(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les administrations communales et les habitants des communes d’Amstenraed, Merkelbeck, Neeth, Hoensbrouck, Spoubeck, Jabeck, Bulgelrard, du canton d’Oirsbeck (Limbourg), demande le maintien de l’intégrité territoriale. »
« L’administraton communale de Kerkraede (Limbourg, rive droite de la Meuse), demande le maintien de l’intégrité du territoire. »
- Renvoyé à la commission des pétitions.
- Un congé de quelques jours est accordé à M. Ullens .
M. Van Hoobrouck. - Dans la rédaction de la loi concernant les péages des chemins de fer, il s’est glissé une erreur ou plutôt une omission. Dans le projet imprimé qui vous a été distribué, article 2, paragraphe 1er, on lit :
« Le droit de constater, par des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve contraire, toutes les contraventions en matière de voirie, ainsi que toutes les contraventions aux lois et règlements sur l’exploitation du chemin de fer. »
C’est à la fin de ce paragraphe qu’est l’omission, car il doit être ainsi conçu :
« Ainsi que toutes les contraventions aux lois et règlements sur l’exploitation et la police du chemin de fer. »
Les mots « et la police » ont-ils été oubliés à l’imprimerie ? Je n’en sais rien ; quoi qu’il en soit, je demande que le procès-verbal fasse mention de l’omission, et que le projet ne soit transmis au sénat que corrigé.
- L’assemblée consultée décide que la correction indiquée par l’honorable M. Van Hoobrouck sera effectuée.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale qui a examiné le projet de loi concernant l’emprunt, considérée comme commission spéciale, l’amendement de M. de Puydt, devenu proposition particulière, et ayant pour objet d’ajouter une somme de trois millions au crédit ouvert au gouvernement par la loi du 2 mai 1836, pour la confection de routes pavées et empierrées. Votre commission vient de terminer l’examen de cette proposition, et elle m’a chargé de vous présenter, en peu de mots, le rapport verbal du résultat de ses délibérations.
D’après le compte qui a été présenté par M. le ministre des travaux publics le 4 mai 1838, sur l’emploi du crédit des six millions, et d’après les explications données par ce ministre dans le sein de la commission, il n’y a plus guère que 400,000 fr. de disponibles sur les six millions.
Votre commission a reconnu qu’un nouveau crédit était nécessaire afin que le zèle des conseils provinciaux pour la confection de nouvelles voies de communication ne vienne pas à se ralentir. Mais il a semblé en même temps que, vu l’époque éloignée à laquelle il pourra être fait emploi du nouveau crédit, il suffisait de voter, quant à présent, un crédit de 2 millions.
La commission a pensé en outre qu’il convenait d’ajouter dans la loi la nécessité du concours des provinces, des communes ou des particuliers, parce qu’au moyen de ce concours, avec un crédit de 2 millions, M. le ministre des travaux publics pourra provoquer la confection de routes pour une somme triple peut-être.
Par le motif de l’éloignement de l’époque de l’emploi de ces 2 millions, il a semblé encore à votre commission que l’on pouvait renvoyer à déterminer ultérieurement les moyens de faire face à la dépense.
En conséquence la commission a l’honneur de proposer, d’accord avec le ministre des travaux publics, l’article suivant :
« Indépendamment du crédit de 6 millions ouvert par la loi du 2 mai 1836, pour construction de routes pavées et empierrées, il est ouvert au gouvernement pour le même objet, et sous la condition du concours des provinces, des communes et des particuliers, un crédit de 2 millions.
« Il sera pourvu à cette dépense par des moyens à déterminer ultérieurement. »
M. le président. - Quand veut-on ouvrir la discussion sur ce projet ?
De toutes parts. - Immédiatement ! Immédiatement.
- La chambre consultée décide qu’elle va s’occuper sur-le-champ du projet soumis par M. Dubus.
M. de Jaegher. - Messieurs, je vois bien que le concours des provinces, des communes et des particuliers est exigé ; mais je ne vois pas qu’il soit déterminé une proportion dans laquelle ce concours aura lieu. Si l’on veut que la clause soit efficace, il faudrait déterminer cette proportion. Par exemple, la Flandre orientale a contracté un emprunt de 2 millions pour construction de routes ; en l’Etat, de son côté, a construit des routes pour un demi-million ; voilà donc un cinquième fourni par l’Etat contre quatre cinquièmes fournis par la province. Mais pour le Luxembourg qui a eu la plus forte part dans la répartition des 6 millions (je ne veux pas contester ses droits), il en est autrement ; le Luxembourg s’est proposé de faire un emprunt pour coopérer à la construction des routes, cependant cet emprunt est toujours resté en projet. Il résulte de là que tous les moyens ne sont pas mis en œuvre pour rendre les fonds aussi productifs que possible ; voilà pourquoi je voudrais que l’on prît une mesure à l’égard des six millions. Je désirerais que les provinces fussent obligées de contribuer au moins pour un tiers.
M. de Brouckere. - Messieurs, je ne crois pas que l’on puisse adopter une règle générale sur la proportion dans laquelle contribuer à la construction des routes les différentes provinces ; et en effet, cela dépend et des localités et des ressources des provinces mêmes où les routes sont faites. On conçoit que, dans les provinces riches, les états provinciaux contribuent pour une part assez forte. Il serait impossible d’exiger autant du Luxembourg que des Flandres, que l’on a citées. Il fait s’en rapporter au gouvernement ; c’est lui qui doit juger pour quelle part doivent contribuer les provinces.
Il y a encore une considération à laquelle il faut avoir égard, c’est le produit de la route que l’on construit. Il y a telle route qui donnera de grands produits ; ce sera par conséquent un avantage que de l’avoir établie, mais il en est d’autres où les produits seraient très minimes. Je crois donc qu’il faut laisser au gouvernement à décider pour quelle part les provinces contribueront.
M. de Langhe. - Je regrette que l’on ne nous donne pas le temps de réfléchir sur ce projet de loi. Par la courte discussion qui vient d’avoir lieu, je vois que l’on se plaint de l’inégalité de répartition qui a été effectuée entre les provinces. Il n’y a pas péril en la demeure, et l’on pourrait ajourner la discussion jusqu’à la prochaine session. Je demande cet ajournement.
M. Lebeau. - Messieurs, par cela seul que vous avez demandé un prompt rapport à la section centrale, vous avez reconnu l’urgence de la proposition et vous avez indirectement écarté l’ajournement. Je vous ferai grâce des considérations dans lesquelles je suis entré ultérieurement pour démontrer l’urgence ; il me suffit de ce fait rappelé tout à l’heure par M. le rapport de la section centrale, l’approche de la réunion des conseils provinciaux et les dispositions qu’ils ont manifestées pour l’amélioration des communications.
Quant à la répartition équitable, qu’on réclame sans cesse, c’est là, messieurs, une question qui peut donner lieu à des discussions éternelles, parce que rien n’est plus vague, plus arbitraire que ce mot d’ « équitable » appliqué à la répartition dont il s’agit ; répartition que chacun apprécie à sa manière, d’après le point de vue sous lequel il l’envisage et surtout d’après l’influence sous laquelle il se trouve placé. Je crois que la chambre ne doit pas s’engager dans la question de la répartition, et qu’elle doit laisser au gouvernement le soin de l’opérer sous sa responsabilité, sauf à faire à M. le ministre tel reproche, à prendre contre lui telle mesure que l’expérience et les comptes qu’il rendra à la chambre, rendraient nécessaires.
Une autre considération qui a été invoquée à l’appui de l’ajournement et qui me paraît sans force aucune, c’est, dit-on, que les moyens ne sont pas faits. Il n’est pas besoin, messieurs, que les moyens soient faits ; il suffit que la chambre ait déclaré qu’ils seront faits, pour que les conseils provinciaux poursuivent la carrière dans laquelle ils sont entrés ; pour qu’ils fassent des propositions au gouvernement, et qu’au moyen des subsides que celui-ci leur aura accordés, ils mettent des routes en adjudication ; il n’est nullement besoin pour cela que les fonds soient faits, car les paiements ne doivent pas avoir lieu immédiatement.
Les propositions que les provinces peuvent faire au gouvernement, pour la construction de routes, sont de différente nature ; il est des provinces qui, tout en contribuant pour une forte part dans les dépenses, consentent à ce qu’après un certain délai la route devienne propriétaire de l’Etat ; il suffit que le gouvernement soit autorisé à souscrire à de semblables propositions pour que dans la prochaine session des conseils provinciaux l’élan qui s’est manifesté l’année dernière continue à produire d’heureux fruits.
D’après ces considérations, et d’après le vote antérieur de la chambre, je pense, messieurs, que vous ne pouvez pas adopter l’ajournement.
M. Gendebien. - Messieurs, lorsqu’il a été précédemment question de l’emprunt de 6 millions, j’ai été le premier à reconnaître qu’il fallait d’abord s’occuper des provinces qui avaient le moins de routes, sans cependant sortir des règles de l’équité ; ainsi j’ai signalé le Luxembourg comme la province où il fallait envoyer le plus de fonds. Je n’ai pas pour cela renoncé entièrement à défendre les intérêts de ma province, et je pense qu’il me sera permis de faire remarquer que, dans la répartition des 6 millions, la province du Hainaut a été à peine annotée pour mémoire. S’il y a beaucoup de routes dans le Hainaut, il y a aussi, messieurs, grand besoin de routes ; et dans l’arrondissement de Charleroy, par exemple, on voit à peine que le gouvernement s’occupe de routes ; c’est cependant l’arrondissement de tout le pays où les routes sont le plus nécessaires, où il y a le plus de transport de matières pondéreuses ; car toute l’industrie de cette contrée consiste dans le mouvement de matières pondéreuses : ce sont des particuliers ou des sociétés qui sont obligés de faire les routes les plus utiles, les plus indispensables. Je ne sais pas, messieurs, pourquoi la province du Hainaut doit être déshéritée, alors qu’elle fournit à elle seule plus de produits que toutes les autres provinces réunies.
J’ai entendu un honorable député des Flandres se plaindre de la répartition qui a été faite des 6 millions ; cependant, messieurs, la province dont cet honorable préopinant a défendu les intérêts, loin de fournir quelques chose à la caisse commune, se trouve ne déficit, c’est-à-dire que l’entretien de ses routes coûte plus qu’elles ne produisent. Je ne demande pas qu’on prenne pour échelle de proportion des fonds à allouer aux provinces les sommes versées par chacune d’elles au trésor ; mais je prie M. le ministre des travaux publics de se souvenir aussi d’une province industrielle qui fournit plus que toutes les autres ensemble à la caisse commune, et qui a le besoin le plus urgent de routes.
Je ne citerai qu’un seul exemple à l’appui de ce que j’avance ; Châtelet est maintenant un centre très important d’industrie ; eh bien, Châtelet ne correspond avec Bruxelles qu’en faisant un détour considérable jusque près de Charleroy ou en allant rejoindre la route de Namur ; déjà des particuliers ont commencé une route, et il serait très facile, en y ajoutant moins de deux lieues, de la rattacher à la route de Charleroy à Bruxelles, et de donner ainsi à une des localités les plus industrielles une communication non pas directe précisément, mais beaucoup moins indirecte que celles qu’elle a maintenant avec la capitale.
Il est autour de ce foyer industriel bien d’autres routes à faire.
Messieurs, malgré toute la précipitation qu’on a mise à discuter le projet, je consens volontiers à le voter, parce que, comme je l’ai dit dans d’autres circonstances, je suis prêt à allouer tous les fonds qui seront demandés pour construction de routes ; et quoique j’aie à me plaindre de la mauvaise répartition des sommes accordées précédemment, il y a toujours, en définitive, amélioration dans les communications pour quelques localités, ce qui ne peut que contribuer au bien général, puisque l’amélioration du bien-être d’une localité quelconque améliore nécessairement la situation du pays tout entier. Je voterai donc le projet, mais j’espère que M. le ministre des travaux publics songera à la province du Hainaut, et qu’il réparera d’anciennes injustices qui lui ont été faites.
M. de Langhe. - L’honorable M. Lebeau prétend que si nous votons le crédit demandé, cela déterminera les conseils provinciaux à faire des propositions au gouvernement ; je crois, messieurs, que les conseils provinciaux feront tout aussi bien des propositions sans que nous adoptions aujourd’hui même le projet qui nous est soumis ; ils pourront bien préjuger notre intention d’allouer des fonds pour la construction de routes, et prendre des mesures en conséquence ; il ne faut pas que le gouvernement leur accorde immédiatement des subsides, puisque dans tous les cas ce ne sera que l’année prochaine que les travaux pourront commencer.
Je désire réfléchir pour voir s’il n’y aurait pas moyen d’établir des bases de répartition, afin de prévenir des plaintes semblables à celles que la répartition actuelle a soulevées.
M. Pirmez. - L’honorable M. Lebeau vient de dire que le mot « équitable » est assez vague ; cependant les conseils provinciaux ont trouvé le moyen d’attacher un sens à ce mot ; lorsque la province accorde des fonds pour la construction d’une route, elle dit aux communes et aux particuliers intéressés ; « Si vous consentez à contribuer dans telle proportion à la construction de telle route, j’y contribuerai pour ma part dans telle proportion. » Les provinces ont regardé cela comme une mesure assez équitable. Il me semble que l’Etat pourrait tenir un semblable langage et que ce serait là le plus sûr moyen de savoir quelles routes sont le plus nécessaires, car lorsqu’une route est véritablement nécessaire, on trouve toujours les particuliers et les autorités locales et provinciales disposés à faire des sacrifices, et ce n’est que pour les routes inutiles que personne ne veut faire d’avances. Je pense donc que le gouvernement ferait très bien d’agir comme ont agi les conseils provinciaux, et que c’est là le plus sûr moyen d’en venir à une répartition équitable.
- La proposition d’ajournement est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. Pollénus. - Je dois faire remarquer à la chambre que le projet présenté par la commission tend à introduire un système tout à fait nouveau ; lorsque nous avons voté l’emprunt de six millions, nous avons laissé au gouvernement le soin de répartir cette somme, sans lui imposer à cet égard aucune limite quelconque. Je ne crois pas qu’il y ait le moindre motif pour dévier de ce système ; si vous ne permettez au gouvernement de faire usage du crédit demandé qu’à la condition du concours des provinces, il en résultera que les provinces riches participeront seules au produit de l’emprunt, tandis que d’autres provinces, comme celle du Limbourg, par exemple, n’en retireront absolument rien.
Ne croyez pas, messieurs, que ce soit ici un intérêt de clocher qui me fait parler : la province qui m’a député vers vous n’est pas si fortement intéressée à voir maintenir le système de l’emprunt de 6 millions, car il existe une circulaire ministérielle qui consacre à peu près le même principe qui nous est proposé par la commission, et quoiqu’il fût entendu, lorsque nous avons voté l’emprunt de 6 millions, que le produit en serait principalement affecté aux provinces où le besoin de routes se faisait le plus vivement sentir, la province de Limbourg n’a rien profité de cet emprunt.
Messieurs, en vous affirmant ce fait, je ne fais que corroborer les vives réclamations qui ont été adressées, tant à la chambre qu’au gouvernement, par le conseil provincial du Limbourg, sur la faible part que cette province a eue dans l’emprunt des 6 millions.
Je dis donc que ce qu’il importe de faire, c’est de mettre le gouvernement à même de pouvoir remédier à ces inégalités dans la répartition, et de lui abandonner entièrement, et sous sa responsabilité, la distribution du nouveau crédit.
En résumé, je dis que je voterai la loi, en tant qu’elle propose d’ouvrir au gouvernement un crédit nouveau ; mais je voterai contre la partie du projet qui fait dépendre la participation à ce crédit du concours des provinces, des communes ou des particuliers.
M. de Jaegher. - Messieurs, toute l’argumentation de M. Pollénus tend à établir l’état d’impuissance matérielle dans lequel se trouverait la province du Limbourg, de contribuer pour une part aux frais de construction des routes dont elle réclame l’exécution. Pour vous faire apprécier la valeur de cette argumentation, je me bornerai à vous donner lecture d’un arrêté royal, daté du 14 de ce mois, et qui porte acceptation par le gouvernement du subside de 76,000 fr. (le tiers du prix des travaux) offert par la province du Limbourg pour aider à la construction de la route de Ruremonde à Hoorn.
Tout ce que je pourrais ajouter à l’appui de la disposition contre laquelle il s’est exprimé, serait dès lors complétement superflu.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article unique du projet de loi, moins la clause : « sous la condition du concours des provinces, des communes ou des particuliers. »
- Cette partie de l’article est adoptée.
M. le président met ensuite aux voix, et la chambre adopté, le paragraphe « sous la condition du concours des provinces, des communes ou des particuliers. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
65 membres répondent à l’appel nominal.
62 répondent oui.
3 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté, et il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Brabant, Corneli, David, de Brouckere, de Longrée, F. de Mérode, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Maertens, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen et Zoude.
Ont répondu non : MM. de Florisone, de Jaegher et de Langhe.
M. Heptia dépose un rapport sur le projet de loi relatif aux routes vicinales.
- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion sur la convention du 8 novembre 1833, et sur la proposition qui a été déposée hier par M. Dolez. Cette proposition est ainsi conçue : « Le gouvernement est autorisé à prélever sur l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat les sommes nécessaires pour le remboursement des capitaux compris dans cet encaisse, et appartenant à des provinces, des communes et des particuliers.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, si la chambre pense qu’aborder la discussion de la convention du 8 novembre pourrait la mener trop loin (et, en effet, j’ai entendu dire par différents membres de cette chambre qu’ils n’étaient pas préparés à examiner une question aussi délicate que celle de la banque), je dois déclarer que le gouvernement, et le département des finances en particulier, ne voient aucun obstacle à ce que la proposition de l’honorable M. Dolez soit adoptée telle qu’elle vous a été présentée. Au moyen de la disposition que ce projet comporte, le département des finances pourra prélever sur l’encaisse déposé à la société générale les fonds nécessaires pour rembourser les capitaux qui sont dus sur cet encaisse à des provinces, à des communes et à des particuliers.
M. de Brouckere. - Ainsi, le gouvernement ne s’oppose pas à ce qu’on disjoigne la proposition de M. Dolez de la convention du 8 novembre 1833 ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Non, le gouvernement ne s’oppose pas à cette disjonction. Toutefois, si la chambre désire aborder la discussion des deux questions, la gouvernement est prêt à la soutenir.
M. Dolez. - Messieurs, il est bien évident que le projet que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre doit entraîner la disjonction des deux questions, sans cela il serait parfaitement inutile. Je crois que la chambre est persuadée comme moi qu’il est impossible d’aborder la grande discussion de la banque ; nous sommes à la fin de la session ; personne n’est préparé à une discussion aussi importante ; ce serait donc s’exposer à un ajournement très préjudiciable aux intérêts provinciaux et locaux que de laisser les deux questions connexes. Vous vous rappelez, messieurs, que déjà dans une dernière séance, j’ai eu l’honneur de proposer la disjonction qui n’avait pas été prononcée, parce que M. le ministre des finances s’y était opposé. Aujourd’hui, M. le ministre déclare qu’il n’y voir plus d’inconvénients. Je pense donc que la chambre n’hésitera pas à adopter cette proposition.
M. Verdussen. - Il me semble qu’il est impossible de disjoindre la question de l’encaisse de la banque de celle d’une partie quelconque de cet encaisse. C’est dans ce sens que je trouve que la proposition de M. Dolez ne peut être admise dans les termes dans lesquels elle est conçue. On est frappé, en lisant ce projet de loi, de l’idée que le gouvernement est autorisé à prélever sur l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat. Si cet encaisse appartient à l’Etat, il ne faut pas qu’une loi l’autorise à en prélever une partie quelconque. Je proposerai donc la rédaction suivante :
« Le gouvernement est autorisé à payer les sommes nécessaires pour le remboursement des capitaux compris dans l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat, et appartenant à des provinces, des communes et des particuliers. »
Je laisse ainsi au gouvernement la faculté de puiser les sommes nécessaires pour ces paiements dans l’ancien encaisse du caissier de l’Etat, s’il peut le faire, ou de prendre ces sommes sur les fonds ordinaires du budget.
M. le président. - M. Gendebien vient de déposer un amendement consistant à ajouter au commencement de l’article unique du projet ces mots : « sans rien préjuger sur la convention du 9 novembre 1833. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne vois aucune difficulté à adopter l’amendement de l’honorable M. Gendebien ; ce qu’il propose est de droit.
Je dois faire remarquer à M. Verdussen que j’ai eu l’honneur de donner à la chambre des renseignements dont il résulte qu’ayant eu le soin de m’informer près de la société générale si elle consentirait à concourir aux paiements qui sont l’objet de la loi en discussion, elle a déclaré y être disposée en réservant que le surplus des fonds de l’ancien encaisse serait régi par la convention du 8 novembre 1833.
Le moyen proposé par l’honorable M. Verdussen serait d’ailleurs impraticable ; car nous aurions 1,350,000 fr. à prélever sur les recettes ordinaires de l’Etat, alors qu’elles couvrent à peine les dépenses.
M. Gendebien. - Je conviens que l’amendement que j’ai proposé est inutile ; je vais plus loin, la loi est inutile. Le ministre des finances n’a pas besoin d’autorisation pour mandater au profit des provinces, des communes et des particuliers, les sommes qui leur appartiennent dans l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat. Dès que la banque ne se refuse pas à payer, il n’y a pas la moindre objection de la part de qui que ce soit ; car les sommes déposées à la banque sont une garantie pour elle ; dès qu’elle consent à se dessaisir, il n’y a plus d’objection.
Le ministre a le même pouvoir que sous le roi Guillaume, il a le même devoir, qui est de délivrer des mandats aux provinces pour leur faire payer les sommes provenant de leurs centimes additionnels déposés à la banque. Mais puisqu’on désire une loi pour donner ses apaisements au ministre des finances, je la voterai de bon cœur, quoique je la regarde comme inutile.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Si la loi était inutile, il vaudrait mieux ne pas la voter ; mais je pense qu’elle est indispensable. Je pourrais en donner plusieurs raisons ; je me bornerai à une seule, que je crois péremptoire :
Dans le budget des voies et moyens de 1838, on trouve un article de 670,000 fr. pour produit des obligations de la société générale, composant le solde de l’ancien caissier de l’Etat. Si je disposais d’une partie du capital de ces fonds, j’amènerais une réduction d’autant dans les intérêts qu’ils produisent, réduction qui en produirait une égale dans les prévisions positives du budget des voies et moyens ; d’où se trouverait modifiée, par une disposition administrative, une résolution législative.
La loi est donc nécessaire pour pouvoir remplir l’objet de la proposition de M. Dolez.
- La chambre consultée disjoint de la question de la convention du 9 novembre 1833 celle relative aux fonds provinciaux et autres, et se déclare saisie de la proposition de M. Dolez.
M. Lardinois. - D’après notre règlement, toute proposition faite par un membre doit être examinée en sections avant d’être mise en délibération. Je ne sais pas pourquoi nous voulons franchir ces règles salutaires de notre règlement. Cependant, comme la chambre paraît décidée à voter cette proposition, je ne demanderai pas qu’on la renvoie aux sections. Mais je ferai une observation ; dans le texte de la proposition de M. Dolez, il n’était question que des fonds provinciaux et communaux détenus par la banque. Dans le projet, on ajoute : « et des particuliers. » Je ne sais pourquoi le gouvernement pourrait être responsable des fonds des particuliers détenus par la banque
Ce projet de loi est vague. Nous devrions savoir quelle est la quotité de l’encaisse dont on veut disposer ; il faudrait qu’on voulût nous donner des explications.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’en ai donné de très détaillées.
M. Lardinois. - Nous ne savons pas la quotité des fonds appartenant à des particuliers qui sont détenus par la banque. Nous allons voter en aveugles, parce que les communes et les provinces sont intéressées à recevoir leurs fonds. Je voudrais savoir pourquoi le gouvernement est engagé envers la banque pour compte des particuliers.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ferai remarquer que la loi n’est pas impérative pour le gouvernement ; elle porte qu’il est autorisé à prélever sur l’encaisse de l’ancien caissier-général les différentes sommes qui seront reconnues revenir aux communes, aux provinces et aux particuliers, dans le montant du capital de cet encaisse. Il y a ainsi une garantie dans l’intérêt qu’a le gouvernement de ne laisser payer que ce qui sera reconnu être légitimement dû.
Les sommes appartenant à des particuliers ne sont pas très fortes ; elles résultent en général de mandats délivrés par l’ancien gouvernement, et qui n’ont pas été payés en temps utile.
Il s’agira simplement pour le département des finances de déclarer que ces mandats peuvent être payés maintenant.
Tous ces renseignements, messieurs, je les ai données ; ils ont été insérés dans le Moniteur au mois de janvier, et ils doivent en remplir plusieurs numéros.
M. de Brouckere. - L’objection de M. Lardinois n’en est pas une. Il trouve la proposition fort juste en ce qui concerne les communes et les provinces, mais il veut faire une distinction au préjudice des particuliers. Je voudrais qu’il justifiât la proposition défavorable dans laquelle il veut mettre les particuliers. On ne sait pas, dit-il, à combien pourront s’élever les sommes qui peuvent leur être dues. Mais les bornes se trouvent dans la loi elle-même. Il ne peut être question que du fonds de l’encaisse et de ce qui dans ce fonds est reconnu appartenir à des particuliers. Pourquoi y aurait-il plus de difficulté pour les fonds qui font partie de l’encaisse et qui sont reconnus appartenir à des particuliers, que pour ceux qui sont reconnu appartenir aux communes ou aux provinces. Il ne peut y avoir deux justices. S’il est juste de rendre aux provinces et aux communes ce qui leur appartient dans cet encaisse, il est également juste de rendre aux particuliers ce qui leur appartient dans ce même fonds. On ne peut pas faire de distinction.
M. Lardinois. - L’honorable préopinant me fait dire ce que je n’ai pas dit. Je ne veux pas d’exception pour les particuliers ; j’ai fait observer que quand MM. Gendebien et Dolez ont parlé du remboursement des fonds détenus par la banque, ils n’ont parlé que des fonds provinciaux et communaux, mais nullement des fonds appartenant à des particuliers : c’est pour la première fois qu’il en est question.
Le projet a été présenté irrégulièrement ; nous franchissons toutes les bornes de la comptabilité. Si nous devons quelque chose aux provinces, aux communes et à des particuliers, que le ministre présente un projet déterminant les sommes dues à chacun. Maintenant la banque veut bien lâcher les fonds qu’elle retenait ; ce n’est pas une raison pour que M. le ministre des finances se soumette à cette institution. Je l’engage à ne pas le faire.
M. Verdussen. - Les explications données par M. le ministre des finances, et la lecture qu’il a faite d’un passage du rapport, démontrent la nécessité d’admettre mon amendement. Il n’empêche pas les communes de toucher ce qui leur appartient dans l’ancien encaisse, et il évite ce que fait la rédaction de M. Dolez, de donner une sanction à la convention de 1833 sur laquelle nous avons éprouvé de justes scrupules.
M. Gendebien. - Et mon sous-amendement : « sans rien préjuger, etc. » ?
M. Verdussen. - Je conçois que le gouvernement continue à agir comme il l’a fait en 1833, mats la chambre ne doit intervenir ni directement ni indirectement. C est par respect pour les droits du gouvernement et de la chambre que je parle ainsi.
- Le sous-amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Verdussen n’est pas adopté.
La proposition de M. Dolez, à laquelle se rapporte le sous-amendement de M. Gendebien, est adopté.
La chambre ayant déclaré l’urgence, il est passé immédiatement au vote définitif.
On procède à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopte à l’unanimité des 67 membres présents. En conséquence il sera transmis au sénat.
M. le président. - Nous avons encore à l’ordre du jour le projet de loi sur le timbre. M. le ministre des finances se rallie-t-il aux modifications proposées par la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne me rallie pas au projet présenté par la section centrale, et dès lors je regrette de ne pas voir ici son rapporteur ; étant en désaccord avec elle sur plusieurs articles, j’aurai beaucoup d’observations à faire, qui devraient être débattues contradictoirement. Je ne demande pas mieux toutefois que de commencer la discussion, si la chambre le désire ; et si je ne voyais que ma convenance personnelle, j’insisterais même pour qu’elle commençât, puisque ma proposition ne pourrait que gagner à l’absence de M. le rapporteur.
M. A. Rodenbach. - Puisque le rapporteur est absent, il me semble que nous devrions nous borner à discuter la partie de la loi concernant le timbre des journaux. Cette discussion ne peut être longue. Depuis longtemps on a signalé ce besoin qu’a la presse de recevoir une amélioration. Toutes les industries ont reçu un allégement, le temps est venu d’en donner un semblable à la presse. Je propose donc de discuter immédiatement ce qui est relatif au timbre des journaux.
M. de Brouckere. - Je ne pense pas que l’absence du rapporteur de la section centrale soit un obstacle à la discussion de la loi. Il y a trois membres de la section centrale qui sont présents : MM. Rodenbach, Zoude et Duvivier ; ils pourront dire ce qui s’est passé dans le sein de cette section.
Si j’ai parlé de l’absence du rapporteur, c’est uniquement dans l’hypothèse que le ministre persisterait à s’opposer à la disjonction ; mais s’il consent à la disjonction, il ne peut plus y avoir de difficultés pour commencer immédiatement.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois que M. le rapporteur sera présent demain ; ainsi nous pouvons ajourner de 24 heures la discussion pour l’attendre. Le projet dont il s’agit ne peut être discuté en une demi-séance qui nous reste. D’ici à demain nous pourrons examiner la loi, et l’ajournement ne sera pas un temps perdu.
M. Verhaegen. - Depuis plusieurs jours nous savons que nous devons discuter le projet aujourd’hui, et notamment la partie qui concerne les journaux. Nous sommes venus ici, préparés à la discussion, et je ne pense pas qu’un délai soit utile.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Comme avant tout nous désirons que l’on fasse de bonnes lois, nous demandons que la discussion s’engage sur le projet en son entier, afin d’en coordonner plus sûrement toutes les dispositions.
Je ne vois pas, messieurs, pourquoi nous ne serions pas en nombre demain. Aujourd’hui nous sommes 67. Je ne désire pas la disjonction indiquée, parce que je crains qu’elle ne produise une loi décousue. Que la discussion commence donc dès aujourd’hui, si l’on veut, et qu’elle se continue demain en présence du rapporteur. Je tenais à faite cette observation pour qu’on ne croie pas que je cherche à éluder le débat, relativement aux journaux. Je désire la discussion sur ce point comme sur tours les autres ; je crois avoir de bonnes raisons pour faire adopter la loi entière.
Que chacun de nous prenne l’engagement d’être demain à son poste, et nous serons tous satisfaits plus tard d’avoir adopté une loi complète sur le timbre, au lieu d’un fragment de loi.
M. A. Rodenbach. - Si l’on prend l’engagement d’être ici demain, je consens à l’ajournement ; mais si demain le rapporteur n’est pas présent, je demanderai la disjonction.
M. de Brouckere. - Je crois que nous sommes d’accord de remettre la discussion à demain. Quant à la crainte de n’être pas en nombre, je ne la partage pas, et je suis persuadé que les membres qui avaient le projet de s’absenter resteront.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 3 heures et demie.