouté alors qu’on pouvait faire du subside l’objet d’une loi spéciale qui serait présentée à la chambre dans le courant de la session, après que M. le ministre aurait suffisamment examiné l’affaire, pour soumettre son projet avec tous les développements dont il est susceptible.
M. de Brouckere (pour une motion d'ordre) – Messieurs, il entre dans mes principes comme dans mes habitudes de voter les sommes nécessaires pour que le clergé catholique puisse être convenablement salarié, pour qu’on puisse donner au culte tout le lustre dont il doit être entouré.
Mais on ne peut pas exiger que la chambre vote des sommes considérables et entièrement nouvelles, sans qu’elle ait reçu les renseignements qui lui sont nécessaires. Je vous avoue que tout ce qui a été dit, relativement à la nécessité de construire un nouveau bâtiment destiné à un petit séminaire, ne m’a pas encore donné tous mes apaisements pour que je puisse, dès à présent, m’engager à voter une somme qui ira à près de 300,000 francs.
Je crois que cette demande, qui peut être très juste, doit être l’objet d’un examen plus sérieux, plus approfondi. Ici, il fait que nous sachions si la commune de Rolduc fait encore ou ne fait pas partie du diocèse de Liége ; et dans le cas où elle en ferait encore partie, quels seraient les inconvénients qu’il aurait à laisser le petit séminaire là où il est aujourd’hui.
Il faut que nous sachions au juste quelles sont les obligations de l’Etat, les obligations de la province, les obligations de la commune, lorsqu’il s’agit d’ériger un nouveau séminaire. Non pas que je veuille en tirer la conséquence que nous devrions exiger que la commune et la province remplissent toutes les obligations qui le seraient imposées par la législation ; mais encore faut-il que nous puissions apprécier ces obligations.
A qui appartiendra le bâtiment, lorsqu’il sera érigé ? Qui sera chargé de l’entretien du bâtiment ? Qui aura la surveillance de la bâtisse ? il faut de plus qu’on dise quel est le nombre des élèves que le petit séminaire sera destiné à contenir. Enfin, il fait nécessairement que nous soyons entourés de tous les renseignements que la chambre doit exiger, quand il s’agit de voter une somme de 300,000 francs.
Messieurs, je crois que le parti le plus convenable à prendre est que la chambre décide le renvoi de la demande du ministre aux sections qui n’ont pas encore été appelées à l’examiner, puisque le ministre a saisi directement la section centrale de cette proposition. Remarquez bien que si la chambre prenait cette décision, le retard qui en serait la suite ne serait pas long, car dans toutes les sections l’on s’empresserait de se réunir pour s’occuper de cet objet, et en peu de temps nous aurions un rapport qui nous mettrait à même de voter en connaissance de cause.
Si au contraire on refusait de faire droit à ma demande, on compromettra peut-être une proposition de crédit qui peut être juste et que nous nous empresserons de reconnaître comme juste ; la solution qui sera donnée aux questions que nous avons posées nous donne nos apaisements.
Je fais donc la motion, pour que la proposition de M. le ministre de l'intérieur soit renvoyée aux sections, avec invitation de s’en occuper le plus tôt possible.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, quant à la motion de l’honorable préopinant, je m’en rapporte à la décision de la chambre.
Ainsi que l’a dit M. le rapporteur de la section centrale, il ne m’a pas été possible de comprendre cette demande au budget, parce qu’elle ne m’était pas encore parvenue, quand le budget a été fait : aussitôt que je l’ai reçue, je l’ai adressée à la section centrale, de même que je me suis empressé de lui communiquer les plans, quand on me les a envoyés.
En suite de son rapport, j’ai aussi pris l’avis de la commission des monuments ; mais j’avais d’autant moins hésité à adresser cette demande de 100,000 francs, que dans tout état de cause, et quelle qu’eût été la décision de la commission, la somme de 100,000 francs aurait été insuffisante. Ce bâtiment est véritablement destiné à un service public, et à ce titre il mérite une considération toute spéciale de la part de la chambre.
L’on a dit que le petit séminaire n’était pas exclusivement destiné aux jeunes gens qui embrassent l’état ecclésiastique. Cette observation est parfaitement juste, mais il est à remarquer que la même chose s’applique à tous les petits séminaires existants, par ce motif qu’il est impossible de savoir, eu égard à leur âge peu avancé, si ces élèves se destinent définitivement à l’état ecclésiastique. Le bâtiment de Rolduc a d’ailleurs la même destination que celle que recevra le nouveau bâtiment.
L’on a demandé si Rolduc a cessé de faire partie du diocèse de Liége ; je m’étais déjà expliqué à cet égard ; l’évêque de Liége a été obligé, à la demande du Saint-Siège, de renoncer à la partie du diocèse qui aujourd’hui est rentré sous la domination du royaume des Pays-Bas, mais le changement de juridiction n’est pas encore réalisé. Il est évident que le gouvernement néerlandais ne consentira pas à ce que le petit séminaire de Liége soit maintenu à Rolduc. Il est d’ailleurs peu convenable que les élèves d’un diocèse belge fassent leur éducation dans un autre pays. Mais je suis convaincu que, quand on en témoignerait le désir, le gouvernement des Pays-Bas n’y consentirait pas pour un temps indéfini.
On a demandé à qui appartiendra le bâtiment. Dans ma pensée, il appartiendra à l’évêque de Liége, avec une distinction précise qui ne pourra pas être changée, c’est-à-dire la destination de l'éducation des élèves du petit séminaire.
On a encore demandé qui serait chargé des réparations. Ce sera le diocèse de Liége. Qui inspectera les constructions de l’édifice a-t-on demandé ensuite ; le gouvernement de son côté pourra charger de cette inspection l’ingénieur provincial, ainsi que cela se fait pour tous les édifices.
En ce qui concerne la somme de 169,000 francs, je regrette de n’avoir pu, au moment à la section centrale a demandé les renseignements, m’occuper moi-même de la rédaction des notes qui ont été communiquées à la section centrale. On s’est borné dans ces notes à traiter des questions de principe, mais ayant vu le rapport, j’ai pensé que la chambre pourrait désirer quelque chose de plus. C’est pour ce motif que j’ai fait dresser un état détaillé dont j’ai indiqué les chiffres à la chambre, et d’après les indications que j’ai fournies, il est de toute évidence que le chiffre alloué par la section centrale est insuffisant.
Les chiffres que j’ai donnés établissent, à mon avis, d’une manière évidente, la bonne destination de la somme ; mais, comme je l’ai dit, je considère cette demande comme étant maintenant définitive, je considère le chapitre du culte comme n’étant pas sujet à recevoir d’autre augmentation à l’avenir. Il est vrai, ainsi que l’a fait remarquer M. le rapporteur, que la section centrale a alloué une somme spéciale de 95,000 francs pour certains édifices ; mais ces édifices sont autres que ceux que j’ai signalés ; ces édifices, tels que la cathédrale de Tournay, l’église de Mons et quelques autres, sont des édifices tout à fait exceptionnels, et sont considérés comme monumentaux.
Les observations que j’ai présentées se rapportaient simplement au chiffre de 90,000 francs dont j’ai démontré l’insuffisance pour l’année 1840, par suite des sommes qui ont été portées dans les budgets provinciaux, sommes qui s’élèvent à 183,000 francs, et qui n’ont été allouées qu’après examen des besoins de chaque province. Mais, indépendamment de cette indication résultant des budgets provinciaux, j’ai eu l’honneur de dire à la chambre que déjà, d’après un état détaillé qui a été dressé au ministère, la somme nécessaire s’élève à 148,000 francs.
D’après ces divers motifs, je pense que la somme pour dépenses diverses imprévues n’est pas trop élevée. Au surplus, tous les traitements qui ont déjà été alloués dans les deux derniers trimestres de 1839, de même que ceux à attacher aux postes qui seront remplis pendant 1840, cesseront de figurer sous le libellé dont il s’agit. De ce chef donc il y aura sur ce libellé une réduction pour l’avenir.
M. Simons – Messieurs, je crois devoir m’opposer à la motion de l'honorable M. de Brouckere, parce que dans mon opinion, cette motion n’est qu’une fin de non-recevoir (réclamations) ; il en résulte une espèce de fin de non-recevoir, et je vais vous le démontrer. Les renseignements qui vous ont été donnés sont tels que la chambre peut, en connaissance de cause, se prononcer sur le chiffre dont il s’agit, et qui n’est qu’un subside. Déjà plusieurs fois des subsides ont été accordés de la même manière ; et sur le simple rapport de la section centrale, ont été accordés en faveur de l’église de Sainte-Gudule. Et là, il ne s’agissait pas de 100,000 francs, mais de 420,000. Et quels renseignements aviez-vous ? pas d’autres que ceux qui vous ont été présentés, pour la construction du petit séminaire.
Je soutiens que cette affaire ne doit pas être instruite au fond, puisqu’il ne s’agit que d’un subside, et que dans les sections on ne pourra réclamer d’autres renseignements que ceux qui ont été fournis. Je n’insisterais pas si la dépense n’était pas tellement urgente que, si la somme n’est pas portée au budget, on ne pourra faire usage des fonds dans la campagne prochaine ; et l’on est maintenant exposé à voir, d’un moment à l’autre, évacuer le petit séminaire, sans savoir où loger le personnel avant d’avoir trouvé un autre local. Je crois que la chambre comprendra l’urgence, et qu’elle jugera les renseignements suffisants pour motiver un vote immédiat.
M. de Brouckere – J’aime à croire que, lorsque l’honorable orateur qui vient de parler fait une proposition, il n’a pas un but caché. Je lui rends cette justice, je voudrais qu’il en agit de même à mon égard. Quelle que soit son opinion la chambre sait que je n’ai pas l’habitude d’user de détours, de subterfuges. Quand je demande une chose, je demande cette chose et non une autre. Lors donc que j’ai demandé le renvoi aux sections, il n’est pas entré dans ma pensée de proposer une fin de non-recevoir ni même une espèce de fin de non-recevoir, comme l’a dit l’orateur en reprenant lorsqu’on a entendu les réclamations de la chambre. Non, je ne veux pas de fin de non-recevoir, je demande qu’on examine la proposition du gouvernement. Si elle est justifiée par des renseignements suffisants, je voterai pour son adoption, mais assurément je ne voterai pas sans renseignements.
M. le ministre de l'intérieur a eu plus de tact que l’honorable préopinant. Il a compris que le meilleur moyen d’arriver au résultat qu’il veut obtenir, c’était de mettre chacun de nous à même d’examiner la proposition, et je ne conçois pas que ceux qui désirent qu’elle soit adoptée s’opposent à ma motion, car ce refus compromettrait le vote de ce crédit qui, s’il est examiné, sera peut-être adopté. Quant à moi, je le répète et je sais que d’honorables membres sont de mon avis, je ne voterai pas sans renseignements.
Quant à la nécessité de mettre la plus grande hâte, personne ne comprendra qu’un délai de quelques jours mette les choses en péril ; mais l’honorable membre lui-même comprendra qu’il vaut mieux un retard de huit jours que de compromettre l’adoption du crédit.
M. Simons – Je ne conçois pas où l’honorable préopinant va chercher dans mes paroles une intention malveillante. Rien n’est plus facile que de prêter à ses collègues pour les réfuter des intentions de cette nature. Vous m’avez entendu ; y a-t-il eu dans mes paroles un seul mot d’où l’on pût induire une telle intention ?
L’honorable membre a parlé de tact. Oui, je suis franc, je m’exprime avec une entière franchise, je ne pense pas à cet égard manquer de tact. Je le répète, les intentions que m’a prêtées le préopinant n’ont jamais été les miennes ; j’adjure la chambre de déclarer s’il résulte de mon discours des intentions malveillantes à son renvoi.
- Le renvoi aux sections proposé par M. de Brouckere est mis aux voix et prononcé.
M. Fleussu (pour une motion d'ordre) – Il m’a paru résulter des observations qui ont été faites, que cette affaire n’est pas suffisamment instruite. Effrayé de la différence des chiffres, j’ai cherché à en connaître la cause. J’ai lu avec attention le rapport, je n’ai pas pu l’y découvrir. Je ne savais quelle détermination prendre. Le ministre dit qu’il a des renseignements plus parfaits, je désire qu’il les fasse connaître.
M. d’Huart – Les chiffres que vient de faire connaître M. le ministre, n’ont pas pu être bien saisis ; ils seront imprimés au Moniteur. Là nous trouverons ce que désire M. Fleussu, nous pourrons comparer les chiffres accompagnés des explications, et nous former une opinion nette. Ceci doit remplir le but que se propose l’honorable membre et nous n’arrêterons pas la discussion.
L’heure étant avancée, on peut renvoyer la continuation de la discussion à lundi.
M. Fleussu – Je demande l’insertion au Moniteur des tableaux dont a parlé M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je crois qu’il y aurait inconvénient à insérer les tableaux détaillés au Moniteur, parce qu’on pourrait les considérer comme constituant des droits acquis à l’égard des demandes de subsides et des demandes de traitement. Je pense qu’on vaut mieux se borner à insérer les chiffres globaux pour chaque catégorie. Si, après cela, quelqu’un désire avoir l’inspection des tableaux, je les lui communiquerai.
M. Fleussu – Ce que je ne comprends pas, ce sont les chiffres globaux pour des détails.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Une somme de 169 mille francs a été disséquée en 5 ou 6 paragraphes. Je donnerai le chiffre global de ces paragraphes.
M. Maertens, rapporteur – On pourrait renvoyer à la section centrale, qui examinerait les tableaux et pourrait faire un rapport pour lundi. Cela ne retarderait rien.
M. Fleussu – C’est ce renvoi que je voulais proposer.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Pourra-t-on avoir lundi le rapport de la section centrale ?
M. Maertens, rapporteur – Je ferai en sorte.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai aucune objection à communiquer à la section centrale les documents détaillés.
M. de Brouckere – Qu’on fixe l’ouverture de la séance à une heure. M. le rapporteur pourra avoir le temps de faire son rapport.
- La discussion est renvoyée à lundi.
La séance est levée à 4 heures et demie.