(Moniteur belge n°340 du 6 décembre 1839)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven fait l’appel nominal à midi et quart.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
- M. Ch. Vilain XIIII, dont l’admission a été proclamée dans une précédente séance, prête serment.
M. Scheyven fait connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Trois conseillers communaux de la commune de Forges (canton de Chimay) signale des abus dans l’administration du collège des bourgmestre et échevins. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L’administration communale d’Oostroobeke (Flandre orientale) adresse son adhésion au mémoire de la ville de Thielt, en faveur du déplacement du chemin de fer entre Gand et Bruges. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Les administrations communales de St-George et Meerendre (Flandre occidentale) appuient le mémoire de la commune d’Aeltre, et réclament contre tout déplacement du chemin de fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
« Le sieur Désiré Tack, ingénieur à Gand, adresse des observations sur les causes d’explosion des machines et chaudières à vapeur, et fait hommage à la chambre de quatre exemplaires de son traité sur ce sujet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Frédéric Corbisier adresse des observations contre les pétitions de M. Verrue-Lafrancq et Ronstorff, concernant l’adjudication du canal de l’Espierre. »
- Renvoi à la section centrale des travaux publics.
« Le conseil communal de Maeseyck adresse des observations sur le projet de nouvelle circonscription judiciaire du Limbourg et demande l’agrandissement de ce canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« L’administration communale de la ville d’Anvers demande l’abrogation de la loi du 27 mai 1837 sur les distilleries. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens, et insertion au Moniteur.
« Des détaillants de boissons distillées de Bruxelles et de ses faubourgs demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838. »
« Même pétition du conseil communal et des habitants notables de la commune de Leupeghen (Flandre orientale). »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens, et insertion au Moniteur.
« Le sieur Jean-Adam Laviolette, musicien au 3e régiment d’infanterie, né en France, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Liedts – Parmi les pétitions dont l’analyse vient d’être communiquée à la chambre, il en est deux qui se rattachent au budget des voies et moyens. Ce sont les pétitions de l’administration communale d’Anvers et des débitants de boissons distillées de Bruxelles qui demandent des modifications à la loi sur les distilleries. M. le président a proposé et l’assemblée a ordonné le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens.
Comme leur importance est très grande et qu’il est possible que l’assemblée y trouve les moyens de créer de nouvelles ressources pour le trésor, et en même temps d’améliorer l’état des finances des villes d’Anvers et de Bruxelles, il serait convenable d’ordonner l’impression de ces deux pétitions.
- Cette proposition est adoptée.
M. Scheyven – Je demande que la pétition du conseil communal de Maeseyck soit renvoyée à la commission avec demande d’un prompt rapport. Je demande également que celle du sieur Missoten, notaire à Achel, celle du conseil communal d’Achel, précédemment adressées à la chambre, soient compris dans ce rapport ainsi que toutes les autres pétitions du Limbourg qui sont relatives au même objet.
- Cette proposition est adoptée.
M. Dumortier – Messieurs, à la séance d’hier, vous avez renvoyé à la commission des naturalisations plusieurs demandes adressées à la chambre par des militaires nés dans les parties cédées ; ces militaires ignorent la disposition de la loi qui les autorisent à faire, dans les 6 mois, une déclaration, au moyen de laquelle ils conservent la qualité de Belges sans avoir besoin d’obtenir la naturalisation. Au lieu de renvoyer leurs pétitions à la commission de naturalisation, on aurait dû les renvoyer au ministre de la guerre avec invitation d’informer les militaires qui veulent conserver la qualité de Belge, de la déclaration qu’ils sont autorisés à faire pour cet objet. De cette manière, vous aurez l’avantage de ne pas laisser en souffrance des demandes de naturalisation.
M. le président – Ce n’est pas à la commission des naturalisations, mais au ministre de la justice que les pétitions dont parle l’honorable préopinant ont été renvoyées. M. le ministre de la justice les renverra, s’il y a lieu, à M. le ministre de la guerre.
M. Dumortier – S’il en est ainsi, je me bornerai à inviter M. le ministre de la guerre à mettre à l’ordre du jour de l’armée que les militaires nés dans les parties cédées aient à faire leur déclaration dans un bref délai, s’ils veulent conserver la qualité de Belge. Il faut éviter les demandes inutiles de naturalisation, et pour cela, il n’y a qu’à mettre les citoyens au courant des dispositions de la loi.
M. de Muelenaere – Je ne sais dans quels sens sont conçues les pétitions dont il s’agit, mais il me semble qu’elles doivent avoir un autre but qu’une demande de naturalisation. Le délai de 6 mois expire, je crois, le 8 de ce mois. Beaucoup de militaires et de fonctionnaires sont malheureusement en retard pour faire leur déclaration, j’en connais plusieurs qui sont dans ce cas. Je pense que les pétitionnaires demandent une prolongation de délai pour faire leur déclaration qu’ils veulent rester Belges.
En accordant ce nouveau délai, il faudrait prévenir tous les militaires et les employés des autres administrations que la chose concerne, qu’ils doivent faire leur déclaration dans le nouveau délai qui sera fixé.
Je pense que la chambre et le gouvernement ne verront aucun inconvénient à cette extension de délai.
M. le président – Aucune requête n’est conçue dans le sens que suppose M. de Muelenaere, ce sont des demandes formelles de naturalisation.
M. de Muelenaere – Dans ce cas, et puisque M. le ministre de l'ntérieur est présent, je le prierai de prendre mon observation en considération et d’examiner s’il n’y aurait pas lieu d’accorder une prolongation de délai à ceux qui n’ont pas fait leur déclaration.
M. Dumortier – J’appuie d’autant plus les observations de l’honorable préopinant que des personnes nées dans les parties cédées sont dans l’impossibilité physique de faire la déclaration qu’elles veulent conserver la qualité de Belge.
La loi n’a pas fait de distinction entre les citoyens nés dans les parties cédées qui sont aujourd’hui en Belgique et ceux qui sont à l’étranger. Il en est non seulement dans des contrées éloignées de l’Europe, mais en Amérique et dans les Indes. Si vous ne leur donnez pas un délai proportionné à leur éloignement, ils ne pourront pas profiter de la disposition de la loi, car ils ne peuvent pas en avoir eu connaissance dans le délai fixé.
Dans la loi promulguée en Hollande, on a accordé un délai spécial pour les Belges qui voudraient entrer au service de la Hollande et qui se trouvent en Amérique ou aux colonies.
Il est nécessaire qu’une loi intervienne pour prolonger le délai que nous avons fixé. Je prie le gouvernement de prendre en considération les observations présentées sur cet objet.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Certes, messieurs, je ne m’opposerai pas à une disposition qui pourrait être favorable aux habitants du Limbourg et du Luxembourg ; cependant il me semble que l’honorable préopinant, en invoquant la nécessité d’une prorogation de délai, a confondu deux choses. Le délai de 6 mois ne concerne que les habitants des parties cédées qui remplissent des fonctions publiques et qui veulent continuer à toucher un traitement. Pour ce qui concerne la conservation de la qualité de Belge, le délai dans lequel doit être faite la déclaration n’est pas de 6 mois, mais de 4 ans. En sorte qu’un fonctionnaire qui aurait négligé de faire sa déclaration dans les six mois aura compromis sa qualité de fonctionnaire public, mais il aura encore trois ans et demi pour déclarer qu’il veut conserver sa qualité de Belge.
Quant à la qualité de fonctionnaire compromise, le gouvernement pourra, je l’espère, dans certains cas, ne pas se montrer trop rigoureux, si d’ailleurs la déclaration du citoyen est faite ; mais il faut qu’il s’agisse de fonctionnaires dont la nomination et la révocation lui appartiennent. Quoi qu’il en soit, je le répète, on confond deux choses.
M. Simons – J’ai demandé la parole pour présenter à peu près les mêmes observations que M. le ministre des travaux publics. J’ajouterai que la loi du 4 juin ne s’applique pas à tous les fonctionnaires, mais seulement aux fonctionnaires qui au moment du traité se trouvaient dans les parties cédées. Quant aux fonctionnaires jouissant d’un traitement dans les pays restés à la Belgique, ils ne se trouvent pas dans le cas du délai de 6 mois, mais dans celui du délai de 4 ans, pour déclarer s’ils veulent jouir du bénéfice de la loi du 4 juin.
Les militaires comme les autres fonctionnaires qui sont en Belgique ont les quatre années pour faire leur déclaration.
M. Demonceau – Je n’ai rien à ajouter à ce qui vient d’être dit, sinon que les militaires et les fonctionnaires qui veulent continuer à jouir de leur traitement sans interruption et qui sont dans le cas prévu par la loi, doivent se hâter de faire leur déclaration.
M. de Muelenaere – La loi a fixé deux délais, l’un de 4 ans et l’autre de 6 mois. Ce sont ces deux délais qui ont fait naître des doutes dans l’esprit de quelques fonctionnaires publics. La loi n’a pas été interprétée comme l’a dit un honorable préopinant, car il est intervenu une instruction du département de la guerre, annonçant aux officiers nés dans les parties cédées, qu’ils devaient faire leur déclaration dans le délai de six mois fixé par la loi. Beaucoup ont fait cette déclaration, mais je sais que beaucoup aussi sont en retard, parce qu’ils n’ont pas pu se procurer les pièces nécessaires, et qu’ils n’ont pas cru que ce délai les concernait. Il est indispensable de porter une disposition qui leur permette de faire leur déclaration après le délai de six mois sans être considérés comme démissionnaires.
M. Pirson – J’ai rencontré dans la Flandre orientale un officier né dans la partie cédée du Luxembourg qui, d’après la circulaire du ministre de la guerre, annonçant que le délai pour faire la déclaration prescrite par la loi expirait le 8 décembre, a cru devoir faire sa déclaration. Il y avait dans sa compagnie un soldat né dans la même partie cédée. Tous deux se présentèrent devant l’autorité communale pour faire leur déclaration. On les renvoya devant le gouvernement. Et cette déclaration, qui a passé par je ne sais quelle filière, car elle a été entre les mains du receveur des domaines, leur a coûté 15 francs. Le soldat n’ayant pas le moyen de payer, l’officier a fait l’avance pour lui. Je crois que le bureau des domaines demande un prix qui est fixé par la loi à 8 ou 10 francs et peut aller jusqu’à 15 francs l’expédition, mais vous conviendrez que, pour un soldat, il ne devrait pas y avoir de droit semblable.
M. Duvivier – Sans doute, on doit le restituer.
M. Scheyven – Je vais donner communication d’un message adressé à M. le président :
« M. le président,
« Dans la séance du 2 mai dernier, j’ai eu l’honneur de communiquer à la chambre le traité du 19 avril, avec les pièces y relatives.
« Le 6 juin, jour de la clôture de la session, je me suis empressé de lui faire part de la rectification de l’erreur commise au préjudice de la navigation dans la réduction du tonneau néerlandais en pieds anglais, j’ai annoncé en outre officiellement que les ratifications étaient arrivées à Londres, qu’elles étaient pures et simples, et que l’échange devait avoir lieu le 8. Dès que les actes de ratification me furent parvenus, j’ai fait distribuer un rapport qui les reproduit à chacun des membres de la chambre ; les traités et les actes de ratification ont été insérés au Bulletin officiel, n°255, et dans le Moniteur du 21 juin 1839, n°179.
« Je complète aujourd’hui mes communications officielles en déposant les pièces mêmes sur le bureau de la chambre. J’y joins le rapport imprimé, mentionné ci-dessus, pour être déposé aux archives de la chambre.
« Je vous prie d’agréer, M. le président, les assurances de ma plus haute considération.
« Le M. le ministre des affaires étrangères et de l'ntérieur, de Theux. »
M. le président – Pris pour notification.
M. Zoude – Le rapport de la commission des pétitions sur la demande des notaires de Neufchâteau, ayant été imprimé et distribué, je demanderai à la chambre d’ordonner le renvoi à une commission ou aux sections du projet qu’elle a présenté. Le mieux serait d’ordonner le renvoi à une commission car on arriverait plus promptement à faire cesser l’état de souffrance où sont les pétitionnaires.
M. le président – Je ferai remarquer que la marche suivie par la commission des pétitions n’est pas régulière. Elle a proposé par l’organe de son rapporteur un projet de loi, tandis que le règlement veut que toute proposition de projet de loi soit renvoyée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture. Le projet de loi dont il s’agit n’est signé par personne, ni par le président de la commission, ni par le rapporteur. Je sais qu’il y a eu un précédent, en 1835. On a fait observer que le projet était l’œuvre d’une commission, qu’il avait été lu, que les motifs avaient été communiqués à la chambre, et on a pensé qu’on pouvait s’occuper de la prise en considération. Je proposerai à la chambre si elle n’y trouve pas d’irrégularité, de procéder ici de la même manière et de passer à la prise en considération du projet comme présenté par la commission.
M. Dumortier – J’appuie l’opinion de M. le président. Quant une commission, investie de la confiance de la chambre, présente un projet de loi, l’objet est censé pris en considération par l’assemblée.
M. de Brouckere – De deux choses l’une, ou le projet est l’œuvre de M. Zoude, ou il est l’œuvre de la commission. S’il est l’œuvre de M. Zoude, il faut que la lecture en soit autorisée par les sections. S’il est l’œuvre de la commission, et je crois que c’est ici le cas, l’autorisation de la lecture n’est pas nécessaire. Mais la prise en considération doit avoir lieu, et elle doit être mise à l’ordre du jour, pour être discutée. Pour terminer ce débat, que M. Zoude déclare si le projet est à l’ordre du jour, et, dans ce cas, qu’on mette à l’ordre du jour de demain la prise en considération.
M. Zoude – C’est la commission qui, par mon organe, a présenté le projet de loi dont il s’agit.
- La prise en considération de ce projet est mise à l’ordre du jour de demain.
M. Mast de Vries, rapporteur, dépose le rapport sur l’exportation des farines.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, le projet de loi dont il vient d’être fait mention paraît de nature à ne pas mériter une bien grande attention.
Je crois cependant, messieurs, qu’il mérite quelque attention. Ayant parcouru les avis des commissions d’agriculture et des chambres de commerce, consultées sur ce projet de loi, j’y ai reconnu de grands inconvénients signalés par ces commissions, avant d’entamer la discussion de ce projet de loi.
Il me paraît que si la chambre ordonnait l’impression de ces rapports ou au moins l’analyse, ce qui pourrait avoir lieu au Moniteur, ces renseignements seraient fort propres à éclairer la législature sur les modifications à apporter à ce projet de loi.
M. le président – La section centrale conclut au dépôt de ces pièces sur le bureau pendant la discussion.
M. Eloy de Burdinne – Les pièces déposées ne seront pas connues des membres ; et une simple analyse des observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture imprimées au Moniteur mettraient la chambre à même de voter en pleine connaissance de cause et la porteraient à introduire des améliorations dans la loi.
Tous ces avis, ces rapports des commissions d’agriculture et des chambres de commerce n’ont pas été lus par les sections. La section centrale même n’a pas trouvé convenable de les parcourir. Elle a vu seulement quelques observations. Je doute que le rapporteur mentionne toutes les observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture ; car cela aurait nécessité un travail fort long qu’il ne peut pas avoir eu le temps de faire. Cependant si on avait l’analyse de ces observations, elle jetterait une grande clarté dans la discussion. Après tout, pourquoi a-t-on demandé ces avis et ces rapports ? Sans doute pour éclairer la chambre. On me dira peut-être que c’est pour le gouvernement ; mais je crois aussi que c’est pour la chambre.
Je dois déclarer que la presque totalité de ces avis sont contraires au projet tel qu’il est conçu.
M. Mast de Vries – Je m’oppose à la proposition de l’honorable préopinant, parce que les observations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture ont été reconnues fondées par le gouvernement, et que dans le projet on y a fait droit.
Je ne puis pas entrer maintenant dans la discussion, mais je répète que le projet fait droit à toutes les réclamations. Je ferai le dépôt de ces pièces. Je suis persuadé que si le projet actuel avait été soumis aux chambres de commerce et aux commissions d’agriculture, elles l’auraient adopté à l’unanimité.
M. Eloy de Burdinne – Je persiste dans ma proposition. Je ne partage pas l’opinion de M. le rapporteur. Je trouve que, loin d’avoir fait droit aux observations des commissions d’agriculture et des chambres de commerce, on n’en a rien fait du tout. On a bien fait quelques modifications, mais elles ne satisferont pas du tout les chambres de commerce et les commissions d’agriculture. Il suffit de parcourir quelques-uns de ces mémoires pour s’en convaincre. Au surplus, pourquoi s’opposer à la publication que je demande ? Craint-on d’avoir trop de lumières ? Moi je crains avoir jamais assez. Chacune de ces pièces, je le répète, en répandra beaucoup.
M. Mast de Vries, rapporteur – Cela fera un volume.
M. Eloy de Burdinne – Je ne demande qu’une analyse.
M. le président – Qui la fera ?
M. Eloy de Burdinne – La section centrale.
M. Mast de Vries, rapporteur - C‘est un travail trop long.
M. Eloy de Burdinne – Eh bien, je demande alors que cela soit fait par le département de l’intérieur.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il y aurait peut-être un certain inconvénient à faire faire cette analyse par le département de l’intérieur, parce que des membres pourraient désirer avoir les pièces sous les yeux. Si cependant la chambre le veut, pour éviter une impression coûteuse, je ferai faire le résumé succinct de ces documents, et je le ferai imprimer. (Adhésion générale.)
La chambre ajourne après l’impression, la fixation de la discussion du rapport.
M. le président – La parole est à M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, l’honorable député de Bruxelles semblait avoir examiné avec maturité la marche du gouvernement depuis la fondation de la monarchie belge. Mais vous vous serez déjà aperçus, et du moins j’aurai à vous signaler que des erreurs de fait graves lui sont échappées.
De plus, je ne crains pas d’affirmer que le jugement qu’il a porté sur la marche du gouvernement est entièrement dénué de fondement. Sans doute l’unité, l’homogénéité dans le ministère est essentielle pour la bonne administration du pays ; mais en quoi consiste cette unité, cette homogénéité ? Nous avons toujours pensé que c’était à délibérer en conseil les actes les plus importants du gouvernement, et à (erratum, Moniteur n°341 du 7 décembre 1839 :) exécuter loyalement les décisions du conseil. Sous ce rapport, messieurs, j’ose affirmer que la marche de tous les ministères dont j’ai eu l’honneur de faire partie, n’a rien laissé à désirer.
Il est une autre unité, une autre homogénéité qui n’est qu’imaginaire, qui consisterait à faire en quelque sorte de tous les membres d’un cabinet quelque nombreux que soit son personnel, une seule et même personne ; cette unité, cette homogénéité, n’est pas dans la nature des choses ; elle n’a jamais existé, elle n’existera jamais, surtout dans les états constitutionnels.
Au surplus, les assertions que je viens de donner ne sont pas dénuées de preuves. La plus grande preuve de l’unité d’un gouvernement, d’un ministère, c’est sa durée. Sous ce rapport, nous pouvons accepter en Belgique la comparaison avec les autres états constitutionnels. Je dis que c’est là une preuve incontestable, car un cabinet qui n’aurait pas d’unité, qui serait divisé dans sa marche, ne saurait subsister ; il n’aurait pas pu subsister surtout dans les temps difficiles que la Belgique a traversés.
Passant aux détails, l’orateur pense que le ministère, tel qu’il se présente devant vous, n’est pas plus homogène qu’il ne l’a été auparavant.
Le regret que mon honorable collègue le ministre des finances fût divisé avec moi sur les questions commerciales, et que ni l’un ni l’autre ne nous fussions expliqués sur le système que nous suivrions à l’avenir : c’est là une erreur. Mon honorable collègue s’est exprimé, à la fin de la session dernière, sur ses pensées quant au système commercial. Il a encore eu l’occasion d’émettre sa pensée dans le rapport à l’appui du budget que vous discutez en ce moment. La pensée du gouvernement, messieurs, est celle qui a été fixée par de nombreuses lois qui ont déjà été décrétées, et spécialement par la loi de 1838, la plus importante en matière de douanes. Relativement à notre honorable collègue, le ministre de la justice, je pense, messieurs, qu’il serait bien inutile de demander une profession de foi. Pendant le temps de son premier ministère, et pendant tout le temps qu’il a présidé cette chambre, sa pensée a pu être suffisamment appréciée.
On a remonté au ministère de M. Lebeau ; on a regretté de ne pas connaître les causes de la retraite de ce ministère ; mais ce n’était pas au ministère qui lui a succédé à expliquer ces causes. La pensée du ministère qui a succédé à celui de M. Lebeau, a été exprimée dans le discours du trône, lequel était la première occasion qui lui fût offerte pour parler aux chambres.
En 1836, a-t-on dit, le ministère s’est divisé, et moi, j’ai profité de la circonstance pour réunir à toutes les attributions que je possédais déjà en qualité de ministre de l’intérieur, le département des affaires étrangères, ce qui est bon à prendre, a-t-on ajouté, est bon à garder. Ici, messieurs, deux inexactitudes très graves ont été commises. En premier lieu, je n’ai pas pris le département des affaires étrangères comme on le suppose ; mais je l’ai accepté à la demande de mes collègues, et exclusivement à leur demande. Et je ne l’ai accepté qu’à condition de diminuer les attributions de l’intérieur des travaux équivalant à ceux du ministère des affaires étrangères. J’ai cédé les travaux publics, et vous connaissez l’importance de cette partie de l’administration à cette époque ; j’ai cédé les mines, la milice, la garde civile, les indemnités. Le ministère des travaux publics n’est point un ministère de fantaisie ; c’est un ministère bien constitué, dont l’utilité a été généralement reconnue.
Plus tard, poursuit-on, le général Evain se retira et fut remplacé par le général Willmar. Il y a une erreur de date ; le général Willmar est entré au ministère avant la création du ministère des travaux publics. Quoi qu’il en soit de cette confusion de date, on ajoute : le général Willmar était opposé aux principes de ses collègues. Je dois le dire, nous ne nous en sommes jamais aperçus dans les délibérations du conseil. Il y a eu, sur toutes les questions relativement importantes, unanimité d’opinion dans le ministère.
J’oubliais de répondre à un autre fait également inexact. On dit : Le ministre des travaux publics, qui était secrétaire général des affaires étrangères lors de la retraite de mon prédécesseur, quitta le secrétariat aussitôt que j’eus assumé sur moi la responsabilité du département des affaires étrangères. C’est encore là une erreur. Mon honorable collègue des travaux publics était depuis longtemps décidé à quitter sa position de secrétaire général. Déjà cet événement avait été annoncé à la chambre par un de ses amis politiques, et sa retraite du poste de secrétaire général eut lieu avant que j’eusse pris le ministère des affaires étrangères. Voilà donc encore une véritable inexactitude que l’on a avancée dans la séance d’hier.
Revenant au ministre des finances, on a dit qu’à son entrée au ministère, on lui avait supposé l’intention de proposer un projet de loi emportant prohibition des tissus de coton ; et que c’est parce que les fabricants de Gand ont été déçus dans leurs espérances à cet égard, qu’a éclaté l’espèce d’émeute d’octobre. Je ne sais sur quels motifs on pourrait s’appuyer pour avancer que le ministre des finances a accepté le portefeuille avec l’intention de proposer une loi prohibitive ; je crois qu’au contraire qu’on a des motifs pour être assuré, que cela n’a pas été dans sa pensée, au moins à son entrée au ministère.
En effet, en 1838, on avait adopté, à une forte majorité, une loi qui levait la prohibition sur les draps étrangers ; et ce serait après avoir lutté contre des intérêts vivaces, afin de détruire cette prohibition, qu’on reviendrait sur ses pas pour établir une prohibition du même genre !
J’ai trop bonne opinion des industriels de Gand, pour croire que jamais ils se soient imaginé que telle fût la pensée du gouvernement. On s’étonne que nous proposions aujourd’hui la création d’un sixième ministère, et que nous n’ayons pas eu cette pensée plus tôt. Vous savez, messieurs, que lorsque le ministère des affaires étrangères fut réuni à celui de l’intérieur, au commencement de l’année 1837, il n’y avait que cinq ministères. Nous n’avons pas cru qu’il y eût alors des motifs suffisants pour créer un sixième ministère. D’ailleurs, le moment eût été mal choisi au milieu d’une session ; on apporte le moins de modifications possible au gouvernement dans de semblables circonstances. Plus tard arriva l’adhésion du roi Guillaume au traité des vingt-quatre articles. Cet événement était sans doute très grave, et si nous avions eu la faiblesse d’ambitionner le ministère des affaires étrangères, nous eussions été dupes de cette vanité. Mais heureusement il n’en était rien ; nous l’avions accepté par dévouement en 1837 ; et c’est par le même sentiment que nous l’avons conservé au moment du danger. Dans le comité secret nous nous sommes exprimés à cet égard ; nous ne nous sommes pas dissimulé la difficulté de la position ; mais ce n’était pas le moment de toucher au ministère. Ce n’est pas dans une telle circonstance qu’on songe à admettre de nouveaux membres dans un cabinet.
Si aujourd’hui, messieurs, les difficultés du ministère des affaires étrangères sont diminuées par la solution de cette grande question politique, il est vrai de dire aussi que les attributions de ce ministère sont augmentées par l’établissement de nouvelles légations ; et encore, que ce ministère semble exiger maintenant quelque chose de plus sous le rapport de la représentation. Au surplus, si le ministère des affaires étrangères a eu plus d’attributions qu’il n’en aura à l’avenir, et si d’un autre côté le travail du ministère de l’intérieur constitué séparément se trouve ainsi également diminué, je ne regretterai nullement de jouir d’un eu plus de liberté.
Mais, dit-on encore, on semble assigner une position mesquine au futur ministre des affaires étrangères ; on n’annonce pas le projet de lui donner l’hôtel du ministre de l’intérieur. Je ne pense pas que la dignité du ministre des affaires étrangères consiste à occuper tel hôtel plutôt que tel autre. Nous avons demandé au budget une somme que nous considérons comme suffisante pour se procurer un logement, à titre de bail, en attendant qu’il puisse être pourvu autrement d’un hôtel. Nous verrons si l’honorable membre qui a fait l’observation soutiendra l’allocation que nous avons demandé au budget pour ce point.
M. de Brouckere – Je ne la soutiendrai pas.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il répond d’avance que non. Il me semble qu’il y a contradiction entre son discours et le vote qu’il se propose d’émettre.
Au surplus, messieurs, l’on sait que, particulièrement dans les états constitutionnels, le nombre des ministère vient à varier suivant les circonstances ; ainsi l’on a vu tel pays avoir jusqu’à 9 ministères, n’en avoir plus ensuite que 7, puis en avoir de nouveau 8 et 9 ; on a vu également remanier les attributions de chacun des départements ministériels : ces questions se résolvent quelquefois par des considérations de personnes, et non pas toujours par de simples questions d’administration. C’est là une nécessité du gouvernement représentatif.
Parmi les griefs qu’on a articulés contre la marche du gouvernement, il en est un sur lequel on a spécialement appuyé ; ce sont les relations des fonctionnaires publics avec le chef de leur département.
Nous ne pouvons nullement admettre cette doctrine, que les questions de personnes, en ce qui concerne les fonctionnaires publics, doivent être résolues en conseil ; nous pensons au contraire qu’il est essentiel (et sans cette condition la marche du gouvernement serait impossible) que les fonctionnaires de chaque département relèvent exclusivement de leur chef immédiat. Mais, messieurs, cela ne constitue pas un isolement dans le gouvernement ; si des collègues croyaient avoir à se plaindre, dans l’intérêt général, de la marche suivie par un membre du cabinet à l’égard de ses subordonnés, alors les ministres auraient à s’expliquer entre eux, et s’ils ne pouvaient point tomber d’accord, un remaniement du cabinet deviendrait nécessaire ; mais jusque là il est évident que chaque ministre doit exercer seul l’autorité sur les subordonnés.
On a signalé le dégoût manifesté par un certain nombre de personnes relativement aux libertés dont la constitution nous a dotés : ce dégoût on l’a forcément rattaché au système suivi par le gouvernement. Nous croyons, messieurs, être beaucoup plus dans le vrai lorsque nous disons que si ce dégoût se manifeste au degré signalé par l’honorable orateur, il doit principalement, je dirai mêle uniquement, être attribué à l’abus qu’on a fait de certaines libertés. Oui, messieurs, tout homme sera ami de la vraie liberté, mais en même temps, dans tout état civilisé, on sera ami de l’ordre, et, aussi longtemps que l’ordre ne sera pas entièrement respecté, il y aura des plaintes contre l’abus que l’on fera de la liberté. Quant à nous, messieurs, nous avons constamment signalé à la chambre la nécessité d’avoir, dans la discussion de lois organiques de la constitution, tout autant égard aux principes d’ordre qu’aux principes de liberté, si l’on veut maintenir intacte la liberté, si l’on ne veut point qu’il s’opère une réaction dans l’opinion publique ; car c’est par l’abus que l’on a fait de la liberté que la plupart des constitutions ont péri, l’histoire en fait foi ; tôt ou tard les abus donnent lieu à une réaction qui entraîne avec elle des principes d’ailleurs bons en eux-mêmes.
Des investigations ont été portées jusque dans les administrations municipales ; on a cité la situation de Gand, celle de Bruxelles, celle de Namur ; mais, messieurs, ces situations ne sont assurément pas imputables au ministère, surtout à moi, qui ai constamment soutenu que la loi communale n’a point fait au gouvernement une part suffisante d’autorité. D’ailleurs, qu’on le remarque bien messieurs, les difficultés de l’autorité communale de Gand ne datent point de tel ou tel ministère, elle datent de l’époque même de 1830 ; les difficultés de la situation de Bruxelles ne tiennent pas non plus à la marche de tel ou tel cabinet, elles tiennent exclusivement à des embarras financiers créés avant la révolution de 1830 et aux charges qu’elle a eu à supporter dans les premières années qui ont suivi cet événement politique.
On a semblé, messieurs, nous accuser de lenteur, d’hésitation en ce qui concerne les affaires de la ville de Bruxelles. Il n’en est rien ; nous avons formulé une proposition que nous croyions et que nous croyons encore aujourd’hui être entièrement dans l’intérêt de la ville ; cette proposition n’a point été accueillie. Nous avons songé à une autre combinaison, nous avons nommé des commissaires chargés de s’aboucher avec des commissaires de la régence. Jusqu’ici je n’ai point obtenu le travail de cette commission, et sans doute on n’exigera pas que nous nous occupions nous-mêmes de traiter des affaires semblables, telle que l’acquisition de collections ou d’autres propriétés communales. Ainsi donc, messieurs, il n’y a eu ni lenteur ni hésitation.
Je dirai encore que, dans toutes les questions relatives à la ville de Bruxelles, le gouvernement a été constamment d’accord ; sa situation ne dépend donc point du défaut d’homogénéité du ministère, de son défaut de résolution, ni de toute autre cause semblable, qu’on a semblé invoquer.
Je crois, messieurs, avoir répondu à ce qui concerne la marche du gouvernement dans les affaires d’intérieur. Quant à nos relations avec l’extérieur, on a signalé comme des concessions sans retour la loi des douanes votée en 1838, le projet de loi concernant l’entrée des charbons de France, le projet de loi présenté quant aux officiers français, la convention faite récemment pour le canal de l’Espierre ; mais il n’en est absolument rien. Depuis longtemps la pensée unanime du pays était de faire cesser l’état d’hostilité douanière, le régime exceptionnel établi sous le gouvernement des Pays-Bas, à l’égard de la France ; par la loi de 1838, on a résolu des questions de principes, des questions d’amour-propre national sans apporter des dommages aux intérêts belges ; j’ose affirmer, messieurs, qu’aucun intérêt belge n’a eu de lésion notable à souffrir par suite de la loi de douanes de 1838, mais qu’au contraire plusieurs protections ont été introduites par cette loi ; d’ailleurs quelques concessions avaient déjà été faites en France. Aujourd’hui, messieurs, où l’on agite sérieusement en France la question de lever les prohibitions, où les hommes politiques de la plus grande valeur, les journaux qui exercent généralement le plus d’influence dans ce pays, se prononcent ouvertement pour un système plus libéral en matière de commerce, je crois que nous n’avons qu’à nous applaudir d’avoir aboli des prohibitions exceptionnellement établies en Belgique contre la France.
En ce qui concerne le projet de loi sur l’entrée des houilles françaises, nous n’avons fait, messieurs, que remplir l’engagement pris par le congrès lui-même, qui a invité la France à modifier son tarif de douanes sur les houilles ; nous avons en même temps satisfait un intérêt belge, celui des chaufourniers de Tournay, qui réclamaient itérativement les mesures que nous avons proposées.
En ce qui concerne les officiers français, je suis heureux, messieurs, d’avoir l’occasion de m’en expliquer. Je pense, messieurs, que le ministre de la guerre a parfaitement bien fait de présenter le projet qu’il avait conçu, et qu’il est à regretter pour l’effet moral que le contre-projet de la section centrale a produit dans l’armée française, que le projet du gouvernement n’ait pas été adopté, attendu que le résultat a été absolument le même avec le projet de la section centrale qu’avec le projet du gouvernement. Du reste j’ai dû m’efforcer de détruire l’impression que la discussion de ce projet avait produite en France.
En ce qui concerne le canal de l’Espierre, assurément le gouvernement français attachait de l’importance à l’ouverture de ce canal, mais le gouvernement belge y attachait aussi de l’importance de son côté parce que ce canal était vivement sollicité par le bassin houiller de Mons, et qu’il doit favoriser considérablement cette branche importante de l’industrie du Hainaut. Du reste, la convention qui a été faite a eu pour objet d’arrêter les réclamations qui s’étaient élevées d’une manière très forte dans le département du nord, pour l’abolition du droit différentiel, à l’importation des charbons par mer, importation qui évidemment aurait restreint l’exportation de la Belgique.
Nous ne suivrons par l’orateur dans ses investigations sur le budget ; nous laissons à M. le ministre des finances la tâche de répondre à cette partie du discours ; cependant je ne puis passer sous silence quelques observations qui ont été faites en ce qui concerne le budget de l’intérieur, et spécialement le fonds d’encouragement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Nous dirons qu’il n’y a aucune comparaison à établir entre l’emploi qui se fait de ce crédit en Belgique et l’emploi qui en était fait sous le gouvernement des Pays-Bas ; et, veuillez bien le remarquer, là gît tout la question, c'est dans l’emploi qui se fait du crédit. Sous le gouvernement des Pays-Bas, c’étaient des prêts individuels, et ces prêts étaient souvent considérés comme de simples faveurs personnelles, et non comme des encouragements à l’industrie.
Et c’est en ceci que la marche du gouvernement a été constamment blâmée. Ici la plupart des fonds sont destinés à des services spéciaux, et ne sont certainement pas des encouragements personnels.
Sous le gouvernement précédent, dit-on, on ne voyait pas figurer au budget des sommes pour les jeux de Spa, pour les fêtes nationales, pour la police.
Effectivement, messieurs, les jeux de Spa n’étaient pas portés au budget, mais le gouvernement faisait cette recette arbitrairement et en disposait de même. En ce qui concerne la police, je ne puis pas affirmer qu’aucune somme ne fût portée au budget sous le gouvernement précédente ; mais, ce que je ne crains pas d’affirmer, c’est que ce gouvernement ne s’est jamais trouvé embarrassé d’appliquer à la police tel fonds qu’il jugeait utiles. Personne n’ignore qu’il existait dans le budget du royaume des Pays-Bas une somme considérable dont le gouvernement ne devait pas rendre compte.
En outre, messieurs, ce gouvernement avait d’immenses ressources. Toutes les opérations du syndicat le mettaient parfaitement à l’aise en matière de finances. Il disposait encore librement de tout le revenu des colonies. Par suite, on ne doit pas invoquer le système financier du royaume des Pays-Bas, ni surtout en faire la comparaison avec le nôtre.
Je ne dirai rien des fêtes nationales. Cette dépense, messieurs, est la conséquence du décret du congrès, qui a voulu perpétuer le souvenir des événements qui ont amené l’indépendance du pays.
Je passe maintenant au discours de l’honorable député de Thielt, lequel, après avoir déclaré formellement qu’il ne s’associait pas autres griefs articulés contre le gouvernement, qu’il se bornait uniquement au grief commercial, a signalé, en premier lieu, comme se rattachant à ce grief, la suspension des paiements de la banque de Belgique : il attribue cet événement aux vices des statuts et à l’intervention du gouvernement dans l’administration de cette banque.
D’abord, le gouvernement n’est jamais intervenu dans l’administration de la banque de Belgique. Ainsi sous le rapport de l’administration, les faits qui sont intervenus ne peuvent pas être imputés au gouvernement. Quant aux statuts, ils n’emportaient nullement la conséquence qu’on en a déduite.
Du reste, messieurs, ce n’est pas ici le moment de discuter l’administration de la banque. Elle a suspendu ses paiements, c’est vrai, mais c’est un événement qui est arrivé maintes fois dans les différents pays de l’Europe. Cet événement même n’est pas rare, on peut le dire. Et ici, veuillez le remarquer, ce n’est pas une faillite, c’est une simple suspension de paiements ; et non seulement la banque fera honneur à ses créanciers mais il est encore à espérer que les actionnaires auront peu de pertes à subir.
Notre système commercial, au dire de l’honorable orateur auquel je réponds, serait imposé par le gouvernement, dans l’intervention des chambres ; ce serait un système de commerce de transit, ce commerce occuperait la première place dans notre pensée ; tous les autres intérêts lui seraient subordonnés.
Ce sont autant d’erreurs que de mots. Et d’abord le gouvernement ne peut rien statuer en matière d’industrie, de commerce, sans le concours des chambres, soit au budget, soit dans les lois de douane. Ainsi les attaques qui ont été livrées au ministère s’adressent en même temps aux chambres. Mais, messieurs, lorsque nous faisons cette remarque, ce n’est pas que nous cherchions à diminuer notre responsabilité, mais c’est pour rendre aux chambres le mérite qui leur appartient dans les différentes mesures qui ont été prises, depuis 1830, pour la prospérité de l’agriculture, du commerce et de l’industrie.
Et, en effet, en ce qui concerne l’agriculture, le pays a été doté d’une loi protectrice sur les céréales. On a empêché l’introduction trop considérable du bétail étranger ; des fonds ont été alloués pour la création d’une école vétérinaire destinée à produire les meilleur résultats pour l’encouragement de l’agriculture.
En ce qui concerne l’industrie, des lois ont été portées pour protéger l’industrie des fers, qui est peut-être la principale industrie du pays. Il en est de même de l’industrie des toiles, des étoffes de laine, de la faïence, des produits chimiques et de plusieurs autres objets de moindre importance. En même temps, l’on a porté une loi pour faciliter l’entrée des machines et mécaniques, pour faciliter aux étrangers leur établissement et le transfert de leur industrie en Belgique.
Une loi sur les mines a apporté d’importantes améliorations dans cette partie des richesses publiques. Un conseil spécial a été créé, pour veiller d’une manière toute particulière à ce grand intérêt.
En fait de travaux publics, des choses immenses ont été faites. Je ne parle pas seulement du chemin de fer, mais encore d’un grand nombre de communications ordinaires ; le gouvernement a racheté les trois principaux canaux du Hainaut, et a abaissé considérablement les péages sur chacun d’eux. Le gouvernement a reconnu les principales rivières pour en améliorer la navigation.
En matière de concession pour routes et canaux, l’on a adopté encore un principe éminemment libéral, celui de prolonger le terme de la jouissance, pour abaisser le tarif.
Voilà, à coup sûr, une protection éclairée, accorée à la fois à l’agriculture, à l’industrie et au commerce national.
J’oubliais encore de parler des droits de barrière qui ont subi d’importantes diminutions dans l’intérêt commercial.
En ce qui concerne le commerce maritime qui est l’objet principal de l’honorable orateur auquel je réponds, l’on a amélioré considérablement le port d’Ostende ; l’on a alloué des fonds pour primes à affecter à des constructions de navires ; l’on a déjà accordé des encouragements à la pêche nationale ; et d’autres mesures protectrices de cette industrie importante, sont soumises à la délibération des chambres.
L’on a remboursé à la navigation le péage sur l’Escaut. Je signale comme un bienfait ce que l’honorable orateur a signalé au contraire comme un grief.
Mais, dit-on, le salut du commerce et de l’industrie de la Belgique consiste dans un changement à la législation sur les droits différentiels.
Remarquez, messieurs, que nous n’avons en rien diminué la protection de tarif dont la marine marchande nationale jouissait sous le gouvernement précédent. Il est vrai que nous nous sommes opposés à ce qu’on discutât, il y a deux ans, le système proposé par l’honorable orateur : Nous persistons, messieurs, à croire que nous avons eu grandement raison de nous y opposer : ce n’était pas lorsque la navigation de l’Escaut était encore en question, lorsque nous avions besoin de l’appui de toutes les puissances commerciales, que nous devions en quelque sorte nous isoler des autres pays, en ce qui concernait la navigation.
Cette question des droits différentiels pourra être examinée à fond, lorsque nous discuterons les traités de commerce avec la France et avec la Porte Ottomane qui sont actuellement soumis à la chambre. C’est alors qu’on aura l’occasion de voir ce qu’il y a de vrai, ce qu’il y a de faux dans le système de l’honorable député de Thielt.
Mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’un système restrictif en cette matière serait funeste à la Belgique, parce que la Belgique ne pourrait pas suffire, avec ses navires, aux nombreux besoins du commerce. La Belgique s’exposerait à ne pas devenir, comme elle doit le devenir, le centre du commerce, par suite de son système de chemins de fer.
Il faudra donc, si l’on se décide à adopter de nouvelles protections en cette matière, ne procéder qu’avec une extrême circonspection, pour ne pas amener une perturbation dans nos rapports : mais surtout il ne faut rien précipiter dans cette matière, parce que rien n’est plus funeste en matière de commerce et surtout en matière de commerce maritime, que les innovations.
Quand on se montre versatile en matière de législation commerciale, il est impossible de jamais prétendre à un commerce maritime, parce que les opérations de ce commerce exigent beaucoup de temps pour être réalisées. Les établissements qu’entraîne à sa suite le développement du commerce maritime sont dispendieux, sont lents à créer. Il faut donc qu’on sache à quoi s’en tenir, pour procéder avec confiance et pour risquer de grands capitaux dans ce commerce. Mais si nos informations sont exactes, même sous l’empire de la législation actuelle, nous avons tout lieu de croire que la marine marchande nationale prendra de l’extension.
Je ferai déjà remarquer, que, d’année en année, les importations directes des lieux de provenance augmentent dans une progression sensible en concurrence inégale avec les importations indirectes.
L’honorable orateur s’est plaint aussi de ce que le gouvernement n’a pas présenté de loi tendant à restreindre l’exportation des lins. Mais veuillez vous rappelez que cet honorable membre avait pris l’initiative dans une semblable proposition, et que la commission de la chambre avait cru ne pas devoir y donner suite. En effet on comprend l’importance de cette question en rapport avec les intérêts de notre agriculture ; on conçoit combien de danger il y aurait à encourager en quelque sorte les pays étrangers à s’adonner davantage à la culture du lin. D’ailleurs, plus le lin sera recherché, plus nos cultivateurs s’adonneront à cette branche, et plus il y aura abondance de cette denrée sur nos marchés ; et comme nous avons les mêmes éléments de succès que les autres nations, ayant la matière première sous la main nous devons dans la concurrence avoir l’avantage.
Si les produits de l’industrie linière à la main sont préférés, les autres pays ne lutteront pas avec nous, quant à cette espèce de produits. S’il s’agit de tissage à la mécanique, nous avons encore les mêmes avantages que les autres pays. Il n’y a donc pas de danger à courir pour l’industrie linière, à moins que les autres états n’adoptent des tarifs prohibitifs en cette matière. Sous ce rapport, les efforts du gouvernement ont toujours tendu à parer les malheurs dont cette branche d’industrie a été menacée l’été dernier.
Il me répugne de répondre à cette assertion, que nos légations étrangères seraient dans un état de dépendance et dès lors complètement inutiles. Non, messieurs, la position de nos agents à l’étranger n’est pas dépendante ; elle n’est nullement indigne d’u pays.
Quant à nos agents consulaires, leur utilité est réelle, abstraction faite du changement au tarif des droits différentiels. Si l’on veut que des essais de commerce soient faits dans les contrées lointaines, il faut que le commerce y trouve des agents qui puissent l’y protéger. D’ailleurs, des renseignements nouveaux, détaillés et tous les jours de mieux en mieux compris, sont envoyés par ces agents. J’ai pris à cet égard une mesure qui a paru satisfaire entièrement le commerce : J’ai fait autographier les principaux rapports de ces agents, et je les ai communiqués aux chambres de commerce et aux principales sociétés commerciales, en leur demandant sous quel rapport ces renseignements ne les satisfont pas, et quelle lacune ils renferment ; et lorsque des améliorations sont demandées, on les indique aux agents consulaires. De cette manière leurs services sont réellement utilisés.
En résumé, je pense avoir répondu pleinement à toutes les observations faites sur la marche du ministère, tant par l’honorable député de Bruxelles que par l’honorable député de Thielt.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, le discours sur le budget des voie et moyens, prononcé par un de nos honorables collègues dans la séance du 4, a fait naître chez moi l’espoir que la chambre est sur le point d’apporter des économies dans les dépenses, et, par contre, être en mesure de diminuer le budget des voies et moyens ; enfin, messieurs, j’ai l’espoir fondé que la fièvre de la dépense qui règne à la chambre belge depuis quelques années, est sur le point de cesser. Cet honorable orateur a, si je l’ai bien compris, cru devoir accuser le ministère d’être la cause de la dépense que je considère avec lui comme au-dessus de nos moyens. Quant à moi, je ne partage pas cette opinion que le ministère est seul coupable. Je suis persuadé que si le ministère avait seul réglé les budgets, nos dépenses ne s’élèveraient pas à 101 millions, taux fixé pour l’exercice de 1840. une responsabilité morale surtout aurait arrêté cette disposition, et la fièvre de la dépense eût été plus tôt coupée.
Pour se convaincre de la vérité de ce que j’avance, il ne faut que se rappeler ce qui s’est passé dans les sessions précédentes : presque toutes les années, des propositions de dépenses nouvelles ou des augmentations du chiffre des dépenses proposées par le gouvernement ont été faites par des membres, et la majorité les a souvent accueillies ; Et si toutes les propositions faites par des membres étaient admises, notre budget des dépenses serait porté à plus de 10 millions en plus qu’il ne l’est ; au lieu de le voir fixer à 101 millions, il serait de 111 millions.
Ce n’est pas le ministère seul que l’on doit attaquer sur l’exagération de nos dépenses, mais bien la majorité de la représentation nationale qui y a plus contribué que le ministère.
Ce n’est pas la première fois que je fais cette observation, il y a environ deux ans que j’ai fait remarquer à la chambre qu’elle était plus dépensière que les ministres eux-mêmes ; je le répète, d’après le discours de l’honorable M. de Brouckere, nous avons lieu d’espérer que nous allons entrer dans la voie économique, et que sous peu notre budget des dépenses sera inférieur au budget de la Hollande, et que la comparaison faite par le même orateur ne pourra plus être reproduite.
Dans ses comparaisons l’orateur a fait sonner fort haut l’allocation qui figure au budget du département de l’intérieur, chapitre VI, n°4, intitulé : Agriculture. Le chiffre en est fort élevé, il est de 565,500 francs. L’agriculture aurait lieu d’en être satisfaite, et elle a des droits à y prétendre ; mais cette dépense n’est pas un encouragement à l’agriculture comme il l’assurait ; je vais vous le démontrer.
D’abord cette mise de fonds donne un produit à l’état ; voyez le budget des voies et moyens vous trouverez :
1° Que le haras figure pour un revenu de fr. 15,000
2° La culture du mûrier, fr. 7,000
3° Produit de l’école vétérinaire ; fr. 102,500
Total : fr. 124,500
L’allocation étant de 565,500 francs, à déduire, 124,500 produits précités, reste fr. 441,000.
Cet excédant est dépensé :
1° Ecole vétérinaire : fr. 137,000
Comme elle produit : fr. 102,500
La dépense réelle est de fr. 34,500.
Cette dépense doit être considérée comme dépense pour l’enseignement, et fort peu dans l’intérêt de l’agriculture ; mais principalement dans l’intérêt de l’armée qui a besoin d’artistes vétérinaires pour traiter ses chevaux de cavalerie et d’artillerie, ainsi que dans l’intérêt de la classe industrielle qui emploie des chevaux de grand prix à l’attelage de leurs voitures, et auxquels les soins des artistes vétérinaires sont indispensables lorsqu’ils sont malades.
On ne lésine pas sur la dépense de traitement des chevaux de prix ; il n’en est pas de même des chevaux d’agriculture. Les cultivateurs les traitent eux-mêmes, ou ils en abandonnent le soin à des empiriques, vu que la valeur du cheval est souvent dépensée en traitements, lorsqu’ils en confient le soin à des artistes, pour peu qu’ils soient éloignés de chez eux.
Même observation pour la dépense de 4,000 francs, allouée au jury d’examen pour l’exercice de la médecine vétérinaire.
L’établissement modèle pour l’éducation des vers à soie va disparaître ; une loi vous est proposée d’en abandonner les soins à celui que vous trouverez bon : donc à soustraire 16,000 francs.
La dépense pour graines, amélioration des races bovines et autres, etc. etc., pour laquelle on demande 10,000 francs est, selon moi, plutôt dans l’intérêt général que dans l’intérêt de l’agriculture proprement dite.
La culture de la garance, pour laquelle on demande 30,000 francs, est bien autant dans l’intérêt de l’industrie que dans celui de l’agriculture. Si cette culture était introduite en Belgique, le prix de la garance serait réduit, et, par suite, l’industrie en retirerait tout l’avantage.
Haras, pour lequel on demande 230,000 francs.
L’introduction des chevaux étrangers, pour l’amélioration des races, est bien plutôt dans l’intérêt du gouvernement et de la classe des industriels que dans l’intérêt de l’agriculture, pour le motif que, si on parvient à obtenir une race de chevaux en Belgique convenable à la remonte de la cavalerie et de l’artillerie, des voitures de la classe aisée, il en résultera qu’on se les procurera à bien meilleur marché ; mais l’agriculture en profitera peu ou point. Au surplus, le haras donne un produit à la société d’horticulture de Bruxelles de 12,000 francs.
On conviendra que l’agriculture est fort étrangère à cet établissement, Bruxelles seule en profite ; les habitants s’y procurent de jolis bouquets.
Avance sur les fonds d’agriculture détenus par le gouvernement hollandais, 80,000 francs.
Ce n’est nullement un sacrifice : les fonds ont été faits par les agriculteurs ; ces fonds sont en Hollande, le gouvernement en retirera intérêt et capital.
Supplément au troisième tiers du fonds de non-valeur pour secours aux malheureux réduits à la détresse, 24,000 francs.
C’est là un acte de bienveillance. L’honorable collègue, j’en suis bien persuadé, ne blâmera pas le gouvernement de venir au secours d’un malheureux cultivateur ou autre réduit à la mendicité par suite d’un incendie ou autre calamité.
Au surplus, je ferai remarquer que des centimes additionnels sont payés par la propriété.
Je ferai en outre remarquer que ces secours ne sont pas destinés uniquement aux agriculteurs, les propriétaires de bâtiments d’industrie et autres sont aussi secourus par cette allocation quand ils éprouvent des désastres.
En résumé, l’article 4 du chapitre VI du budget de l’intérieur, intitulé agriculture, est une fausse désignation.
Comme on fait peu de chose en Belgique pour l’agriculture, on a intitulé cet article agriculture pour faire croire qu’on faisait quelque chose en faveur de cette industrie, à laquelle on ne pense sérieusement que lorsqu’il est question d’en tirer des subsides.
Messieurs, nous avons voté des centimes additionnels extraordinaires pour la guerre dans la session dernière ; vous vous attendiez comme moi, messieurs, à les voir disparaître du budget des voies et moyens pour l’exercice de 1840, et notre attente s’est réalisée.
Mais ce qui ne s’est pas réalisé, c’est l’espoir que j’avais conçu de voir disparaître aussi les 10 centimes additionnels extraordinaires aux contributions foncière et personnelle ainsi que l’impôt de patente.
Je sais qu’en général MM. les ministres consentent difficilement à des réductions d’impôt ; ils n’ont jamais trop de revenus, et se figurent que les contribuables sont peu gênés de payer un dixième en plus de leurs contributions ; ils ne considèrent les contribuables que sous le rapport du montant de l’impôt payé à l’état ; ils perdent de vue que la province et la commune ayant aussi des besoins, perçoivent des centimes additionnels, de manière que le contribuable qui paie 100 francs à l’état en principal, paie en sus : 5 centimes ordinaires et 15 c. extraordinaires ; à la province, pour routes et canaux, etc. 10 centimes ; à la commune, 7 centimes ; à la commune pour la réparation des chemins vicinaux, 25 à 30 centimes ; soit, en total, environ 62 pour cent additionnels : ci 162 centimes au principal des trois contributions précitées. De manière que le contribuable, considéré comme ne payant que 100 francs en principal, en paie réellement 162.
En examinant le budget, la propriété paraît ne payer en Belgique en contributions foncières que 14,985,080 francs. Si vous ajoutez 62 centimes additionnels, qui sont payés à l’état, à la province et à la commune, il en résulte que la propriété paie réellement en impôt foncier : 24,275,829 francs, et non comme il apparaît 14,983,080 francs ; différence en plus : 9,290,749 francs.
Mes calculs sont établis d’après ce qui a lieu dans le district que j’ai l’honneur de représenter. On pourrait me répliquer que partout on ne paie pas autant de centimes additionnels ; cela peut être exact, mais aussi il est des localités où l’on paie plus de 62 centimes additionnels. Dans une opération de l’espèce on doit juger sur des probabilités ou de l’inconnu par ce qui est connu ; on me répondra peut-être que le gouvernement ne peut marcher à moins de la somme de 101,635,569 pétitionnée.
Si l’on ne peut trouver moyen de faire des économies sur les divers budgets des dépenses un autre moyen est à la disposition du gouvernement ; ce moyen a déjà été signalé, il ne s’agit que de faire en sorte que l’impôt sur la consommation du sucre soit perçu au profit de l’état et non au profit des raffineurs : en modifiant la loi, on évitera la fraude, et l’état recevra environ 4,000,000 de francs et non 1,410,000 francs ; différence : 2,590,000.
Les centimes additionnels extraordinaires dont je demande le retrait portent 2,509,757 francs, soit une différence de 80,000 francs.
Il résulterait de l’exécution de la loi, telle qu’elle fut conçue par ses auteurs, que nous pourrions faire disparaître du budget des voies et moyens les centimes extraordinaires aux contributions foncière, personnelle et patentes, et que l’état aurait une augmentation de revenu de 20,000 francs environ. Réfléchissez-y bien, messieurs ; en laissant subsister l’abus que l’on fait de la loi sur la consommation du sucre, vous constituez le contribuable dans le cas de payer 10 p.c. en plus sur les contributions. En d’autres termes, on pourra nous accuser de grever les contribuables de 10 p.c. sur ses contributions en faveur d’un industrie (la raffinerie de sucre) et cela au détriment d’une autre industrie, les fabriques de sucres indigènes dont la matière première est le produit de votre sol, ou mieux au détriment de votre mère nourricière sans laquelle vous ne pouvez exister.
M. Dechamps – J’ai hésité à prendre la parole dans ces débats où le ministère semble lui-même en cause, parce qu’il est toujours à craindre que des discussions de ce genre le pays ne recueille qu’inquiétude et irritation, tandis qu’il y a tant besoin de repos et d’ordre. Mais comme cette discussion est engagée, que le pays y est attentif, dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons, je croirais manquer à mon devoir, si je n’y apportais pas mon contingent :
Mon intention n’est nullement d’embarrasser le gouvernement. Je crois que, dans la position de la Belgique, l’un des premiers besoins est que le gouvernement soit fort et surtout qu’il soit appuyé ; et pour qu’il soit appuyé, le moyen c’est d’être fort.
Si j’avais voté en faveur du traité de paix, je vous avoue que je croirais être injuste envers le ministère, en commençant par lui faire une opposition prématurée et comme de parti pris, puisque, dans mon opinion, le ministère aurait fait preuve de courage, puisqu’il aurait sauvé le pays. Mais pour qui n’avons pu donner notre assentiment au traité, qui nous sommes refusés à appuyer la politique du gouvernement dans une occasion aussi solennelle, nous pouvions, à bon droit, balancer à lui accorder une trop grande confiance, dans sa politique future. Mais pour moi si le passé me dit d’être en garde à l’égard de la politique du ministère, je n’ai pas l’habitude de faire de l’opposition au passé. Le mal que, selon moi, le traité a fait à la Belgique ne se guérira pas par des récriminations inutiles. Notre position est assez difficile pour que nous ne marchions pas à la compliquer encore par des embarras que nous créerions nous-mêmes. Aussi les observations que j’ai à soumettre à la chambre n’ont-elles aucun but d’opposition. Je crois, au contraire, en les émettant, parler dans l’intérêt bien entendu du gouvernement. Comme l’honorable abbé de Foere, je tiens à ce que la question que je veux prendre soit nettement distinguée de celle que d’honorables membres ont cru ou croiraient de leur devoir de choisir.
Un chose n’a échappé à personne, c’est que la session actuelle commence une époque nouvelle, une époque importante pour les destinées de la Belgique. Nous avons vu une de ces époques importantes se fermer si heureusement par l’avènement du Roi qui est venu couronner l’œuvre du congrès. Une autre de ces époques a pris fin si malheureusement par la conclusion du traité qu’on a qualifié de traité de paix. Je désire que le nom lui reste.
Une nouvelle ère commence, ère remplie de difficulté et de travail, où la nationalité belge, ébranlée par les derniers événements, doit se retremper et se raffermir. La reconnaissance de la Belgique par les puissances a dû changer complètement la politique du gouvernement. La politique du statu quo, qui a duré pendant 8 années, qui se reposait sur l’alliance anglo-française du soin de défendre notre indépendance et l’intégrité de notre territoire, qui consistait à faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller la conférence de Londres, endormie depuis la convention de 21 mai, cette politique tout négative doit complètement cesser. La Belgique doit devenir désormais plus européenne, qui doit pour ses alliances aussi bien avec le nord qu’avec le midi, demandé une politique de prévoyance, qui amène des traités de commerce, des traités politiques, qui lui font jusqu’ici défaut.
Je conçois le reproche d’apathie et d’insouciance qu’on serait en droit de nous adresser, si nous reprenions d’une manière routinière l’examen des budgets, comme les années précédentes, sans nous réoccuper, sans nous inquiéter aucunement du but vers lequel nous devons marcher. J’aurais désiré que le ministère, au lieu d’un discours du trône, se fût présenté dans les chambres avec un programme nettement dessiné et formulé de manière et rendre au pays la confiance dont il a tant besoin, et sans renoncer pour cela à cette discrétion dont le gouvernement doit constamment faire preuve. Le silence que le cabinet a gardé jusqu’ici m’avait fait croire qu’il n’a aucun programme. C’était dans le but d’avoir quelques explications qui pussent (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) détrôner et rassurer le pays, que je voulais prendre la parole. M. le ministre des affaires étrangères et de l'ntérieur vient de donner quelques-unes de ces explications. Mais elles m’ont paru, sur un point essentiel, un peu vagues et indéfinissables ; et d’un autre côté, elles ne m’ont paru renfermer qu’une des explications que j’aurais voulu soulever. Ces explications sont surtout relatives à la division des deux portefeuilles des affaires étrangères et de l’intérieur.
Je sais que le gouvernement a admis cette division en principe, puisqu’une allocation pour le futur ministre des affaires étrangères est portée au budget. Mais, selon moi, cette division ne sera réelle, effective, que lorsqu’on aura donné à ce nouveau département toute l’importance qu’il doit avoir, en y attachant des attributions qui, selon moi, doivent nécessairement s’y rattacher.
Les affaires étrangères seront pour nous, pendant bien des années encore, presque exclusivement des affaires commerciales, et notre diplomatie devra se borner à conclure des traités de commerce et de navigation. Or tout l’avenir politique de la Belgique est là ; cet avenir dépend des alliances que nous saurons former. Ces alliances, c’est principalement par les intérêts commerciaux que nous les obtiendrons. C’est donc dans les attributions du nouveau département des affaires étrangères que doit évidemment se trouver, selon moi, la division du commerce et de l’industrie. L’importance de ce département est dès lors facile à apprécier : il devra être l’âme de la politique du pays, le pivot autour duquel les autres départements devront tourner. Le ministre des affaires étrangères futur devra avoir des attributions si importantes et exercer une influence telle, qu’il sera, en fait, le chef du cabinet.
J’ai dit que la division du commerce et de l’industrie devrait rentre dans les attributions du département des affaires étrangères ; et il est impossible qu’il en soit autrement, car nos rapports d’amitié avec les puissances n’existeront qu’au degré où nous aurons su relier nos intérêts aux leurs. Nos relations extérieures n’auront de signification véritable que du moment qu’elles deviendront des relations commerciales, des relations politiques. Etablir ces relations, fonder ces alliances, telle doit être la pensée, le travail de toutes les heures du gouvernement. Du jour où ces alliances existeront de ce jour datera la reconnaissance effective de la Belgique par les puissances. Cette reconnaissance existe à l’heure qu’il est, dans les parchemins de la conférence de Londres ; elle est écrite, mais c’est à nous qu’il appartient de la faire rentrer dans l’ordre des faits.
Vous concevez que, si les affaires commerciales n’étaient pas dans les attributions du ministère des affaires étrangères, ce nouveau département ne serait plus qu’une sinécure sans aucune importance politique. Le nouveau ministre aurait pour unique mission d’expédier des lettres de créances officielles et de cérémonie, de recevoir des lettres de faire part, annonçant, soit un mariage, qui réjouit les cours étrangères, soit un décès qui les attriste. Mais il y aurait deux ministres : l’un effectif, qui serait l’honorable M. de Theux, et l’autre in partibus qui serait le ministre futur. Les affaires extérieures, c’est-à-dire les affaires commerciales et politiques resteraient sous la direction de M. le ministre de l'ntérieur. Or, je demanderai franchement à M. le ministre de l'ntérieur : Son intention est-elle de prendre sur lui cette double responsabilité de notre organisation intérieure, et de la création à l’extérieur de nos alliances commerciales et politiques ? Je lui demanderai si la capacité d’un seul homme (quel qu’il puisse être) peut embrasser tant de choses si importantes et si diverses sans mal les étreindre.
La séparation des deux portefeuilles ne me paraîtra donc efficace et réelle que lorsqu’on y adjoindra la division du commerce et de l’industrie actuellement dans les attributions du ministre de l’intérieur. J’ai la confiance que telle est l’intention du gouvernement ; car d’après ce que M. le ministre de l'ntérieur a dit tout à l’heure, il ne désire rien tant que de voir augmenter les attributions du nouveau ministre des affaires étrangères, parce que alors il aura plus de liberté et moins de responsabilité. Je me réjouis de ce que le désir et l’intention de M. le ministre sont d’accord avec mes propres idées et avec ce que je regarde comme l’intérêt du pays. Mais comment se fait-il qu’ayant cette intention, le ministère nous ait présenté le budget avant de s’être complété ? Les tentatives pour trouver un nouveau ministre des affaires étrangères, pour trouver un homme dont les opinions et le système fussent en harmonie avec les opinions et le système des ministres actuels auraient-elles échoué ?
Je crois que, dans ce cas, il serait convenable que le ministère en informât du moins les chambres, parce que nous devons en conclure qu’on ne pourra trouver un nouveau ministre des affaires étrangères sans subir un remaniement de cabinet plus ou moins général. Dans la perspective de ce remaniement, les chambres se trouvent dans une singulière position. Le vote des budgets est un vote de confiance presque personnelle dans les ministres. Or, dans l’éventualité probable ou prochaine d’un remaniement, comment voulez-vous que la chambre, en conscience, émette un pareil vote ? Nous devrions voter les budgets sans savoir quel ministère sera chargé de leur exécution.
Si la difficulté de se compléter n’existe pas pour le ministère, je conçois encore moins que la nomination d’un ministre des affaires étrangères n’ait pas été faite avant l’ouverture de la session. Le ministère a-t-il voulu sonder les chambres, écouter d’où vient le vent ? Je ne le pense pas. Je ne veux pas faire au gouvernement l’injure de le croire assez faible pour mendier une approbation équivoque et indirecte, pour demander une direction qu’il devrait lui-même imprimer. Dans la position neuve et difficile où nous sommes, de l’irrésolution, une volonté faible nous perdraient.
Je ne veux pas juger le ministère et la confiance qu’il doit nous inspirer, avant qu’il soit émané de lui des actes importants et significatifs, sur lesquels cette confiance puisse s’appuyer. Six mois se sont écoulés depuis notre séparation ; pendant ce temps, la crise financière ne s’est pas éteinte ; la plupart de nos grandes industries sont en souffrance, elles ont appelé l’attention du gouvernement sur leur situation et sur celle des classes ouvrières qu’elles alimentent. Le gouvernement a-t-il des idées arrêtées sur le remède à apporter à ce mal ? A-t-il l’intention de proposer aux chambres sur ces matières des mesures qu’on ne peut retarder sans danger ?
La Hollande qui craint tant notre concurrence, comme intermédiaire entre l’Océan et l’Allemagne, nous a devancés. Elle a négocié et obtenu un traité, d’un côté avec l’union douanière, d’un autre côté avec l’Allemagne, et elle a commencé des négociations pour avoir un traité avec la France.
(Erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) Je ne partage pas entièrement l’opinion exprimée par M. de Foere sur la question du transit. Sans doute le transit ne doit pas primer les autres intérêts industriels, il doit leur être assujetti, mais il a une grande importante commerciale et politique. Cet honorable membre a reproché au gouvernement de tout subordonner au système de transit. Je lui ferai le reproche contraire, celui de ne pas s’occuper assez du transit, dans ce sens que l’importance, l’idée politique et commerciale du chemin de fer a été d’établir une grande voie de transit, de lier l’Escaut au Rhin. Il me paraît (j’aime à croire que je me trompe) que c’est précisément ce but politique et commercial qui a été oublié. Je vois bien des raccordements du chemin de fer, dans l’intérêt de telle ou telle localité ; mais si on avait eu en vue avant tout cette pensée politique qui a présidé à l’établissement du chemin de fer, je crois que notre chemin de fer aurait maintenant atteint l’Allemagne et relierait l’Escaut au Rhin. Ce but est infiniment plus important que celui de remplir le vœu de telle ou telle localité qui demande des chemins de raccordement.
Eh bien, je demanderai au ministère s’il n’a rien à nous apprendre sur les négociations, entamées à Berlin, à Munich, à Francfort, s’il ne peut nous apprendre que des négociations soient commencées avec la Hollande que des modifications qu’il a sans doute tachées d’obtenir de la France seront apportées dans le traité de commerce et de navigation qui nous a été présenté.
Je comprends que le gouvernement, dans ses réponses, ne puisse user de ce franc-parler que nous pouvons mettre dans nos interpellations. Mais ce que nous sommes en droit d’attendre de lui, ce sont les idées sur lesquelles il est fixé jusqu’à présent, en un mot, c’est un véritable programme.
Or, personne ne pourrait nous dire, jusqu’à présent, le premier article de ce programme.
Veuillez remarquer, messieurs, que depuis la fin de la session dernière, trois ministres ont abandonné le cabinet ; deux ministres nouveaux y sont entrés ; reste à nommer le ministre qui doit exercer le plus d’influence sur les délibérations de la haute administration. C’est donc d’un renouvellement de moitié qu’il s’agit. Dans ces circonstances il nous est impossible de juger de la politique du cabinet par ses actes passés, car nous pouvons présumer que des modifications ont été introduites dans la pensée politique du ministère ; et les explications données à cet égard par un ministre ne m’ont pas satisfait.
L’honorable ministre des finances a été le plus souvent en opposition de système sur les questions de douane et sur les questions industrielles avec le ministre de l’intérieur, appuyé sur le directeur du commerce, notre honorable collègue M. Smits ; il serait important de connaître quelle transaction est intervenue entre eux. L’entrée de M. Desmaisières dans le cabinet a dû modifier la pensée commerciale qui avait prévalu jusqu’alors. Comme c’est principalement de questions de douane, d’industrie, de traités de navigation et de commerce que le gouvernement et les chambres devront s’occuper dan cette session nous avons besoin de renseignements. Si nous voulons consolider notre nationalité, il faut la rendre forte et prospère : il faut donc que nous sachions quelle pensée domine dans le gouvernement. Si le ministère n’avait aucun programme et se laissait aller aux circonstances, comment les chambres pourraient-elles s’orienter, elles qui manquent des moyens à la disposition de l’administration ? Or, je dois le confesser, c’est le manque de système dans le cabinet qui me donne des craintes, et pour lequel je voudrais avoir des apaisements. La Belgique doit avoir sa politique commerciale comme la Hollande, l’Angleterre et la France.
Si l’honorable M. Desmaisières a fait admettre ses opinions, nous aurons des lois sur l’industrie cotonnière, sur l’industrie linière, et sur d’autres encore, lesquelles favoriseront le travail national par des protections douanières plus marquées que les anciennes. On ne tardera pas, non plus, à nous proposer des droits différentiels que réclame la navigation du pays. (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) Si, au contraire, le ministère demeure dans son ancienne voie, nous flotterons entre des principes opposés, entre la loi du transit, et celle sur le bétail ; entre les décisions libérales prises, il y a quelques années, à l’égard de l’industrie cotonnière, et les lois restrictives sur les céréales et sur les toiles. Le ministère nous déclarera qu’il n’a pas abandonné le système de 1822 crée pour Rotterdam et les colonies hollandaises. Il donnera satisfaction aux partisans d’une marine nationale, en proposant des lois sur les primes pour construction de navires et pour encourager la pêche de la baleine ; mais pour donner une compensation aux doctrines contraires, il s’opposera à l’introduction, dans notre législation douanière, des droits différentiels, seule base d’un système sérieux de navigation. et il offrira aux partisans des doctrines contraires les droits différentiels qui doivent servir de base à tout système de navigation nationale. Le ministre de l’intérieur a dit, dans son explication, que la pensée politique du cabinet était fixée dans les lois votées par les chambres ; ainsi cette pensée est insaisissable, parce que les ministres comme les chambres ont flotté d’un principe à l’autre (faut-il conserver cette phrase : « changement imposé par l’erratum : 3e colonne paragraphe 6 de la sixième à la quinzième ligne).
Si le gouvernement a choisi, comme il le doit, une ligne de conduite sur un terrain ferme, son devoir et son intérêt sont de parler clairement pour faire cesser les doutes que son indécision a fait naître. S’il gardait le silence, on pourrait craindre que les opinions opposées qui le divisent n’amenassent aucun résultat, parce qu’en se neutralisant elles forceraient les ministres à ne rien oser, à ne rien faire d’important, de peur de provoquer des dissentiments parmi eux, qui conduiraient la dissolution du cabinet. (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) Ce serait le reproche le plus grave que les ministres pussent jamais mériter ; car, dans la position actuelle de la Belgique, des fautes seraient moins préjudiciables que l’indécision, que l’inaction.
Le ministère pourra répondre qu’il lui est difficile de formuler un programme avant la nomination d’un nouveau ministre des affaires étrangères. Si cette réponse est juste, et je la crois telle, elle nous prouve combien il est urgent que le ministère se complète ; combien il est difficile de voter des budgets sans connaître à quelles mains l’exécution en sera confiée. Je désire, messieurs, dans l’intérêt du pouvoir et du pays, que ce remaniement ministériel fasse sans tarder.
Je désire qu’il se fasse par l’adjonction d’une haute capacité, d’un homme de vieille expérience, qui vienne fortifier le gouvernement. Je désire aussi que ce remaniement ait lieu de manière à procurer au ministère une couleur, une considération qui donne, autant que possible, satisfaction à ce que l’on est convenu d’appeler les partis. (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) Nous devons chercher, par nos efforts continus, à effacer, ou du moins, à affaiblir les partis. Par eux nous aurons des chambres divisées en croyants et en non croyants, usant, comme les Grecs du bas empire, leur activité en stériles discussions, et oubliant que, pendant ce temps, le pays souffre, l’industrie nous demande des lois et des débouchés, et les classes ouvrières du travail, que la vie nationale s’éteint, que tout se perd. Si nous voulons un gouvernement habile et fort, il faut vouloir aussi une chambre unie. Ce ne sont pas des coalitions que nous devons former, mais de l’union que nous devons avoir. Les coalitions sont excellentes pour détruire, et mauvaises pour réorganiser ; or, c’est d’organisation que nous avons besoin. L’union a fondé notre nationalité, en 1830, c’est elle qui doit la consolider aujourd’hui.
En me résumant, j’espère que le ministère comprendra la nécessité de s’expliquer plus qu’il ne l’a fait, d’abord, sur la séparation des ministères de l’intérieur et des affaires étrangères (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) et sur l’adjonction de la division du commerce à ce dernier département ; ensuite sur les relations commerciales et les principes qui doivent diriger le ministère dans le système commercial et dans le système politique pendant cette session.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – En prenant la parole après l’honorable représentant que la chambre vient d’entendre, mon intention n’est pas de le suivre dans les différentes interpellations qu’il a adressées au ministère : le caractère de son discours est trop spécial pour qu’il puisse me convenir d’y répondre. Cela ne m’empêchera pas cependant, quant aux questions peu générales, de les rencontrer. Ayant l’occasion de vous parler je ne veux pas le faire sans m’expliquer sur-le-champ relativement à des expressions dont s’est servi hier un membre de la chambre (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :), représentants de Tournay.
L’honorable ministre des affaires étrangères les a qualifiées d’antiparlementaires ; quoi qu’elles aient été parfaitement caractérisées de cette manière, je crois qu’on aurait pu les qualifier encore de contraire aux convenances sociales. Si je fais cette observation, c’est sans motifs personnels ; j’ai la plus profonde indifférence pour de semblables expressions ; mais je crois qu’il faut les éviter car elles donnent de nous une opinion peu avantageuses et au pays et au-dehors.
Je ne répondrai pas plus au discours de l’honorable député de Thielt qu’au discours de M. Dechamps, sans cependant que j’ai le moins du monde l’intention de décliner, avec la chambre plus qu’avec le ministère, ma part de responsabilité dans les actes du gouvernement qui ont été l’objet des critiques. Je fais cette observation, parce qu’à l’occasion d’un discours du même membre, étant seul au banc des ministres, j’ai fait remarquer que, roulant sur des matières de commerce et d’industrie, ce discours ne semblait pas aller à mon adresse. La remarque n’était relative qu’à l’à-propos du discours, et non à la manière dont les questions y étaient traitées ; et je renouvelle aujourd’hui cette remarque, parce qu’il paraît que la chambre ne l’a pas généralement comprise.
Il n’en est pas du discours de M. de Brouckere comme des autres ; cet honorable membre a passé des revues de personnes, des revues de diverses spécialités, et sur lesquelles il y a certainement pour moi matière à réponse.
Je ne reviendrai pas sur l’erreur que l’honorable membre a commise en ce qui concerne la date demon entrée au ministère ; ce fait a déjà été rectifié par M. le ministre des affaires étrangères, et il ne me reste rien de particulier dire sur ce sujet.
L’honorable membre a surtout fait au gouvernement le reproche de n’avoir aucune pensée commune. Je cherche quels sont les faits par lesquels il aurait étayé ce reproche, et je ne puis le trouver, mais je pense que, sans se donner beaucoup de peine, on trouverait, au contraire, certain nombre de faits très importants sur lesquels la pensée commune du gouvernement est facile à saisir ; sur les affaires du commerce et de l’industrie, par exemple, cette pensée commune s’est souvent fait remarquer. Il est un autre objet sur lequel la pensée commune du gouvernement n’a jamais pu être douteuse, c’est l’ordre de la sécurité intérieure, c’est le développement progressif de toutes les parties du bien-être social en proportion des moyens que la législature accorde.
On a reproché à l’administration de n’avoir pas de programme, de ne pas formuler des programmes. Je vous avoue, messieurs, que je n’admets point cette absence de programme comme un tort ; je pense que les programmes sont souvent un germe de discorde, qu’ils sont quelquefois un germe d’impossibilité d’administration pour le gouvernement. Ce sont, à la vérité, des talismans très commodes pour toutes les ambitions, à quelque degré de développement qu’elles soient arrivées ; car, en tenant toujours l’existence du gouvernement en suspens, ils tiennent toujours la porte ouverte à tous pour y entrer. Quant à moi, je déclare que quand je suis entré au ministère, n’ayant point d’antécédent politique, étant connu seulement comme homme privé, comme homme spécial, je n’ai point fait de programme général ; mais je n’ai subi non plus aucune espèce de condition. J’ai fait mon programme particulier, et ce programme était celui d’employer tous mes efforts pour que l’armée du pays, dont la direction m’était confiée, fut autant que possible propre à remplir sa destination, pour qu’elle fût disciplinée et instruite, pour qu’elle eût surtout ces deux qualités : car brave, l’armée l’était ; le courage est un don de la nature, c’est presque un instinct de l’humanité, et les Belges ont fait preuve, dans les armées de tous les pays, que cette qualité leur était largement répartie ; mais la discipline et l’instruction sont les fruits de l’organisation de l’administration et de l’action du chef. Voilà, à mon avis, quel doit être le véritable programme d’un ministre de la guerre. J’ai manifesté encore l’intention bien formelle de soigner sous tous les rapports le bien-être matériel du soldat, de le mettre autant que possible en harmonie avec l’état général du pays. Voilà, je le répète, tout ce qui, selon moi, doit entrer dans le programme d’un ministre de la guerre.
Dans tout cela, il n’y a, je l’avoue, rien qui touche le moins du monde à ce que appelle « les opinions qui divisent le pays » ; mais, je le répète encore, j’ai cru que ce n’était point là une considération dont il fallait se préoccuper au moment où j’ai pris le portefeuille de la guerre. Tel, messieurs, était mon programme et tel il sera, tout limité et étroit qu’on puisse le trouver, tant que je me trouverai au ministère de la guerre. Le système des programmes, si on voulait le prendre sérieusement, n’existe pour ainsi dire nulle part, ce n’est en vérité qu’un système de mots, ce n’est pas un système de choses ; dans un programme on ne fait jamais que développer des principes généraux, et là il y a rarement dissentiment d’opinions ; le dissentiment d’opinions ne commence que lorsqu’il s’agit de l’application.
L’honorable orateur ne s’est pas borné à faire ainsi un reproche général du manque de programme, de manque d’unité de vues, de manque de pensées communes, il a cité quelques faits, et entre autres celui de la déconsidération des fonctions publiques ; il a prétendu que cette déconsidération qu’il dit exister, avait sa source dans la spécialité, si je puis m’exprimer ainsi, de la subordination des fonctionnaires publics. Je vous avoue, messieurs, que je trouve cette idée bien nouvelle et en vérité bien étonnante, surtout de la part d’un homme judicieux et déjà depuis longtemps habitué aux affaires. Ainsi donc il faudrait, en quelque sorte, qu’il n’y eût plus de fonctionnaires de l’ordre administratif, de l’ordre judiciaire, je dirai presque de fonctionnaires militaires, tout le monde serait exclusivement fonctionnaire du gouvernement, et, avant d’obéir à son chef direct, chacun irait prendre le mot d’ordre du chef des autres administrations ! Ce serait là un véritable état d’anarchie, ce serait la mort de toute subordination, de tout ordre, et par conséquent une cause de déconsidération, car je ne conçois pas de considération sans ordre, sans dignité dans la conduite.
Sans doute ce système devrait aussi s’appliquer à l’armée dont l’honorable préopinant se préoccupe beaucoup depuis quelque temps ; mais alors je vous avoue, messieurs, que le budget de la guerre, qu’on trouve énorme, pourrait être réduit considérablement ; car alors il n’y aurait plus d’armée, et il serait par conséquent tout à fait superflu d’avoir le moindre budget de la guerre. Pour avoir une armée, il faut qu’elle soit bonne, il faut que le budget de la guerre nous fournisse les moyens de la rendre telle.
Messieurs, ce système des programmes, je dois encore y revenir, est un système que je trouve fâcheux, que je trouve destructif de tout ce qui est véritablement propre à hâter la marche des améliorations réelles dans un pays ; mais je trouve surtout étrange qu’on soutienne ce système quand on professe en même temps l’opinion qu’il existe dans le pays des opinions contradictoires, des opinions presque incompatibles. Je pense que l’honorable orateur comprendra que, dans les circonstances actuelles, je dois adopter une restriction à cette épithète, je pense que, dans de semblables circonstances ce système est complètement destructif de tout ordre. En effet, s’il existe deux opinions qui soient incompatibles, qui soient condamnées à une lutte permanente, et, s’il y avait une seul de ces deux opinions au pouvoir, il est certain que le pouvoir serait dans un état d’hostilité continuelle avec l’autre opinion, qui serait restée en dehors du gouvernement, mais qui se trouverait dans le public, dans la presse, dans les chambres. Dès lors il est évident que toutes les forces du pouvoir serait absorbées dans ce combat, qui serait un combat à outrance, puisque, je le répète, les deux opinions sont représentées comme complètement contradictoires. Je pense que si un tel état de choses existait (et il existe dans l’opinion de l’honorable membre qui a prêché le système des programmes), je pense qu’alors précisément les crises ministérielles deviendraient incessantes, et qu’il n’y aurait absolument pas de marche possible pour le gouvernement, j’entends de marche utile pour le pays, car certainement du mouvement il y en aurait, mais ce mouvement serait celui des « tread mill » dans lesquels on fait marcher des hommes ou celui d’une roue de locomotive qui tourne folle sur une surface trop lisse pour offrir une résistance suffisante.
L’honorable orateur a prétendu que de cette absence de système et de programme, il résultait pour le gouvernement une absence de dignité, une absence d’indépendance vis-à-vis des gouvernements étrangers.
Je pense, messieurs, que le système de vues communes, de pensées communes qui a été tant préconisé, serait moins favorable à la véritable dignité du gouvernement, puisque le gouvernement appartenant à un seul parti (si, comme on le prétend, ces partis existent), à une seule opinion, il serait plus ou moins dominé par cette opinion, tandis que si les opinions différentes sont également représentées au pouvoir, alors toutes sont certaines de rencontrer le respect et les garanties qui leur sont dues, et le gouvernement, de son côté, est sûr d’avoir une indépendance plus grande à l’égard des unes et des autres ; de là certainement plus de dignité dans la marche.
Le reproche de manque de dignité a surtout porté sur la présentation de la loi pour la conservation au service, pendant un temps illimité, d’un certain nombre d’officiers étrangers, qui s’y trouvaient encore au moment de la conclusion de la paix, et qui avaient été admis pour la durée de la guerre. Il s’agissait donc, messieurs, d’officiers qui depuis 8 ans servaient dans les rangs de l’armée belge, qui y avaient toujours servi avec distinction, à l’égard desquels les témoignages les plus honorables étaient unanimement rendus, il s’agissait de savoir si, au moment où la paix se faisait, on dirait sur-le-champ à ces messieurs : « Nous n’avons plus besoin de vous, retournez dans votre pays. » On a dit que le parti contraire, que le gouvernement a pris et dont je me suis rendu l’organe, on a dit que ce parti n’avait été adopté qu’en faveur de l’étranger.
Moi, messieurs, je dis que, si la loi a été proposée, c’était pour préserver le pays du reproche d’être égoïste, du reproche d’ingratitude, pour préserver l’armée surtout du reproche de manquer des sentiments de fraternité d’armes qui distinguent les véritables militaires et qui font que l’on partage avec son compagnon d’armes la mauvaise fortune comme la bonne ; qui font que l’on s’aperçoit longtemps du vide que le départ d’un ami, d’un compagnon de service a laissé à côté de soi.
D’ailleurs, messieurs, vous devez vous rappeler qu’il y avait des étrangers de plusieurs nations, et pas en nombre trop disproportionné avec le chiffre total de ceux auxquels la loi devait être appliquée. Et, en vérité, je ne comprends pas quel sentiment de dépendance on aurait pu attribuer au gouvernement à l’égard d’un très grand nombre de ces mêmes officiers. Mais, si aucun sentiment de dignité n’a été blessé par la présentation de cette loi, j’avoue que je ne suis pas entièrement persuadé qu’il en soit de même, quant à tous les motifs de rejet. J’ai entendu avancer, comme motif de rejet, une rumeur de l’opinion publique contre la conservation d’officiers étrangers au service de la Belgique au moment de la paix.
Messieurs, j’ajoute que je ne comprends pas qu’il y ait dignité à céder ainsi à une rumeur. Quand on regarde une chose comme bonne, comme juste, comme digne en elle-même, on doit, me paraît-il, savoir la soutenir en dépit des rumeurs. Et, quant à cette opinion que je professe ici, je suis heureux de me rappeler que, dans d’autres circonstances, l’honorable orateur auquel je réponds a applaudi à ce qu’une telle ligne de conduite, le courage de braver des rumeurs, a été suivi avec constance. D’ailleurs, il faut savoir apprécier ces rumeurs. De qui viennent presque toujours les plaintes ? Je ne crains pas de le dire, des moins dignes. Certes, le système préconisé d’avoir des fonctionnaires non spéciaux en quelque sorte, mais seulement des fonctionnaires du gouvernement serait très propre à développer cette habitude de plaintes qui vont s’adresser en dehors des chefs et des administrations, et constituer ces rumeurs auxquelles on peut quelquefois céder.
Quoi qu’il en soit, je pense que la loi contre laquelle on s’est élevé, était conforme à des principes véritablement dignes, délicats ; conforme surtout à ceux qui distinguent les armées qui se piquent de posséder à un plus haut degré le véritable sentiment d’honneur national.
Je laisserai de côté quelques erreurs où, suivant moi, l’honorable orateur est tombé, quant à notre situation financière et aux détails dans lesquels il est entré sur l’une des dettes du pays. Je pense que les réponses ne manqueront pas à ses observations.
Je viens à la comparaison qu’il a faite du budget de la guerre de 1840 avec celui de l’ancien gouvernement pour 1830. Je ne m’arrêterai pas à l’examen de tous les détails qui pourront trouver leur place dans la discussion même du budget de la guerre.
D’après le chiffre qu’on a cité et que j’appellerai en quelque sorte patent, le budget de 1830 était de 38,500,000 francs : il s’appliquerait, en effet, à une population d’environ 6 millions.
Certes, s’il fallait rester dans les termes de comparaison, en présence de ce budget, celui de 32,700,000 francs que je me suis trouvé dans la nécessité de demander, paraîtrait, en effet, énorme ; mais l’identité ou la parité de situation entre les deux royaumes autrefois réunis, n’est pas telle qu’on puisse faire ici tout simplement une comparaison de chiffres.
La Hollande a réellement moins besoin de forces militaires que la Belgique. D’ailleurs, quand la Hollande a fait son budget de 1830, elle était, ainsi que presque toute l’Europe, dans une sécurité profonde, dans l’idée que la paix générale serait de longtemps maintenue, qu’il n’y avait aucun danger de la voir troubler.
Mais supposons ce budget normal, supposons qu’il fût véritablement exact, et qu’il ne dût être envisagé que dans ses rapports avec la population même des pays. Alors, messieurs, puisque la population de la Belgique formait à peu près les deux tiers de la population générale du royaume, les deux tiers du budget auraient donc dû être affectés à la Belgique, et dès lors vous voyez que vous arrivez à un budget de plus de 25 millions. De plus, il y a maintenant une frontière nouvelle d’une immense étendue, puisqu’elle va de Nieuport à Maestricht ; cette frontière doit certainement apporter un changement quelconque à notre état défensif, à notre état militaire. Si, outre son contour, la Hollande avait encore à défendre un diamètre qui la traverserait dans sa plus grande surface, elle aurait besoin d’une force militaire plus grande que celle qui lui est nécessaire dans sa situation actuelle.
D’ailleurs, messieurs, il y a encore une autre considération qui doit vous frapper ; c’est qu’une armée ne se dédouble pas purement et simplement. Dans un tel état de choses, il faut lui reconstituer une tête ; et tout le monde ne comprend pas l’importance d’une tête, mais tout le monde sait que cette tête coûte ordinairement fort cher.
Enfin, je crois devoir rappeler aussi que le budget décennal patent ne donnait pas la connaissance exacte de toutes les ressources, de toutes les allocations qui étaient faites pour un service public quelconque ; et, en présence de toutes ces considérations, il me semble que la conséquence à tirer de la comparaison faite par l’honorable orateur n’est pas telle qu’il a voulu la présenter. Du reste, messieurs, il me semble qu’une comparaison plus naturelle à faire par l’honorable orateur eût été celle du budget même de 1840, car ce budget doit être davantage dans le même esprit, destiné aux mêmes objets que celui de 1840 de la Belgique.
Eh bien, le budget du ministère de la guerre hollandais pour 1840 est de 30 millions ; et certes il y a assez de circonstances particulières à la Belgique pour faire comprendre que son budget peut être plus élevé que le budget hollandais. Si je voulais suivre les termes de comparaison de l’honorable orateur, et prendre celui des populations, en supposant qu’il n’y aurait rien d’aussi simple qu’un partage d’un budget de la guerre entre deux pays qui se scindent, je demanderais quel serait le budget auquel il serait raisonnable d’arriver pour notre pays, qui a une population de près de 4 millions d’habitants, lorsque le royaume des Pays-Bas, ayant une population d’à peine 2 millions, absorbe un budget de 30 millions.
J’avais quelques observations à ajouter relativement à la remarque qui a été faite par l’honorable orateur, qu’il n’y avait pas de chapitre de dépenses imprévues au budget du royaume des Pays-Bas ; je pense qu’une réponse à cette observation critique a déjà été faite par M. le ministre des affaires étrangères, à propos des fonds secrets. On sait fort bien que le budget était composé de chapitres extrêmement vastes, qui offraient des facilités pour des transferts à des objets non prévus, que les budgets tous spéciaux de la Belgique ne présentent en aucune façon.
M. Dumortier (pour un fait personnel) – Messieurs, je ne reconnais pas au gouvernement le droit de qualifier les opinions que les députés énoncent dans cette enceinte. C’est nous qui devons examiner vos actes, MM. les ministres., c’est nous qui devons les apprécier, et nous ne sommes en aucune manière responsables devant vous de nos opinions ni de nos paroles.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je n’ai pas parlé de vos opinions.
M. Dumortier – Vous dites que vous vous inquiétez peu de mes opinions en tant qu’elles se rapportent à vous ; quant à moi, je vous rends bien la pareille. Vous qualifiez mes expressions d’antiparlementaires ; il vous sied bien de parler de convenances parlementaires, vous qui poussez le mépris de toutes les convenances jusqu’à ne pas faire présenter un discours du trône, afin d’éviter que, par les débats d’une adresse, il ne s’élève des critiques contre votre conduite ministérielle ; vous qui, dans cette circonstance, avez manqué à tous les égards envers la législature, qui avez manqué à tous les précédents du gouvernement constitutionnel. Il vous sied bien de parler d’opinions, de convenances parlementaires, vous qui venez avouer ici que vous n’avez aucun programme qui vous dirige, vous qui avez récemment, deux jours avant l’ouverture de la session, proclamé la concession scandaleuse d’un canal antinational, et cela exclusivement dans le but d’enlever à la législature l’examen du traité inconstitutionnel que vous avez fait. Il vous sied bien de parler de convenances parlementaires, vous qui venez ici supposer un rapport fait à la chambre, alors que ce rapport n’avait pas été fait, alors qu’aujourd’hui même vous êtes forcé de déposer ce rapport sur le bureau, et d’avouer par cela même qu’une première fois vous nous aviez trompés. La conduite du gouvernement, en cette circonstance, est des plus répréhensibles, et certes si j’avais trouvé une expression plus énergique pour flétrir une pareille conduite, je n’aurais pas hésité à la prononcer.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Et j’espère qu’alors la chambre toute entière se serait levée, pour rappeler l’orateur à l’ordre.
Du reste, si hier M. Dumortier n’avait pas fait autre chose qu’énoncer des opinions, je ne me serais pas levé pour lui répondre. Je dois vous dire que, dans sa réplique, il a mis une inexactitude complète, lorsqu’il a parlé continuellement d’opinions, tandis que moi je n’ai fait allusion qu’à des expressions. Ces expressions, je le répète, sont contraires à tous (erratum Moniteur du 7 décembre 1839 :) les convenances imaginables.
M. Dumortier – Et moi, je regarde la conduite du ministère comme contraire à toutes les convenances imaginables.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) dépose un projet de loi, tendant à proroger d’une année la loi sur les péages.
Ce projet sera imprimé et distribué. La chambre en propose le renvoi à la section centrale du budget des travaux publics, qui sera chargé de l’examiner comme commission spéciale.
- La séance est levée à 4 heures.