(Moniteur belge n°118, du 28 avril 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse de la pétition suivante :
« Le sieur Martin-Joseph Blareau, cultivateur à Athis (Hainaut), né en France et habitant la Belgique depuis 15 ans, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition de M. Salvadori.
- Pris pour notification.
Il est fait hommage à la chambre de l’ « Essai sur la statistique générale de la Belgique, composé sur des documents publics et particuliers par Xavier Heuschling, premier commis au ministère des finances. »
- La chambre ordonne le dépôt de cet ouvrage à la bibliothèque.
Première section
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. Eloy de Burdinne
Secrétaire : M. Troye
Rapporteur des pétitions : M. Doignon
Deuxième section
Président : M. Andries
Vice-président : M. de Nef
Secrétaire : M. Hye-Hoys
Rapporteur des pétitions : M. Metz
Troisième section
Président : M. Simons
Vice-président : M. Mast de Vries
Secrétaire : M. de Jaegher
Rapporteur des pétitions : M. Van Hoobrouck
Quatrième section
Président : M. Coppieters
Vice-président : M. Desmanet de Biesme
Secrétaire : M. de Langhe
Rapporteur des pétitions : M. Heptia
Cinquième section
Président : M. Dubus (aîné)
Vice-président : M. Scheyven
Secrétaire : M. Maertens
Rapporteur des pétitions : M. Milcamps
Sixième section
Président : M. Verdussen
Vice-président : M. Jadot
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur des pétitions : M. Zoude
L’article premier est mis aux voix et adopté ; il est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert au département de l’intérieur un crédit de 15,000 fr., à l’effet de solder les arriérés dus, jusqu’au jour de leur décès, à des ecclésiastiques, à titre de secours tenant lieu de pension. »
« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit de la somme de 15,000 fr., pour faire face aux traitements ecclésiastiques arriérés qui ont rapport à des exercices clos, y compris le troisième trimestre 1830, ainsi qu’aux deux créances détaillées dans le tableau annexé à la présente loi. »
(Ces deux tableaux ne sont pas repris dans la présente version numérisée.)
M. Lejeune. - Les observations présentées hier contre le projet de loi se rapportent aussi bien à l’article 2 qu’à l’article premier. Comme rapporteur j’avais demandé la parole hier, pour répondre à ces observations, en tant qu’elles concernent le travail de la commission. L’heure étant trop avancée et l’assemblée manifestant l’intention de lever la séance, je me suis abstenu de parler, me réservant de dire quelques mots aujourd’hui.
Un honorable membre a attaché au projet de loi une importance que la commission n’y a pas rencontrée ; elle n’y a vu qu’une simple régularisation.
L’honorable M. Verhaegen s’est plaint du défaut de renseignements. Si la commission avait eu l’obligation de rechercher s’il existe quelques rapports, et quand ils existeraient, quels seraient ces rapports entre le projet de loi et les dispositions du concile de Trente, le synode de Malines, les décrétales de proebendis, etc., certainement la commission serait unanime pour reconnaître avec moi qu’elle est restée infiniment au-dessous de sa mission ; mais la commission n’a vu dans ce projet de loi qu’une simple régularisation de ce qui s’est pratiqué jusqu’ici depuis 1830.
Quelles sont les lois (a demandé M. Verhaegen), quelles sont les lois sur lesquelles se fonde la demande de crédit pour pension ? Ces lois, aucun membre de la commission n’a eu l’idée de les rechercher bien loin ; chacun de nous avait trop présent à la mémoire l’article 117 de la constitution, par lequel les pensions sont suffisamment assurées.
On serait tenté de croire, à entendre cette question, que M. Verhaegen qui a fait des recherches si loin, s’est arrêté avant d’arriver à 1831 ; car c’est à cette époque qu’on trouve cette loi devant laquelle toutes les opinions politiques et religieuses doivent s’incliner, si on ne veut s’en prendre à la base même de notre existence comme nation.
L’honorable membre a dit qu’il est très disposé à voter le crédit pour accorder des pensions à ceux qui y ont droit ; mais ce droit est incontestablement établi par la constitution. Jusqu’à ce jour l’application de ce droit n’a pas été régularisée par une loi spéciale. Il n’y a pas de loi spéciale sur la matière, qui prescrive le mode de liquider les pensions. Qu’a-t-on fait en attendant ? Chaque année la législature a voté les fonds nécessaires pour le services de ces pensions. Le gouvernement a employé ces fonds absolument de la même manière que l’ancien gouvernement. Le gouvernement a suivi rigoureusement l’arrêté du 21 août 1816. Le gouvernement précédent n’a jamais suivi d’autres dispositions, il n’a jamais songé à appliquer les principes développés par l’honorable M. Verhaegen. Je ne pense pas qu’il faille aller chercher plus loin les droits à la pension et la manière de les accorder. Votre commission a examiné les pièces concernant les diverses demandes de crédit ; elle a trouvé qu’il ne s’agit que d’une simple régularisation, qu’il ne s’agit pas même d’ouvrir de nouveaux crédits, mais seulement de renouveler des crédits pour les exercices clos ; ces crédits ont été votés annuellement ; ils sont compris dans le budget ; si tous les exercices étaient ouverts, on ne serait pas même obligé de les demander.
L’honorable membre a commencé son discours par se plaindre de la parcimonie de la chambre dans le vote de la loi des pensions militaires. A la manière dont il s’est exprimé, on pourrait comprendre que dans les pensions ecclésiastiques qui ont été accordées et que sans doute on est disposé à accorder encore, il y a eu prodigalité ; car il a exprimé le doute que la chambre se montre aussi parcimonieuse dans le vote de ce crédit, que dans le vote de la loi des pensions militaires. Je crois qu’il n’y a eu ni parcimonie dans le vote des pensions militaires, ni prodigalité dans le vote des pensions ecclésiastiques.
Je demande à l’honorable membre ce que la chambre aurait dû faire ? La chambre avait devant elle trois tarifs de pensions militaires : un tarif présenté par le gouvernement, un tarif présenté par la section centrale, et un troisième tarif présenté par M. le ministre de la guerre, lors de la mise en discussion du projet. Dans ces trois tarifs, sur chaque article, la chambre a pris le chiffre le plus élevé. Je ne sais pas alors d’où peut provenir le reproche de parcimonie.
Je bornerai là mes observations. Je pense que la commission n’a pas dû s’occuper des questions soulevées hier, et qu’elle n’a dû voir dans le projet que ce qui s’y trouve réellement, la régularisation de quelques dépenses concernant une administration.
- Le tableau annexé à la loi et l’article 2 sont mis aux voix et adoptés.
L’article 3 est mis aux voix et adopté ; il est ainsi conçu :
« Art. 3. Une somme de 28,624 fr. 32 c. du crédit disponible au budget du département de l’intérieur, pour l’exercice 1837, chapitre V, article premier (culte catholique), et une autre de 1,375 fr. 68 c., disponible à l’article 2 du même chapitre (culte protestant), sont annulées, et serviront à faire face aux dépenses énoncées aux deux articles précédents, qui formeront : le premier, l’article 5, et le deuxième, l’article 6 du chap. V du budget de ce département pour l’exercice 1838. »
On passe à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
Elle est adoptée à l’unanimité des 57 membres présents.
Un seul membre, M. Verhaegen, s’est abstenu de prendre part à la délibération.
Les membres présents, ou qui ont voté l’adoption, sont : MM. Andries, Brabant, Coppieters, de Brouckere, de Florisone, de Foere, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Maertens, Mercier, Metz, Milcamps, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, H. Vilain XIIII.
M. Verhaegen. - Je n’ai pas voulu, par un vote négatif, refuser des pensions à ceux qui pourraient y avoir droit ; je n’ai voulu, par un vote affirmatif, sanctionner un principe qu’on voudrait faire prévaloir dans cette enceinte, et que je considère, non seulement comme dangereux mais comme subversif de toute idée sociale ; savoir, qu’il y aurait dans l’Etat des classes privilégiées, et que certains individus seraient dispensés de reconnaître l’autorité civile et d’obéir à la loi. Voilà les motifs de mon abstention.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je pense que le moment serait venu de fixer l’ordre dans lequel nous nous occuperons des projets de loi qui nous sont soumis. Je prierai la chambre de mettre à l’ordre du jour les projets de loi concernant les demandes en naturalisation que les deux chambres ont prises en considération ; je demanderai surtout que l’on commence par les demandes en naturalisation faites par des officiers, car il y a une raison particulière pour statuer sur leur sort.
Je voudrais donc qu’après les projets de loi relatifs aux tabacs et aux bois étrangers sur lesquels nous allons délibérer, on délibérât sur les projets de loi relatifs aux naturalisations des officiers.
M. Lejeune. - MM. Verdussen et David ont demandé que l’on s’occupât de la naturalisation de M. Gerson qui, à cause de ses connaissances, est utile au commerce d’Anvers.
M. de Jaegher. - M. Gerson serait nommé courtier de commerce à Anvers s’il était naturalisé,
- La chambre consultée décide, conformément à la proposition de M. le ministre de la justice, qu’elle s’occupera des projets de loi relatifs aux naturalisations, en commençant par celles des officiers, après la délibération sur les projets concernant les tarifs des tabacs et des bois étrangers.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Parmi les projets de loi que j’ai présentes à la chambre, il en est encore d’autres qui sont urgents. Je signalerai particulièrement le projet de loi qui a pour objet de remplir une lacune dans la procédure suivie à la cour de cassation. Le rapport en est fait, mais je ne vois pas ici le rapporteur. Je demanderai qu’on s’en occupe après avoir statué sur les naturalisations. Dans tous les cas, je demanderai qu’il ne soit mis en discussion que lundi ou mardi, afin que l’on ait le temps d’avertir l’honorable rapporteur.
M. Dubus (aîné). - A lundi !
- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.
M. Verdussen. - Je viens appuyer la demande faite par l’honorable M. Lejeune, de mettre à l’ordre du jour la naturalisation de M. Gerson d’Anvers, après les naturalisations des officiers.
M. Pirmez. - Je ferai remarquer que ces demandes de priorité peuvent consacrer un précédent dangereux ; elles vont élever des débats dans la chambre ; chacun de nous va demander la priorité pour les personnes auxquelles il s’intéresse, suivant l’ordre d’inscription des demandes.
M. Verdussen. - Ce n’est pas à M. Gerson que l’on s’intéresse ; c’est au commerce d’Anvers. Par ses connaissances, par ses études, il peut être très utile au commerce. On ne peut le nommer courtier parce qu’il n’est pas naturalisé. On a retardé la nomination des courtiers à cause de cette circonstance. Voilà les motifs qui m’ont déterminé, et qui ont déterminé M. David, à réclamer la priorité pour le projet concernant M. Gerson.
- La chambre, consultée, décide qu’elle s’occupera du projet concernant la naturalisation de M. Gerson après les naturalisations des officiers.
M. de Langhe. - Je demanderai la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, personne plus que moi n’est avare des moments de la chambre, personne plus que moi ne désire qu’elle s’occupe avec célérité des objets qui lui sont soumis ; mais ce désir est dominé par un autre ; c’est celui d’être parfaitement éclairé. Dans la matière qui va nous occuper, je vois dans les pétitions des fabricants de tabacs des assertions diamétralement opposées à celles du ministre, de sorte qu’il faut qu’il y ait erreur de part ou d’autre.
Des fabricants m’ont communiqué des prix courants de tabacs indigènes, qui ne sont nullement d’accord avec ceux qui ont été indiqués par M. le ministre ; ces fabricants disent que les prix du tabac indigène ont été, en 1837, de 100 fr. par 100 kil. pour la première qualité, et de 90 fr. pour la deuxième, tandis que M. le ministre fixe le prix de ce tabac de 24 à 60 fr.
Il y a encore une grande différence entre le nombre de machines qu’indique le rapport et celui qui résulte de mes renseignements ; le rapport ne parle que de 63 machines, tandis qu’un fabricant m’a assuré qu’il en emploie 73 dans sa seule fabrique ; toutefois ce fabricant m’a fait observer que les machines dont il fait usage ne sont peut-être pas celles dont le rapport a voulu parler. Quoi qu’il en soit, j’aurais désiré qu’on nous eût donné à cet égard des renseignements plus détaillés.
Mes renseignements diffèrent également des assertions de M. le ministre en ce qui concerne les quantités exportées. Tout cela me fait craindre que le projet n’ait pas été suffisamment élaboré, et si M. le ministre des finances ou M. le rapporteur ne peut pas me donner des éclaircissements satisfaisants à cet égard, je demanderai l’ajournement à une dizaine de jours, afin que la chambre ait le temps de s’éclairer.
M. Mercier, rapporteur. - Messieurs, l’honorable préopinant ne propose, dit-il, l’ajournement que pour autant qu’on ne pourrait pas lui donner des explications satisfaisantes sur les erreurs qu’il a cru trouver dans le rapport de M. le ministre des finances et dans celui de la section centrale. Ces erreurs consisteraient dans l’indication des prix, du nombre des machines et des quantités exportées. Il y a, en effet, dans le rapport, une erreur en ce qui concerne le prix du tabac indigène ; ce prix est indiqué comme étant de 24 à 60 fr. par 100 kilog., tandis qu’il est de 24 à 60 fr. par 50 kilog. ; d’après cette explication, il sera facile à chacun d’apprécier le prix réel du tabac indigène ; il suffit de doubler les chiffes qui se trouvent dans le rapport.
Quant au nombre des machines, l’honorable orateur a indiqué lui-même d’où provient la différence entre les renseignements fournis par la section centrale et ceux qu’il s’est procuré lui-même ; dans le rapport de la section centrale, il ne s’agit pas des mécaniques ordinaires qui sont employés en grand nombre par chaque fabricant, mais seulement des moulins à meules dont on se sert encore dans quelques localités ; la section centrale n’a pas pu indiquer le nombre des moulins ordinaires, parce qu’il n’en est pas fait mention dans la statistique des patentes à laquelle elle a eu recours.
Du reste, le but de la section centrale a été d’exposer toute l’importance de l’industrie des tabacs et nullement de l’atténuer, car elle s’est plutôt attendue à voir soutenir que le droit proposé n’est pas assez élevé qu’à entendre dire que ce droit est trop faible.
Quant à l’exportation, je ne sais pas où se trouvent les renseignements qui ont été donnés à cet égard, mais il est certain que nous ne pouvons pas en connaître le chiffre ; les quantités que j’ai fait connaître sont très faibles ; ce sont celles qui sont indiquées par les documents officiels, mais elles sont beaucoup au-dessous de la vérité ; nous savons tous que nous exportons beaucoup de tabacs, mais cette exportation se fait de telle manière qu’il est impossible de connaître les quantités exportées.
Je crois, messieurs, avoir répondu d’une manière satisfaisante aux questions posées par l’honorable préopinant ; s’il en avait d’autres à faire, je crois pouvoir y répondre également. Je ne m’opposerais pas à l’ajournement demandé par l’honorable membre, s’il y avait, en effet, des motifs plausibles pour cet ajournement ; mais il me semble que la question est suffisamment éclairée, et que par conséquent, il n’y a pas de raison pour retarder la discussion.
M. de Langhe. - D’après les explications données par l’honorable rapporteur, je n’insiste pas pour l’ajournement.
M. le président. - Je vais maintenant ouvrir la discussion générale ; je ferai auparavant remarque que la section centrale propose l’adoption du projet, sauf un changement de rédaction qui consister à ajouter les mots : « en feuilles et en rouleaux » après ceux « varinas ; » M. le ministre se rallie-t-il à ce changement ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui, M. le président.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, je crois devoir motiver mon opposition à l’adoption du projet de loi sur le tabac qui fait l’objet de notre discussion ; pour la somme tout à fait modique qu’on ferait entrer dans le trésor, je pense qu’on fera un tort réel à la fabrication, et qu’on produira un mécontentement réel aussi dans le pays.
La fabrication du tabac est à un point très prospère aujourd’hui, grâce à nos exportations ; si nous en croyons les réclamations qui nous ont été adressées, l’exportation absorbe les 70/100 des quantités fabriquées dans le pays, et rapporte un grand bénéfice aux industriels de notre pays ; certes un pareil résultat, obtenu depuis que nous sommes séparés de la Hollande, mérite toute notre attention et mérite aussi des encouragements ; toute tentative faite pour ajouter à notre prospérité industrielle a des droits tout particuliers à la protection du gouvernement ; je pense, messieurs, que nous devons faire tout à fait abstraction de ce qui se passe en France, en Angleterre et en Prusse quant aux impôts dont ces Etats frappent le tabac ; chacun de ces pays a un système d’impôts qui repose sur des considérations particulières au sol, et qui n’existent pas chez nous.
La Belgique, qui touche à la France, à la Prusse et qui n’est pas éloignée de l’Angleterre, pays où le tabac se fabrique et se vend comparativement plus cher, doit aspirer à fournir ses voisins en tirant parti de sa position avantageuse, du bas prix, et sans doute aussi de ses bons procédés de fabrication. Pourquoi irait-on changer quelque chose à l’ordre de choses existant ? En frappant d’un droit toujours trop élevé dans cette circonstance, des tabacs qui nous viennent d’une grande partie de la Hollande (ceux d’Amersfort), vous ôtez à nos fabricants une matière première qui leur est indispensable, et vous les mettez en présence des fabricants hollandais, dont la position sera plus avantageuse et dont la position l’est déjà aujourd’hui, puisqu’ils économisent les frais de transport que doivent payer les nôtres pour les tabacs de Hollande. Messieurs, qu’aurons-nous gagner à ces mesures ? 100,000 fr., si la loi produit tous ses effets, et beaucoup moins si elle ne les produit pas, et dans ce dernier cas elle aura peut-être fait beaucoup de mal. Je crois que la culture du tabac indigène n’a pas besoin de protection ; le tabac qui nous vient d’Amersfort, a une qualité que n’a pas le nôtre, parce que chaque sol a son genre de produit ; la fabrication, au contraire, peut étendre son domaine, augmenter son importation ; il nous demande le maintien du statu quo.
Votons-le, messieurs, ou du moins bornons-nous à l’imposer que les qualités fabriquées, réservons à d’autres temps le soin d’y asseoir un impôt de quelque importance si, comme je le pense, il continue à gagner en importance.
M. Desmet. - A entendre l’honorable membre qui vient de parler, la culture du tabac n’est pas en souffrance en Belgique, et il n’y a aucune nécessité à prendre quelques mesures pour améliorer cette culture. Si l’honorable membre le soutient sérieusement, je serais forcé de soupçonner qu’il ignore complétement ce qui se passe dans le pays. Il ne sait pas qu’à Hasselt, la culture du tabac est presque tombée à rien ; qu’à Grammont, à Wervick, à Charleroy et à Louvain, elle souffre fortement ; il ignore aussi que depuis longtemps ces contrées ont réclamé, qu’à plusieurs reprises elles ont pétitionné à la chambre, et que toujours leurs pétitions ont été appuyées par plusieurs membres.
L’honorable membre croit que le projet a été conçu uniquement pour augmenter les revenus du trésor ; en lisant l’exposé présenté à l’appui du projet, on s’aperçoit de suite du contraire : on y voit clairement qu’il l’a été pour donner plus de protection à la culture du tabac indigène, à la fabrication du pays, et surtout pour nous protéger contre la concurrence de notre rivale.
Quand on examinera avec un peu d’attention les modifications proposées, on sera de suite convaincu que la mesure est proposée pour lutter plus facilement contre la Hollande, qui est notre plus dangereuse rivale, et surtout avec le tarif actuel ; car il lui est tellement favorable, qu’elle nous envoie tous ses rebuts et conserve les premières qualités, et de cette manière elle agit avec beaucoup d’adresse, car c’est le véritable moyen d’anéantir notre commerce de tabac fabriqué et faire fleurir le sien à notre détriment.
Quand, par le projet, les tabacs importés de quelque pays de l’Europe sont plus imposés que ceux venant directement des colonies, on a bien saisi le mal et on a mis le doigt sur la plaie ; car les tabacs d’Amérique ou des autres colonies sont une véritable matière première dont nous avons tous besoin sur le continent pour fabriquer et mélanger nos produits indigènes ; la concurrence de ces tabacs ne peut nous faire aucun tort, mais c’est celle des tabacs de l’Europe qui nous est dangereuse, et particulièrement celle de Hamersfort de Hollande ; car il est pour la Hollande ce que les tabacs de Wervick et de Grammont sont pour la Belgique ; ces tabacs servent dans les deux pays de base à la fabrication, et le tabac américain leur sert pour mélanger et rendre propre à la consommation et à l’exportation. Ainsi donc, il est clair comme le jour que le projet est conçu tout à fait dans l’intérêt du pays ; en augmentant les droits sur les tabacs d’Europe, notre culture, notre fabrication et le commerce du pays y trouveront une mesure de protection dont ils ont grandement besoin, et qu’on réclame depuis longtemps et avec beaucoup d’instance.
Le seul reproche que je pourrais faire au projet, c’est que les tabacs d’Europe ne sont pas encore assez imposés, et je crois même que nous avons besoin d’une plus grande protection pour obtenir un résultat plus certain et lutter plus facilement contre la concurrence hollandaise ; et, j’ose le dire, si nous attendons plus longtemps a accorder de la protection à la fabrication du tabac, en peu de temps les Hollandais auront la préférence sur nous pour l’exportation et la consommation même de l’intérieur ; nous devons absolument chercher à ne plus rester tributaires de la Hollande, et prendre directement des colonies le tabac dont nous avons besoin pour la fabrication ; alors nous aurons du bon comme les Hollandais et à si bas prix, et pourrons facilement lutter contre eux.
M. Pollénus. - Je ne puis qu’appuyer les observations qui viennent de vous être présentées. Ainsi que l’a dit l’honorable préopinant, le projet de loi est bien plus une mesure de protection en faveur de l’agriculture qu’une loi financière proprement dite.
L’honorable M. Hye-Hoys qui a combattu le projet du gouvernement a dit que, d’après les calculs du gouvernement et de la section centrale, l’impôt produira tout au plus 100 fr. « 100,000 fr., dit-il, c’est bien peu de chose. » Mais je ferai remarquer à l’honorable membre que s’il considère ce produit comme peu de chose, il devrait en tirer avec moi une conclusion toute différente ; si le produit de cet impôt est peu de chose, si la protection qui doit en résulter pour l’agriculture est peu efficace, l’honorable membre devrait en conclure que le droit proposé par la section centrale n’est pas suffisant.
Et, en effet, le droit de 2 fr. 50 c. que la section centrale propose est assez minime ; et quiconque a vu cette branche d’agriculture, naguère si prospère dans une partie du Limbourg, entièrement anéantie depuis plusieurs années, reconnaîtra que le droit dont il s’agit est bien insuffisant. Je serais donc tenté de m’écrier avec M. Hye-Hoys : 2 fr. 50 c. les 100 kilog., est peu de chose ! J’en conclus qu’il faut quelque chose de plus, qu’il faut un droit plus efficacement protecteur. Je n’ai nullement l’intention d’entrer ici dans des calculs ; ni de déranger les combinaisons de la section centrale ; je soumets seulement cette observation à M. le rapporteur de la section centrale, et je le prie d’examiner la question de savoir si le droit protège suffisamment les intérêts de l’agriculture indigène qu’il propose.
L’honorable député de Gand a soutenu qu’il y aurait de grande inconvénients à frapper à l’importation les tabacs d’Amesfort, qui sont une matière première indispensable à notre fabrication. Messieurs, je pense que sur ce point le préopinant est dans l’erreur. La préparation des tabacs n’a aucun besoin des tabacs hollandais ; nos tabacs indigènes peuvent très bien remplacer ceux d’Amersfort dans leur combinaison avec d’autres espèces de tabacs qui nous viennent des autres parties du monde ; repousser le droit proposé à l’importation ou des tabacs d’Amesfort, ce serait vouloir sacrifier l’industrie du pays à l’industrie hollandaise et sacrifier les produits de l’agriculture du pays aux productions de la Hollande.
Rappelez-vous, messieurs, que le droit protecteur que le gouvernement nous propose a été sollicité par de nombreuses pétitions ; la culture du tabac, naguère si productive dans une partie du Limbourg, est aujourd’hui totalement abandonnée. Cet état de choses réclame un remède, et le seul reproche que peut-être on pourrait faire au projet, c’est qu’il ne sera pas assez efficace ; toutefois, je l’accepte comme une mesure utile. J’appuiera de mon vote les propositions qui nous sont faites en vue d’encourager une branche productive de notre agriculture.
M. Verdussen. - Messieurs, je vous avoue que s’il eût dépendu de moi de présenter la loi que nous discutons aujourd’hui, la présentation n’en eût pas été faite ; car je suis de l’avis de ceux qui pensent qu’il convient de laisser le commerce et l’industrie jouir de ce qui existe, à moins qu’il n’y ait de grands motifs pour changer les lois financières, quant aux impôts commerciaux.
Je regrette, messieurs, que dans le rapport, d’ailleurs recommandable, de la section centrale, on ne se soit pas attaché davantage à réfuter les observations qui ont été faites contre l’innovation projetée. On a consacré à peine quelques lignes à l’examen de ces observations, qui me paraissent cependant de nature à mériter une réplique bien plus ample. En effet, il y a dans les réclamations dont il s’agit des considérations tellement fortes à mon avis, que tout ce que j’ai entendu die jusqu’ici, et tout ce que j’ai lu dans le rapport de la section centrale et dans le projet du gouvernement, n’est pas de nature à me faire changer d’opinion ; qu’il eût mieux valu conserver le tarif actuel que d’introduire une innovation.
L’on est fort étonné, à la première lecture du rapport, de voir qu’on parle de la France, de l’Angleterre et de la Prusse. Mais, messieurs, il n’y a pas lieu de faire ici une comparaison entre la Belgique et les pays que je viens de citer ; elle n’est pas possible ; car dans ces pays-là on a frappé le tabac d’un droit de consommation ; et s’il y avait possibilité de frapper cette matière d’un droit de consommation en Belgique, je vous avoue que je ne m’arrêterais pas au droit minime que le gouvernement propose aujourd’hui ; je voterais un droit bien plus efficacement protecteur pour le fisc. Mais, messieurs, dans la position où nous nous trouvons, nous ne pouvons pas songer à établir un pareil droit de consommation, parce que nous sommes à côté de la Hollande, de cette rivale naturelle de la Belgique, qui nous inonderait par la fraude et anéantirait notre industrie manufacturière du tabac.
Après avoir développé dans son rapport les avantages des hauts droits que recueillent l’Angleterre, la France et la Prusse, M. le rapporteur conclut cependant à l’adoption de droits très minimes. On est tout étonné de cette conséquence, après de semblables prémisses, et il me paraît qu’en proposant des droits aussi minimes, la section centrale a déjà rendu une espèce de justice aux réclamations qui ont été présentées par les fabricants de tabac.
Chaque fois qu’il se présente une question de finance et surtout de douane, une lutte s’établir dans la législature entre le fisc et l’industrie qui y est intéressée ; et s’il y a possibilité de procurer au fisc un revenu tel, qu’il influe éminemment sur les revenus de l’Etat, je crois qu’alors l’industrie doit se taire en présence de cet intérêt majeur. Mais est-ce ici le cas ? De l’aveu du rapporteur, et même, si je ne me trompe, de M. le ministre des finances, l’impôt ne produira tout au plus qu’un revenu de 100,000 fr. Et remarquons que s’il est vrai que le changement de droit doit agir contre l’industrie manufacturière du tabac, les 100,000 francs ne seront pas alors atteints ; car cela doit alors influer sur la quantité de tabac à introduire. Mais, supposez que les 100,000 francs fussent obtenus, est-ce pour une somme aussi modique que nous devons compromettre une industrie qui, depuis quelques temps, s’est développée beaucoup, et dont l’avenir se présente également sous un aspect favorable ?
En effet, nous ne devons pas perdre de vue que l’ouverture prochaine du chemin de fer à la frontière prussienne va nous donner un marché nouveau, celui de l’Allemagne où nous devons craindre de rencontrer la Hollande victorieuse par ses bas prix pour notre industrie indigène.
On nous dit que l’agriculture est ici en jeu, et c’est l’agriculture qu’il faut protéger. Messieurs, chaque fois que l’agriculture jette de hauts cris, c’est toujours contre les objets de matière première qui viennent de l’étranger, et uniquement pour s’approprier le marché intérieur du pays.
Or, je vous le demande, le nouveau projet tend-il à favoriser l’agriculture ? On nous a présenté en détail des avantages que l’agriculture doit retirer de ce projet ; on nous a dit que la différence serait d’un centime par kilog. !
Je vous le demande, quand le goût d’un fumeur s’est attaché à telle ou telle qualité de tabac étranger, pensez-vous qu’il s’avise de renoncer à son goût, pour prendre du tabac indigène, parce que le droit sur le tabac étranger qu’il consommait aura été majoré d’un centime par kilog. !
Si vous voulez réellement favoriser l’agriculture, vous devriez porter un droit bien plus fort ; l’agriculture n’est donc pas du tout ici en jeu ; car, je le répète, il n’est pas possible que les goûts qui se sont fixés sur telle ou telle sorte de tabac, viennent à changer, par suite d’une différence de prix aussi minime.
Je conçois, messieurs, que lorsque M. Vuylsteke a présenté son projet de loi, il y a un an, il ait pu annoncer publiquement qu’il avait en vue de favoriser l’agriculture. Il ne demandait pas que le droit actuel sur les tabacs d’Ukraine et d’autres pays de l’Europe fût porté seulement à 5 francs ; il demandait au contraire que ce droit fût élevé à 20 fr. Dès lors, on pouvait considérer avec raison la proposition de l’honorable membre comme avantageuse à l’agriculture, car elle était efficace.
Mais quand le gouvernement a mûri son projet, quand la section centrale qui l’a examiné, rejette cette proposition pour des motifs dont j’apprécie toute la justesse, et lorsqu’il se borne à proposer un changement tel que le résultat n’en doit être qu’une augmentation de centime par kilog., il est impossible que l’agriculture soit intéressée à ce changement de tarif. C’est donc l’industrie manufacturière qui est essentiellement intéressée à la question qui nous occupe ; et ne perdons pas de vue que tout ce qui tient à l’industrie est d’un intérêt majeur pour la Belgique. Le tabac étranger que réclame l’industrie du pays lui est nécessaire et est pour lui une véritable matière première, parce que le tabac indigène a un goût de territoire qu’il est impossible de détruire, à moins qu’il ne soit mélangé avec du tabac d’Amérique ou avec du tabac d’Amersfort, mélange indispensable pour la vente.
Quant au tabac du Brésil, de la Virginie, du Maryland et de l’Amérique septentrionale, dont on propose de porter le droit à 2 fr. 50 cent. les 100 kil., je pense qu’on ne devrait introduire qu’une modification légère au projet pour ne pas nuire à l’industrie.
Mais quand nous voyons qu’on fait une catégorie séparée des tabacs de l’Ukraine et des autres parties de l’Europe, et qu’on les frappe d’un droit de 5 fr., alors je crois que nous ne pouvons aucunement admettre le projet parce que je crains qu’il ne nuise fortement à notre industrie. En effet, les prix des tabacs exotiques varient beaucoup ; et lorsque le tabac de l’Amérique septentrionale est cher, alors, dans les mélanges qu’on fait communément, on le remplace par du tabac d’Amersfort, et dès lors ce tabac est une véritable matière première pour notre industrie, comme l’est celui de l’Amérique septentrionale dans d’autres moments. Or, il est reconnu par tout le monde qu’on ne peut imposer des matières premières sans porter préjudice à l’industrie, qui mérite toute la protection du législateur.
J’avais eu d’abord la pensée, messieurs, de proposer un tarif tout à fait différent de celui qui nous a été soumis par M. le ministre, et dont la section centrale propose l’adoption ; mais, après y avoir mûrement réfléchi, je pense que nous pourrions nous borner à y introduire une double modification, consistant d’abord à assimiler les tabacs de l’Ukraine et des autres parties de l’Europe à celui de l’Amérique septentrionale, et ensuite à diminuer quelque peu le droit proposé pour cette partie ; je crois que de cette manière on atteindrait le but que réclame avec tant d’instance la fabrication des tabacs.
Remarquez, messieurs, que ce n’est pas une localité isolée qui réclame, toutes les parties intéressées de la Belgique élèvent une commune voix contre le projet de loi ; d’une part, nous voyons le pays de Liége demander le maintien de ce qui existe ; c’est là le voisinage de la Prusse ; d’autre part, nous voyons les pétitionnaires de Menin, voisins de la France, qui demandent la même chose ; avant-hier, les fabricants d’Anvers, qui sont dans le voisinage de la Hollande, nous faisaient encore une demande semblable. Vous voyez, messieurs, que sur tous les points de la Belgique il n’y a qu’une voix pour demander le maintien de la législation actuelle, ou au moins un droit qui ne diffère guère de celui qui existe maintenant et qu’on peut, à juste titre, envisager comme suffisamment protecteur, surtout lorsqu’on considère, comme je l’ai déjà dit, qu’il frappe sur la matière première d’une des industries du pays.
J’aurai l’honneur ; messieurs, de déposer tout à l’heure un amendement tendant à assimiler les tabacs de l’Ukraine et des autres pays de l’Europe aux tabacs de l’Amérique septentrionale, dont je proposerai de baisser un peu les droits d’entrée qui nous sont demandés par le gouvernement.
M. Mercier. - Je crois, messieurs, qu’on ne saurait entourer la chambre de trop de renseignements lorsqu’on est chargé de lui présenter un rapport ; c’est par cette considération que la section centrale a indiqué dans son rapport quels sont les droits dont les nations voisines frappent les tabacs et quel est le produit de ces droits ; quoique de nombreuses réclamations aient surgi dans cette enceinte pour obtenir des droits beaucoup plus élevés sur les tabacs, nous n’avons pas cru devoir suivre ce système, et après avoir exposé l’état de choses qui existe chez nos voisins, nous avons expliqué pourquoi nous croyons qu’il ne serait pas utile d’en établir un semblable chez nous. Je crois qu’en cela nous avons agi d’une manière tout à fait logique.
L’honorable orateur que vous venez d’entendre, désirerait, messieurs, des explications plus complètes sur les objections qui nous ont été présentées par les parties intéressées ; mais toutes ces objections se trouvent répétées dans le rapport de la section centrale ; et s’il y en avait auxquelles il n’eût pas été suffisamment répondu, il était libre à l’honorable préopinant de les reproduire, et alors l’un ou l’autre membre de la chambre aurait pu se charger de répondre. L’honorable membre propose d’assimiler les tabacs de l’Ukraine et des autres pays de l’Europe à ceux de l’Amérique septentrionale, et de réduire en outre le droit proposé pour ces derniers ; si cette proposition était adoptée, je pense, messieurs, qu’au lieu de produire 100 ou 120,000 fr., le droit dont il s’agit n’en donnerait plus que 15 à 20 mille.
Il est à observer que nos importations consistent presque exclusivement en tabacs de l’Ukraine et de l’Amérique septentrionale. Si on baissait le droit sur ces tabacs, l’augmentation deviendrait presque nulle. Car le droit actuel est de 70 et 80 cents les 100 kil. ; si vous ne portez le droit qu’à 2 fr. au lieu de 2 fr. 50, l’augmentation se réduirait à rien. Je ne pourrai, par cette raison, admettre l’amendement que l’honorable membre a annoncé vouloir présenter.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, un honorable préopinant vous a dit que le projet présenté à la chambre sur l’importation des tabacs étrangers, n’eût pas été son fait. Naturellement, nous concevons cela. Il ne faut pas gêner le commerce, dit le même honorable membre. Non ; il faut lui laisser toute latitude pour amener dans notre pays le fer et la houille ; en lui accordant cette faveur, il ne fait pas faire attention aux producteurs de fer et de houille. Ces gens-là ne méritent aucune considération. Il faut favoriser les produits de l’étranger.
L’honorable membre a annoncé que son intention serait d’imposer le tabac comme droit d’accise. A cet égard, je ne serai jamais de son avis ; je ne veux pas voir revenir les vexations que nous avons souffertes sous l’empire. Je ne veux pas que les débitants soient soumis à des visites et à des recherches et à toutes les tracasseries que ces mesures entraînent. L’honorable M. Verdussen devrait être d’accord avec moi sur ce point, car il ne veut pas que le commerce soit gêné.
Chaque fois que l’agriculture jette les hauts cris, vous a dit encore le même orateur, c’est pour gêner le commerce sur le marché intérieur. D’après son système, il faut donner toute latitude au commerce pour faire affluer dans notre pays les produits étrangers et dire aux habitants : Restez les bras croisés ; ne produisez plus rien ; nous, commerçants, nous nous chargeons de vous fournir tout ce dont vous avez besoin.
Sans doute je partage l’opinion de l’honorable député d’Anvers, quand il dit que l’impôt sur le tabac est trop minime pour favoriser l’agriculture, et que, pour atteindre ce but, il faudrait porter l’impôt à 20 fr., comme l’avait proposé un de nos anciens collègues M. Vuylsteke. Nous allons être d’accord ; moi aussi je suis de cette opinion, mais je ne crois pas qu’il conviendrait à l’honorable membre de la voir partagée par la chambre, car le commerce serait plus gêné que par le projet que nous discutons.
Je crois qu’aucune espèce de denrée n’est plus à même d’être imposée que le tabac étranger. C’est une manière de luxe qui ne convient qu’aux personnes moyennées. Ceux qui n’ont pas le moyen de fumer le tabac de la Havane fumeront du tabac du pays ; ils l’auront à bon compte.
L’agriculture qui n’est pas habituée à voir ses demandes bien accueillies, se contente de peu ; mais le commerce veut toujours beaucoup. Voilà la différence qu’il y a entre le commerce et l’agriculture. Je me bornerai à ces considérations.
Je donnerai mon assentiment au projet de loi, non parce qu’il encourage l’agriculture, mais parce que j’espère que ce sera un pas de fait et que plus tard on élèvera davantage le droit, de manière à lui faire produire non plus cent mille francs, mais deux millions. Car si vous faites produire deux millions au sel qui est consommé par le malheureux, vous pouvez bien faire produire deux millions au tabac étranger qui est une consommation de luxe.
M. de Langhe. - En matière de douane, quand il s’agit d’augmenter un droit d’entrée, il faut examiner si l’objet qu’on veut frapper n’est pas une matière première pour une industrie du pays. Dès lors la question est ici de savoir si les fabricants de tabac du pays peuvent se passer de tabacs d’Ukraine et autres pays d’Europe, si ces tabacs peuvent se remplacer par les tabacs de notre pays. Si ce remplacement est possible je veux bien voter la mesure proposée en faveur de l’agriculture, sinon je ne lui donnerai pas mon assentiment. J’attendrai des explications sur ce point. Si on me répond que le remplacement ne peut avoir lieu, je voterai contre la loi, à moins qu’on n’introduise un amendement qui réduise de beaucoup le droit ; alors je l’admettrai à raison de sa modicité. Mais je ne donnerai jamais mon assentiment à un droit de 14 à 15 p. c. sur une matière indispensable à une industrie.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’augmentation des droits d’importation sur les tabacs étrangers a été souvent réclamée dans le sein des chambres. C’est pour déférer au vœu manifesté que le gouvernement est venu vous soumettre le projet qui vous occupe en ce moment. Dans l’économie de ce projet, on devait tenir compte de trois grands intérêts : l’agriculture, l’industrie et le trésor. Nous pensons qu’avec les droits modérés que nous proposons, nous avons satisfait autant que possible à chacun de ces intérêts.
Vous remarquerez, messieurs, que le tabac qui a la plus grande valeur se trouve le moins imposé, parce que cette production des Indes est absolument nécessaire à la fabrication indigène.
Il faut mélanger de ce tabac étranger, de bonne qualité, pour fabriquer du tabac indigène qu’on puisse débiter. Nous avons donc tenu compte ainsi des exigences de l’industrie du pays, puisque nous n’imposons que d’un très faible droit le tabac qui est pour elle une matière première indispensable. D’un autre côté, nous avons imposé davantage un tabac d’une valeur beaucoup moindre, qui est cultivé en Europe et qui n’est pas, comme l’autre, indispensable à nos fabricants ; en cela, nous croyons avoir agi rationnellement et de manière à favoriser la culture du tabac en Belgique, but qui ne saurait qu’être approuvé par vous puisqu’il tend à développer l’une des branches importantes de la fortune publique.
Quant au trésor, messieurs, il ne sera pas très richement doté par l’adoption de notre loi, puisqu’ainsi qu’on vous l’a dit, le résultat de l’augmentation du droit sera une recette de 100 mille francs. C’est peu, j’en conviens ; mais quand une telle somme peut être perçue sans gêne pour l’industrie et le commerce, d’une manière insensible pour le consommateur, cent mille francs sont bons à prendre, et il me semble que cette considération du peu d’importance fiscale de la loi, qu’on vous a présentée pour faire rejeter le projet, ne doit pas prévaloir près de vous.
On a dit que quand on présentait des modifications à un tarif de douanes, une des premières conditions de l’opportunité de ces modifications devait être qu’elles fussent très sensibles, très importantes. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point avec l’orateur qui a présenté cette opinion. Quand les modifications à un tarif de douanes sont très sensibles, très importantes, il faut hésiter à les proposer parce qu’elles jettent la perturbation dans une multitude d’intérêts, tandis que quand ce sont des modifications insensibles, elles ne froissent aucun intérêt, et dès lors on peut les introduire en toute confiance, parce que le trésor y trouve une ressource sans que les consommateurs s’en aperçoivent. C’est le cas ici, messieurs ; les consommateurs de tabac ne s’apercevront pas des effets de la loi que nous proposons.
Je m’empresse toutefois de déclarer que cette dernière considération ne nous eût pas déterminés à vous soumettre des droits modérés ; car, ainsi qu’on l’a dit, le tabac est un objet de luxe qu’il serait désirable de soumettre à un impôt de consommation élevé, s’il était possible d’en organiser la perception, chose que je reconnais impraticable, puisqu’il faudrait recourir à un système d’inquisition qui ne peut convenir à notre pays ; système que n’a pas préconisé l’honorable M. Verdussen, comme avait cru l’avoir compris un honorable préopinant.
En effet, M. Verdussen vous a dit que s’il était possible d’établir un droit de consommation qui ne fût pas odieux et gênant, il y applaudirait ; mais il a reconnu que le système de perception auquel on devait nécessairement avoir recours pour cela, ne serait pas compatible avec nos institutions et nos mœurs. Il a reconnu de plus que le tabac, matière très imposable, ne pouvait être imposé que faiblement en douane, à cause de la fabrication du tabac en Belgique. J’ajouterai à cela une considération qui avait sans doute échappé à notre ancien collègue qui avait proposé un droit de 20 fr. sur le tabac d’Europe, c’est que la fraude d’infiltration nous l’importerait au grand détriment du commerce loyal de l’industrie et du trésor.
J’ai démontré, messieurs, que le projet favorisait, légèrement à la vérité, mais favorisait cependant l’agriculture ; qu’il rapporterait une somme assez notable au trésor, et qu’il ne gênerait en aucune manière l’industrie, ni le commerce ; résultat conforme à notre but.
M. de Langhe. - Je ferai encore une question. Je remarque que les cigares de toutes provenances et de toutes qualités sont frappés des mêmes droits. Cependant nous savons qu’il y a dans les cigares de grandes différences de qualité et de prix. Je demanderai s’il n’y aurait pas moyen de faire deux classes, comme dans l’ancien tarif : une classe pour les cigares d’Europe, et une pour les cigares fabriqués hors d’Europe.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je suis charmé que l’honorable membre me donne l’occasion de dire deux mots que j’avais oubliés sur les cigares, objets importants du projet. Vous remarquerez que nous voulons imposer fortement les cigares, parce qu’on peut faire dans le pays, avec le tabac exotique, d’aussi bons cigares que ceux fabriqués à l’étranger, et que par suite la fabrication indigène se trouvera sous ce rapport très encouragée.
Répondant à M. de Langhe, je lui ferai remarquer que nous n’avons pas maintenu de distinction entre les cigares, parce qu’on n’en importe presque plus d’Europe.
M. Hye-Hoys. - Sans doute, comme l’a fait observer M. le ministre des finances, 100,000 fr. sont toujours une somme pour le trésor, si la perception de cette somme ne nuit pas à l’agriculture, au commerce, ni aux fabricants. Mais je crains précisément que les intérêts de ces derniers ne soient lésés ; car la France a modifié deux fois son tarif sur les qualités que nous exportons ; et si nous n’avions pas d’exportation, notre fabrication se réduirait à peu de chose.
- La discussion est close.
Un amendement présenté par M. Verdussen et qui consiste à réduire à 2 fr. par 100 kilog, les droits sur les tabacs en rouleaux et en feuilles d’Ukraine et autres pays d’Europe, du Brésil, de Virginie, de Maryland et de l’Amérique septentrional, est mis aux voix il n’est pas adopté.
Les deux articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Par modification au tarif des douanes, les droits d’importation et d’exportation sur les tabacs sont fixés comme suit :
« Tabacs en rouleaux et en feuilles :
« d’Ukraine et autres pays d’Europe, les 100 kil. ; droits d’entrée : 5 fr.
« du Brésil, de Virginie, de Maryland, de l’Amérique septentrionale, les 100 kil., droits d’entrée, 2 fr. 50 c. ; droits de sortie : 10 fr.
« de Portorico, de St-Domingue, de La Havane, de Colombie, d’Orénoque, des Grandes-Indes, les 100 kil., droits d’entrée, 5 fr. ; droits de sortie : 10 fr.
« Autres feuilles en tabac, les 100 kil., droits d’entrée, 3 fr. ; droits de sortie : 10 fr.
« Varinas en feuilles et en rouleaux, et autres tabacs en rouleaux, les 100 kil. ; droits d’entrée, 25 fr. ; droits de sortie : 10 fr.
« Côtes de tabac aplaties et non aplaties, les 100 kil., droit d’entrée ; 5 fr. ; droit de sortie, 5 fr.
« Tabacs fabriqués :
« - en carottes, en poudre, hachés ou autrement fabriqués, les 100 kil., droits d’entrée, 30 fr., droits de sortie : 10 fr.
« - cigares de toute provenance, les 100 kil., droits d’entrée, 100 fr. ; droits de sortie, 100 fr.
« -indigènes de fabriqués et non fabriqués, les 10 kil : droits de sortie, 10 fr. »
« Art. 2. Dans aucun cas, le droit à l’importation ne pourra être inférieur à 50 centimes par expédition. »
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
57 membres sont présents.
48 votent l’adoption.
9 votent le rejet.
En conséquence le projet est adopté et sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Brabant, Coppieters, de Florisone, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Huart, Doignon, Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Jadot, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Maertens, Mercier, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pollénus, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verhaegen, Vilain XIIII.
Ont voté le rejet : MM. Dechamps, de Foere, de Langhe, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Ullens, Van Hoobrouck, Verdussen.
M. le président. - La section centrale a proposé l’adoption du projet présenté par le gouvernement, et qui est ainsi conçu :
« Article unique. Par modification au tarif des douanes, en ce qui concerne les espèces de bois étrangers ci-après spécialement désignées, les droits d’entrée et de sortie sur ces espèces sont fixés comme suit :
« Les droits auxquels sont actuellement soumises les autres espèces de bois mentionnés aux tarifs existants, sont maintenus.
« Bois
« Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre toutefois que les bois de construction civile et navale, que le tarif actuel admet au droit de 25 cents par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames. A la valeur : droit actuel : à l’entrée, 2 1/2 p. c., à la sortie, 1 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 6 p. c., à la sortie 1 p. c.
« Planches, solives, poutres, madriers et toute autre espèce de bois scié, entièrement coupé ou non, et autres, autres toutefois que les bois de construction compris dans l’exception ci-dessus et que les bois feuillards. A la valeur : droit actuel : à l’entrée 6 p. c., à la sortie, 1/2 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 10 p. c., à la sortie 1/2 p. c. ;
« Gaules, perches et lattes de sapin. A la valeur : droit actuel : à l’entrée 2 p. c., à la sortie, 1 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 10 p. c., à la sortie 1 p. c.
« Bois pour caisses à sucre, bois de chauffage, bois feuillard, osiers, saules, cercles, cerceaux, douves et autres subséquemment désignés au tarif général : comme au tarif actuel. »
M. de Nef. - Messieurs, ainsi que la section centrale vous l’a très bien fait observer, les bruyères actuellement existantes forment encore à peu près le sixième du territoire du royaume, et la culture ne peut en être tentée que par le moyen des sapinières, dont il faut par conséquent encourager l’établissement et le développement successifs.
A cet effet, un droit protecteur sur l’introduction des bois étrangers est d’une indispensable nécessité ; sans cela, comment espérer que les propriétaires de ces terrains, aujourd’hui incultes, iront exposer en frais d’exploitation des capitaux considérables, devant la perspective de ne pouvoir lutter avec les pays du nord ? Chacun sait que dans ces pays les forêts de sapin croissent sur un terrain immense, presque sans valeur, et cependant propre à produire en ce genre une végétation vigoureuse, de manière à offrir des produits faciles et recueillis à peu de frais.
Il est notoire que quantité de forêts ont successivement disparu sur le sol de la Belgique ; si l’on n’en crée pas de nouvelles, le résultat inévitable sera de nous rendre, après un certain nombre d’années, tributaires de l’étranger, et de voir sortir du royaume des sommes considérables pour payer les bois qu’il ne sera plus possible de se procurer dans l’intérieur.
Il est donc urgent d’adopter au plus tôt les mesures qui nous sont proposées, et qui sont de nature à engager les propriétaires à la conservation et à la propagation de plantations indigènes.
J’ajouterai seulement que le droit propose me semble trop peu élevé, et qu’il faudrait nécessairement augmenter le chiffre pour que ce droit ne reste pas complétement inefficace et puisse devenir un véritable droit protecteur.
M. de Langhe. - Messieurs, je me suis montré souvent, dans cette enceinte, ennemi des droits élevés ; et je persiste à croire, en principe général, que les droits élevés dans notre pays sont contraires à nos intérêts ; mais j’ai annoncé en même temps que je n’avais pas de système absolu sur cette matière. Aujourd’hui je me trouve en effet dans un cas exceptionnel, et je viens proposer une majoration de droits.
Près de la localité que j’habite, se trouve une contrée où la culture du houblon est très en usage. Cette culture a besoin de sapin particulièrement, parce que les autres bois ne donnent plus de perches assez fortes. Cette localité est voisine d’une partie de la France où la culture du houblon prend aussi de l’extension par suite des droits assez forts mis sur cette substance à son entrée en France. En France on a donc aussi besoin de perches, et de là concurrence fâcheuse avec notre contrée. Toutefois je ne demanderai pas de droits prohibitifs à la sortie pour nos perches. Je suis propriétaire de sapinières, et je crois que cette propriété doit prospérer comme les autres. Je proposerai de porter le droit sur les perches, lattes, etc., à 5 p. c. à la sortie. Dans le projet on ne demande que 1 p. c.
M. Andries. - Il existe une loi du 5 octobre 1831, loi de circonstance qui a été proposée le 5 octobre, adoptée le même jour par les deux chambres et signée par le Roi. Elle avait un but spécial qui a été manqué ; tout en voulant empêcher de fournir du bois à Maestricht, elle a fait un grand mal à une partie des Flandres. Elle défend l’exportation des bois de construction « et autres. » Avec ce moi « autres, » on a défendu l’exportation du bois de chauffage, et nui aux propriétaires des Flandres qui fournissaient des bois de chauffage à la rive gauche de l’Escaut.
On a donné, il est vrai, des permis d’exporter ; mais tout le monde ne sachant pas qu’on pouvait les obtenir n’en a pu profiter. Je voudrais que cette loi de circonstance fût rapportée, et il me semble que cela serait facile par une disposition insérée dans la loi dont nous nous occupons.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La loi du 5 octobre 1831 prohibe la sortie de toutes sortes de bois vers les territoires occupés par l’ennemi ; mais cette loi donne au gouvernement la faculté d’autoriser l’exportation, quand il la croit sans inconvénient pour la défense des intérêts du pays. L’administration des finances qui a l’attribution d’accorder ces autorisations, afin d’ôter toute entrave à l’exportation des bois, lorsqu’elle peut convenablement être permise, à donner aux fonctionnaires provinciaux le pouvoir d’accorder eux-mêmes les autorisations, sans en référer ; il ne peut donc y avoir que peu de gêne maintenant pour les propriétaires des Flandres quand ils vendent des bois pour le territoire étranger car depuis 1831, ils ont eu parfaite connaissance de la loi et savent qu’ils peuvent obtenir très aisément les autorisations d’exporter des bois sur le territoire ennemi quand il n’y a pas d’inconvénient à le permettre.
Je pense, messieurs, que le moment n’est pas encore venu d’abroger la disposition dont on vient de parler : il peut se présentée telle circonstance où il serait urgent de ne pas laisser exporter sur le territoire de l’ennemi des bois dont il pourrait faire usage pour établir des ouvrages de guerre contre nous ; dans un cas semblable il faut que nous soyons armés des moyens d’empêcher qu’on ne tire de notre propre pays des armes contre nous. Il est donc nécessaire de maintenir la disposition de la loi du 5 octobre 1831 ; si l’honorable M. Andries croit que des particuliers ne connaissent pas suffisamment les formalités qu’il faut employer pour obtenir les autorisations spéciales dont il a parlé, je pourrais prendre l’engagement de faire en sorte que ces formalités soient connues de tout le monde, en priant MM. les gouverneurs des provinces de faire insérer au Mémorial administratif un avis qui mettrait tous les intéressés parfaitement au courant de la marche à suivre ; de cette manière on éviterait les entraves que l’honorable membre suppose exister parfois à l’exportation des bois, et l’on conserverait une disposition qui, dans un cas donné, peut être de grande utilité pour la défense du pays.
Je ne pourrai pas appuyer, messieurs, l’amendement proposé par l’honorable M. de Langhe ; je ne comprends pas même comment nous irions frapper un produit de notre sol d’un droit qui en empêcherait souvent l’exportation ; le projet de loi qui nous occupe a eu, en partie, pour objet de favoriser la culture des perches de sapin, d’encourager la plantation de bois dans la Campine surtout ; nous croyons que dans la suite la mesure pourra être utile, bien que jusqu’à présent on ait peu importé de cette sorte de bois en Belgique ; c’est depuis l’année dernière qu’il en a été introduit quelque peu, et il serait à craindre qu’un pays voisin fût à l’avenir en mesure de nous en fournit beaucoup ; il est donc prudent d’y obvier et de réserver à notre pays la vente des espèces de bois dont il s’agit.
M. de Langhe a dit que les perches étant très lourdes le transport faisait la principale valeur, et qu’en définitive le trésor profiterait seul du droit de sortie qu’il propose, puisque les habitants des territoires limitrophes de la Belgique, qui ont besoin des perches, auraient toujours plus d’avantage à les tirer de notre pays, même en payant le droit, qu’à les faire venir des contrées indigènes plus éloignées ; je doute qu’il en arrive ainsi ; un droit de 5 p. c. porterait les consommateurs étrangers à payer un transport plus long chez eux, par conséquent un semblable droit aurait pour effet de nuire à la vente de nos bois, Je crois donc m’opposer à l’amendement de l’honorable M. de Langhe .
Ce matin, messieurs, j’ai reçu un billet de l’honorable rapporteur de la loi en discussion, qui est rappelé chez lui pour une chose très malheureuse ; Mme Zoude est dangereusement malade, et notre collègue m’a prié de faire connaître cette circonstance à la chambre, afin qu’elle veuille bien l’excuser de ce qu’il n’est pas présent à la séance.
M. de Jaegher. - Je ne puis pas comprendre, messieurs, qu’on puisse, comme le fait l’honorable M. de Langhe, demander sur un seul et même objet un droit de sortie et un droit d’entrée ; ou bien un objet a une valeur telle, à l’intérieur, qu’on ne puisse pas l’exporter, ou bien cet objet est tellement déprécié, que l’exportation en est avantageuse : dans le premier cas, le droit d’entrée serait absurde ; dans le second cas, c’est le droit de sortie qui le serait. J’espère que les explications de M. le ministre des finances auront fait comprendre à 1’honorable M. de Langhe que son amendement ne peut pas être admis.
M. Pirmez. - Il me paraît, messieurs, que jusqu’à présent c’est l’amendement de M. de Langhe qu’on a discuté et qu’on n’a pas encore parlé de l’ensemble de la loi ; c’est sur cet ensemble que je désire dire quelques mots.
Il paraît que ce n’est pas comme loi fiscale, que ce n’est pas dans l’intérêt du trésor qu’on nous présente la loi qui nous occupe ; il paraît que c’est une loi protectrice, qu’on nous la présente comme devant favoriser certains intérêts ; et il est à remarquer que, lorsque le gouvernement présente de semblables mesures, il est presque toujours inutile de les combattre, parce que les intérêts particuliers qu’elles favorisent sont extrêmement vivaces, extrêmement forts ; tandis que les intérêts généraux qui en pâtissent, ne sont jamais que très faiblement défendus ; aussi je ne compte pas avoir beaucoup de succès en combattant le projet qui nous est soumis en ce moment, car il n’y a d’opposition possible contre un semblable projet que lorsque le gouvernement lui-même s’y oppose ou, au moins, lorsqu’il reste neutre.
Le gouvernement sent si bien que, lorsqu’il propose une mesure de ce genre, il n’a pas à craindre de la voir rejeter, qu’il ne se donne presque jamais la peine de donner des raisons à l’appui. Nous voyons en effet dans l’exposé des motifs de la loi qui nous occupe, combien sont faibles les arguments qu’on fait valoir à l’appui de cette loi ; voici ce que nous y lisons : « On a quelquefois agité la question de savoir s’il ne serait pas convenable, dans l’intérêt de nos forêts, d’augmenter le droit sur les bois étrangers. »
D’abord je ne comprends pas fort bien ce que c’est que l’intérêt de nos forêts ; les forêts n’ont pas d’autre intérêt que de ne pas être défrichées.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est précisément le défrichement des bois qu’on veut empêcher.
M. Pirmez. - Eh bien, alors vous proposez une mesure tout à fait contraire. Du reste, à part cette observation, il est impossible de voir des raisons plus laconiques et en même temps plus obscures que celles qui sont données en faveur du projet ; voici les motifs pour lesquels on propose le droit sur les trois premiers articles du tarif.
« L’intérêt de l’agriculture indigène s’accorde avec celui de la protection due à la main-d’œuvre en Belgique pour réclamer une augmentation modérée sur ces articles ; et ce dernier réclame que le bois scié soit frappé d’un droit plus élevé que celui qui n’a point subi de manipulation.
« C’est pour satisfaire à ces considérations que j’ai l’honneur, messieurs, de vous présenter un projet de loi, etc. »
Remarquez d’abord, messieurs, que ce droit modéré est tout simplement le quintuple du droit actuel ; et c’est par des considérations semblables qu’on propose de frapper certains bois d’un droit aussi exorbitant.
On fait cependant une espèce d’exception en faveur des bois qui sont nécessaires pour les constructions navales et civiles, et on veut bien laisser ceux-là dans la position où les met la législation actuelle, parce que, dit l’exposé des motifs, « il est extrêmement profitable de favoriser les constructions navales et les constructions civiles ; » mais s’il est si profitable de favoriser ces constructions, il faudrait bien avantager aussi les bois sciés qui y entrent pour une grande partie : cependant on propose de porter le droit qui frappe les bois sciés, de 6 à 10 p. c., c’est-à-dire à peu près au double ; c’est là une étrange contradiction. Il est fort indifférent pour celui qui construit un navire ou une maison que ce soit le bois scié ou le bois non scié qui est imposé : le prix de la construction des navires ou celui de la construction des maisons ne sera pas diminué, par la raison que l’augmentation portera sur un bois scié ou qui n’est pas scié. Ainsi, tout ce qu’on a dit tendrait à prouver qu’on ne doit pas imposer le bois scié.
Il en est de même des lattes et de toute la nomenclature des bois qui servent à la construction des maisons.
On invoque aussi l’intérêt de l’agriculture ; mais il me semble que cet intérêt n’est nullement ménagé. L’agriculture se sert d’une grande quantité de bois, de perches, par exemple ; eh bien, ces perches qui servent à l’agriculture sont portées de deux à dix, c’est-à-dire que la valeur du bois est quintuplée ; et l’on prétend que c’est pour favoriser l’agriculture que la mesure est proposée !
M. Andries. - Messieurs, je demande la permission de dire encore un mot sur la loi d’octobre 1831.
Il est incontestable que la demande d’autorisation à laquelle sont astreints les habitants voisins de la rive gauche de l’Escaut est des plus gênantes. L’on sent bien que si la loi avait été soumise à un examen plus réfléchi, on aurait senti la nécessité de faire une exception en faveur du territoire ennemi situé sur la rive de l’Escaut.
Le but de la loi était seulement d’empêcher d’approvisionner de bois la forteresse de Maestricht ; il n’est donc pas nécessaire d’étendre ces précautions à une autre partie du territoire qui se trouve dans une tout autre condition.
Il y a un moyen de parer à l’inconvénient qui résulte de cet état de choses : c’est de rendre l’obtention des autorisations aussi facile que possible : aujourd’hui ce sont les directeurs des contributions directes dans les deux Flandres, qui ont mission d’accorder ces autorisations. Ces autorisations ne s’accordent que sur l’avis préalable d’un employé subalterne. Je ne sais pas pourquoi l’on se donne tant de peine pour octroyer de semblables permissions. Il est arrivé que des permissions ont été refusées, et il est impossible d’en donner une raison plausible.
Je voudrais que le pouvoir d’autoriser qui appartient au gouvernement, fût délégué par celui-ci aux simples brigadiers de douanes ; je voudrais que le gouvernement ne mît plus aujourd’hui aucune entrave à ces autorisations sur toute la lisière de la Flandre hollandaise : car le pays n’a aucun intérêt à ce que ces autorisations ne soient pas accordées. C’est le seul moyen de remédier à un mal qui n’a déjà duré que trop longtemps. J’engage M. le ministre des finances à rendre cette gêne aussi petite que possible.
M. de Langhe. - Je répondrai à l’honorable M. de Jaegher qui a cru trouver une anomalie entre la proposition d’un droit à l’entrée et celle d’un droit à la sortie ; je lui répondrai que cette anomalie existe dans une foule de nos lois de douanes, et notamment dans le projet en discussion, où il est question d’un droit de sortie d’un p. c. : ce qui est plus qu’un droit de balance. Mais je dirai en outre, que dans une matière d’un transport assez difficile, il y a différence d’intérêt entre telle partie du royaume, et telle autre partie. C’est ainsi que dans la Campine on peut être intéressé à un droit d’entrée, tandis que sur les points extrêmes des Flandres on peut être intéressé à ce qu’un droit de sortie soit établi. On pourrait peut-être diviser le pays par zones, je ne m’y opposerais pas ; mais je n’ai pas les connaissances locales nécessaires pour établir ces zones.
M. le président. - Voici un amendement de M. F. de Mérode : « Je propose de supprimer au n°1 du tableau les mots : « autres toutefois que les bois pour constructions civiles. »
M. F. de Mérode. - Messieurs, l’honorable M. Pirmez voudrait qu’on laissât entrer en Belgique toutes les marchandises étrangères, sans s’embarrasser des mesures prohibitives prises par les étrangers à notre égard. Les étrangers prohibent un grand nombre de nos produits, et nous ne prohiberions aucun des leurs ! Voilà le système professé par M. Pirmez .
Quant à moi, je ne suis point de son avis. Je ne partage cependant pas l’opinion de l’honorable M. de Langhe qui voudrait empêcher les Français de cultiver le houblon, en leur coupant en quelque sorte la perche sous les pieds. (On rit.) Mon système restrictif ne va pas encore au point de vouloir empêcher un voisin de se livrer à une branche de l’agriculture, en lui refusant certains produits de notre sol.
Quant à la proposition de M. le ministre des finances, tendant à imposer les bois étrangers, si l’on excepte tous les bois servant aux constructions civiles et navales, il restera bien peu de cet impôt pour le trésor. L’impôt ne frappera que sur quelques bois insignifiants, les perches, par exemple ; mais quant aux bois importants, tels que les sapins, par exemple, il n’y aura en quelque sorte aucun droit. Or, messieurs, il me semble que ces bois peuvent très bien payer des contributions au trésor belge, puisque les bois belges en paient également ; car personne ne niera que le sol qui produit le bois ne paie des contributions.
On dit, pour s’opposer à la mesure que je propose, qu’il faut encourager les constructions. Je crois qu’il faut encourager les constructions navales, j’admets cela, puisque déjà on accorde une prime pour ces constructions. Il est évident que quand on accorde une prime pour encourager une chose, il ne faut pas la gêner par des impôts. Mais, pour les constructions civiles, je ne sache qu’on accorde une prime. Dès lors, je ne vois pas de raison pour ne pas imposer les bois qui servent à ces constructions. On a dit : « Il faudrait les encourager. » Il faudrait encourager bien d’autres choses : la cuisson du pain, par exemple. Cependant vous imposez le blé, en imposant le sol qui le produit. Encouragez la cuisson du pain et ne faites rien payer aux terres qui produisent le blé. Il en est de même de la bière. Vous l’imposez, et cependant c’est un objet d’assez grande nécessité ; vous ne l’encouragez pas. Les bois de sapin doivent, dit-on, entrer sans rien payer. Pourtant, s’ils payaient 6 p. c. à l’entrée, aucune construction ne serait arrêtée. On continuerait à bâtir comme on le fait aujourd’hui, car, bien que le bois soit nécessaire pour les constructions ; il y a bien d’autres dépenses qui sont également nécessaires : il faut payer les ouvriers, la manipulation du bois, les maçons et tout ce qui entre dans la construction d’une maison. Je dis que ce droit de 6 p. c. sur les bois étrangers ne gênerait pas les constructions civiles, et rapporterait au trésor. On peut bien faire payer le bois qui vient de l’étranger puisqu’on fait payer celui qui pousse sur notre sol.
M. F. de Mérode propose par amendement de mettre un droit de 6 p. c. sur les bois pour constructions civiles.
M. de Brouckere. - Messieurs, que la loi soit votée telle qu’elle est ou avec les amendements proposés, je crois qu’elle n’aura pas de grands résultats. Cependant cela n’empêche pas que jamais loi n’a été moins nécessaire et n’a été plus impolitique. Deux mots suffiront pour le démontrer.
On veut frapper les bois à l’entrée ; et quel moment choisit-on pour cela ? Un moment où les prix des bois sont arrivés à un taux qu’ils n’avaient jamais atteint ; on propose de les taxer, au moment où les propriétaires s’en défont le plus facilement qu’ils ne le purent jamais. A aucune époque le bois n’a été aussi cher et ne s’est vendu aussi facilement, et voilà le moment où on propose d’imposer les bois étrangers.
Qu’a dit le préopinant ? (C’est lui qui m’a donné envie de parler.) Nos bois sont frappés à l’étranger, donc il faut frapper les bois étrangers qui entrent chez nous. C’est une réciprocité que je ne comprends pas. J’ai déjà prouvé par des faits qu’elle était inadmissible, et je serais curieux d’entendre qu’on les contestât. J‘ai montré qu’il n’y avait pas nécessité d’augmenter le droit d’entrée sur les bois, je vais prouver qu’il est impolitique de le faire.
On nous reproche partout, et particulièrement en France et en Angleterre, d’établir des droits à l’entrée sur une foule de marchandises et de productions étrangères. Peut-être n’a-t-on pas tort. Maintenant vous allez sans nécessité frapper les bois étrangers de droits plus élevés ; vous allez de gaîté de cœur donner plus de prise au reproche qu’on nous fait. Je conviens qu’il est quelquefois utile d’augmenter les droits dont sont frappés certains produits étrangers ; mais si nous ne voulons pas encourir le reproche de vouloir fermer nos frontières à tous les produits étrangers, ne les frappons pas sans nécessité. Quand plus tard nous voudrions avec raison élever le droit sur un produit quelconque, on dirait que nous frappons toute espèce de choses, que nous avons frappé les bois au moment où nous avions le moins besoin de le faire. Nous avons l’air d’augmenter les droits sur les bois pour contrarier nos voisins.
Si ce que j’ai dit est vrai, on s’étonnera que le gouvernement ait eu l’idée de présenter ce projet de loi. Pendant longtemps, surtout dans l’autre chambre, on a réclamé une augmentation de droits à l’entrée des bois, parce que, pendant longtemps, le bois est resté à un prix très peu élevé. Cela était vrai dans le Brabant et les autres provinces qui l’entourent ; et cela était vrai également dans le Luxembourg. Aujourd’hui personne ne se plaint. Si on le faisait, ce serait sans fondement. J’ai entendu dire par un membre que c’était dans l’intérêt des forêts que le projet était présenté, pour empêcher qu’on les défrichât. Il me semble que prohiber le bois étranger à l’entrée, c’est pousser à les défricher ; plus les propriétaires pourront tirer un haut prix de leurs bois, plus ils en défricheront.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est une erreur.
M. de Brouckere. - Je dis que plus le taux du bois sera élevé, plus les propriétaires feront des coupes plus que régulières. Il est certain que si je suis sûr de vendre plus cher mon bois, j’aurai un intérêt incontestable, tandis que si le bois n’est pas à un prix très élevé, je ne me hâterai pas, je couperai régulièrement, je vendrai des coupes réglées, je ne défricherai pas.
Je trouve la loi inopportune, impolitique, et je suis bien décidé à voter contre.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Ce qui touche l’honorable préopinant, c’est que la loi est, selon lui, impolitique à l’égard de nos voisins, la France et l’Angleterre ; mais je dirai à l’honorable membre que c’est quand il s’agissait de la dernière loi de douane qu’il fallait parler de politique, de bon voisinage, qu’il fallait soutenir avec nous qu’on ne devait pas frapper de forts droits ou maintenir des prohibitions sur les produits de l’Angleterre et de la France. Ici il n’est pas question de cela, car le projet dont il s’agit en ce moment n’intéresse aucunement la France, ni l’Angleterre ; les bois nous viennent d’autres pays. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on est recevable à nous opposer des considérations politiques dont du reste on n’a tenu aucun compte lorsqu’elles étaient réellement en cause relativement aux deux nations qu’on vient de citer.
M. Pirmez avait déjà dit, comme vient de le répéter M. de Brouckere, que pour favoriser nos forêts, il fallait laisser entrer librement les bois étrangers. Eh bien, il est évident, au contraire, que si vous frappiez les bois étrangers de droits élevés, les propriétaires auraient plus d’intérêt à conserver, à ne pas défricher, parce que les bois seraient plus productifs en ce sens qu’ils pourraient plus avantageusement être exploités ; tandis qu’en laissant entrer le bois étranger sans droit, on défrichera plus tôt pour faire produire aux terres quelque chose de mieux que du bois dont la valeur serait réduite par la concurrence de l’étranger.
On a fait une objection plus fondée que les précédentes, en disant avec raison que les bois se vendaient actuellement à un prix élevé dans le pays. Mais à cela on peut répondre que cet état de choses n’existe que depuis un certain temps, et que rien ne garantit que vous ne verrez pas retomber bientôt ce prix au taux où il était il y a deux ans, si vous laissez le tarif tel qu’il est. On ne porte pas les lois de douane pour un moment ; ces lois sont faites pour l’avenir.
Afin de pouvoir combattre notre projet, on a exagéré sa portée. C’est ici que je vais répondre spécialement à M. Pirmez . Bien qu’il en dise, nous avons fourni tous les renseignements désirables à l’appui de notre proposition, dans toutes les discussions des lois de douanes, on a désiré des statistiques, nous les avons données. Que l’honorable membre consulte le tableau des importations joint au projet, il verra que les importations qui ont quelque importance, destinées aux constructions civiles et navales, sont exceptées dans notre projet de toute majoration de droit. La première disposition porte :
« Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié : autre toutefois que les bois de construction civile et navale, que le tarif actuel admet au droit de 25 cents par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames. »
Voyez les quantités importées de la Norwège, de la Baltique et de la Russie, elles comprennent à peu près toutes les importations ; or, comme nous maintenons pour les constructions civiles et navales le tarif actuel, nous n’imposons pas en réalité d’un centime de plus qu’aujourd’hui les bois pour ces constructions, et le droit actuel n’est que de 25 cents par tonneau, c’est-à-dire nul.
Maintenant M. de Mérode vient de présenter un amendement pour frapper d’un droit plus élevé les bois destinés aux constructions civiles. J’attendrai la discussion sur ce point, mais je répète qu’on s’est exagéré la portée du projet en disant que nous gênerions les constructions civiles et navales puisqu’en réalité nous ne changeons rien sous ce rapport au tarif existant.
Les bois sciés ou non sciés, venant de la Norwège et de la Russie par cargaisons complètes, ne sont pas imposés du moment qu’ils sont destinés à des constructions civiles ou navales.
Je pense qu’on s’est trompé en présentant ces considérations. Je comprends la chaleur qu’on y a mise, puisqu’on croyait que la loi pouvait entraver les constructions civiles ou navales. Mais il ne s’agit pas de cela.
M. de Brouckere. - Je n’ai pas dit qu’il nous vînt des bois de la France et de l’Angleterre, mais j’ai dit que la France et l’Angleterre nous accusaient de prohiber tous les produits étrangers.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Elles n’ont rien à dire ici ; elles sont désintéressées dans la question.
- La séance est levée à quatre heures et demie.