(Moniteur belge n°89, du 30 mars 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus. procède à l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn. donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus. donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Les maîtres de forge d’entre-Sambre et Meuse demandent qu’il soit pris des mesures pour empêcher l’exportation du charbon de terre. »
« Le sieur H.-J. Janssens, à Huy, adresse de nouvelles réclamations contre le tarif d’octroi de la ville de Huy et en demande la révision. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Des fabricants de tabac de Neuve-Eglise, Ypres. etc., demandent que la chambre n’adopte pas d’augmentation de droits d’entrée sur les tabacs étrangers. »
- Cette pétition est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif aux droits à établir sur les tabacs étrangers.
« Des habitants de la commune de Braives (Liége) adressent des observations sur le projet de réforme électorale. »
- La chambre ordonne le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions relatives à la réforme électorale.
M. A. Rodenbach demande pour motifs de santé un congé de quelques jours.
- Le congé est accordé.
M. Corneli. - Messieurs, la commission à l’examen de laquelle a été renvoyé le projet de loi relatif à un crédit supplémentaire à ouvrir au département de l’intérieur, pour secourir les habitants du royaume réduits à la détresse par suite d’événements calamiteux, adoptant à l’unanimité les motifs développés par M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, a l’honneur de vous proposer l’adoption de ce projet de loi.
M. Zoude, au nom de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif à l’introduction des bois étrangers, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. Zoude, rapporteur de la commission d’industrie. - Votre commission d’industrie a examiné les divers amendements qui lui ont été renvoyés, et les a discutés successivement avec toute l’attention dont elle est capable ; elle a commencé par l’amendement de M. Mercier ; après une mûre délibération, cet amendement a été mis aux voix, et il a été rejeté par six voix contre une. L’amendement de M. Smits a été ensuite discuté et mis aux voix, et il a été rejeté par 4 voix contre 3. Mais la majorité, dans un but de conciliation, et voulant mettre un terme à une discussion beaucoup trop longue, a résolu de soumettre à la chambre la proposition suivante :
N°1 à 36, fils de lin écrus, 15 fr. les 100 kil.
N°1 à 36, fils de lin blancs, teints ou tors, 18 fr. les 100 kil.
N°36 et au-dessus, fils de lins écrus, 30 fr. les 100 kil.
N°36 et au-dessus, fils blancs, teints et tors, 35 fr. les 100 kil.
Cette proposition a été admise quant à l’établissement des catégories ; mais un membre s’est réservé de discuter les droits.
Quant au numérotage, nous avons adopté le numéro anglais, parce que c’est le seul numéro connu dans le monde commercial, notamment pour le numérotage du lin, et qu’il a seul servi de base aux opérations de la commission. La commission vous propose donc de conserver le numéro anglais, sauf à abandonner au ministre des finances le soin de le mettre en harmonie avec le numéro métrique.
M. de Langhe. - Les droits au poids, pour présenter une ombre de justice (je ne dis pas une parfaite justice, car c’est impossible), doivent être divisés en autant de catégories que possible. Sous ce rapport, je préfère l’amendement de M. Mercier à celui de la commission. La commission rejette cet amendement, mais j’aurais désiré savoir pourquoi ; or, la commission ne le dit pas.
Hier, M. le président de la commission a été surpris de ce que nous n’adoptions pas en aveugles l’avis des chambres de commerce. Quand nous demandons les avis des chambres le commerce, c’est pour les juger et non pour les suivre en aveugles. Autrement autant vaudrait charger les chambre de commerce de faire les lois ; je ne pense pas que ce soit notre but. Il y aurait d’ailleurs de la difficulté à suivre ces avis, tant ils diffèrent les uns des autres. Les uns demandent blanc, les autres demandent noir ; il serait difficile de dire auquel on doit donner la préférence.
Je voterai pour l’amendement de M. Mercier, parce que je crois que cet honorable membre est à même d’établir les droits en connaissance de cause. Je n’ai pas les éléments nécessaires pour émettre un vote éclairé ; je suis obligé de voter de confiance. Je me confie de préférence à ceux qui, par leur position, sont à même d’apprécier la matière. Je voterai donc pour l’amendement de M. Mercier .
M. Mercier. - Les propositions que vient de faire M. le président de la commission d’industrie renferment une très légère amélioration. Je ne crois pas que cette modification soit de nature à satisfaire les membres de la chambre qui désirent l’établissement de droits moins élevés.
J’aurais désiré que la commission eût fait connaître les motifs pour lesquels elle n’a pas cru pouvoir donner son assentiment à mon amendement et à celui de l’honorable M. Smits, et qu’elle se fût expliquée sur la quotité des droits que j’ai proposés en les rapportant à la valeur.
J’ai basé mon amendement sur des motifs que j’ai développés et auxquels je ne puis rien ajouter en l’absence de toute objection.
Seulement, en ce qui concerne le numérotage métrique que la commission n’a pas adopté, on allègue que le numérotage anglais est généralement utile ; mais cela n’est pas exact ; car il est bien certain qu’en France on ne suit pas le numérotage anglais, mais un numérotage métrique.
Mais une fois la loi votée, le gouvernement ne peut plus en changer les termes. Ce n’est que par une instruction aux agents de l’administration qu’on pourrait indiquer le rapport de tous les numéros des fils au numérotage métrique ; mais il y aurait toujours une grande inconvenance à introduire dans notre législation un numérotage qui dérive d’une mesure du longueur et d’un poids anglais.
M. de Jaegher. - Dans une séance précédente, l’honorable ministre des finances a dit que, quelle que soit la décision de la chambre quant au numérotage, il y aurait un tableau mettant en harmonie le numérotage anglais avec notre système, c’est-à-dire déterminant la proportion métrique. Je crois que cette déclaration doit satisfaire M. Mercier.
Pourquoi avons-nous tenu au numérotage anglais ? C’est parce que les numéros anglais sont les seuls connus et appliqués dans notre pays. Nous ne pouvons adopter l’amendement de M. Mercier, parce que nous ne savons pas avec cet amendement sur quel numéro anglais porte le droit. A quel numéro dans son système correspond le numéro 50 anglais ? C’est ce qu’il ne peut établir.
Le même motif qui détermine M. de Langhe à voter pour l’amendement de M. Mercier, me détermine à voter contre cet amendement. M. de Langhe a dit qu’il voterait pour cet amendement parce qu’il devait accorder sa confiance à quelqu’un, et qu’il devait l’accorder de préférence à celui qui a des connaissances pratiques. Je crois que ceux qui ont des connaissances pratiques sont plus spécialement ceux qui ont été en relations habituelles avec des fabricants de toile et de fils.
Je crois précisément que cette connaissance pratique, M. Mercier n’a pas été aussi spécialement à même de l’acquérir. Je voterai donc pour la disposition proposée en dernier lieu par la commission d’industrie, parce que je pense que les concessions qu’elle a faites doivent satisfaire M. de Nef ou les fabricants de coutil de Turnhout.
M. Desmet. - La commission d’industrie a cru devoir s’attacher au numérotage anglais, parce qu’il est le seul qui s’applique au lin. Les Allemands prennent aussi le même numérotage. J’ai ici un prix courant d’Allemagne, il est fait avec le numérotage anglais. Messieurs, l’honorable M. Smits a été d’accord en cela avec la commission. Si l’on a besoin de faire un numérotage métrique, rien ne sera plus facile : le numéro 30 anglais correspond, je crois, du numéro 25 métrique et une fraction ; d’ailleurs, il est très aisé de trouver le rapport qui existe entre le numérotage anglais pour les fils de lin, et le numérotage métrique quand on voudra l’appliquer au lin, mais c’est le numérotage anglais dont on aura le plus besoin, car vomis faites une loi d’importation et non d’exportation. Nous avons recherché à quel chiffre commençait le fil de mulquinerie. M. Mercier le met à 51 métrique. S’il prend un demi kilogramme, cela correspond au 60 anglais ; s’il prend le kilogramme, il faut doubler et vous avez un peu plus que 120 ; ce serait sauter trop loin dans la catégorie des fils que vous avez voulu exempter des droits.
La commission croit que le fil de mulquinerie doit commencer au n° 85, comme elle vous l’a proposé ; c’est à ce numéro que commencent les fils fins de mulquinerie. Nous avons encore repoussé l’amendement de M. Mercier, parce que la commission avait préféré, comme M. le ministre des finances, n’avoir que deux catégories, et que M. Mercier en présente quatre ; et que, d’ailleurs, on ne pouvait pas bien délibérer sur les chiffres que présentait M. Mercier, ne sachant pas s’il avait établi son numérotage sur le poids d‘un kilogramme, lequel n’est pas en usage, ni sur celui d’un demi-kilogramme, qui est la base du numérotage métrique de France.
M. Zoude. - On emploie des mots pour représenter des idées ; car le numéro anglais est connu dans le monde entier. M. Mercier dit que c’est le numéro métrique qui est en usage en France ; mais dans les bureaux il y a des tableaux qui indiquent les rapports en entre les numéros anglais et les numéros métriques. Les numéros anglais, je le répète, sont les seuls en usage dans le commerce : l’honorable directeur du commerciale n’en connaît pas d’autres.
M. Pirmez. - Dans la loi française c’est la mesure française qui est énoncée. On y a annexé un tableau qui exprime les rapports de la mesure française à la mesure anglaise. Les Belges doivent faire des lois avec leurs mesures, et l’on peut aussi, comme en France, dresser des tableaux pour indiquer les rapports des mesures belges aux mesures étrangères.
M. Zoude. - M. le ministre des finances se chargera du soin d’établir les rapports entre les mesures belges et les mesures étrangères.
M. F. de Mérode. - Hier j’ai voté pour le système au poids parce que l’on m’a assuré qu’il y avait un moyen de remédier au mal signalé par M. de Nef, relativement aux fabriques de coutil de Turnhout. Mais, si on ne trouve pas ce moyen, je me verra forcé de voter contre toute la loi. L’amendement de M. Mercier me semble atteindre ce but que je désire, et je l’appuie.
M. Desmet. - Je répondrai à l’honorable comte de Mérode que la commission a augmenté le numéro de la première catégorie afin d’y comprendre les fils nécessaires aux fabriques de Turnhout ; la commission a fait pour la petite localité de Turnhout ce que jamais commission n’a fait pour aucune localité, elle a sacrifié les intérêts de la généralité du pays pour satisfaire à ce dont, comme on le dit, la tisseranderie de coutils de Turnhout a besoin. C’est surtout pour entrer dans les vues de l’honorable député de Turnhout que la majorité de la commission a proposé de porter les numéros de la première catégorie jusqu’au numéro 35, numéro dont les fabriques de coutil peuvent avoir besoin, car c’est le fil fin d’Allemagne, nommé « mol gueren, » que les fabricants de coutils de Turnhout tirent ordinairement d’Allemagne ; et remarquez que c’est surtout le fil fin blanc ; les fils blancs et les autres fils dont cette fabrication a besoin, ils les prennent dans le pays.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La difficulté qui vous arrête, messieurs, provient, je pense, de ce que le n°30 ou 35 anglais n’est pas bien assimilé au numéro métrique, qui y correspond, ainsi qu’aux autres fils désignés dans le commerce par des numéros allemands. J’ai dit dans la précédente discussion que lorsqu’on se sera fixé sur les catégories, par exemple sur celle du n°1 à 30 anglais, ou de 1 à 35, je proposerais une rédaction qui assurerait pour l’exécution de la loi cette assimilation. Je vais la remettre à M. le président.
Bien que je préférerais que la loi ne parlât que de numéros métriques, j’ai dû prendre pour base le numéro anglais, parce que l’on n’est pas d’accord sur la qualité du numéro métrique. Il est des membres qui prétendent même qu’il n’y a de fils métriques que pour le coton, et qu’il n’y en a point pour le lin ; dans cette incertitude j’ai rédigé ma proposition de la manière suivante :
« Afin de préciser la qualité du fil dit n°30 ou 35 anglais (selon le vote), le gouvernement déterminera par une instruction spéciale la longueur en mètres que doit renfermer un hectogramme de ce fil. »
Je dirai maintenant deux mots sur le fond de la question. La commission propose de porter du n°1 au n°35 la première catégorie, afin d’y comprendre les fils qui servent à la fabrication des coutils à Turnhout, et qui, dit-on, se prennent entre les numéros de 30 à 35 ; je me rallierai, sous ce rapport, au projet de la commission d’industrie, parce que de cette manière on satisfera à la juste demande de M. de Nef .
Quant au chiffre de 15 fr. proposé pour cette catégorie, je ne puis l’admettre, et je préfère le chiffre de M. Smits . Cet honorable membre vous a démontré qu’on ne pouvait convenablement distinguer dans la loi les fils de lin proprement dits, des fils d’étoupe ; que le chiffre de 15 fr. sur les fils de lin donnait la moyenne de 5 p. c. ; que le chiffre de 9 fr. sur les fils d’étoupe donnait la moyenne de 5 p.c. ; que par conséquent le chiffre 12 fr. moitié de 15 fr. plus 9 fr., donnerait la moyenne 5 p. c. sur les fils de lin et d’étoupe pris ensemble.
Ce raisonnement et cette base de calcul s’appliquant aux fils qui dépasseront le numéro 35 ou 30, j’admets également la moyenne ainsi établie par M. Smits pour la deuxième catégorie de fils.
M. de Muelenaere. - Je voudrais apaiser les scrupules manifestés par M. de Mérode.
Dans une des séances précédentes il a été déclaré, dans cette enceinte, que les fils qui servaient à la fabrication du coutil étaient ceux notés 31, 32 et 33 ; or, vous savez que d’après la première proposition de la commission, la première catégorie s’arrêtait au n°30 ; c’est donc dans les vues de M. de Mérode, et pour satisfaire les exigences de M. de Nef que la commission a consenti à porter la première catégorie jusqu’numéro 35 ; car de cette manière les fils nécessaires aux fabriques de Turnhout paieront un droit moins élevé qu’ils auraient payé d’après les propositions antérieure de la commission d’industrie.
M. Mercier. - Je suis disposé à me rallier à la proposition faite par l’honorable M. Smits, mais avec la modification indiquée par M. le ministre des finances.
Je pense même qu’il ne serait pas nécessaire d’aller jusqu’au numéro 35, et qu’il faudrait s’arrêter au n°33 pour la catégorie des fils frappés des droits de 12 et 14 fr.
Je demanderai donc que l’amendement de M. Smits, sous-amendé dans ce sens, soit mis aux voix avant celui que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre et que je ne maintiendrai que dans le cas où la proposition dont je viens de parler ne serait pas adoptée.
Je ne puis qu’exprimer de nouveau mes regrets de ce que nous soyons obligés d’introduire le numérotage anglais dans une loi belge : si la commission avait bien voulu examiner les calculs que je lui ai soumis, je suis persuadé que nous aurions pu nous entendre pour éviter cet inconvénient.
M. le président donne lecture de la proposition de M. Mercier .
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je demanderai à l’honorable M. Mercier s’il entend que le numéro 32 soit compris dans la première catégorie.
M. Mercier. - Sans aucun doute.
M. le président. - Alors on pourrait dire : : « jusqu’au 32, inclusivement. »
M. Mercier. - C’est cela.
- La proposition de M. Mercier est appuyée.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il est à regretter, messieurs, que la commission n’ait pris examiné les calculs de M. Mercier, car si elle avait vérifié ces calculs et reconnu que tel numéro métrique indiqué correspondait à tel numéro anglais, nous aurions pu adopter le numérotage métrique ; mais puisqu’il y a des doutes sérieux à cet égard, je crois qu’il n’y a rien de mieux à faire que de fixer le droit d’après les numéros anglais, et d’insérer en même temps dans la loi la disposition que j’ai proposée et d’après laquelle l’administration assimilera d’une manière certaine les numéros que la chambre aura adoptés aux numéros métriques et à tous les autres numéros.
Je pense aussi, messieurs, qu’il suffirait d’établir la première catégorie, comme le propose l’honorable préopinant, en dessous du n°33, car tout ce qu’on a eu en vue, par l’extension de la catégorie d’abord fixée du numéro 1 à 30, c’est d’y comprendre les fils qui servent à la fabrication des coutils ; or, il paraît démontré que ces fils sont ceux qui portent les numéros 30, 31 et 32 ; dès lors le but qu’on se propose sera atteint. Comme nous demandons que le droit de 15 fr. soit réduit à 12, il est juste de ne pas le réduire encore d’un autre côté en étendant la catégorie vers les numéros qui sont le plus faiblement imposés. Nous voulons que les fils qui servent à l’industrie du district de Turnhout ne soient frappés que d’un droit léger ; mais nous ne voulons pas aller plus loin. Je me rallie donc tout à fait au sous-amendement de M. Mercier, qui tend à former la première catégorie des numéros 1 à 32 inclusivement.
M. de Nef. - J’ai dit hier, messieurs, que je ne voulais pas de proposition, étant convaincu que le droit le plus minime sera encore trop fort pour la fabrication des coutils ; je ferai toutefois remarquer que si la chambre est disposée à adoucir l’amendement de M. Smits, il est indispensable de faire une plus grande différence entre les fils écrus et les fils blancs : si vous fixez le droit à 12 fr. pour les premiers et à 14 fr. pour les seconds, il est évident que le fil blanc paiera bien moins que le fil écru, puisque le fil perd au moins le quart de son poids par le blanchissage. Je proposerai donc de fixer le droit à 10 fr. pour le fil écru et à 14 fr. pour le fil blanc, si tant est que la chambre soit disposée à adopter l’amendement de M. Smits .
- La proposition de M. de Nef est appuyée.
M. de Jaegher. - Je ne sais pas si c’est bien sérieusement que l’honorable M. de Nef vient nous proposer une nouvelle réduction du droit : on a commencé par demander 10 p. c. ; la chambre a réduit cette demande à 5 p. c. ; en conséquence de cette décision on a fixé le droit à 15 fr. pour les n°1 à 30 ; on convient maintenant d’étendre cette catégorie jusqu’au n° 32, et on demande en même temps de réduire le droit à 12 fr. ; à présent, M. de Nef vient proposer de baisser encore ce droit jusqu’à 10 fr. ; en vérité, messieurs, mieux vaudrait alors ne rien accorder du tout. Si c’est tout bonnement une loi fiscale que nous faisons, s’il ne s’agit que de procurer quelques centimes au trésor, qu’on s’explique ; mais si c’est une loi de protection, que la protection alors ne soit pas illusoire. Il vaudrait mieux que le gouvernement se prononçât franchement contre le projet, que de le laisser ainsi défigurer.
Quant à la différence à faire entre le fil blanc et le fil écru, je crois que les observations de l’honorable M. de Nef sont fondées, et qui si la chambre adopte le droit de 12 fr. pour le fil écru, elle devrait adopter le chiffre de 15 fr. pour le fil blanc et teint.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le gouvernement s’est suffisamment expliqué sur la proposition qui nous occupe ; d’abord ce n’est pas lui, mais bien la commission d’industrie qui a pris l’initiative ; ensuite, lors de la discussion générale, nous avons fait connaître à la chambre que nous voulions bien temporairement accorder une protection modérée aux fileurs, que l’on disait être dans un état de détresse ; nous voulions bien donner cette espèce de satisfaction aux honorables membres qui se plaignaient de la position de l’industrie dont il s’agit, quoique nous doutions fort de l’efficacité du projet ; nous voulions bien dis-je, un droit de 5 p. c., et pour savoir ce que nous faisions, nous demandions que ce droit fût établi à la valeur, car nous avions prévu que s’il était basé sur le poids, il en résulterait une grande inégalité dans l’application.
La chambre a décidé que le droit serait perçu au poids, et nous avons cherché à concourir de tous nos moyens à procurer une sanction à cette décision. Maintenant, conséquents avec nous-mêmes, nous croyons, d’après les explications fournies de part et d’autre, qu’un droit de 12 fr., appliqué indistinctement aux fils d’étoupe et de lin de la catégorie des n°1 à 32 indistinctement, constitue très approximativement la moyenne de 5 p. c. admise par la chambre, et nous l’admettons ; il n’y a donc de notre part rien que de conséquent avec les intentions que nous manifestées dès le début de la discussion.
Le préopinant a demandé si c’est une loi fiscale que nous faisons. Il est évident qu’il ne s’agit pas ici de cela, et on se tromperait fortement si l’on s’imaginait qu’il entrera une telle quantité de fil qu’elle puisse amener une augmentation sensible dans les ressources du trésor.
L’honorable préopinant prétend que le fil blanchi devrait être imposé plus fortement comparativement au fil écru ; nous sommes d’avis, au contraire, qu’une différence de 20 p. c., telle qu’elle vous est proposée, doit paraître suffisante, et qu’elle est dans un rapport convenable eu égard à la valeur respective des fils écrus et blanchis.
M. Desmet. - Le rapport ayant dû être fait dans un moment de temps, le rapporteur n’a pu entrer dans des détails, et vous rapporter tout ce qui a été discuté dans la séance de ce matin ; le principal objet était celui de s’entendre pour faire accorder les chiffres de la tarification avec la protection de 5 p. c. que la chambre avait votée à l’entrée des fils de lin ; vous sentez, messieurs, que tout dépendait des prix courants qu’on aurait présentés ; deux prix courants ont été présentés dans la commission, et ils différaient assez fortement entre eux, sans cela il y aurait eu moyen de tomber facilement d’accord. Encore un autre motif pourquoi il n’y a pas eu d’accord dans la commission, c’est que la minorité avait voulu faire commencer le numérotage, et, par conséquent, le calcul, pour établir la moyenne du n°1 ; et elle n’a pas voulu comprendre que depuis le n°1 jusqu’au n°5, c’est un fil tellement gros, qu’on ne pourrait en montrer dans le commerce ; et, messieurs, vous pourrez en juger quand vous saurez que le n°1, qui est d’un écheveau de 30 yards, et qui pèse 200 livres anglais, ce ne sont point des fils, mais réellement de grosses mèches. Si donc on avait pu s’entendre sur ce désaccord, on aurait bien aisément pu parvenir à établir justement les chiffres de la nouvelle tarification au taux de cinq pour cent, tel que la chambre l’a voulu ; mais à présent, si les chiffres présentés par l’honorable M. Smits passent, au lieu d’avoir, en terme moyen, 5 p. c., vous n’aurez pas trois. On est toujours revenu avec le prétexte des étoupes ; c’est vraiment déplorable, quand on a démontré avec profusion que la distinction des étoupes n’existe pas et surtout qu’elle ne peut pas exister pour la douane, qu’on veuille toujours y revenir ; j’espère que la chambre aura égard à ce prétexte quand elle votera les chiffres de la tarification, et qu’elle saura apprécier qu’elle ne sert uniquement qu’à faire baisser le taux de protection qu’elle a voté et voulu accorder aux fils du pays.
La majorité de la commission a de même senti que les étoupes ne servaient que de prétexte pour baisser le taux de la protection voté par la chambre, et elle a rejeté l’amendement pour conserver la première proposition de tarification, faite par l’honorable M. Smits, d’accord avec les départements de l’intérieur et des finances. Mais, après ce rejet, un membre de la majorité, dans un esprit de conciliation, a proposé une modification qui aurait donné de l’apaisement au député de Turnhout et qui aurait dû faire revenir les membres de la minorité, c’était celle de porter la première catégorie jusqu’au n°35 ; alors la moyenne diminue encore, et certainement vous restez au-dessous des 5 p. c. Nous nous flattons que la chambre appréciera ces considérations et votera la tarification telle que la commission d’industrie vient de la présenter.
M. Pirmez. - On a trouvé étrange que l’honorable M. de Nef demande une réduction sur le droit. Pour moi, rien ne me paraît plus logique que la conduite de cet honorable membre ; il n’a jamais admis qu’on pût établir une majoration de droit sur l’entrée des fils étrangers.
Vous voulez une protection ; mais cette protection, où la prendrez-vous ? Vous la prendrez dans la poche des tisserands, ce seront eux qui paieront cette protection.
Comment dès lors peut-on trouver singulier que l’honorable M. de Nef, représentant d’un district qui renferme beaucoup de tisserands, demande une diminution sur les fils étrangers à l’entrée ?
M. de Langhe. - Messieurs, j’ai dit que, pour que les droits établis au poids ne fussent pas fraudés, il fallait multiplier les catégories. L’honorable M. Mercier me paraît vouloir se rallier maintenant à l’amendement de M. Smits, qui ne propose que deux catégories ; alors, l’un des grands inconvénients du projet de loi subsiste. Voilà pourquoi je demande la priorité pour l’amendement de M. Mercier . Si cet amendement n’est pas adopté, je serai peut-être obligé de voter pour celui de M. Smits, pour choisir entre deux maux le moindre.
M. Mercier. - Je ne me suis rallié que conditionnellement à l’amendement de M. Smits . Ce qui m’a déterminé à m’y rallier, c’est la modération des droits qu’il établit. (Aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix les diverses propositions.
M. de Langhe a demandé la priorité pour l’amendement de M. Mercier .
M. Smits. - Il me semble que la priorité devrait être accordée à mon amendement, et cela par une raison bien simple : c’est que M. Mercier ne maintient son amendement que pour autant que le mien soit rejeté.
M. Mercier. - M. Smits se rallie-t-il à mon sous-amendement ?
M. Smits. - Oui !
M. Desmet. - Il m’est assez indifférent que la chambre accorde la priorité à l’un ou à l’autre des amendements. Cependant, il est dans les usages de la chambre de voter d’abord pour le chiffre le plus élevé.
- La proposition de M. de Langhe tendant à accorder la priorité à l’amendement de M. Mercier est mise aux voix et n’est pas adoptée.
M. le président. - Je mets aux voix maintenant la question de savoir si la priorité sera accordée à l’amendement de M. Smits.
- Une double épreuve est douteuse.
La priorité est accordée à l’amendement de M. Smits .
M. le président. - M. Mercier propose par son amendement d’étendre la première catégorie jusqu’au n°32 au lieu du n°30.
M. Smits. - Je me rallie à ce sous-amendement.
M. le président. - M. de Nef propose pour la première catégorie des fils écrus le droit de 10 fr. au lieu de 12.
- Le sous-amendement de M. de Nef est mis aux voix.
Après deux épreuves douteuses, on procède à l’appel nominal dont voici le résultat :
Nombre des votants, 63.
Pour l’adoption, 29.
Contre l’adoption, 34.
En conséquence, le sous-amendement n’est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Berger, Corneli, de Brouckere, de Langhe, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, Dolez, Eloy de Burdinne, Fallon, Heptia, Mercier, Milcamps, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Simons, Smits, Stas de Volder, Troye, Ullens, Vanderbelen, H. Vilain XIIII, Peeters.
Ont répondu non : MM. Andries, Angillis, Bekaert-Baeckelandt, David, de Florisone, de Jaegher, de Muelenaere, de Roo, Desmet, de Theux, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Hye-Hoys, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Liedts, Manilius, Metz, Nothomb, Seron, Thienpont, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, van Hoobrouck, Vergauwen, Willmar, Zoude.
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Smits sous-amendé par M. Mercier :
« Les droits sur les fils de lin et d’étoupe sont fixés comme suit :
« Du n°1 à 32, par 100 kilog. : les fils écrus, 12 fr. ; les fils blancs, tors et teints, 14 fr.
« Du n°33 et au-dessus, par 100 kilog., les fils écrus, 25 fr. ; les fils blancs, tors et teints, 30 fr. »
5 membres demandant l’appel nominal, on procède à cette opération qui donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 67.
Pour l’adoption, 40.
Contre l’adoption, 27.
En conséquence, l’amendement de M. Smits est adopté.
Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Berger, Corneli, de Brouckere, de Langhe, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmanet de Biesme, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart Dolez, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Heptia, Lebeau, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Rogier Simons, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vanderbelen, H. Vilain XIIII, Willmar, Peeters.
Ont répondu non : MM. Andries, Angillis, Bekaert, de Muelenaere, de Roo, Desmet, de Terbecq, Doignon, Donny, Dubois, Hye-Hoys, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Liedts, Manilius, Seron, Thienpont, Vandenbossche, Vandenhove, Van Hoobrouck, Vergauwen, Verhaegen et Zoude.
M. le président. - D’après le vote que la chambre vient d’émettre, l’article, premier sera ainsi conçu :
« Par modification au tarif des douanes, les droits d’importation sur les fils étrangers, celui de mulquinerie excepté, sont fixés comme suit :
« Du n°1 à 32, par 100 kilog. : les fils écrus, 12 fr. ; les fils blancs, tors et teints, 14 fr.
« Du n°33 et au-dessus, par 100 kilog., les fils écrus, 25 fr. ; les fils blancs, tors et teints, 30 fr.
« Le fil de mulquinerie commencera au n°85. »
Voici maintenant l’amendement que propose M. le ministre des finances :
« Afin de préciser la qualité du fil du n°32 anglais, le gouvernement déterminera par une instruction spéciale la longueur en mètres que doit renfermer un hectogramme de ce fil. »
- Cet amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. La présente loi n’aura force obligatoire que pendant trois ans. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je propose d’ajouter à cet article adopté au premier vote le suivant :
« S’il n’intervient pas d’autre mesure législative sur l’importation des fils, les dispositions actuellement existantes reprendront force et vigueur à l’expiration de ce terme. »
Je vous soumets cette disposition parce que sans cela si, à l’expiration du terme de 3 ans, il n’avait pas été porté une nouvelle loi, il n’y aurait plus rien qui réglerait l’importation des fils, et il est préférable de s’en référer à la législation actuelle que de se trouver en présence d’une telle lacune.
M. Dolez. - Cette disposition additionnelle me paraît quelque peu étrange. J’ai peine à comprendre qu’on remplace la loi ancienne par une loi nouvelle, et que dans un cas déterminé on reprenne la loi ancienne, Ce serait donc simplement suspendre la loi actuellement existante.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La chambre a déjà adopté des dispositions analogues à celle proposée par M. le ministre des finances : c’est ainsi que dans la loi des douanes vous avez voté la levée de la prohibition à partir de 1839, et jusque-là un droit de...
La disposition proposée est évidemment dans les attributions du pouvoir législatif et n’a rien de contraire à la constitution, cela est incontestable.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Si on disait qu’à l’expiration du terme de trois années le droit d’importation sera comme il est actuellement, de 1/2 p. c., sans doute il n’y aurait aucune objection raisonnable à faire ; or, c’est pour ne pas répéter dans la loi toutes les dispositions du tarif actuel que je demande de s’en référer à ces dispositions, ce qui au fond est absolument la même chose.
M. Dolez. - Mon observation ne porte que sur une question de régularité législative. Nous votons un système nouveau, dès lors nous abrogeons incontestablement le système contraire. Pouvons-nous faire revivre dans un cas déterminé ce système abrogé, et cela dans la loi même qui l’abroge ? Je ne le pense pas.
M. Fallon. - Je proposerai de rédiger ainsi la disposition :
« La présente loi ne déroge au tarif actuellement existant que pour le terme de trois ans. »
M. Verhaegen. - Je suis au regret de devoir dire que cet amendement ne sauve pas le principe.
Un membre. - Il ne s’agit pas de principes.
M. Verhaegen. - Je vous demande pardon ; quand on fait une loi, il faut des principes. Il ne faut pas qu’on puisse nous reprocher de faire des lois contraires aux premiers principes ; or, un principe élémentaire, c’est qu’une loi postérieure abroge les dispositions contraires d’une loi antérieure : voilà le principe. Maintenant pouvez-vous dire, dans cette loi même qui abroge une loi antérieure, que les dispositions abrogées revivront dans un cas déterminé ? Ce serait suspendre la loi actuelle ; ce qui est insolite, et ce qui aurait d’ailleurs de grands inconvénients, parce qu’avant le terme de trois ans on ne s’occupera peut-être pas de nouveau de la question. Je crois qu’il serait plus convenable de dire que la loi devra être révisée avant l’expiration des trois années.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M. Verhaegen vient de dire qu’il est de règle que quand on porte une loi qui déroge à une loi antérieure, la loi antérieure cesse de porter ses effets. C’est précisément parce que cette règle existe et que j’ai cru que l’application en serait mauvaise dans l’espèce que j’y ai proposé une dérogation formelle : j’ai signalé les inconvénients qu’il y aurait à agir autrement. Ce serait établir la libre importation des fils étrangers, et c’est ce que nous ne voulons pas.
Nous voulons que l’importation des fils soient au moins, à l’exportation des trois ans, régie par le tarif actuel, s’il n’est pas, avant ce terme, adopté de nouvelles mesures législatives sur les fils.
M. Verhaegen voudrait que la loi fût nécessairement révisée avant les 3 ans ; mais lorsque nous aurons dit dans la loi qu’elle sera révisée dans un délai déterminé, nous ne serons pas certains pour cela que cette révision aura lieu ; bien des circonstances peuvent s’y opposer, bien des dispositions législatives dont la loi avait prescrit la révision n’ont pas été révisées. Il faut donc adopter une disposition qui, en l’absence de toute mesure législative, rende force à la loi que nous modifions en ce moment.
Maintenant, M. Fallon vous a présenté un changement de rédaction et rien de plus, car dans le fond c’est absolument la même chose ; mais comme M. Fallon comprend beaucoup mieux que moi la rédaction convenable à une loi, je me rallie à sa proposition.
M. de Brouckere. - il y a vraiment quelque chose d’insolite dans la proposition de M. le ministre des finances ; mais ce qu’elle présente d’extraordinaire ne tombe que sur la forme et non sur le fond ; or, la forme est peu importante ici. Quel est le résultat de la disposition du ministre ? C’est de rétablir le tarif existant après trois années ; eh bien, je demande à ceux qui combattent la mesure, si nous n’aurions pas le droit de dire : « A partir de la promulgation de la présente loi, le droit d’entrée sera de 15 fr. ; trois anis après il ne sera que de 10 fr. » ?
Je ne vois là rien de choquant. Au premier aperçu j’ai cru que la proposition n’était pas acceptable ; j’ai été au bureau en prendre lecture et je n’y ai trouvé aucun inconvénient.
On fait des objections ; mais de deux choses l’une : ou dans l’espace de trois ans on s’occupera de l’objet de la loi, ou on ne s’en occupera pas ; si on s’en occupe, la loi tombe d’elle-même ; si on ne s’en occupe pas, nous serions sans tarif, et c’est ce qu’il faut éviter.
M. Verhaegen. - L’honorable préopinant dit : De deux choses l’une : ou l’on s’occupera de l’objet de la loi, ou on ne s’en occupera pas, et il faut prévoir le cas où l’on serait sans tarif. Le ministre des finances dit qu’il serait possible qu’on ne pût pas s’entendre au bout de trois ans ; mais sa proposition ne lève pas l’inconvénient ; il faudra bien que dans l’intervalle de trois ans on arrive à un résultat quelconque.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On a prévu le cas où la loi serait préjudiciable aux tisserands ; il ne faut donc pas s’exposer à maintenir un droit protecteur pour nos filatures à la mécanique, tel que celui que nous admettons, s’il se trouvait n’avoir, en définitive, pour résultat que de faire payer le fil plus cher aux tisserands sans profit pour les fileurs à la main. Notre hypothèse est donc raisonnable. Nous ne voulons pas avoir forcément une augmentation de tarif, alors qu’elle serait uniquement profitable à des intérêts particuliers en opposition à l’intérêt général.
M. Dolez. - Nous croyons aujourd’hui que le tarif ne répond pas aux besoins de notre industrie ; dans la prévision d’événements qui changeraient la situation de cette industrie, nous disons que dans trois années nous reviendrons de plein droit à un système que nous déclarons vicieux actuellement : il me paraîtrait plus simple de laisser la loi telle qu’elle est ; si des besoins nouveaux se font sentir, eh bien, l’initiative du gouvernement ou celle des députés remédiera à ce qui se trouvera de mauvais dans la loi que nous portons.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Dans la discussion générale, j’ai déjà eu l’occasion de déclarer à la chambre que les sociétés anonymes qui introduisent dans le pays la filature à la mécanique n’ont demandé aucune protection, par le motif qu’elles possèdent des moyens mécaniques semblables à ceux des Anglais, et que de plus elles ont sous la main la matière première. La loi n’a pour objet que de protéger la filature à la main, en attendant que la filature à la mécanique soit établie ; mais si d’ici à trois années la filature à la mécanique a absorbé toute la filature, le résultat d’une augmentation de droit serait de donner aux sociétés anonymes un privilège immense, onéreux et désastreux pour nos fabriques ; or, voilà ce que nous voulons prévenir. Si d’ici à l’expiration des trois années les dispositions sont encore utiles pour la filature à la main, on pourra les continuer : ce que nous ne voulons pas, c’est d’accorder une prime considérable à la filature à la mécanique, qui n’en a nul besoin.
M. Fallon. - La proposition de M. Verhaegen ne produira aucun effet ; on en a admis une pareille pour la loi concernant la cour des comptes, et cependant cette loi n’est pas révisée.
M. Verhaegen. - Mon amendement est proposé pour échapper aux conséquences funestes de la proposition de M. le ministre des finances. Il y a, dit-on, une disposition semblable dans la loi sur la cour des comptes, et cette loi n’a pas été révisée ; mais si elle n’a pas été révisée, c’est qu’on ne l’a pas jugé nécessaire.
On ne porte pas des lois pour un temps déterminé ; de pareilles lois sont fort rares. Si la loi que nous portons devient vicieuse dans trois ans, c’est à nous à y porter remède.
M. le ministre des finances m’objecte que nous n’aurons peut-être pas le temps de nous occuper de la révision de la loi ; mais je lui ferai remarquer que la même chose existe avec sous amendement ; d’ailleurs, lorsqu’une loi est nécessaire, il faut trouver le temps de la faire. Si au bout de trois ans les circonstances sont changées, si alors la loi ne convient plus, ce sera à M. le ministre à nous en proposer une nouvelle, et nous pourrons alors l’examiner et nous prononcer en connaissance de cause ; mais nous ne pouvons pas aujourd’hui savoir si telle loi conviendra dans trois ans. Il est possible qu’à cette époque il ne soit pas convenable de maintenir la loi que nous faisons en ce moment et qu’il ne soit pas convenable non plus de rétablir l’ancienne législation ; dans ce cas le législateur prendrait un milieu entre les deux extrêmes, il ferait une loi adaptée aux circonstances.
Je dis donc que la proposition de M. le ministre présente les plus graves inconvénients pour l’industrie qu’il s’agit de favoriser.
M. Pirmez. - L’honorable préopinant dit que la proposition aurait pour effet d’avertir le ministère qu’il doit proposer une nouvelle loi à l’époque qui serait déterminée ; je ne pense pas, messieurs, que nous fassions des lois pour donner des avertissements au ministère. La proposition de M. Verhaegen est donc complétement inutile.
- L’amendement de M. Verhaegen est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La proposition de M. Fallon est mise aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :
66 membres sont présents.
41 répondent oui.
25 répondent non.
En conséquence la proposition est adoptée.
Ont répondu oui : MM. Berger, Corneli, de Brouckere, de Langhe, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Heptia, Lebeau, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Rogier, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
Ont répondu non : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, David, de Florisone, de Jaegher, de Muelenaere, de Roo, Desmet, Doignon, Dolez, Dubois, Hye-Hoys, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Manilius, Raymaeckers, Seron, Stas de Volder, Thienpont, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Vergauwen et Verhaegen.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi ; en voici le résultat :
65 membres y prennent part.
54 répondent oui.
11 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, Berger, Corneli, David, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Manilius, Mercier, Metz, Raymaeckers, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vergauwen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude et Raikem.
Ont répondu non : MM. de Langhe, F. de Mérode, de Nef, Fallon, Lebeau, Milcamps, Pirmez, Polfvliet, Rogier, Ullens et Peeters.
M. David (pour une motion d’ordre). - Messieurs, j’ai entendu dire au commencement de cette séance que la chambre est à la veille de se séparer. S’il en est ainsi, j’espère que la chambre voudra bien, avant de terminer ses travaux, statuer définitivement sur les demandes en naturalisation qui ont été prises en considération par le sénat et la chambre. (Oui ! oui !)
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui, M. le président !
M. le président. - La discussion générale est ouverte ; la parole est à M. Simons .
M. Simons. - Messieurs, ainsi qu’on a pu le remarquer par la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi, l’objet dont nous allons nous occuper n’est pas un objet d’un intérêt général ; ce ne sont que deux provinces que le projet intéresse.
Il me paraît convenable, nième indispensable (et probablement cela a été fait), que les conseils provinciaux, ou du moins les députations permanentes aient été entendues sur l’objet dont il s’agit. Je demanderai à M. le ministre des finances si effectivement on a demandé l’avis de l’un ou de l’autre de ces corps ; dans le cas de l’affirmative, je demanderai que ces avis nous soient communiqués.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il semblerait que nous venons présenter des projets de loi sans aucun motif ; car, à entendre l’honorable préopinant, les députations permanentes des conseils provinciaux intéressés n’auraient pas été entendues. Mais il suffit de lire l’exposé des motifs pour se convaincre que c’est à la suite de difficultés très sérieuses avec la députation de Liège, que nous avons été amenés à vous présenter le projet de loi, et il est d’ailleurs tout aussi aisé de voir que ce projet est conforme aux vœux des provinces de Liége et de Limbourg.
Quoi qu’il en soit, l’espèce de motion de l’honorable préopinant aurait mieux trouvé sa place lors de l’examen en sections ou à la section centrale ; en tout cas les renseignements qu’il demande ne sont nullement nécessaires pour que la chambre puisse discuter le projet de loi en pleine connaissance de cause ; les explications qui l’accompagnent sont plus que suffisantes.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - J’appuie la motion de l’honorable M. Simons. D’après ce que vient le dire M. le ministre des finances, il doit y avoir eu des difficultés entre l’administration provinciale et l’administration du ministère des finances. Ces difficultés, nous devons au moins les connaître, pour pouvoir nous prononcer sur le projet en connaissance de cause.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On les a fait connaître dans l’expose des motifs du projet de loi.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Nous devons encore connaître l’avis des députations provinciales pour savoir si la demande de M. le ministre est fondée ou non ; si c’est réellement une dette de la province ou si c’est une dette de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il ne s’agit pas de cela ; veuillez lire l’exposé des motifs du projet de loi, et vous verrez que la demande de renseignements sur laquelle on insiste est tout à fait sans objet. Nous n’avons pas à voir s’il s’agit d’une dette de l’Etat ou de la province ; il est seulement question de savoir si l’on suspendra, en ce qui concerne les provinces de Liége et du Limbourg, l’exécution de la partie de la loi de 1824, relative aux frais qui leur incombent dans la construction du canal de Bois-le-Duc. Or, il est évident, d’après les termes mêmes du projet de loi, que cette suspension ne peut qu’être conforme aux vœux de ces provinces.
M. Simons. - M. le ministre, en me répondant, vient de dire qu’on semblerait que le gouvernement a proposé le projet dont il s’agit, sans avoir consulté les provinces intéressées. Jamais il n’est entré dans ma pensée de faire un reproche au gouvernement. Il s’agit d’une question qui intéresse deux provinces ; il est naturel qu’on demande si ces deux provinces ont été entendues ou ont été mises en demeure de donner des explications sur cette question. Il est de toute nécessité que nous connaissions l’opinion des députations de ces provinces. J’ai lu l’exposé des motifs, et je n’y ai pas vu qu’il y ait eu de la part des provinces intéressées, une demande dans le sens du projet dont il s’agit. Si d’ailleurs elles se sont expliquées et ont consenti à la proposition qui vous est faite, je n’ai plus rien à demander. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - On n’est plus en nombre.
Plusieurs membres. - Et l’ordre du jour de demain !
M. Lebeau. - Il faudrait mettre les naturalisations ordinaires. Plusieurs fois on a apporté le feuilleton, croyant qu’on s’en occuperait, et on n’en a rien fait.
M. le président. - On n’est plus en nombre ; on ne peut pas fixer l’ordre du jour, et moi je ne puis que continuer l’ordre du jour d’aujourd’hui.
- La séance est levée à quatre heures et demie.