(Moniteur belge n°319 du 15 novembre 1839)
(Présidence de M. Vanderbelen, doyen d’âge)
M. de Villegas procède à l’appel nominal à deux heures.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
- MM. Raikem et de Sécus, qui n’étaient pas présents à la séance d’hier, lorsque leur admission a été prononcée, prêtent le serment prescrit par la constitution.
M. Morel-Danheel, rapporteur au nom de la troisième commission de vérification des pouvoirs, chargée d’examiner les élections du district de Termonde – Messieurs, le collègue électoral du district de Termonde, a été convoqué pour le 11 juin dernier à l’effet de procéder à l’élection de deux membres de la chambre. Il était divisé en trois bureaux.
En résumé, le premier scrutin a donné le résultat suivant :
Nombre de votants : 828
Majorité absolue : 414.
M. le baron Vandenbroeck de Terbecq a obtenu 777 suffrages, et a été proclamé membre de la chambre.
M. P. de Decker, avocat à Gand, 330.
M. le vicomte Vilain XIIII (Hippolyte), 259
M. Charles Desmet, président du tribunal de Termonde, 259.
Bulletins nuls, 31.
M. le baron de Terbecq ayant seul obtenu la majorité absolue, il fallait procéder à un scrutin de ballottage entre MM. Pierre de Decker et Vilain XIIII, lequel devait être préféré à son concurrent, M. Desmet, comme étant le plus âgé, d’après la liste affichée dans la salle.
Néanmoins, le bureau principal a décidé qu’un ballottage intermédiaire devait préalablement avoir lieu entre MM. Vilain XIIII et Desmet, pour savoir lequel devrait être ensuite ballotté définitivement avec M. de Decker. Par suite de cette décision, le président a annoncé à l’assemblée qu’il serait procédé à un ballottage intermédiaire entre MM. Vilain XIIII et Desmet.
Un grand nombre d’électeurs ont protesté contre cette décision.
Une protestation rédigée dans ce sens et souscrite par des électeurs a été remise au bureau principal.
Néanmoins, l’on a procédé au scrutin de ballottage entre MM. Vilain XIIII et Desmet, dans lequel ce dernier a obtenu 209 voix, et son concurrent 189.
Votre commission a pensé, par six voix contre une, que ce ballottage intermédiaire a eu lieu contrairement au texte et au sens de l’article 36 de la loi électorale, qui porte : « Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix.
« La liste doit contenir deux fois autant de nombre qu’il y a encore de députés à élire. »
Ce nombre est évidemment limitatif, d’après l’intention du législateur, qui a voulu qu’on arrivât à un résultat décisif dès le deuxième scrutin.
Le paragraphe IV de l’article 36 de la loi électorale ajoute que, s’il y a parité de votes, le plus âgé sera préféré.
Cette disposition est conçue en termes généraux et n’établit aucune exception ni distinction ; elle doit dont être appliquée à tous les cas, puisqu’il n’est pas permis de distinguer là où la loi ne distingue pas.
En conséquence, votre commission à l’honneur de vous proposer : 1° l’admission de M. le baron Vandenbroeck de Terbecq, comme membre de la chambre des représentants ; et 2° d’annuler l’élection de M. Charles Desmet.
M. de Brouckere – Je ne crois pas qu’il s’élève de discussion sur la validité de l’élection de M. Vandenbroeck de Terbecq. Je ne m’oppose en aucune manière à ce qu’il soit immédiatement admis à prêter serment. Quant à l’autre partie du rapport, celle qui regarde l’élection de M. Desmet, nous devons en ordonner l’impression et renvoyer la discussion à demain. Cette partie du rapport que vous venez d’entendre soulève des questions de la plus haute importance dont la solution aurait non seulement pour résultat de valider ou d’annuler une élection, mais de poser des principes qui seraient considérés comme faisant partie de la loi. Nous ne devons nous prononcer sur de semblables questions qu’en pleine connaissance de cause, après les avoir examinées avec maturité. Bien que nous ayons pu apprécier les difficultés que soulève l’élection dont il s’agit, on conçoit qu’avant le rapport qui vient de nous être fait, personne n’a pu les examiner avec maturité. Je demande donc qu’on admette M. de Terbecq et qu’on ordonne l’impression du rapport en ce qui concerne M. C. Desmet et le renvoi de la discussion à demain.
- L’admission de M. de Terbecq est prononcée.
M. de Terbecq prête serment.
La chambre ordonne l’impression de la seconde partie du rapport et en renvoie la discussion à demain.
M. Liedts – Messieurs, la première commission qui m’a chargé de vous présenter ce rapport, s’est occupée du district de Bastogne. Cette commission n’ayant pu terminer son examen qu’à l’ouverture de la séance, je vous prie de m’excuser si, en vous exposant de vive voix le résultat de ses délibérations, le rapport est moins complet qu’on ne pourrait le désirer.
Le 29 juillet dernier, les électeurs du district de Bastogne se sont réunis au chef-lieu pour procéder à l’élection d’un membre de la chambre des représentants, en remplacement de M. d’Hoffschmidt, démissionnaire. Le collège était divisé en deux sections. 416 électeurs ont répondu à l’appel nominal. Mais, au dépouillement de l’urne de la deuxième section, il s’est trouvé un bulletin blanc.
Comme, d’après les précédents de la chambre, un bulletin blanc ne peut pas être compté, il en résulte que le nombre de votants s’est trouvé réduit à 445. La majorité absolue était ainsi de 223. Les suffrages se sont répartis entre deux candidats seulement. M. Constant d’Hoffschmidt a obtenu dans la première section 152 suffrages, et dans la seconde : 76 ensemble 228.
M. Ch. Metz a obtenu dans la première section 115 suffrages, et dans la seconde 102 : ensemble 217.
M. C. d’Hoffschmidt, ayant réuni cinq voix de plus que la majorité absolue, a été proclamé l’élu du district de Bastogne.
Ces opérations ont été faites sans réclamation, du moins le procès-verbal n’en mentionne aucune. Cependant les bourgmestres de Bastogne, par pétition sans date, mais que nous avons lieu de croire très récente, ainsi que 75 électeurs, demandent l’annulation de cette élection.
Parmi les motifs allégués, il en est qui méritent toute votre attention. Ils sont au nombre de cinq.
Le premier motif est que, d’après les listes des votants tenues en double dans les bureaux, quatre personnes mortes depuis plusieurs années ont cependant pris par au vote. Ce sont : Nicolas Burnat, mort en 1819 ; J.-B. Kenler, mort en 1830 ; J.-P. Schellen, mort en 1835, et F. François, mort en 1836.
La conséquence rigoureuse de ces faits est que quatre intrus ont usurpé la place de quatre électeurs décédés ; à moins toutefois, ce qui nécessiterait des informations ultérieures, à moins que dans la commune il ne se trouve des parents ou des étrangers portant les mêmes noms et prénoms que les individus décédés. Mais, en supposant constant le décès de ces électeurs, et si ce nombre eût suffi pour déplacer la majorité, la commission n’eût pas hésité à vous propose l’annulation de l’élection, parce que tout moyen frauduleux mis en œuvre pour arriver à une élection doit, alors même que l’élu, n’en a pas eu connaissance, emporter l’annulation.
Il faut que l’élection soit le résultat vrai et sincère de la volonté des électeurs, et non le produit de l’intrigue et de la fraude. Y a-t-il rien de plus déloyal, de plus frauduleux que de venir usurper dans une élection la place de personnes décédées ? La loi n’a pas prévu ce cas ; et elle ne pouvait pas le prévoir. L’article 12 ordonne de réclamer contre les inscriptions indues, contre les individus inscrits sur la liste des électeurs, sans avoir le droit de voter. Il est évident que cet article ne s’applique qu’aux personnes vivantes. La preuve en est que, d’après le deuxième paragraphe de cet article, notification de la réclamation doit être faite à la personne contre l’inscription de laquelle on réclame. Cette formalité ne peut pas être remplie à l’égard d’une personne décédée.
D’autre part, lorsque la personne que l’on prétend indûment inscrite sur la liste est vivante, on conçoit que l’on ait intérêt à protester contre son inscription. Mais il serait au moins bizarre de voir protester contre l’inscription d’une personne décédée, et faire des démarches pour l’empêcher d’exercer un droit électoral. Vous voyez donc que l’article de la loi n’est pas applicable, lorsque l’électeur inscrit est décédé, et que le délai qu’il détermine ne peut s’appliquer à l’espèce.
Toutefois, vous remarquerez que les quatre voix dont il s’agit ne sont pas suffisantes pour déplacer la majorité. M. d’Hoffschmidt a obtenu 228 voix. Qu’on en déduise 4 voix, il aura toujours la majorité absolue.
Un autre moyen de nullité consiste en ce qu’un électeur affirme que Jean-Lambert Clesse, inscrit sur la liste des électeurs, était absent, et qu’il s’est fait remplacer par son frère, et en ce qu’un autre électeur soutient que Jean-Joseph Octave, inscrit sur la liste des électeurs, était également absent, et qu’il s’est fait remplacé par son fils. Nous avons trouvé ce moyen trop futile pour qu’on puisse s’y arrêter. Il ne suffit pas de l’allégation du premier venu pour faire supposer que des électeurs auraient fait remplir par d’autres leur droit électoral, alors qu’on ne fournit aucune preuve que ces électeurs étaient absents.
Je passe donc au troisième moyen : il consiste à dire qu’un grand nombre d’électeurs ont été omis sur les listes, quoique payant beaucoup au-delà du cens électoral. Ce moyen ne nous a pas paru plus sérieux que le précédent. Vous savez que la loi envisage la qualité d’électeur comme un droit et non comme un devoir. Chacun est libre d’user de la faculté que la loi lui confère. C’est là un principe fondamental de la loi. Elle donne à ceux qui possèdent les qualités nécessaires pour être électeurs le moyen de se faire inscrire sur la liste électorale, en justifiant de ces qualités. Mais ceux qui n’ont pas usé de ce droit ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Leur négligence leur enlève le droit de se plaindre, lorsque les élections sont consommées. Nous croyons donc que ce moyen n’est pas fondé.
Ces résolutions ont été prises à l’unanimité. Il n’en est pas de même des deux dernières dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir. Sur celles-là il s’est formé une majorité et une minorité.
L’un de ces moyens consiste en ce que dans une commune, celle de Limerlé, la liste des électeurs de la commune n’a pas été affichée conformément à la loi électorale. Ce fait est attesté par cinq membres du conseil communal. D’autre part, nous nous sommes fait produire la liste des électeurs de cette commune, et au bas de cette pièce, nous avons vu que le bourgmestre et le secrétaire attestent que l’administration communale de Limerlé a publié et affiché cette liste pendant dix jours, du 19 avril au 1er mai, et qu’aucune réclamation n’a été présentée. Je pourrais peut-être vous faire remarquer que cette pièce émanée d’une autorité constituée, dans l’exécution de l’un de ses devoirs, porte un caractère d’authenticité qu’aucune allégation ne peut détruire. Mais cette allégation est conçue de telle manière que les réclamants n’affirment même pas qu’il y a eu défaut de publication de la liste des électeurs. Ils se bornent à déclarer que les habitants de la commune n’ont pas eu connaissance de cette publication. Une négation semblable, émanât-elle de tous les électeurs de la commune ne peut prévaloir contre l’affirmation de l’affiche faite par l’autorité instituée par la loi pour veiller à son exécution.
Il ne suffit pas de venir dire qu’on n’a pas vu la liste des électeurs affichée, puisqu’il ne résulte pas de là que l’affiche n’a pas eu lieu.
Dans cette position, la majorité de la commission n’a pas hésité à considérer l’affiche de la liste des électeurs comme suffisamment prouvée.
La dernière question, qui est peut-être la plus importante, est celle de savoir si les élections doivent être annulées, parce que, disent les pétitionnaires, parmi les électeurs portés sur les listes, il y a plusieurs personnes qui ne paient pas le cens électoral. Pour faire la preuve de cette allégation, ils ont produit un certificat du receveur de la commune, portant que ces individus ne paient pas le cens électoral dans la commune où les certificats ont été délivrés. Messieurs, s’il faut des garanties pour que personne n’exerce les droits d’électeur, sans posséder les qualités exigées par la loi, il en faut aussi pour que ceux qui remplissent les conditions voulues ne soient pas dépouillés sans examen de la qualité d’électeur. La loi électorale y a pourvu ; en effet, son article 12 est ainsi conçu :
« Article 12. Tout individu inscrit, omis, rayé ou autrement lésé, dont la réclamation n’aurait pas été admise par l’administration communale, pourra s’adresser à la députation permanente du conseil provincial, en joignant les pièces à l’appui de sa réclamation.
« De même, tout individu jouissants des droits civils et politiques pourra réclamer contre chaque inscription indue ; dans ce cas, le réclamant joindra à sa réclamation la preuve qu’elle a été par lui notifiée à la partie intéressée, laquelle aura dix jours pour y répondre à partir de celui de la notification. »
Vous voyez par cet article, en le combinant avec l’article 8 et les articles qui le suivent, que la loi, en donnant à chaque électeur le droit de réclamer contre l’inscription indue d’une personne qui ne remplit pas les conditions exigées par la loi pour être électeur, a voulu que celui contre l’inscription de qui on réclamait, fût entendu. La réclamation doit lui être notifiée, dit la loi. La personne contre l’inscription de laquelle on réclame a dix jours pour y répondre. Il est facile de sentir les motifs qui ont dicté cette disposition : c’est qu’un individu, inscrit sur la liste comme électeur dans une commune, peut très bien ne pas payer le cens dans cette commune ; mais si quelqu’un se hasarde à lui contester son droit électoral, en lui notifiant cette protestation contre son inscription, il le met en demeure de prouver qu’il paie le cens dans d’autres communes ; il le met en état de se défendre. Voilà le motif de la loi.
Maintenant, si vous examinez avec quelle précaution méticuleuse la loi a prévu le cas qui nous occupe, avec quel soin elle a indiqué les autorités où les réclamations doivent être portées, le délai dans lequel elles doivent être formées, vous concevrez comment plusieurs membres de votre commission sont arrivés à cette conclusion que toute réclamation contre les inscriptions sur les listes électorales, et qui n’est pas accompagnée des formalités prescrites par les articles 12 et suivants de la loi électorale, est non recevable.
Cependant nous ne pensons pas qu’il faille aller jusque là, ni qu’il faille examiner la question de savoir si l’autorité instituée par la loi électorale est seule compétente pour juger les contestations qui s’élèvent sur le cens voulu par cette loi pour être électeur.
Nous retranchant dans la question qui nous occupe, nous disons que dès qu’un individu inscrit sur la liste des électeurs a exercé, sans qu’il y ait eu réclamation, son droit électoral, il y a présomption qu’il paie le cens électoral, sinon dans la commune qu’il habite, au moins dans d’autres communes du royaume.
Une fois qu’il a exercé son droit, celui qui prétend qu’il ne l’avait pas est obligé d’en fournir la preuve.
Partant de ce principe qui, je pense, ne peut souffrir aucune contestation, voici comment votre commission raisonne : En règle générale, l’autorité communale ne doit, dans la formation de la liste des électeurs, qu’avoir égard aux contributions payées dans cette commune. Mais aucune disposition de la loi ne lui défend de porter sur la liste des électeurs un individu qui ne paie pas le cens dans la commune, lorsqu’elle a la conviction ou la preuve acquise qu’il paie le cens dans d’autres parties du pays.
En un mot l’autorité communale peut faire d’office ce que chaque électeur peut exiger ; car toute personne qui prouve qu’elle paie le cens électoral, n’importe dans quelle partie du pays, et qui remplit les autres conditions prescrites par la loi, peut exiger qu’elle soit portée sur la liste des électeurs.
Mais, pour arriver à la preuve que telle personne n’a pas eu le droit de voter, il ne suffit pas de produire un certificat constatant qu’elle ne paie pas le cens dans la commune qu’elle habite, parce que cela ne prouverait pas que la personne ne le paie pas dans d’autres communes. Il faudrait, pour que la preuve fût complète, produire un certificat négatif de toutes les autres communes du royaume, car c’est à celui qui invoque la nullité à l’établir, c’est à celui qui prétend qu’une personne portée sur les listes a voté sans en avoir le droit à le prouver. Ainsi la pièce qu’on produit dans le cas qui nous occupe n’est pas admissible, puisqu’elle constate seulement que les citoyens auxquels on dénie le droit électoral, ne paient pas le cens dans leur commune, mais ne prouve point qu’ils ne paient pas ce cens dans d’autres parties de la Belgique ; paiement qui, après l’élection, doit être présumé.
Il est vrai qu’il y a presque impossibilité absolue de produire contre une personne un certificat attestant que dans tout le pays elle ne paie pas le cens voulu par la loi, mais résulte-t-il de là qu’on puisse exiger de l’électeur porté sur la liste, et qui a voté sans réclamation aucune, la preuve qu’il avait le droit de voter comme il l’a fait ? Personne, pensons-nous, ne le prétendra. Si la chambre admettait le moyen invoqué par les pétitionnaires, c’est-à-dire, s’il suffisait que la preuve fût produite qu’un citoyen, qui a voté sans opposition, ne paie pas le cens dans la commune où il a été compris au nombre des électeurs, à qui faudrait-il s’adresser pour obtenir la preuve ultérieure qu’il ne paie pas davantage le cens électoral dans les autres parties du royaume ? Serait-ce à l’autorité communale ? mais elle peut ignorer ce que les citoyens paient ailleurs que dans leur commune, et vous courez le danger d’exclure du corps électoral des citoyens qui peut-être avaient toutes les qualités pour exercer ce droit politique. Faudrait-il avoir recours aux électeurs dont on attaque les droits ; en d’autres termes, faudrait-il mettre les électeurs contre lesquels on réclame, en demeure de prouver, dans un délai donné, qu’ils paient le cens ? C’est là évidemment qu’il faudrait arriver, et c’est dans cette conséquence inévitable que votre commission voit le plus grand danger.
Tant que l’élection n’a pas eu lieu, chaque électeur, quand son droit est attaqué, a un grand intérêt politique à faire preuve qu’il paie le cens ; il doit craindre que sa voix ne manque au candidat de son choix pour l’emporter sur ses concurrents ; mais l’élection une fois faite, les rôles peuvent changer et des combinaisons nouvelles se présenter.
En effet, ceux qui réclament contre une élection ne sont pas les amis politiques de l’élu. Supposons que l’élu soit également un adversaire politique des électeurs dont on attaque les droits ; ne pourra-t-il pas se faire qu’il y ait accord entre les uns et les autres ? Ne pourrait-il pas se faire que ceux qui attaquent engagent ceux qui sont attaqués à garder le silence ?
Or, de ce que des électeurs mis en demeure de prouver qu’ils paient le cens, garderont le silence, vous devrez en conclure qu’ils ne le paient pas, qu’ils ont pris part illégalement à l’élection, et vous arrivez à cette conséquence monstrueuse qu’une fois une élection faite, il dépendra des vaincus de faire prononcer la nullité par la chambre, en se faisant passer un instant pour des personnes qui ne paient pas le cens, et en s’abstenant de faire la preuve qu’on pourrait exiger, soit par une enquête, soit de toute autre manière.
Et veuillez remarquer, messieurs, qu’il y aurait pour ces électeurs moins de danger à suivre cette marche, que la chambre, en annulant une élection, ne redresse pas les listes électorales, et que ces mêmes personnes qui auraient donné lieu à l’annulation, prendraient encore part à la nouvelle élection, sauf à produire alors la preuve qu’ils auraient sciemment négligé de faire.
D’après toutes ces considérations que je viens de vous exposer, et vu l’absence de toute idée de fraude, la majorité de la commission, quelle que soit sa sympathie pour le concurrent de M. Constant d’Hoffschmidt, n’a pu se décider pour l’annulation des élections de Bastogne.
En conséquence, la commission propose l’admission de M. d’Hoffschmidt et le rejet de la demande des pétitionnaires.
(Suit les pièces à l’appui, non reprises dans cette version numérisée du Moniteur)
Sur la demande de MM. Dumortier et de Brouckere, la chambre ordonne l’impression du rapport et en renvoie la discussion à demain.
M. de Langhe – Si l’on remet à demain les discussions, je demanderai que l’on commence la séance de meilleure heure qu’aujourd’hui, afin que l’on puisse s’occuper en outre de la formation du bureau définitif.
M. Mast de Vries – Vous pourrez prononcer demain sur les élections de Termonde et de Bastogne, mais vous ne pourrez pas prononcer sur celles de Gand qui exigent un supplément d’instruction ; ainsi vous ne pourrez pas procéder à la formation du bureau.
M. de Brouckere – Si, demain, les conclusions relatives aux élections de Bastogne sont adoptées, nous aurons un collègue de plus. Les convenances et le règlement veulent que nous ne le privions pas du droit de prendre part à la composition du bureau définitif. Après notre décision sur les élections de Termonde et de Bastogne, nous devons regarder la vérification des pouvoirs comme terminée ; car quand il s’agit d’un supplément d’instruction, cela ne peut retarder la composition du bureau.
M. de Garcia – La vérification des pouvoirs doit se faire avant la composition du bureau, et cette vérification s’est étendue à tous les représentants nommés. Toutefois, d’après l’incident élevé hier, il y a autre chose à voir que cette vérification des députés récemment nommés ; il y a à voir ce qui concerne les représentants qui tiennent leur mandat des provinces cédées. D’après ce qu’on vient de dire, il me semble que pour procéder à la formation du bureau, il faut que chacun ait le droit d’y concourir ; mais, d’un autre côté, il faut savoir quels sont ceux qui ont le droit de participer à cette formation. Cette question doit précéder tout scrutin pour la composition du bureau. Nous avons donc encore une sorte de vérification à faire, une vérification extraordinaire qui ne se présentera plus dans cette enceinte.
Je crois important de décider la question relative aux députés des parties cédées. Je crois qu’il faut nommer une commission pour procéder à son examen préparatoire, et qui pourra nous présenter son rapport demain. J’en fais la proposition formelle.
M. de Brouckere – La chambre ne peut nommer une commission ; elle n’a pas été constituée.
M. de Garcia – Mais on a nommé les commissions pour la vérification des pouvoirs.
M. de Brouckere – Elles ont été tirées au sort.
M. de Garcia – Eh bien ! qu’on tire au sort la commission que je demande ; c’est d’une vérification imprévue qu’il s’agit, mais c’en est une.
Je demande que le sort désigne une commission pour examiner si les députés des parties cédées doivent rester dans cette enceinte.
M. de Brouckere – Il me serait facile de prouver, messieurs, que la motion de l’honorable préopinant est absolument inadmissible ; mais je crois inutile de traiter cette question, et je couperai court à toute discussion en rappelant la décision que la chambre a prise hier ; la proposition que j’ai faite, et qui a été adoptée par la chambre, tendait à ce que l’on ne s’occupât de la motion de M. Metz, si tant étant que l’on dût s’en occuper, qu’après que la chambre serait constituée. Je demande que cette décision soit exécutée.
M. de Garcia – Je demande qu’il soit donné lecture du passage du procès-verbal où il est question de la proposition de M. de Brouckere, car je n’ai pas compris cette proposition comme l’entend l’honorable membre.
M. B. Dubus, secrétaire provisoire, donne lecture de ce passage. Il en résulte que la chambre a effectivement décidé qu’elle ne s’occuperait de la motion de M. Metz que lorsqu’elle serait constituée.
M. de Garcia – Le procès-verbal prouve que j’avais mal compris la proposition de M. de Brouckere, et dès lors, messieurs, je demande que vous reveniez sur la décision que vous avez prise hier, car voyez quel pourrait être l’inconvénient de la marche que vous avez adoptée. Vous allez procéder à la formation du bureau, et, dans cette opération, c’est la majorité de la chambre qui appelle au bureau tels membres que bon lui semble ; or, il peut arriver que lorsque vous vous occuperez de la motion de M. Metz, vous décidiez que les députés nommés par les parties cédées n’ont plus qualité pour siéger dans cette enceinte, et il pourrait résulter de là que le bureau nommé avec le concours de ces députés ne représentât plus la majorité de la chambre, telle qu’elle se trouverait composée après la retraite des honorables membres dont il s’agit.
Je propose donc formellement à la chambre de mettre à l’ordre du jour, avant la formation du bureau, la discussion de la question de savoir si les représentants nommés par les parties cédées ont, oui ou non, conservé leur mandat.
- La proposition de M. Garcia est mise aux voix ; deux épreuves sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.
66 membres prennent part au vote.
2 s’abstiennent.
35 adoptent.
31 rejettent.
En conséquence, la proposition est adoptée.
MM. Berger et Metz se sont abstenus.
Ont voté l’adoption : MM. Angillis, Brabant, Coghen, Cools, Coppieters, de Foere, de Villegas, de Langhe, Delehaye, de Perceval, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Doignon, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Fallon, de Garcia, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raikem, Smits, Van Cutsem, Vandensteen, Vandenhove, Van Volxem, Wallaert, Willmar, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Meer de Moorsel, de Renesse, Desmet, Devaux, Dolez, Donny, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Sigart, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Liedts, Maertens, Mercier, Milcamps, Morel, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vanderbelen et Verhaegen.
MM. Berger et Metz, qui se sont abstenus, motivent leur abstention en ces termes :
M. Berger – Messieurs, je n’étais pas dans la salle quand la motion a été faite ; je ne savais pas sur quoi on votait, et par conséquent je me suis abstenu.
M. Metz – Messieurs, un motif personnel m’a empêché d’émettre un vote sur la motion de M. Garcia.
MM. les représentants quittent leurs bancs.
La séance est levée à quatre heures.