(Moniteur belge du 14 décembre 1838, n°349)
(Présidence de M. Raikem)
M. Lejeune procède à l’appel nominal à deux heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Lejeune présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Heinsann Leivin Schlesinger (de Lista, grand-duché de Posen), opticien oculiste, demande que la chambre intervienne pour obtenir la révocation d’un arrêté d’extradition, sauf à le renvoyer devant les tribunaux. »
« Le sieur F. Mainvault, ex-entrepreneur, réclame le paiement d’une somme de 31,805 fr. pour les ouvrages confectionnés aux fortifications de la place d’Ath. »
« Les élèves en droit de l’université de Bruxelles adressent des observations sur le projet de loi portant des modifications à la loi sur l’instruction publique, et demandent un délai jusqu’à la fin de l’année 1839 pour la mise à exécution de la loi du 27 septembre 1835 en ce qui concerne les examens pour le doctorat en droit. »
« Les notaires de l’arrondissement de Liége adressent des observations sur le projet de loi relatifs aux inscriptions hypothécaires. »
« Le sieur Charles Muers, demeurant à Ruremonde, réclame contre une décision de M. le ministre des finances par laquelle la suie de cheminée est assimilée aux cendres de foyer. »
M. de Behr – Je demanderai que la pétition des notaires de Liége soit renvoyée à la commission chargée de l’examen du prêt de loi relatif aux inscriptions hypothécaires.
- Cette proposition est adoptée.
M. Verhaegen – Parmi les pétitions, il en est une du sieur Schlesinger qui est menacé d’une extradition, que je crois illégale ; cette affaire est de la dernière urgence, et je pense qu’il y a lieu de renvoyer cette pétition au ministre de l’intérieur avec demande d’explications.
M. A. Rodenbach – Je ne m’opposerai pas au renvoi de la pétition à la commission des pétitions ; mais je m’opposerai à son renvoi direct au ministre de l’intérieur ; et je m’y opposerai d’autant plus, que si je dois en croire des bruits publics, la conduite du pétitionnaire mérite un sévère examen. Je ne veux pas en dire davantage ; et je demanderai simplement que la commission des pétitions fasse un prompt rapport en s’entourant de toutes les lumières désirables.
M. Verhaegen – Mon but n’est que d’obtenir un prompt rapport ; en conséquence je me rallierai volontiers à la proposition de M. Rodenbach.
- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.
On écrit à M. le président que l’honorable M. Dumortier a été obligé de retourner chez lui pour quelques jours à cause de la mort d’un de ses proches.
M. Zoude demande que la commission chargée d’examiner le projet de loi portant modifications à la loi concernant les bonneteries soit complétée, M. Demonceau, l’un de ses membres, étant absent.
M. Fallon – La commission peut se livrer à son travail quoiqu’un de ses membres soit absent.
M. Zoude – La matière concerne particulièrement les fabricants de Verviers, et nous désirerions que quelqu’un de cette ville fît partie de la commission, afin de nous donner les renseignements nécessaires.
- La chambre décide qu’il sera nommé un membre adjoint à cette commission.
M. Mast de Vries dépose sur le bureau le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif aux contributions foncières.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
M. Dechamps dépose sur le bureau le rapport du budget de l’intérieur.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
M. de Behr, au nom de la section centrale qui a examiné le budget de la justice, présente un rapport sur une pétition de greffiers de tribunaux de première instance, et sur une autre de greffiers de justices de paix.
- Sur les conclusions de ce rapport, la première pétition est renvoyée à M. le ministre de la justice, et la seconde à la commission chargée de l’examen du projet de loi concernant la compétence civile.
Personne ne prenant la parole sur l’ensemble de ce budget, les articles en sont mis aux voix.
« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 107,000. »
« Art. 3. Matériel – fr. 15,000. »
« Art. 4. Frais d’impression des recueils statistiques : fr. 4,000. »
« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 3,000. »
« Art. 1er. Cour de cassation, personnel : fr. 233,800. »
« Art. 2. Cour de cassation, matériel : fr. 3,000. »
« Art. 3. Cour d’appel, personnel : fr. 540,220 fr. »
« Art. 4. Cour d’appel, matériel: fr. 18,000. »
« Art. 5. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 884,130. »
« Art. 6. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 310,280. »
« Art. 1er. Haute cour militaire, personnel : fr. 62,050. »
« Art. 2. Haute cour militaire, matériel : fr. 4,200. »
« Art. 3. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 53,921. »
« Article unique. Frais d’instruction et d’exécution, etc. y compris 1,000 fr. pour le greffier de la cour de cassation, à charge de délivrer gratis toutes expéditions ou écritures réclamées par le procureur général et les administrations publiques : fr. 585,000. »
- Tous les articles de ces chapitres, admis par la section centrale, sont adoptés par la chambre sans opposition.
« Art. 1er. Constructions, réparations des locaux : fr. 35,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 2. Construction d’un palais de justice à Bruxelles (pour le deuxième cinquième) : fr. 400,000. »
- La section centrale propose le libellé suivant :
« Construction d’un palais de justice à Bruxelles, pour le premier cinquième, à charge par la ville et la province de contribuer chacune pour 500,000 fr. dans les frais de construction et en outre de remplir leurs obligations légales en ce qui concerne le mobilier, l’entretien et la réparation des locaux : fr. 400,000. »
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Oui, M. le président ; j’ai reconnu la justesse de l’observation qu’on m’a faite que l’on ne dépenserait pas 800,000 fr. en 1839, et je n’ai par conséquent aucun motif de m’opposer à la modification proposée par la section centrale, et qui fait en quelque sorte, de l’article dont il s’agit, un transfert du budget de 1838 à celui de 1839.
M. de Langhe – Je crois, messieurs, que dans les circonstances actuelles nous devons nous borner à pourvoir aux besoins indispensables de l’état, et nous abstenir de toute dépense inutile ; or, la construction du palais de justice n’est pas tellement urgente qu’elle ne puisse être sans inconvénient ajournée d’une année. Autant que personne je désire que la capitale possède de beaux monuments ; je désire que nous puissions montrer notre capitale avec orgueil aux étrangers ; mais avant tout il faut exister, avant tout il faut pourvoir à la défense du pays, et dès lors nous devons suivre la plus stricte économie pour toutes les autres dépenses.
On dira, messieurs, qu’une convention a été conclue entre le gouvernement, la province et la ville ; je crois que cette convention n’a pas encore reçu d’exécution, et par conséquent je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à ne pas l’exécuter encore cette année.
Par ces considérations, je voterai contre les 400,000 francs demandés à l’article qui nous occupe, et si cet article est adopté, je voterai contre tout le budget, non pas que je veuille refuser au gouvernement les fonds dont il a besoin, mais parce que je tiens à faire ajourner la dépense dont il s’agit, et que si le budget n’était pas adopté, le gouvernement serait peut-être forcé à nous en présenté un dans lequel cette dépense ne figurerait pas.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Je pense, comme l’honorable préopinant, que nous ne pouvons négliger aucun dépense nécessaire à la défense du pays, mais je crois aussi qu’il est de l’honneur du pays de satisfaire à ses engagements. L’année dernière la question de la nécessité, l’urgence du palais de justice, a été décidée par la chambre ; l’ajournement a été rejeté alors. Par suite de cette décision, la gouvernement a pris des engagements envers la province et envers la ville, et je ne pense pas qu’il puisse être de la dignité de la chambre ni de la loyauté du gouvernement de ne pas remplir ces engagements.
Il n’est pas exact de dire, comme l’honorable préopinant, que la convention n’a pas reçu d’exécution ; elle a reçu toute l’exécution que les circonstances ont permis de lui donner : nous sommes à la veille de mettre la main à l’œuvre, et ce n’est pas en ce moment que nous pourrions autoriser la province et la ville à revenir aussi sur leurs engagements. Vous savez ; messieurs, quelles mesures préliminaires le gouvernement a dû prendre ; la province n’avait voté da part du subside que sous la condition de ne pas contribuer dans les frais d’entretien et de mobilier ; la chambre n’a pas admis cette condition, et le gouvernement a dû s’adresser de nouveau au conseil provincial dans sa dernière session ; le conseil provincial a consenti à retirer la condition dont il s’agit et qui était très onéreuse pour l’état. Maintenant que tout le monde est d’accord, on voudrait nous mettre dans la nécessité de ne pas remplir nos engagements. Vous comprenez, messieurs, que cela est de toute impossibilité.
M. A. Rodenbach – S’il s’agissait, messieurs, d’une nouvelle demande de crédit, je ne m’opposerais pas à l’ajournement, attendu que le crédit voté l’année dernière n’a pas encore reçu d’emploi ; mais on ne nous demande en réalité qu’une espèce de transfert au budget de 1839 des 400,000 fr. que nous avons alloués pour 1838. d’ailleurs il faut que le gouvernement soit mis à même d’exécuter les conventions qu’il a faites par suite d’un vote de la chambre, et si nous trouvons dans des circonstances graves, c’est une raison de plus pour être fidèles à nos engagements. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est très politique de donner de l’occupation aux ouvriers ; nous avons vu au commencement de la révolution que, dans ce seul but, on a entrepris des travaux qui sous d’autres rapports étaient en quelque sorte inutile. Par ces motifs, messieurs, j’appuierai l’article en discussion.
M. de Behr, rapporteur – Messieurs, l’année dernière la chambre a reconnu que le palais de justice était en très mauvais état, que certaines parties même menaçaient ruine ; il n’y a donc pas lieu à ajourner la construction du nouveau bâtiment, qui, dans aucun cas, ne pourra être achevé avant 6 ans d’ici, car il n’est pas même certain que l’ancien palais puisse tenir aussi longtemps. D’ailleurs, messieurs, il ne s’agit pas en ce moment d’accorder un nouveau crédit, la proposition qui vous est soumise n’aura d’autre effet que de transporter au budget de 1839 une allocation qui figure déjà à celui de 1838, et c’est pour donner ce sens à l’article que la section centrale a proposé de dire : « pour premier cinquième » au lieu de : « pour deuxième cinquième », comme l’avait proposé le gouvernement. Je pense donc que la chambre doit voter le crédit avec le libellé de la section centrale.
M. Gendebien – Il me semble, messieurs, qu’il y a une irrégularité de forme dans la proposition qui nous est faite. Si l’on ne veut pas accorder purement et simplement la somme de 400,000 fr. pour l’exercice de 1839, il vaudrait mieux retrancher cette allocation du budget de cet exercice, et laisser au ministre le soin d’employer le crédit qui a été voté pour 1838, et dont il peut toujours faire usage aussi longtemps que l’exercice ne sera pas clos. Si l’on veut faire un transfert, alors il faut le faire régulièrement, mais nous ne pouvons pas voter une somme pour le premier cinquième de la dépense dont il s’agit, puisque nous avons déjà voté des fonds l’année dernière, pour ce premier cinquième ; ce serait évidemment un double emploi. Gardons-nous d’établir un précédent qui pourrait amener plus tard à des complications et même des abus. Il faut supprimer l’un ou l’autre des allocations et s’en expliqué nettement.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – C’est, messieurs, pour ne pas avoir de difficulté avec la cour des comptes que nous vous demandons d’allouer pour 1839 une somme que vous avez déjà votée pour 1838, mais qui ne pourra pas recevoir d’emploi dans cet exercice. Il n’y a en cela aucune irrégularité : la disposition du budget de 1838 se trouvera indirectement annulée par celle du budget de 1839, comme telle autre disposition d’une loi antérieure peut se trouver abrogée indirectement par une loi postérieure ; il s’agit de mettre 400,000 fr. pour 1839 à la place de 400,000 fr. votés pour 1838, de manière que le trésor se trouve dans la même situation qu’auparavant. Je crois que cela ne peut souffrir aucune difficulté.
M. de Behr, rapporteur – Il me paraît, messieurs, que puisque nous proposons de dire que les 100,000 fr. sont destinés à former le premier cinquième de la dépense, il ne peut y avoir aucun doute, et que la chambre peut, sans le moindre inconvénient, voter l’article tel qu’il est proposé.
M. Fallon – Le moyen, messieurs, de satisfaire toutes les exigences, ce serait de terminer l’article par les mots suivants : « Annulant le crédit de pareille somme allouée pour le même objet au budget de 1838. » (Appuyé ! appuyé !)
-La phrase additionnelle explicative, proposée par M. Fallon est mise aux voix et adoptée.
L’art. 2, terminé par cette phrase explicative, est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Impression du Bulletin officiel : fr. 21,650. »
M. Liedts – Messieurs, je suis informé que quelques personnes, sous le spécieux prétexte d’économie, poussent le gouvernement à se faire imprimeur, à établir dans la capitale une imprimerie royale, à l’instar de l’imprimerie normale qui existait avant la révolution. A ce prix, le gouvernement se chargerait de faire imprimer le Bulletin officiel, le Moniteur, en un mot, toutes les pièces officielles.
Je crois devoir engager le gouvernement à y bien réfléchir, avant d’entrer dans cette voie, et à ne pas se laisser aller trop facilement aux idées d’économie qu’on pourrait lui présenter.
Dans mon opinion, le gouvernement imprimerait à des prix beaucoup plus chers et moins bien qu’on ne pourrait l’obtenir de l’industrie particulière.
Si le gouvernement est dans l’intention de retirer l’impression du Bulletin officiel à l’imprimeur qui en est chargé depuis 1815, il y aurait alors moyen de réaliser une véritable économie, en faisant une seule et unique adjudication publique pour l’impression du Bulletin officiel et du Moniteur. En effet, il est facile de comprendre que les mêmes planches qui auraient servi à l’impression des pièces officielles dans le Bulletin, pourraient servir également à l’insertion de ces pièces dans le Moniteur, car les caractères de la partie officielle du Moniteur sont à peu près de la même grandeur que ceux des pièces imprimées au Bulletin officiel.
Au reste, messieurs, ce n’est qu’hypothétiquement que je parle ; mais à coup sûr, il n’y aurait aucune économie de la part du gouvernement à établir une imprimerie montée sur une grande échelle, et qui servirait à toute la besogne que j’ai énumérée.
Messieurs, l’impression du Moniteur n’est pas comme l’impression d’un ouvrage. Lorsqu’un imprimeur se charge de l’impression d’un ouvrage, il n’est pas gêné dans ses opérations : ce qui ne se fait pas aujourd’hui, peut sans inconvénient être remis au lendemain. Mais, pour le Moniteur, il en est bien autrement. Du moment que les chambre sont réunies, il faut que la besogne, quelque grande qu’elle soit, se fasse au jour le jour. Et remarquez bien, messieurs, que celui qui est chargé de l’impression du Moniteur doit conserver un personnel nombreux, même en été, alors que les chambre ne siègent pas ; et pourquoi ? parce que ceux qui sont employés à la composition typographique du journal sont et doivent être des hommes spéciaux, qui ont à manier des manuscrits très souvent illisibles émanés de 100 ou de 200 personnes.
Qu’arriverait-il, si le gouvernement venait à fonder une imprimerie sur une grande échelle ? c’est qu’en l’absence des chambres, il ne saurait que faire du nombreux personnel qu’il devrait attacher à cette imprimerie.
En résumé, messieurs, ce serait, à mon avis, une malheureuse idée que celle d’établir, à Bruxelles, une imprimerie royale. Il existe d’autres considérations à faire valoir contre ce projet ; celles que j’ai eu l’honneur de vous présenter sont les principales qui se sont offertes à mon esprit. Dans mon opinion, le gouvernement fera beaucoup mieux de recourir à une adjudication publique, persuadé, comme je le suis, que le projet du gouvernement, s’il était exécuté, n’aurait d’autre avantage que celui de procurer un logement commode à certains employés, et de les faire richement rétribuer.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre relatif au Bulletin officiel est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Impression du Moniteur : fr. 70,000. »
M. Verhaegen – Messieurs, nous nous occupons du budget du ministère de la justice, et cette année, comme les années précédentes, je vous aurais rappelé ma proposition qui concerne l’ordre judiciaire, si des circonstances toutes particulières n’y mettaient obstacle.
Mais, messieurs, la même considération qui m’a fait garder le silence à cet égard m’engagera d’une part à m’opposer à toutes les majorations ‘appointements qu’on pourrait demander, et d’autre part à examiner de très près tous les articles qui seraient susceptibles d’une diminution dans le chiffre.
Je crois, messieurs, que, pour l’article « Moniteur », il y a une grande économie à faire ; je pense que le chiffre pourrait être réduit de 25,000 fr.
Deux motifs me portent à appeler l’attention de la chambre sur cet article du budget.
Cet article contient d’abord, sur le chiffre des années précédentes, une augmentation de 6,000 francs que rien ne justifie, alors qu’il pourrait être, comme je l’établirai tout-à-l’heure, réduit de 25,000 francs, sans aucun inconvénient.
Ensuite, si j’en crois un bruit généralement répandu, le gouvernement aurait l’intention d’entrer, à la faveur de cette augmentation, dans une voie que j’ai toujours combattue et que je combattrai constamment. Son but paraît être de fonder, pour l’impression du Moniteur, un établissement qui appartiendrait à l’état et qui ferait concurrence à l’industrie privée.
Je m’explique :
1° Augmentation de 25,000 francs.
Voici comment j’établis cette augmentation :
Je vois à la page 35 du budget général, à l’article « Moniteur » :
« Différence en plus au budget de 1839, 6,000 fr. »
Je lis ensuite dans une note relative à cet article que le timbre du Moniteur, pendant le premier semestre de 1838, a coûté 11,566 francs 30 c. ; cette somme a été prise pour base du montant des droits de timbre pour 1839, c’est-à-dire qu’on a supposé que le timbre du Moniteur coûterait pour 1839 la somme de 23,133 fr. Or, de l’aveu du ministre des finances, la nouvelle loi sur le timbre qui doit avoir son effet à partir du 1er janvier prochain, réduit les droits de timbre de 40 p.c., soit sur 23,133 francs une réduction (somme ronde) de 9,200 francs.
Le budget de 1839 est basé sur les indications suivantes du budget de 1838 (observations page 35 du budget) :
Impression des huit premiers mois : fr. 22,274
Affranchissement des sept premiers mois : fr. 2,560 24
Timbre pendant le premier semestre : fr. 11,566 30
Total : fr. 36,400 54.
Veuillez remarquer cette décroissance de 8, 7 et 6 mois. La chambre comprendra qu’il est impossible d’opérer sur une telle base, et que l’on ne peut calculer qu’en adoptant pour l’impression, l’affranchissement et le timbre un laps de temps identique. Rectifions donc ces calculs et disons : si l’impression a coûté pour 8 mois 22,274 fr., elle a voûté pour 6 mois (en faisant la réduction d’un quart ou de 5,568 fr.) la somme de 16,706 fr.
Si l’affranchissement pour 7 mois a coûté 3,560 fr. 24 c. il a coûté pour 6 mois (en suivant la réduction d’un septième ou de 466 fr) la somme de 2,094fr.
Le timbre a coûté pour six mois 11,566.
Total pour 6 mois : fr. 29,366
Soit pour l’année, dans le système du gouvernement, le double ou 58,732 fr.
L’observation précitée porté : « En supposant que les dépenses d’impression, d’affranchissement etde timbre restassent les mêmes pendant les derniers mois de l’année, il y aurait encore à payer de ce chef environ 25,000 fr., ce qui élèverait la dépense totale pour impression, affranchissement et timbre pendant 1838, à 61,400 fr. 54 c. »
Or, il y a une erreur qui provient sans doute du défaut d’uniformité dans la base des calculs. Je viens de démontrer qu’en adoptant les bases du gouvernement, la dépense s’élèverait seulement à fr. 58,732.
Le chiffre du gouvernement est de 61,400 54, donc il y a lieu, de ce chef, à une réduction de 2,868 fr.
Ce calcul est fait dans l’hypothèse où les frais d’impression du Moniteur seraient les mêmes dans les 6 derniers mois et dans les 6 premiers mois de l’année. Or, il n’en est pas ainsi ; en effet, dans les 6 premiers mois de l’année, les chambres sont réunies ; alors indépendamment des actes et arrêtés du pouvoir exécutif, le Moniteur doit insérer les comptes-rendus des séances des deux chambres et un bien plus grand nombre de lois que dans les mois suivants, puisque le gouvernement est dans l’habitude de sanctionner et de publier les lois aussitôt qu’elles ont été votées par les deux chambres. Dans les quatre mois suivants, point de lois nouvelles à insérer, point de séances des chambres à reproduire, donc peu ou point de suppléments. Dans les mois de novembre et de décembre, il en est à peu près de même, quoique les chambres soient réunies ; car, sauf le budget des recettes et quelques budgets de dépenses, il n’y pas de lois qui soient soumises aux votes des deux chambres et à la sanction royale avant le 1er janvier.
Parlera-t-on du compte rendu des séances législatives ? Mais le sénat est à peine réuni, et la chambre des représentants occupée, dans les sections et réunie en séance publique seulement à 2 heures et demi, fournit par séance à peine 7 ou 8 colonnes du Moniteur, tandis que les séances du premier semestre de l’année font de 14 à 18 colonnes. Aussi, ceux de nos honorables collègues qui ont la collection du Moniteur reliée par semestre, ont-ils pu remarquer que le volume du premier semestre est toujours beaucoup plus gros que celui du second semestre de chaque année.
Nous ne craignons pas d’avancer qu’il paraît, dans le deuxième semestre de l’année, moitié moins de suppléments que dans le premier.
Le Moniteur coûte, dans le premier semestre, environ 30,000 fr. ; soit pour le numéro du Moniteur, fr. 20,000 et pour les suppléments fr. 10,000. Au total : 30,000 fr.
Dans ce calcul, je ne serai pas assurément taxé d’exagération ; car il y a peut-être dans les six premiers mois de l’année plus de suppléments que de numéros du Moniteur même.
Si les suppléments du Moniteur coûtent 10,000 fr., dans le premier semestre, ils ne coûtent certainement pas 5,000 fr. dans le second. Donc, en adoptant le premier semestre comme base pour le deuxième semestre, on donne ouverture à une réduction évidente de 5,000 fr.
Enfin, je lis dans la suite de la note dont je viens de parler : « Si à ces dépenses (d’impression d’affranchissement et de timbre) on ajoute celles résultant des loyers et mesures réparations de locaux, de l’éclairage, des combustibles, de l’abonnement à divers journaux, ports de lettres, menues fournitures, etc., ce n’est pas trop d’une allocation de 70,000 fr. pour 1839. »
Tout est menu dans cet article : « menues réparations, menues fournitures », et cependant on arrive à une somme assez rondelette de 70,000 fr. , et la petite note du budget dut : « ce n’est pas trop. » Pour moi, je dis et je crois avoir prouvé que c’est beaucoup trop.
Quelles sont donc ces « menues réparations » des locaux qu’on nous promet pour l’année prochaine ? Les locaux du Moniteur doivent-ils donc subir chaque année une révolution complète ? Plusieurs d’entre nous ont pu voir, sans doute, les embellissements faits cette année dans les locaux du Moniteur ; est-ce à dire qu’il faudra chaque année de nouveaux embellissements et qu’il faille une allocation de ce chef pour 1839 ? Loin d’accorder une augmentation pour réparations, j’estime qu’il y a lieu de réduire l’article du Moniteur d’une somme égale au montant des réparations et embellissements faits cette année aux locaux du Moniteur, les mêmes dépenses ne devant pas se renouveler l’année prochaine, car telle est, je pense, l’intention de la chambre. Je propose de ce chef, et pour en finir, une réduction que je ne pense pas trop exagéré en la portant à 2,000 fr.
Voici donc le résumé des réductions que j’ai l’honneur de proposer :
1° Réduction de la somme demandée en plus au budget de 1839 : fr. 6,000 fr.
2° Réduction fondée sur la diminution qui résultera de la nouvelle loi du timbre : fr. 9,200
3° Réduction fondée sur une erreur que je crois avoir prouvée et qui, je crois, provient du défaut d’uniformité dans la base des calculs du gouvernement : fr. 2,868 54
4° Réduction fondée sur ce qu’il n’y aura pas à faire l’an prochain les mêmes dépenses qui ont été faites cette année pour réparations et embellissements des locaux : fr. 2,000
Total : fr. 25,068 54.
La chambre verra que ce n’est pas trop de réduire cet article du budget de 25,000 fr.
Je suis arrivé à cette réduction en prenant pour base les calculs mêmes du gouvernement. Toutefois, je ne porterai cette réduction qu’à 18,000 fr. parce que, plus prévoyant que le rédacteur de cette partie du budget, je veux tenir compte de la dépense du papier, dont il n’est nullement question dans les calculs du gouvernement, ce qui prouve combien ces calculs étaient erronés ; car s’ils avaient été exacts, il aurait encore fallu ajouter à la somme de 70,000 fr. demandée par le gouvernement celle de 6 à 7,000 fr. pour le papier, ce qui élevait l’allocation à 77,000 fr. au lieu de 70,000, c’est-à-dire à 13,000 fr. de plus qu’en 1838.
Je crois qu’il suffit de démontrer à la chambre la possibilité d’une économie pour obtenir qu’elle soit faite. Je croirais abuser de vos moments en cherchant à démontrer que les dépenses utiles et nécessaires sont les seules qui doivent avoir votre assentiment. Convaincu que si la chambre vote avec empressement les sommes, quelles qu’elles soient, dont l’objet est de défendre la dignité du pays, elle rejettera toutes les dépenses non justifiées, je pense qu’il me suffit d’avoir démontré que, dans l’article en discussion, l’emploi de 18,000 fr. n’est pas justifié, pour obtenir que la chambre vote une diminution de pareille somme ; je n’insiste donc pas sur ce point.
Il me reste, messieurs, à vous entretenir de la destination présumée de ces18,000 fr. dont j’ai démontré l’inutilité. Si je rentre dans les observations faites par M. Liedts, cette petite somme serait, à ce qu’il paraît, la première mise de l’établissement d’une imprimerie royale. Ces établissements appartenant à l’état ont toujours été le point de mire des fonctionnaires et employés de l’état ; ils comportent toujours pour plusieurs la double douceur du peu de besogne et des forts appointements. Aussi depuis longtemps plusieurs employés de l’état ont-ils formé le beau projet de doter le payer d’une imprimerie royale. C’est surtout au ministère des finances qu’on ne cache pas qu’on a sur ce point des idées très arrêtées. Une fois l’établissement bien monté, on ne manquerait pas de citer, comme on le fait souvent, l’exemple de la France.
Le directeur de l’imprimerie royale à Paris a 20,000 fr. d’appointements. Je ne parle pas des décorations et autres distinctions honorifiques. On se croirait bien modeste en nous demandant au même titre 10,000 fr. Il faudrait ensuite des sous-directeur, inspecteur du matériel, contrôleurs, etc. ce serait enfin, comme à Paris, un petit ministère. Il ya aurait moyen de faire là bien des heureux. C’est là le rêve qu’on a fait ; et on vous demande, pour en commencer la réalisation, la petite somme de 18,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Il n’est pas question de cela !
M. Verhaegen – Si on ne l’a pas fait plus tôt, c’est que l’occasion manquait ; mais rendons justice à qui de droit, on a saisi avec le plus grand empressement l’occasion qui s’est présentée, et voici comment.
Vous savez que, par une transaction avec l’ancien directeur de l’imprimerie normale, le gouvernement est devenu propriétaire de deux presses et de quelques caractères. C’est un petit matériel que le gouvernement destine à former le noyau de l’imprimerie royale ; et comme il faut commencer par quelque chose, on a, paraît-il, conçu le projet de commencer par imprimer avec cela le Moniteur. On imprimerait ensuite de la même manière le Bulletin officiel, les documents des chambres législatives, et on finirait par accaparer toutes les impressions des administrations publiques, en un mot toutes les impressions pour compte de l’état, maintenant dans le domaine public par l’effet des adjudications.
Voilà, messieurs, le projet qu’on a imaginé. A cet effet, l’imprimerie et les bureaux du Moniteur, maintenant à la proximité de la chambre et de tous les ministères, seraient transférés dans les locaux de l’imprimerie normale, qui garde à la disposition du gouvernement tout le matériel de l’imprimerie et de la fonderie de cet établissement ; et le gouvernement entrerait dans la voie si onéreuse et si déplorable de l’exploitation d’une industrie par lui-même. Le gouvernement serait son propre imprimeur ! Pourquoi cela ? pour faire des économies.
Mais dès la première année, et pour le seul Moniteur, il vous en coûte 18,000 fr. de plus pour l’imprimer par nous-mêmes que pour l’avoir imprimé par un adjudicataire. Que sera-ce les autres années, où il faudra compléter le matériel, augmenter les traitements, augmenter le personnel, approprier les locaux, puis bientôt en changer ; car à peine sera-t-on dans ce local, plus propre par sa situation et par son état à proximité de la caserne des guides, à former un supplément d’écuries pour les chevaux es guides (vous vous rappelez que M. le ministre de la guerre s’est plaint de l’insuffisance de ces locaux) qu’à former des ateliers d’imprimerie ; à peine, dis-je, y sera-t-on qu’on n’aura guère de peine à établir la nécessité d’en sortit. Donc frais de déplacement, etc., etc.
Dira-t-on que le gouvernement, en se faisant son imprimeur, n’empiète pas sur le domaine public, puisqu’il se borne à ses seules impressions ? Mais cet argument prouve trop pour prouver quelque chose. Avec ce système il n’y a pas de raison pour que l’on ne se fasse pas fabricant de drap et de toile pour l’armée et la douanes, fabricant de bougie et de chandelle, poêlier, menuisier et ébéniste, exploitant des houillères pour éclairer, chauffer et meubler les bureaux des ministères et autres établissements publics.
Il n’y a pas de raison surtout (et ceci rentre directement dans mon sujet) pour qu’il ne se fasse pas papetier ; car le gouvernement dépense en frais de papier peut-être 15 fois ce que lui coûte la main-d’œuvre des diverses impressions dont il a besoin ; et cependant il ne songe pas, jusqu’à présent, à exercer aucune de ces industries.
Pourquoi cette préférence pour une imprimerie ? Pourquoi ? La raison est simple. Ce n’est pas l’intérêt de l’état, c’est l’intérêt privé qui pousse à un tel établissement ; et tel qui veut bien le titre et les appointements de directeur de l’imprimerie royale, dédaignerait et refuserait le titre et le traitement des autres fournisseurs dont je viens de parler.
Pour moi, il me paraît impossible de justifier ce projet par la moindre apparence de raison. Cette imprimerie de l’état aura cela de fâcheux qu’un grand nombre d’imprimeurs actuellement chargés de travaux pour le gouvernement s’en trouveraient dépossédés sans le moindre profit pour lui, bien plus à son détriment ; car il renoncerait pour toujours aux avantages de la concurrence dans les adjudications publiques. Les imprimeurs, dans l’espoir de conserver longtemps leur entreprise, ont consenti à travailler à un taux très bas. Effet naturel de la concurrence et qui se fait sentir dans la plupart des adjudications publiques !
Du reste, quels que soient les motifs qui portent le gouvernement à établir une imprimerie de l’état, les chambres doivent être appelées à en examiner la valeur ; il ne peut pas, par une simple décision administrative, engager le pays dans une entreprise dont la réussite est plus ou moins chanceuse. Il y a d’ailleurs des précédents qui me dispensent d’insister sur ce point. Je citerai comme exemple la fabrique d’ares de Liége. Lorsqu’il s’est agi de donner une certaine extension à cet établissement, les chambres ont été appelées à se prononcer sur ce projet ; il doit en être de même dans le cas actuel. Il n’y a pas d’allocation spécialement désignée au budget pour l’établissement d’une imprimerie de l’état ; le gouvernement n’a pas le droit de détourner, pour leur donner cette destination, des fonds affectés à un autre objet. La propriété de locaux et de quelques caractères ne l’autorise même pas à commencer un tel établissement ; car il paraît certain que le matériel est insuffisant, et les locaux de l’imprimerie normale dans un assez mauvais état.
En m’opposant, en cette occurrence, aux démarches actives de quelques intérêts privés, contre lesquels, il y a peu de jours, dans la discussion du budget des recettes, deux honorables collègues nous engageaient à nous tenir en garde, je n’ai eu en vue que l’intérêt public, et je ne prétends servir aucun intérêt privé. Si l’imprimeur actuel du Moniteur manque aux conditions de son contrat, et que le gouvernement veuille en remettre l’entreprise en adjudication, je n’ai rien à dire. L’intérêt général doit l’emporter je ne demande qu’une chose, c’est qu’on entraîne pas le pays dans une voie ruineuse par l’établissement d’une imprimerie de l’état.
En terminant, je dois déclarer que je suis convaincu qu’en proposant une augmentation et en lui donnant la destination que j’ai invoquée, les intentions de l’honorable ministre de la justice n’ont pas été remplies.
Cédant aux suggestions pressantes et habiles de l’intérêt privé, M. le ministre de la justice a cru, en faisant cette proposition, qu’elle serait avantageuse et économique pour l’état j’ai démontré que, loin de là, elle serait ruineuse pour le pays. Si les bonnes intentions de M. le ministre de la justice suffisent pour le mettre à l’abri de toute espèce de blâme, comme c’est mon opinion, la démonstration que j’ai faite suffira, j’espère, pour que sa proposition ne soit pas adoptée.
Par suite des motifs que j’ai énoncés et auxquels je me réfère, je dépose sur le bureau un amendement ainsi conçu :
« J’ai l’honneur de proposer de réduire de 70,000 fr. à 52,000 fr. le chiffre de l’article 2 du chapitre VI du budget de la justice : Impression du Moniteur. VERHAEGEN aîné. »
- L’amendement de M. Verhaegen est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Je regrette que l’honorable préopinant se soit donné tant de peine pour combattre une proposition qui n’existe pas, et dont il n’y a pas la moindre trace dans le budget. Je crois qu’il aurait bien fait de satisfaire à mon désir.
Je voudrais, comme l’honorable préopinant, qu’il y eût possibilité de faire sur cet article une réduction de 25,000 francs. Je ne demande pas mieux. Je n’ai prétendu demander que les fonds nécessaires. Si je demande plus que l’an passé, c’est pour éviter de devoir faire pour l’an prochain une demande supplémentaire que je serai obligé de faire pour cette année.
Les dépenses du Moniteur sont soumises tous les ans à un examen minutieux, non-seulement de la section centrale, mais encore d’une commission spéciale convoquée pendant le courant de la session à l’occasion d’une demande de crédit supplémentaire.
De quel chiffre l’honorable préopinant veut-il réduire cet article ? du chiffre du timbre ? Si j’avais proposé une telle réduction avant que le projet de loi qui doit réduire les droits de timbre sur les journaux ait été converti en loi, c’eût été la plus grande imprudence.
Dans les dépenses du Moniteur, tout n’st pas dépense improductive. Quant au timbre et à l’affranchissement, ce qui sort par une main du trésor y rentre par une autre main. Par la voie des abonnements, une grande partie du subside rentre dans le trésor public. Les dépenses ont été calculées de a même manière que l’an dernier. La section centrale n’a pas trouvé la moindre réduction à faire sur cet article. Je crois donc inutile d’entrer dans de plus longues explications.
Je puis assurer qu’il ne sera pas détourné de l’allocation en discussion un centime pour l’établissement d’une imprimerie de l’état. Je suis incapable d’une pareille déloyauté. Je n’ai pas l’habitude de me laisser mener comme le supposant le préopinant en disant que j’aurais cédé aux suggestions des intérêts privés. Aucune partie de cette somme ne peut être consacrée à payer des fonctionnaires ou employés. Cette allocation n’a pour objet que le matériel, le timbre, l’affranchissement, le papier et les dépenses d’atelier. Il est certain que pas un centime ne sera dépensé d’une autre manière.
Si par l’effet de la loi du timbre la somme entière n’est pas dépensée, l’excédent restera dans les caisses de l’Etat.
Je crois ces explications suffisantes ; du reste, je suis disposé à entrer dans tous les détails.
M. Verhaegen – On vient vous dire qu’il n’est pas question d’établir une imprimerie nationale.
S’il n’en est pas question, c’est qu’on est revenu à d’autres idées. Ce n’est pas moi seul d’ailleurs qui aie parlé de cela ; il ne faut donc pas faire peser sur moi seul la responsabilité de cette attaque. Je n’ai fait que suivre la voie où était entre avant moi u honorable membre ; et je sais que plusieurs autres de mes honorables collègues partagent l’opinion que j’ai exprimée.
Quoi qu’il en soit, j’ai atteint un but, et je m’en glorifie, c’est qu’à l’avenir il ne sera plus question d’établir une imprimerie nationale. Puisque M. le ministre de la justice a déclaré qu’il n’est pas questions d’établir une imprimerie de l’état, mon but est rempli.
Mais mes autres observations n’en restent pas moins fondées. J’ai cité des chiffres, j’ai prouvé par des chiffres qu’il y a lieu de diminuer 25,000 sur une demande d’allocation de 70,000 francs. Je croyais que M. le ministre de la justice allait répondre à mes observations et à mes chiffres. Il s’est borné à répondre sur la réduction que j’ai demandé de 9,290 fr., montant des droits de timbre. Si on admet la réponse de M. le ministre de la justice il en résulte seulement que la réduction sur cet article doit être de 15,800 fr. au lieu de 25,000 fr.
A Dieu ne plaise que je veuille faire le moindre reproche à M. le ministre de la justice ! Je crois avoir dit, en terminant, ce que j’avais à dire à cet égard. Mais lorsqu’on discute un budget, quel que soit le ministre, il est de notre devoir de provoquer toutes les économies qui sont raisonnablement possibles.
Sur un chiffre de 70,000 fr., j’ai demandé une réduction de 25,000 fr.
On fait des objections pour une somme de 9,200 fr.
Soit. Mais alors faites la réduction de la différence, c’est-à-dire de 15,800 fr.
En un mot, voulez-vous réellement des économies ou n’en voulez-vous pas ? Voilà la question que je soumets à la chambre par ma proposition.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Que l’honorable préopinant ne s’y trompe pas ; je n’ai pas voulu lui donner gain de cause ; il n’a atteint aucun but ; car je n’ai pas prétendu que jamais il ne serait établi d’imprimerie de l’état. Ce que j’ai dit et ce que l’affirme de nouveau, c’est qu’aucune partie du crédit en question ne sera employé à former une imprimerie nationale.
Quant à l’impression du Moniteur et du Bulletin officiel, cela me regarde. Je fais imprimer le Moniteur et le Bulletin officiel comme je l’entends, pourvu que je n’aille pas au-delà du crédit alloué, et que la dépense soit réglée de la manière la plus conforme aux intérêts du trésor. Du reste, si je faisais imprimer le Moniteur et le Bulletin officiel au moyen de presses et de caractères appartenant à l’état, ce ne serait jamais en vue de favoriser des intérêts privés.
Je n’ai pas eu la pensée de faire imprimer cette année les documents pour les ministères et les chambres. Si un jour il en était question, ce ne serait pas avec le subside dont il s’agit aujourd’hui que ce serait jamais possible. Je serai obligé de demander aux chambres un capital, et elles verraient si elles veulent l’accorder Il n’y a rien de préjugé sur cette question, qui n’est pas à l’ordre du jour.
M. Gendebien – Je demande la parole seulement pour recommander à l’attention et à la justice de M. le ministre un employé du Moniteur. Je suis persuadé qu’il sait, sans que je le nomme, de qui je veux parler. Je crois que cet employé n’est pas assez rétribué ; il n’est pas assez indemnisé du travail extraordinaire et très pénible auquel il se livre. S’il venait à manquer, je suis convaincu qu’il faudrait trois employés pour le remplacer.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Je partage l’opinion de l’honorable préopinant. Aussi j’ai fait connaître à la section centrale que je comptas disposer d’une somme à l’article « personnel » pour augmenter les honorables de ce fonctionnaire. D’un autre côté on m’a fait espérer que la chambre pourrait faire quelque chose sur son budget. De cette manière le but serait parfaitement rempli.
M Dubus (aîné) – Ensuite des propositions qui sont faites nous avons le choix entre le chiffre de 55 mille francs et celui de 70 mille francs admis par la section centrale ; toutefois je ne suis pas convaincu qu’on puisse opérer une réduction aussi considérable que le propose M. Verhaegen ; mais ce ont je suis convaincu, c’est qu’il n’y avait pas lieu d’augmenter le crédit en 1834. Nous devons tenir compte de la réduction qui sera la conséquence de la loi sur le timbre ; nous avons voté cette loi sur la proposition du gouvernement ; c’est le ministre des finances qui nous a proposé d’abaisser le timbre à 4 centimes pour le grand format et de supprimer les additionnels.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Cependant ce n’est encore qu’un projet.
M Dubus (aîné) – C’est un projet admis par la chambre.
Le chiffre en discussion doit être calculé d’après des prévisions : Faut-il prévoir que le projet sur le timbre sera rejeté par l’autre chambre, ou faut-il prévoir qu’il sera adopté ?
Mais puisque vous l’avez accepté, vous devez présumer qu’il sera accepté par l’autre chambre, et établir vos chiffres en conséquence. Vous devez donc présumer une diminution sur le timbre, et ne pas grossir inutilement un chiffre de votre budget. Je ferai la proposition de voter le même chiffre de 64,000 fr. porté au budget précédent.
- Cette proposition est appuyée.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – L’honorable préopinant dit qu’il faut voter le chiffre admis l’année dernière, et ne voit pas la nécessité de l’augmenter ; en bien, la nécessité de cette augmentation est prouver par les dépenses faites en 1838. le chiffre de cet exercice 1838 n’est pas suffisant, et je serai obligé de demander un crédit supplémentaire.
Si j’avais pu tenir compte de la diminution qui résulte de la loi du timbre, je n’aurais pas demandé une augmentation de 6 mille francs, j’aurais au contraire proposé une réduction ; mais dans un budget, on ne saurait appliquer des dispositions qui ne sont qu’en projet ; d’ailleurs il n’est pas certain que la réduction puisse avoir lieu cette année. Par ces considérations il y a donc lieu à maintenir le chiffre tel qu’il est.
M. de Behr – La section centrale a examiné les dépenses du Moniteur et s’est assurée qu’il y avait un déficit. Sans doute si la loi du timbre eût été votée, on aurait pu tenir compte de la diminution qui en résulterait ; mais en attendant ce vote on a cru devoir porter le chiffre au taux présumable où il s’élèvera dans le cas où aucune réduction du timbre ne serait accordée.
Le chiffre de 70 mille francs, admis par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 2,800. »
- Adopté.
« Art. 1er. Pensions : fr. 10,000. »
- Adopté
« Art. 2. Secours à des magistrats ou à des veuves et enfants de magistrats qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours par suite d’une position malheureuse : fr. 8,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Frais d’entretien, d’habillement, de couchage et de nourriture des détenus : fr. 850,000. »
M. de Jaegher – Les renseignements demandés par une des sections de la chambre ont été fournis à la section centrale ; ces renseignements étaient relatifs au prix moyen des frais d’entretien et de couchage des détenues dans les principales prisons. Ils sont annexés au rapport de la section centrale et indiquent que sur 21 prisons il n’y en a que trois où l’entretien s’y fait encore par voie d’adjudication publique.
Vous remarquerez que dans les trois prisons entretenus par le système de la régie, chaque détenu y coûte 30, ou 25, ou 28 centimes par jour ; tandis que dans les autres prisons le chiffre pour chaque prisonnier s’élève jusqu’à 50 centimes par jour ; c’est le double des premières.
Depuis dix ans on a appliqué le système de la régie à la maison d’Audenaerde, et l’épreuve a donné un résultat favorable, chaque prisonnier y coûtait 62 centimes par voie d’adjudication et par la régie ce chiffre s’est abaissé à 25 centimes. La différence est forte comme vous le voyez.
En présence de pareils résultats, je ne comprends pas comment le système de la régie n’est pas appliqué à un plus grand nombre de prisons. La section centrale dit que la difficulté de cette application vient de l’insuffisance de la plupart des bâtiments ; et c’est ce que je ne conçois pas. Que l’on pratique le système de la régie ou celui des adjudications, il faut toujours une cuisine et les mêmes objets pour préparer les aliments ; ainsi il ne faut, dans l’un comme dans l’autre système, que les mêmes emplacements.
On dit aussi dans le rapport, que les commissions administratives n’ont pas toujours montré de la bonne volonté : mais ces commissions étant nommées par le gouvernement, et renouvelées tous les deux ans par cinquième ou par tiers, il dépend du gouvernement de faire cesser un tel obstacle.
Sur l’alimentation des détenus il y a des sommes assez considérables à économiser. Pour parvenir à ce but, et pour ramener à des meilleures dispositions les commissions, ne pourrait-on pas intéresser l’une des personnes, qui font partie de ces commissions, à l’exécution des désirs du gouvernement ? en d’autres termes, ne pourrait-on pas faire un avantage pécuniaire à la personne qui se chargerait de la besogne que présente le système de la régie ? Dans ce système la surveillance n’est pas considérable, et une seule personne suffirait. On objecte que le gouvernement ne peut augmenter les traitements ou les secours aux commissions administratives, que ces commissions ne sont pas dotées pour se charger de la besogne ; mais j’engage vivement M. le ministre de la justice à aviser aux moyens de lever cette difficulté. Je crois que, s’il pouvais disposer d’une somme quelconque dans son budget pour augmenter la rétribution des secrétaire des commissions administratives, il introduirait le système de la régie partout, parce que ces secrétaires se chargeraient du travail.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Personne n’est convaincu plus que moi de la supériorité du système de la régie sur celui de l’adjudication : au moyen de la régie la nourriture des détenus est meilleure et la dépense est moindre ; aussi le gouvernement fait-il tous ses efforts pour introduire ce système dans les prisons. Tous les ans il l’établit dans l’une ou dans l’autre maison d’arrêt, et nous avons l’espoir de l’établir encore là où des difficultés ont empêché de le mettre en pratique. Ainsi que la section centrale s’en est assurée, le gouvernement ne peut introduire maintenant ce système partout, les locaux s’y opposent, quoiqu’en dise le préopinant ; et les employés n’ont pas toujours l’intelligence nécessaire pour l’exécuter. Le gouvernement cherche à faire disparaître les difficultés qu’il rencontre, et il n’est pas nécessaire de stimuler son zèle à cet égard : il fera même tous ses efforts pour que le système de la régie soit appliqué dans toutes les prisons.
- L’art. 1er du chap. VII est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Traitement des employés attachés au service des prisons : fr. 250,000.’
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 3. Récompenses à accorder aux employés pour conduite exemplaire et acte de dévouement : fr. 2,500 »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 4. Frais d’impression et de bureau : fr. 17,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 5. Constructions nouvelles, réparations et entretien des bâtiments et du mobilier : fr. 350,000 fr. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 6. Achats de matières premières et salaires : fr. 1,250,000 fr. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 1. Frais d’entretien et de transport des mendiants dont le domicile de secours est inconnu : fr. 12,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 2. Subside à accorder extraordinairement à des établissements de bienfaisance et à des hospices d’aliénés : fr. 125,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 3. Avances à faire au nom des communes, à charge de remboursement de leur part au dépôt de mendicité établi aux colonies agricoles : fr. 74,074. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Art. 4. Subsides pour les enfants trouvés ou abandonnés, sans préjudice du concours des communes et des provinces : fr. 175,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 5,000. »
- La section centrale propose l’adoption.
Adopté.
« Article unique. Pour solde de dépenses arriérées concernant les exercices de 1834 et 1835 dont les budgets sont clos : fr. 3,000. »
M. le président – Veut-on considérer comme un amendement la phrase explicative qui a été insérée dans le libellé de l’art. 2 du chapitre V ?
De toutes parts – Non, non.
M. de Langhe – Je désire, messieurs, dire quelques mots pour motiver mon vote sur l’ensemble du budget. Je m’étais d’abord proposer de voter contre le budget, dans le cas où les 400,000 fr. demandés pour le palais de justice auraient été accordés, mais comme par suite de l’explication qui a été insérée dans le libellé de l’article qui concerne cet objet, il devient évident que le gouvernement n’aura à sa disposition que les 400,000 fr. votés l’année dernière, je ne m’opposera pas à l’adoption du budget, et je me bornerai à faire des vœux pour que les travaux du palais de justice ne soient pas commencés dans les circonstances où se trouve le pays, car il se pourrait que nous ne fussions pas à même de l’achever d’ici à longtemps.
M. de Brouckere – Je pense, messieurs, qu’il est contre tous les usages parlementaires de vouloir recommencer la discussion lorsqu’une loi est votée. Quoiqu’il en soit, puisque l’honorable préopinant a émis le voeu que les travaux du palais de justice ne soient pas commencés, moi j’émets le voeu qu’on les commence de suite.
- Les articles de la loi sont ensuite successivement mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Le budget du département de la justice est fixé, pour l’exercice 1839, à la somme de 6,507,625 fr., conformément au tableau ci-annexé. »
« Art. 2. la présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1839. »
On passe à l’appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité des 69 membres présents.
Ce sont : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coghen, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, W. de Mérode, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Lardinois, Lecreps, Lejeune, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raymaeckers, A Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verhaegen, Walllaert, Zoude et Raikem.
La séance est levée à 4 heures ½.