(Moniteur du 27 mai 1839, n°147. A partir de la discussion sur le projet de loi ayant pour objet d’allouer un crédit au département de la guerre, pour payer des créances arriérées : Moniteur du 28 mai 1839, n°148)
(Présidence de M. Raikem)
M. Lejeune fait l’appel nominal à 1 heure.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Lejeune présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
« La dame veuve Sacré, à Gand, réclame la pension à laquelle elle prétend avoir droit, comme veuve d’officier. »
Renvoi à la commission des pétitions.
M. Mast de Vries – Par décision de la chambre du 7 février 1838, la commission des finances se trouve saisie d’une pétition de l’administration communale d’Anvers qui demande le paiement d’une somme de 57,532 francs 23 centimes pour loyers de bâtiments communaux servant à l’hôpital militaire.
Une question de propriété paraissant s’élever entre le gouvernement belge et la ville d’Anvers, votre commission pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette pétition avant qu’elle n’ait été vidée par les tribunaux. En conséquence, nous vous proposons le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Parmi les pièces qui nous sont distribuées, il s’en trouve une portant le n°138, intitulée : Chambre des représentants, session de 1838-1839. Cette pièce se trouve censée imprimée par ordre de la chambre. Elle contient des observations critiques sur un rapport présenté par M. Zoude dans une séance précédente. Je vois dans cette marche quelque chose d’insolite : j’y vois une tendance à un grave abus. Il ne peut pas être permis à une personne étrangère à la chambre et au gouvernement de venir critiquer, sous le manteau même de la chambre, le rapport d’un de ses membres, quand nos propositions doivent passer par le creuset des sections, et que l’impression de nos rapports ne peuvent avoir lieu que par l’autorisation de la chambre.
Je ferais observer qu’il n’y a rien dans mes observations, rien de personnellement contraire à M. Vifquain. Mais, d’un autre côté, je ne crois pas que nous puissions créer un privilège en sa faveur. Je vois un abus dans ce qui a été fait, et je demande qu’on insère au procès-verbal que cette pièce n’a pas é té imprimée au vœu de la chambre, et que ce n’est qu’un simple renseignement.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Cette pièce n’est, en effet, qu’un renseignement. C’est par une méprise de l’imprimeur, qu’on a mis en tête : Chambre des représentants, session de 1838-1839. Et si on a mis le numéro de pièces de la chambre, c’est pour qu’on puisse la trouver à sa place dans la collection des pièces. J’ajouterai que ces renseignements ont été donnés de la part du ministère.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je suis satisfait des explications données par M. le ministre des travaux publics. Mais je crois avoir bien fait de présenter mon observation, parce que nous ne devons pas laisser passe inaperçue une chose qui pourrait être considérée comme un antécédent et donner lieu à de graves abus.
M. Zoude – Le n° bis du rapport a été mis à cette pièce pour avoir les deux pièces réunies. Je prie la chambre de ne pas se préoccuper de la publication de cette prétendue réfutation, car je la considère comme la plus complète justification de mon rapport.
M. Dumortier – Je partage l’opinion de M. Van Hoobrouck, qu’il n’appartient à qui que ce soit de faire imprimer, sous le nom de la chambre, un document quel qu’il soit. Aucun de nous, le président lui-même, ne pourrait pas le faire, la chambre seule a le droit d’ordonner ou de permettre l’impression de documents sous son nom.
J’ajouterai qu’il y a une haute inconvenance à présenter ainsi des réponses à un rapport d’une commission de la chambre, quand le gouvernement est là pour y répondre lors de la discussion.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il ne faut pas donner aux choses plus de portée qu’elles n’en ont réellement. L’honorable préopinant aime les collections. Lui-même a contribué comme questeur à la conservation des collections de nos documents. Je ferai ensuite observer que, dans le rapport de M. Zoude, il était question nominativement de l’inspecteur. Je lui ai demandé une réponse aux détails qui se trouvent dans le rapport de la commission. J’ai revu moi-même le rapport de l’inspecteur qui l’a signé. Je l’ai fait imprimer et j’ai mis le numéro du rapport de la commission, pour que les deux pièces fussent en regard. Je crois avoir bien fait. M. le rapporteur, d’ailleurs, m’approuve. Maintenant, il se trouve que l’imprimeur a mis en tête : Chambre des représentants, session, etc. Voilà un grand attentat aux prérogatives de la chambre. C’est évidemment donner aux choses une portée qu’elles n’ont pas.
M. Milcamps – Messieurs, les arrondissements de Maestricht, rive droite et rive gauche de la Meuse et l’arrondissement de Ruremonde ont élu trois sénateurs qui sont en fonctions.
Après la ratification des traités, une faible partie de chacun de ces arrondissements restera à la Belgique et sera incorporée aux arrondissements de Tongres et de Maeseyck.
La population de la partie conservée ne permet plus que l’élection d’un sénateur.
Le projet de loi tend à cette élection.
Dans la section centrale on a posé la question suivante ;
Admettra-t-on qu’il y a lieu de procéder à l’élection d’un sénateur en remplacement des sénateurs élus par les arrondissements de Maestricht et de Ruremonde ?
La majorité de la section centrale s’est prononcée pour l’affirmative et la minorité a soutenu la négative.
Le rapport enferme les arguments des deux opinions.
Il y a, messieurs, dans l’argumentation de la minorité, un principe posé, dont il est difficile de méconnaître la justesse et la force, c’est celui d’un arrondissement qui aurait nommé un sénateur ou un député, et qui, par un événement, perdrait le plus grand nombre de ses habitants : un pareil événement ne ferait pas cesser le mandat du sénateur nommé par cet arrondissement, et cela, comme dit Blackstown (Commentaire sur les lois anglaises), parce qu’un membre, quoique choisi par un district particulier, une fois élu et son élection envoyée, est représentant pour tout le royaume, car le but de sa mission est général et non particulier, tendant au bien commun de l’état et non pas simplement à ce qui est avantageux à ses constituants.
(erratum, Moniteur du 28 mai 1839 : ) Mais, dans son argumentation, la minorité a posé un principe, que je ne puis admettre, celui que les habitants du territoire cédé ne perdront pas la qualité de Belges, s’ils accomplissent, dans le délai de 4 ans, les formalités prescrites par le projet de loi que nous avons voté.
Je l’ai déjà dit dans une circonstance récente, par la ratification des traités, les peuples des territoires cédés seront étrangers.
Ils le seront en vertu de la loi qui autorisé l’acceptation des traités, ou plutôt en vertu des traités eux-mêmes.
Il y a plus, la victoire et les conquêtes font des citoyens (Boulenois. Traité de la personnalité.)
En vain, direz-vous que, suivant notre constitution et nos lois, ils sont Belges ; en vain voudriez-vous qu’ils conserveront cette qualité, en remplissant, dans les quatre ans, les formalités prescrites, tout cela n’altérera ni la force ni les effets des traités. Pourquoi ? parce que notre constitution et nos lois ne peuvent étendre leur empire hors des limites du territoire belge.
(erratum, Moniteur du 28 mai 1839 : ) Ainsi, pour donner un exemple dont ne s’offensera pas la personne honorable dont je cite le nom, si M. le comte d’Ansembourg est né dans le territoire cédé, et s’il y conserve son domicile, il sera électeur et éligible dans le royaume des Pays-Bas, et conséquemment citoyen de ce pays.
La majorité, dans sa réponse, ne s’est attachée à réfuter les principes posés qu’en prétendant qu’il est de l’essence de nos institutions que telles divisions de provinces, que la loi détermine, procèdent aux élections, non par voie de délégation mais en vertu d’un droit qui leur est propre, que les membres représentent la fraction du pays dont ils tiennent leur mandat, en tant que cette fraction fait partir du tout ; cette fraction doit donc continuer à subsister comme partie intégrante de la Belgique, l’élu serait sans qualité pour s’occuper des intérêts du pays.
Mais cette réponse paraît fort abstraite. Je n’admets pas, en thèse générale qu’il suffise qu’une fraction d’un district passât à la Hollande pour faire cesser le mandat relativement à la fraction conservée ; la fraction conservée a le droit d’être représentée.
Il ne s’agit pas ici d’un arrondissement isolé et unique qui aurait nommé un sénateur et dont une partie serait cédée à la Hollande ; dans ce cas je serais de l’avis de la minorité, que le mandat ne serait pas révoqué.
Mais il s’agit de trois arrondissements qui ont nommé trois sénateurs, de trois arrondissements dont une partie de chacun sera cédée à la Hollande, et dont le restant conservé à la Belgique ne permet plus que l’électeur d’un sénateur.
Mais l’article 49 de la constitution dit qu’il aura un député sur 40,000 habitants et l’article 54 porte que le sénat se compose d’un nombre de membres égal à la moitié des députés.
Or, nous ne pouvons admettre trois sénateurs sur un nombre d’habitants, lorsqu’il y a moyen de faire autrement, qui ne permet que l’élection d’un seul. Le principe posé par la minorité est juste, appliqué au cas d’un arrondissement unique et isolé, mais il n’est pas applicable à l’espèce, puisqu’il aurait pour effet de maintenir trois sénateurs alors que les articles 49 et 54 de la constitution n’autorisent et ne permettent que l’élection d’un seul.
Nous nous trouvons, à l’égard de ces trois arrondissements, dans des circonstances extraordinaires ; les cas des traités sont hors de la loi commune, parce que tout ce qui se fait alors est forcé.
D’après ces considérations, je pense, messieurs, qu’il y a lieu de procéder à l’élection d’un sénateur, conformément au projet de loi qui nous est proposé.
M. le président – Nous allons passer à la discussion de l’article 1er :
« Les arrondissements de Tongres et de Maeseyck éliront un sénateur, en remplacement des sénateurs élus par les arrondissements de Maestricht, rive droite et rive gauche de la Meuse, et par l’arrondissement de Ruremonde. »
M. Dumortier – Je ferai d’abord remarquer à l’assemblée, ainsi que je l’ai déjà fait à la séance d’hier, que la loi a une portée plus grande que celle indiquée par l’honorable préopinant. C’est une loi d’ostracisme qu’on veut porter dans un but occulte. On veut nous faire déclarer que les députés appartenant aux parties cédées cessent de faire partie de la chambre et du sénat.
Je rencontrerai d’abord une observation faire par le député de Nivelles. Selon lui, quand un représentant est élu par les districts cédés et qu’une partie des électeurs reste en Belgique, ce représentant doit conserver tout son mandat ; or, dans la province du Luxembourg, il existe quatre sénateurs, et je vois, par le tableau annexé à la loi électorale, que l’un est nommé par les districts réunis de Neufchâteau, Marche, Bastogne et Virton, tous habitant la Belgique d’après le traités des 24 articles ; que deux sont nommés par les arrondissements de Diekirch, de Gerenmacher et d’Arlon. Or, le sénateur dont il s’agit, étant nommé par des électeurs dont une partie reste à la Belgique, bien que la plus grande partie soit passée sous la domination étrangère, qu’en ferez-vous ? Le conserverez-vous, parce que la huitième partie de ceux qui l’ont nommé font encore partie de la Belgique, ou bien déciderez-vous que son mandat à cessé parce que les 7/8 ne font plus partie de la Belgique ? Voilà une première question : je demande comment la majorité de la section centrale entend trancher cette question quant à ce sénateur : le sénateur de Diekirch. Ce sénateur est nommé par les districts de Diekirch, Grevenmacher et Arlon. Les deux premiers vont à la Hollande, celui d’Arlon nous reste en partie. Le sénateur nommé par ces districts restera-t-il ou non membre du sénat ?
Maintenant je ferai remarquer une chose. On dit que le mandat expire quand le plus grand nombre de ceux qui l’ont conféré cessent de faire partie de la Belgique. Mais ce principe s’il est vrai, doit s’appliquer aussi bien aux représentants qu’aux sénateurs. Or, il existe un représentant, c’est le ministre des travaux publics, qui est élu en partie par des habitants cédés et en partie par des habitants qui restent à la Belgique. Une grande partie des électeurs qui l’ont nommé ont été cédés à la Hollande. Votre loi ne s’appliquant pas aux représentants, vous voulez donc le maintenir député, quoiqu’il soit dans le même cas que les sénateurs dont vous déclarez le mandat éteint. C’est avoir deux poids deux mesures ; c’est se mettre dans une contradiction manifeste ; c’est faire une loi pour les personnes et non pour les choses. Si le principe qu’on pose est vrai, il faut l’appliquer au député d’Arlon comme au sénateur du Limbourg, mais je ne crois pas qu’il le soit et je vais le démontrer.
La question principale est donc de savoir si les membres des deux chambres qui appartiennent aux parties cédées doivent ou non cesser de remplir leur mandat avant l’expiration, aux termes de la constitution ; en un mot, si nous allons expulser de notre sein d’honorables membres auxquels nous portons une vive affection. Mais avant de les expulser, il importe de voir si nous en avons le droit. Que porte l’article 32 de la constitution. ? Les membres des deux chambres représentent la nation et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés. Les députés dont il s’agit sont donc nommés par les substitutions qui vont cesser d’appartenir à la Belgique, mais le fait de cette cession fait-il cesser leur mander ? Non, ; et il importe que cette question soit résolue. Il faut savoir ce qu’on fera. Si ces députés sont nommés par une fraction de la province, aux termes de l’article 32 de la constitution, ils ne sont pas représentants de la province du district qui les a nommés, ils sont représentants de la Belgique.
La constitution a dit en outre, article 25, que tous les pouvoirs émanent de la nation. Ainsi qu’on l’a dit dans une séance précédente, s’il était possible de réunir tous les électeurs dans la capitale, pour nommer tous les députés, l’élu, quelque partie du pays qu’il habite, serait le député de la nation. Mais c’était impossible ; il a fallu déléguer le droit aux électeurs séparés et les répartir en certains districts. Mais une fois l’élection opérée, les électeurs ont épuisé leur mandat ; ils n’ont pas le droit de demander la révocation du député qu’ils ont élu ; ce député conserve son mandat, quelle que soit leur volonté. C’est si vrai, que nous avons vu les électeurs du Limbourg signifier à leur représentant au sénat qu’il cessait de les représenter. Ce membre du sénat est resté sénateur, parce que les électeurs avaient épuisé leur mandat en les nommant. Les électeurs des parties cédées ont également épuisé leur mandat en nommant leurs représentants, qui sont devenus les députés de la nation aussi bien d’Anvers et de Gand que de Grevenmacher et autres localités. Ils sont, en outre, député de la nation, et vous n’avez pas le droit de les expulser de l’assemblée.
Il n’existe qu’un seul et unique moyen de sortir d’embarras. Il n’y a qu’une seule personne qui ait le droit de faire cesser le mandat de député, mais celui de tous les députés à la fois, c’est le roi, en usant de sa prérogative, en dissolvant les chambres. Qu’on dissolve les chambres, qu’on fasse des élections générales, alors le mandat des députés des parties cédées aura cessé, parce que le mandat de tous les députés aura cessé ; les districts cédés ne faisant pas partie de la Belgique, ne procéderont pas à de nouvelles élections. Voilà comment il peut se faire qu’ils cessent de faire partie de la chambre ; mais vous n’avez pas le droit de les expulser de cette enceinte ; comme vous, ils sont députés de la nation et non des districts qui les ont nommés. Pour ces motifs, je ne peux pas donner mon assentiment au principe qui fait la base de la loi qui vous est soumise ; s’il était adopté, je demanderais la réélection du député d’Arlon, pour le placer dans la même position que le sénateur de Tongres.
Maestricht élit deux sénateurs. On ne réélit pas de sénateurs cette année dans le Limbourg. La durée du mandat de sénateur est de huit années. Celui des sénateurs du Limbourg a encore quatre années à courir. Vous violez la constitution si vous réduisez ce mandat de 4 années. Vous n’avez pas le droit de réduire à un seul les représentants de cette province au sénat. D’ailleurs, comment ferez-vous ? Est-ce que vous tirerez au sort ? lequel des deux restera ? ce ne sera plus alors du choix du peuple, mais du sort, que le sénateur restant tiendra son mandat. Vous n’avez pas le droit de tirer au sort lequel des deux vous expulsez de l’assemblée nationale.
Si un sénateur, dont le mandat a encore quatre années à courir, se représente dans le sein du sénat, malgré votre décision, la chose n’est pas impossible, viendrez-vous renouvelez la scène scandaleuse de l’expulsion de Manuel dans la chambre française ?
Je le répète, il n’y a qu’un seul moyen de sortir d’embarras, c’est la dissolution. Ce moyen est juste, parce qu’il est l’exercice de la prérogative royale, mais vous ne pouvez pas procéder par expulsion, rejeter l’un tandis que vous garderez l’autre. C’est là une chose que vous n’avez pas le droit de faire. Ce serait une inconstitutionnalité flagrante. La loi porte que le renouvellement du sénat a lieu par moitié tous les quatre ans. Les élections de sénateurs ne devant avoir lieu que dans quatre ans dans le Limbourg, si vous y faites élire cette année un sénateur, ou il n’aura été élu que pour la moitié de la durée du mandat de sénateur, ou si vous le faites élire pour 8 ans, vous intervertissez l’ordre du renouvellement par moitié. Vous vous trouvez toujours dans un embarras inextricable et dont vous ne pourrez sortir qu’en recourant à la dissolution. Hors de là, il y a désordre dans la législature, et c’est ce qu’il faut éviter.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je comptais relever l’erreur commise par l’honorable préopinant quand il a parlé des sénateurs du Luxembourg ; il n’en est pas question, attendu que leur mandat expirera prochainement. Le principe qui nous a guidé dans la rédaction du projet de loi est celui-ci : Que les arrondissements de Maestricht et de Ruremonde ayant perdu beaucoup au-delà de la moitié de la population qu’ils avaient quand ils ont conféré leur mandat aux sénateurs actuels, ce mandat est éteint. Nous avons pensé que, pour qu’il y eût mandataire, il fallait qu’il y eût un mandat. Or ce mandat n’existe plus. En effet, le district de Maestricht avait une population suffisante pour élire deux sénateurs, aujourd’hui elle serait insuffisante pour en élire un. Celui de Ruremonde élisait un sénateur, mais il n’a plus qu’une population de 23 âmes, au lieu de plus de 80 mille ; donc le mandat cesse.
Mais, dit-on, vous allez tirer au sort entre les sénateurs nommés pour en conserver un. Au contraire, la loi porte que le mandat des sénateurs des districts de Maestricht et de Ruremonde cesse et qu’il sera procédé à l’élection d’un sénateur en leur remplacement. Quant au district de Hasselt, il n’y a rien à modifier, puisque ce district n’a subi aucune réduction territoriale. Le mandat de sénateur demeure incontestable.
Il ne s’agit pas de procéder ici comme en France à l’égard du député qu’on a mis hors de l’assemblée. La population a été séparée du pays par une force majeure, la cessation du mandat conféré par cette population en est la conséquence. On a dit encore : le sénateur nouvellement élu ne le sera que pour 4 années, ce qui est contraire à la constitution qui porte que le mandat de sénateur est de huit années. Mais je ferai observer que ce sénateur ne fera qu’achever le terme qui reste à courir du mandat primitif ; et au bout de quatre années, il tombera dans la réélection générale des sénateurs du Limbourg ; c’est comme si ses prédécesseurs avaient donné leur démission.
On a parlé du district d’Arlon ; on a dit que si le projet était adopté, il fallait appliquer le même principe à ce district. C’est une erreur. En effet, l’arrondissement d’Arlon, comptait 39 mille habitants avant la cession du territoire. Depuis, 16 mille on en ont été distraits, il en reste 23 mille ; donc la population de ce district est loin d’être diminuée de plus de moitié ; il en reste, au contraire, moitié en sus de ce qui a été distrait. Il n’y a donc rien à proposer quant au district d’Arlon, car il n’y a aucun motif pour procéder à de nouvelles élections.
M. Dumortier – Je répondrai au ministre que ce qu’il a dit ne répond pas à mes objections. Maestricht et Arlon, quoi qu’il en dise, sont dans le même cas. Les deux sénateurs de Maestricht ont été élus chacun par les électeurs réunis de la partie distraite et de la partie restée. De même le député d’Arlon a également été nommé par le concours des électeurs restés Belges et de ceux qui ont cessé de l’être, si les sénateurs ne doivent pas conserver leur mandat ; car il n’y a aucune espèce de différence entre ces deux situations si ce n’est que, d’un côté, deux mandats ont été donnés et que, de l’autre, un seul mandat a été donné.
Or, que faites-vous maintenant ? Vous coupez en deux le mandat des sénateurs, et vous conservez intact le mandat du député. En vérité ce serait, c’est ce que la chambre ne peut pas faire, un véritable contresens ; ce serait faire une loi pour les personnes et non pas pour les institutions, ce serait avoir deux poids et deux mesures. D’ailleurs, messieurs, si vous adoptiez une semblable disposition pour un membre du sénat, tandis que vous agiriez d’une toute autre manière pour un membre de la chambre qui se trouve dans une position tout à fait identique, de quel œil le sénat pourrait-il envisage cette conduite ? N’aurait-il pas le droit d’y voir une injure ?
Je le répète donc, messieurs, il n’y a qu’un moyen de sortir constitutionnellement de la position dans laquelle on se trouve, c’est la dissolution. Quant à la mesure qu’on propose, je la repousse de toutes mes forces, parce que nous n’avons pas le droit d’enlever à un membre de la représentation nationale le mandat qu’il tient de la nation.
Le projet qui nous est soumis ne se justifie en aucune manière ; il n’a d’autre but que d’accorder une faveur à M. le ministre des travaux publics ; eh bien, j’estime beaucoup le talent de M. le ministre des travaux publics, mais je ne lui voterai jamais une faveur, je ne veux pas de privilège pour personne.
M. F. de Mérode – L’article de la constitution, messieurs, qui porte que ces deux députés représentent la nation, est d’une haute importance, et je trouve que, c’est ici une occasion très favorable de faire valoir le principe qu’il consacre, principe qui est une des garanties de notre nationalité. Je vous le demande, messieurs, quand pourrons-nous encore nous trouver dans le cas de faire sortir de cette enceinte ou de celle du sénat des membres qui y siègent en vertu du mandat qu’ils tiennent de la nation ! J’espère bien que des circonstances semblables ne se représenteront plus et que nous aurons plutôt le bonheur de voir arriver parmi nous des nouveaux venus en plus grand nombre que ceux dont nous devons aujourd’hui nous séparer. Je ne vois donc pas quel inconvénient il y aurait à laisser siéger dans l’enceinte législative quelques membres qui, quoique nommés par des districts cédés en tout ou en partie à la Hollande, n’en représentent pas moins la nation belge tout entière. C’est, je le répète, la plus heureuse occasion de consacrer de nouveau ce principe constitutionnel qui est le véritable fondement de notre nationalité, et je m’empresserai de voter dans le sens du maintien des députés et des sénateurs des parties cédées, parce que je serais heureux de voir parmi nous des membres qui y siègent uniquement en vertu du principe que les députés représentent la nation et non pas seulement la localité qui les a nommés.
Je ne désire pas, messieurs, que les chambres soient dissoutes, j’aime beaucoup mieux qu’on laisse expirer le mandat de tous les représentants et de tous les sénateurs qui sont actuellement membres de la législature, et, je le répète, je ne vois dans cette mesure aucun inconvénient.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Certes, messieurs, je désirerais beaucoup que l’on pût prendre une décision conforme à l’opinion de l’honorable préopinant, mais je n’ai pas cru que la constitution permît de le faire, attendu qu’un arrondissement électoral venant à cesser de faire partie de la Belgique, soit en totalité, soit pour la plus grande part, le mandat donné par un arrondissement cesse de plein droit.
Je ferai remarquer en outre à la chambre, que le maintien du mandat dont il s’agit amènerait une bigarrure tout à faire extraordinaire ; le Luxembourg aura 8 représentants et le Limbourg 5 seulement tandis que le sénat compterait 4 membres du Limbourg et 2 seulement du Luxembourg.
Aussi, l’honorable député de Tournay a-t-il dit que le meilleur moyen de trancher la question, c’est la dissolution. Ce moyen, messieurs, nous ne croyons pas avoir besoin d’y recourir, parce que nous pensons que la question est toute tranchée par une raison fort simple, c’est que là où il n’y a plus de mandants, il ne peut y avoir de mandataires.
On est encore revenu sur la comparaison entre le district de Maestricht et le district d’Arlon ; je ne puis que répéter que cette comparaison est tout à fait fausse puisque le district de Maestricht perd beaucoup au-delà de la moitié de sa population tandis que le district d’Arlon, conserve beaucoup au-delà de la moitié de sa population.
M. Lebeau – Messieurs, je ne me laisse pas influencer par les grands mots d’ « ostracisme », de « manuéliser », et autres de la même espèce ; il ne s’agit pas de savoir s’il nous convient de conserver les députés des districts cédés ; si telle est la question, je dirais : Oui, il nous convient de les conserver, non pas pour deux ans, pour quatre ans, mais pour des siècles. Ce dont il s’agit, c’est de savoir si, d’après la constitution et d’après le bon sens, les députés nommés par des localités qui ne font plus partie de la Belgique, peuvent continuer à faire partie des chambres législatives. Eh bien voulez-vous savoir, messieurs, à quelles conséquences conduirait le principe que l’honorable député de Tournay veut tirer de l’article de la constitution, où il est dit que, les députés représentent la nation ? C’est que si, par exemple, on avait appliqué ce principe à la France, en 1814 et 1815, lorsque la Hollande, une partie de l’Allemagne et la Belgique entière ont été distraites de ce pays, par les traités, les députés de la Belgique, de la Hollande et d’une partie de l’Allemagne auraient continué à siéger au corps législatif, et que, par conséquent, des étrangers auraient concouru, dans une très large proportion, à la confection des lois destinés à régir la nation française.
Voilà, messieurs, à quelles ridicules conséquences on arriverait avec le principe que défend l’honorable M. ; Dumortier Ce n’est pas tous, savez-vous où ce principe mènerait encore ? C’est qu’au même moment les districts de Diekirch et de Grevenmacker pourraient être représentés au sein de la législation belge, et au sein d’une législature grand-ducale siégeant à Luxembourg ? Je crois, messieurs, qu’il suffit d’indiquer quelques-unes des conséquences qui découlent du principe défendu par nos adversaires, pour faire toucher du doigt toute l’absurdité de ce principe.
Remarquez, d’ailleurs, messieurs, que la constitution est formellement contraire au système soutenu par l’honorable député de Tournay. La constitution dit que le nombre de membres de la représentation nationale ne peut excéder la proportion d’un député par 40,000 habitants ; eh bien, la population du royaume se trouve réduite, par le traité, de 300,000 âmes, et vous voulez maintenir intacte la représentation nationale ! Evidemment ce serait violer ouvertement et matériellement la constitution.
Je crois, messieurs, qu’il est inutile d’en dire davantage pour faire comprendre que nos honorables contradicteurs sont ici en opposition avec des principes de bon sens et de droit public, qui n’ont jamais fait question nulle part et qui n’aurait pas dû soulever la moindre discussion.
M. de Behr – Messieurs, d’après l’article premier de la constitution, tous les habitants de neuf provinces de la Belgique ont acquis irrévocablement la qualité de Belges ; maintenant la Belgique se voit enlever une partie de son territoire, et vous avez accordé aux habitants de cette partie quatre années pour déclarer s’ils veulent rester Belges, ceux donc des habitants des parties cédées qui feront, endéans les quatre années, la déclaration voulue, n’auront pas cessé d’être Belges et n’auront, par conséquent, pas cessé d’avoir le droit d’être représentés dans les chambres législatives. Comment pouvez-vous, dès lors, leur enlever les représentants qu’ils ont nommé, avant que vous sachiez s’ils renoncent à leur qualité de Belge ?
On a été cherché un exemple en France, mais là les choses ne sont pas les mêmes ; en France, ce n’est pas la charte, mais la loi qui détermine les conditions requises pour être Français ; chez nous, au contraire, la constitution a attribué la qualité de Belge à tous les habitants des neuf provinces du ci-devant royaume des Pays-Bas, et cela est tellement vrai, que les électeurs des villes de Maestricht et de Luxembourg sont venus constamment, depuis 1830 exercer leurs droits politiques en Belgique quoique ces villes ne fussent pas en notre pouvoir ; maintenant une partie du territoire du Limbourg et du Luxembourg nous a été arrachée ; mais vous avez reconnu vous-mêmes que les habitants de cette partie du territoire ne perdent pas la qualité de Belge, pourvu qu’ils déclarent vouloir la conserver ; attendons, par conséquent, que les quatre ans soient expirés, pour savoir s’il y aura diminution ou non dans la population actuelle ; mais voyez à quelle conséquence vous pourriez en venir ! Vous invoqueriez le pouvoir d’un représentant ; mais si les habitants de la partie cédée de Maestricht venaient faire la déclaration qu’ils veulent établir leur domicile en Belgique, vous auriez annulé un mandat sans une probabilité qui ne se réaliserait pas.
D’après ces considérations, je pense que les deux sénateurs doivent conserver leur mandat pendant les quatre années durant lesquelles ce mandat a encore à courir.
M. Pollénus – Messieurs, une grande difficulté se présente ici, c’est de pouvoir concilier le système des adversaires du projet du gouvernement avec la loi que nous avons votée hier.
Par cette loi, vous avez réduit le nombre des représentants à élire dans le Limbourg, eu égard à la perte que devait éprouver la population.
Or, si l’argumentation de l’honorable M. de Behr était vraie, s’il fallait considérer les habitants du territoire cédé comme n’étant pas perdus pour la Belgique, il me paraît qu’il doit en résulter, comme une conséquence inévitable, que ce système était celui qui aurait dû prévaloir hier ; et, au lieu d’adopter l’article qui autorise le gouvernement à fixer l’époque de l’exécution de la loi, on aurait dû décider que la loi ne serait exécutée que 4 ans après l’adoption du traité, alors qu’il serait devenu certain que la population dont il s’agit était perdue pour la Belgique.
Il me semble donc que, si l’on rejetait le principe du projet de loi, l’on se mettrait en contradiction avec la loi que nous avons votée hier.
M. Dumortier – L’honorable préopinant a confondu deux choses, en prétendant que, si l’on rejetait la loi actuelle, l’on se mettrait en contradiction avec la loi que nous avons votée hier. Il ne réfléchit pas que la loi que nous avons votée hier s’applique à la province du Limbourg et que le mandat des députés du Limbourg expire au mois de juin. Le mandat cessant, un nouveau mandat doit intervenir, rien n’est plus naturel.
On est encore revenu sur cette objection que là où il n’y a plus de mandant, il n’y a plus de mandataire. Je l’ai déjà dit, les districts ne procèdent aux élections que par délégation, et la nation seule a le droit d’élection.
Qu’arriverait-il si un sinistre quelconque venait à faire disparaître un district tout entier ? Le député de ce district cesserait-il ses fonctions dès cet instant ? non, messieurs, car, comme je l’ai dit, la nation ne meurt pas, et c’est la nation qui donne le mandat.
Je le répète, si vous voulez réduire le nombre des députés à celui qu’il sera nécessaire de fixer après l’exécution définitive du traité, vous n’avez qu’un moyen, c’est celui de la dissolution.
M. de Brouckere – Messieurs, nous sommes pressés par le temps ; la question est sans doute grave, mais chacun a déjà formé son opinion.
Je déclare qu’en votant pour le projet du gouvernement, je ne fais qu’obéir à la loi de la nécessité. Je m’en réfère à ce qu’a dit l’honorable M. Lebeau.
M. Dumortier prétend que nous ferions une insulte au sénat. D’abord la loi ne sera définitive que lorsque le sénat l’aura votée. Mais je tiens à montrer que nous n’insultons personne, et que ceux-là que la loi regarde directement se sont attendus à ce qu’une loi pareille serait votée. Voici ce que disait, le 28 mars dernier, au sénat l’honorable M. de Schiervel, sénateur du district de Ruremonde :
« Messieurs, la ratification du traité, que vous venez d’autoriser le gouvernement à conclure, entraînera l’annulation de mon mandat. Si d’ici à cette époque le sénat ne se réunissait plus, je perdrais, si je négligeais le moment actuel, l’occasion de vous faire mes adieux. »
Il n’y a donc insulte dans le projet de loi, ni pour le sénat, ni pour les sénateurs que le projet concerne directement.
M. Desmet – Personne n’a répondu à ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier, à savoir que vous n’avez pas le droit d’annuler un mandat national qui a été légalement conféré » ? On a dit que là où il n’y a plus de mandat, il n’existe plus de mandataire ; mais on n’a nullement répondu aux bonnes raisons que l’honorable M. de Behr a fait valoir contre cette assertion. Ce n’est pas le territoire qui fait le mandataire, c’est la population. Il est certain que, lorsque le traité sera ratifié, le territoire nous sera enlevé, mais il n’est pas du tout certain que la population sera perdue pour nous. Il est donc évident que si vous ôtez leur mandat aux deux sénateurs, vous violez la constitution. C’est pour ces motifs que je voterai contre la loi.
M. Demonceau – Messieurs, je ne puis pas partager l’opinion de l’honorable M. de Behr. Le principal argument qu’il a fait valoir, c’est que les habitants des parties cédées peuvent, en faisant une déclaration, conserver leur qualité de Belge. Mais il y a une distinction à faire entre les droits civils et les droits politiques ; par une fiction de la loi, nous avons dit que les habitants des parties cédées resteraient Belges pour l’exercice des droits civils ; mais il ne seront considérés comme Belges de naissance qu’autant qu’ils auront fait une déclaration ; mais jusque-là il est certain qu’ils ne pourront jouir de droits politiques.
Voilà une distinction à faire pour la réfutation de l’argument de l’honorable M. de Behr.
Si cet argument a conservé toute sa force, je dis, messieurs, que la dissolution ne ferait rien, car vous reconnaissez que, pendant quatre ans, ceux qui ne font plus partie de la Belgique continuent à exercer leurs droits civils et leurs droits politiques, il en résultera que, même après la dissolution, ils pourraient venir concourir à l’élection des nouveaux députés ; il résulterait de ce système que les habitants dont il s’agit pourraient venir exercer leurs droits politiques en Belgique, en même temps qu’ils les exerceraient en Hollande ou dans le grand-duché de Luxembourg. Quant à nous, messieurs, nous croyons que les habitants des parties cédées ne pourront exercer leurs droits politiques qu’’après aavoir rempli la formalité voulue par la loi que vous avez votée à leur égard.
- L’article 1er est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier – Messieurs, vous venez d’admettre une disposition relative au district de Maestricht. D’abord je déclare formellement que je voterai contre la loi, mais enfin ceux qui ont voté la disposition doivent être conséquents, et comme la position du représentant d’Arlon est tout à fait identique à la position des sénateurs du Limbourg, il faut nécessairement admettre une disposition analogie pour le district d’Arlon. Je propose donc à la chambre l’amendement suivant :
« L’arrondissement nouveau d’Arlon élira un représentant en remplacement du représentant élu par les parties belges et grand-ducal de l’ancien district d’Arlon. »
- L’amendement est appuyé.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je sais gré à l’honorable préopinant d’avoir fait cette proposition, parce que, s’il pouvait y avoir le moindre doute sur la position du député d’Arlon, ce doute se trouvera résolu ; il importe du reste fort peu à ce député dans quel sens la chambre se prononcera.
Je me bornerai, messieurs, à vous rappeler des faits, c’est-à-dire des chiffres. M. le ministre de l'ntérieur vous a dit tout à l’heure qu’à l’exception du district de Neufchâteau, tous les districts du Luxembourg avaient une population inférieure à 40,000 habitants ; le district d’Arlon était dans ce cas, il avait 39,000 âmes ; maintenant il en perd 16,000, reste donc 23,000, c’est-à-dire plus de la moitié du chiffre nécessaire pour l’élection d’un représentant, et dès lors il est évident que la position du district d’Arlon n’est pas identique à celle des districts du Limbourg, qui ont perdu plus de la moitié de leur population. Voici, messieurs, comment il y aurait identité, c’est en renversant les hypothèses : supposez que le district d’Arlon, qui avait 39,000 âmes en perde 23,000 , il n’en reste plus que 16,000, et alors le député d’Arlon ne pourrait plus continuer à siéger parmi nous, alors il y aurait similitude entre sa position et celle des sénateurs du Limbourg. Je me bornerai, messieurs, à vous citer ces faits et à déclarer de nouveau, en terminant, que je remercie l’honorable préopinant d’avoir fait sa proposition.
M. Dumortier – Je crois, messieurs, que l’honorable préopinant se trompe entièrement lorsqu’il vient vous dire qu’il se considère comme devant rester député d’Arlon, après le vote que la chambre vient d’émettre. Il importe assez peu qu’il y ait mille âmes de plus ou mille âmes de moins que la moitié de la population ; qui peut dire si ce ne sont pas précisément les électeurs de la partie cédée qui ont donné au député d’Aron le mandat en vertu duquel il siège dans cette enceinte ?
Le système de l’honorable ministre des travaux publics est un système extrêmement commode, mais la chambre décidera si ce système est juste, la chambre décidera s’il n’y a pas une prétention tout à fait extraordinaire à vouloir conserver soi-même un mandat que l’on dénie à d’autre, avec lesquels on se trouve dans une entière similitude de position ; la chambre jugera si elle peut faire une loi injurieuse pour le sénat et frappant d’exclusion un membre de cette assemblée, tandis qu’elle conserverait un de ses propres membres dont la position est exactement la même.
M. de Brouckere – Je me permettrai de représenter à M. Dumortier que les positions sont tout à fait différentes. En effet, le district d’Arlon avait un député, il conserve un député, et dès lors une réélection est tout à fait inutile. Dans le Limbourg, au contraire, il y avait deux sénateurs, il n’y en aura plus qu’un, et par conséquent une réélection est indispensable. Vous voyez donc, messieurs, que l’identité alléguée par l’honorable préopinant, n’existe sous aucun rapport.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Indépendamment des considérations que j’ai déjà fait valoir et de celle qui vient d’être produite par l’honorable M. de Brouckere, je ferai remarquer, messieurs, que le plus grand nombre des électeurs du district d’Arlon reste à la Belgique car la ville d’Arlon, par exemple, est certainement celle de tout le district où il y a le plus d’électeurs, tandis que les localités cédées à la Hollande n’en renferment qu’un très petit nombre. De plus, si mes souvenirs sont exacts, l’élection du député d’Arlon n’a pas été contestée. Dans tous les cas, je suis persuadé que, si l’on vérifiait les chiffres, on trouverait qu’il n’a pas été cédé autant d’électeurs qu’il y a eu de voix en sus du nombre requis pour avoir la majorité absolue. C’est là, messieurs, une simple considération de fait ; quant aux questions de droit, je ne conçois pas même qu’elles aient pu être mises en doute.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
Les deux articles du projet sont ensuite successivement mis aux voix et adoptés.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
56 membres prennent par au vote.
4 s’abstiennent.
40 adoptent.
16 rejettent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Coppieters, de Brouckere, de Langhe, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Donny, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pollénus, Raikem, A Rodenbach, C. Rodenbach, Smits, Sigart, Ullens, Van Cutsem, Wallaert, Willmar, Zoude et Fallon.
Ont voté le rejet : MM. de Behr, de Longrée, F. de Mérode, de Renesse, Desmet, Dubus (aîné), Dumortier, Manilius, Peeters, Raymaeckers, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Verdussen.
Messieurs Berger, de Puydt, Frison et Metz se sont abstenus; ils sont appelés à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Berger – Des orateurs ayant soutenu, dans la discussion, que le principe de la loi dont il s’agit devrait s’appliquer aux représentants nommés par le concours des habitants des parties cédées, comme un de ces représentants, j’avais un intérêt personnel dans la question, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. de Puydt – L’obscurité que j’ai trouvée dans la loi, me laisse dans l’incertitude si j’ai encore un mandat de député, je me suis abstenu.
M. Frison – Je me suis abstenu également parce que je n’ai pas trouvé de principe clairement posé dans la loi.
M. Metz – Représentant d’un district cédé, inutile de dire pourquoi j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Dumortier – La loi qui nous occupe a pour but d’accorder aux officiers étrangers servant actuellement dans l’armée belge, la faculté de se faire naturaliser et de continuer leurs services dans le pays. Cette loi, vous le voyez, s’applique non seulement aux officiers que le gouvernement français a envoyés à la Belgique, quand il paraissait qu’on voulait se défendre, mais encore aux officiers polonais qui servent dans nos rangs. Avant d’aborder la discussion de la loi, je désirerais connaître les mesure que le gouvernement entend prendre relativement à un célèbre général qui est venu nous prêter l’appui de son talent et de son nom, alors que la Belgique paraissait vouloir repousser un honteux traité.
Vous vous rappelez, messieurs, qu’à l’occasion de l’arrivé de ce général, les ambassadeurs de Prusse et d’Autriche ont quitté le territoire de la Belgique, et que le gouvernement a montré cette fois de la fermeté en leur donnant leurs passeports. Aujourd’hui, si nous croyons certains bruit de journaux de divers pays, malgré les humiliations imposées à la Belgique par les puissances, on voudrait encore nous faire congédier l’honorable général auquel je fais allusion. Un pareil acte de la part des puissances serait une humiliation purement gratuite, car sa présence parmi nous n’est une hostilité envers personne ; et c’est un gage de la nationalité belge que sa présence dans nos rangs. Ce ne serait, je le répète, qu’une humiliation purement gratuite qu’on voudrait nous imposer si on exigeait son éloignement. Je désire savoir si le gouvernement est décider à céder aux injonctions qui sont faites ou pourraient être faites relativement au général Scrzynecki.
J’ai dit que ce serait une humiliation gratuite qu’on imposerait à la Belgique. En effet, si l’on en croit certains journaux, il paraîtrait qu’il serait question d’accorder une somme quelconque au général Scrzynecki pour qu’il se retire, et aille résider en Angleterre. Eh bien, je suppose que, dans un ans ou dans deux ans, des hostilités se déclarent entre la Belgique et une autre nation, rien n’empêchera le Roi de rappeler l’honorable général que la diplomatie aurait forcé d’abandonner la Belgique ; puisque rien n’empêcherait de le reprendre au jour du danger, rien ne doit empêcher de le conserver aujourd’hui. Ainsi ce serait une humiliation gratuite qu’on ferait subir à la Belgique, si on la forçait à l’éloigner.
Les puissances étrangères ont souvent donné l’exemple d’appeler des généraux étrangers à leur service. En 1813, la Russie, la Prusse et l’Autriche, qui semblent nous contester le droit d’avoir le général Scrzynecki dans nos rangs, ont appelé dans leur armée le général Moreau, qui portait les armes contre la France. Vous voyez que ces puissances exigent de nous le contraire de ce qu’elles ont fait précédemment. Leur prétention n’est fondée sur rien, si ce n’est le plaisir d’humilier de plus en plus la Belgique.
Avant de voter une loi relative aux officiers étrangers appelés au service de la Belgique, il est nécessaire de savoir si on veut subir cette nouvelle humiliation.
M. Peeters – Messieurs, habitant un pays où il y a continuellement des logements militaires, j’ai eu l’occasion d’apprécier par moi-même les grands services que les officiers étrangers ont rendu à l’armée belge ; aussi j’appuierai très volontiers tout ce que l’on pourra présenter pour leur prouver notre gratitude et reconnaissance.
Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour vous rappeler l’interpellation que j’ai eu l’honneur de faire dernièrement à M. le ministre de la guerre et à laquelle M. le ministre n’a pas répondu, et qui n’a été soutenue par personne, parce que, disait-on, le moment n’était pas bien favorable.
J’avoue aussi, messieurs, que le moment n’était pas bien opportun mais cependant ma motion n’était pas moins juste et fondée.
J’avais eu l’intention de la faire lors de la discussion de la loi sur le chemin de fer ; mais M. le ministre de la guerre ne se trouvait pas dans cette enceinte, je devais la remettre et profiter du moment où il s’y trouverait.
Au reste si l’interpellation avait été faite pour un district qui, par sa situation, intéressait plusieurs provinces, on aurait trouvé le moment fort à propos et ma motion aurait été fortement appuyée, mais, ainsi que l’a fort bien observé, selon moi l’honorable comte Félix de Mérode, lors de la discussion sur le nombre des députés du Limbourg, les districts qui se trouvent à l’extrémité du pays sont toujours négligés.
L’on se montre très susceptible dans cette enceinte, et à juste titre, pour l’inviolabilité de la constitution, mais plusieurs de mes honorables collègues paraissent avoir oublié ou ne pas connaître l’article 32 de la constitution que l’honorable M. Dumortier nous a cité tout à l’heure, et qui dit : Les membres des chambres représentent la nation et non pas la province qui les a nommés ; je demanderai à ces honorables membres, et en particulier à M. Dumortier, dont j’approuve au reste les susceptibilités constitutionnelles, comment ces honorables membres peuvent tolérer, sans manquer à leur devoir, qu’il y eût une Campine entièrement dépourvue de routes et autres communications et pour laquelle l’on ne fait rien, dans un moment où on dépense près de cent millions en travaux publics dans d’autres provinces.
Je demanderai à M. le ministre de la guerre, qui est aussi membre de la chambre, si la constitution lui permet de continuer ainsi sans motifs de priver la Campine des communications dont elle a besoin, et de refuser de répondre à une interpellation si juste et si fondée.
J’ajouterai que, depuis que j’ai eu l’honneur de faire ma première interpellation, un honorable membre de cette assemblée m’a assuré que, tant que le prix des denrées serait si élevé, il y a à craindre pour la Campine de ne pas être déchargée des logements militaires, les militaires y étant nourris par les habitants, on les y laisserait, ce qui favorise l’entrepreneur des vivres, qui dans le moment actuel ne paraît pas pouvoir fournir sans perte.
Je ne puis pas croire que, pour favoriser un seul individu (qui d’ailleurs a eu la chance de gagner beaucoup), M. le ministre de la guerre laissât peser sur la Campine la charge des logements militaires.
J’espère que M. le ministre de la guerre voudra bien répondre aujourd’hui à mon interpellation.
M. le comte F. de Mérode – Messieurs, il m’est impossible d’admettre les modifications présentées par la section centrale au projet de M. le ministre de la guerre. Marchander sur l’existence, en Belgique, de quelques officiers français et polonais qui servent le pays depuis huit ans, serait peu digne des représentants d’un Etat constitutionnel qui doit son affranchissement au grand mouvement politique de 1830. Trop de personnes semblent toujours prêtes à oublier l’appui que la Belgique a reçu de la France et aussi de la Pologne. Sans la révolution de juillet, il n’y avait point de journées de septembre ; sans l’héroïque résistance des armées polonaises, jamais la Belgique n’eût été reconnue indépendante par les monarques absolus du Nord. Je ne parlerai ni de la première expédition française contre la surprise tentée par l’armée hollandaise en 1831, ni du siège de la citadelle d’Anvers. Je m’attache seulement à la solidarité des révolutions de juillet, de septembre et du mouvement de Varsovie qui ne tarda pas à les suivre. Continuer à posséder dans notre armée quelques officiers français et polonais, c’est conserver militairement le souvenir de cette noble solidarité d’intérêts nationaux qui a uni la France, la Belgique et la Pologne à une époque périlleuse qu’il ne faut pas trop tôt perdre de vue.
Je sais que l’esprit exclusif de spéculation tient peu compte des réminiscences de 1830. Faire, au besoin, la cour aux puissances du nord afin d’en obtenir le plus d’avantages commerciaux possibles, telle est la pensée secrète de beaucoup d’adorateurs de ce que j’appelle le « belgisme », étroit sentiment qui n’a rien de commun avec l’amour élevé de la patrie. Celui-ci est étranger aux susceptibilités envieuses qui voudraient exclure du service national quiconque n’est pas né entre Quiévrain et Turnhout. Sans doute, l’armée, l’administration doivent être en masse composées d’indigènes ; mais lorsque des circonstances spéciales ont exigé l’appel des militaires mis en en dehors des limites du pays, il faut exercer pleinement, complètement envers eux les devoirs et les convenances de l’hospitalité. Des habitudes régnicoles se contractent pendant un séjour de huit années. On doit respecter ces habitudes, éviter de les laisser rompre autrement que par la volonté expresse de ceux qui les ont prises.
Nous venons de subir les dures conditions du traité du 15 novembre, nous sommes en ce moment énervés par la mutilation territoriale qui sera incessamment la conséquence de cet acte. Evitons de nous abaisser moralement encore et volontairement par l’absence de procédés larges envers un petit nombre d’hommes qui étaient prêts et ne cessent de l’être, à défendre notre cause au prix de leur sang.
Messieurs, j’ai entendu regretter, par des calculateurs méticuleux, l’arrivée d’un illustre général étranger en Belgique. Quant à moi, je m’en félicite, bien qu’il soit venu tard, et voici pourquoi : l’admission au service belge de ce général, fidèle au principe qui est la base de notre indépendance, infidèle selon les idées de l’usurpation, a donné occasion au gouvernement du roi de déployer de la fermeté au moment même où l’accord de toutes les puissances lui paraissait exiger un déplorable sacrifice. Ce que je crains seulement, je l’avoue, c’est de devoir faiblir notre gouvernement et reculer devant une honorable et première résolution. Toujours par suite des considérations d’ordre matériel il voudra peut-être donner satisfaction aux prétentions injustes qu’il a d’abord écartées avec hardiesse. Puisse-t-il y ajouter la persistance, car, messieurs, ne nous faisons pas illusion, on n’entretient point l’esprit national uniquement pas les soins donnés au bien-être physique. La France fut-elle jamais plus heureuse que sous le régime présent ? Le gouvernement du roi Louis-Philippe favorise l’industrie et les arts, respecte les droits constitutionnels qu’il a juré de maintenir, ne respire que tolérance, indulgence, paix intérieure et extérieure ; mais il a laissé perdre au drapeau de juillet son prestige généreux, et l’on s’arrache les portefeuilles dans les chambres, et l’on se bat dans les rues, malgré tout ce bien-être, qui ne satisfait point l’amour-propre public, et ne donne aux imaginations, aux âmes aucune pâture.
Si des calculs intéressés tendant à éliminer de nos rangs les Français et les Polonais qui y sont aujourd’hui officiers de l’armée belge, nés entre Quiévrain et Turnhout, ne soyez pas dupes du zèle exclusif qu’on déploie pour vous. C’est un ami qui vous prévient et vous défend en soutenant vos camarades étrangers. Les appointements de ces 43 officiers (le rapporteur de la section centrale nous l’apprend) s’élèvent à 172,000 francs, la solde des autres, au nombre de 2,764, monte à 7,482,000 francs. C’est là que le génie économique qui traite les gens selon le besoin actuel qu’il a d’eux, portera bientôt son travail épilatoire. Après avoir fait bon marché des services selon lui ultérieurement inutiles de 43 officiers français et polonais, il ne ménagera pas les 2,764 qui coûtent 7,482,000 francs. La porte de l’épuration fiscale sera ouverte, on aura soin de n’en pas laisser rejoindre les battants. J’appuie le projet de M. le ministre de la guerre, je le reproduis pou mon compte. Je vote donc et je voterai contre celui de la section centrale, malgré le tact avec lequel M. le rapporteur a fait valoir des raisons qu’i était embarrassé de produire, parce qu’il a lui-même des sentiments qui ne s’accordent point avec elles.
Et puisque nous avons occasion de parler de services militaires, c’est le cas de s’occuper des soldats grièvement blessés pur la défense de la ville d’Anvers. Quelques-uns d’entre ceux qui assistèrent au siège de la citadelle, sous les ordres du maréchal Gérard, ont reçu l’ordre de Léopold. Une gratification annuelle de cent francs est attachée à cette décoration, pour les sous-officiers et soldats. Aucun article de la loi sur l’ordre n’exclut les soldats étrangers écorés du bénéfice pécuniaire qu’elle stipule. J’appelle donc à leur égard l’attention de M. ; le ministre compétent, et j’espère que désormais il satisfera au paiement d’une faible rétribution, bien légitiment acquise par des hommes presque tous gravement mutilés.
M. de Brouckere – Je n’ai pas bien compris ce qu’a dit l’honorable préopinant relativement à moi.
M. F. de Mérode – J’ai dit que vous aviez défendu avec tact le système de la section centrale, bien que vos sentiments ne fussent pas conformes aux principes qui sont la base de ses propositions.
M. de Brouckere - Je n’ai pas chargé l’honorable préopinant d’interpréter mes sentiments ; puisqu’il y fait un appel, je lui dirai qu’ils sont conformes à tout ce que contient mon rapport. La preuve, c’est que c’est moi qui ai proposé à la section centrale le projet qu’elle a admis.
M. F. de Mérode – J’avais entendu dire que l’honorable rapporteur était favorable au projet du ministre de la guerre, et que si tous les membres de la section centrale avaient partagé son opinion, le projet n’aurait pas été modifié.
M. de Brouckere – Je le répète, j’assume toute la responsabilité de mon rapport ; il est l’expression de mes sentiments. Mais voici ce qui aura induit en erreur l’honorable membre.
« Le ministre de la guerre, appelé dans le sein de la section centrale, lui a donné sur ses intentions des explications telles qu’elle eût éprouvé peu de répugnance à admettre le projet de loi tel qu’il est formulé. »
J’ai parlé là en mon nom et au nom de mes collègues, car tout a été fait à l’unanimité.
Du reste, d’après tout le discours de l’honorable préopinant, il semblerait qu’on a proposé le rejet du projet ministériel. Il n’en est rien. Le projet de la section centrale aura pour résultat que le gouvernement sera autorisé à conserver, pendant deux ans au service de la Belgique, tous les officiers étrangers admis provisoirement. Mais il ne pourra ni faire aucune admission nouvelle ni recevoir définitivement les officiers admis provisoirement. Voilà quel sera le résultat du projet de la section centrale. Je vous l’avoue, je crois qu’il est de nature à satisfaire, non seulement le gouvernement, mais les officiers étrangers dans l’intérêt desquels il a été rédigés.
Les amis qui vont trop loin sont souvent de maladroits amis. Puisque le préopinant s’est constitué l’ami des officiers étrangers et de l’armée, je prétends que la section centrale est meilleure amie de ces officiers et de l’armée que l’honorable comte de Mérode.
J’ai deux mots à répondre à M. Dumortier qui nous a entretenus d’un général étranger admis depuis peu de temps au service de la Belgique. La loi qui nous occupe ne concerne pas cet officier. Il est admis définitivement au service du pays.
M. de Nef – M. de Brouckere ayant développé ce que je me proposais de dire, je renonce à la parole.
M. Dumortier – J’apprends avec plaisir que l’honorable général Scrzynecki est définitivement admis au service de la Belgique mais cela ne change rien à l’interpellation que j’ai adressée au ministre sur la question de savoir si le gouvernement cédera à la demande d’expulsion de la part des puissances. Je ne suis pas assez convaincu que le gouvernement continuera dans la fermeté qu’il a d’abord montrée. Il faut qu’on sache quelles sont les intentions du gouvernement. C’est assez d’humiliations comme cela, il faut qu’elles aient un terme ; le pays ne doit pas en subir davantage.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – La position de député de l’honorable compte de Mérode ne le met plus à même de connaître les intentions du gouvernement. Il n’est donc pas l’organe du ministère. Les questions d’honneur et de susceptibilités qui peuvent être soulevées entre nations, exigent beaucoup de discrétion et ne doivent pas devenir l’objet de débats publics prématurés. On a supposé que les puissances avaient l’intention d’humilier gratuitement la Belgique. Je dois repousser cette supposition, car je puis, au contraire, donner l’assurance que de toutes parts on montre à l’égard de la Belgique les intentions les plus amicales.
Quant à ce qu’a dit M. le comte de Mérode du gouvernement de juillet, de la guerre de portefeuilles et des émeutes qu’il présente comme la suite de la politique adoptée par ce gouvernement, je n’ai pas mission de m’expliquer à cet égard, mais comme simple député je me bornerai à dire que je ne partage pas son opinion.
Il a demandé pourquoi on ne payait pas la pension aux sous-officiers français décorés de l’ordre de Léopold. Je ferai observer qu’il a été reconnu, avant que j’eusse l’ordre de Léopold dans mes attributions, que la loi n’autorisait pas le gouvernement à payer cette pension aux soldats étranger. Cela a été décidé par la chambre à la suite d’une discussion.
M. F. de Mérode – Je n’ai pas la prétention d’exprimer directement ou indirectement l’opinion du cabinet ; je n’y appartiens pas ; je n’ai même demandé aucune explication sur les intentions, j’ai seulement exprimé mon opinion sur la conduite que, selon moi, on devait tenir.
Quant à ce que vient de dire M. le ministre à l’égard des pensions pour les décorations accordées aux soldats et officier français, je ne sais pas ce que c’est que les décisions prises dans la chambre, qui ne sont pas formulées en loi. Je ne connais de décisions que celles qui sont écrites dan la loi. Or, il est établi dans la loi qui a fondé l’ordre de Léopold que les sous-officiers et soldats qui en sont décorés reçoivent 100 francs de gratification annuelle. Or, les soldats français décorés ont combattu pour une cause belge, ont été mutilés pour une cause belge. C’est une misérable économie que celle qui consiste à ne pas leur donner les cents francs de gratification.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai pas prétendu dire que dans une discussion la chambre avait donné une interprétation législative, mais ce que j’ai entendu dire, c’est que la question a été soulevée dans la discussion du budget des affaires étrangères, à l’occasion des fonds alloués pour les pensions de l’ordre de Léopold, et la chambre a décidé, par le refus d’allouer les fonds, qu’il n’y avait pas lieu de payer les pensions pour les décorations accordées à l’étranger.
Je ferai remarquer une chose, c’est que si mes souvenirs sont exacts, dans d’autres pays on ne paie pas les pensions attribuées à un ordre militaire, quand il est conféré à des étrangers. La Belgique n’agit nullement d’une manière exceptionnelle. J’avoue que si j’avais pu interpréter la loi d’une manière favorable aux soldats français décorés, je l’aurais fait.
M. F. de Mérode – Je demande à répondre un mot à l’observation qu’on ne paie pas dans les autres pays la pension des ordres conférés à des militaires d’une autre nation. Cela importe peu : il y a une disposition législative générale qui porte : que la pension sera accordé aux sous-officiers et soldats auxquels l’ordre de Léopold a été conféré. Généralement on ne donne pas de décoration aux militaires étrangers ; si on l’a fait en Belgique, c’est un cas tout particulier ; l’ordre de Léopold a été donné à des soldats étrangers, qui se sont fait mutiler pour le service de la Belgique, il est convenable de leur payer la gratification qui y est attachée ; c’est d’ailleurs conforme au texte de la loi ; Au surplus, je reproduirai ma proposition quand il s’agira du budget de l’ordre de Léopold, et je serai appuyé par la majorité.
M. de Brouckere – J’avais demandé la parole pour engager l’honorable préopinant à ajourner sa proposition jusqu’à la discussion du budget.
M. Dumortier – Répondant à ma motion d’ordre, M. le ministre a dit qu’il ne pouvait s’expliquer sur des objets donnant lieu à des négociations. On négocie donc ; c’est en présence de ces négociations qu’on doit se prononcer d’une manière ferme, et dire : Non, nous ne céderons pas. Voilà ce que doit faire un gouvernement qui veut repousser toute humiliation nouvelle.
Je demande donc que le gouvernement s’explique nettement, nous dise s’il entend, ou non, céder aux exigences de l’étranger. Si vous refusez de répondre, nous saurons ce que nous devons penser.
Lorsque après avoir voté avec nous une adresse à l’unanimité, le ministère fut interpellé sur les craintes qui circulaient dans le pays, il refusa de répondre, et quelques jours après, il nous présentait un projet de loi pour autoriser le gouvernement à adopter le traité des 24 articles. S’il refuse encore de répondre aujourd’hui nous pourrons prévoir jusqu’à quel point les puissances pèseront encore sur nous. Quant à moi, j’aurai rempli mon devoir en mettant le ministre en demeure de s’expliquer sur une question qui touche à l’honneur national. Il suffirait de prendre l’engagement de ne jamais consentir à une pareille expulsion pour couper court à de nouvelles exigences.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Messieurs, en ce qui concerne un général étranger, dont on a parlé, je me rallie à ce qu’ont dit messieurs les ministre des affaires étrangères et de Brouckere ; sa position le met en dehors de cette discussion.
Quant à la loi qui avait été primitivement proposée, certes je l’aurais préférée à celle que la section centrale y a substituée. Je la trouvais, comme le comte de Mérode, une loi plus large d’équité et d’hospitalité nationale. J’adhère aux sentiments exprimés par le comte de Mérode à l’égard des officiers étrangers qui se sont consacrés au service de la Belgique ; mais c’est exclusivement à cette partie de son discours que je me rallie.
Je dirai quelques mots seulement des considérations qui m’ont déterminé à adopter le projet de la section centrale. Il fallait nécessairement que la position des officiers étrangers fut régularisée et il était à craindre, si la loi donnait lieu à une longue discussion, qu’elle ne pût pas être votée dans cette session. J’ai voulu éviter cet inconvénient, qui était très grave. Je n’entrerai pas davantage dans la discussion, je dirai seulement quelques mots relativement à une interpellation de M. Peeters, je lui dirai que c’est une interpellation à laquelle je n’ai pas à répondre. Il m’a demandé si la constitution me permet de ne pas répondre à une interpellation. Je ne connais aucun article de la constitution qui, comme ministre ou comme représentant, m’oblige de répondre. D’ailleurs, cette interpellation n’a aucun rapport avec l’objet en discussion. Je ferai ensuite observer que l’un des objets de son interpellation, l’établissement de routes, est un objet d’administration générale et non de législation ; c’est un sujet sur lequel le gouvernement doit conserver toute latitude. Un second objet de son interpellation porte sur la continuation des logements militaires et des cantonnements. Dans une autre occasion, j’ai déclaré que le gouvernement était aussi bien pénétré que l’honorable préopinant des inconvénients des logements militaires et que, s’il les continuait c’était pas une raison d’intérêt général à laquelle il lui était impossible de se soustraire.
Je ne répondrai pas à la supposition qu’on veut favoriser un entrepreneur, des considérations de ce genre n’influeront jamais sur les mesures que je croirai devoir prendre. Je trouve parfaitement inutile d’en dire davantage.
M. Peeters – Maintenant que la paix est faite, je désire savoir si on pourra bientôt décharger la Campine des logements militaires oui on non.
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre aux voix l’article unique qui est ainsi conçu :
« La disposition de l’article 3 de la loi du 22 septembre 1831, en ce qui concerne les officiers étrangers admis au service de la Belgique, est prorogée pour un terme de deux ans, à partir de la ratification du traité du 23 avril. »
- On procède à l’appel nominal.
58 membres sont présents.
55 membres adoptent.
3 s’abstiennent.
En conséquence le projet de loi est adopté.
Messieurs F. de Mérode, Dumortier et Frison, qui se sont abstenus sont appelés à annoncer les motifs de leur abstention.
M. F. de Mérode – Je n’ai pas, messieurs, voté contre le projet, parce que ceux qui l’on appuyé ont manifesté des intentions favorables aux militaires qui en sont l’objet ; je n’ai pas voté pour le projet, parce que j’aurais préféré celui qui a été proposé par M. le ministre de la guerre, le projet adopté me paraissant insuffisant.
M. Dumortier – J’ai déjà fait connaître à la chambre ma résolution de ne pas voter pour ces projets qui sont la conséquence du traité ; d’ailleurs les explications données par le ministère à la question que je lui ai faite ne sont pas de nature à me satisfaire.
M. Frison – Messieurs, j’ai senti toute la difficulté qu’il y avait de proposer un amendement à la loi actuelle ; il aurait fallu, pour ainsi dire, établir des catégories, et quoiqu’on pût les justifier par la différence des positions, sans témoigner des sentiments hostiles ou défavorables à aucune des officiers étrangers au service belge, j’ai préféré m’abstenir plutôt que de donner un vote approbatif ou négatif à une loi qui fait trop d’un côté et qui n’est que juste de l’autre.
M. le président – La section centrale a proposé la suppression de l’article 2. M. le ministre se ralle-t-il à cette suppression.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’attendrai la discussion.
M. de Renesse – Le gouvernement, par le projet de loi actuellement en discussion, propose de dissoudre les conseils provinciaux du Limbourg et du Luxembourg, comme une conséquence de l’adoption d’une nouvelle base de leur organisation. Cependant si l’on considère qu’il n’y aurait qu’à faire quelques élections supplémentaires pour les cantons qui, par suite de la nouvelle proportion de la population doivent obtenir plus de conseillers, il paraîtrait préférable de ne faire actuellement dans ces provinces que les élections réellement nécessaires pour compléter le conseil provincial. Il ne faut pas, sans nécessité absolue, dissoudre un conseil provincial, surtout dans ce moment où, par l’acceptation du traité du 19 avril, il y a dans ces provinces tant de différents intérêts froissés, qui y donnent lieu à des dissentiments ; d’ailleurs, cette dissolution s’écarte entièrement de l’esprit de la loi provinciale, et froisserait les droits acquis de tous les conseillers actuels qui ont reçu un mandat déterminé.
Par l’article 2 du projet de loi, le gouvernement propose de réduire la députation permanente des provinces de Limbourg et du Luxembourg a 4 membres ; il me semble que cette proposition ne doit pas être admise ; aussi, dans la plupart des sections et à la section centrale, cette réduction n’a pas été appuyée ; si l’on ne considérait ces deux provinces que sous le rapport de leur population, l’on pourrait croire que 4 députés suffiraient pour y traiter les affaires ; mais comme, par l’article 96 de la loi provinciale, une parfaite égalité a été fixée pour la députation de toutes les provinces, que l’on n’a pas eu égard ni à la population ni à l’importance relative de chacune d’elles ; il ne faut pas dévier de l’organisation uniforme des conseils provinciaux ; si tel est le désir du gouvernement, la loi provinciale devrait être changée pour toutes les provinces, afin qu’elles soient représentées à la députation permanente d’après leur population. Une députation, composée d’ailleurs de six membres, offre plus de garantie, et comme il peut arriver que des absences légitimes empêchent un ou deux membres de se rendre aux séances de la députation ; que parfois des membres sont envoyés en mission, les intérêts de la province pourraient souffrir si les décisions de la députation permanente devaient être retardées, parce que la députation ne se serait pas trouvée en nombre suffisant pour délibérer. Je voterai pour la suppression de l’article 2 et contre la dissolution des conseils provinciaux.
Discussion des articles
Personne ne demandant plus la parole sur l’ensemble du projet, on passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Le nombre de conseillers provinciaux du Limbourg et du Luxembourg, à élire dans chaque canton, sera déterminé par le gouvernement d’après les règles suivantes :
« Il y aura un conseiller provincial sur 5,000 habitants. Lorsqu’il y aura fraction de moins de moitié en sus de ce chiffre proportionnel, la fraction sera négligée ; dans le cas où la fraction atteindrait la moitié en sus de ce chiffre, elle donnera droit à élire un conseiller de plus.
« Toutefois, chaque canton de justice élira au moins un conseiller, quelle que soit sa population. »
- Adopté.
« Art. 2. La députation permanente sera composée de quatre membres. »
- La section centrale propose la suppression de cet article.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, le gouvernement n’attache pas une importance très particulière au maintien de l’article 2 ; cependant je dois dire que, malgré les observations contenues dans le rapport de la section centrale, je persiste à croire que ni le nombre ni l’importance des affaires à traiter par les députations des provinces du Limbourg et du Luxembourg, telles qu’elles sont délimités par le traité, exigent que ces corps soient composés de six membres ; j’ai pensé et je pense encore, que 4 membres suffiront pour expédier très convenablement toutes les affaires.
M. Metz – Je ne vois pas, messieurs, pour quel motif on placerait le Limbourg et le Luxembourg dans un état d’infériorité administrative à l’égard des autres provinces ; le Limbourg et le Luxembourg vont, à la vérité, avoir une population moindre que la plus petite de toutes les autres provinces de la Belgique, mais ce n’est pas le chiffre de la population qui a été pris en considération lorsque la loi provinciale a déterminée le nombre des membres des députations permanentes, puisque ce nombre a été fixé à six pour toutes les provinces indistinctement. Et il devait en être ainsi afin que, comme le disait le rapport présenté alors par l’honorable M. de Theux lui-même, les députations permanentes « puissent s’acquitter convenablement de leurs travaux et former dans leur sein les comités dont l’expérience a démontré l’utilité pour la bonne instruction des affaires. » On a d’ailleurs suivi pour les députations provinciales le même système que pour les cours d’appel, qui doivent toujours être composées de 5 membres, quelque petit que soit le nombre d’affaires dont elles ont à s’occuper.
Voyez, messieurs dans quelle anomalie vous tomberiez si vous réduisiez le nombre des membres des députations provinciales du Limbourg et du Luxembourg ; la loi permet aux députations de délibérer lorsque la moitié des membres sont présents ; des questions du plus haut intérêt pour le Limbourg ou le Luxembourg pourraient donc être décidées par deux membres de la députation présidés par le gouvernement.
Ne craignez-vous pas, messieurs, l’influence extraordinaire qu’un gouverneur pourrait, dans certains cas, exercer sur deux hommes ? Le gouvernement ne pourrait-il pas, de cette manière, devenir en quelque sorte l’arbitre unique des affaires de la province. Mais, messieurs, le plus petit conseil communal est composé de 7 membres, et ne peut siéger que quand plus de la moitié des membres sont présents ; ainsi, pour les intérêts les plus minimes, il ne peut être pris de décision que par 4 membres et les intérêts immenses de toute une province seraient abandonnés à deux hommes. En vérité, messieurs, cela est impossible.
S’il s’agissait, messieurs, d’examiner le nombre d’affaires dont les députations du Limbourg et du Luxembourg auront à s’occuper, je dirai que la députation du Luxembourg aura encore un bien plus grand nombre d’affaires à traiter que beaucoup d’autres provinces de la Belgique ; ainsi par exemple le nombre d’affaires portées devant la députation de la province d’Anvers pendant les cinq derniers mois de 1837 est de 557, tandis que, pendant le même espace de temps, la députation provinciale du Luxembourg a eu à s’occuper de 1,689 affaires, dont un tiers seulement concernait la partie cédée. La raison, messieurs, de ce grand nombre d’affaires qui surgissent dans le Luxembourg est toute simple, c’est que notre province est divisée en une infinité de communes, dont chacune est à son tour divisée en plusieurs sections, ayant leur budget particulier, leur administration particulière ; dès lors, il est facile de concevoir que, malgré le morcellement du Luxembourg, la députation de cette province aura toujours à s’occuper d’un très grand nombre d’affaires.
Si vous réduisez maintenant à quatre le nombre des membres de la députation du conseil provincial (et vous savez qu’ils ne sont pas astreints par la loi à être domiciles dans le chef-lieu) il en manquera souvent, et un grand nombre d’affaires seront décidées par deux personnes.
Je crois, par ces motifs, que l’on ne peut pas hésiter à conserver à la députation du Limbourg et du Luxembourg le nombre de 6 membres qui a été fixé par la loi.
M. Demonceau – Messieurs, vous savez que, d’après la loi provinciale, les députations des états ont des attributions très étendues. Elles portent des décisions en matière électorale, de garde civique et de milice.
Serait-il convenable de voir ces décisions portées dans le Limbourg et dans le Limbourg par un nombre de juges moindres que dans les autres provinces ?
Telle est la question qui a été agitée au sein de la section centrale. Pour mon compte, j’ai cru devoir la résoudre négativement.
J’ai pensé qu’il fallait conserver dans toutes les provinces un nombre égal de juges, afin que les décisions des autorités administratives puissent être considérées comme étant l’expression des conseils provinciaux.
D’ailleurs, je pense qu’il restera encore dans les conseils provinciaux du Limbourg et du Luxembourg assez d’affaires, eu égard à l’étendue de ces provinces, pour que le nombre de six membres ne soit pas trop considérable.
Au reste, il y aurait de graves inconvénients pour les délibérations, si l’on réduisait le nombre de membres à quatre.
J’espère que M. le ministre n’insistera pas sur la proposition qu’il a faite. (Aux voix ! aux voix !)
- La clôture de la discussion sur l’article 2 est mise aux voix et prononcée.
L’article 2 est mis aux voix et n’est pas adopté.
« Art. 3. les conseils provinciaux actuels dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg seront dissous en vertu d’un arrêté du Roi. Les députations permanentes continueront leurs fonctions jusqu’à l’installation des députations élues par les nouveaux conseils. »
- Adopté.
« Art. 4. Dans la première session des conseils, il sera procédé au tirage au sort pour régler l’ordre du renouvellement partiel tant des conseillers que des membres de la députation permanente, conformément aux articles 93 et 100 de la loi provinciale du 30 avril 1836.
« La première sortie aura lieu en 1840, en concordance avec celle des autres provinces »
- Adopté.
« Art. 5. Le Roi fixera la première réunion des collèges électoraux et des conseils provinciaux. »
- Adopté.
« Art. 6. Toute disposition contraire à la présente loi sera abrogée. »
- Supprimé, sur la proposition de M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux).
La chambre déclare l’urgence ; Elle adopte définitivement la suppression de l’article 2 et celle de l’article 6.
On procède à l’appel nominal. La loi est adoptée par 53 membres contre 1 (celle de M. Seron). La loi sera transmise au sénat.
Un membre (M. Sigart-Goffin) s’est abstenu, parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) déclare se rallier au projet de la section centrale, qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les miliciens appartenant aux classes de 1832, 1833 et 1835, resteront provisoirement à la disposition du gouvernement, jusqu’au 1er mai 1840. »
« Art. 2. Le gouvernement fixera l’époque de l’exécution de la présente loi. »
M. Frison – Messieurs, la loi que nous allons voter n’est que transitoire ; aussi ne viens-je pas m’y opposer ; mais M. le ministre de la guerre sera appelé à nous présenter plus tard un projet de loi définitif ; je le prierai donc d’examiner s’il ne conviendrait pas de ne faire tirer nos plus jeunes qu’à vingt ans ; cela se pratique ainsi en France ; M. le ministre de la guerre les connaît aussi bien que moi : je l’inviterai donc à les peser et à les prendre en considération.
- Personne ne demandant plus la parole, les deux articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés.
On procède à l’appel nominal.
La loi est adoptée par 58 voix contre 2 (celle de MM. Dumortier et Seron).
La loi sera transmise au sénat.
La discussion générale est ouverte.
M. de Nef – Messieurs, je suis étonné que M. le ministre de la guerre n’ait pas cru devoir admettre une ancienne créance de la commune de Gheel. Des dégâts très graves ont été commis à la maison communale de cette ville aux mois de février et de mars 1831 par les troupes qui y étaient alors. Mais l’officier commandant n’a jamais voulu délivrer un certificat. Il se trouve que l’administration communale ne peut produire de pièces à l’appui de sa demande, et cependant sa créance est très légitime. Ce fait est bien connu dans la commune et dans les environs.
Je prierai donc M. le ministre de la guerre d’admettre cette créance. S’il en est qui pensent qu’elle n’est pas suffisamment instruire, je le prierai de vouloir ordonner une enquête sur les lieux.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Messieurs, cette créance avait été comprise dans la proposition du gouvernement, sans que les pièces constatant suffisamment la légitimité de la créance y fussent jointes. La commission n’a donc pas cru devoir l’admettre.
M. Verhaegen – Messieurs, la créance de Mme J. Van Eudschot, montant à 32,211 francs 60 centimes, dont l’examen a été naguère ajourné, se trouve aujourd’hui justifiée par les pièces récemment produites. Le gouvernement en a reconnu aujourd’hui la justice en la comprenant dans le tableau joint à son projet. S’il fallait adopter l’avis de la commission des finances, on exposerait le gouvernement à un procès qui deviendrait inévitable et qui amènerait des frais considérables.
Maintenant il faudra nécessairement que l’on cherche à se procurer ces pièces ou que la commission reconnaisse l’impossibilité de les produire et se contente de la notoriété. Je ferai une instruction spéciale pour tâcher de procurer les pièces comptables à la commune.
M. Lejeune – Une pétition est adressée à la chambre par un habitant de la province d’Anvers qui réclame le paiement des prestations faites à l’armée française e 1832.
M. Dolez – Je ne sais si dans le projet qui nous est soumis, se trouve comprise la réclamation du sieur Lautens, ancien entrepreneur de fortifications. A différentes reprises le paiement de sa créance a été ajourné. Un jugement arbitral avait été rendu sur un débat entre lui et le gouvernement ; il avait formé appel sur certains chefs de ce jugement arbitral ; le gouvernement refusa de payer les parties dont Lautens n’appelait pas, tant qu’il maintiendrait son appel sur le reste. Il paraît qu’il a renoncé à cet appel. Alors le débat n’existerait plus. S’il en est ainsi, je demanderai que, dans le cas où il ne serait pas compris dans le projet dont il s’agit, le gouvernement fît diligence pour que bientôt cette créance fût liquidée. Lautens n’appartient pas au pays ; mais la créance appartient maintenant à des nationaux. Au reste que le créancier soit étranger ou non, il mérite l’attention du gouvernement et la justice de la chambre.
M. Rogier – Depuis plusieurs années, diverses communes de la province d’Anvers et quelques particuliers attendent de la chambre le paiement de diverses créances qu’ils ont à charge du gouvernement, et dont le gouvernement a reconnu la validité, puisqu’il a demandé un crédit pour les payer. D’ordinaire, quand le gouvernement demande un crédit, cela suppose qu’il a examiné le fondement de la réclamation, les besoins auxquels le crédit est destiné. Aujourd’hui, par un usage que je ne comprends pas trop, la chambre intervient dans l’examen de la validité des créances ; ce qu’elle ne fait pas pour le crédit principal, elle le fait pour le crédit supplémentaire. Mais si la chambre a confiance dans le gouvernement en ce qui concerne le paiement de créances emportant souvent la somme de plusieurs millions, à plus forte raison doit-elle avoir la même confiance, quand les demandes de crédit sont peu considérables. Peu importe que ce soit des affaires arriérées ou des affaires courantes, le cas est le même. Il me semble que ce travail de la commission est tout simplement le travail de la cour des comptes. Elle paralyse même ainsi les opérations de cette cour, car je crois que quand, par un article de loi, vous avez attribué à un individu une certaine somme, il la touchera quel que soit l’avis de la cour des comptes, parce qu’il tiendra son droit de la loi même. Mais je n’examine pas cette question. Quand le gouvernement demande un crédit pour paiement de créances, que la commission propose d’allouer la somme demandée ou de la réduire, mais qu’elle n’examine pas les créances une à une ; ceci n’entre pas dans les attributions de la chambre.
En ce qui concerne la commune de Gheel, le gouvernement a eu des motifs de croire que la somme réclamée était légitimement due à la commune, puisqu’il a demandé un crédit ; si la réclamation n’est pas accompagnée de pièces suffisantes, cela regarde la cour des comptes. Ce n’est pas à la chambre à décider le fondement ou non fondement d’une créance ; c’est envahir non seulement les attributions de l’administration, mais de la cour des comptes.
Je voudrais qu’on laissât à la cour des comptes le soin de liquider ce qui est liquide, et de refuser son visa à ce qui ne l’est pas. Je ne sais pas si le ministre de la guerre s’est ou non rallié au projet de la commission. (il s’est rallié.) Alors je dois supposer qu’il a présenté à la légère sa demande de crédit. Avec ce système de la commission, des créances reconnues liquides depuis 6 ans ne peuvent pas être payées par suite de l’inertie ou de l’inaction de la commission. Il y a là un abus ; et je crois que la marche suivie par la chambre tend à le perpétuer.
Depuis 1832, la commission des finances est saisie d’un grand nombre de dossiers dont beaucoup ont été égarés, on ne sait où ils sont. Je demanderai ce que sot devenus divers dossiers de créances de la province d’Anvers, qui étaient entre les mains de la commission des finances et dont M. Brabant, qui est malheureusement absent, était rapporteur.
La pétition dont on vient de faire connaître l’analyse a rapport à une de ces créances arriérées.
M. Mast de Vries – D’après l’honorable préopinant la commission des finances n’aurait rien à faire qu’à proposer l’adoption du projet du gouvernement, ce serait la cour des comptes qui examinerait. S’il en était ainsi, pour mon compte, j’en serais enchanté. Quant aux pièces égarées, la commission des finances n’en est pas responsable.
Le projet que nous discutons n’a été présenté qu’hier ; la commission ne peut pas être plus expéditive. Quant à la créance de Gheel, elle n’était appuyée d’aucune pièce ; C’est une demande de 1,451 francs accompagnée d’un état fait par le bourgmestre. La commission n’a pas pu en proposer l’admission.
M. Dolez –Tout à l’heure, quand j’ai pris la parole, je n’avais pas examiné le projet, le temps m’avait manqué, ce qu’expliquent assez les nombreux projets qu’on vous a soumis ces jours-ci ; mais, en l’examinant, j’ai été amené à penser plus que jamais que la chambre, à peine de déni de justice, ne peut pas refuser l’allocation demandée pour Lautens et que je reproduits, puisqu’elle est abandonnée par le ministre ; il est de la dignité d’un gouvernement de ne pas faire attendre huit années des créanciers légitimes. (Interruption.)
Je demande à la chambre la permission de lui présenter quelques observations, et je la prie de m’écouter avec bienveillance. Je n’ai pas l’habitude d’abuser de son attention.
M. de Brouckere – Si l’honorable membre a été interrompu, ce n’est pas que la chambre soit injuste envers lui, mais c’est parce qu’il est admis que les créances arriérées ne seront payées que quand elles auront été examinées par la commission des finances. Si vous ordonnez le paiement sur simple réclamation, il va en surgir une quantité. Je suis à côté d’un honorable membre qui a demandé la parole pour en produire une dont il a les pièces entre les mains.
M. Dolez – Je conçois les observations de M. de Brouckere, mais c’est précisément parce que la créance de Lautens a été examinée et que le seul obstacle à ce qu’elle fût payée est levé, que je demande qu’on n’en retarde pas davantage le paiement.
M. Fallon – Je demande la parole. La réclamation de la commune, d’abord n’était pas suffisamment établie et en second lieu elle soulevait la question de savoir si c’était au trésor à payer l’indemnité demandée. Or, d’après les règlements, c’était le régiment qui avait fait le dégât et non l’état qui devait payer. Voici l’opinion de la commission. Cette affaire présentait donc deux obstacles dont l’un est insurmontable.
Quant à Lautens sa créance a été ajournée d’abord parce qu’elle est établie sur un jugement arbitral. Nous avons remarqué que le ministre de la guerre avait consenti à l’arbitrage, et il n’existe aucune disposition constitutionnelle autorisant un ministre à consentir à un arbitrage dans une contestation. Nous avons examiné si ce jugement, dans la partie à la charge du trésor, pouvait lier l’état. D’abord, il y avait appel de la part du réclamant, contre les parties du jugement qui lui étaient défavorables. Nous avons fait remarquer au ministre de la guerre en 1837, que puisque le réclamant avait interjeté appel d’une partie du jugement, il pourrait, de son côté, également interjeter appel. S’il ne l’a pas fait, nous avons un remède. Le désistement n’est pas légalement justifié ; on ne nous a produit qu’une lettre du sieur Desfontaines se disant fondé de pouvoir de Lautens, annonçant qu’il s’était désiste de son appel ; la commission a voulu savoir si l’appel incident avait été interjeté par le ministre.
Cette créance ne peut donc être liquidée pour le moment.
Quant à la doctrine émise par M. Rogier, quand une demande de crédit se présentera il pourra la produire. Lorsqu’une demande de fonds est faite, la commission doit examiner si l’objet auquel il s’applique doit tomber à la charge de l’état. Nous ne devons que dans ce cas consentir la demande de crédit.
- La discussion est close.
Le tableau et l’article unique du projet sont successivement adoptés, dans les termes suivants :
« Art. unique. Il est ouvert au département de la guerre un crédit de vingt-neuf mille cinq cents vingt-huit francs quatre-vingt-deux centimes (29,528 fr. 82 c.), applicable au paiement des dépenses qui restent à liquider sur les exercices de 1830 et 1831, et qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présenté loi.
« Cette allocation formera le chapitre IX du budget du département de la guerre, pour l’exercice de 1839. »
- On procède ensuite à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à la majorité des 60 voix contre une (M. Seron).
Il sera transmis au sénat.
M. de Brouckere (pour une motion d'ordre) – Est-ce que nous allons discuter ce projet ?
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – On semble étonné de l’instance que met le gouvernement à maintenir à l’ordre du jour la convention relative au canal de Charleroy. C’est une question dont la chambre est saisie depuis quatre ans ; Supposez qu’il y a quatre ans, la commission à laquelle vous avez renvoyé l’examen de cette affaire, fût venue peu de temps après vous faire à l’unanimité la proposition d’adopter la convention, il est très probable qu’on eût procédé à la discussion. Je soutiens qu’a fortiori d’après ce qui s’est passé, nous devons nous occuper de cette affaire. En effet, qu’est-il arrivé ? il s’est établi une discussion entre le gouvernement et la commission.
Deux ministres successivement ont donné toutes les explications réclamées, toutes les pièces ont été imprimées ; dans les derniers temps, j’ai résumé toute la discussion dans un rapport nouveau ; la commission s’est désistée de son opposition et vient nous proposer l’adoption de la convention. Je le demande, faut-il encore ajourner cette affaire ? Nous avons voté beaucoup de dépenses, nous devons aussi songer aux recettes, aux voies et moyens. Il s’agit de savoir si par un nouvel ajournement on consentira à une véritable perte de recettes. Il est constaté par des faits qu’il y a bénéfice pour l’état en reprenant le plus tôt possible le canal de Charleroy. Aucun fait ne peut rendre sa position défavorable, chaque jour de retard est une perte de près de 1,000 francs. Devant ces résultats contestés à l’évidence, voulez-vous, par un nouvel ajournement, pour constater je ne sais quels faits, priver l’état d’une véritable recette, des voies et moyens dont il a besoin ? Si vous ajournez la reprise du canal de Charleroy, vous ne pouvez ajourner le deuxième projet, celui relatif au canal de Terneuzen.
La chambre doit accorder la somme nécessaire pour opérer le dévasement du canal de Terneuzen. Nous avons demandé à la Hollande de rendre de nouveau les quatre lieues de Zelzaete à Terneuzen navigables ; pour lui en demander la mise à exécution, il faut que nous ayons l’argent nécessaire pour le dévasement de Gand à Terneuzen. Si vous séparez les deux projets, où trouverons-nous les 217 mille francs dont nous avons besoin pour le canal de Terneuzen. Séparer les deux objets, c’est voter une dépense sans voter la recette.
Ajourner la question du canal de Charleroy, c’est vous priver d’un bénéfice constaté à l’évidence. J’en appelle à l’honorable rapporteur de la commission. Cet honorable membre au zèle duquel je rends toute justice, a recherché de la manière la plus minutieuse tous les faits contraires à la proposition du gouvernement, et s’il se désiste aujourd’hui de son opposition, qu’avons-nous à attendre u’un travail ultérieur ?
M. Zoude, rapporteur – Mon premier rapport était l’expression consciencieuse de notre opinion ; il était peut-être même conçu en termes trop crus. C’est avec la même vérité, la même conviction qu’après un nouvel examen du projet et des nouveaux documents, nous vous avons proposé l’adoption à l’unanimité, non seulement des membres présents de la commission quand la résolution a été prise, mais encore des membres absents que j’ai consultés depuis.
Je puis vous assurer qu’en retardant l’adoption de ce projet, c’est une perte d’au moins 20 mille francs par mois que vous faites éprouver à l’état. D’ici à la prochaine session, il ne résultera une perte de plusieurs centaines de mille francs.
Tous les arguments qu’il était possible d’invoquer contre le projet ont été exposés avec franchise, tant que nous avons cru que cette convention était une mauvaise affaire, et quand nous avons été convaincus du contraire, c’est avec la même franchise que nous l’avons déclaré.
M. de Brouckere – On ne peut se dissimuler l’importance de la question relative au canal de Charleroy. La seule question à examiner est celle de savoir si la chambre se trouve suffisamment éclairée, si les membres ont assez étudié cet objet pour le discuter immédiatement. Voilà la question que chacun doit se faire ; je sais que la commission qui a examiné le projet, après y avoir été opposée, s’est ralliée au gouvernement, mais combien de temps lui a-t-il fallu pour revenir de sa première opinion ? Il lui a fallu de longues études et une longue discussion.
Et l’on voudrait que nous, nous fussions convaincus en quelques minutes. Car je demanderai au gouvernement lui-même si, dans le cas où il prévoyait que la loi dût entraîner une longue discussion, il insisterait.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Oui, certainement parce qu’il faut des recettes.
M. de Brouckere – Eh bien quel serait ce résultat de votre insistance, c’est que vous n’obtiendriez rien du tout, car demain ou après-demain la chambre ne se trouvera plus en nombre.
Ce que nous pouvons faire de mieux, c’est de passer immédiatement à la loi relative au pilotage ou à celle qui concerne le canal de Terneuzen ; si après cela nous sommes encore en nombre demain, je ne demande pas mieux que de voir discuter le projet concernant le canal de Charleroy, mais ce à quoi je m’oppose, c’est que nous votions une loi si importance sans examen, sans discussion.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, si le projet de loi qui nous occupe en ce moment, que j’ai présenté à la fin de la session de 1834, avait été discuté et adopté à cette époque, l’état aurait déjà profité de plusieurs centaines de mille francs au-delà de l’indemnité allouée aux concessionnaires du canal de Charleroy, par la convention qui vous est soumise. Voilà donc une perte considérable occasionnée par les retards que cette loi a éprouvés ; toutefois je conçois que la commission ait voulu ajourner son rapport définitif jusqu’à ce qu’il fût pris une décision sur le tracé du chemin de fer du Hainaut parce que quelques membres ont pensé que si ce chemin de fer eût été établi latéralement au canal de Charleroy, il en serait résulté pour celui-ci une concurrence fâcheuse ; maintenant que cette question est décidée dans un sens favorable au canal, je ne vois plus ce qui pourrait faire obstacle à l’approbation de la convention. La convention a été basée sur un transport de 250,000 tonneaux, et le transport est aujourd’hui de 290,000 tonneaux ; il y a donc un bénéfice de 40,000 tonneaux ; mais ce n’est pas tout, ce bénéfice va s’augmenter considérablement par l’ouverture des embranchements et par le rétablissement des relations commerciales avec la Hollande, et ce n’est point exagérer que de dire que d’ici à peu d’années le canal de Charleroy produira un bénéfice annuel de 500,000 francs.
M. Verdussen – Je ne viens pas m’opposer, messieurs, à ce qu’on discute immédiatement le projet de loi concernant la reprise du canal de Charleroy ; pour mon compte, je n’ai pas besoin d’un ajournement pour asseoir ma conviction ; j’ai eu l’honneur de faire partie de la commission qui a examiné la convention, et je suis certain que c’est une opération financière très profitable pour le pays ; mais j’ai pris la parole pour détruire l’effet qu’aurait pu produire sur quelques esprits une observations de M. le ministre des travaux publics qui a tellement rattaché la discussion du projet relatif au canal de Terneuzen à celle du projet qui nous occupe, que l’on pourrait croire que l’une dépend de l’autre ; c’est là une erreur, le projet relatif au canal de Terneuzen est complètement indépendant de la convention concernant le canal de Charleroy ; je sais bien que l’on m’objecte qu’il s’agit de voter les fonds pour couvrir cette dépense ; mais à tous moments, messieurs, nous votons des crédits sans voter en même temps des ressources, nous venons encore de voter 21,000 francs, pour lesquels nous ne faisons pas les fonds ; lorsque des crédits sont ouverts au gouvernement, il les prend sur les fonds disponibles, et s’il y a insuffisance, le ministre des finances fait usage de la faculté que nous lui avons donné par la loi sur les bons du trésor ; je pense donc, messieurs, que la loi du canal de Terneuzen ne dépend pas nécessairement de celle qui est relative au canal de Charleroy.
Je conçois, messieurs, que plusieurs membres de la chambre s’opposent à la discussion immédiate parce qu’ils voudraient étudier la question, je ne puis qu’approuver leurs scrupules, mais pour ce qui me concerne ma conviction est formée, et si la loi est mise immédiatement en délibération, je n’hésiterai pas un instant à voter l’adoption.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Mon intention n’a jamais été, messieurs, de faire en quelque sorte violence à la chambre, mais il ne s’agit pas ici d’un petit crédit de 17,000 francs, que l’on peut toujours trouver assez facilement ; il s’agit de 217,000 francs. Cette somme est nécessaire, indispensable pour le dévasement du canal de Terneuzen, et ma première idée était de la demander purement et simplement, mais j’ai dû me demander aussitôt où le gouvernement trouverait les fonds nécessaires, et j’ai été tout naturellement amené à insister pour l’approbation de la convention relative au canal de Charleroy. Il ne serait pas si facile que le pense l’honorable M. Verdussen de trouver 217,000 francs sur les fonds disponibles, après toutes les dépenses que nous avons votées depuis quelques temps. Maintenant, messieurs, vous connaissez le bénéfice que nous perdons aussi longtemps que vous n’avez pas ratifié la convention, vous connaissez d’un autre côté la nécessité de trouver 217,000 francs pour couvrir les dépenses à faire au canal de Terneuzen ; je m’en rapporte à votre décision.
M. F. de Mérode – Depuis quelques temps, messieurs, vous avez voté beaucoup de dépenses, entre autres le remboursement du péage sur l’Escaut, et comme le dit M. le ministre des travaux publics, il faut des voies et moyens pour couvrir ces dépenses. On vous demande maintenant de vous occuper enfin de la convention relative au canal de Charleroy dont vous êtes saisis depuis quatre ans ; on vous fait remarquer que nous perdons tous les mois des sommes considérables par suite du retard qu’éprouve cette affaire ; les membres de la commission, ceux qui ont l’habitude d’éplucher les questions viennent vous dire que l’opération est extrêmement avantageuse pour l’état ; voudrez-vous, après cela, encore ajourner et continuer à perdre indéfiniment les produits du canal de Charleroy ? Quant à moi, messieurs, je suis tout disposé à voter les sommes nécessaires pour le dévasement du canal de Terneuzen ; mais, si l’on veut ajourner la question du canal de Charleroy, je voterai aussi l’ajournement de ce qui concerne le canal de Terneuzen ; si l’on ajourne la recette, j’ajournerai aussi la dépense.
M. Pirmez – Il est possible, messieurs, que quelques membres n’aient pas suffisamment examiné la question, mais il en sera toujours ainsi ; il n’y a aucune question qui soit examinée par tous les membres de la chambre. Ce qui est certain, c’est que tous ceux qui ont voulu étudier la question du canal de Charleroy ont été mis à même de le faire ; on nous a remis, à cet effet, tous les documents nécessaires, et il me paraît, d’après le rapport de la commission et les déclarations du gouvernement, que la chambre prendrait sur elle une grande responsabilité si elle ne s’occupait pas immédiatement de la question.
M. Zoude – On demande l’ajournement, messieurs, parce que l’on fit n’avoir pas suffisamment étudié la question ; je crois que la commission mérite quelque confiance ; d’ailleurs, si nous ajournons, très peu de membres de la chambre pourront se livrer à l’examen des pièces si volumineuses qui se rattachent à cette affaire et que nous avons dû examiner une à une ; il en résultera, messieurs, que la confiance que vous accorderiez aujourd’hui à la commission vous l’accorderiez plus tard à deux ou trois membres de plus. Or, je crois que vous ferez tout aussi bien de vous en rapporter dès aujourd’hui à la commission à laquelle il a fallu, je le déclare, un véritable courage civique pour s’acquitter de sa tâche comme elle l’a fait.
Je dois vous dire, messieurs, que, si la commission a tardé si longtemps à vous proposer l’adoption du projet, c’est, comme l’a dit déjà M. le ministre de l'ntérieur que nous avons craint que la chemin de fer ne reçût une direction parallèle à celle du canal de Charleroy.
M. Fallon – Messieurs, j’ai examiné toutes les pièces relatives au canal de Charleroy, et je crois qu’il est du plus grand intérêt pour l’état que vous adoptiez le projet qui vous est soumis à cet égard ; je crois que la chambre doit faire ici ce qu’elle a fait dans d’autres circonstances, lorsque le trésor se trouvait plus fortement engagé : lorsqu’il s’est agi de la transaction relative au canal de la Sambre, en vertu de laquelle plusieurs millions étaient alloués au concessionnaire de ce canal, il n’y a pas un membre qui ait demandé d’examiner particulièrement les pièces ; et en effet si chaque membre voulait examiner par lui-même des affaires de cette nature, ce serait à n’en pas finir.
Dans des circonstances semblables la chambre doit naturellement voter de confiance. Quant à moi j’ai la conviction intime que la convention relative au canal de Charleroy est éminemment avantageuse pour le trésor public. Je demande donc la discussion immédiate, car plus nous ajournerons, plus nous perdrons, et ce qu’il faut éviter surtout c’est que l’affaire ne retourne devant les tribunaux, car nous avons ce qu’il nous en a coûté pour avoir renvoyé des affaires de cette nature devant les tribunaux.
M. Desmet – Il est certain, messieurs, que nous allons émettre un vote de confiance, car tout le monde sait bien que nous n’avons pas pu examiner les pièces ; la confiance dont nous ferons preuve dans cette circonstance, sera d’autant plus grande que jusqu’au dernier moment, la commission a toujours été contraire à la convention.
Quoi qu’il en soit, je demanderai à messieurs les ministres, s’il y a de si grands avantages pour l’état à reprendre le canal de Charleroy, comment se fait-il que les concessionnaires ne le conservent pas ? Ordinairement lorsque des concessionnaires font de gros bénéfices ils n’abandonnent pas si facilement leur entreprise. Je demanderai si l’on a bien calculé combien coûtera l’entretien et l’administration du canal. Dans tous les cas, une chose que je ne conçois pas c’est qu’on a amalgamé la question du canal de Terneuzen avec celle du canal de Charleroy ; ce sont là deux objets qui n’ont absolument rien de commun entre eux.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On m’a demandé, messieurs, si le canal est en bon état ; je puis déclarer que oui ; M. le ministre des travaux publics l’a fait visiter et en a fait lui-même l’inspection l’année dernière. L’honorable M. Desmet demande comment il se fait que les concessionnaires ont voulu souscrire à une convention aussi avantageuse pour le gouvernement ; la convention a été faite en 1834, et alors les résultats de la navigation du canal étaient encore incertains. Il est assez naturel que les concessionnaires aient préféré un bénéfice certain et la jouissance immédiate de leurs fonds aux chances de l’avenir. Mais, depuis 1834, la navigation a toujours été en s’améliorant, et elle se trouve aujourd’hui dans la situation prospère que je vous ai fait connaître tout à l’heure.
M. F. de Mérode – Les concessionnaires voudraient-ils maintenant qu’on renonçât au marché ?
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Déjà avant que je ne cédasse mes attributions des travaux publics à mon honorable collègue, les concessionnaires désiraient que le gouvernement renonçât à la convention. Il y a bien plus, messieurs, par une circonstance heureuse, nous avons pu, en février 1836, proroger de deux ans le délai fixé pour l’approbation de la convention par les chambres ; depuis lors les concessionnaires ont cru trouver quelques doutes sur la validité de la convention et ils ont signifié au gouvernement qu’ils s’opposaient à la reprise du canal. Ainsi, messieurs, si vous approuvez la convention, il s’agira de savoir si les concessionnaires voudront donner suite à l’exploit qu’ils nous ont adressé alors, mais j’espère, dans leur intérêt et pour leur honneur, qu’ils n’en feront rien, car la convention de février 1836 est claire comme le jour, et l’exploit dont je viens de parler n’a pas le moindre fondement.
Quoi qu’il en soit, je me félicite de la prévoyance qui m’a fait stipuler une prolongation de loi qui avait été d’abord fixée, prolongation sans laquelle le gouvernement eût été déchu par suite des retards qui ont été apportés à la discussion du projet de loi.
M. Devaux – Quelle est l’importance du rachat ?
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, voici les résultats de l’adoption de la convention :
Le gouvernement n’a pas un centime à payer aux concessionnaires ; seulement il restera privé de la rente de 280,000 florins, que les concessionnaires auraient dû lui payer aux termes de la convention qui a été donnée par le gouvernement des Pays-Bas. Mais s’il est privé de cette rente, il ne devra plus tenir compte au concessionnaire de la réduction du péage, réduction qui est de 25 cents par tonneau ; il fera en outre, pour son compte, la recette du péage sur le canal de Charleroy. A l’heure qu’il est, l’état perd annuellement 2 à 300,000 francs, et cette perte va être encore immédiatement augmentée, par suite de deux circonstances que j’ai déjà indiques, l’ouverture des embranchements et le commerce avec la Hollande.
Cette question est tellement claire que je ne conçois pas qu’il puisse rester le moindre doute sur la solution à lui donner.
Messieurs, qu’on puisse faire quelques critiques de détail et dire qu’on aurait pu conclure une convention plus avantageuse encore, c’est une chose à part, mais il suffira que la convention offre des avantages tel que personne ne peut les nier. La convention devant être prise dans son ensemble, il y a lieu de l’adopter, parce que les concessionnaires étaient maîtres de conserver leur canal, n’étaient pas obligés de consentir à d’autres conditions.
- La chambre décide qu’elle s’occupera immédiatement du projet de loi relatif au canal de Charleroy.
Ce projet est ainsi conçu :
« Vu la convention en date du 6 novembre 1834, entre les sieurs Nieuwenhuysen et compagnie, concessionnaires du canal de Charleroy à Bruxelles, et le ministre de l’intérieur,
« Nous avons, etc.
« Art. unique. Le gouvernement est autorisé à donner suite à la convention ci-dessus mentionnée. »
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je ne viens pas justifier l’utilité de la convention ; je m’en suis déjà expliqué, et la commission est d’accord à cet égard avec le gouvernement. Je me bornerai à répondre très brièvement à quelques observations qui ont été faites dans le rapport de la commission ; je commence par rendre justice au zèle de la commission. Mes observations critiques n’auront donc absolument rien de personnel quant à la commission, pas plus que les observations de la commission n’avaient quelque chose de personnel quant au ministre.
L’honorable M. Zoude a dit qu’il s’était établi une espèce de lutte entre la commission et le ministre, la commission désirant retarder la discussion du projet de loi jusqu’à ce que la direction du chemin de fer fût décrétée et le gouvernement voulant au contraire presser cette discussion.
Messieurs, chacun a été loyal dans son procédé. Le gouvernement avait la certitude de l’utilité de la convention ; il était convaincu également que, quelle que fût la direction à donner au chemin de fer, jamais le chemin de fer ne pourrait, pour le transport des charbons, paralyser le canal ; Voilà ce qui explique l’espèce de débat qui a existé entre la commission et le ministre.
Maintenant, dans le court exposé des faits que vous a présenté l’honorable rapporteur, il y a plusieurs assertions que je dois nécessairement rencontrer. Je commence par déclarer que je ne m’étonne pas de quelques-unes de ses assertions, alors qu’il s’agit de faits aussi multipliés et aussi anciens.
La première observation de la commission consiste à regarder comme insolite cette circonstance que j’ai, au mois de mars 1836, adressé à la chambre un rapport écrit en réfutation d’un rapport que la commission avait fait au mois de mai 1835.
A cela je répondrai qu’il n’y a rien d’insolite dans cette marche ; elle a été suivie dans plusieurs occasions. Je dirai même qu’elle était indispensable ici, vu que le rapport de la commission du mois de mai 1835 était très étendu, et qu’il était impossible de rencontrer ses observations dans une discussion orale ; un rapport écrit était dès lors nécessaire et cela mettait la commission à même d’examiner les observation du ministre, et d’aborder d’ »une manière plus complète la discussion publique.
La commission a aussi paru étonnée du délai qui s’était écoulé entre le mois de mai 1835 et le mois de mars 1836, date de ce rapport ; mais la commission a perdu de vue deux faits : le premier que la concession des embranchements n’a été faite qu’au mois d’août 1835, et que la convention subsidiaire, que j’ai dû conclure avec les concessionnaires, est du 1er février 1836. Cette convention avait été nécessitée, d’un côté par la concession des embranchements, et, de l’autre par le délai qui s’était écoulé depuis 1834.
Ainsi, en faisant mon rapport le 21 mars 1836, j’ai fait acte de diligence.
La commission dit que la concession des embranchements, quant à la direction qui obligeait le commerce de payer de forts droits, était favorable aux concessionnaires.
Nous ne nions pas ce fait ; mais cette direction était indispensable pour l’exécution des embranchements. Voici ce qui s’est passé : mon prédécesseur, l’honorable M. Rogier, avait fait, en 1833, l’adjudication des embranchements ; mais les soumissionnaires refusèrent d’accepter l’adjudication, parce que les embranchements, même avec cette direction que la commission considère comme favorable aux concessionnaires, ne leur paraissent pas présenter assez d’avantage. Toutefois, les affaires commerciales ayant repris beaucoup plus f’activité en 1834, les charbonniers de Houdeng et de Marimont firent auprès du gouvernement les instances les plus vives, pour la concession définitive des embranchements ;, et les concessionnaires, mus par la même considération, et sûrs maintenant de la possibilité d’exécuter les embranchements sans perte, acceptèrent la proposition que leur avait été faite par l’honorable M. Rogier au mois de mars 1833, si je ne me trompe.
Voilà comment les faits se sont passés ; la direction, en outre, n’a été que la conséquence de l’enquête qui a eu lieu.
L’on s’est aussi étonné des variations qui ont eu lieu, quant à l’évacuation des transport sur les embranchements ; mais, messieurs, ceci, encore une fois, n’est nullement étonnant, parce qu’il faut tenir compte de l’époque à laquelle ces évaluations ont été données.
Je vous prie de consulter mon rapport du 21 mars qui fournit des explications suffisantes, pour justifier les assertions qui ont été émises à des époques différentes sur le tonnage présumable des embranchements du canal de Charleroy. Tout dépend des époques où ces données ont été fournies.
Quant à la question des indemnités, elle a été résolue favorablement pour les concessionnaires, non seulement par l’ingénieur divisionnaire, mais encore par la commission spéciale qui avait été chargée d’examiner le rapport de l’ingénieur. Ainsi de la part du gouvernement, il y avait des motifs suffisants pour adopter les conclusions de ce rapport qui étaient, d’ailleurs, une compensation des avantages que le gouvernement devait trouver dans la reprise du canal de Charleroy ; car il ne faut pas isoler les questions dans une conventions, il faut, au contraire, voir une convention dans son ensemble.
On a dit que les concessionnaires auraient un grand bénéfice sur leur entreprise ; l’assertion peut être vraie, mais le gouvernement n’avait pas le moyen de les priver de ce bénéfice. C’était le résultat des événements.
Il y a dans le rapport plusieurs particularités concernant les relations de la commission avec M. l’inspecteur Vifquain, je m’y déclare complètement étranger. M. Vifquain a cru devoir donner une note en réponse aux observations de la commission.
Il y a encore un point que j’ai perdu de vue, c’est la question des intérêts. La commission a agité la question de savoir si les concessionnaires devaient au gouvernement les intérêts des avances que le gouvernement des Pays-Bas avait faites, au fur et à mesure des versements. La commission a pensé que oui, l’administration des ponts et chaussées a cru que non. Les concessionnaires se tenaient déjà sûr de leur fait, lorsque, d’après les observations de la première commission, je leur ai demandé une déclaration positive, de ne pas se prévaloir de la convention de 1834 comme si elle tranchait la question des intérêts, pour laisser cette question entière. Les concessionnaires n’ont fait aucune difficulté, parce qu’ils se croient à même de prouver qu’ils ne doivent pas les intérêts. C’est au surplus une question que M. le ministre des finances pourra faire soutenir devant les tribunaux s’il se croit fondé. Pour moi, je n’entends pas discuter ce point, puisqu’il peut devenir l’objet d’un débat judiciaire. Mais ceci est entièrement en dehors de la convention et du projet de loi.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, il est inutile de prolonger la discussion. Je ne répondrai donc pas au discours qu’on vient de prononcer. La commission a consigné ses observations dans son rapport, chacun peut en prendre connaissance.
- Personne ne demandant plus la parole, l’article unique de la loi est mis aux voix et adopté, ainsi que le préambule.
On procède à l’appel nominal.
59 membres sont présents.
6 membres (MM. Desmet, Dubus aîné, Eloy de Burdinne, Sigart-Goffin, Lebeau et Verhaegen) s’abstiennent.
53 membres prennent part au vote.
52 répondent oui.
1 (M. Seron) répond non.
Les membres qui se sont abstenus motivent en ces termes leur abstention.
M. Desmet – D’un côté, je reconnais l’urgence d’allouer des fonds pour le canal de Terneuzen. Mais d’un autre côté je ne suis pas parfaitement au courant de l’affaire du canal de Charleroy. Comme une des lois est la conséquence de l’autre, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Dubus (aîné) – Je n’ai pas eu assez de temps pour me prononcer en connaissance de cause sur le projet.
M. Eloy de Burdinne – Je n’ai pas voulu dire oui, parce que je ne pense pas qu’il faille accorder des votes de confiance ; je n’ai pas voulu dire non, parce que, par le rejet de la loi, j’aurais pu nuire aux finances de l’état.
M. Lebeau – Je me suis abstenu pour les mêmes raisons.
M. Verhaegen – Quelle que soit l’urgence des affaires, il faut au moins les connaître pour les discuter.
Personne ne demandant la parole, les deux articles qui forment le projet de loi sont successivement mis aux voix et adoptés dans la teneur suivante :
« Art. 1er. Un crédit de 217,000 francs est ouvert au département des travaux publics, pour travaux de dévasement et de réparation des berges, à effectuer au canal de Gand vers Terneuzen. »
« Art. 2. Il est également ouvert, au même département, pour dépenses relatives au canal de Bruxelles à Charleroy, les deux crédits suivants, savoir :
« 1° Pour frais d’entretien et d’exploitation, pendant les sept derniers mois de 1839 : fr. 56,000.
« 2° Pour indemnité de reprise due à l’état, pour le même laps de temps, aux terme de l’article 26 de la convention du 6 novembre 1834, entre le gouvernement et la société concessionnaire : fr. 385,802 fr. 47 c. »
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble.
54 membres prennent part au vote.
2 se sont abstenus.
53 ont répondu oui.
1 (M. Peeters) a répondu non.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
M. Dubus (aîné) – Je me suis abstenu parce que ce projet de loi est la conséquence du précédent sur lequel je me suis déjà abstenu.
M. Eloy de Burdinne – Je me suis abstenu parce que je n’ai pas eu le temps d’examiner le projet.
M. A. Rodenbach – Nous avons eu tant de projet à examiner à la hâte, que je n’ai pas eu le temps de lire celui dont il s’agit ; mais nous pourrons demander des explications à M. le ministre.
Je désirerais savoir si on a besoin d’une allocation aussi considérable que celle qu’on demande. Si je suis bien instruit, les administrations de pilotage d’Anvers et d’Ostende doivent avoir des fonds en caisse. Je me rappelle que j’ai soulevé déjà cette question ; j’ai demandé si on ne pouvait pas leur faire rendre compte des excédants. Je sais qu’on paie des pensions à des marins, mais indépendamment de cela, il y avait des excédants. Au reste, je demande des explications, et j’espère que les députés d’Anvers et d’Ostende pourront nous dire dans quel état se trouvent ces caisses.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Vous vous rappelez que dans le cours de la session vous avez par un article du budget des travaux publics décidé que le gouvernement reprendrait l’administration de l’Escaut, de la Lys et de la Meuse. Ce qu’on vous demande aujourd’hui a quelque analogie avec cette mesure que vous avez prise, et la question qu’on soulève en ce moment n’a pu vous êtres soumise à cette époque. Il y a des fonds provenant de la perception du péage sur la Meuse, l’Escaut et la Lys, de même qu’il y en a provenant du pilotage d’Ostende et d’Anvers. Le gouvernement agira à l’égard des fonds provenant du pilotage comme à l’égard des fonds provenant des péages. Il ouvrira à cet égard des négociations avec ces provinces. Il s’agira de savoir s’il peut reprendre ces fonds. Le gouvernement défendra les droits de l’état à l’égard du fonds spécial de pilotage. Quoi qu’il en soit, c’est une question qui reste entière et que le gouvernement décidera conformément aux intérêts de l’état. Mais je suppose qu’il soit décidé que le gouvernement reprend le fonds spécial de pilotage à Anvers et à Ostende ; la loi serait nécessaire, parce que le gouvernement ne peut pas imputer directement des dépenses sur des recettes ; il faudrait que le fonds fût intégralement versé dans la caisse de l’état, de manière qu’en répondant affirmativement à M. A. Rodenbach, encore est-il vrai que le gouvernement ne pourra pas y toucher ou en faire emploi ; il doit les respecter comme toutes les autres recettes de l’état.
Dès lors, je puis me borner à ces explications.
M. Donny – Le gouvernement veut remplacer les institutions locales de pilotage d’Ostende et d’Anvers par une institution générale de pilotage administrée pour le compte de l’état. Dans les développements à l’appui de son projet il a dit qu’il n’existait aucun obstacle légale à ce changement. S’il ne veut s’arrêter que devant des obstacles légaux, je dois reconnaître que, dans cette affaire, il n’en rentrera aucun de cette nature ; il n’y rencontrera que des obstacles de justice et de convenance. Et encore parmi ceux-là je ne veux pas ranger la présence actuelle d’une institution locale à Ostende, car celle-ci a été créée par suite d’une urgente nécessité, d’une manière purement provisoire, et dès le principe elle a été destinée à faire face plus tôt ou plus tard à une organisation définitive. Mais à côté de cette institution provisoire, il y a une autre cause d’embarras qui mérité un peu plus l’attention de la chambre.
Déjà vers le milieu du siècle dernier, la ville d’Ostende se trouvait en possession d’un pilotage municipal que la ville administrait comme les autres biens communaux ; elle en percevait les produits, et supportait les charges qui en résultaient. Cette institution a duré jusqu’à l’invasion des troupes françaises en Belgique ; Alors le service a dû cesser, parce que la république française étant en guerre avec toutes les puissances maritimes, il n’y avait plus de navigation et par conséquent plus besoin de pilotage.
Lors de notre révolution, la ville d’Ostende s’est adressée au gouvernement provisoire pour être remise en possession de cet ancien pilotage. Mais depuis cette époque, ni le gouvernement provisoire ni aucun autre, n’a répondu à cette demande de la ville d’Ostende.
Aujourd’hui, on vous propose un projet qui tranche la question et la tranche d’une manière contraire à la demande faite par cette ville. Cependant elle a fait valoir près du gouvernement, et on peut faire valoir ici des arguments extrêmement forts. Je vais en citer un contre lequel il est difficile d’opposer quelque chose de raisonnable. La ville dit : J’ai construit la superbe chaussée d’Ostende à Wynendaele, et pour la construire j’ai contracté un emprunt considérable au service duquel j’ai affecté non seulement le produit de la chaussée, mais encore le produit du pilotage ; dont à cette époque j’avais la priorité. Aujourd’hui je reste chargé du chef de cet emprunt, d’une dette d’environ 500,000 francs ; la chaussée est entrée dans le domaine de l’état. Voilà un des gages de mes créanciers qui a disparu, et vous voulez aujourd’hui faire disparaître encore leur autre gage, refusant de me remettre en possession du pilotage, dont les produits leur sont hypothéqués. Vous ôtez aux créanciers le gage de leur créance, et à moi, vous m’ôtez le moyen de payer ma dette.
Si l’état veut conserver la chaussée qui est le produit de mon emprunt et recueillir les produits du pilotage, gage de cet emprunt, qu’il se charge de ce qui reste encore à payer de cet emprunt ; je ferai le sacrifice de ce que j’ai déjà versé. Mais du moins que je ne sois pas forcé de payer à la décharge de l’état une dette créée pour une chaussée dont l’état jouit exclusivement. Il me semble que c’est là une argumentation à laquelle il n’y a rien à répliquer.
Je voterai contre le projet de loi qui tranche contre les justes prétentions d’Ostende la question que je viens d’exposer.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il est vrai qu’en 1830, en l’absence de tout service de pilotage, la régence d’Ostende en a organisé un provisoire ; elle a bien fait ; elle a rendu service au commerce ; mais elle savait que cette mesure n’était que provisoire, que tous es droits de l’état étaient réservés. Depuis, la question est restée en suspens ; il devait en être ainsi ; car on attendait le dénouement auquel nous sommes arrivés pour résoudre la question. Le gouvernement ne trouvait pas dans les circonstances d’alors un motif suffisant pour se remettre en possession du pilotage général. Aujourd’hui le gouvernement doit exécuter une des clauses les plus avantageuses de l’article 9 du traité des 24 articles. Il ne peut le faire que par l’établissement d’une administration générale du pilotage. Dès lors, toutes les institutions locales de pilotage doivent cesser ; il les englobe dans son administration générale.
Il est encore vrai que la régence d’Ostende dans le siècle précédent, avait, comme gage d’un emprunt, obtenu l’octroi du pilotage d’Ostende. Cet emprunt comporte une rente de 7,410 florins 99 cents. Faisons une supposition : je suppose pour un moment que le gouvernement dût prendre cette rente à sa charge, il y aurait encore bénéfice, car je paierais volontiers 7,000 florins par an à condition de percevoir tous les revenus du pilotage de la ville d’Ostende. Je suis persuadé que l’excédent sur les dépenses est de plus de 15,000 francs dans les plus mauvaises années.
Mais là n’est pas la question. Il est deux choses que vous décidez par le projet : d’abord vous votez un crédit pour une dépense devenue indispensable, qui doit réaliser une des clauses les plus avantageuses du traité ; en second lieu, vous décidez que désormais le service du pilotage sera une des branches de l’administration publique.
Maintenant est-il dû une indemnité à une localité quelconque ? C’est une troisième question que vous ne décidez pas. Les intéressés devront se pourvoir devant le gouvernement, et en cas de dissentiment ils auront recours aux tribunaux.
Je dois donc dire à l’honorable préopinant que la question d’indemnité par rapport aux localités n’est pas tranchée par la loi, comme il le prétend. Vous ne pouvez même pas la trancher ; et si c’est là le motif pour lequel il croit devoir voter contre le projet, ce motif n’est pas fondé.
Messieurs, par une mesure récente, vous avez nationalisé l’Escaut, vous avez toujours considéré Ostende comme un port national ; certes, par une inconcevable contradiction, vous ne voudrez pas municipaliser le pilotage.
M. Verdussen – Je n’ai pas l’intention d’examiner les droits de l’une ou l’autre localité intéressée dans cette question. Qu’il existe des pensions, des hypothèques, ou tout autre motif pour réclamer des indemnités, leurs droits subsistent ; vos lois ne pourront pas les détruire. Je n’examinerai pas non plus jusqu’à quel point le gouvernement pourrait avoir le droit de s’approprier les fonds qui se trouvent dans la caisse du pilotage d’Anvers.
Les pièces que vous avez sous les yeux vous ont révélé qu’il y avait en caisse 40,000 florins le 1er janvier. Si l’administration locale doit s’effacer devant la suprématie de l’administration générale, quant au fond qu’elle a en caisse, je dois dire un mot de leur emploi. Ces fonds n’ont jamais tourné au profit de la caisse communale ; ils ont toujours formé un fonds séparé, destiné aux veuves et enfants orphelins de ceux qui avaient péri en faisant le service du pilotage. J’ai trouvé dans le rapport de M. Van Hoobrouck une expression sur laquelle je prie la chambre de me permettre de faire une observation. Parmi les motifs que le rapporteur expose à l’appui du projet, il dit que si d’une part le gouvernement est chargé des conditions assez onéreuses qu’entraîne un service de pilotage, il ne faut pas lui en refuser les avantages. Je crains que le gouvernement ne soit porté à envisager ce service sous un faux point de vue et à y voir une question de finances. Ce n’est pas ainsi que le pilotage a été envisagé quand il était sous le patronage de la ville d’Anvers.
Depuis 1822 jusqu’à 1830, nous avons fait tous nos efforts pour abaisser le tarif du pilotage ; mais nous n’avons jamais pu obtenir que la Hollande s’y prêtât ; car, quoique nous fussions alors réunis à la Hollande, il existait une grande rivalité entre la partie méridionale et la partie septentrionale ; et la Hollande sentait que si par l’abaissement du droit de pilotage on attirait la navigation dans le port d’Anvers, les ports de la Hollande en souffriraient. Cependant nous n’avons pas cessé de porter notre attention sur ce point ; et nous avons fini par obtenir dans l’intérêt de la Belgique un abaissement de 20 p.c. qui a été mis à exécution le 23 septembre dernier.
Je provoque de la part du ministre la déclaration qu’il ne regarde pas le service du pilotage comme une mesure fiscale, mais plutôt comme une affaire d’intérêt commercial ; car, ne nous le dissimulons pas, nous avons dans Rotterdam un dangereux rival ; et plus nous accumulerons d’avantages dans les ports de Gand, Ostende et Anvers, plus nous ferons fleurir le commerce de la Belgique, et plus nous augmenterons le bien-être de tout le pays.
M. Van Hoobrouck, rapporteur – Le pilotage a pour but de rendre service au commerce aux moindres frais possibles, et ne doit pas être une spéculation pour l’état. Mais si un avantage en résulte, l’état doit en profiter, puisqu’il a les charges ; ce qui m’a déterminé à mettre cela dans mon rapport, c’est que nous avons vu que la ville d’Ostende avait attribué au paiement de sa dette une partie des bénéfices résultant des droits de pilotage, et j’ai pensé que s’il était possible de retirer un produit quelconque de ce service, c’était à l’état qu’il devait revenir.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je me réfère aux explications qui viennent d’être données par le rapporteur. Le gouvernement ni la chambre ne considèreront le pilotage comme une institution fiscale. Mais si accessoirement il reste 50, 60 ou 100 mille francs, toutes dépenses déduites, il n’y a pas de mal à laisser tomber cet excédant dans les caisses de l’état.
Plusieurs voix – La clôture.
- M. Donny s’oppose à la clôture.
La clôture est mise aux voix et prononcée.
« Article 1er. Un crédit de 174,000 francs est ouvert au ministère des travaux publics (marine) ; pour frais de l’établissement et du service de pilotage, lequel rentrera dans les attributions du gouvernement à la suite de l’exécution du traité du 19 avril. »
- Adopté.
« Art. 2. Le montant de ce crédit, qui formera le chapitre VI du budget de la marine, exercice 1839, sera transféré des budgets de la marine, exercice 1837 et 1838, savoir :
« Du budget de 1837, chapitre II, article 1er : fr. 88,000
« Du budget de 1838, chapitre II, article 1er : fr. 86,000. »
- Adopté.
On procède à l’appel nominal.
57 membres prennent part au vote.
54 adoptent.
2 rejettent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
M. Lejeune donne lecture de la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« Nommé par la régence d’Anvers, à la place de receveur communal, je ne crois pouvoir mieux répondre à la confiance dont des concitoyens viennent de m’honorer encore, qu’en me consacrant entièrement aux fonctions de ma nouvelle charge, dont l’exercice seul me fait connaître l’étendue.
« En conséquence, j’ai l’honneur de vous prier d’annoncer ma démission à la chambre des représentants, conformément à l’article 51 de la loi électorale du 3 mars 1831.
« Séparé de mes honorables collègues, je conserverai toujours le souvenir des preuves de bienveillance qu’ils ont bien voulu me donner dans les relations qui, depuis huit ans, on existé entre nous.
« Je vous prie, d’agréer, M. ; le président, l’assurance de ma haute considération.
« Bruxelles, le 24 mai 1839.
« F.A. Verdussen. »
Rien n’étant plus à l’ordre du jour, la chambre s’ajourne indéfiniment.