(Moniteur belge du 20 décembre 1838, n°355)
(Présidence de M. Raikem)
M. Scheyven procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Des étudiants de l’université de Louvain adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur. »
« Le sieur Charles Engels, soldat pensionné pour cécité, demande que sa pension soit portée au taux de la nouvelle loi sur les pensions. »
« Même demande des sieurs Henri Huyge à Villebroeck et Pierre-Jean Vandervreken à Thisselt. »
M. de Jaegher – Je demanderai que la pétition relative au projet de loi sur l’enseignement supérieur soit renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de ce projet.
M. Verdussen – Je désirerais, messieurs, que la pétition fût imprimée comme toutes celles concernant le même objet que nous avons reçues jusqu’ici, ou que nous recevrons encore ; de même que les observations qui nous ont été communiquées par M. le ministre de l'intérieur ; je voudrais que toutes ces pièces fussent imprimées à la suite du rapport, afin que nous ayons réunis tous les renseignements propres à éclairer la question.
- Ces deux propositions sont mises aux voix et adoptées.
M. Devaux – Il est très bon, messieurs, d’entendre les élèves des universités, et moi-même j’ai demandé dans une séance précédente, l’impression d’une pétition qui nous était adressée par eux ; mais je crois que, dans une question semblable, il serait plus intéressant encore d’entendre les professeurs. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il n’existe pas des avis des professeurs des quatre universités, et si, dans le cas où il en existe, il y aurait quelque inconvénient à les faire imprimer, pour la discussion du projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il n’existe pas d’avis des quatre universités, je possède seulement quelques renseignements que j’ai demandés aux universités de Gand et de Liége ; ces renseignements sont à la disposition de la chambre.
M. Pollénus – Je profite de l’occasion pour demander s’il n’existe pas des avis donnés par le jury d’examen ; je voudrais que, s’il y en a, et si cela ne présente pas d’inconvénients, M. le ministre voulût bien nous les communiquer également.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, j’ai consulté les différents jurys d’examen sur les modifications qu’ils croiraient utiles d’introduire dans la partie de la loi qui les concerne ; les renseignements qu’ils m’ont fournis sont également à la disposition de la chambre.
M. Scheyven fait connaître à la chambre qu’un message du sénat annonce l’adoption par cette assemblée du projet de loi accordant la naturalisation ordinaire au sieur Bourgeois.
- Pris pour notification.
M. le président – M. Van Volxem, qui avait été choisi par le bureau, pour faire partie de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’article 442 du code de commerce, a demandé à être remplacé par un autre membre ; y a-t-il quelque opposition à ce qu’il soit satisfait à cette demande ?
Plusieurs voix – Non ! non !
M. le président – En ce cas le bureau nomme M. Liedts à la place de M. Van Volxem.
M. le président – Nous en sommes arrivés à l’article 3 du chapitre IV ; il est ainsi conçu :
« Art. 3. Frais de l’école industrielle à Gand : fr. 10,000. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Frais d’inspection des athénées et collèges : fr. 8,800. »
- Adopté.
« Art. 5. Subsides annuels aux établissements d’enseignement moyen : fr. 113,000. »
La section centrale propose une réduction de 5,000 fr.
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Non, M. le président.
M. de Langhe – Comme les années précédentes, messieurs, je vais m’élever contre l’allocation dont il s’agit en ce moment, et contre la distribution qui en est faite.
Je ne vois pas sur quoi est fondé le subside que l’on accorde à certains collèges. Si l’on veut subsidier des collèges, comme établissements d’instruction, je crois qu’ils auraient tous droit à la même faveur : si on les subsidie parce que les villes ne sont pas en état de leur fournir les subsides nécessaires, je crois encore que tous les collèges doivent être mis à peu près sur la même ligne ; car toutes les villes sont plus ou moins dans la gêne ; toutes sont obligées de choisir, parmi des dépenses nécessaires, celles qui le sont le plus, et presque partout des dépenses indispensables sont ajournées fautes de fonds ; alors je ne vois pas pourquoi on accorderait des subsides à telle ville plutôt qu’à telle autre.
Je le répète, messieurs, je ne crois pas que l’état doive subsidier les établissements d’instruction secondaire en général ; je pense qu’il faut des circonstances très particulières pour qu’un collège ait droit à un subside ; or, je ne connais pas la situation financière de telles et telles villes dont on a parlé, mais plusieurs d’entre elles ont la réputation de ne pas être pauvres, et dès lors je ne vois pas de motif pour accorder un subside à leurs collèges.
Je vous prierai de remarquer, messieurs, qu’en général, nos dépenses tendent à s’accroître perpétuellement ; tout ce qui a été accordé une fois continue à l’être les années suivantes, et comme toutes les années il se présente de nouveaux objets de dépenses, il en résulte une augmentation continue du budget. J’invite M. le ministre à songer sérieusement à cet état de choses ; nous ne sommes pas à même de proposer des réductions sur toutes les dépenses de crédit qui seraient exagérées ; nous ne possédons pas les éléments nécessaires pour apprécier tous les détails du budget ; c’est au ministère à rentrer dans une voie plus économique, et je suis obligé de dire que, s’il continue à aller toujours progressivement d’augmentation en augmentation, je serai enfin forcé de voter contre des dépenses auxquelles nous ne pouvons faire face qu’en grevant les contribuables de toutes les manières.
Je voterai contre le crédit.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, en règle générale, je suis de l’avis de l’honorable préopinant qu’il faut prendre garde d’augmenter indéfiniment les dépenses de l’état ; aussi je puis dire que le gouvernement veuille avec une sollicitude constante à arrêter le progrès des dépenses, et c’est peut-être la partie la plus difficile de l’administration, puisque le gouvernement est constamment sollicité à entrer dans des majorations de dépenses de toute nature. Mais dans le cas actuel, messieurs, je pense qu’il y a lieu de continuer l’allocation que vous avez votée les années précédentes, et de reporter la discussions des principes posés par M. de Langhe, relativement aux subsides accordés aux établissements d’enseignement moyen, à celle du projet de loi concernant cet enseignement. Quant à la somme de 5,000 francs qui n’a pas reçu d’emploi jusqu’ici, rien n’indique qu’elle ne pourra pas être utilement employée dans le courant de l’année prochaine : plusieurs demandes sont adressées au gouvernement. Au surplus, la somme contestée est très faible, et je ne pense pas que la chambre veuille, pour si peu de chose, mettre le gouvernement dans l’impossibilité de faire droit à des réclamations dont la justice serait démontrée.
M. Demonceau – Comme vous le pensez bien, messieurs, je viens m’opposer à la réduction demandée, et je commence par dire qu’il y aurait un moyen bien facile de faire cesser les plaintes que la section centrale renouvelle tous les ans à l’égard de la répartition des subsides pour l’enseignement moyen ; ce serait de faire ce que nous aurions dû faire depuis bien longtemps, organiser l’enseignement moyen ; alors il n’y aurait plus rien à demander au profit de tel ou de tel établissement d’enseignement moyen ; alors, il faut l’espérer, l’enseignement moyen serait organisé de manière à faire prospérer l’enseignement supérieur. Vous faites beaucoup de dépenses ; vous avez voté pour les universités des sommes considérables que j’ai allouées, que j’alloue toujours. Mais, je dois le dire cependant, si l’on se plaint en général des résultats des études supérieures, c’est que, dans mon opinion, l’enseignement moyen n’est pas bien organisé. Car enfin que voulez-vous qu’un élève qui arrive aux études supérieures apprenne, alors qu’il ne subit pas et qu’il ne pourrait pas le plus souvent subir les épreuves préparatoires pour passer à l’enseignement supérieur ? Voyez ce qui se passe aujourd’hui : Un jeune homme se croit savant, parce qu’il sait un peu ; il se présente à l’université, parce qu’il y est libre d’y faire tout ce qu’il trouve bon, parce qu’il lui est libre d’étudier ou de ne pas étudier ; parce qu’il lui est libre de fréquenter ou de ne pas fréquenter les cours. Voilà la liberté de l’enseignement pour cet élève ; il se présente ensuite à l’épreuve ; le jury a alors le désagrément de devoir renvoyer ce jeune homme ; et c’est le jury qui supporte les conséquences des fautes des élèves.
Je dirai ici publiquement aux élèves, pour que les élèves le sachent (car depuis quelques jours les élèves accablent la chambre de réclamations), je leur dirai à tous : Etudiez autant qu’on étudiait autrefois, et vous ne viendrez pas réclamer tant de modifications au projet de loi sur l’enseignement supérieur.
Messieurs, dans la position où l’enseignement moyen se trouve, il y a un fait certain ; c’est que, si vous refusez le subside aux établissements qui en ont joui jusqu’ici, vous compromettez ces établissements : car, si vous n’avez pas une loi organique de l’enseignement moyen, vous ne pouvez pas remplacer ces institutions. Qu’adviendra-t-il alors de l’enseignement supérieur ? Je veux citer un exemple : la ville de Bruxelles reçoit 25,000 francs pour son athénée. Dans la position où la ville de Bruxelles se trouve, pensez-vous qu’il fût prudent de retirer à son athénée la moindre partie de son subside ? ne compromettriez-vous pas cet établissement ? Il en est de même de toutes les institutions qui se sont formées sous l’empire de la législation qui leur a accordé des subsides.
Et puis, messieurs, ainsi que l’a très bien fait observer l’honorable M. de Langhe, les localités où l’enseignement privé n’a pas encore pris naissance, où l’enseignement privé n’est, en aucune manière, en concurrence avec l’enseignement communal, où l’on doit réunir tous ses efforts pour chercher à maintenir l’enseignement, où l’autorité ecclésiastique elle-même doit se mettre d’accord avec l’autorité civile pour organiser une instruction convenable qui puisse préparer les élèves aux études supérieures ; ces localités, dis-je, que voulez-vous qu’elles fassent aujourd’hui, si vous ne les aidez pas à supporter toutes les charges qu’elles s’imposent de ce chef.
Messieurs, je vous ai souvent parlé de l’école industrielle de Verviers ; j’ai souvent réclamé pour cette établissement un subside quelconque. C’est, messieurs, parce que la ville de Verviers se trouve dans une position critique sous le rapport financier, que j’ai fait ces réclamations. La ville de Verviers ne fait pas comme bien d’autres localités ; elle a eu le malheur de subir des dévastations ; elle paie ces dévastations ; l’administration force les habitants de cotiser pour les payer. Et alors que la ville est obérée, qu’elle fait des dépenses immenses pour soutenir son école industrielle, qu’elle fait tout pour ne pas être en dessous de ses affaires, comment voulez-vous que cette ville ne trouve pas étrange que le gouvernement n’accorde que 1,800 francs à son école industrielle, tandis qu’on donne un subside de 10,000 francs à l’école industrielle de Gand ? Je ne veux pas réduire d’un centime le subside de l’école industrielle de Gand ; je ne prétends nullement dire que le gouvernement fait trop pour cette école ; mais je dis que comparativement le gouvernement fait trop peu pour l’école industrielle de Verviers.
Il est encore dans le district que j’habite d’autres établissements qui ont un besoin indispensable de l’appui du gouvernement. Je citerai entres autres le collège de Herve qui est rétabli depuis le 13 octobre dernier, grâce aux sacrifices volontaires de tous les habitants du canton et à un subside que le gouvernement et la province lui ont accordé.
Vous voyez, messieurs, les efforts que l’on fait dans ce district pour réorganiser l’enseignement ; et n’y trouverait-on pas fort étranger qu’on retirât maintenant au collège le subside qu’il a obtenu ?
Messieurs, il y a sept ans qu’il est question de l’école dont je parle ; on attendu, parce que l’on espérait une organisation prochaine de l’enseignement ; il y a quatre ans que cette organisation se fait attendre. Comme l’on s’est convaincu que ce retard causait le plus grand préjudice à la jeunesse studieuse, l’on a voulu faire cesser cet état de choses : l’autorité civile s’est jointe à l’autorité ecclésiastique pour arriver à un résultat.
Et ici je ferai volontiers un appel à l’honorable rapporteur de la section centrale, et je lui demanderai s’il pense qu’en donnant un subside de 10,000 francs à l’école industrielle de Gand, on observe une proportion équitable en ne donnant que 1,800 francs à l’école industrielle de Verviers ; si, lorsqu’on donne 10,000 francs à un établissement érigé dans une ville de premier ordre, on garde une proportion exacte, en ne donnant que 1,800 fr. à un établissement du même genre dans une localité qui a bien moins de ressources.
Messieurs, si le gouvernement n’a pas dépensé les 113,000 francs qui lui ont été alloués l’année dernière, je suis certain que si M. le ministre de l'intérieur croit pouvoir le dire, vous apprendrez qu’il n’a pas fait usage de tout le crédit, parce qu’il n’a pas et assez de fonds pour satisfaire à toutes les demandes.
Je le répète, messieurs, aussi longtemps que l’enseignement moyen n’aura pas été réorganisé, la chambre doit accorder les subsides à toutes les villes et à toutes les communes qui, dans l’opinion du gouvernement, en auront besoin. J’ose donc espérer que la chambre maintiendra l’allocation de 113,000 francs, et je ne pense pas que l’honorable rapporteur de la section centrale veuille insister pour avoir une économie de 3,000 francs sur une allocation de 113,000 francs, alors que nous avons voté hier 600,000 francs pour les universités.
M. Pollénus – Messieurs, au début de la présente discussion, l’honorable M. de Langhe a adressé à M. le ministre de l’intérieur le reproche d’avoir été prodigue de subsides en faveur de l’enseignement moyen.
Je commencerai pas faire observer à ces honorables membres que, du tableau joint au rapport de la section centrale, il résulte que M. le ministre a conservé disponible une somme de 5,550 francs sur le crédit total que lui avait été alloué, pour pourvoir aux besoins de l’instruction moyenne.
Ce chiffre, ce me semble, réfute d’une manière victorieuse le reproche de prodigalité qui a été adressé au gouvernement. Pour moi, je crois qu’il serait plus difficile de répondre au reproche d’économie que l’on pourrait faire à l’administration, pour n’avoir pas, comme le prouve l’état de répartition, fait usage de la somme entière que la chambre a votée pour les besoins de l’enseignement moyen. Je pense donc que les chiffres que nous avons sous les yeux, repoussent le reproche de prodigalité mis en avant par le premier orateur, mais qu’ils certifient jusqu’à un certain point celui d’une trop grande économie.
Messieurs, est-il probable, ainsi qu’on vous l’a déjà dit, qu’après le vote d’hier, par lequel vous avoué alloué des sommes considérables pour le soutien de l’enseignement universitaire ; est-il possible, dis-je, qu’aujourd’hui vous consentiez à la réduction que propose la section centrale ? Je ne le pense pas, et je vous déclare que je comprends difficilement comment la section centrale propose une réduction sur ce chiffre, alors que je lis en tête de son rapport que les première, deuxième, troisième, cinquième et sixième sections de la chambre ont adopté le chiffre du gouvernement. Ainsi, des six sections de la chambre, cinq ont adhéré à la proposition du gouvernement, et je dois supposer que cette adoption a eu lieu à l’unanimité, puisque l’on ne fait mention d’aucune objection qui aurait été soulevée au sein de ces sections.
Aussi, la réduction proposée par la section centrale, pas plus que le système de M. de Langhe qui demande la suppression de tous les subsides, ne me paraît avoir aucune chance de succès ; il est impossible que la chambre soutienne l’une ou l’autre de ces deux propositions.
Je ne parlerai pas des règles qui ont présidé à la répartition, et dont la section centrale s’est occupée dans son rapport. Tout ce que je demande, tout ce que je veux, c’est que l’on maintienne les choses dans l’état où elles se trouvent, en attendant que la loi sur l’enseignement moyen soit adoptée.
Que résulterait-il d’un système contraire ? c’est qu’au lieu de renforcer l’enseignement moyen, vous le rendriez plus faible encore. Et dans quel moment voudrait-on provoquer un pareil résultat ? alors que le gouvernement lui-même a été obligé de reconnaître, dans le projet de loi qu’il vous a soumis le 7 décembre, que les études universitaires sont tellement fortes que l’état de l’enseignement moyen n’est plus en rapport avec celui des études supérieures, alors qu’il vous déclare, dans son exposé des motifs, qu’il arrive fréquemment que les jeunes gens abordent les études universitaires, sans y avoir été suffisamment préparés.
Le gouvernement est donc forcé de reconnaître que l’état de l’enseignement moyen n’est pas à la hauteur des études universitaires. Et c’est dans un semblable moment que l’on songerait à affaiblir l’instruction moyenne ? La chose n’est pas possible.
Je le répète, si l’on peut adresser un reproche au gouvernement, c’est de n’avoir pas fait assez pour mettre l’instruction moyenne à la hauteur de l’instruction supérieure, en attendant que la première soit organisée par une loi. Ainsi, messieurs, comme on vous l’a déjà dit, il en résultera infailliblement qu’un grand nombre d’établissements, et d’établissements intéressants, crouleront. Or, dans l’incertitude où nous sommes que la loi sur l’enseignement moyen puisse être votée dans le courant de cette session, je crois que nous aurions un grave reproche à nous faire, en opérant ces réductions, et que nous tomberons dans la plus flagrante contradiction, si, après avoir largement doté dans l’enseignement supérieur, nous allions réduire les subsides de l’enseignement moyen qui est en rapport direct avec l’instruction universitaire.
Messieurs, je ne m’étendrai pas davantage à ce sujet, parce que je suis convaincu que la réduction proposée par la section centrale n’a pas la moindre chance d’être adoptée. Je saisirai cependant cette occasion, pour appeler l’attention du gouvernement sur la nécessité d’employer au moins tous les fonds qui sont portés au budget.
Je n’aime pas d’entretenir la chambre d’intérêts de localités ; cependant, je regrette de devoir le dire, il a été impossible à la province de Limbourg d’obtenir quelques subsides non pas en rapport avec ses besoins mais avec ceux qui lui étaient accordés sous le gouvernement précédent. Alors le Limbourg jouissait d’une Athènes qui recevait un subside annuel de neuf mille florins des Pays-Bas. Il me semble que, d’après le système admis de maintenir l’état des choses actuel en attendant la loi sur l’enseignement moyen, pour être conséquent, il conviendrait de répartir l’allocation porté au budget entre les localités où il existe des établissements d’enseignement moyen. Je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur qu’il existe dans le Limbourg un établissement d’enseignement moyen qui mérite l’attention du gouvernement ; je veux parler du collège de Beringen.
Dans le rapport il est dit que le subside accordé à cet établissement ne doit l’être qu’une fois. Ce serait là la plus cruelle des injustices, car vous feriez tomber un établissement aujourd’hui prospère, et d’un autre côté vous auriez accordé un subside en pure perte. Vous n’aurez donc pas assez fait en accordant à cet établissement un subside de 1,500 fr., une fois donnés.
Je crois en avoir assez dit pour faire repousser la réduction proposée.
M. Pirson – Il me reste peu de chose à dire, car M. de Langhe me paraît être seul de son avis. En effet, je ne crois pas qu’on puisse refuser l’allocation demandée quand déjà l’année scolaire est commencée. Iriez-vous anéantir tous les collèges, tous les établissements d’enseignement moyen ? Ce serait tout à fait déraisonnable, tout à fait ridicule. Nous devons nous occuper le plus tôt possible d’organiser l’enseignement moyen. Le discours du trône l’annonce ; j’espère que M. le ministre exécutera cette promesse.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le projet de loi est présenté.
M. Pirson – Eh bien, en attendant que cette loi soit votée, il faut que les collèges marchent. Les cours sont en pleine activité, on ne peut pas les surprendre. La ville de Dinant a une bien faible part dans l’allocation dont il s’agit ; elle ne reçoit que 2 mille fr. pour son collège ; mais je serais fâché que M. le ministre retirât leurs subsides aux villes de Bruxelles, de Namur et de Tournay, qui sont les seules relevant une allocation un peu forte. Quant la loi organique sera faite, on verra s’il faut continuer aux collèges les subsides qu’ils reçoivent aujourd’hui ; mais, en attendant, je voterai pour le maintien de l’allocation en invitant M. le ministre, comme l’a fait M. Pollénus, à faire usage de tout son crédit.
M. Dechamps, rapporteur – Comme vous le voyez et comme cela arrive tous les ans, chacun plaide ici pour l’intérêt de son clocher. Je suis loin d’en faire un reproche aux honorables préopinants ; car, de cette manière, la chambre connaîtra bien les besoins des diverses localités et du pays. Cependant, avant de répondre à ce qu’on vous a dit relativement aux besoins des localités, vous me permettrez de déclarer que je suis loin de partager l’opinion exprimée par MM. Demonceau et Pollénus sur la faiblesse de l’enseignement moyen en Belgique.
L’année dernière, M. le ministre de l'intérieur vous a déclaré que cet enseignement était en voie de progrès et qu’il avait en main tous les éléments pour le prouver à la chambre. Vous n’ignorez pas que depuis la révolution, le nombre des collèges et athénées s’est considérablement accru ; il est infiniment supérieur à ce qu’il était sous le gouvernement précédent, qui n’a pas trouvé de meilleur moyen d’encourager l’enseignement moyen que de supprimer les collèges les plus famés et les plus fréquentes ; cependant, c’est ce gouvernement qu’on veut vous proposer pour exemple.
Je peux citer une grande autorité à l’appui de mon opinion. L’année dernière, un illustre savant, qu’on nomme le Cousin de l’Allemagne, M. Thiersch, envoyé pour examiner l’état de l’enseignement en France et en Belgique (c’est une autorité en cette matière), a déclaré que l’enseignement moyen était en Belgique supérieur à ce qu’il était en France, que la plupart de nos établissements d’instruction moyenne étaient sur un pied aussi élevé, aussi vaste que ceux de l’Allemagne même. Mais ces réflexions trouveront mieux leur place plus tard.
Relativement aux observations de M. Demonceau je conviens que, personnellement, j’allouerais volontiers une somme plus élevée pour l’école industrielle de Verviers.
Je pense que la somme accordée l’année dernière n’a pas été trop élevée. La section centrale a été mue par le motif énoncé dans le rapport ; on ne lui avait pas donné connaissance des nouvelles demandes adressées au ministre qui, ayant à sa disposition la somme ne serait pas dépensée n’en avait pas disposé. La section centrale a dû croire que, relativement aux écoles industrielles de Verviers, Huy et Herve, le gouvernement s’était entendu avec ces établissements et n’avait pas demandé de subsides plus élevés.
Si la section centrale a été trompée sur ce point, si l’école industrielle de Verviers a besoin d’un subside plus élevé que celui de l’année dernière, je suis loin de m’opposer à ce qu’on le lui accorde parce que cette somme ne serait pas dépensée en pure perte ; car, dans mon opinion, les trois quarts de la somme allouée pour l’enseignement moyen sont dépensés en pure perte. Beaucoup d’établissements qui en profitent n’ont véritablement d’autre droit à un subside que d’être déserts, parce que l’opinion publique n’en veut pas. Et le gouvernement, allant au rebours de l’opinion publique, accorde des subsides à ces établissements, pour maintenir l’équilibre. Cet argent est donc mal employé. On pourrait donner moins à des collèges qui ne méritent guère et donner plus à des établissements fondés sur de bonnes bases et qui cependant ne reçoivent que des subsides minimes et insignifiants.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On a déjà dit dans la discussion du budget que la répartition de l’allocation dont il s’agit n’était que la continuation de subsides accordés jusqu’ici, en attendant les principes que la loi sur l’enseignement moyen doit consacrer. C’est alors qu’on examine s’il y a lieu de changer la répartition actuelle. Il a été admis qu’en attendant, ce qui existait devait continuer.
Je ne dirai qu’un mot de la réduction de 5 mille francs qui fait l’objet de la discussion. Si jusqu’à présent toute la somme n’a pas été employée, il ne s’ensuit pas qu’elle le sera pas d’ici à la fin de l’année, car plusieurs demandes m’ont été adressées par divers établissements, et je suis disposé à faire usage, en leur faveur, de la somme disponible. Je n’ai que l’embarras du choix ; vous pouvez la deviner par les discours que vous avez entendus et ceux qu’on se propose de prononcer en faveur de diverses localités.
De ce que, dans un exercice, un ministre a pu faire une économie sur une allocation, ce n’est pas une raison pour proposer une réduction au budget suivant ; ce serait engager le gouvernement à user de tous les moyens mis à sa disposition. Je crois que ce procédé ne serait nullement économique.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Indemnités aux professeurs démissionnaires dans les athénées et collèges : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Instruction primaire : fr. 273,000 »
- Adopté.
« Art. 8. Subsides pour l’instruction des sourds-muets et des aveugles : fr. 20,000.
- Adopté.
« Art. 1. Culte catholique : fr. 4,016,150 »
M. Seron – Messieurs, les traitements et les pensions du clergé excédent 4 millions et demi ; en y ajoutant son casuel, et ses messes, et les suppléments de traitements payés par les communes, et les dons des fidèles en faveur des séminaires, des paroisses, de l’université de Louvain, des jésuites, des missionnaires, des moines mendiants, vivant aux dépens du public malgré les lois répressives de la mendicité, on trouvera que l’église catholique coûte par année au-delà de 9 millions.
Toutefois, et comme si ce fardeau n’était pas déjà assez lourd, on l’augmente encore en portant à 30 mille fr. le traitement de l’archevêque de Malines, parce que monseigneur appartient maintenant au sacré collège, et que son élévation au cardinalat est un grand honneur et un grand bonheur pour le pays. Ainsi, indépendamment des frais de son voyage à Rome, il aura 9,000 francs par année de plus qu’un ministre. Mais vraisemblablement on ne s’arrêtera pas en si beau chemin ; l’année prochaine on lui allouera 50 mille fr., et les évêques alors, invoquant les principes de la justice distributive, exigeront à leur tour des suppléments. Pourquoi pas, puisque la révolution doit tourner entièrement au profit des gens d’église ?
Je vois, d’un autre côté, que les deux universités créées par la loi, l’école militaire, les athénées, les collèges, donnent lieu à une dépense de plus de 900,000 francs. C’est fort bien, mais malheureusement ces établissements ne sont guère accessibles qu’aux enfants des riches, eux à qui les moyens d’apprendre et de s’éclairer ne manqueraient jamais quand même vos institutions ne s’en occuperaient pas.
Je vois qu’on emploie 80,000 francs pour entretenir une police inutile, petite, tracassière et peu propre à faire aimer le gouvernement.
Je vois bien d’autres dépenses inutiles, au nombre desquelles il faut compter celles relatives à l’éducation des vers à soie, genre d’industrie qui ne prospérera jamais sous un ciel humide comme le nôtre.
Et je vois, en même temps, que pour l’institution primaire, pour l’instruction du peuple qui a fait la révolution, du peuple qui supporte presque toutes les charges publiques, du peuple qui compose exclusivement vos armées, du peuple dont votre philanthropie devrait hâter la civilisation et améliorer l’état, on alloue la somme, comparativement très modique, de 275 mille francs.
Ces réflexions sont fort courtes ; cependant elles me paraissent suffisantes pour me faire rejeter l’article soumis à votre examen.
M. Verhaegen – Si quelqu’un veut défendre l’allocation, j’attendrai pour prendre la parole.
M. le président – M. A. Rodenbach a demandé la parole.
M. A. Rodenbach – J’ai demandé la parole pour parler après M. Verhaegen.
M. Verhaegen – Je me permettrai, avant de prendre la parole, de demander un renseignement à M. le ministre de l'intérieur.
Je vois dans le Moniteur du 21 août deux arrêtés datés de la veille. Par l’un on accorde au cardinal-archevêque de Malines un traitement annuel de 30 mille francs. Par l’autre on accorde au cardinal-archevêque une somme de 45 mille francs à titre de frais d’installation. Je trouve dans le budget de 1839 que le traitement de l’archevêque qui, l’année dernière, était de 21 mille francs, est augmenté de 9 mille francs et porté à 30 mille francs. Je ne vois pas de mention de la somme de 45 mille francs ; je demande au ministre comment il compte payer cette somme de 45 mille francs.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Aux termes de l’arrêté sur les fonds disponibles du budget de 1838.
M. Verhaegen – L’arrêté ne dit rien à cet égard ; mais enfin c’est sur le budget de 1838 que cette somme doit être payée.
Messieurs, on ne cesse de prêcher dans cette enceinte la plus sévère économie.
Toute proposition d’augmentation de traitements est entravée et renvoyée à des temps plus favorables.
Moi-même, en parlant cette année sur le budget de la justice, j’ai dit que, quelle que fût la défaveur avec laquelle on avait traité jusqu’à présent la magistrature, constituant un des pouvoirs de l’état, je devais me résigner à voir reculer encore la discussion de ma proposition tendante à améliorer son sort.
Avant-hier, lorsqu’il s’est agi d’une augmentation de traitements réclamée par M. le ministre des finances en faveur de la cour des comptes, au moyen d’une majoration dans le chiffre du budget des dotations ; il n’y eut que des voix pour combattre cette demande, à peine une seule pour la soutenir ; et cependant elle est conforme aux premières idées de la justice distributive et aux convenances, en même temps qu’elle est appuyée par des considérations puisées dans notre pacte fondamental.
Deux honorables membres ont à cet égard fait connaître leurs intentions d’une manière non équivoque.
« Je voterai, a dit l’honorable M. Rodenbach, contre toute augmentation de crédit qu’on demandera cette année, et qui ne sera pas destinée à améliorer la position de l’armée. J’attendrai des temps plus prospères pour rendre à la magistrature et à d’autres fonctionnaires qui se plaignent de la fixation des traitements, la justice qui leur est due. »
« Les traitements, a dit l’honorable M. Dubus (aîné), sont fixés par la loi, et le budget ne fait qu’exécuter la loi ; ce n’est donc pas par un article du budget que des traitements peuvent être majorés, mais seulement par une loi nouvelle. »
« D’ailleurs, a-t-il ajouté, les budgets sont surchargés ; les dépenses qui y figurent sont énormes ; l’économie la plus sévère a été reconnue indispensable.
« Et toutes ces considérations vous les mettriez de côté quand il s’agit des membres de la cour des comptes ? ce serait une inconséquence »
Après des opinions si fortement exprimées, et qui eurent pour résultat le rejet de la majoration demandée aux neuf dixièmes des voix, y aurait-il encore de la témérité de ma part à prêcher l’économie que d’autres ont prêchée avant moi, et à contester d’une part une majoration de traitement réclamée par un article du budget en faveur du cardinal-archevêque de Malines, alors qu’aucune loi n’autorise cette majoration ; et d’autre part, une allocation de gratification à titre de frais d’installation, qui non-seulement n’est appuyée par aucune loi, mais qui est formellement repoussée par la constitution.
En contestant ces majoration et allocation, je ferai abstraction de toute question de personnes ; en remplissant un devoir que je considère comme sacré, je me soumets d’avance au jugement de mes concitoyens, et la chambre voudra bien pendant quelques instants me donner son attention.
Deux questions bien distinctes sont soumises à la chambre.
La première est relative à la majoration d’appointements pour le cardinal par le budget de 1839. Cette majoration est de 9,000 fr.
La deuxième concerne une gratification pour frais d’installation montant à 45,000 fr., que le gouvernement voudrait prendre sur les fonds disponibles accordés au culte catholique par le budget de 1838.
Nous allons nous occuper successivement de l’une et de l’autre de ces questions.
1° Majoration de traitement figurant au budget de 1839
Tout le monde paraît être d’accord qu’en général les traitements doivent être fixés par la loi et que le budget ne peut être que l’exécution de la loi, d’où la conséquence qu’une majoration de traitement ne peut pas être soumise à la chambre dans l’appréciation d’un article du budget, mais doit faire l’objet d’un projet de loi soumis à toutes les formalités exigées par le règlement.
C’est ce que disait dans la séance d’avant-hier l’honorable M. Dubus aîné, et c’est ce qu’a décidé la chambre à une énorme majorité en rejetant la majoration de traitements réclamée par le ministère en faveur de la cour des comptes.
Y aurait-il exception en faveur des ministres du culte catholique, et pourquoi y aurait-il en Belgique des classes privilégiées ?
Serait-il vrai, comme le porte le rapport de la section centrale, « que depuis le congrès hjusqu’aujourd’hui toujours lamajorité dans les chambres, lorsqu’il s’est agi des traitements des ministre du culte catholique, a considéré ces traitements non comme dévolus à des fonctionnaires publics, mais comme une indemnité due au clergé dérivant de la perte de ses biens ? »
Je ne sais ce qu’on appelle la majorité ni de quelle manière elle se serait prononcée sur la question vitale que laisse entrevoir le rapport de la section centrale, mais ce que je sais, c’est que depuis longtemps le pays a fait justice de ces prétentions exagérées qui entraîneraient après elles les plus grandes conséquences ; ce que je sais surtout, c’est qu’une question de cette importance ne peut être présentée incidemment dans la discussion d’un budget, mais doit faire l’objet d’une loi spéciale si on osait encore la soulever d’une manière formelle.
Ce qu’on réclame pour les ministres du culte catholique, ce sont des traitements, et non des indemnités, la majoration demandée pour le cardinal-archevêque de Malines est une majoration de traitement, et non une majoration d’indemnités, recours au budget page 87 et à l’arrêté royal du 20 août 1838.
« Les traitements et pensions des ministres du culte, dit l’article 117 de la constitution, sont à la charge de l’état. Les sommes annuelles pour y faire face sont portées annuellement au budget. »
Il s’agit dans cet article des ministres du culte catholique mais aussi des ministres des différents cultes ; il s’agit pour les uns et pour les autres, de traitements et non d’indemnités ; tous sont mis sur la même ligne.
L’article 114 porte : « qu’aucune pension, aucune gratification, à la charge du trésor public, ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi. »
D’après l’article 115, « les chambres arrêtent, chaque année, la loi des comptes et votent le budget. »
« Toutes les recettes et dépenses de l’état doivent être portées au budget et dans les comptes. »
L’article 78 est ainsi conçu : « Le roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même. »
Enfin, d’après l’article 178 :
« A compter du jour où la constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets et arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés. »
Ainsi, depuis la constitution, ce sont les chambres qui fixent les pensions et les traitements des ministres des cultes, d’après la loi, s’il en existe une ;
Et s’il n’en existe pas une, la question lui est soumise non incidemment par un article du budget, mais principalement par un projet de loi soumis à toutes les formalités prescrites par le règlement ; c’est ce qui a été constamment admis par la majorité de cette chambre ; c’est aussi ce qu’a reconnu l’arrêté royal du 20 août 1838, qui invoque, comme base de la majoration, l’arrêté du 7 ventôse an XI, auquel il attribue force de loi.
Le budget qui, comme on vous l’a dit, ne peut être que l’exécution de la loi, ne pourrait donc, pour l’objet dont nous nous occupons, trouver sa justification que dans l’arrêté-loi du 7 ventôse an XI.
Voilà la question réduite à ses véritables éléments, et ainsi il ne reste plus à examiner que le point de savoir si l’arrêté du 7 ventôse an XI a jamais eu force obligatoire de loi en Belgique, et surtout s’il était encore obligatoire au 20 août 1838.
L’arrêté du 7 ventôse an XI, fait en vue de la loi organique des cultes du 18 germinal an XI, ne présente qu’une mesure administrative pour la France.
L’art. 1er du concordat porte : « Aucune bulle, bref, rescrit, mandat, procuration, signature servant de provision, ni autre expédition de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers ne pourront être reçus, publiés, imprimés et autrement mis à exécution sans l’autorisation du gouvernement. »
D’après l’art. 2. : « Aucun individu, se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra sans la même autorisation exercer sur le sol français ni ailleurs aucunes fonctions relatives aux affaires de l’Eglise gallicane. »
L’art. 3 défend « la publication des décrets des synodes étrangers, des conciles généraux, avant l’examen du gouvernement. »
L’art. 4 défend toute assemblée de concile, synode etc., sans l’autorisation du gouvernement.
La Belgique se trouve placée depuis 1830 dans une autre position que la France, et les mesures administratives prises naguères par la France ne conviennent plus à notre pays.
Si le consulat s’est attribué en l’an XI le droit de fixer de son autorité certains traitements ecclésiastiques, chez nous le pouvoir législatif seul possède cette prérogative.
Le maintien en vigueur de cet arrêté ne serait pas moins contraire à l’esprit de nos institutions qu’au texte de la constitution de 1831.
Les consuls statuaient pour la France, telle qu’elle se trouvait en l’an XI, c’est-à-dire pour un vaste et magnifique empire de 35 millions d’habitants. L’immensité des ressources financières de cet état leur permettait d’être libéraux et généreux envers le clergé.
Le gouvernement belge est placé à la tête d’une petite nation de quatre millions d’hommes, l’intérêt général, autant que la constitution, lui défend d’être prodigue des deniers publics.
En France les traitements du clergé étaient proportionnés à ceux des autres personnes salariées par le trésor.
Les ministres avaient au-delà de 100,000 francs de traitement.
Les préfets de deuxième classe 40,000 francs.
Les premiers présidents des cours, procureurs généraux 40 et 50,000 francs, et ainsi de suite.
La même proportion doit exister dans notre pays ; si un cardinal est rétribué en Belgique sur le même pied qu’il l’était en France, il n’y a pas de raison pour qu’on ne réclame pas aussi en faveur de nos ministres et autres fonctionnaires, les appointements que touchaient ceux de Napoléon, et la chambre serait-elle disposée à faire droit à cette réclamation, alors que son intention bien arrêtée est de procéder avec la plus sévère économie ?
Nos ministres aujourd’hui n’ont qu’un traitement de 21,000 francs, et il a toujours été entendu qu’aucun traitement ne serait supérieur à celui des ministres. Vous aurez encore présentes à la mémoire les observations de l’honorable M. Dumortier, dans la discussion de la loi sur les pensions alimentaires.
En 1831, le traitement de l’archevêque de Malines, a été réduit de 15,000 florins à 10,000 florins et celui des évêques de 9,000 florins à 7,000 florins ; cette réduction était juste. La Belgique ne pouvait pas faire autant de dépenses que le royaume des Pays-Bas, ou l’empire français ; mais si on en revient pour le traitement d’un cardinal aux errements du régime de Napoléon, pourquoi n’y reviendrait-on pas aussi pour ce qui concerne le traitement des évêques ? c’est peut-être le but qu’on se propose. N’y reviendrait-on pas pour les ministres, par simple arrêté ?
En 1831 tous les fonctionnaires ont dû subir des réductions. Les traitements des gouverneurs ont été réduit à 14,000 francs, ceux des présidents des cours et tribunaux et de tous les membres de l’ordre judiciaire, ont été réduits de manière à ne pas leur laisser le strict nécessaire qu’ils avaient avant la révolution.
Le chef de l’ordre judiciaire, le président de la cour de cassation, ne reçoit que 14,000 francs d’appointements.
Cet état de choses doit continuer à subsister, puisque nous avons actuellement besoin de toutes nos ressources financières, et cependant on veut en revenir à des privilèges et adopter le système de l’empire pour les princes de l’église.
Le clergé était naguère soumis à des obligations envers l’état dont il s’est affranchi depuis 1830, et comme nous le disions tantôt, l’arrêté de l’an XI n’était qu’une mesure administrative en rapport avec la politique intérieure de Napoléon.
En France, le gouvernement était ordinairement consulté d’avance sur la nomination des cardinaux, et si, par exemple, la cour de Rome ne le consultait pas, les articles 1, 2 et 3 du concordat donnaient au gouvernement le moyen de rendre la nomination illusoire.
C’est ainsi que la bulle nommant au cardinalat M. Bernier, curé de la Vendée, n’a jamais été publiée et que sa nomination n’a pas eu le moindre effet.
Alors l’église était réellement dans l’état ; en Belgique, il en est tout autrement : l’article 16 de la constitution défend à l’état « d’intervenir ni dans la nomination, ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque ; il leur permet de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »
Le clergé s’est affranchi des obligations qui lui étaient imposées par le concordat, et il voudrait jouir encore aujourd’hui des avantages qui n’en sont que le corollaire.
Si son système était admis, des nouvelles nominations d’évêques à Anvers, à Ypres, peut-être de nouvelles nominations de cardinaux sans l’intervention, ni l’agréation du gouvernement pourraient absorber une grande partie des ressources du budget, et les chambres seraient dans l’impossibilité d’y apporter leur veto ; le pouvoir spirituel l’emporterait sur le pouvoir temporel, et on pourrait craindre alors que l’état ne soit bientôt entièrement dans l’église. En rendant applicables à la Belgique des mesures administratives françaises, telles que celles contenues dans l’arrêté du 7 ventôse an XI, on arriverait nécessairement à des applications analogues, et on tomberait dans le ridicule.
D’après le décret du 1er mars 1808, les présidents des cours d’appel et de la chambre des comptes, ont le titre de baron après un certain temps d’exercice. Les évêques ont le titre de baron, et les archevêques celui de comtes.
Oserait-on jamais soutenir que ce décret a encore force de loi en Belgique et ajouter à un système financier un système d’aristocratie judiciaire ou cléricale ?
Indépendamment de ce premier moyen que nous venons de développer, il en est un aussi péremptoire pour établir que l’arrêté du 7 ventôse an XI n’avait pas force de loi.
D’après l’article 1er de l’arrêt du 3 mars 1814, « aucune loi, aucun arrêté, aucun acte du gouvernement ne peut être mis à exécution s’il n’a été publié dans le Journal officiel. » L’arrêté du 25 février 1814 avait créé le Journal officiel.
D’après l’article 129 de la constitution : « aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale, provinciale ou communale n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi. »
Or, le prétendu arrêté du 7 ventôse an XI n’a jamais été publié en Belgique, il ne se trouve dans aucun recueil. On est allé l’exhumer d’un carton du ministère français !! Il n’est donc pas obligatoire et, avec lui tombe l’arrêté royal du 20 août 1838.
L’arrêté du 7 ventôse an XI, eût-il existé en Belgique, eût-il été publié, et par suite, eût-il été obligatoire ; il est abrogé par la constitution belge comme étant contraire à son texte et à son esprit.
L’article 138 porte qu’à compter de la constitution, toutes les lois, décrets, arrêtés, règlement et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés ; les articles 78, 114, 115 et 117 sont évidemment contraires à l’arrêté du 7 ventôse an XI ; donc celui-ci, eût-il existé en Belgique, est abrogé depuis 1831.
Et le gouvernement a reconnu lui-même que l’arrêté du 7 ventôse an XI n’avait plus force de loi.
Si cet arrêté avait force de loi, il ne fallait pas l’arrêté nouveau du 20 août 1838.
S’il avait force de loi, le gouvernement devait s’y conformer, et il ne lui était pas permis d’y déroger en statuant que ce serait sans cumul ; il fallait tout un ou tout autre, sous peine de se mettre en contradiction flagrante.
Deuxième question
Quarante-cinq mille francs pour frais d’installation.
Cette somme ne figure ni dans le budget de 1838 ni dans celui de 1839, mais le gouvernement veut la prendre sur les fonds disponibles du budget de 1838 ; à cet effet, il s’est adressé à la chambre des comptes qui jusqu’ores n’a pas cru pouvoir donner son assentiment à la mesure proposée.
Toutes les raisons que j’ai fait valoir contre la majoration de traitement s’appliquent également à la demande de 45,000 francs pour frais d’installation.
Si même un doute quelconque pouvait s’élever sur le premier point, il ne s’en élèverait à coup sût pas sur le deuxième ; ici la constitution belge est formelle et tranche nettement la question.
Il ne s’agit pas ici de traitement, mais d’une gratification pour frais d’installation.
Or, d’après l’article 114 de la constitution, « aucune pension, aucune gratification du trésor public ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi. »
D’après l’article 78, le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même.
L’arrêté du 20 août 1838 est donc inconstitutionnel puisque l’arrêté du 7 ventôse an XI, qui lui sert de base, n’a, ainsi que nous l’avons établi par trois moyens différents, aucune force obligatoire en Belgique.
Le gouvernement veut prendre les 45 mille francs sur les fonds disponibles sur le budget de 1838 ; mais si, comme nous l’avons montré, l’arrêté du 7 ventôse an XI n’a aucune force chez nous, il n’a certes pu entrer dans la pensée d’aucun membre de la chambre en 1838 qu’en votant le budget tel qu’il a été pétitionné par le gouvernement, il accordait éventuellement le traitement et les frais d’installation qui pourraient résulter de l’élection d’un cardinal en Belgique.
Qu’est-ce donc qu’un budget ?
Un budget est l’évaluation incertaine et approximative des dépenses ou besoins nécessaires pour assurer un service public et déterminé pendant une période donnée que l’on qualifie d’exercice, et qui s’étend, aux termes de la constitution, à une année dans son état normal ; le budget va du connu à l’inconnu, c’est-à-dire, que la nature des dépenses qu’il comporte est déterminé par le passé ; ce n’est que la répétition d’une année à l’autre des mêmes dépenses soumises à des éventualités plus ou moins grandes qui peuvent en faire varier les chiffres. Celui-ci seul est incertain ; mais une fois fixé par la législature, le chiffre est converti en crédits, allocations, et ne peut plus varier qu’en vertu d’une nouvelle loi.
Or, les dépenses nouvelles qui n’ont point été déterminées d’une manière particulière dans la loi du budget, de même que celles qui ne sont point passées à l’état normal, qui sont contractées et prennent naissance pour une première fois après le vote des chambres, et pour lesquelles la législature n’a pas eu une connaissance suffisante, n’ont évidemment point été comprises dans les allocations ; elles ne peuvent dès lors être imputées sur le budget, elles doivent faire l’objet d’un crédit nouveau et spécial.
C’est ce qu’on reconnu, en 1836, les chambres françaises, dont la section centrale invoque elle-même l’opinion dans son rapport.
Il s’agissait de pourvoir, pendant l’année 1836, au traitement et aux frais d’installation dans la dignité de cardinal de l’archevêque de Bordeaux. Déjà cependant il existait en France deux cardinaux, et ainsi la nature de la dépense était même prévue au budget.
Toutefois le gouvernement crut devoir demander un crédit spécial, parce que, comme le disait le ministre chargé de présenter le projet de loi, les besoins de la dépense ne s’étaient fait sentir que postérieurement au vote du budget et n’avaient pu ainsi faire partie de ses prévisions (Moniteur français de 1836, page 442).
C’est aussi ce qu’a reconnu la cour des comptes en n’approuvant pas jusqu’ores le mandat qui lui avait été présenté par le gouvernement, dont nous avons obtenu communication en notre qualité de député.
En prenant la voie qu’elle a prise, la cour des comptes a dignement rempli la mission que la chambre lui a confiée et elle mérite à tous égards notre approbation.
Ce corps de magistrature appelé à contrôler la comptabilité du gouvernement a droit à la reconnaissance du pays, et bien particulièrement à celle du petit clergé dont il a défendu les droits ; en effet combien de curés de villages, de vicaires, et d’autres ecclésiastiques n’ont pas droit à des pensions et à des secours que les 45,000 francs distraits du budget de 1838 au profit des princes de l’église étaient probablement destinés à couvrir ! En ne s’associant pas au projet du gouvernement, il a défendu les faibles contre les forts, il a obéi à la loi des lois.
Nous aussi, en suivant cette voie, en empruntant même quelques idées de la cour des comptes exprimées dans sa missive du 2 novembre, nous avons rempli un devoir, difficile, nous le savons, dans les circonstances actuelles, mais sacré ; nous avons obéi à la voix de notre conscience. On ne cesse dans le moment de crise actuelle de prêcher l’union entre toutes les classes de la société, on veut éviter toute discussion irritante ; mais si on le veut sincèrement, alors au moins qu’il y ait trêve d’empiétements et d’attaques ; que chacun conserve ses droits et remette à d’autres temps des prétentions qui tout au moins peuvent paraître exagérées. Pour nous, en nous bornant à la défensive, nous n’encourrons aucun reproche et nous en appellerons volontiers au jugement du pays.
M. le président – La parole est à M. Dubus (aîné) pour un fait personnel.
M. Dubus (aîné) – Je n’ai la parole que pour un fait personnel. Je ne sortirai pas de la question personnelle, puisque ce n’est pas mon tour de parole. J’ai dû réclamer la parole, puisque l’honorable préopinant a travesti mon opinion, puisque je n’ai pas dit ce qu’il me fait dire.
A entendre le préopinant, j’aurais posé en principe absolu que tous les traitements sont fixés par la loi, et j’aurais tiré de là cette conséquence : qu’on ne peut majorer aucun traitement par la loi annale, par la loi du budget. Ce principe absolu que le préopinant m’attribue, je ne l’ai jamais avancé, par la bonne raison qu’il est contraire à la vérité. Je n’ai jamais dit que tous les traitements sont fixés par la loi, car cela est faux. Certains traitements sont fixés par la loi, certains traitements sont fixés par arrêtés. Si j’avais dit que tous les traitements sont fixés par la loi, j’aurais dit la chose qui n’existe pas, car cela n’existe pas.
Les traitements de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi ; pourquoi ? parce que la constitution contient un article portant que ces traitements seront fixés par la loi. D’autres traitements ont été fixés par la loi sans que la constitution l’ait prescrit ; un plus grand nombre de traitements sont fixés par arrêtés, et beaucoup par des arrêtes qui n’ont jamais été insérés au Bulletin des lois. Tous les traitements des militaires sont fixés par arrêtés ; tous les traitements du département des travaux publics sont fixés par arrêté ; les traitements ecclésiastiques sont fixés par arrêtés, sauf les traitements des vicaires, que nous avons eu l’occasion de fixer par une loi, il y a deux ans.
Pour le dire en passant, les arrêtés du gouvernement précédent qui ont fixé les traitements des ecclésiastiques n’ont pas été insérés au Bulletin des lois ; et, sous le gouvernement précédent comme sous celui-ci, personne n’a jamais réclamé à cet égard.
Ainsi je n’ai pas pu dire que tous les traitements sont fixés par la loi, il n’en est pas ainsi ; j’aurais menti à ma conscience en disant pareille chose ; car, si certains traitements sont fixés par la loi, un plus grand nombre sont fixés par arrêtés non insérés au Bulletin des lois.
Sans doute j’ai dit dans une séance précédente : Lorsqu’il s’agit de traitements fixés par la loi, vous ne pouvez adopter de modifications à cette loi dans la loi annale du budget, et si vous trouvez les traitements insuffisants, il faut modifier la loi qui fixe ces traitements. Mais il en est tout autrement lorsqu’il s’agit de traitements fixés par arrêtés. Il est bien évident que le gouvernement peut majorer par arrêtés les traitements qu’il a déjà fixés par des arrêtés.
Je crois m’être suffisamment expliqué sur le fait personnel ; personne ne se trompera sur la portée de mon opinion.
M. le président donne lecture de deux amendements déposés par M. Verhaegen ayant pour objet le premier, une réduction de 9,000 francs, le deuxième, une réduction de 45,000 francs sur l’article 1er en discussion.
Ces deux amendements sont appuyés.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le premier orateur qui a parlé sur l’article en discussion a déclaré qu’il voterait contre l’allocation de base en faveur du culte catholique. Je pense que cet orateur a perdu de vue l’article de la constitution qui consacre l’existence de traitements pour les ministres des cultes ; c’est la seule réponse que j’aie à faire à son discours.
Le second orateur vous propose une diminution de 9,000 francs formant aujourd’hui l’augmentation de traitement allouée à l’archevêque de Malines, aujourd’hui cardinal. Il vous a dit que l’arrêté royal qui a accordé cette majoration de traitement est contraire à la constitution ; que l’arrêté du 7 ventôse an XI a été mal à propos invoqué par le gouvernement ; que le traitement, dans tous les cas, sera excessif, et qu’il était au moins intempestif de le porter à ce taux dès l’époque actuelle.
Pour répondre au reproche d’inconstitutionnalité, je n’ai besoin que d’en appeler à vos souvenirs. L’arrêté du régent qui a réduit les traitements de l’archevêque et des évêques est postérieur à la constitution, et je ne sache pas que M. Verhaegen ait jamais demandé que, pour rentrer dans les règles constitutionnelles, on exécutât les anciens arrêtés du gouvernement précédent, et qu’on reportât les traitements de l’archevêque et des évêques au taux où ils étaient d’après ces arrêtés. Telle cependant devrait être la conséquence de son discours.
Des fixations de traitement sont été faites par arrêtés royaux en faveur du culte protestant et en faveur du culte israélite. Jamais l’honorable membre ne s’est élevé contre ces traitements ainsi fixés. Je crois donc que l’opinion qu’il a énoncée dans le moment actuel est erronée ; elle est du moins en opposition avec celle qu’il avait lors de la discussion du budget de l’an dernier, car alors il n’a élevé de ce chef aucune espèce de réclamation.
L’arrêté du 7 ventôse an XI, dit le préopinant, n’est pas une loi. Sous ce point nous sommes entièrement d’accord. Mais de ce que cet arrêté n’est pas une loi, il ne s’ensuit pas qu’il n’est pas obligatoire aussi longtemps que le gouvernement ne l’a pas rapporté.
Cet arrêté n’a pas été inséré au Bulletin des lois, je le reconnais ; mais, dit l’honorable membre, cet arrêté (comme acte administratif) aurait dû être inséré au Bulletin officiel. Ici je diffère entièrement d’opinion avec lui. Il y a des centaines d’arrêtés contenant des dispositions d’ordre intérieur qui n’ont jamais été insérés au Bulletin officiel. Quelles personnes ont besoin de connaître de tels arrêtés ? D’abord la cour des comptes ; il suffit pour cela de lui notifier ; ensuite la partie intéressée.
Ce sont les seules personnes qui aient besoin de connaître ces arrêtés, et c’est ainsi que cela se pratique lorsque des subsides, des traitements ou des pensions sont accordées par arrêtés royaux ; il n’est nullement d’usage d’insérer ces arrêtés au Bulletin officiel. La constitution n’exige la publication que des arrêtés qui ont pour objet l’administration générale et qui imposent des obligations à remplir.
Mais, dit-on, l’arrêté du 7 ventôse an XI doit être considéré comme abrogé de plein droit, par cela seul qui était en corrélation avec des mesures préventives à l’égard du culte et que ces mesures n’existent plus aujourd’hui. Ici je renvoie l’orateur à la constitution qui, d’une part, a aboli toutes les mesures préventives à l’égard des cultes, et d’autre part consacré formellement l’existence de pensions et de traitements en faveur des ministres des cultes.
Au moins, dit-on, cet arrêté ne peut plus être invoqué parce que les traitements des cardinaux fixés pour la France seraient excessifs pour la Belgique, eu égard à la différence de population des deux pays. Je répondrai qu’actuellement le traitement des évêques n’est pas moindre en Belgique qu’en France, quoique la France ait une population supérieure ; c’est qu’en effet la dignité est la même ; au surplus à cet égard le gouvernement a opéré une réduction puisque, par l’arrêté royal qui a été pris, on a supprimé la disposition qui autorise le cumul. Le préopinant a fait observer encore que depuis la révolution plusieurs traitements ont été réduits ; eh bien par ce même motif le traitement de cardinal a été également réduit puisque le cumul n’a pas été permis.
Mais, dit-on le moment était inopportun pour accorder une augmentation de traitement à l’archevêque de Malines, alors que plusieurs majorations ont été ajournées. Ici on a perdu de vue que c’était une dignité nouvelle que l’archevêque allait recevoir, à laquelle il fallait affecter un traitement nouveau, et qu’il n’eût été ni convenable ni conforme à l’honneur du pays d’ajourner une mesure allocative de neuf mille francs sous le prétexte que ses ressources seraient insuffisantes.
Pour mon compte je n’aurais pas voulu alléguer un tel motif que j’aurais considéré comme injurieux pour l’état financier du pays, et si l’archevêque avait été nommé cardinal depuis un grand nombre d’années, et qu’il se fût agi, cette année, d’augmenter son traitement, l’observation de l’honorable membre aurait alors trouvé sa place ; mais il a été nommé à une dignité nouvelle pour laquelle il fallait fixer un traitement supérieur à celui d’archevêque, et cependant le traitement demandé est moindre que celui que recevait l’archevêque de Malines avant l’arrêté du régent, puisqu’il recevait 15,000 florins ; on ne peut donc pas dire que 30,000 francs soit un traitement excessif.
En ce qui concerne les 45,000 francs, alloués à titre d’indemnité, pour dépenses et frais d’installation, on ne peut y trouver rien de contraire à la constitution ; une telle indemnité n’a aucunement caractère de gratification. Il est vrai que cette dépense n’est pas littéralement exprimée dans le budget de 1838 ; mais ceci n’était pas nécessaire, puisque ce budget porte une somme globale sous le titre ; Culte catholique.
Reste à savoir si la dignité de cardinal est dans le culte catholique, et si la communion catholique, en Belgique, a un intérêt réel à être représentée au sacré collège. Or, ceci ne peut faire de doute, tous les états catholiques ont tenu à avoir des représentants au collège des cardinaux.
Aussi la cour des comptes n’a point rejeté la demande de l’allocation de 45 mille francs ; elle m’a communiqué seulement des observations sur cette demande ; mais j’ai répondu par d’autres observations que je considère comme probantes, et je pense qu’elle adoptera mon opinion, parce que je l’ai établie sur des raisons solides.
Si en France l’on a demandé une allocation supplémentaire à la suite de la nomination d’un cardinal, c’est que l’arrêté de l’an XI y a été rapporté par le gouvernement à cause de l’esprit de réaction qui s’est manifesté en 1830. Mais ici l’arrêté n’a pas été rapporté, et nous n’avons pas eu, dans ce pays, à exercer une réaction de cette nature.
Je crois que si le gouvernement avait refusé la somme nécessaire pour les frais d’installation, que s’il avait refusé l’augmentation de traitement convenable à la nouvelle dignité, il aurait fait un acte d’intolérance vis-à-vis du plus grand nombre des Belges, puisque c’est le plus grand nombre qui, chez nous, professe la religion catholique. C’est donc mal à propos que l’honorable membre a fait allusion à l’influence du clergé catholique en France : on a montré, à l’occasion de la même question de traitements, qu’elle est du nombre de celles que les convenances empêchent d’agiter ; je crois que vous suivrez cet exemple, et que vous ne prolongerez pas des débats que je considère au moins comme oiseux.
M. Seron – M. le ministre de l'intérieur me reproche d’oublier l’article de la constitution qui (Erratum, Moniteur belge du 21 décembre 1838 :) met les traitements des ministres du culte catholique à la charge de l’état ; je n’ai point oublié cet article ; mais je n’ai pas non plus oublié mon devoir qui me défend de voter des dépenses tout à fait inutiles, et je ne sais comment je ferai pour ne pas adopter l’article du cardinal-archevêque de Malines et pour adopter le reste.
M. A. Rodenbach – Les honorables députés qui ont pris la parole au commencement de cette discussion ont parlé du luxe et de la somptuosité du clergé belge : il me semble qu’il est facile de leur répondre en recherchant si, en effet, le clergé belge est plus largement payé que le clergé des autres pays.
En Angleterre, le clergé est accablé de millions ; mais nulle part il n’est aussi riche.
Le budget en France s’élève à 35 millions ; le nombre des prêtres salariés y est de 40,000 ; il s’ensuit que la moyenne des traitements de 875 francs.
En Belgique, il y a 4,900 prêtres ; notre budget s’élève à 4 millions 16 mille francs ; la moyenne des traitements n’est donc, chez nous, que de 800 francs. Ainsi les traitements de notre clergé sont encore inférieures à ceux du clergé français.
L’honorable président de la chambre française, M. Dupin, a soutenu que la France était le pays de l’Europe où le clergé était le plus mal payé. Certes, on n’accusera pas M. Dupin d’avoir caressé l’influence cléricale, lui qui est véritablement libéral ; cependant il s’est trompé, puisque le clergé belge est encore moins payé que le clergé français.
D’après ce rapprochement, vous pouvez juger de ce que peut être la prétendue somptuosité de notre clergé dont on vous a parlé.
On a nommé un cardinal ; eh bien, refuserez-vous 9,000 francs d’augmentation de traitement et les frais d’installation demandés pour une promotion conforme à la constitution ? Moi, je considère cette nomination comme une conséquence de la constitution ; et il est des personnes non catholiques qui partagent cet avis et approuvent la nomination. Il ne s’agit pas ici seulement de culte catholique ou de culte protestant ; la question est toute constitutionnelle ; c’est ainsi qu’elle doit être envisagée.
Mais, dit-on, si on admet qu’on puisse faire de nouvelles promotions dans le haut clergé, quel en sera le terme ? ne pourra-t-on pas nommer un évêque à Ypres, par exemple, et venir vous demander une augmentation de traitements ? Messieurs, nous ne devons pas craindre qu’on fasse tant de promotions ; nous savons qu’on ne multiplie pas inutilement les hautes dignités ecclésiastiques ; nous ne devons surtout pas craindre qu’on multiplie les cardinaux dans notre pays ; et la Belgique, dont l’immense majorité est catholique, ne peut avoir rien à regretter de compter un prince de l’église parmi les membres de son clergé.
J’ai parlé d’économies dans les séances précédentes ; je suis partisan des économies ; mais en votant les 9,000 francs pour le cardinal, est-ce que j’accable le peuple ? On ne nous demande pas un chiffre plus élevé que celui de l’année dernière ; je ne fais donc pas payer au peuple une augmentation d’impôts ; et je suis conséquent avec moi-même. Nous devons nous préparer pour la guerre ; si l’on demandait une majoration pour le culte, je m’y opposerais, comme je me suis opposé précédemment à d’autres augmentations de traitement.
M. Gendebien – Mon intention n’est pas de prolonger la discussion, parce que l’heure est avancée.
Un grand nombre de membres – A demain ! à demain !
- La séance est levée à cinq heures.