(Moniteur belge n°19 du 19 janvier 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven rend compte des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur J.-B. Mazetti, sous-officier pensionné, demande que sa pension soit portée au taux de la nouvelle loi. »
« Même demande du sieur Eeraerts à Willebrouck. »
- Renvoi à la section centrale pour les pensions militaires.
« Les conseils communaux de Damme, Oostkerke, Moerkerke et Lapschuure demandent un canal de desséchement de Bouchaut dans la mer du Nord. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. le ministre de la justice adresse à la chambre huit demandes en naturalisation accompagnées de renseignements. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Van Hoobrouck de Fiennes (pour une motion d'ordre) – Messieurs, on vient seulement de distribuer le rapport de M. le ministre des travaux publics concernant le chemin de fer; ce rapport est assez volumineux; je serai peut-être dans le cas de devoir donner quelques explications sur ce qu’il renferme, et l’on comprend facilement que je ne puis pas, sur une simple lecture, apprécier des calculs établis dans le silence du cabinet. Je demande donc que la discussion de tout ce qui est relatif au chemin de fer soit remise jusqu’à ce que nous en soyons arrivés à l’article qui le concerne.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – J’appuie très volontiers la motion de l’honorable membre ; je crois, en effet, qu’il est impossible que la chambre s’occupe aujourd’hui du chemin de fer en prenant en considération le travail que j’ai fait distribuer.
Puisque j’ai la parole, je dirai un mot sur un autre point ; j’ai déposé mon rapport dans la séance de mercredi, il porte un numéro d’ordre comme document de la chambre ; mais je remarque qu’il n’est pas dit, dans le procès-verbal de la séance de mercredi, que la chambre en a ordonné l’impression ; je désirerais que cette omission fût réparée.
M. Delehaye – Je pense, messieurs, que si le rapport n’a pas été distribué plus tôt, c’est précisément parce qu’il a été livré à l’impression par une autre voie que celle de la chambre. Si la chambre avait ordonné l’impression de ce rapport j’ai la conviction intime que MM. les questeurs auraient soigné cette affaire de manière à éviter le retard considérable qu’elle a éprouvé. Quant à la demande de M. le ministre de rectifier le procès-verbal, je pense qu’elle ne peut être admise. Le procès-verbal a été approuvé par la chambre, il ne peut plus être changé ; d’ailleurs il est naturel que celui qui a ordonné l’impression en supporte les frais.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – C’est une allégation tout à fait gratuite que de dire que le rapport aurait été imprimé plus tôt, si je n’avais pas pris la précaution de le remettre dès lundi à l’imprimeur de la chambre. On n’est parvenu à imprimer ce volumineux travail où il se trouve 23 tableaux, qu’en travaillant pendant deux jours et deux nuits ; et je puis déclarer que si le rapport est distribué aujourd’hui, c’est précisément parce que je l’ai envoyé à l’impression dès lundi matin.
Maintenant, messieurs, il s’agit d’une simple question de comptabilité, de la question de savoir si les frais de l’imprimeur seront supportés par le budget de la chambre ou par le budget du ministère des travaux publics, et je vous avoue, messieurs, qu’il me serait excessivement difficile d’imputer ces frais sur l’un ou l’autre chiffre du budget de mon département.
M. Delehaye – Quand j’ai dit que nous aurions pu avoir le rapport plus tôt, c’est parce que, dès mercredi, M. le ministre en avait une épreuve, et qu’il n’a été distribué qu’aujourd’hui.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – On a corrigé l’épreuve et on a complété le travail.
M. le président – Je crois que la question se réduit à celle de savoir si le rapport doit faire partie des documents de la chambre. (Assentiment.)
- La chambre consultée décide que le rapport fera partie de ses documents.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je demanderai qu’on mette maintenant aux voix la proposition que j’ai faite de retarder la discussion du chemin de fer jusqu’à ce que nous en soyons à l’article qui le concerne. Le rapport de M. le ministre contient 45 pages ; il est de toute impossibilité que nous puissions en apprécier aujourd’hui le contenu.
M. le président – Je crois que la motion de M. Van Hoobrouck est inutile, car il n’est pas probable qu’on aborde aujourd’hui la discussion de e qui est relatif au chemin de fer.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Il est très possible que, dans la discussion générale, des orateurs abordent des questions traitées dans le rapport de M. le ministre ; c’est pour éviter cela que j’ai fait ma proposition.
M. Dubus (aîné) – Il me semble qu’il n’y a pas lieu de circonscrire la discussion générale ; si certains honorables membres croient utile de faire des observations sur ce qui fait l’objet du rapport de M. le ministre, d’autres membres pourront prendre ces observations en considération pour y répondre lorsqu’ils auront examiné le rapport.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je crois que la motion de M. Van Hoobrouck peut se réduire à une espèce d’avertissement donné aux membres de la chambre.
M. Verhaegen – Lors de la discussion générale du premier budget, entre autres griefs contre le ministère, j’ai parlé des élections de Ham-sur-Heure ; M. le ministre de l'intérieur nous a remis, il y a quelques jours, des explications sur ces élections ; ces explications sont tout à fait en contradiction avec les pétitions des électeurs, et notamment de celle de M. Tallois ; il s’agit de savoir qui dit vrai, et pour savoir qui dit vrai, il faut recourir aux pièces, aux procès-verbaux des électeurs ; je me suis rendu plusieurs fois au greffe de la chambre à l’effet d’obtenir ces pièces, mais il paraît que ces pièces ont disparu ; je déclare que lors de la discussion du budget de l’intérieur, je prierai M. le ministre de les reproduire. Je fais cette observation dès aujourd’hui, afin que ne me dise pas que j’arrive trop tard.
M. le président – Je ferai observer à M. Verhaegen que j’ai fait faire des recherches à cet égard ; il paraît que ces pièces ont fait partie d’un rapport qui devait être remis à la chambre avant sa séparation, et qu’on ne sait pas ce qu’est devenu le dossier, non plus que le rapport qui n’a pas été déposé par le rapporteur.
M. de Brouckere – Messieurs, le président pourrait peut-être prier officieusement M. le ministre de communiquer les pièces dont il s’agit.
M. Verhaegen – Comme je l’ai déjà dit, si j’ai fait mon observation aujourd’hui, c’est pour que, lorsqu’il s’agira du budget de l’intérieur, on ne puisse pas prétendre que je prends M. le ministre au dépourvu. J’ai des raisons de croire que les pièces ont existé et qu’elles n’existent plus. Je renouvellerai ma motion lorsqu’il sera question de discuter le budget de l’intérieur.
M. Rogier – Messieurs, au budget des travaux publics se rattache la question des indemnités dues par le pays à ceux qui ont souffert des désastres de la guerre et de la révolution ; comme je ne vois dans ce budget aucun chapitre spécial relatif aux indemnités, je dois profiter de la discussion générale pour faire une proposition que voici :
Je demande, messieurs, que l’on mette à l’ordre du jour de la chambre, et le plus tôt possible, le projet de loi présenté au mois de décembre 1833, relativement aux indemnités ; ce projet de loi, messieurs, le gouvernement en a pris l’initiative et il ne peut pas dépendre de la chambre d’en ajourner indéfiniment la discussion.
Voilà bientôt sept ans, messieurs, que ce projet a été présenté, et je crois qu’on ne peut pas accuser les victimes de la guerre d’une trop grande impatience, lorsqu’elles viennent réclamer que la chambre veuille enfin s’en occuper. En 1836, un rapport a été présenté sur le projet dont il s’agit par une commission spéciale dont M. Quirini était rapporteur ; depuis lors, près de quatre années se sont écoulées. Enfin, M. le ministre des travaux publics a fait sur la question, le 31 décembre 1837, un rapport très bien fait, comme tous ceux qui sortent de son administration ; mais, à l’exemple également de quelques autres rapports de son administration, ce rapport ne porte pas de conclusion avec lui. Je ne doute point cependant que M. le ministre des travaux publics ne soit prêt à soutenir dans cette enceinte les débats qui devront, selon moi, être bientôt ouverts sur cette importante question des indemnités.
Je ne veux point, messieurs, demander que la discussion des budgets soit interrompue, mais si, comme la chose est à prévoir, il devait y avoir un intervalle entre la discussion du budget des travaux publics et celle du budget de la guerre, je demanderai que la loi sur les indemnités soit mise à l’ordre du jour après la discussion du budget des travaux publics, dont elle peut être considérée comme une espèce de conséquence.
Une voix – Et le budget de l’intérieur !
M. Rogier – J’ai déjà dit, messieurs, que je ne voulais pas qu’on interrompît sans nécessité la discussion des budgets, ce que je désire, c’est qu’immédiatement après ceux des budgets qui peuvent être discutés sans retard, on aborde la discussion de la loi sur les indemnités, et je ne demande la mise à l’ordre du jour de cette loi avant le budget de la guerre que pour autant que la discussion de ce budget doive être retardée par une autre cause.
Il me semble, messieurs, que le temps est venu d’aborder enfin cette question ; déjà en 1831 un honorable membre s’est prononcé d’une manière très favorable sur la question des indemnités ; ce ministre reconnaissait que si un traité de pays venait à être conclu entre la Belgique et la Hollande, alors le moment serait venu de s’occuper de cette question ; cette opinion a été émise par l’honorable M. de Muelenaere dans son rapport du 24 octobre 1831. Je demande, messieurs, qu’en 1840, 9 ans après cette promesse, on s’occupe enfin de l’accomplir.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il est très vrai, messieurs, que le rapport que j’ai présenté à la chambre le 31 décembre 1837, ne renferme pas de conclusion. La chambre m’avait demandé un exposé des faits, et en n’ajoutant pas de conclusion à mon rapport, je me suis tenu dans la limite de la demande qui m’avait été faite par la chambre.
Je désire autant que l’honorable préopinant terminer les affaires ; je désire comme lui que notamment la question des indemnités arrive à une solution ; c’est précisément pour préparer cette solution que j’ai fait un travail complet sur la question. Comme il peut entrer dans la pensée de l’un ou de l’autre membre de la chambre, soit d’étendre, soit de restreindre le projet de loi qui a été présenté en 1833, il est bon qu’on connaisse tous les faits. Il fallait donc, avant tout, exposer tous les faits à la chambre : tel a été le véritable objet de mon exposé du 31 décembre 1837, qui dès lors ne devait pas avoir d’autres conclusions.
Le gouvernement ne s’oppose pas à la mise à l’ordre du jour du projet de loi ou plutôt de la question des indemnités ; c’est cette question générale que vous mettez forcément à l’ordre du jour ; mais, en ne s’opposant pas à cette mise à l’ordre du jour, le gouvernement désire qu’on n’entrave pas les autres travaux urgents de la chambre.
M. le président – Je ferai observer que la chambre a déjà mis à l’ordre du jour le projet de loi sur les pensions civiles.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Que la chambre prenne acte de la déclaration que je viens de faire au nom du gouvernement ; plus tard nous pourrons fixer l’ordre du jour ; je ne vois pas comment on pourrait le fixer dès à présent d’une manière précise.
M. de Brouckere – Messieurs, je suis très disposé à me contenter de la déclaration du ministre, si toutefois aucun membre de la chambre ne s’oppose à la mise à l’ordre du jour de cette question, quand le moment favorable sera venu de la discuter.
M. Rogier – Je n’ai pas d’objection à faire, du moment qu’on l’entend ainsi.
M. de Muelenaere – Il est bien entendu que la question porte sur ceci : qu’il y a urgence de discuter enfin le principe et les conséquences qui découlent du principe. (Sans doute !)
M. Dubus (aîné) – Messieurs, s’il y a une loi urgente, c’est celle sur les chemins vicinaux dont la chambre s’est déjà occupée dans la session dernière ; la chambre sentira sans doute la nécessité de reprendre cet objet important.
M. Rogier – Je prévois que ma motion d’ordre court les dangers d’un nouvel ajournement. Je fais la motion formelle que la chambre mette à l’ordre du jour la loi sur les indemnités, au plus tard après le vote du budget de la guerre.
M. Dubus (aîné) – Je demande l’ajournement de cette motion, afin que la chambre soit à même d’examiner quels sont les projets qui méritent la priorité sur celui dont il s’agit ; la motion arrive un peu brusquement ; il faut que nous ayons le temps de l’examiner.
M. Fleussu – J’appuie d’autant plus l’ajournement, qu’il y a dans la chambre des députés nouveaux qui n’ont pas connaissance des faits et des pièces ; il faut qu’on leur donne le temps d’examiner la question.
M. A. Rodenbach – Je crois, avec l’honorable M. Dubus qu’il est urgent de reprendre la loi sur les chemins vicinaux. Ce projet est de la plus grande importance. Les trois quarts de ces chemins sont impraticables.
Le rapporteur de la section centrale, M. Heptia, ne faisant plus partie de la chambre, il faudrait convoquer la section centrale, pour faire procéder à la nomination d’un nouveau rapporteur.
M. le président – La section sera convoquée lundi.
M. Rogier – Messieurs, je ne conteste pas l’utilité, l’urgence même du projet de loi sur la voirie vicinale, mais je réclame la priorité pour une loi qui a été présentée il y a sept ans ; la mise à l’ordre du jour de ce projet a été décidée plusieurs fois, et l’on en a toujours reculé la discussion, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre.
En demandant de nouveau la mise à l’ordre du jour de la loi, je n’exige pas que chaque membre se prononce en faveur du principe ; on l’admettra ou on le rejettera ; mais au moins qu’on fasse cesser cet état d’incertitude où on laisse les victimes de la guerre depuis sept ans. Pourquoi ne pas aborder enfin franchement cette discussion ? Chacun de nous fera valoir ses raisons pour ou contre ; la discussion portera ses fruits ; mais un ajournement indéfini est un déni de justice envers les victimes de la guerre ; il y a plus, c’est un déni de justice envers le gouvernement, car, messieurs, vous ne pouvez pas ajourner indéfiniment les projets de loi dont vous êtes saisis. Remarquez où l’on voudrait nous mener si, après les budgets, on mettait à l’ordre du jour la loi sur les chemins vicinaux, la loi sur les pensions civiles, peut-être aussi la loi sur les douanes ; au train où nous allons, l’année 1840 se passera sans qu’on entame enfin la discussion de la question qui a déjà été mise à l’ordre du jour.
J’insiste donc pour qu’on fixe la discussion du projet au plus tard après la discussion du budget de la guerre. D’ici là, messieurs, les membres qui, depuis l’année 1833, ou plutôt que, depuis 1830, n’ont pas eu le temps de s’occuper de la question, auront encore une quinzaine de jours devant eux pour connaître toutes les difficultés qui peuvent se rattacher à la question. Du reste la question est extrêmement claire, et je ne pense pas qu’elle exige un grand effort d’imagination pour être comprise.
M. Mast de Vries – Messieurs, je ferai remarquer que M. Quirini, qui était rapporteur de la section centrale chargée de l’examen de la loi sur les indemnités, ne fait plus partie de la chambre. Il faudrait donc aussi convoquer la section centrale, pour qu’elle procédât à la nomination d’un nouveau rapporteur.
M. de Brouckere – Messieurs, le nouveau moyen que vient de faire valoir l’honorable préopinant, pour obtenir un délai de la chambre, n’est certainement pas admissible. Le rapporteur d’une section centrale ou d’une commission qui a déposé son rapport n’a plus rien à faire. On ne nomme pas un nouveau rapporteur pour défendre l’ouvrage d’un autre ; l’un ou l’autre de nous prendra la défense du rapport, s’il le juge convenable ; mais il serait par trop absurde que la chambre chargeât un membre de soutenir l’œuvre d’un autre ; cela ne s’est jamais vu, et probablement cela ne se verra jamais.
J’appuie de toutes mes forces la proposition de l’honorable M. Rogier. Il est vrai qu’il y a encore d’autres lois que celle relative aux indemnités, qui ont un caractère d’urgence ; mais la loi des indemnités est la plus ancienne de toutes. Après cela, je crois qu’on pourrait faire valoir des raisons d’une très haute portée pour déterminer la chambre à s’occuper dans le plus bref délai possible de la loi des indemnités ; ces raisons ne s’arrêtent pas même aux frontières du pays, mais il est inutile de les dévoiler ici. Je crois qu’il serait d’une très bonne politique, et pour l’intérieur et pour l’extérieur, que la chambre s’occupât le plus tôt possible de la loi sur les indemnités.
M. Mast de Vries – Messieurs, je désire autant que l’honorable préopinant voir discuter la loi sur les indemnités ; je suis dès lors très étonné de l’observation de M. de Brouckere. On a fait remarquer tout à l’heure que le rapporteur du projet de loi sur les chemins vicinaux ne faisait plus partie de la chambre, et la chambre a décidé qu’on ferait procéder à la nomination d’un nouveau rapporteur. Eh bien, j’ai fait la même proposition, en ce qui concerne le rapporteur de la loi sur les indemnités, et l’on s’étonne que je la fasse.
M. de Brouckere – La chambre n’a rien décidé quant au rapporteur de la loi sur les chemins vicinaux.
M. Mast de Vries – M. le président a annoncé qu’il ferait convoquer la section centrale pour la nomination d’un nouveau rapport.
M. de Brouckere – Je prie l’honorable M. Mast de Vries de dire à quoi bon un nouveau rapporteur, que fera-t-il ? Un rapporteur est chargé de faire un rapport ; quand le rapport est fait, sa tâche est finie.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, l’honorable préopinant demande pourquoi il faudrait nommer un rapporteur ; je dis même qu’il faudrait compléter la section centrale. Voici pourquoi : il arrive continuellement, dans le cours de la discussion, que vous renvoyiez l’un ou l’autre des amendements à la section centrale ; que ferez-vous alors si la section centrale est incomplète ?
M. de Brouckere – On pourra la compléter alors.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Soit : je n’ai fait cette observation que pour faire comprendre à l’honorable préopinant que ce n’est pas une chose absolument inutile de compléter une section centrale ou une commission.
M. de Brouckere – J’ai dit qu’il était inutile de compléter la section centrale pour le moment.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je n’ai pas entendu que l’honorable membre ait dit ces mots ; sans cela je n’aurais eu rien à dire. Néanmoins, si vous le décidez aujourd’hui, vous aurez un incident de moins.
Messieurs, j’ai dit qu’on pouvait prendre acte de la déclaration que j’avais faite, que le gouvernement ne s’opposait pas à la mise à l’ordre du jour de la question des indemnités. Mais je répète ce que j’ai déjà dit, il serait très difficile de fixer dès à présent d’une manière précise le jour où l’on abordera cette discussion. J’ajouterai qu’il serait peut-être convenable de faire une nouvelle distribution, et peut-être même une nouvelle impression de deux rapports, de mon rapport du 31 décembre 1837 et de celui de M. Corneli, sur les réclamations de plusieurs villes, et notamment de Bruxelles.
M. de Brouckere – Ce que vient de demander M. le ministre des travaux publics n’est pas plus admissible que ce qu’a demandé M. Mast de Vries.
On veut que vous complétiez la section centrale pour le cas éventuel (qui probablement ne se réalisera pas) du renvoi du projet à la section centrale. Mais ayez donc la patience d’attendre.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je ne le demande pas. Je l’ai déclaré.
M. de Brouckere – Ainsi, M. le ministre des travaux publics retire sa proposition. Alors je n’ai rien à ajouter.
Tout à l’heure, on vient de parler d’une question nouvelle, de celle des indemnités que le pays peut accorder du chef des pillages ; mais cette question qui est séparée de celle des indemnités, viendra en son temps. Pour ma part, j’ai dit dans d’autres circonstances, quelle est mon opinion relativement aux pillages de Bruxelles. Mais, je le répète, cette question est distincte de celle des indemnités, et elle viendra en son temps et lieu.
M. Dubus (aîné) – Dès le mois de novembre, une motion a été faite dans le sein de l’assemblée pour demander la reprise de la discussion du projet de loi sur les chemins vicinaux. Je reviens sur ce que j’ai dit. Sur cette motion, l’observation a été faite par un honorable membre que le rapporteur ne faisait plus partie de la chambre, et qu’il fallait nommer un nouveau rapporteur ; et on a ajourné de faire droit sur la motion, jusqu’à ce qu’un nouveau rapporteur fût nommé. Mais le projet de loi relatif aux indemnités est dans la même situation, à la différence que la discussion n’est pas commencée. On dit qu’on ne peut pas nommer un nouveau rapporteur. Pourquoi ? parce que le rapport est le travail d’un homme ; et que nous ne pouvons nommer quelqu’un pour défendre son travail. Mais cela est très inexact. Le rapport est le travail de la section centrale ; et le rapporteur est spécialement chargé de défendre ce travail. Mas si ce défenseur, en quelque sorte officiel, fait défaut, la section centrale a intérêt à en nommer un autre ; car on conçoit que, dans une loi d’un grave intérêt, et qui soulève des questions difficiles et importantes, il est nécessaire qu’un homme soit spécialement chargé de l’examen et de la défense du travail de la section centrale. Je pense donc qu’il est nécessaire, pour l’un comme pour l’autre, qu’on désigne un nouveau rapporteur, ou si l’on veut un défenseur du travail de la section centrale.
Dès lors, vous comprendrez qu’il n’y a pas urgence. La motion servira d’avertissement pour les membres de la chambre. Mais j’insiste pour que cette motion soit ajournée. Quel inconvénient peut-il y avoir à cet ajournement, alors que, si la motion est adoptée, il s’écoulera 15 jours avant qu’il y soit donné suite. La semaine prochaine, la motion pourra être reprise. D’ici là la chambre reconnaîtra quel ordre elle doit suivre dans ses délibérations.
Pour le moment l’ordre du jour me paraît suffisamment chargé. Je ne sais s’il est convenable que nous ayons sur le bulletin de l’ordre du jour sept ou huit projets de loi qui peuvent demander 15 ou 20 séances de discussion. Quand nous aurons achevé une partie du travail imposé par l’ordre du jour, il sera temps de régler l’ordre du jour ultérieur.
M. Rogier – Comme je n’aime pas que la chambre perdre du temps, surtout par ma faute, je ne vois pas la nécessité de renouveler dans 8 jours la discussion qui vient d’avoir lieu. Je demande donc que l’on mette dès à présent la loi des indemnités à l’ordre du jour de la manière que j’ai indiquée.
Qu’il y ait nécessité de nommer un nouveau rapporteur, cela ne m’est pas démontré. Si on reconnaît la nécessité, cette nomination peut avoir lieu du jour au lendemain, et sans nouvel ajournement. Mais je demanderai quelles seront les fonctions du nouveau rapporteur. Aura-t-il un nouveau rapport à faire ? le rapport de M. Quirini n’est-il pas acquis à la chambre et au gouvernement ? Faudra-il que la commission s’assemble de nouveau, et qu’elle fasse un nouveau rapport ? est-ce là ce que demande l’honorable préopinant ?
S’il s’agit de défendre le rapport de la commission, je trouve dans la commission d’honorables membres très capables de se charger de ce travail, notamment l’honorable préopinant lui-même, qui fait partie de cette commission. Il n’y a pas plus lieu de nommer un nouveau rapporteur, qu’il n’y a lieu de remplacer dans la commission M. Verdussen qui, de même que M. Quirini, ne fait plus partie de la chambre.
Dans tous les cas, je demande que, si l’on décide la nomination d’un nouveau rapporteur, cette nomination se fasse sans nouveau retard, et n’entraîne pas l’obligation de faire un nouveau rapport.
Cette question est la plus importante à aborder après celle du traité de paix. Depuis 7 ans le projet de loi est présenté ; depuis 7 ans les victimes de la guerre attendent du pays, représenté par la chambre, une réparation tant de fois promise. La chambre ne trouvera pas mauvais que je l’aie occupée quelques instants de cet objet. Du reste, il dépend de la chambre que cette discussion n’absorbe plus ses moments ; elle n’a qu’à mettre le projet de loi sur les indemnités à l’ordre du jour, soit avant, soit immédiatement après le budget de la guerre.
M. de Brouckere – Je suis étonné de voir qu’on insiste pour qu’il soit nommé un nouveau rapporteur pour la loi des indemnités, alors que le rapport est déjà fait.
D’abord il est facile de comprendre que, quand le rapport est présenté, les fonctions de rapporteur sont accomplies. On dit qu’il est ordinairement le défenseur du rapport ; cela est vrai ; mais ce n’est pas pour lui une obligation. Je défie qu’on indique dans le règlement une seule disposition d’où il résulte que le rapporteur soit, plus qu’aucun autre membre de la section centrale, chargé de défendre le rapport. Je dirai plus : c’est que, dans le rapport, il se trouve des conclusions que le rapporteur lui-même n’approuve pas. Mais ce n’est là qu’un raisonnement. J’aime mieux recourir au règlement, et vous verrez s’il me donne gain de cause. Jetez les yeux sur l’article 54. Il porte :
« Article 54. La section centrale nomme, à la majorité absolue, un de ses membres (pourquoi ?) pour faire le rapport à l’assemblée (punctum.) »
Ainsi, quand le membre a fait son rapport, sa mission est remplie, et il n’est pas besoin d’un nouveau rapporteur.
M. Dubus (aîné) – Il me semble que l’article du règlement ne décide nullement la question. On argumente de ce qu’il ne décide pas pour conclure qu’il décide. Je n’admets pas cette manière de raisonner. Quel est l’usage de la chambre ? (Car l’usage est le complément obligé du règlement.) Dans l’usage, le rapporteur ne se borne pas à faire le rapport ; il vient aussi défendre les conclusions du rapport. Cela est tellement dans les usages de cette assemblée que, quand il y a des renseignements à demander, d’ordinaire on les demande au rapporteur, et que d’ordinaire, pour qu’il réponde aux observations dont son rapport a été l’objet. Ainsi, d’après nos usages, il n’y a pas de doute sur la question qui n’est pas décidée par le règlement.
M. Verhaegen – L’article 55 du règlement vient à l’appui de l’observation de l’honorable M. de Brouckere.
Cet article porte :
« Article 55. Ce rapport contient, outre l’analyse des délibérations des sections et de la section centrale, des conclusions motivées.
« Il sera imprimé et distribué au moins deux jours avant la discussion en assemblée générale, sauf les cas où la chambre en décide autrement. »
Ainsi, lorsqu’un rapporteur est nommé, qu’il a fait son rapport et que ce rapport est imprimé et distribué, toutes les obligations du rapporteur cessent, et il n’y a plus dans le règlement aucune disposition où il soit question de rapporteur ou de rapport.
Si l’on adoptait l’opinion contraire, il en résulterait un inconvénient. Le nouveau rapporteur devrait faire ce qu’a fait le premier : un nouveau rapport. Cela résulte à l’évidence des articles 54 et 55. (Dénégations.)
M. de Brouckere – Non. Ce sera un rapporteur qui ne fera pas de rapport. (On rit.)
- L’ajournement de la proposition de M. Rogier, demandé par M. Dubus (aîné), est mis aux voix et prononcé.
La proposition de M. Mast de Vries, tendant à ce que la section centrale soit convoquée pour nommer un nouveau rapporteur pour le projet de loi relatif aux indemnités, est mise aux voix et adoptée.
M. le président – La parole est à M. de Nef.
M. de Nef – L’examen de ce budget m’a donné l’assurance que l’exécution de plusieurs travaux, et principalement celle des chemins de fer, objet de l’admiration de tous les étrangers, se poursuit avec régularité. La réalisation d’un projet de canalisation dans la Campine anversoise et limbourgeoise, dont on s’occupe à faire les études produira des richesses immenses dans le pays.
Je ne m’occuperai pas des routes provinciales ; les conseils des provinces respectives, appréciant les vues du gouvernement et des chambres législatives, coopèrent très activement à développer le système de communication ; mais je désire aujourd’hui porter l’attention de M. le ministre sur une route du gouvernement, laquelle, par sa petite longueur, sera peu coûteuse, et dont cependant les résultats seront extrêmement avantageux, je veux parler d’une route pavée entre Turnhout et Tilbourg. La distance de cette dernière commune jusqu’à Turnhout est de 6 lieues, dont 3 lieues environ sur le territoire hollandais et 3 lieues sur le nôtre ; ainsi, quant à nous, nous avons seulement à nous occuper de 3 lieues sur notre territoire, et, cette petite branche achevée, nous pourrons nous reposer sur une presque certitude que le gouvernement hollandais, sollicité efficacement par plusieurs populations, ne restera pas en défaut.
Je reconnais que le ministère a cru pouvoir s’abstenir jusqu’ici de doter de communication une grande partie de l’arrondissement de Turnhout, parce que la position topologique s’y oppose ; mais tel ne peut être ici le motif, car j’ose le prédire avec conviction, aucune autre roue construite depuis 1830 ne sera plus productive en péages pour l’Etat et plus féconde en bons résultats de toute nature.
Ce faible travail de trois lieues sur notre territoire mettrait en rapport direct et facile une foule de localités et de contrées étendues de notre pays avec les populations nombreuses, non seulement du Brabant, mais même des provinces plus éloignées en Hollande.
Ce rapprochement de distance contribuerait à hâter le défrichement de ces immenses bruyères, qui couvrent cette partie de la Campine, et qui, étant d’une nature très favorable à l’agriculture, ne demandent autre chose que des facilités de communication pour se changer en terres fertiles et productives.
Finalement la route sur Diest par Gheel acquerrait par là une importance nouvelle et pourrait y trouver, en grande partie, les sources de sa prospérité future.
La construction de ce pavé aurait peut-être déjà eu lieu sans les événements politiques dont la durée s’est prolongée depuis 1830 jusqu’à la signature définitive du traité de paix, et je n’ai attendu que ce moment pour réclamer aussitôt une communication si vivement et si justement désirée par les populations environnantes.
J’ose me flatter que l’on ne m’objectera pas que l’on peut accorder des facilités de communication aux contrées limitrophes sans compromettre un bon système militaire de défense, car je demanderai alors comment il se fait que la même objection n’arrête pas la construction des chemins de fer, qui se dirigent également vers les frontières et qui nécessitent des dépenses énormes, que pour mon compte, du reste, je suis bien loin de blâmer. La meilleure défense et la force la plus efficace d’un gouvernement sont dans l’attachement des habitants, et certes la Campine en a donné des preuves assez manifestes en supportant, pendant des années, sans murmurer, les charges de toute nature qui résultent de la présence d’une armée et d’un état pour ainsi dire permanent de quasi hostilité.
Je pense donc qu’il suffira d’avoir attiré, sur ce point, l’attention de M. le ministre des travaux publics, pour qu’il se décide en faveur d’un travail si utile et sui peu coûteux, tout en ne perdant pas de vue les autres communications projetées.
M. Peeters – Messieurs, depuis que j’ai l’honneur de faire partie de cette chambre, j’ai souvent demandé la parole, ainsi que mon honorable ami M. de Nef, pour réclamer la construction des routes dans la Campine, pays toujours négligé par les gouvernements précédents.
Le rapport que vient de nous présenter M. le ministre des travaux publics, dans la séance du 12 décembre dernier, vous prouve, messieurs, combien nos réclamations étaient justes et fondées. En effet, vous y trouverez, page 55, le tableau de toutes les routes existantes en Belgique à la fin de 1830, savoir 12 lieues de routes concédées, 148 lieues de routes provinciales et 545 lieues de routes de l’Etat, ensemble 705 lieues.
C’est des routes de l’Etat surtout que je veux parler ici ; elles se trouvaient réparties comme suit :
La province du Brabant en avait 80 lieues.
La Flandre occidentale, 78.
La Flandre orientale, 69.
Le Hainaut, 91.
Liége, 46.
Le Limbourg, 51.
Le Luxembourg, 69.
Namur, 38.
Et la province d’Anvers seulement 23.
Ensemble, 545 lieues.
Sans doute, messieurs, vous serez aussi étonnés que moi de voir qu’une province si importante et qui rapporte tant au gouvernement, n’eût que vingt-trois lieues de route de l’état, tandis que d’autres provinces en avaient quatre fois autant.
Je me suis souvent demandé quelle pouvait être la cause de cette énorme différence par rapport à d’autres provinces, et je crois devoir me l’expliquer ainsi :
Vous savez tous, messieurs, que lors de notre union à la Hollande, plusieurs membres des états-généraux de la province d’Anvers, toujours exclusivement occupés des intérêts du haut commerce, se sont séparés de leurs collègues méridionaux dans toutes les questions importantes, et ont constamment voté avec les députés d’outre-Moerdyck, en négligeant les intérêts agricoles de leur province.
Depuis notre régénération politique, dont les institutions sont basées sur la justice et sur l’équité, deux emprunts ont été successivement demandés par le gouvernement et votés par les chambres pour donner des routes pavées et empierrées aux localités qui en étaient le plus privées. (Voir les discours prononcés et les explications ministérielles données lors de la discussion de ces emprunts.)
C’est à cette époque que l’espérance des habitants de la Campine a commencé à renaître ; confiants dans la justice distributive du gouvernement, ils nous avaient chargé de faire valoir leurs droits.
Mais, messieurs, je dois le dire à regret, il paraît que l’arrondissement de Turnhout n’obtiendra justice que bien tardivement ; au moment où je parle, cet arrondissement, qui a une si grande étendue et qui contient une population d’environ cent mille habitants, ne possède qu’une forte lieue de route pavée faite par l’état, savoir un bout de la route d’Anvers à Turnhout ! Il ne possède ni canaux, ni chemins de fer, ni autres bonnes communications.
Parcourez le dit rapport de M. le ministre des travaux publics, et vous y verrez, page 58, que depuis la révolution on n’a dépensé dans la province d’Anvers, en constructions de routes de l’état, que la modique somme de cent trente-sept mille sept cent quatre-vingt-treize francs.
Tandis qu’on a déjà dépensé depuis cette époque six cent mille cinq cent quatre-vingt-neuf francs dans la province de Namur ;
Sept cent trente-deux mille cent cinquante-sept francs dans la province du Limbourg ;
Et un million sept cent quatre-vingt-neuf mille six cent sept francs dans la seule province du Luxembourg.
Ce résultat est bien désolant pour la province d’Anvers et particulièrement pour l’arrondissement de Turnhout, qui n’a rien, surtout lorsqu’on considère que lesdits emprunts, comme je viens de le dire, avaient été votés pour favoriser les pays les plus mal partagés.
Le mécontentement devenu général dans la Campine ne diminuera certes pas, lorsqu’on connaîtra les chiffres que je viens de vous citer.
Lors de la dernière discussion sur l’émission de 12 millions de bons du trésor, un honorable représentant du Hainaut (province sillonnée, en tous sens, de routes pavées, de canaux et d’autres bons moyens de communications) se plaignait amèrement de la lenteur qu’on mettait à exécuter la route en fer dans cette province. Les habitants du Hainaut, a dit cet honorable membre, dont partie de la grande famille ; ils paient leurs contributions, et à ce titre ils ont droit d’avoir aussi le railway gouvernemental.
Je suis sans doute plus fondé à dire que l’arrondissement de Turnhout, qui contribue aussi largement dans la répartition des impôts, qui, avant la péréquation cadastrale, a été surtaxé de plusieurs millions dans la contribution foncière, et qui ne possède jusqu’ici ni canaux, ni chemins de fer, a droit au moins à réclamer ses routes pavées gouvernementales.
En remarquant l’oubli où le gouvernement a laissé jusqu’ici cet arrondissement, on serait tenté de croire que ses habitants ne font pas partie de la famille belge ; oui, messieurs, l’étranger qui parcourt notre arrondissement ne se croit plus dans cette Belgique où l’on a dépensé tant de millions en travaux d’utilité publique depuis la révolution.
On pourrait bien dire peut-être que cet état de choses provient en partie des difficultés suscitées par le génie militaire contre la construction des routes dans ce pays (difficultés sur lesquelles je reviendrai lors de la discussion du budget de la guerre). Mais, messieurs, ne pourrait-on pas aussi l’attribuer à l’insouciance pour les intérêts agricoles dont plusieurs députés de la province d’Anvers paraissent avoir hérité de leurs prédécesseurs ?
Ces honorables membres trouvant, dans les environs des lieux qu’ils habitent, chemins de fer, routes pavées, canaux et autres moyens de communications, ne viennent jamais appuyer les justes demandes de l’arrondissement de Turnhout et d’une partie même des arrondissements d’Anvers et de Malines.
Cette conduire de mes honorables collègues me paraît d’autant plus inexplicable que leurs commettants sont bien disposés en faveur de la Campine.
Sur la proposition de monsieur le gouverneur, le conseil provincial d’Anvers (nommé par les mêmes électeurs), mieux éclairé sur les véritables intérêts de la province, a pris l’initiative dans cette importante question, et, se reposant sur le zèle patriotique des ses députés aux chambres pour réclamer les grandes communications, auxquelles nous avons droit pour être placés de niveau avec les autres provinces du royaume, fait exécuter à charge de la province pour environ deux millions de travaux d’utilité publique, dans les localités qui en avaient le plus besoin.
C’est avec peine que je dois faire remarquer qu’il n’a pas été secondé par ceux mêmes dans lesquels il avait placé tant d’espérance.
Croyons qu’à l’avenir les honorables membres, mieux éclairés sur nos droits et notre position, viendront soutenir fortement les demandes les plus justes d’une grande partie de leur province, encore entièrement privée de communications.
Ces honorables députés doivent savoir, ainsi que l’a fort bien fait observer M. le ministre de l'intérieur lors de la discussion desdits emprunts, « que dans un pays constitutionnel comme le nôtre, l’on doit soigner les intérêts de tous ; que le bien-être matériel doit se répandre dans toutes les parties du territoire et jusqu’à l’extrémité du pays, afin qu’on ne voie plus des contrées délaissées, comme il en existe aujourd’hui, végéter dans un état de détresse à côté d’autres qui nagent dans l’opulence. »
C’est dans l’intérêt du commerce même que j’engage ces honorables collègues à ne plus vouloir jouir exclusivement en perdant entièrement de vue les intérêts agricoles ; s’il en était ainsi, l’on ne serait pas toujours disposé à rendre le bien pour le mal, et bientôt ils se trouveraient seuls pour les affaires commerciales.
J’espère aussi que M. le ministre des travaux publics qui, nous le savons, est pressé de toutes parts ; car ceux qui ont beaucoup, demandent encore davantage et ne donneraient rien à ceux qui n’ont rien ; j’espère, dis-je, que M. le ministre, qui doit maintenant connaître nos droits et nos besoins, voudra enfin s’occuper sérieusement d’un pays trop longtemps oublié.
La discussion qui vient d’avoir lieu sur le canal de l’Espierre, et les pétitions arrivées des Flandres pour déplacer le chemin de fer, nouvellement construit, doivent vous prouver M. le ministre, qu’il faut être prudent en accordant à ceux qui ont déjà beaucoup ; vos bienfaits n’y sont pas toujours bien reçus. M. le ministre aurait donc mieux fait de s’occuper plus activement d’un pays qui n’a rien, et alors, au lieu de récriminations et de discussions amères, vous n’auriez rencontré que satisfaction et reconnaissance.
J’engage donc M. le ministre à s’occuper immédiatement de la route de Turnhout à Diest, que l’on achève au moins en l’an quarante, une route projetée il y a 30 ans, et décrétée même avant les chemins de fer.
Cette route pourrait être prolongée fort utilement pour le pays jusqu’aux frontières de la Hollande vers Tilbourg, ainsi que l’a fort bien dit mon honorable ami M. de Nef, et il serait aussi très convenable d’y joindre par des embranchements les importantes communes de Mol et de Meerhout, et après l’exécution de tous ces projets, l’arrondissement de Turnhout serait encore très mal partagé ; il n’aurait pas, à beaucoup près, ce qu’il a droit de réclamer en proportion des autres parties du royaume.
Si je suis bien informé, un projet de canalisation de la Campine nous sera présenté sous peu ; je désire qu’il soit aussi vaste que possible, afin de pouvoir satisfaire aux intérêts de toutes les localités d’un pays, qui, jusqu’ici sans aucun dédommagement matériel, a supporté presque exclusivement, avec autant de résignation que de patriotisme, tous les logements militaires et autres inconvénients de l’état de guerre que la Belgique a dû subir depuis la révolution.
Tout ce que je viens de dire vous prouve, messieurs, que la Campine a toujours été et est encore négligée ; cet état de choses ne peut durer davantage, nos droits ne peuvent être plus longtemps méconnus, le ministère entier serait responsable d’une pareille négligence.
Si donc comme j’ose l’espérer, les explications que M. le ministre voudra bien nous donner sont rassurantes pour l’arrondissement de Turnhout, je voterai pour son budget ; mais si, contre toute attente, ses promesses n’étaient pas réalisées avant la session prochaine, mon devoir m’obligerait de voter contre tous les budgets.
Puisque j’ai la parole j’en profiterai pour prendre acte des dispositions généreuses pour les travaux d’utilité publique, que j’ai remarquées hier avec plaisir dans plusieurs de mes honorables collègues.
L’honorable comte Meeus et l’honorable M. Verhaegen auraient bien voulu dépenser près de sept millions pour donner un canal de plus à un pays qui, suivant l’aveu même de ses représentants directs, les honorables MM. Dubus aîné et Dumortier, possède déjà des moyens de communications si faciles qu’il ne voudra pas profiter du nouveau canal de l’Espierre.
J’ai encore remarqué avec la même satisfaction leur souci scrupuleux pour l’inviolabilité de la constitution. Maintenant ma tâche est facile, ayant prouvé que la Campine n’a rien, il me suffira de vous lire l’article 32 de la constitution, ainsi conçu :
« Les membres des deux chambres représentent la nation et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés. »
Rendrez dans vos consciences, et ma tâche est remplie.
Que M. le ministre des travaux publics présente donc le projet de canalisation dont je viens de parler, il trouvera, vous devez en être persuadés, de nombreux défenseurs dans cette enceinte ; il ne faudra pas sept millions pour canaliser toute la Campine, canalisation qui sera dix fois plus utile au pays que le canal de Bossuyt.
M. Scheyven – Messieurs, si je prends la parole dans la discussion générale du budget des travaux publics, c’est pour m’acquitter d’un devoir impérieux que m’impose mon mandat.
J’aurai voulu que M. le ministre des travaux publics, répondant aux promesses qu’il a faites aux habitants du Limbourg dans une circonstance triste mais solennelle, fût venu nous prouver par des faits que les sentiments dont il était animé à cette époque n’étaient pas les sentiments d’un jour ; j’aurais voulu que, dans sa sollicitude pour le bien-être du pays, il eût jeté un regard sur ces malheureuses populations, victimes des événements politiques, et eût taché de cicatriser les plaies encore saignantes que le traité fatal leur a faites.
Je ne dirai rien de ceux, dont jadis je tenais mon mandat, et dont en toute circonstance j’ai eu à cœur de défendre les intérêts ; mes paroles seraient peut-être froidement accueillies, pour eux le mal est fait, il est irréparable.
Mais, messieurs, ne croyez pas qu’ils soient les seules victimes de ce funeste traité. Il en a atteint d’autres, il a frappé dans les intérêts les plus chers un district qui, moins malheureux qu’une partie de mes anciens commettants, avait avec eux des relations journalières de commerce et d’intérêts. Ces habitants, qui ont au moins la consolation d’appartenir à la Belgique, ont droit de venir réclamer que le gouvernement prenne en considération leur nouvelle mais malheureuse position, et qu’il s’occupe de leur sort.
A ce titre je veux appeler l’attention toute particulière de M. le ministre des travaux publics sur les besoins des habitants du district de Maeseyck, qui m’a confié mon mandat.
De tous les habitants du pays, ce sont sans doute ceux de la Campine qui ont le plus souffert des suites des commotions politiques de 1830. Leur situation était un point de défense pour le pays. Par cette cause ils ont eu continuellement des logements militaires, qui ont été pour eux une charge extraordinaire, un impôt qui principalement a pesé sur eux. L’interruption de la navigation sur le canal de Bois-le-Duc pendant plusieurs années, la fermeture de la Meuse jusqu’à l’époque de Zonhoven leur ont également porté un préjudice notable ; certes, un gouvernement juste doit leur tenir compte de ces sacrifices que les circonstances politiques leur ont imposés.
Malgré toutes ces calamités dont ils ont été l’objet, ils ont constamment contribué sans murmures dans les autres charges du pays. Nulle part, peut-être, les impôts n’ont été si régulièrement payés que dans ces contrées ; cependant jamais ils n’ont obtenu une part dans les avantages ; ils sont encore à attendre les premiers bienfaits du gouvernement pour leur bien-être matériel ; et si aujourd’hui ils sont lésés de nouveau dans leurs intérêts par l’exécution du traité qui les sépare de leurs anciens frères, ils se résigneront encore à cette dure nécessité, si le gouvernement voulait prendre en considération leur nouvelle et triste position, et voulait sincèrement améliorer leur sort. Car tel débitant qui jadis trouvait des acheteurs en ceux qu’une ligne de douanes sépare aujourd’hui du pays, est forcé de fermer son magasin, tel commerçant qui faisait son principal commerce avec le Limbourg cédé, est aujourd’hui sinon ruiné au moins dans la gêne, en attendant de trouver ailleurs de nouveaux débouchés ; enfin, chacun le comprendra facilement, cette séparation a froissé les intérêts de tous, et il convient d’y porter remède.
Si le gouvernement veut s’occuper de ce que réclament les intérêts de ces populations, tout espoir d’un meilleur avenir n’est pas perdu pour elles.
Parmi les moyens propres à améliorer leur sort, le principal est celui de leur faciliter des relations avec l’intérieur du pays, de les y rattacher plus intimement par des voies de communication, et de leur procurer des facilités pour transporter les produits du sol et de leur industrie.
Pour atteindre en partie ce but, il est indispensable que la route projetée entre Maeseyck et Hasselt soit construite le plus tôt possible : l’organe du gouvernement dans la province du Limbourg a reconnu également cette nécessité. Voici ce que disait le gouverneur de la province dans son discours de la dernière session du conseil provincial : « Maeseyck et les bords de la Meuse prétendent, avec raison, trouver dans une route se dirigeant par la bruyère avec le chef-lieu de la province, dans le marché de Hasselt, un écoulement pour leurs céréales et des relations administratives faciles. »
Le conseil provincial, pénétré de cette nécessité, a chargé la députation permanente d’insister auprès du gouvernement pour le prompt achèvement de cette route. J’engage donc M. le ministre à s’occuper le plus tôt possible de cet objet.
Qu’il me soit permis d’exprimer à cette occasion à M. le ministre les vœux des habitants du district de Maeseyck sur la direction de cette route.
Il est incontestable que le but principal doit être celui d’en faire profiter le plus grand nombre de localités possible. Sous ce rapport, je crois que M. le ministre doit abandonner le projet principal, qui tendait à la diriger de Hasselt sur Asch et Niel et de là sur Stokheim, parce que les motifs qui l’on dicté n’existent plus. En effet, cette direction semblait avoir été projetée dans la vue de lier les cantons de la rive droite de la Meuse au chef-lieu de la province, et de favoriser les houillères de Kerkrade. Mais aujourd’hui que le traité est exécuté, que la rive droite de la Meuse est séparée de la Belgique, que les houillères de Kerkrade appartiennent à la Hollande, elle n’offre plus le même intérêt pour le pays, elle ne présente plus l’utilité générale, et enfin elle méconnaît les droits et les besoins de la Campine. La direction réclamée généralement est celle de Hasselt sur Asch et Niel et de là sur Opeteren et Neeroeteren, pour aboutir à Maeseyck.
Ces communes, privées de toute communication avec le chef-lieu de la province et avec celui du nouveau district de Maeseyck y trouveraient un débouché qui leur est indispensable pour le produit de leur sol, et la Campine qui, sous tant de rapports, a droit à la bienveillance du gouvernement, y trouverait un dédommagement pour toutes les pertes qui ont été les suites du traité. Une autre route, qui est aussi vivement réclamée non seulement par une partie du district de Maeseyck mais par d’autres localités, c’est celle de Beringen à Bree.
Déjà, à plusieurs reprises, des pétitions ont été adressées tant au gouvernement qu’à cette chambre par le conseil communal de la ville de Bree pour la construction de cette route ; récemment encore il nous en a été adressé une dans le même but par ce conseil, qui, d’après la décision de la chambre, est déposée au bureau ; l’utilité, je dirai même la nécessité de cette route est incontestable pour l’écoulement des produits de leur sol et de leur industrie.
En défendant les intérêts de ces localités, je crois aussi défendre l’intérêt général, en ce que ces voies de communication ont pour but de faciliter le transport des céréales et autres objets de consommation sur les marchés de l’intérieur, et d’établir de l’intérieur des relations commerciales avec une partie jusqu’ici isolée du pays.
Les dépenses que nécessiteraient ces constructions seront peu considérables, en considération du vil prix du terrain qu’elles auraient à parcourir et de l’abondance du gravier qui s’y trouve ; et je suis convaincu que les communes qui profiteraient de ces routes feront aussi à leur tout des sacrifices en terrain, ce qui, en définitive, diminuerait encore sensiblement le montant des dépenses.
Quand naguère j’élevais la voix contre un système d’abandon dans lequel on laissait cette partie du pays, on m’objecta que les affaires politiques n’étant pas terminées avec la Hollande, la défense du pays s’opposait à la construction de routes. Si cette considération a été la véritable cause du refus de ce que nous avions droit d’exiger, aujourd’hui que la paix est faite, nous devons nous croire fondés à réclamer notre part dans les fonds destinés à cet objet, sans que l’on puisse nous opposer un moyen de refus.
J’appelle donc l’attention de M. le ministre sur ces deux routes. Ce n’est point une faveur que je réclame pour mon district. Je ne veux que la justice, et l’exécution d’un engagement formel.
Avant de terminer, je demanderai aussi à M. le ministre à quoi en est le projet du canal de navigation et d’irrigation de la Campine, qui est d’une si haute importance pour la province de Limbourg et pour le pays tout entier. Je sais qu’une commission a été nommée pour donner son avis sur cet objet. Mais je crains beaucoup qu’en ceci, comme en beaucoup d’autres choses, qui concernent les intérêts du Limbourg, l’exécution ne se fasse encore longtemps attendre.
Si le retard doit être attribué à l’incertitude du sort qui était réservé à la province de Limbourg, pour adopter la direction qu’il convenait de lui donner, les limites que le traité a faites définitivement à la Belgique doivent faire disparaître cet obstacle. Si je suis bien informé, la province a fait tout ce qui dépendait d’elle pour en hâter l’exécution ; le conseil provincial a déjà adopté dans sa dernière session une proposition relative à l’exécution de la première section du canal.
Enfin, si l’un et l’autre de ces projets, dont l’exécution est réclamée par les besoins pressants d’une population laborieuse et active, et qui à tous égards méritent toute la sollicitude du gouvernement, venaient à se réaliser, nous verrions bientôt des relations commerciales s’établir avec cette partie de la province, séparée de fait de l’intérieur de la Belgique ; nous verrions des milliers d’hectares, jusqu’ici sans rapport, livrés à la culture, et augmenter les produits du trésor et la richesse du pays.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, chaque année, à la discussion du budget des travaux publics, des députés du Luxembourg élèvent la voix dans cette enceinte pour réclamer des voies de communication en faveur de leur province. Cette circonstance, messieurs, n’a rien qui doive vous surprendre. En effet, vous le savez, tout l’avenir de cette province est dans l’établissement d’un bon système de communications. Avec des routes, des canaux liant entre elles ses différentes localités, elle est susceptible d’acquérir un haut degré de prospérité : privée du secours bien ordonné de ces puissants véhicules de l’industrie et du commerce, elle serait condamnée à rester stationnaire au milieu du progrès général.
La chambre me permettra donc de l’entretenir, pendant quelques instants, des intérêts matériels les plus graves d’une province qui mérite toute sa sollicitude par cela seul qu’elle vient d’être la victime d’un traité adopté, a-t-on dit, dans l’intérêt et pour la sécurité du pays.
Le morcellement du Luxembourg n’a diminué en rien les besoins qu’il éprouve d’obtenir des communications ; la partie cédée par le fatal traité était la partie riche de la province, la moins mal dotée en communications ; la partie qui nous reste est la partie pauvre, celle où le besoin des routes se fait le plus vivement sentir. Je me hâte, cependant, de le dire : depuis la création du ministère des travaux publics, diverses routes fort importantes y ont été construites. Aussi, messieurs, déjà les heureux résultats de ces communications nouvelles se font apercevoir. Dans plusieurs localités de l’Ardenne, les terrains ont considérablement augmenté de valeur ; des parties jusque là stériles ont été défrichées, et la population tend à s’accroître rapidement.
Il est même incontestable que si cette progression continue, si surtout l’administrations s’attache de plus en plus à améliorer activement la situation de cette contrée, il est incontestable, dis-je, que, dans un avenir qui n’est pas déjà si éloigné, la population du Luxembourg sera doublée, la majeure partie de ses terrains défrichée et qu’au lieu d’une province pauvre et peu productive, la Belgique possèdera une province florissante qui accroîtra ainsi la force et la richesse du royaume entier.
Vous le voyez donc, messieurs, ce n’est pas là seulement une question d’intérêt local, d’intérêt privé, mais c’est aussi une question qui concerne à un haut degré l’intérêt général.
J’ai dit, messieurs, que depuis quelques années, on a commencé à construire des routes dans le Luxembourg. Certes nous en savons gré à M. le ministre des travaux publics ; mais ce n’était là, j’ose le dire, qu’entrer dans une voie de réparation à l’égard de cette province ; ce n’était là que lui rendre une véritable justice. En effet, non seulement, depuis 1830, on n’avait absolument rien fait pour elle, mais, il y a plus, c’est que sans les événements d’une révolution, à laquelle elle s’est associée avec tant d’ardeur et qui lui a coûté si cher, elle serait beaucoup plus riche en routes et en canaux qu’elle ne l’est actuellement. Nous aurions maintenant le canal de Meuse et Moselle, cette belle et vaste conception dont la réalisation était destinée à exercer une si grande influence sur la prospérité du pays. Mais là ne devait pas se borner les projets de la société qui avait obtenu la concession de ce canal : des routes et des canaux latéraux devaient y aboutir, le mettre en rapport avec les points principaux de la province, et en faire aussi la grande artère commerciale de cette contrée. Or, on doit convenir que si ces projets s’étaient réalisés, ils pouvaient changer entièrement l’aspect des Ardennes.
Maintenant qu’est devenu ce projet de canal destiné à lier la Meuse à la Moselle ? Quelle sera l’influence du traité du 19 avril sur son achèvement ? Il est difficile de le dire cependant il me semble que, puisque ce canal serait aussi avantageux au Luxembourg hollandais qu’au Luxembourg belge, que le roi Guillaume lui-même est fortement intéressé dans l’entreprise, que des relations diplomatiques sont établies dans les deux pays, il me semble, dis-je, qu’il ne devrait pas être dès lors difficile d’obtenir un arrangement d’après lequel les deux gouvernements feraient, de commun accord, terminer ces travaux. J’appelle donc tout particulièrement sur ce point l’attention de M. le ministre des travaux publics, et je serais fort charmé, s’il pouvait dès aujourd’hui nous donner à cet égard quelques lueurs d’espérance.
Quant à présent, voulez-vous savoir, messieurs, quels sont les effets de la concession du canal de Meuse et Moselle ? Lisez l’exposé de la situation de la province du Luxembourg, publié cette année, vous y verrez entre autres que la concession n’est plus qu’un obstacle à la navigation de l’Ourthe et au bon entretien de la rivière ; que les barrages commencés entre Barvaux et Liége rendent la navigation plus difficile et souvent dangereuse ; que personne ne s’occupe plus des travaux qui seraient nécessaires soit pour curer le lit de la rivière, soit pour entretenir et améliorer les chemins de halage, et qu’enfin il résulte un préjudice immense pour l’arrondissement de Marche en particulier, et pour la province en général.
Quant aux canaux intermédiaires, messieurs, le Luxembourg n’est pas plus avancé que pour ce qui concerne le canal principal. Le conseil provincial avait néanmoins voté, en 1837, des fonds pour l’étude du projet de canalisation de l’Attert et de la Semois, et de sa jonction à la Meuse ; M. le ministre des travaux publics s’était associé aux vues du conseil, et désirant même, disait-il, faire faire une étude de canalisation sur une plus large échelle, il avait chargé un ingénieur des opérations relative à la formation de ce projet. Mais là, je pense, s’est bornée la sollicitude du gouvernement à cet égard, du moins je ne sache pas que les études dont il était question aient été faites, et pour le moment il est certain qu’on n’en parle plus.
Le Luxembourg, vous le voyez donc, messieurs, est loin encore être favorisé sous le rapport des communications, et s’il a obtenu naguère quelques routes, ce n’est qu’une faible compensation des voies navigables qu’il aurait eues sans les événements de la révolution.
A la vérité, nous lisons dans le rapport de la section centrale que cette province a obtenu, dans les emprunts de 6 et 2 millions, une somme de 2,297,364 francs 51 centimes.
Mais, messieurs, si l’on veut juger quelle a été la quote-part de chaque province dans les sommes consacrées aux travaux publics depuis 1830, il faut aussi faire entrer en ligne de compte les emprunts voté pour le chemin de fer. Or, nous lisons également, dans le rapport de la section centrale, que les travaux exécutés pour le chemin de fer avaient coûté, au 30 septembre dernier, 53,659,586 francs 75 centimes.
Que les 239,771 mètres qui restent à construire pour terminer les lignes vers la frontière prussienne, celle du Hainaut et celle de Namur coûteront environ 53,500,000 francs.
Total, somme ronde : 110,000,000 francs.
Ajoutant à cette somme les treize millions employés aux routes ordinaires, on trouvera que, dans peu d’années, l’Etat aura dépensé, non compris les travaux de canalisation, 123 millions de francs pour l’établissement de nouveaux moyens de communications.
Or, dans ce capital énorme, quelle sera la part du Luxembourg ? Probablement 2 à 3 millions de francs. Cependant une chose à remarquer, une chose à laquelle on ne fait peut-être pas assez attention, c’est la vaste étendue de cette province qui forme encore à elle seule la sixième à septième partie du territoire du royaume.
Avant le morcellement sa contenance était de 690,000 hectares ; maintenant elle est encore de 440,000 hectares, c’est-à-dire de 70,000 hectares de plus que la plus grande des autres provinces du royaume.
Mais le Luxembourg, dira-on peut-être, aura aussi son chemin de fer. Messieurs, je l’avoue, je crains bien, que cette promesse de la loi du 26 mai 1837 ne soit pour nous un véritable leurre, et ne devienne plus tard une amère déception. Loin de moi cependant la pensée que l’exécution de ce chemin de fer est impossible ! Je suis persuadé, au contraire, que les ingénieurs qui ont triomphé des obstacles qu’opposait à l’établissement du railway, le terrain vers Liège et la frontière prussienne, sauraient bien aussi découvrir un tracé praticable dans nos Ardennes. D’un autre côté, si la France exécutait la grande ligne de chemin de fer projetée de Paris à Strasbourg, avec embranchement sur Metz, ne serait-il pas de la plus haute importance d’unir cette ligne aux nôtres en traversant le Luxembourg ? Ce n’est donc pas l’impossibilité d’exécution ou le défaut d’utilité suffisante qui m’inspirent des craintes, mas ce sont les termes mêmes de la loi du 26 mai 1837, ce sont les sommes énormes déjà dépensées c’est enfin l’absence totale d’activité de la part du gouvernement à faire exécuter sur le terrain les études nécessaires.
Le Luxembourg ne doit donc pas compter avec aveuglement sur l’exécution de son chemin de fer et oublier, dans cette expectative, des intérêts plus pressants. Dans tous les cas, j’espère qu’on ne négligera pas, en attendant, de lui donner les routes qui lui sont indispensables. A cet égard M. le ministre des travaux publics connaît parfaitement les besoins de cette province ; je ne prétends donc point les lui énumérer. Seulement, avant de finir, je le prierai de me permettre d’appeler son attention tout particulièrement sur deux projets de route dont j’ai été à même d’apprécier toute l’utilité. Je veux parler de celui de La Roche à Stavelot. Cette route serait le prolongement de la grande communication destinée à lier Sedan à Malmedy en traversant toute la province ; elle est déjà terminée depuis Bouillon jusqu’à La Roche, et il importe par conséquent de l'achever entièrement le plus promptement possible.
Deux tracés, paraît-il, sont proposés pour ce projet : l’un d’après lequel la route se dirigerait directement par Stavelot; et l’autre qui consisterait à la faire passer par Vielsalm.
J’engage fortement M. le ministre à adopter cette dernière direction qui est celle proposée par la députation et par le conseil provincial. Elle mériterait d’ailleurs d’obtenir la préférence pour cela seul qu’elle procurerait des moyens de communication à Vielsalm et à la contrée qui l’avoisine. Ces localités ne possèdent pas le moindre petit bout de route, et en hiver les chemins y sont même à peu près impraticables. Cependant Vielsalm a des ardoisières et des carrières de pierres à rasoirs fort importantes ; ses habitants sont industrieux et d’une activité peu commune ; le sol y est assez fertile et tous ses avantages naturels restent sans développement par suite de l'absence totale de moyens de communications.
L’autre projet de route qui me semble mériter aussi une prompte exécution, est celui de Bastogne à Neufchâteau. Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur la carte du Luxembourg, pour en apprécier toute la nécessité. Ce projet a déjà subi l’épreuve de l’enquête. Les plans, les devis et les cahiers des charges sont prêts depuis plusieurs années ; la députation provinciale en réclame la prompte exécution et le met en première ligne; elle offre même de contribuer dans les frais de construction pour quinze mille francs par lieue ; les ingénieurs des ponts et chaussées désirent aussi sa construction, qui est facile et peu coûteuse. Je ne puis donc m’expliquer les retards qu’éprouve sa mise en adjudication et je prie instamment M. le ministre des travaux publics de vouloir bien y mettre un terme le plus tôt possible.
Il me reste, messieurs, à vous présenter quelques observations qui me semblent trouver parfaitement leur place dans cette discussion.
Je veux parler de la police du roulage. D’après les lois sur cette matière, les voitures à jantes étroites ne peuvent circuler sur les routes qu’attelées d’un seul cheval. Or, dans une de nos précédentes séances, M. le comte Félix de Mérode vous a déjà signalé les inconvénients qui en résultent. Les petits cultivateurs ne peuvent se procurer des chariots à larges jantes, à cause que le prix en est trop élevé. Ils sont donc obligés de n’employer qu’un seul cheval pour effectuer leurs transports, et de multiplier ainsi les voyages. C’est surtout dans les Ardennes que cet inconvénient se fait le plus vivement sentir. En effet, le grand moyen de fertiliser le sol aride de cette contrée, c’est l’emploi de la chaux ; cet amendement y exerce vraiment des prodiges. Mais, malheureusement, le cultivateur ardennais doit aller le chercher très loin (à 9 ou 10 heures pour la plupart), et ne pouvant en transporter qu’une faibles quantité par une petite voiture à un cheval, il est forcé souvent d’y renoncer. Une modification aux lois sur la police de roulage, qui consisterait à permettre la circulation sur les routes aux voitures à quatre roues, à jantes étroites, attelées de deux chevaux, serait donc un bienfait pour les agriculteurs. D’un autre côté, il est certain que l’adoption de cette mesure ne pourrait pas faire de tort aux routes, car la charge assez faible dont le poids serait disséminé sur les quatre roues ne pourrait occasionner aucune dégradation.
A l’appui de mes observations, je suis chargé de déposer sur le bureau de la chambre des pétitions formées par les conseils de 29 communes rurales qui s’adressent à vous, messieurs, pour obtenir la mesure législative dont je viens d’avoir l’honneur de vous entretenir.
J’espère que le gouvernement ne négligera pas l’occasion de favoriser une classe de la société aussi utile et aussi intéressante que celle des petits cultivateurs ; s’il en était autrement, je croirais de mon devoir de proposer moi-même à la chambre un projet de loi tendant à faire droit aux réclamations des pétitionnaires.
M. Mercier – Je me fais un devoir d’appeler l’attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics sur les plaintes nombreuses qui s’élèvent dans différentes provinces importantes du royaume, au sujet de la répartition des fonds destinés à la construction des routes pavées et empierrées. On conçoit qu’on ne pouvait suivre cette répartition des bases rigoureuses et absolues, mais on n’en déplore pas moins les énormes disproportions qui se font remarquer de province à province ; l’intérêt général, au milieu des besoins des localités qui toutes réclament des voies de communication, est fort difficile à apprécier, et l’on court grand risque de s’égarer et de manquer à la justice distributive si l’on n’adopte quelques principes fondés sur la raison et l’équité dans l’allocation de faveurs réclamés partout avec la même insistance.
Il semble qu’on pouvait trouver des éléments d’une répartition à la fois équitable et conforme aux intérêts généraux du pays, c’est-à-dire aux intérêts du plus grand nombre ; dans le montant des charges supportées par chaque province ; plus spécialement dans le montant de la contribution foncière ; dans le chiffre de la population, dans le produit des barrières ; on pouvait aussi avoir égard à l’étendue territoriale, tout en ne perdant pas de vue l’importance relative des intérêts placés en concurrence.
Enfin, ce qui surtout semblait de nature à faire apprécier les besoins, les nécessités des différentes parties du royaume, ce sont les sacrifices qu’elles consentaient à s’imposer pour jouir de nouvelles voies de communication ; c’était là, en quelque sorte, une boussole qui devait servir de guide pour éviter les écueils que ne permettent pas d’apercevoir les préoccupations d’intérêts de localités ; en effet, c’est en vain qu’on voudrait alléguer que, dans telle province, de nouvelles routes sont encore utiles parce qu’elle en possède déjà un grand nombre. Si cette province consent à supporter des charges onéreuses pour en obtenir, il est évident qu’elle en éprouve le besoin, soit par l’accroissement de sa population, soit par toute autre cause.
Ainsi que je l’a déjà fait observer, je suis loin de prétendre que les bases que je viens d’indiquer doivent être suivies d’une manière absolue ; il suffit qu’elles soient admises comme règle générale ; qu’elles ne soient jamais perdues de vue et que les exceptions qu’elles doivent subir puissent être justifiées.
Les plaintes qui se sont élevées dans le sein des conseils provinciaux et qui sont renouvelées par grand nombre de personnes qui s’occupent d’affaires publiques, proviennent de ce que ces différentes bases paraissent n’avoir été prises en aucune considération dans la répartition de la somme de 13 .400.000 francs déjà dépensée ou engagée pour la construction de routes pavées ou empierrées depuis 1830.
Plusieurs provinces éprouvent un préjudice notable de cette absence de principe déterminés et avoués dans un objet aussi important.
On ne peut comprendre pourquoi une province d’une population de moins de 170 mille âmes, qui ne supporte que 1/38 environ des charges publiques, qui n’a concouru que pour une somme tout à fait insignifiante dans la construction de ses routes, absorbe à elle seule un capital de 1,860 mille francs, c’est-à-dire 1/7 des 13,400 mille francs dépensés ou engagés jusqu’à ce jour.
Dans la même proportion, les province du Brabant et du Hainaut, en prenant pour bases combinées leur population et leur quote-part dans les charges publiques, eussent dû obtenir chacune du gouvernement des subsides de plus de neuf millions de francs, tandis qu’il ne leur a été accordé, à la première que 1,141,000 francs, et à la seconde que 1,465,000 francs.
Les mêmes observations s’appliquent aux provinces d’Anvers et des deux Flandres dans des proportions différentes ; j’ai cité principalement le Hainaut et le Brabant, parce que ce sont ces deux provinces qui se sont imposés les plus lourdes charges pour créer de nouvelles voies de communication ; elles s’élèvent cumulativement à plus de sept millions de francs, ce qui est un indice certain des nécessités impérieuses auxquelles elles ont dû satisfaire.
On a dit que les provinces qui ne jouissaient pas des avantages des chemins de fer, devaient être mieux partagées dans les subsides à accorder pour la construction des routes pavées et empierrées : il est à observer à cet égard que jusqu’à présent aucune province n’a renoncé à posséder des chemins de fer et qu’au contraire toutes revendiquent le droit qu’elles prétendent avoir à en obtenir, bien que ces chemins sembleraient ne devoir être construits que dans une vue d’intérêt général et là où les populations nombreuses et d’actives relations internationales assurent l’intérêt des capitaux employés à leur construction, de telle sorte qu’ils ne deviennent pas une charge pour l’état ; d’ailleurs si ce principe de dédommagement et de compensation était adopté, il devrait être d’une application générale et s’étendre par conséquent aux districts ou parties de province qui sont privés de chemins de fer ; il n’en est pas ainsi cependant : je citerai entre autres les districts de Thuin et de Nivelles qui, bien que ne devant retirer aucun avantage direct des chemins de fer établis ou à établir, ont cependant été traités avec une extrême défaveur dans la répartition des subsides. Celui de Thuin qui épreuve un si grand besoin de nouvelles communications, n’a obtenu qu’environ 120,000 francs ; celui de Nivelles, dont la population est de 133,000 âmes, et qui supporte le trentième environ des charges publiques de l’état, n’a reçu jusqu’à présent qu’un subside de 60,000 francs environ ; cependant, ainsi que l’a fait remarquer, dans une séance précédente, un honorable collègue qui siège devant moi, une grande partie de ce district, non seulement ne jouit pas des avantages des chemins de fer, mais voit même ses intérêts compromis par leur établissement.
Il est vrai que le gouvernement, d’après les tableaux qui nous ont été distribués, annonce avoir pris des engagements jusqu’à concurrence d’environ 240 mille francs pour des routes à établir dans le même district ; mais la dépense qui reste encore à supporter par la province et les communes pour la construction de ces routes est tellement exorbitante qu’il est à craindre qu’elles ne restent en projet, si des subsides plus considérables ne sont accordés. Il est d’ailleurs plusieurs routes d’une nécessité incontestable que je regrette de ne pas voir figurer dans ces tableaux : je citerai entre autres celle de Quatre-Bras à Hottomont, qui doit rattacher au chef-lieu de l’arrondissement de nombreuses populations qui ne peuvent y arriver actuellement que par de longs détours ; les frais d’établissements de cette route sont évalués à 731 mille francs ; un subside de 150 mille francs en assurerait la jouissance aux localités qui l’attendent avec une impatience légitime.
Je prie la chambre de m’excuser si pour la première fois depuis que je siège dans cette enceinte, je l’entretiens de l’arrondissement dont je tiens mon mandat de député ; je ne l’ai fait qu’incidemment et je ne réclame pour lui aucune faveur ; mais je demande seulement qu’on lui applique les bases que j’ai indiquées et que je crois équitables.
On se tromperait si l’on supposait que mes observations tendent à critiquer ce qui a été fait dans la distribution des subsides ; j’admets et j’ai la persuasion que le gouvernement a cru satisfaire à des nécessités plus puissantes les unes que les autres ; mon but est d’engager M. le ministre des travaux publics à s’occuper désormais avec plus de sollicitude des localités qui jusqu’à présent ont été les moins favorisées dans la répartition des fonds généraux et de ne pas leur refuser les compensations auxquelles elles ont droit d’après toutes les règles d’équité et de juste distributivité.
M. Eloy de Burdinne – Mon intention avait été de parler assez longuement sur le budget des travaux publics, mais comme l’adjudication du canal de l'Espierre a occupé la chambre assez longtemps, je me bornerai à faire quelques observations.
Je commencerai par appuyer celles qui nous ont été faites par notre honorable collègue, le représentant de Bastogne, relativement à la lacune qui existe dans la loi sur la police de roulage.
Il est certain que les voitures à jantes étroites à deux roues et attelées d’un seul cheval, détériorent plus les routes que les voitures à quatre roues également à jantes étroites et attelées de quatre chevaux, ne le feraient. Mais il est une autre question plus importante, sur laquelle j’appellerai l’attention de M. le ministre des travaux publics, c’est sur la circulation de ces voitures à deux roues à jantes larges et attelés de huit à dix chevaux. Ces voitures dégradent beaucoup plus les routes que les voitures à quatre roues. Je le prierai d’avoir égard à cette observation dans les modifications à apporter à la police du roulage.
J’appellerai aussi l’attention de M. le ministre sur les plantations qui se font sur les bords des routes. Ces plantations sont souvent détruites presque aussitôt qu’elles sont faites. On me dira que celui qui les entreprend en répond pendant un certain nombre d’années. Mais comme l’entrepreneur est exposé à voir détruire ses plantations immédiatement après les avoir faites, il ne s’en charge qu’à des prix élevés.
En général, ces arbres plantés sur les bords des routes sont peu soignés ; il est impossible en effet que l’administration soigne les plantations de cette nature qui se font dans toutes l’étendue du pays. Ces arbres sont mal élagués ou ne le sont pas ; et souvent quand ils sont arrivés à une certaine grosseur, on les enlève ; il en résulte que l’état fait des dépenses dont il ne retire rien. Si l’état concédait ces plantations, il en retirerait quelque chose ; cette concession pourrait se faire moyennant soit un péage annuel, soit une partie du produit qui reviendrait à l’état, quand les arbres seraient parvenus à leur grosseur.
On dit que ces plantations nuisent souvent aux routes. Cela est vrai, quand elles ont lieu à des distances trop rapprochées, parce que quand les arbres sont arrivés à une certaine grosseur, ils offusquent la route, empêchant le soleil de pénétrer et l’air de circuler. Mais si on faisait les plantations à 15 mètres et qu’on eût soin d’élaguer convenablement, ce que ne manquerait pas de faire un concessionnaire, loin d’être nuisibles, ces plantations seraient utiles en ce qu’elles offriraient de temps à autre un peu d’ombrage aux voyageurs.
Je crois pouvoir borner à mes observations.
M. de Garcia – Messieurs, je prendrai très peu d’instants à vos débats et aux travaux qu’il vous tarde d’aborder. En prenant la parole, mon intention est uniquement de demander quelques renseignements à M. le ministre des travaux publics sur la section de chemin de fer qui doit relier la ville et la province de Namur avec le système général de chemin de fer.
Messieurs, depuis trois ans il est décidé par la loi que la ville et la province de Namur, et je pourrai ajouter une grande partie du duché de Luxembourg, seront reliés à notre système général de chemin de fer. Depuis cette époque, le conseil provincial de Namur a été saisi (erratum au Moniteur du 21 janvier 1840 :) par un de ses membres d’une demande d’avis sur la question de savoir quelle était la direction la plus utile pour la ville et la province de Namur, et quel vœu le conseil était disposé à émettre à cet égard. Le gouvernement s’est fait représenter par un commissaire près des états provinciaux. Là, ce commissaire démontra que, d’après l’article, le chemin de fer devait être dirigé sur Tubise. Le commissaire fit même observer que les études sur ce tracé étaient faites. Cependant, depuis lors, le chemin de fer de Namur a reçu un commencement d’exécution puisqu’il y a à peine 6 mois qu’une section a été mise en adjudication.
Je prierai M. le ministre des travaux publics de nous dire si la ligne qui doit relier et la province de Namur et une partie du grand-duché de Luxembourg au système général du chemin de fer est arrêtée. Je demanderai en outre, à M. le ministre dans quel espace de temps il espère faire jouir la ville et la province de Namur de cette voie de communication ? Le commissaire du gouvernement qui s’était présenté à l’assemblée des états de la province de Namur avait pris l’engagement formel qu’on mettrait immédiatement la main à l’œuvre, et que ce chemin serait construit dans le plus bref délai. Cependant, depuis lors, je le répète, ce chemin a reçu à peine un commencement d’exécution.
Si j’interpelle M. le ministre des travaux publics sur ces faits, d’un autre côté, je m’empresse de lui payer un juste tribut de reconnaissance pour les études qu’il a faites sur la Meuse, dont la navigation est très imparfaite, et serait cependant une source de prospérité et de richesse publique si elle recevait les améliorations nécessaires. Je remercie M. le ministre de l'empressement qu’il a mis à faire des études sur ce fleuve. Cependant, en le remerciant de ce qu’il a fait, je dois dire que cela ne suffit pas, et l’engager à continuer à apporter à l’amélioration de cette navigation le même zèle qu’il y a mis jusqu’à ce moment.
A propos de la Meuse, j’adresserai encore une observation à M. le ministre. Je vois porté au budget une somme de 24,000 francs pour entretien des rives et des chemins de halage de la Meuse, dans la province de Liége et de Namur. J’avoue que, selon moi, le ministre a demandé une somme trop faible. Je pense qu’avec cela la navigation, imparfaite comme elle est, ne sera pas praticable. Dans les crues d’eaux les chemins de halage sont couverts, et dans le moment actuel ils sont dans un état déplorable. J’engage M. le ministre à voir s’il n’y aurait pas lieu de majorer le chiffre de l’allocation qu’il a demandée.
M. Pirson – Vous venez d’entendre ce qu’a dit l’honorable M. de Garcia, relativement à la Meuse. Je pense comme lui que l’allocation demandée par le ministre pour l’entretien des rives de la Meuse sera de beaucoup insuffisante, parce que non seulement il y a des travaux à faire, mais des travaux à démolir.
Je demanderai à M. le ministre si la députation provinciale de Namur lui a adressé la demande qu’elle était chargée de lui faire parvenir pour le conseil général relativement à deux ports construits à Dinant et qui sont impraticables. Il est absolument impossible de s’en servir. Si le gouvernement ne voulait pas se charger de les faire démolir, nous demanderions la permission de les démolir nous-mêmes. C’est une chose à examiner. Je pense qu’elle ne l’a pas encore été dans les bureaux de M. le ministre des travaux publics, et s’il a été examiné, je demanderai ce qu’on se propose de faire, si on exécutera ce qui a été réclamé par le conseil général de Namur.
J’ai une autre observation à faire à M. le ministre. Quand il a été question de la loi de douane, on a décrété une diminution de droit sur les ardoises de Fumé (France) qui nous arrivent par la Meuse. A cette occasion, j’ai fait observer que cette disposition n’aurait pas un effet immédiat parce qu’il fallait auparavant qu’une route fût construite pour faciliter la circulation des voitures qui ne peuvent pas venir par la route de Neufchâteau. Par un embranchement de Neupont à Beauraing on évite cette route de Neufchâteau. M. le ministre des finances et M. le ministre des travaux publics avaient consenti à l’exécution de cet embranchement. On a dit alors : M. Pirson veut nous renvoyer à l’an 40. Eh bien, nous y sommes, à l’an 40 ; les études sont faites, il n’y a plus qu’à mettre ce travail en adjudication. Quand cette route sera faite, les voitures pourront venir des ardoisières.
Eh bien, la province de Namur ne profite pas de cette route de 600 mille francs. Il faut savoir que cette route a été créée pour servir comme route militaire, ou qu’elle devait servir tout bonnement au grand maréchal Wellington pour la visite des frontières ; elle était intitulée : Route militaire d’Ostende au Luxembourg. Elle a été faite dans un pays de montagnes ; elle traverse précisément les Alpes des Ardennes, le Simplon des Ardennes. C’est une belle route sous le rapport de l’art ; mais elle pouvait être remplacée par une route de 100 mille francs, sous le rapport commercial, du moins. Toutefois, quoiqu’elle ait coûté un million, je ne me plaindrai pas de son existence, puisqu’elle est cause que le Roi a des propriétés dans ces contrées.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il me serait difficile de rencontrer toutes les observations présentées par les honorables préopinants. La plupart de ces observations tombent dans la discussion des articles spéciaux du budget et reviendront nécessairement. Cependant, je vais tâcher de saisir quelques points plus ou moins généraux.
L’honorable M. de Nef vous a très bien indiqué les motifs qui ont empêché le gouvernement de faire pour la Campine ce qui était dans son intention de faire ; ces motifs étaient stratégiques. Je trouve donc, dans le premier discours que vous avez entendu, une réponse à une partie du second discours. Le deuxième orateur a supposé qu’il existait d’autres motifs ; qu’on avait eu une prédilection particulière pour le commerce, que l’on avait négligé les intérêts agricoles. Les circonstances sont changées, et le gouvernement a pu, dans la campine anversoise, s’occuper des travaux projetés ou décrétés. Pendant cette année la route entière de Turnhout à Diest se trouvera en cours d’exécution.
La partie de cette route de Diest à la frontière du Brabant vient d’être adjugée. Le transport des pavés pour les terrassements de la partie de Turnhout à Gheel va s’effectuer. Le point de rencontre de la route de Diest à Turnhout et de Herenthals à Gheel vient d’être arrêté ; de sorte que les études vont être complètement achevées.
Un autre orateur a parlé de la situation du Limbourg. Le gouvernement a, autant que possible, autant que le lui permettait la situation financière de l’état, cherché à perfectionner les communications du Limbourg. Tongres espérait obtenir le chemin de fer, mais la direction de Saint-Trond ayant été adoptée, le gouvernement a jugé à propos de faire la route de Bilsen à Tongres ; il y avait équité à chercher une compensation. Quant à la route de Hasselt à Maeseyck, je crois pouvoir dire que j’ai pris l’initiative du projet. J’ai signalé cette route à l’autorité provinciale comme étant celle qui devait obtenir la priorité. L’enquête pour constater l’utilité et connaître la direction s’ouvrira prochainement.
Relativement au Luxembourg, l’honorable M. d’Hoffschmidt a fait ressortir avec raison l’influence que les communications déjà faites dans ce pays ont exercée sur la valeur des propriétés. Le gouvernement continuera pour le Luxembourg tout ce que la situation financière permettra.
Le gouvernement a compris, et vous vous êtes associés à sa pensée qu’il ne suffisait pas de s’occuper de routes, de chemins de fer ; mais qu’il fallait aussi s’occuper du perfectionnement de nos rivières.
Par le dernier budget vous avez autorisé la reprise de la Meuse, de la Lys et de l’Escaut ; on vous a demandé au budget actuel de reprendre encore d’autres rivières. On a donc commencé l’étude de nos rivières en ce moment ; on recherche les améliorations dont elles sont susceptibles sans nuire à la condition des propriétés riveraines, intérêt qu’on ne doit jamais perdre de vue. A ces études s’en joignent d’autres, par exemple, les études de la canalisation et de l’irrigation de la Campine et du Luxembourg. On a nommé des ingénieurs auxquels sont adjoints des conducteurs pour faire ces diverses études.
Toutes ces études seront publiées ; les projets vous seront communiqués au fut et à mesure qu’ils me parviendront. Cette publication est de nature à intéresser le pays à ces améliorations. J’ai déjà fait insérer dans le Moniteur un premier rapport sur la Meuse ; ce rapport sera en outre réimprimé séparément et soumis à l’avis de toutes les localités intéressées.
La chambre me permettra, ainsi que les honorables membres qui m’ont adressé des observations d’attendre la discussion des articles pour répondre à toutes celles qu’ils ont faites.
M. de Garcia – Il y a trois ans que la loi porte que, dans la province de Namur, nous serons reliés par un chemin de fer ; mais depuis trois à quatre mois seulement on a adjugé une faible partie de ce chemin ; j’ai demandé si l’on s’occuperai plus activement de l'exécution de la loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je consens volontiers à répondre à l’interpellation de l'honorable membre, quoiqu’elle eût pu être renouvelée au chapitre « chemin de fer ».
Un arrêté royal du 28 août 1838 a décidé que le chemin de fer de Namur se dirigerait par Vieuxville sur Braine-le-Comte ; mais l’attention du gouvernement a été attirée sur une autre direction ; sur celle de Namur par la vallée de la Sambre. Un motif de prudence a engagé le gouvernement a ne faire que l’adjudication de Namur à Mornimont, ce qui ne préjuge rien pour la direction ultérieure. Il fallait aussi avoir un élément de comparaison pour apprécier le coût de ce chemin de fer : En procédant de la sorte, le gouvernement se trouve en état de dire presque avec certitude ce que coûtera le chemin de fer en adoptant le tracé de la vallée de la Sambre. Je crois que le préopinant approuvera cette manière d’agir du gouvernement.
Depuis, le gouvernement a recueilli tous les renseignements présentés comme favorables à la direction par la vallée de la Sambre, en passant par Charleroy. Toutefois il n’a pas pris de décision. Une pétition a été adressée à la chambre qui la renvoyée au ministère des travaux publics : je crois que le gouvernement sera prochainement en état de prendre une décision définitive. Cette décision exige à la fois la comparaison de l’importance des lignes rivales et de leur coût.
Quelle que soit la décision que le gouvernement prendra, l’exécution aura lieu promptement, les études sont presque terminées dans l’une et l’autre direction. Les cahiers des charges sont préparés jusqu’à Charleroy. Il faudra deux ans pour exécuter le chemin de fer de Namur.
M. d’Hoffschmidt – J’ai entendu avec plaisir M. le ministre dire que l’on continuerait d’étudier la canalisation du Luxembourg. Plusieurs rivières peuvent être canalisées, et il est à croire que le gouvernement portera dès los son attention sur ces travaux. Mais le grand point, la grande affaire pour cette province, c’est le canal de Meuse et Moselle ; les canaux intermédiaires n’exercent aucune influence tant que nous n’aurons pas l’artère principale.
J’ai demandé des explications pour savoir si nous avons des espérances pour l’achèvement de ce canal ; je crois qu’il n’y aucun motif de garder le silence sur un projet aussi important ; je prierai donc M. le ministre de nous dire ce qu’il fait à cet égard ; car sans cela, je croirais que ce canal principal ne continuer pas à attirer l’exécution du gouvernement.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, ce projet continuer à fixer l’attention du gouvernement et m’a même engagé à visiter, l’été dernier, les travaux qui ont malheureusement été interrompus. Par suite de cette visite sur les lieux, j’ai reconnu que ce projet serait de nature à nécessiter plusieurs stipulations dans la convention des limites que les commissaires sont occupés à négocier en ce moment. J’ai appelé l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur ces stipulations.
M. Mast de Vries – Messieurs, de tous les projets qui existent, je ne sais s’il en est beaucoup qui soient plus intéressants que celui qui doit joindre l’Escaut à la Meuse. Ce canal a été demandé sous tous les gouvernements, il a été étudié sous tous les gouvernements, et jusqu’à ce jour, il est resté à l’état de projet. Sous le gouvernement français, on lui avait donné un commencement d’exécution, mais les événements de 1814 sont survenus et le canal, qui n’était été creusé qu’à quelques lieues, a été abandonné. Aujourd’hui un nouveau projet de joindre l’Escaut à la Meuse existe, et je dois appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur un fait qui va se passer : On va canaliser la Nèthe de Lierre à Herenthals, et ce canal est la première section de la grande communication qui doit joindre l’Escaut à la Meuse ; un entrepreneur demande à faire une coupure à moitié chemin entre Lierre et Herenthals pour creuser un canal de ce point à Anvers. Si maintenant, le gouvernement se charge de la canalisation de la Campine, évidemment pour la ligne de l’Escaut à la Meuse, il devra se servir du canal dont je viens de parler, et qui partirait d’Anvers pou aller joindre le canal de Lierre à Herenthals, à moitié chemin entre ces deux villes, canal qu’on demande d’exécuter et sur lequel une enquête a été ouverte, laquelle se trouve entre les mains de M. le ministre. Or quelle sera la position soit du gouvernement, soit du concessionnaire du canal qui va traverser la Campine pour joindre le port d’Anvers à la Meuse. Il y aura là un bout de canal de deux ou trois lieues qui sera excessivement productif et que le gouvernement ou le concessionnaire du canal d’Anvers à la Meuse devra achever à un prix énorme. C’est dans ce seul but qu’on veut faire ce bout de canal ; car il n’existe aucun autre motif pour lequel on puise chercher à le creuser. C’est une véritable spéculation : on sait que le canal d’Anvers à la Meuse doit s’achever un jour, et l’on veut faire ce bout de canal qui devra nécessairement en faire partie, pour le vendre à un prix exorbitant. Cela est tellement vrai, que les bateaux d’Herentals ne pourront pas venir à Anvers ; car, pour qu’ils puissent y venir, il faudrait une écluse, et l’entrepreneur dit que, s’il devait faire cette écluse, il abandonnerait ce canal, parce que l’écluse coûterait plus que le canal lui-même.
J’appelle donc tout l’attention de M. le ministre des travaux publics sur cette spéculation ; je l’engage à ne pas permettre qu’on fasse un canal qu’il devra racheter au prix qu’on voudrait exiger, alors qu’il voudra canaliser la Campine, et il devra la canaliser car cette canalisation est nécessaire sous le rapport commercial, sous le rapport agricole, sous le rapport de la défense militaire, tout le monde la réclame. Je prie donc le gouvernement de bien revoir cette affaire avant d’accorder l’autorisation demandée, et j’appelle toute son attention sur l’utilité de la proposition qui lui est faite.
Je remercie le gouvernement de ce qu’il fait en ce moment dans la Campine, et j’espère qu’il continuera à faire tous ses efforts pour doter ce pays des communications dont il a un si grand besoin. J’espère surtout que les entraves que le ministère de la guerre avait opposées à la construction de la route de Malines à Westerloo pourront être levées sans retard si elles ne le sont déjà, car la ville de Malines a fait des sacrifices énormes pour obtenir cette route ; elle a dépensé cent mille francs pour la partie de la route de Malines à Heyst-op-den-Berg, et si cette communication ne pouvait pas être continuée, ce serait une somme pour ainsi dire perdue.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je dois dire à l’honorable membre que cette question est encore soumise au génie militaire.
M. Rogier – Messieurs, lorsqu’on discute le budget des travaux publics, on est forcément entraîné dans des questions de localités ; il faut donc bien pardonner à quelques membres d’occuper la chambre de questions plus ou moins directement liées aux intérêts de leur arrondissement ; mais il ne me paraît pas que cette faculté de défendre les intérêts locaux puisse aller jusqu’à autoriser des attaques personnelles ; et je regrette qu’un de nos honorables collègues ait été conduit par un intérêt trop vivement senti, peut-être, pour son arrondissement jusqu’à incriminer le silence de quelques-uns de ses collègues appartenant à un autre arrondissement de la même province. Je sais que l’honorable préopinant n’a pas entendu faire allusion à moi, mais je crois devoir défendre ceux de mes honorables collègues dont il a attaqué le silence. Malgré ce silence, messieurs, ils n’en portent pas moins un vif intérêt à tout ce qui concerne leur province, mais ils ont l’habitude de s’occuper surtout des intérêts généraux du pays.
En ce qui concerne les plaintes de cet honorable membre, je les trouve, pour mon compte, exagérées ; il prétend que l’arrondissement auquel il appartient a été constamment oublié non seulement par le gouvernement mais encore (au moins d’après l’interprétation donnée à ses paroles par M. le ministre des travaux publics) par l’administration provinciale elle-même, quoique ce dernier point ne concerne pas particulièrement la chambre. Je dois cependant répondre à l’honorable membre que son arrondissement est au contraire accusé d’être l’objet d’une prédilection toute particulière de la part de l'administration provinciale ; que les deux millions cités comme dépenses dans la province l’ont été en grande parie, ou plutôt presque entièrement dans son arrondissement ; que les 800,000 francs destinés à la canalisation de la petite Nèthe ont été dépensés aussi en grande partie dans ce même arrondissement, qui se pose ici comme victime en ce qui concerne la répartition des subsides pour l’établissement de communication. Je pense que si les plaintes de l’honorable membre ont pu précédemment avoir un caractère d’à propos, elles ne l’ont certes plus en ce moment où le gouvernement s’occupe de faire construire, dans son arrondissement, des routes qui entraîneront une dépense de près d’un million.
Je sais qu’il reste encore beaucoup à faire dans la province dont il s’agit ; il y reste entre autres la route qui a été indiquée par M. de Nef, celle de Turnhout à Tilbourg, qui sera d’une très grande utilité pour la province et pour le pays, mais il faut que les choses se fassent successivement, et ce n’est pas en faisant ici des reproches peu fondées qu’on parviendra plus facilement au but de ses désirs.
Je ne puis que joindre ma voix à celle de l'honorable M. de Nef pour appeler l’attention du gouvernement sur la route qu’il a indiquée et pour prier le ministère de concilier autant que possible l’intérêt de la défense militaire du pays avec les intérêts agricoles et commerciaux de la province que nous habitons.
Puisque nous en sommes à nous occuper d’intérêts provinciaux, je ne puis m’empêcher d’appuyer également le vœu émis par un honorable membre de la province de Limbourg, en ce qui concerne le projet de canalisation de cette partie si intéressante du pays où les voies de communication manquent presque totalement. Depuis assez longtemps il est question d’un projet de canalisation qui tend à joindre l’Escaut à la Meuse. Je ne pense pas qu’il puisse s’agit de ressusciter le projet de canal du nord, auquel le chemin de fer a, selon moi, suppléé suffisamment ; mais je crois qu’on peut lier l’Escaut à la Meuse par une communication de moindre importance, qui n’aura pas la même portée commerciale, mais qui aura certainement la même portée agricole. Le conseil provincial du Limbourg a exprimé le vœu de voir creuser ce canal ; le conseil provincial de Liége et celui d’Anvers, ont émis le même vœu. Je sais que des études ont été faites depuis assez longtemps, mais je demanderai à M. le ministre des travaux publics où en sont ces études, s’il espère que, dans le courant de cette session, il pourra présenter un projet de loi pour cette canalisation ? Il s’agit ici, messieurs, de l’intérêt de trois provinces qui s’unissent pour réclamer ce travail ; il s’agit particulièrement de l’intérêt de deux provinces qui n’attendent, en quelque sorte, que cette canalisation pour se mettre, sous le rapport agricole sur le même pied que les autres provinces du royaume. Je prierai M. le ministre des travaux publics de bien vouloir me répondre un mot à cet égard.
Lorsque nous avons discuté le traité de paix, mon intention était de faire une motion formelle en faveur de la province du Limbourg, à laquelle la force des choses nous a obligés de faire une si large blessure ; mon opinion était alors que le gouvernement devait, autant que la chose pouvait dépendre de lui, réparer le tort que le traité a fait à cette partie de notre territoire, en reportant sur la portion qui nous est restée toute sa sollicitude, en la dotant de tous les avantages qu’elle pourrait comporter, et notamment en la dotant largement de travaux publics, de routes et de canaux.
Je crois, messieurs, que cette réparation est encore à faire. Je ne puis donc que m’associer au vœu qui a été émis par l’honorable député de district de Maeseyck.
Je demande que M. le ministre veuille bien répondre à la question que je lui ai faite.
M. Peeters – Messieurs, ce que vient de dire l’honorable préopinant prouve qu’il n’a pas compris ce que j’ai dit. Loin d’avoir jeté du blâme sur le conseil provincial d’Anvers, j’ai fait l’éloge des actes de ce conseil. J’ai dit que les deux millions avaient été exclusivement appliquées à des localités qui n’avaient rien.
En ce qui concerne l’assertion que j’aurais voulu critiquer le silence que quelques-uns de mes honorable collègues d’Anvers ont gardé, elle n’est pas exact ; si je n’avait eu qu’à me plaindre de ce silence, je n’aurais rien dit ; mais si ma mémoire est fidèle, lorsqu’on a voté le dernier emprunt de 2 millions, il n’y a pas eu un seul membre de la province qui se soit levé pour appuyer les observations que j’avais faites, tous même ont voté contre cet emprunt. Messieurs, j’ai toujours voté et je voterai toujours pour les mesures favorables au commerce, mais je désire que mes honorables collègues pensent aussi un peu à des habitants qui sont privés de tout.
En tout cas, il n’y a rien de personnel pour l’honorable préopinant qui, comme je viens de le dire, a pris l’initiative dans le conseil provincial.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je me propose de suivre, à l’égard des projets de canalisation, la marche qu’a suivie l’honorable préopinant, en qualité de ministre de l’intérieur, lorsqu’il s’est agi du chemin de fer, marche qui a été couronnée d’un succès complet, c’est-à-dire que je commencerai par publier toutes les études.
L’étude de la canalisation de la Campine m’est annoncée comme devant m’être prochainement présentée. Ce travail n’est que le travail d’un ingénieur ; il faut appeler sur ce travail l’attention de tous les membres du corps des ponts et chaussées ; il faut, en second lieu, appeler sur cette étude l’attention de la chambre, des autorités communales et provinciales, de toutes les personnes enfin qui peuvent s’intéresser aux travaux publics.
Voilà, messieurs, quel doit être le début dans cette affaire ; nous verrons ensuite quel est le projet de loi qu’il y aurait lieu, de la part du gouvernement, de présenter, mais je crois qu’il serais imprudent de commencer par un projet de loi, lorsque le travail de l’ingénieur n’a pas encore subi toutes les épreuves préliminaires dont il a besoin.
M. Dumortier – Messieurs, chaque membre a parlé des intérêts de sa localité dans la question des routes pavées et empierrées. J’aurai aussi à dire quelques mots, en ce qui concerne mon arrondissement, et à cet égard, j’appelle toute l’attention de M. le ministre des travaux publics.
Messieurs, l’arrondissement de Tournay est un des plus importants et des plus populeux du royaume, et pourtant c’est l’un de ceux qui ont été le moins favorisés. D’après les calculs de l’honorable M. Mercier, une somme de 13 à 14 millions a été dépensée ou engagée, depuis la révolution, en routes pavées et empierrées. Eh bien, sur cette somme énorme l’arrondissement de Tournay n’a obtenu qu’une somme de 140,000 francs ; ce n’est donc qu’un pour cent de la somme totale qui a été affectée à cet objet depuis la révolution, et certes un pour cent est un dividende bien minime pour un arrondissement aussi important que celui de Tournay. Je sais que M. le ministre a fait figurer cet arrondissement dans son tableau pour une route de la dernière importance : c’est la route de Tournay à Frasnes ; je prie M. le ministre d’accorder ce subside pour que cette route importante puisse être exécutée.
M. Desmet – Messieurs, je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion ; je ne pensais parler que quand on aurait traité l’article des canaux, mais comme je vois que chacun fait connaître les besoins de son district, il faut bien que je fasse connaître aussi ceux du district qui m’a envoyé ici.
M. le ministre des travaux publics vous a dit que les études avaient été faites sur la canalisation de l'Escaut et de la Lys, sur la canalisation de la Campine et du Luxembourg. Mais je n’ai pas entendu parler d’une certaine partie du royaume, qui cependant est fort importante sous le rapport commercial et industriel.
Messieurs, je n’envie rien à personne ; je suis partisan des canaux, plus grand partisan des canaux que des chemins de fer surtout sous le rapport du commerce ; je demanderai si l’on a pas fait d’étude sur une voie de transport très importante, je veux parler du canal de Mons jusqu’à l’Escaut. Il y a, je crois, vingt ans qu’on avait conçu le projet de creuser un canal de Mons à Termonde ; mais justement ce projet se trouverait en concurrence avec le canal d’Antoing ; on a préféré faire transporter les houilles en Hollande par Gan et Audenaerde et faire un détour de 23 lieues.
Je crois, messieurs, que le moment est arrivé pour le gouvernement de songer aussi à cette voie de transport. Je ne parle pas seulement ici pour mon district, mais pour une grande partie du Hainaut et de la Flandre orientale ; je parle pour les villes de Lessines, Lens, Ath, Grammont, Ninove et Alost. Aujourd’hui, que si vous aviez un canal qui conduisît de Mons jusqu’à Termonde, vous auriez une voie de transport importante et productive, car elle se trouve au milieu du pays, et sera la plus courte pour conduire les houilles en Hollande.
Je demanderai donc où en est l’étude du projet de ce canal. Je crois que, comme la dépense est assez forte, des adjudicataires réduits à leurs seules ressources ne pourraient pas l’exécuter. Je pense que le gouvernement pourrait aider les soumissionnaires par un subside, et en cela il ferait acte de justice distributive en faveur d’un arrondissement qui n’a pas de chemin de fer, et qui, jusqu’ici n’a rien obtenu pour ses voies fluviales. J’engage M. le ministre d’avoir égard à ma réclamation, elle est de toute justice.
Comme j’ai la parole, je dirai aussi quelques morts de la voie de transport depuis Mons jusqu’à la Sambre. Je demanderai encore à quel point en est l’étude d’un canal qui lierait Mons à la Sambre. Si ce canal s’exécutait, on aurait la ligne de navigation la plus importante de l’Europe, depuis Anvers jusqu’au Havre. Je sais que des projets sont présentés et que les enquêtes ont été favorables ; pourquoi ne les exécute-t-on pas ?
J’ai encore à dire un mot sur un autre objet. Sous le gouvernement néerlandais on a fait des emprises de terre pour travaux publics sur la Dendre ; cela eut lieu en 1820 ou 1822, et jusqu’à présent les personnes expropriées n’ont pas encore été payées.
Je demanderai à M. le ministre s’il n’a pas l’intention de solliciter un subside pour payer cette dette arriérée ; je crois que, comme la dépense a été faite par le gouvernement néerlandais, cette charge incombe au gouvernement belge et que les créanciers peuvent s’adresser à notre gouvernement, que c’est à lui seul qu’ils doivent s’adresser, et qu’il doit les satisfaire. J’engage donc M. le ministre faire payer cette juste dette ; je sais qu’il n’y a pas encore longtemps qu’il a reçu à cet égard une supplique de la part du propriétaire qui a été expropriée et qui n’a jamais reçu un cents d’indemnité.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je n’ai pas connaissance de ce fait, sur lequel je prendrai les informations nécessaires.
Quant au projet du canal de Mons à la Sambre, c’est ce canal dont il a été plusieurs fois question dans la discussion du canal de l'Espierre ; ce canal a été concédé, c’est-à-dire qu’il existe un arrêté royal autorisant l’ouverture de ce canal ; mais jusqu’à présent l’adjudication n’a pas eu lieu.
Le gouvernement n’a pas fait faire d’étude de la Dendre, ou d’un projet de canal qui irait de Mons à l’Escaut par Ath. Il n’existe d’autres études que celles qui ont été faites par les demandeurs en concession : ces projets sont soumis au conseil des ponts et chaussées ; mais en outre le gouvernement demande à être autorisé à faire des études par lui-même, et à cet effet il a proposé au budget une somme de 15,000 francs pour études de travaux à faire à l’Escaut, à la Lys, à la Meuse, au Rupel et à la Dyle.
M. de Roo – Je demanderai à M. le ministre quand il déposera son rapport relativement au changement du chemin de fer entre Bruges et Gand ; nous devions recevoir ce rapport dans le courant de ce mois.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – La question est soumise au conseil des ponts et chaussées ; je n’ai pas encore reçu le rapport des ingénieurs.
M. de Roo – Pourriez-vous le présenter dans le courant du mois ?
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je ferai mon possible.
M. David – Je prie aussi M. le ministre de vouloir bien se souvenir d’une route dont il a été souvent question, la route de Huy à Stavelot ; cette partie de la province manque de route. Il y a un temps infini que la route est décrétée, mais il ne suffit pas de l’avoir décrétée, il faut encore qu’elle soit mise en adjudication. M. le ministre a bien voulu me dire dernièrement qu’il avait déjà réclamé, à plusieurs reprises, le cahier des charges à l’ingénieur en chef de la province.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je le recevrai prochainement.
M. David – Je prierai M. le ministre de le réclamer avec une nouvelle insistance ; il y a si longtemps qu’on réclame, qu’on commence à se fatiguer.
M. F. de Mérode – L’honorable M. d’Hoffschmidt a demandé si l’on pouvait espérer que des facilités seraient accordées aux cultivateurs qui désireraient circuler sur les routes avec des chevaux attelés à des chariots à quatre roues. Le ministre avait promis, dans une autre occasion, qu’il s’occuperait de cette question, et qu’il y aurait un résultat quelconque. Toutefois, M. le ministre n’a rien répondu à l’honorable M. d’Hoffschmidt ; et cependant c’est une choses des plus essentielles, de donner ces facilités aux cultivateurs qui ont besoin de circuler sur les routes ; on en accorde aux gros roulages, aux diligences.
Je désire que M. le ministre me donne quelques explications.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, si le gouvernement avait pu changé cette disposition, elle serait changée ; mais malheureusement c’est une loi, et il faut une loi pour changer une loi. En attendant, j’ai pensé que le gouvernement pouvait ne pas donner suite aux procès-verbaux dressés en pareille circonstance, c’est l’objet d’instructions spéciales.
J’examinerai s’il ne faut pas aller plus loin, et proposer une loi pour ce cas particulier, à moins que je ne sois devancé par l’honorable M. d’Hoffschmidt.
J’avais oublié de répondre que je compte recevoir très prochainement le cahier des charges de la route de Huy à Stavelot. Il me peine que l’honorable préopinant ait mentionné l’ingénieur chargé de ce travail. Si je ne l’ai pas encore reçu, c’est que les ingénieurs sont surchargés de besogne.
M. Pirson – Nous avons des ingénieurs très actifs, qui font fort bien leur devoir, c’est une justice que je me plais à leur rendre. Ils ont renouvelé depuis peu des circulaires qui existaient pour le roulage. Comme il y a aujourd’hui des cantonniers qui n’existaient pas il y a quelque temps, ces cantonniers, par excès de zèle, font beaucoup de procès-verbaux du genre de ceux dont ont parlé MM. Mercier et d’Hoffschmidt. Il y a maintenant à Dinant 25 procès-verbaux de ce genre. Je prie M. le ministre de donner des instructions dans le sens de l’opinion qu’il vient d’exprimer. Dans un pays accidenté comme l’arrondissement de Dinant, il est important que le changement à la police de roulage demandé par M. de Mérode soit fait d’une manière quelconque et le plus tôt possible, parce que les procès-verbaux qu’on fait tous les jours soulèvent beaucoup de réclamations.
- La discussion générale est close.
« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 107,250. »
- Adopté.
« Art. 3. Fourniture de bureau, impressions, achats, etc. : fr. 17,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Papiers pour l’administration, etc. : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Frais de déplacement, etc. : fr. 6,000. »
- Adopté
« Art. 1er. Routes : fr. 2,200,400. »
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je suis forcé de relever quelques inexactitudes que je trouve dans le rapport de la section centrale.
M. le rapporteur, après avoir établi, d’après les documents produits par le ministère à 20,520,091 francs 13 centimes le chiffre du produit des barrières de 1831 à 1839 inclusivement, présente les calculs suivants :
En partant du chiffre ci-dessus, la moyenne, pour les neuf années sera, dit-il, de 2,290,000 francs.
En déduisant de cette somme :
1° Pour frais d’entretien, calculés d’après le bail de 1840, 1,414,871 francs 67 centimes
2° Salaires des préposés aux ponts à bascule : fr. 16,972 francs
3° Frais d’études : 20,000 francs,
Il resterait un excédant annuel de 844,162 francs 33 centimes.
En déduisant pendant cinq ans une somme de 144,162 francs 33 centimes pour l’intérêt des emprunts en faveur des routes, l’on aurait encore pour les neuf années une somme de 6,876,648 francs 52 centimes.
Or, depuis 1830, il n’a été consacré à cette destination que 1,869,685 francs.
Il y a donc, dit-il, une somme de 2,006,963 francs 32 centimes dont il est impossible de renseigner l’emploi.
M. le rapporteur conclut de là que cette somme est, ou restée improductive dans la caisse de l’Etat, ou employée à une autre destination, contrairement au vœu de la loi, qui exige impérieusement que l’excédant du produit des barrières soit consacrée à l’ouverture de nouvelles communications pavées ou ferrées.
Je ferai d’abord remarquer que ce n’est que par la loi du 10 mars 1833 que le produit de la taxe des barrières a été déclaré fonds spécial destiné exclusivement au service des routes.
Mais voici le texte de la loi précitée : « les fonds provenant de la taxe des barrières sont affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes, ainsi qu’à l’ouverture de nouvelles communications. »
M. le rapporteur n’a pas eu égard à la catégorie de dépenses désignée sous la dénomination de « travaux d’amélioration », et il s’est borné à retrancher du produit annuel des barrières les frais d’entretien, les salaires des préposés aux bascules et les frais d’études, pour obtenir le chiffre qui devait, selon son opinion, rester disponible chaque année pour constructions de routes.
Mais les dépenses faites pour travaux d’amélioration consistant en redressement de routes, élargissements, rectification de pentes, etc., etc., se sont élevées de 1831 à 1839 au chiffre de 1,179,390 francs dont M. le rapporteur ne tient aucun compte.
Il semble du reste que ce n’est pas, comme il l’a fait, qu’il eût fallu procéder pour établir la balance entre le fonds spécial affecté aux routes et les dépenses faites sur ce fonds.
On ne peut pas prendre le produit annuel des barrières pour point de comparaison, mais on doit s’en tenir rigoureusement au chiffre voté, chaque année, par une loi pour le chapitre des routes.
Ainsi, je crois pouvoir dire qu’il y a deux grandes inexactitudes :
1° On n’a pas tenu compte des améliorations, lesquelles s’élèvent à plus d’un million ;
2° On a établi la comparaison entre les dépenses effectuées et le produit net des barrières, au lieu de l’établir entre les dépenses effectuées et les allocations votées au budget des travaux publics.
J’arrive à une différence qui n’est pas encore de 2,000,000.
Une différence est inévitable.
Je vais vous le prouver par l’exemple même de l'année 1840.
Le produit de cette année est évalué à 2,400,000 francs ; on a pris pour base l’année 1839. On a déduit 200 mille francs pour les intérêts de l’emprunt, reste 2,200,400 francs je suppose que cette année on livre à la circulation 20 lieues de routes nouvelles, et que ces barrières donnent 60,000 francs de produits, aurai-je le droit de mettre la main sur ces 60 mille francs ? Non, la seule somme à ma disposition est celle qui est porte au budget des travaux publics. Que deviennent alors ces 60 mille francs ? Ils restent au trésor public ; ils sont acquis au trésor public, comme recette de l’état.
Il aurait donc fallu établir la comparaison, non entre les dépenses faites et les recettes effectuées, mais entre les dépenses faites et la somme mise à la disposition du ministre des travaux publics. Je me garde bien de ne pas employer tout ce qui est mis à ma disposition ; si j’ai un regret, c’est que la somme ne puisse pas être plus considérable.
Cependant il arrive que, de cette manière, des sommes échappent au département des travaux publics, et ces sommes étaient beaucoup plus considérables avant la loi du 10 mars 1838.
Permettez-moi, messieurs, de faire encore ici un retour sur le passé. Autrefois les baux d’adjudication des barrières se faisaient du 1er avril d’une année au 1er avril de l’année suivante ; ils étaient toujours annuels. J’ai eu l’honneur de proposer à la chambre de déclarer la loi sur les barrières permanente et d’autoriser le gouvernement à faire des baux de trois ans. Quand le bail était annuel, le gouvernement, devant proposer le projet de budget au moins en octobre, devait prendre pour base l’année précédente. Vous savez tous qu’il y a eu une progression très grande dans le produit des barrières depuis 1830 jusqu’à nos jours. Par exemple, au budget de 1837, on avait supposé que le produit des baux en 1837, ne serait pas plus élevé que celui de 1836. Il s’est trouvé une augmentation de 110,545 francs. Que sont devenus ces 110,545 francs ? Ils ont été acquis au trésor ; ils ont été considérés comme revenu général de l'état. Aujourd’hui des sommes aussi considérables ne peuvent plus échapper au département des travaux publics, parce que le bail se fait pour trois ans, et court à partir du 1er janvier, c’est-à-dire qu’il y a coïncidence entre le bail et l’année financière.
C’est la loi du 16 mars 1838 qui a rendu la comptabilité aussi régulière que possible. Vous trouverez, d’après cette comparaison, dans le travail que j’ai soumis à la chambre en 1838, que les routes se sont trouvées privées, non de deux millions, mais de 660,255 francs. Ce sont ces 660,255 francs qui ont été acquis à l’état de 1831 à 1837, comme revenu général. (Le Moniteur du jour reprend un tableau récapitulatif du produit des barrières depuis 1831 à1837, comparé avec les sommes allouées par anticipation aux budgets des dépenses.)
J’ai cru devoir rectifier ces chiffres, non dans l’intention d’élever une question d’amour-propre entre M. le rapporteur et moi, mais parce que j’ai vu qu’il concluait, page 9, que cette somme était restée improductive dans les caisses de l’état ou qu’elle avait été employée à une autre destination, contrairement au vœu de la loi qui exige impérieusement que l’excédant du produit des barrières soit consacré à l’ouverture de nouvelles communications pavées ou ferrées.
D’après les explications que je viens de donner toutes les suppositions qui suivent viennent à tomber.
J’ai été d’autant plus étonné de ce que l’on n’ait pas tenu compte des améliorations, deuxième objet auquel est consacré le fonds des barrières, que dans le rapport de 1838, déjà cité, j’ai dit que généralement on commet cette erreur ; on croit que l’entretien effectué, le reste est disponible pour routes neuves ; il y a encore les améliorations, et même la priorité leur est due sur la construction de routes neuves.
Les travaux d’amélioration sont, après ceux d’entretien, la première dette du produit des barrières.
C’est ainsi que je m’exprimais en 1838. Ainsi, soit que l’on fasse la comparaison entre les dépenses effectives et le produit net des barrières, soit qu’on la fasse entre les dépenses effectives et les allocations réelles, le travail du rapporteur manque d’exactitude.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – J’ai déclaré dans le rapport que tous mes calculs étaient approximatifs, ce ne sont donc pas des calculs que je viens défendre, mais le système que j’ai voulu appuyer par mes calculs.
La section centrale, l’an dernier, avait demandé qu’il fût présenté annuellement un compte de l'emprunt des fonds des routes. Vous savez que, aux termes de la loi, le produit des barrières constitue un fonds spécial qui doit être appliqué annuellement à l’entretien et à l’amélioration des routes, et l’excédant à la construction de routes nouvelles. C’est dans l’intérêt des routes que je demande l’exécution régulière de la loi. Pour que la loi fût régulièrement exécutée, il faudrait présenter, chaque année, un compte exact de l’emploi du produit des barrières. Jusqu’ici, cela n’a pas été fait (réclamation de la part de M. le ministre des travaux publics) ; de sorte qu’il est impossible de se rendre compte des l’emploi des fonds
Je me suis adressé de tous les côtés pour avoir des renseignements, et je n’ai pu m’en procurer.
Il résulte de ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics qu’il y a 660,000 francs, qui sont perdus sans retour pour les routes. Or avec une telle somme on aurait pu faire des routes dans beaucoup de localités, qui en ont impérieusement besoin. Vous venez d’être témoins des réclamations qui ont surgi de tous côtés dans cette enceinte. On aurait satisfait à une partie de ces réclamations, si on avait, conformément à la loi, employé à la construction de routes nouvelles tout l’excédant du produit des barrières.
Vous avez, à plusieurs reprises, voté des fonds pour construction de routes. C’est ainsi que vous avez voté 6 millions et 2 millions supplémentaires. D’après les tableaux produits par M. le ministre des travaux publics, ces sommes n’ont pas été entièrement appliquées à la construction de routes.
D’un autre côté, de l’aveu de M. le ministre, une somme de 660,000 francs, qui aurait dû être consacrée à la construction de routes nouvelles, est restée dans les caisses de l’état. Voilà ce que ne veut pas la loi ; voilà ce qu’empêcherait le compte du fonds spécial. N’est-il pas irrégulier de voter des fonds, de créer une dette nouvelle de 8 millions, alors que nous avons dans les caisses de l’Etat des fonds qui devraient être consacrés à la construction de routes.
Ainsi, lorsque j’ai présenté ces calculs, c’était principalement pour prouver que le fonds des routes n’est pas régulièrement employé, et pour faire sentir la nécessité d’un compte par exercice du fond spécial des routes.
Mes observations ne tendaient pas et ne tendent pas à jeter du blâme sur l’administration des travaux publics, mais à y introduire plus de régularité et à obtenir, dans l’intérêt du pays, l’application à la construction de routes nouvelles, qui est impérieusement et généralement demandée, de tout l’excédant du produit des barrières.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – L’honorable membre a, en quelque sorte, invoqué comme moi le tableau que j’ai cité possible aujourd’hui. C’est précisément à cet inconvénient que vous avez mis un terme par la loi du 10 mars 1838.
Aujourd’hui qu’il y a concordance entre l’année financière et les baux des routes, et que ces baux sont de plusieurs années, il est impossible qu’il échappe des sommes de cette importance.
Ainsi cet état de chose n’exister plus au même degré. S’il échappe une somme, il est impossible qu’elle soit considérable. Mais prenez garde d’arriver au résultat contraire. S’il y avait beaucoup de restitution de baux (et c’est le cas cette année), il pourrait en résulter qu’il serait employé en 1840, une somme supérieure au produit des barrières. Je vais l’établir. Le ministre des travaux publics (si vous votez le chapitre) pourra disposer de 2,200,400 francs. Je suppose que par suite des résiliations qui auraient eu lieu (car je ne connais pas encore le résultat de toutes les adjudications qui ont eu lieu à la fin de décembre), il y ait 60 mille francs de moins, croyez-vous que le ministre des finances pourrait me dire ? « Vous ne pourrez disposer de ces 2,200,400 francs que déduction faite des 60,000 francs qui manquent. » Non sans doute.
Les 2,200,400 francs, resteraient à ma disposition. Eh bien, que résulte-t-il de tout cela ? Une espèce de compensation. Si, par exemple, le ministre des finances perçoit cette année 60 mille francs de moins, l’année dernière il a perçu 50 ou 60 mille francs de plus. Il s’établit donc une compensation entre plusieurs années. Mais le résultat, désastreux pour les routes, dont on s’est plaint avant 1838 n’est plus possible aujourd’hui.
« Mais (dit l’honorable membre) je n’ai fait ces calculs que pour établir qu’il y a commiscuité entre les deux services. » Je nie cette commiscuité. Il y a, pour les routes et pour le chemin de fer, imputation sur le même fonds des emprunts, mais il n’en résulte pas qu’il y ait commiscuité. La preuve, c’est que rien ne m’a été plus facile que de vous indiquer les deux objets de l’imputation. Ainsi je conteste qu’il y ait confusion de service.
En décidant qu’on imputerait à raison des besoins, pour les routes et pour le chemin de fer, sur les fonds de l’emprunt, vous avez sagement agi ; car, si vous n’aviez pas pris cette mesure, voici ce qui serait arrivé : En 1836, vous avez accordé au gouvernement un crédit de 6 millions pour construction de routes. Si le gouvernement avait dû, momentanément, imputé ces 6 millions sur l’emprunt, il aurait sans nécessité diminué ses ressources ; car il n’a pu dépenser, en 1836, que 3 ou 4 cent mille francs. La chambre a compris qu’elle ne pouvait adopter ce système ; elle a autorisé le gouvernement à imputer sur le fonds de l’emprunt, à mesure des besoins des routes. C’est ce qui a été fait. Cet amendement a été proposé par l’honorable M. Devaux ; et la chambre a fort bien fait de l’adopter.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Tout à l’heure, j’ai invoqué l’intérêt des routes ; j’invoque maintenant l’intérêt d’une bonne comptabilité. Je dis que ce système de bascule et de compensation est contraire à toutes les règles de la comptabilité : Puisque la loi veut que tout l’excédant du produit des barrières soit exclusivement employé à la construction de routes nouvelles, ces fonds ne doivent pas avoir une autre destination. Je ne puis admettre qu’une somme provenant du produit des barrières resterait sur un exercice, dans les caisses de l’état, et qu’il en serait tenu compte, dans l’intérêt des routes, sur le budget de l’exercice suivant.
M. le ministre dit qu’il n’y a pas commiscuité. Je ne l’ai pas dit non plus mais j’ai dit qu’il y avait tendance à la commiscuité ; et je le prouve. Cette tendance existe, puisque sur 8 millions, il n’ a d’employés que 3,800,000 francs ; et cependant, depuis 3 ans, on fait supporter aux routes 200,000 francs, intérêt de 4 millions, avant que la probabilité soit réalisée.
On éviterait tous les inconvénients, en faisant chaque année un compte spécial de l’emploi du fonds des routes. Aujourd’hui, si vous voulez vous rendre compte de l'emploi de ce fonds, vous ne pouvez pas. Rendez-vous à la cour des comptes, demandez des renseignements sur le fonds spécial, il vous sera impossible de vous les procurer. Nous sommes dans la même situation qu’au temps du syndicat ; les errements sont les mêmes. Il n’est pas plus possible aujourd’hui qu’il ne l’était, au temps du syndicat, de se rendre compte de l'emploi du fonds spécial.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je demande la parole.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je sais que M. le ministre rend compte de tous les fonds qui lui sont confiés. Mais je crois pouvoir me plaindre de ce que l’emploi du fonds spécial n’est pas connu.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je ne puis, en aucune manière, accepter la comparaison entre le département des travaux publics et le syndicat. L’honorable membre peut se rendre compte (s’il veut me faire l’honneur de venir au ministère) des imputations sur le fonds spécial des barrières. Et si la chambre jugeait convenable de ne pas ajouter foi à ce que j’ai l’honneur de lui dire, je ferai imprimer le tableau du fonds spécial pour 1837, par exemple ; car les exercices 1838 et 1839 ne sont pas encore clos. Il y aurait un seul moyen de remédier à l’inconvénient du défaut d’emploi d’une partie du produit des barrières ; ce serait, par exemple, s’il y a, en 1839, une différence de 50,000 francs entre la somme mise à la disposition du département des travaux publics et le produit des barrières, de faire au budget de 1840 le rappel de cette somme.
L’honorable membre, pour être complètement juste à l’égard des routes, devrait faire restituer par le trésor public 660,000 francs du chef des années 1831 à 1837. Mais le remède ne serait pas dans une comptabilité nouvelle. Du reste, je le répète, le compte spécial existe au moins dans mes bureaux ; et je le tiens à votre disposition.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je me suis proposé de demander que les sommes consacrées aux routes y fissent réellement consacrées. Puisqu’on indique un moyen qui rentre dans mes vues, je demande qu’on l’emploie, et que la somme de 660,000 francs reçoive sans destination légale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Ce que demande l’honorable rapporteur est impossible ; cela romprait l’équilibre dans les budgets. Vous êtes forcément amenés à admettre un système de compensation. La loi dit en termes généraux : « Le fonds des barrières servira aux routes. » Si, dans une période donnée, trois ans, dix ans, on vous montre que les sommes ont été employées aux routes, la loi a été observée dans les limites des possibilités.
M. de Puydt – Avant que la chambre examine les travaux publics, je crois devoir attirer son attention sur un fait important pour la discussion. Le rapport présenté par le ministre, le 12 novembre dernier, nous fait connaître qu’avant la révolution, il existait 700 lieues de routes en Belgique ; qu’à l’époque actuelle, en exécution, ou déjà concédées, et pour lesquelles des fonds ont été donnés par le gouvernement, ont une étendue de 1,040 lieues ; de sorte que l’on a fait 340 lieues depuis la révolution, et que le gouvernement a donné 12 millions 800 mille francs pour contribuer à leur exécution ; il a donné plus du double des communes et des provinces. D’où vient cet important résultat ? il vient des emprunts sur les routes, c’est le résultat de la proposition que j’ai faite en mars 1834 et qui a été adoptée en 1836.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il me semble que M. Mercier s’est plaint de la répartition faite par le gouvernement des crédits mis à sa disposition, tant par les emprunts que par les produits des barrières. Cette question de la répartition est déjà vieille.
On suppose que le gouvernement fait une distribution a priori. Des idées tout à fait différentes ont dominé la chambre lorsqu’elle a voté les emprunts et maintenu l’institution des barrières ; ce n’était pas une distinction par province, par district, par population qu’elle voulait ; la législature a compris que le système de communication devait être perfectionné dans le pays, et on a considéré le produit des barrières comme une annexe au fonds général de l’état ; le gouvernement a été dominé par une question générale de civilisation, de fertilisation, et dès lors il a dû donner la préférence aux localités où l’application des principes de civilisation et de fertilisation était plus directe, plus immédiate, plus nécessaire. C’est ainsi qu’il a fait des routes dans le Limbourg, dans le Luxembourg, dans la Campine, dans la Hesbaye ; qu’il a fait des routes là où on n’en trouvait que pour aller au chef-lieu de la province ; qu’il a établi des routes de ville à ville. Dans la Flandre occidentale, par exemple, il a décrété une route d’une extrémité de cette province à l’autre, celle de Dixmude à Roulers, laquelle s’exécutera. Il y avait là une question de civilisation, de fertilisation dans la Flandre occidentale, quoique cette province soit déjà riche en routes. Il est inutile que j’énumère toutes les communications faites ou décrétées.
Il est possible que, quand on procède arithmétiquement à l’examen de la répartition des crédits, on trouve qu’il y ait des districts qui ont obtenu peu de chose ; mais, messieurs, l’institution des barrières subsiste toujours ; elle laissera annuellement un excédant ; et le gouvernement, à mesure que le principe adopté par lui perdra de son empire, s’occupera des routes qui ne sont pas comprises dans ce système. Les districts qui réclament auront des routes, c’est une question de temps ; les excédants des barrières permettront de tout accomplir, mais successivement, et avec le concours des provinces et des communes.
Les neuf dixièmes des routes exécutées depuis dix ans l’on été depuis 1837. Messieurs, lorsque nous serons plus avant dans la discussion du budget des travaux publics, lorsque nous en serons au chapitre des canaux, je me réserve de rappeler ces remarques, parce que je veux attirer votre attention sur la proposition que j’ai faite, il y a deux ans, ayant pour objet de capitaliser les produits des péages pour être employés à l’achèvement des canaux, des rivières et des routes.
M. Milcamps – Je suis bien aise d’avoir entendu les observations que vient de faire M. le ministre des travaux publics. Je comprends maintenant la pensée du gouvernement, sa manière d’agir : il n’a fait exécuter que les routes qu’il juge d’intérêt général et propres à favoriser la civilisation. Qu’il me soit cependant permis de dire que je crois que le gouvernement cède plutôt, dans bien des circonstances, aux pressantes demandes qui lui sont faites et à l’insistance, dans cette chambre, des députés des localités où ces routes s’exécutent. Pour ma part, j’attribue au silence des députés de mon district l’oubli dans lequel on l’a laissé en matière de routes. L’honorable M. Mercier a établi que, dans le crédit de 13 millions affectés aux routes, un subside de 60 mille francs seulement avait été accordé pour construction de routes au district de Nivelles. Je ne saurais voir dans l’emploi de ce crédit de 13 millions justice et équité.
Au surplus, messieurs, les observations de mon honorable collègue avaient particulièrement pour but de connaître la pensée de M. le ministre sur la construction de la route d’Hottomont aux Quatre-Bras ; c’est sur ce point spécialement que j’aurais désiré des explications.
Messieurs, la dépense de cette route est évaluée 731,837 francs.
La province de Brabant est prête à faire les trois quarts de cette dépense.
Le quart restant doit être parfait, soit par les communes, soit par le gouvernement.
Eh bien, des démarches ont été faite auprès de M. le ministre pour obtenir un subside de cent et quelques mille francs, et elles sont restées sans succès.
Il est vrai que la députation du Brabant n’a pas encore proposé au gouvernement de décréter cette route ; la raison, c’est que, comme elle en a projeté un grand nombre, elle ne veut faire exécuter la route qu’autant que le quart de la dépense soit fait, et c’est pour ce motif que l’on réclame si instamment du gouvernement un subside de cent et quelques mille francs. C’est sur ce point que j’insistais pour avoir des explications.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Quant à la route dont on parle, j’ai demandé sa construction par parties en sollicitant le concours de la province ; je ne sais s’il lui sera possible de l'accorder. J’ai dit que le gouvernement avait été guidé par des idées générales. En voici un exemple que l’honorable membre ne récusera point.
Il s’agit de la route de Nivelles à Wavre ; la province désirait faire cette route ; aux yeux du gouvernement le projet se rattachait à une idée d’intérêt général, il fallait rapprocher Nivelles, qui est le chef-lieu de l'arrondissement de Wavre, qui se plaint de ne pas être ce chef-lieu ; eh bien, le gouvernement n’a pas hésité à donner à la province un subside de 40,000 francs. Le gouvernement était guidé ici par une idée d’intérêt général, et c’est ainsi qu’il agit dans toutes les provinces ; mais je le répète, ces idées générales, qui ont dominé d’abord, perdent de leur empire précisément parce qu’elles se trouvent en partie satisfaites, et l’on pourra maintenant descendre davantage vers des idées de localité.
M. Lys – Messieurs, puisque nous en sommes aux travaux d’amélioration, réparation et construction de routes nouvelles, je demanderai à mon tour, à M. le ministre des travaux publics, si le gouvernement s’occupe du redressement de la route de Herve à Liége, par la Clef. Il y a des fonds faits par souscription, il y a des fonds votés par la province ; ce travail sera d’ailleurs éminemment utile ; ce redressement s’opérera sur un terrain plat d’environ une lieue et demie à deux lieues, sans accident de terrain, sans inconvénients, et il diminuera le parcours de trois quart de lieue au moins ; il sera d’ailleurs avantageux à une partie de la province de Liége, qui est privée de chemin de fer.
M. A. Rodenbach – Quoiqu’un grand nombre d’honorables membres aient demandé des routes pour leurs localités, je n’ai pas voulu parler cette année en faveur de mon district, comme je l’ai fait d’autres années ; mais un honorable député de Nivelles a fait entendre que c’est à force de sollicitations que nous aurions obtenu la route passant au milieu de la Flandre occidentale. Eh bien, messieurs, j’ai réclamé dans le temps une partie de route d’environ une lieue, et nous avons fait les plus grands sacrifices pour l’obtenir, nous y avons contribué pour plus des trois quarts, et cependant les barrières de cette route rapporteront au gouvernement plus de 7,000 francs par an ; si le gouvernement pouvait souvent faire de pareilles affaires, il s’enrichirait immensément.
On a parlé de la route de Dixmude à Furnambacq ; mais, messieurs, cette route était de la plus urgente nécessité ; est-il possible, messieurs, que le pays le plus fertile de la Belgique, est-il possible qu’une population de 600,000 habitants soit laissée sans communications ?. D’ailleurs, messieurs, qu’on n’envie pas le sort de la Flandre occidentale ; au moment où je parle, la misère y est à son comble ; on a parlé hier du charbon ; eh bien, messieurs, on ne peut plus acheter de charbon dans cette province, c’est à peine si l’on peut y acheter du pays ; le peuple est obligé de mendier pour en avoir ; si les choses continuent à marcher de la même manière, cette Flandre, dont on vantait autrefois la richesse, devra bientôt être appelée la « pauvre Flandre » ; on a parlé de civilisation ; eh bien, messieurs, aux environs de Dixmude, le peuple doit demeurer dans des huttes, dans la terre ; je pense que l’on peut fort bien construire des routes pour civiliser les populations ; nous voulons tous que le peuple soit éclairé et véritablement civilisé.
M. Pirson – Je crois, messieurs, que c’est à l’article qui nous occupe en ce moment que M. le ministre des travaux publics a remis la réponse à ce que je lui avais demandé relativement à une communication dont en 1838, on nous promettait l’achèvement avant le premier janvier 1840. Dans la loi de 1838 on avait stipulé que la diminution de droits accordée aux ardoisières daterait depuis le premier janvier 1840 parce que, d’après M. le ministre des travaux publics et M. le ministre des finances, la route dont je parle ne pourrait guère être faite avant le premier janvier 1840. Je désirerais savoir où en est cette affaire ; il faut absolument que cette route soit faite le plus tôt possible ; le gouvernement a pris des engagements à cet égard.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je n’en disconviens pas, messieurs, il y a eu un engagement, on a cherché à le remplir, on a compté sur le concours des provinces, mais on n’a pas obtenu ce concours, de sorte que le gouvernement, sera peut-être forcé de faire la route aux frais de l’Etat seul.
M. Pirson – Il y a peut-être une lieue de route dans la province de Luxembourg, une lieue dans la province de Namur, le pays est très plat, la dépense ne sera donc pas forte.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – De 150,000 francs.
M. Pirson – L’estimation la porte à 130 mille francs, mais vous pourrez la faire avec moins de 100 mille francs ; le pays présente des facilités extrêmes.
M. Doignon – Messieurs, tous les ans le conseil provincial du Hainaut élève des plaintes sur l’injustice que l’on met dans la répartition du produit de l'emprunt pour la construction de routes et de l’excédant du produit des barrières. Un rapport longuement motivé a été présenté sur cet objet au conseil et adopté par lui dans la session de 1839. Il a été distribué aux membres de cette chambre. Je prie M. le ministre de prendre en sérieuse considération les observations du conseil ; d’après ce qui avait été dit par M. le ministre lui-même dans la discussion de la loi de 1838, relative à un crédit de deux millions, le conseil avait lieu d’espérer que cette province aurait été mieux traitée que les années précédentes ; mais il n’en a rien été. M. le ministre avait alors déclaré que « le gouvernement avait en vue de rétablir, au moyen de ce nouveau crédit, un certain équilibre entre les provinces, de faire quelque chose de plus pour les provinces qui, par exemple, disait-il, contribuent pour une plus forte part dans le produit des barrières et qui jusqu’à présent n’ont pas été les mieux traitées. » Sans doute, M. le ministre voulait faire allusion à la province du Hainaut. Eh bien, messieurs, ses paroles n’ont eu aucune suite, la part du Hainaut dans la répartition des crédits votés n’a été au plus que d’un douzième, tandis qu’il paraissait promettre qu’elle serait d’un huitième. La province du Hainaut n’a pas été mieux partagée dans la répartition de l’excédant du produit des barrières ; notre part s’est réduite à presque rien, tandis que nous contribuons pour la moitié dans l’excédant total de toutes les barrières du royaume, et cependant il y a dans le Hainaut 91 lieues de routes qui ont été construites, pour les sept huitièmes, aux frais de la province.
Autrefois le Hainaut retirait de ces routes un revenu considérable ; ce revenu lui est ainsi enlevé : Toutes les autres provinces trouvent au moins dans la part qu’on leur assigne chaque année dans cet excédant, l’équivalent de l’intérêt des capitaux qu’elles ont employés à la construction des routes ; La province du Hainaut est la seule jusqu’ici qui en soit privée ; et elle est de cette manière spoliée de son revenu.
Avant la révolution, c’était là un de nos griefs contre le gouvernement hollandais, qu’il détournait le fonds des barrières pour l’engloutir dans le syndicat, eh bien, pour la province du Hainaut, le même grief existe encore ; car, que ce soit au profit du syndicat ou au profit des autres provinces du pays, toujours est-il que nous sommes frustrés, et que nous nous trouvons pour ainsi dire dans la même position qu’avant 1830.
Voici, messieurs, ce que portait l’article 65 de l’ancienne loi fondamentale :
« Les droits des barrières, ponts, écluses, sont affectés à l’amélioration des chaussées, ponts et canaux ; l’excédant, s’il y en a un, demeure réservé pour des dépenses de même nature dans la même province. »
Ainsi, messieurs, quand il y avait un excédant, cet excédant appartenait de droit à la province qui n’avait produit. Vous savez qu’ensuite, par la loi du 27 décembre 1822, c’est au syndicat qu’au mépris de la loi fondamentale cet excédant a été attribué. Aujourd’hui nous avons la loi de 1833 qui l’affecte aux frais d’entretien des routes, ainsi qu’à l’ouverture de nouvelles communications ; mais cette disposition n’autorise pas le gouvernement à être injuste, à dépouiller entièrement une province au profit des autres. Il résulte de la loi de 1831, que, suivant l’intention du congrès, il faudrait au moins que chaque province reçut approximativement une quotité proportionnée à la part pour laquelle elle a contribué à la construction des routes. Il faudrait au moins que, par la répartition, chaque province fût indemnisée des intérêts des capitaux qu’elle y a consacrés. Eh bien, messieurs, la province du Hainaut est presque entièrement privée de l’intérêt de ces capitaux.
J’appelle l’attention du gouvernement sur cette réclamation que je renouvelle tous les ans dans cette enceinte.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je regrette, messieurs, qu’en faisant distribuer le rapport à la chambre, on n’y ait point joint ma réponse, par laquelle on aurait vu que le gouvernement a mis à la disposition du Hainaut une somme de 400,000 francs, et que jusqu’à ce jour cette somme n’a pas pu être employée entièrement ; le conseil provincial du Hainaut a, selon moi, imposé à la députation des principes beaucoup trop absolus, trop systématiques, en fait de construction de routes.
M. de Puydt – Je ne puis admettre le principe de répartition dont parle l’honorable M. Doignon, et qui serait contraire à la raison.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il est d’ailleurs contraire à la loi.
M. de Puydt – Il me semble que les provinces où il y a de grands produits des barrières, sont celles où il y a un grand nombre de routes, où il y a beaucoup de ressources industrielles ; elles ne doivent donc pas être favorisées dans la répartition des subsides, au même degré que celles qui sont privées de ces avantages. Cette répartition doit se faire au contraire en raison directe des besoins, et en raison inverse des ressources.
C’est dans la province du Hainaut que l’esprit d’association est le plus développé ; vous verrez, dans le rapport, qu’il y a plus de routes dont la concession est demandée dans la province du Hainaut seule, que dans toutes les autres provinces du royaume réunies. C’est donc la preuve qu’il y là beaucoup plus de ressources pour en faire sans subsides, que partout ailleurs, et cette province a par conséquent moins de raisons que les autres pour demander des subsides.
Un autre honorable député de l'arrondissement de Tournay a fait remarquer tantôt, que cet arrondissement n’a reçu aucune faveur, ou du moins qu’il en a reçu moins que les autres localités.
Messieurs, remarquez que depuis 1830 les seules routes que le gouvernement a faites dans le Hainaut, ce sont des routes dans l’arrondissement de Tournay ; que les seules routes pour lesquelles la province ait accordé des subsides, ce sont des routes dans l’arrondissement de Tournay ; et que toutes les autres routes dans l’arrondissement de Mons et de Charleroy, ont été faites par des particuliers ; si donc la province pouvait avoir de justes motifs de se plaindre, ce ne serait au moins pas à l’arrondissement de Tournay à élever la voix le premier.
M. Mercier – Messieurs, j’ai demandé la parole pour déclarer que je ne puis adopter en aucune manière le principe qui vient d’être posé par l’honorable M. de Puydt. L’honorable membre dit que lorsqu’une province peut supporter de lourdes charges pour la construction de ses routes, cette circonstance doit être un motif pur que le gouvernement ne lui accorde pas de subside. Moi, messieurs, je suis d’une opinion diamétralement opposée : quand une province consent à supporter des charges pour des routes dont le besoin est indispensable, je dis qu’alors le gouvernement doit reconnaître aussi que ce besoin existe, et ce doit être pour le gouvernement un motif d’accorder un subside plus considérable à cette province.
M. de Puydt – Il ne s’agit pas ici de charges pour la province ni pour le gouvernement : quand de nombreuses sociétés concessionnaires se trouvent dans une province, elles allègent au contraire ces charges : elles appliquent aux travaux des capitaux à elles, capitaux qui deviennent productifs pour tout le monde. Les provinces qui sont dans cette position n’ont donc pas besoin de recourir au gouvernement, dont le devoir est de prêter son secours à celles qui n’ont pas les mêmes ressources.
M. Pirmez – Messieurs, nous ne devons pas imposer au gouvernement l’obligation de distribuer absolument les fonds dans les provinces au prorata de ce que chaque province donne ; mais nous devons encore moins nous rallier au système de l’honorable M. de Puydt, qui veut qu’on fasse cette distribution entre les provinces, en proportion des besoins. Mais quels sont les besoins ? I s’agit de les bien définir. Par exemple, si une province n’a pas beaucoup de routes, devra-t-on en conclure qu’elle a besoin de routes ; mais c’est précisément parce que des routes ne sont pas faites dans cette province, qu’elle n’en a pas eu besoin, ainsi c’est parce que des routes n’étaient pas nécessaires dans le Luxembourg qu’il y en a si peu, et c’est parce qu’elles étaient nécessaires dans le Hainaut qu’il y en a un si grand nombre ; elles se sont créées, parce que le besoin existait, et voilà pourquoi il s’est rencontré tant de sociétés concessionnaires dans le Hainaut.
M. Dumortier – Messieurs, je suis partisan de l’opinion qu’il faut faire quelque chose en faveur de localités qui n’ont pas de routes ; j’ai toujours dit qu’il faut faire des routes là où il n’y en a pas ; mais ce n’est pas un motif de négliger des provinces qui font elles-mêmes de grands sacrifices.
Si le travail de M. le rapporteur de la section centrale est exact, je vois que les provinces qui font le moins, sont précisément celles quoi ont le plus. Ainsi, à la page 7 du rapport de la section centrale, on lit que dans le Hainaut l’état a fourni une somme de 600,000 francs, et que les provinces et les commune sont donné 526,000 francs, c’est-à-dire à peu près autant que l’Etat, tandis que dans la province de Liége l’état a fourni 2,500,000 francs, et les communes, qu’ont-elles fourni, zéro. Je vous le demande, messieurs, doit-on donner une somme aussi forte à une province qui ne fait rien, et donner s peu à une province qui s’impose de grands sacrifices ? C’est une véritable absurdité.
Une voix – La province du Hainaut a une somme de 400,000 francs dont elle ne fait rien.
M. Dumortier – Si une fausse mesure a été prise par le conseil provincial du Hainaut, ce n’est pas un motif de refuser le crédit ; il faut que le conseil provincial revienne sur cette fausse mesure ; mais aussi le gouvernement ne doit pas négliger cette province.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, j’ai interrompu tout à l’heure l’honorable M. de Puydt, pour lui dire que c’était le principe même de la loi institutive des barrières qu’il développait. Et en effet c’est le principe fondamental de l’institution des barrières qu’on remet aujourd’hui en doute. Ce principe est en dehors du budget même ; c’est ainsi que la loi des barrières a été entendue.
Remarquez où l’on arriverait avec cette idée qu’on doit employer les fonds des barrières par province : dans les provinces où les barrières donnent des produits considérables, on ferait des routes ; mais là où les barrières ne laissent pas d’excédant, on ne ferait pas de routes. Et cependant, il faudra bien faire des routes, et alors l’obligation de faire des routes deviendrait une obligation générale du budget de l’état.
Messieurs, le gouvernement a cherché à faire l’emploi le plus convenable ; j’ai eu soin de dire qu’il ne fallait apprécier l’emploi des fonds des barrières que d’après 2 ou 3 ans seulement. En ce moment le gouvernement a décrété un grand nombre de routes dans cette idée générale que j’ai signalée tout à l’heure ; il lui sera permis maintenant, si je puis parler ainsi, de descendre davantage dans les idées de localité.
Quant à la théorie des travaux publics, développée par l’honorable M. Pirmez, c’est une théorie nouvelle ; dans cette théorie les routes se feraient en quelque sorte d’elles-mêmes ; je ne nie pas les effets du système de concession ; mais ce système serait impuissant dans la majeure partie du pays.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 2,200,400 francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Plantations : fr. 50,000. » - Adopté.
Plusieurs membres – A lundi ! à lundi !
- La séance est levée à quatre heures trois quarts.