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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 15 mars 1838

(Moniteur belge n°75, du 16 mars 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus fait l’appel nominal une heure 1/2.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

M. B. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Un grand nombre de cultivateurs des communes de Hamme, Zele, Thisselt, Ruysbroek, Ste-Anne et Moeseve, réclament contre toute augmentation de droits sur les lins à la sortie. »


« Des négociants en toiles, de Gand, demandent qu’il soit pris des mesures protectrices pour cette industrie et pour l’industrie concernant les fils de lin. »


« Un grand nombre de marchands d’étoupes de Thielt demandent que la chambre repousse la proposition faite de prohiber les étoupes à la sortie. »


« Le sieur Seydlitz, saunier à Liége et à Venloo, adresse un mémoire sur le projet de loi relatif aux sels. »


« Le conseil communal de la ville d’Eecloo demande le rétablissement d’un tribunal de première instance dans cette ville. »


« Un grand nombre de cultivateurs de Tourinnes, Beauvechain et communes environnantes (Brabant), adressent des observations contre les pétitions des Flandres, par lesquelles on demande à imposer le lin à la sortie. »

« Même pétition du canton de Perwez (Brabant). »


« Le sieur Volevices, géomètre de première classe, demande le paiement des travaux d’arpentage que le gouvernement français l’a chargé d’exécuter en l’an IX. »


« Des habitants, propriétaires de bois du district de Hasselt, demandent un droit modéré sur les bois étrangers. »


« Des négociants et fabricants de tabac de la ville de Menin adressent des observations sur le projet de loi relatif aux tabacs étrangers. »


« Le sieur J.-G. Maris, ancien religieux, demande qu’il lui soit accordé une pension, ainsi qu’à tous les religieux qui ont négligé de faire leur déclaration. »


« Le conseil communal de Tessenderloo (Limbourg) demande l’achèvement de la route de Beeringen à Hasselt et la construction d’un embranchement de Zammel à Beeringen. »


M. le président. - La pétition sur les lins sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant les lins.

M. Bekaert. - Je demanderai en outre le renvoi de la pétition à la commission d’industrie.

- Adopté.


M. Andries. - Il y a une pétition d’un religieux infirme ; il est dans une position fort malheureuse ; je demanderai que sa réclamation soit renvoyée directement au ministre de l’intérieur.

Plusieurs membres. - Cela ne se peut pas !

M. Andries. - Si on fait passer la pétition par la filière ordinaire, il y aura un long temps perdu.

M. le président. - On priera la commission de faire un prompt rapport.

- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport est adopté.


M. Peeters. - Comme M. le ministre des travaux publics paraît s’occuper en ce moment d’un travail général sur les routes à construire, je viens demander que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition que le conseil communal de Tessenderloo vient d’envoyer à la chambre, et dont M. le secrétaire vient de nous donner connaissance.

Je ne saurais assez le répéter, il est plus que temps que l’on s’occupe de la Campine. Le mécontentement devient général ; et je dois le dire franchement, les Campinois ordinairement si modérés, et qui ont supporté avec tant de résignation les logements militaires, deviennent impatients, ils perdent leur confiance dans un gouvernement qui n’exécute pas même les routes décrétées il y a plus de quatre ans, comme celle de Turnhout à Diest, et c’est pourquoi les pétitionnaires se sont adressés directement à la chambre ; je prévois que si le gouvernement ne se hâte de faire mettre la main à l’œuvre, bientôt une masse de pétitions va nous arriver de la Campine ; c’est donc pour éclairer le gouvernement que j’insiste sur un prompt rapport sur la pétition en question.

- La proposition de M. Peeters est adoptée.


- Toutes les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.

Ordre des travaux de la chambre

M. A. Rodenbach (pour une motion d’ordre.) - L’ordre du jour de la séance prochaine est le projet de loi sur les lins ; je demanderai que la chambre veuille bien fixer l’ordre du jour de nos discussions quand la loi sur les lins sera terminée, et je proposerai qu’on s’occupe du projet de loi sur les sels.

M. le président. - Mais c’est décidé.

M. A. Rodenbach. - Voilà six ans que le projet sur les sels est présenté. Je voudrais que l’ordre de nos prochains travaux fût ainsi réglé : les fils de lin, les sels, les spiritueux à l’étranger.

- Cet ordre est adopté.

M. d’Hoffschmidt. - Je demanderai quand on discutera la loi sur l’instruction publique ? On s’est occupé du troisième titre de cette loi, celui concernant l’instruction supérieure ; nous n’avons pas encore de rapport sur les deux autres titres concernant l’instruction moyenne et primaire, qui ont été renvoyés depuis longtemps à la section centrale en faire rapport.

M. le président. - La section centrale s’est réunie plusieurs fois et s’est occupée à plusieurs reprises du projet de loi sur l’instruction publique ; elle continuera de s’en occuper.

M. d’Hoffschmidt. - Mais il y a quatre ans au moins que ce projet important a été déposé : il me semble dès lors que le travail de la section centrale devrait être terminé. Du reste, j’espère que le rapporteur de cette section pourra nous présenter incessamment son travail.

M. le président. - La section centrale s’en occupe activement.

Projet de loi de crédit au budget de 1838 pour l'école militaire

Discussion générale

M. le président. - Un crédit de 160,000 fr. a été demandé au budget des dépenses de l’exercice de 1838 pour les dépenses de l’école militaire ; un crédit provisoire de 40,000 fr. seulement a été accordé lois du vote de la loi de finances ; il s’agit maintenant de compléter le crédit de 160,000 fr. ou d’en voter un de 120,000 fr. par une loi spéciale.

M. de Foere. - Messieurs, il est de droit constitutionnel que lorsque le ministère demande des subsides, chaque membre de la chambre a le droit de motiver son refus dans le sens d’opposition ministérielle. Ma conviction consciencieuse, à moi, m’impose le devoir de retirer au ministère actuel toute ma confiance. J’ai la persuasion intime que, dans la position dans laquelle se trouve le pays, relativement à ses intérêts matériels, ce ministère est complétement incapable de gouverner le pays sous les rapports qui touchent aux conditions mêmes de son existence. J’ai hésité, depuis longtemps, à faire, comme député, cette protestation contre l’administration actuelle ; j’avais espéré que le temps et les circonstances, et surtout les discussions de la chambre, auraient mieux fait comprendre les vrais intérêts du pays aux honorables membres qui composent cette administration. La voie parlementaire dans laquelle le ministère s’est jeté dans la séance d’hier, a enfin éteint dans mon esprit le dernier rayon d’espérance ; j’aurais compris qu’un membre de la chambre eût proposé, pour des raisons dont je lui aurais laissé la juste appréciation, l’ajournement d’une question qui se rattache à un degré si élevé, à une des plus grandes sources de la prospérité publique ; mais que le ministère même vienne nous proposer d’en étouffer la discussion, alors que la question avait déjà été tant de fois écartée sous des prétextes qui n’ont pas même le mérite d’être spécieux, c’est ce que je ne puis m’expliquer par d’autre raison par son impéritie complète à gérer les affaires du pays, car je déclare n’avoir pas de raisons d’inculper sa probité. Le ministère a assumé sur lui cette grave responsabilité ; il la portera.

Quant à moi, ma conscience m’impose le devoir de faire désormais tous les efforts pour faire tomber un ministère qui, dans ma conviction intime, est, quoique sans le vouloir, le plus grand adversaire du bien-être du pays. Eh quoi ! les droits différentiels, appliqués, dans une proportion majeure, à l’importation des cafés ; même la seule discussion de cette question apporterait, selon vous, ministres, des entraves à vos négociations ! Faut-il, je ne dirai pas à la majorité de la chambre (j’ai mes raisons pour user de cette réticence) ; mais je dirai : faut-il au pays d’autre preuve, si déjà il n’en existait pas assez, pour lui donner la conviction la plus profonde comme la plus pénible de votre incapacité à diriger vos affaires ! Fallait pousser l’ineptie jusqu’à faire naître dans les esprits les moins exercés la présomption légitime que jamais vous n’avez lu ou médité le texte d’un seul traité de réciprocité, ou, si vous en aviez lu ou médité un seul, que jamais vous l’ayez compris ! L’article café vous entraverait dans vos négociations ! C’est donc par de semblables niaiseries que vous entendez soutenir les intérêts et la dignité du pays devant des nations toujours avides de l’exploiter à leur profit exclusif ! Depuis plusieurs années, vous avez bercé la chambre de votre espoir de doter bientôt le pays de traités de réciprocité. Quelles ont été les entraves qui, avant cette épouvantable question de café, se sont opposées à l’heureux résultat de vos négociations ? Je n’hésite pas de me charger de la réponse ; la seule entrave est votre profonde ignorance des affaires publiques et politiques.

Des étrangers vous disent ouvertement : Vous n’importerez pas de café chez nous, et vous n’avez pas le courage de leur répondre : C’est à vous à régler vos intérêts comme vous l’entendez ; là, vous êtes dans votre droit. Mais vous êtes nos aînés ; vous avez le génie des affaires ; vous avez acquis une expérience accomplie ; nous suivrons votre exemple. Bien loin d’oser nous placer sur cette ligne de réciprocité, de prendre cette digne attitude si nécessaire à toute nation qui ne veut pas se suicider, vous n’osez pas même rester à une distance immense de la sévérité et de l’oppression des lois étrangères à l’égard du pavillon du pays. Vous n’osez pas accepter une légère différence de droits d’importation sur un seul article, sur lequel il y a pour nous prohibition à l’étranger. Eh quoi ! vous poussez même la pusillanimité et la servilité, au point de craindre la discussion d’une question aussi simple ! Et ce serait de vous, de vous, messieurs les ministres, que le pays devrait attendre des traités de réciprocité ! Vous êtes les innocents continuateurs de l’infâme traité de Munster. Vous allez même au-delà de cette horreur diplomatique ! Vous ouvrez directement nos ports aux étrangers, et vous les fermez lentement pour les nationaux. Vous allez plus loin encore : vous imposez sur le pays des charges accablantes pour construire, administrer et entretenir un chemin de fer destiné à servir à la voie du transit vers l’Allemagne. Pour qui faites-vous ces dépenses énormes ? Pour le commerce maritime de l’étranger, tout en entravant le nôtre ! Je ne vous considère pas comme traîtres ; je vous fais la justice de croire que vous n’avez pas l’intention de trahir le pays ; mais aux yeux de ses députés, votre ineptie a les mêmes résultats.

Le lendemain du jour auquel vous avez eu le courage de proposer à la chambre d’étrangler cette discussion sous des prétextes qu’il me répugne de définir ultérieurement, ce lendemain même vous lui demandez des subsides pour un établissement militaire. Je sais les motifs sur lesquels vous basez votre confiance ; mais ici les convenances parlementaires m’imposent des réticences ; toutefois mon silence parlera assez haut.

Sous un semblable ministère, qu’avons-nous besoin d’un état militaire ? Permettez à l’Angleterre de vous exploiter commercialement comme elle le fait, comme elle exploite le Portugal et l’Espagne ; et elle défendra votre indépendance comme elle a défendu cette de ces deux royaumes du midi de l’Europe, toutes les fois que l’agression est partie de l’extérieur. La France vous défend d’importer chez elle les marchandises coloniales par terre ; la sévérité de sa prohibition est même portée jusqu’à l’introduction de simples échantillons ; et dans une seule année, en 1837, le port du Havre a fourni, par terre ou par voitures, aux fabricants de Gand 15,000 balles de coton, ou 20 cargaisons de ce produit colonial et vous continuez de ne pas reculer devant une semblable oppression ! Oui, messieurs les ministres, continuez d’assujettir nos manufactures à des conditions aussi ruineuses, et, à la gloire d’avoir étouffé la discussion sur la question, vous ajouterez celle d’avoir détruit lentement notre industrie. C’est là le vœu des étrangers ; c’est le but où ils tendent directement. Ce but, sous le ministère qui gouverne le pays, ils l’atteindront. Avant peu d’années, l’industrie du pays, qui avait pris un si bel élan, sera refoulée au-delà de son point de départ. Ce bienfait, nous le devrons aux ministres qui jusqu’ici ont gouverné le pays. En accumulant article sur article, je pourrais vous dérouler un tableau effrayant d’oppressions nombreuses dans l’espèce sous lesquelles gémissent le commerce et l’industrie du pays ; vous avez craint que ce tableau ne vous fût présenté ; vous avez préféré étouffer la discussion. Mais, je vous le déclare, vous n’échapperez pas à la honte de le voir porté sous les yeux du pays.

La Hollande, cet ennemi acharné de notre commerce maritime, a-t-elle besoin d’autres instruments que vous, ministres, pour nous faire regretter notre révolution ? Elle porte ordonnance sur ordonnance pour arrêter votre navigation au berceau, et même pour détruire les échanges commerciaux qui pourraient s’établir entre les deux pays. Elle vient de frapper encore de 50 p. c. vos marchandises à l’importation à Java, et, depuis la révolution, vous vous enveloppez dans une apathie cruelle pour le pays ; vous continuez de recevoir bénévolement les cafés de la colonie hollandaise. Vous tremblez devant un léger droit de différence au point d’étouffer même la discussion sur l’espèce.

Mais les membres de la chambre de commerce d’Anvers sont venus supplier le ministre de reculer devant les droits différentiels sur l’article café. Ces membres et le ministre, ils rêvent donc encore les prodigieux résultats de notre commerce de transit vers l’Allemagne ! Ils n’ont donc pas médité sur les conséquences inévitables des articles 2 et 5 du traité que l’Angleterre vient de conclure avec la Hollande ! Ils ne voient donc pas que les descendants des agents diplomatiques qui ont amené l’infâme traité de Westphalie, tendent toujours au même but, quoique par d’autres voies ! Ils n’ont donc pas vu que déjà la Hollande a ruiné leurs compagnies d’assurances maritimes ! Ils ne comprennent donc pas la position géographique et commercialement sociale de la Prusse, elle qui commande, en grande partie, la navigation de la Vistule, du Niémen, de l’Oder, de l’Elbe et du Rhin, c’est-à-dire, de toutes les communications par eau, par lesquelles les produits importés par mer, soit pour la consommation, soit en transit, sont distribués sur toutes les parties de l’Allemagne et même sur la plupart des Etats de l’Europe centrale et orientale ! Ils continuent donc de se bercer de l’espoir que, sans colonies, ils soutiendront la concurrence contre les nations à la fois maritimes et coloniales ! Ils s’obstinent à s’imaginer que la Hollande, la Prusse, Hambourg et les villes anséatiques n’accorderont pas aux autres nations maritimes et coloniales autant de facilités qu’il en faut pour écraser leur concurrence, ou que, les bras croisés, ils permettront de leur enlever les immenses avantages qu’ils possèdent pour exercer par eux-mêmes le commerce de transit vers l’intérieur de l’Allemagne. Et ce sont ces palpables illusions d’une chambre de commerce, par lesquelles le ministère se laisse aveugler, pour mépriser les avis contraires de 8 à 10 autres chambres du pays !

Je refuse tout subside à l’administration actuelle. Un ministère qui vient étouffer la discussion sur une question qui touche à un intérêt vital du pays ne saurait jouir de ma confiance ; si je n’avais pas d’autres motifs de lui refuser mon appui, celui-là seul me suffirait.

Messieurs, je n’ai plus qu’un mot à vous dire. J’accepte la révolution comme un fait ; mais si le pouvoir devait être continué à ce ministère, ce fait, je le regretterais amèrement.

M. A. Rodenbach. - L’honorable préopinant vient de décerner des brevets d’impéritie aux ministres ; mais en leur décernant ces brevets, il en a décerné de semblables à la majorité de la chambre qui a voté le projet de loi adopté dans la séance d’hier ; ainsi 47 des membres présents dans notre dernière séance sont ineptes, et 26 doivent seuls être reconnus des hommes capables. Je suis du nombre de ceux qui ont défendu la loi ; le ministre s’est même appuyé sur les chiffres que j’ai présentés, et s’en est référé à mon opinion ; je dois donc prendre ma part du compliment adressé, par M. de Foere, aux ministres et aux membres de la majorité.

Quant à la question relative aux droits différentiels, qui paraît être la cause des insinuations de l’honorable membre, je dirai que je l’ai soulevé dans la section centrale qui a été chargée de l’examen de la loi sur le café, que je l’avais soulevée dans cette enceinte plusieurs mois auparavant.

Certes, ce n’est pas moi qui veux protéger le commerce hollandais. Mais, dans le sein de la section centrale, les ministres nous ayant donné de bonnes raisons pour nous engager à différer d’examiner la question, nous avons cru devoir cesser de nous en occuper. Les ministres nous ont donné l’assurance qu’ils s’occupaient de traités de navigation ; qu’ils espéraient, sous peu, conclure un traité pareil avec l’Angleterre : ils n’ont pas pu nous en imposer ; et nous avons dû prendre en considération leurs déclarations.

Je suis partisan de l’établissement des droits différentiels ; l’honorable préopinant qui a montré leur importance et leur utilité a dit en cela de grandes vérités ; mais les ministres en comprennent aussi les avantages ; et c’est à faux qu’on peut les accuser de méconnaître les intérêts matériels du pays. Je n’entreprendrai pas ici de faire leur apologie ; par caractère, je suis plutôt membre de l’opposition que flatteur du pouvoir. Cependant, ici, je soutiendrai que le ministère s’est conduit avec loyauté. Il a pu se tromper ; mais qui ne se trompe pas ? Ses intentions m’ont paru favorables à l’intérêt du pays, ou à la prospérité de la Belgique.

Relativement à la demande de crédit pour l’école militaire, j’en voterai l’adoption.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il me semble que la discussion actuelle, si elle se prolongeait, ne pourrait avoir pour résultat que d’enlever au ministère les avantages qui sont la conséquence du vote d’hier. Ne me proposant pas de répondre aux expressions, sinon antiparlementaires, du moins peu flatteuses et peu polies, de l’honorable membre, je demanderai simplement que la chambre s’occupe du projet de loi qui lui est soumis.

La question relative aux droits différentiels n’a pas été écartée d’une manière absolue. Le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères vous a dit hier que cette question exigeait une discussion approfondie, et qu’actuellement, indépendamment de l’inopportunité, on n’avait pas recueilli les renseignements nécessaires, ni reçu les réponses de ceux qu’on a dû consulter sur cet objet.

Si j’avais cru que cette discussion dût être soutenue j’aurais pu regretter d’être seul au banc des ministres, et d’autant plus que les incriminations de l’honorable membre ne vont pas à mon adresse. Je ne suis pas chargé du détail des choses qui intéressent la prospérité matérielle de mon pays ; toutefois je connais les intérêts et la situation de la Belgique, et je soutiens que sa prospérité réelle proteste de fait contre les allégations de l’honorable membre et les conséquences qu’il prétend résulter de ce qu’il appelle l’impéritie et l’ignorance des ministres.

Je le répète, je ne veux pas rentrer dans le fond de la question agitée hier ; et si mon honorable collègue le ministre des affaires étrangères était ici, il ne voudrait probablement pas lui-même exposer ici en détail la série des négociations dont le gouvernement n’a cessé de s’occuper.

Quant aux considérations sur l’inutilité de l’armée développées par l’orateur, comme elles n’ont pas de rapport direct avec le projet de loi tendant à ouvrir un crédit pour l’école militaire, je m’abstiendrai de les examiner, et me bornerai à dire que nous devons avoir pour but de nous mettre en état de repousser nous-mêmes les attaques de notre ennemi, et de ne plus dépendre d’une défense étrangère.

L’école militaire dont il s’agit maintenant doit assurer l’avenir de notre armée, et comme cet avenir, d’une grande importance pour l’indépendance du pays, n’a aucun rapport avec la question soulevée par l’honorable abbé de Foere, je prie la chambre d’ajourner cette question et de s’occuper du projet de loi à l’ordre du jour, ou du crédit à ouvrir pour les dépenses de l’école militaire.

M. Pirmez. - Dans les termes peu agréables adressés par l’orateur aux ministres, se trouve un compliment peu flatteur à la majorité de la chambre ; car si le ministère a été ignorant en proposant l’ajournement, ceux qui ont voté cet ajournement, et surtout ceux qui ont soutenu la proposition du ministère, sont également ignorants : mais il n’y a rien de plus facile que de dire de grands mots, que de faire des phrases ; je ne veux pas entrer dans cette carrière et suivre l’orateur sur le terrain où il s’est placé.

L’honorable M. de Foere a touché un peu le fond de la question des droits différentiels ; mais je vous avoue, messieurs, que je n’ai guère compris ce qu’il a dit à cet égard, et je crois qu’il est beaucoup d’honorables membres qui n’ont pas été plus heureux que moi.

Quant à la conduite du ministère, je crois qu’elle a été telle qu’elle devait être : la question des droits différentiels est une question immense qui ne pouvait pas être présentée d’une manière accessoire, à l’occasion d’un projet de loi pour ainsi dire sans importance ; c’est une question qui mérite bien les honneurs d’une discussion spéciale.

Quant aux droits différentiels eux-mêmes, je crois qu’ils doivent être repoussés, et que la chambre les a repoussés en effet lorsqu’elle a décidé qu’elle ne voulait pas s’en occuper maintenant. Si la chambre a pris cette décision, c’est, j’en suis persuadé, parce qu’elle a déjà jugé la question.

M. Desmet. - Messieurs, j’ai écouté attentivement le discours de l’honorable M. de Foere, et je n’ai pas remarqué qu’il ait attaqué la chambre ; au contraire, il a fait une exception pour les membres de la chambre, il a dit que si la proposition d’ajournement avait été faite par un membre de la chambre, il aurait pu la comprendre ; tout ce qu’a voulu dire l’honorable M. de Foere, c’est que le ministère actuel ne fait rien en faveur de l’industrie et du commerce national. Si je ne partage pas entièrement tout ce qu’a dit l’honorable membre, je dois cependant me plaindre comme lui que, dans notre département de l’intérieur, on travaille peu pour protéger l’industrie du pays, et que très souvent on y prend des mesures qui sont contraires à nos intérêts matériels. Et, messieurs, ce n’est pas seulement l’honorable M. de Foere qui le soutient, mais tout le pays se plaint ; si vous exceptez une coterie étrangère, il n’y a point d’industrie, point de chambre de commerce qui ne réclame contre le système erroné qu’on suit depuis quelques années dans notre bureau de commerce.

M. de Foere. - La chambre a dû comprendre que j’ai lancé mes accusations contre le ministère et non contre les membres de la chambre. J’ai particulièrement inculpé l’acte parlementaire que le ministère a exercé hier en proposant d’étrangler la discussion sur un point qui se rattache aux intérêts les plus importants du pays. S’il est d’autres conséquences qui en découlent inévitablement, je me suis abstenu de les tirer, je me suis renfermé à cet égard dans des réticences que je me suis imposées, dans le but de respecter les formes parlementaires.

M. Pirmez a dit qu’il est facile de dire des injures. Je ne pense pas que j’en aie proféré. J’ai justifié les intentions des ministres ; mais M. Pirmez, lui surtout, il doit savoir qu’il n’est pas si facile de traiter une grave question au fond.

L’honorable membre a dit encore que, lui, il n’a pas compris les observations que j’ai faites sur le droit différentiel. Que lui, M. Pirmez, se trouve dans ce cas, je le comprends aisément ; mais qu’il accuse tous les membres de la chambre d’ignorance, ou de n’avoir rien compris à mon discours, ceci, à propos d’injures, est, je crois, la plus sanglante que l’on puisse leur adresser. Je ne pense pas que la défense de mes collègues soit à cet égard nécessaire.

M. Dubus (aîné) remplace M. Raikem au fauteuil.

M. Raikem. - Il me paraît, messieurs, que l’honorable préopinant aurait dû prévenir le ministre de l’intérieur de l’intention qu’il avait de présenter les observations que vous venez d’entendre, afin que les ministres que la chose concerne pussent se trouver à la séance ; il me semble aussi qu’il n’a pas saisi un moment opportun pour faire des observations de ce genre ; je conçois qu’il attaque le ministère à l’occasion de la discussion des budgets, mais ce n’est pas de cela qu’il est question en ce moment ; les budgets sont votés depuis longtemps, et il s’agit uniquement d’un crédit qui n’a été ajourné que par le seul motif que la loi relative à l’école militaire était en discussion lorsqu’on a voté le budget, crédit qui ne peut même rencontrer aucune opposition, puisqu’il est la conséquence d’une loi ; il m’est donc impossible de comprendre en quoi les observations de l’honorable membre peuvent se rattacher à l’objet qui est en ce moment à l’ordre du jour.

Quoi qu’il en soit, tout ce qu’a dit l’honorable M. de Foere revient à ceci :

« La question des droits différentiels a été ajournée ; donc le ministère travaille contre les intérêts du pays. » Voilà, si j’ai bien compris l’honorable membre, ce à quoi se réduit tout ce qu’il vient de dire. Eh bien, on lui a déjà fait remarquer que les reproches qu’il adresse au ministère s’appliquent également à la très grande majorité des membres de la chambre, et l’on a eu raison ; car enfin, qui est-ce qui a voté l’ajournement ? C’est bien la majorité de la chambre. Mais l’honorable membre reproche surtout au ministère d’avoir proposé l’ajournement, et il présente cette proposition comme une chose inattendue ; j’ai déjà dit hier, et l’honorable membre qui était rapporteur de la section centrale doit bien se rappeler, que la question d’ajournement est celle qui a été principalement traitée par les sections et par la section centrale ; c’est ce qui résulte du rapport que l’honorable préopinant a présenté à la chambre ; la question d’ajournement était donc la première qui devait être soulevée dans cette enceinte.

Je crois inutile, messieurs, d’entrer dans l’examen des différentes considérations qu’a fait valoir l’honorable préopinant ; je suis convaincu qu’il n’aura persuadé à personne que le ministère travaillerait contre les intérêts du pays, et que tout le monde reconnaît au contraire que le ministère s’occupe, le plus activement qu’il lui est possible, du bien-être du pays et notamment de ses intérêts matériels. Je crois donc, messieurs, que les observations de l’honorable préopinant ne peuvent faire aucune impression sur la chambre, et que tout ce que nous avons à faire en ce moment, c’est de voter le crédit demandé par M. le ministre de la guerre. (Appuyé ! appuyé !)

M. de Foere. - L’honorable membre qui vient de parler, et qui, guidé sans doute par l’intention de défendre le ministère, est descendu de son fauteuil, ne voit pas par quel lien les observations que je viens de présenter se rattachent à la question actuellement en discussion. J’aurais dû prévenir les ministres. Si je n’étais pas dans la question, il occupait le fauteuil pendant que je parlais. Comme président, il était de son devoir de me rappeler à la question ou à l’ordre. Mais je le lui déclare, j’aurais maintenu mon droit. Je l’ai dit, il est d’usage parlementaire et de droit constitutionnel que chaque membre a celui de motiver son refus d’accorder des subsides lorsque le ministère en demande.

M. Raikem. - Je pense, messieurs, que l’honorable préopinant ne contestera pas que j’avais le droit de quitter le fauteuil pour venir lui répondre ; comme tous les membres de la chambre, j’ai le droit de dire mon opinion, et l’honorable orateur me permettra sans doute d’en user. Mais j’aurais dû, dit l’honorable membre, le rappeler à l’ordre : je vous avoue, messieurs, que je n’ai rien remarqué dans le discours de l’honorable M. de Foere qui dût donner lieu à un rappel à l’ordre ; je n’ai pas même cru devoir le rappeler à la question, parce qu’il pouvait en quelque sorte avoir le droit de présenter ses observations à l’occasion d’une demande de crédit faite par le gouvernement. Si donc je n’ai pas rappelé l’orateur à l’ordre, je ne pense pas qu’il puisse en conclure que j’aie eu tort de soutenir que ses observations étaient étrangères à la discussion actuelle.

Quant aux mots d’incapacité, d’incurie, que l’honorable préopinant a fait sonner si haut, ils sont en quelque sorte tellement devenus à la mode, qu’ils ne signifient plus rien ; et je crois que si l’on y attachait un sens, les assertions de l’honorable membre seraient totalement dénuées d’exactitude. (Aux voix ! aux voix !)

Vote sur l'ensemble du projet

Il est procédé à l’appel nominal sur l’article unique du projet ; en voici le résultat :

62 membres y prennent part.

60 répondent oui.

2 (MM. de Foere et Stas de Volder) répondent non.

En conséquence, la loi est adoptée.

Elle sera transmise au sénat.

Ont répondu oui : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coppieters, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude et Peeters.

Projet de loi qui ouvre un crédit supplémentaire au budget de la justice de 1837 pour frais d'entretien et de nourriture de prisonniers

Discussion et vote de l'article unique

M. le président. - Voici l’article unique du projet :

« Il est ouvert à l’article premier du chapitre VIII du budget du département de la justice pour 1837 un crédit supplémentaire de la somme de soixante-dix mille francs (70,000 fr.). »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur le projet de loi, qui est adopté à l’unanimité des 59 membres qui ont pris part au vote.

M. Raikem remonte au fauteuil.

Prise en considération de demandes en grande naturalisation

La chambre passe au troisième objet à l’ordre du jour.

Il est voté au scrutin secret sur la demande en grande naturalisation formée par le sieur Jacques Tax, négociant à Bergen (Limbourg).

Nombre des votants, 57.

Majorité absolue, 29.

Boules blanches, 11.

Boules noires, 46.

En conséquence, la demande en grande naturalisation formée par le sieur Jacques Tax n’est pas prise en considération.


On passe à la demande en grande naturalisation du sieur Albert Tax, né à Kessel (Prusse), propriétaire, domicilié à Borgen, province de Limbourg, dès 1814, fondée sur l’ignorance où il était de la disposition de l’article 133 de la constitution.

On procède au scrutin sur la prise en considération de cette demande.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 54.

Boules blanches. 12.

Boules noires, 42.

En conséquence, la demande en grande naturalisation du sieur Albert Tax n’est pas prise en considération.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Veut-on…

M. Lebeau. - Dans une séance précédente on avait exprimé, reconnu la nécessité d’en revenir au règlement pour ce qui concerne les pétitions. Le règlement consacre le vendredi à cet objet.

M. le président. - La chambre a décidé hier qu’on s’occuperait aujourd’hui de naturalisations et de pétitions.

M. Lebeau. - Cette décision est fâcheuse. Vendredi dernier des membres ne sont pas venus pensant qu’on ne s’occuperait que de pétitions. Ils ont été surpris d’apprendre qu’on avait changé l’ordre du jour du règlement et qu’on avait voté, pour ainsi dire au pas de course, la loi sur l’école militaire. Voilà les inconvénients qui résultent des changements d’ordre du jour. Je me rappelle que dans une séance précédente on avait décidé que la séance du vendredi serait exclusivement consacrée aux pétitions. Au lieu de cela on met à l’ordre du jour des projets d’une haute importance. Et on est tout surpris, quand on arrive le lendemain, de voir qu’il n’y a pas eu de pétitions le vendredi.

M. le président. - La loi sur l’école militaire a été mise à l’ordre du jour par décision de la chambre, et on ne s’est pas occupé de pétitions parce qu’il n’y avait pas de feuilleton distribué.

M. Lebeau. - Je ne fais de reproche à personne, je signale les inconvénients qu’entraîne la déviation du règlement.

Rapports sur des pétitions

M. Simons, premier rapporteur. - « Par pétition du 1er février 1838, plusieurs ex-receveurs de la loterie royale des Pays-Bas demandent une pension. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

M. de Roo. - S’il est vrai que les pétitionnaires aient droit à une pension, je ne sais pas pourquoi on la leur refuse. Je demanderai que M. le ministre des finances veuille bien s’expliquer.

Un membre. - Il est au sénat.

M. Angillis. - Il paraît qu’un grand nombre de Belges ont la prétention de vivre non pas pour la chose publique, mais sur la chose publique ; car on ne voit que demandes de secours, de pensions, ou d’augmentations de pensions. Maintenant ce sont d’anciens receveurs de la loterie royale, qui nous demandent une pension. Tout le monde sait ce que c’était que cette loterie royale.

C’était un guet-apens pour ruiner le peuple, où beaucoup de personnes ont vu engloutir leur fortune. Des ouvriers sacrifiant au fol espoir de devenir riches tout d’un coup y perdaient l’argent nécessaire pour alimenter leur famille.

La chambre ne doit pas s’arrêter à de pareilles demandes de pensions, car on ne doit en accorder qu’à ceux qui par leurs bons services se sont rendus dignes de la reconnaissance de la nation.

Je propose l’ordre du jour.

M. Verdussen. - Je ne viens pas ici me constituer le défenseur de la loterie ; mais je crois que la proposition de l’honorable M. de Roo doit être adoptée. Que les loteries soient elles-mêmes pernicieuses, cela ne fait rien à la position des employés des finances qui ont été attachés à cette branche de l’administration. On s’est élevé contre les leges ; néanmoins s’il y avait eu, sous l’ancien régime, un bureau de leges, il faudrait admettre à faire valoir leur droit à la pension les personnes attachées à ce bureau comme les personnes attachées à tout autre de l’administration des finances. Je pense donc qu’il faut avoir égard à la demande des pétitionnaires, d’autant plus qu’ils se sont déjà adressés au ministre qui a refusé de leur répondre catégoriquement. Je désire que la chambre intervienne et appuie la demande jusqu’à un certain point, c’est-à-dire dans le but d’avoir une explication de M. le ministre des finances. J’appuie donc la proposition de M. de Roo tendant au renvoi de la pétition au ministre des finances avec demande d’explications.

M. de Roo. - La question de moralité ne fait rien à l’affaire. La seule question est celle de savoir si le pétitionnaire a droit ou non à la pension. Si mes renseignements sont exacts, plusieurs pensions de cette nature auraient été liquidées ; cependant je ne puis l’affirmer. Je ne vois pas pourquoi on exclurait les uns et on appellerait les autres : ce serait une injustice. Je persiste dans ma demande de renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.

M. A. Rodenbach. - J’insiste avec l’honorable M. Angillis pour l’ordre du jour. Comment voulez-vous que les collecteurs de la loterie aient des droits à demander une pension ? La loterie des Pays-Bas n’a pas duré assez longtemps pour cela ; il faut 30 ou 40 ans de service pour avoir des droits à une pension, et vous savez tous que la loterie n’a pas existé aussi longtemps. On a ruiné des familles ; il y a eu des receveurs qui ont dû quitter leurs fonctions parce que la loterie les avait ruinés. Des agriculteurs ont été également ruinés par la loterie. Je demande donc l’ordre du jour ; car, que vous envisagiez la nature ou la durée des services de ces employés, ils n’ont pas droit à une pension.

M. Lebeau. - Il est impossible de motiver l’ordre du jour sur les considérations invoquées par l’honorable préopinant. Les personnes appelées à remplir des fonctions dans l’administration financière n’ont pas eu à s’enquérir de la moralité de ces fonctions alors que le corps législatif lui-même votait annuellement l’impôt de la perception duquel ces personnes étaient chargées ; car l’honorable M. Angillis sait fort bien que le produit de la loterie figurait au budget des voies et moyens, adopté annuellement par des états généraux. IL serait extrêmement rigoureux d’exiger qu’en fait de moralité des employés appelés peut-être par nécessité de position à remplir ces fonctions fussent plus sévères que les législateurs eux-mêmes.

Quant à ce qu’a dit M. A. Rodenbach que ces employés n’auraient pas été assez longtemps en fonctions pour avoir des droits à la pension, je ferai remarquer qu’il serait possible que le temps passé dans ces fonctions dût être ajouté à d’autres fonctions de l’administration financière. Ce ne serait qu’une question de légalité.

A moins qu’on ne prouve que l’arrêté de 1814, qui règle les conditions à remplir pour l’obtention des pensions, exclut les receveurs de la loterie, et frappe ces employés d’exclusion et de proscription, il faut renvoyer la pétition à M. le ministre des finances.

J’appuie donc purement et simplement les conclusions de la commission.

M. Simons, rapporteur. - Je reconnais avec les honorables préopinants que la loterie a été ruineuse pour un grand nombre de familles ; mais je pense que cela ne doit avoir aucune influence sur la décision que vous avez à prendre au sujet de la pétition dont vous êtes saisis. De deux choses l’une : ou les pétitionnaires ont droit à la pension d’après les règlements qui régissent la matière, ou ils n’y ont pas droit. S’ils y ont droit, il importe que la loterie ait été ruineuse pour une quantité de familles. Cette considération ne peut enlever des droits qui sont fondés sur les règlements. C’est sous ce rapport que la commission propose le renvoi de la pétition au ministre des finances, non pour reconnaître les droits des pétitionnaires, puisque la commission ne s’est pas occupée du fond, mais parce que les pétitionnaires se sont adressés à différentes reprises au ministre des finances qui ne leur a jamais répondu.

Je m’oppose cependant à la proposition de M. de Roo, parce que, d’après les antécédents de la chambre, le renvoi avec demande d’explications implique la reconnaissance du droit des pétitionnaires, droit que la chambre n’a pas à reconnaître pour le moment, et que la commission n’a pas examiné.

Je persiste donc dans les conclusions de la commission pour que M. le ministre des finances fasse droit négativement ou affirmativement aux réclamations qui lui sont adressées depuis sept ans par les pétitionnaires dont il s’agit.

M. A. Rodenbach. - Je demanderai à M. le rapporteur si les pétitionnaires disent avoir occupé d’autres fonctions que celles de receveur de la loterie.

M. Simons. - Non.

M. A. Rodenbach. - C’est qu’alors ils n’ont pas droit à la pension. Je persiste dans ma demande d’ordre du jour.

M. Angillis. - Je répondrai à l’honorable M. Lebeau que si la loterie a été votée chaque année par les états-généraux, ce n’a pas été sans de nombreuses et vives réclamations dans le sein de cette assemblée.

M. de Brouckere. - Qu’est-ce que cela fait ?

M. Angillis. - Cela répond à l’observation de M. Lebeau.

Je répète donc que si l’on ne veut pas passer à l’ordre du jour, il faut adresser la pétition au ministre des finances, avec demande d’explications, et la renvoyer en outre à la commission chargée de réviser les pensions.

M. de Brouckere. - Tout ce que dit l’orateur contre la loterie ne peut avoir d’influence dans la question. La loterie peut être immorale, et que quelques-uns de ses employés soient des honnêtes gens. Le pétitionnaire a-t-il des droits, oui ou non ? Ce n’est pas à la chambre à le décider : la commission des pétitions l’a bien compris. Aux différentes demandes du pétitionnaire le ministre ne répond pas ; il s’adresse à la chambre pour qu’on lui fasse justice d’une manière ou d’une autre ; et c’est pour ce motif que la commission propose le renvoi au ministre. Quant à moi, j’appuie le renvoi, mais sans demande d’explications.

Le renvoi au ministre des finances est adopté purement et simplement.


M. Simons, rapporteur. - « La veuve de J.-B. Bumain (à Montfort), ex-concierge de la maison de sûreté de Mons, demande la moitié de la pension dont jouissait son mari. »

La commission propose le renvoi au ministre de la justice.

M. de Brouckere. - Je ferai observer qu’en général les femmes des employés civils n’ont pas droit à une pension. On dit que la pétitionnaire s’appuie sur un décret spécial ; mais quel est ce décret ?

M. Simons, rapporteur. - C’est un décret du 7 mars 1808. C’est au ministre à examiner s’il est applicable ou à rejeter la demande ; cet examen n’est pas dans les attributions de la commission des pétitions.

M. Mercier. - Mais ce décret est abrogé par celui de 1814. Je m’oppose au renvoi au ministre.

M. de Jaegher. - Il se pourrait que les geôliers reçussent des pensions et que leur service fût assimilé au service militaire.

M. Dolez. - Je me rappelle que le mari de la pétitionnaire était geôlier de la prison militaire de la ville de Mons, il pourrait se faire que sa veuve fût assimilée aux veuves des militaires.

M. de Brouckere. - Il faut ajourner cette pétition.

L’ajournement est prononcé.


M. Simons, rapporteur. - « Le sieur Adrien-Joseph Declercq, ci-devant juge de paix à Bruges, demande une pension. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements, parce que le ministre à plusieurs reprises a écarté cette demande.

M. de Roo. - Après 25 ans de service, ce fonctionnaire a été obligé de donner sa démission sous l’ancien gouvernement. Je demande le renvoi au ministre de la justice de sa pétition.

M. Simons, rapporteur. - Le ministre de la justice a eu connaissance de la demande de cet ex-juge de paix ; elle a toujours été écartée. On ne peut plus proposer que le dépôt au bureau des renseignements pour voir s’il n’y aurait pas lieu à proposer une loi.

M. de Roo. - Le pétitionnaire a échoué près du ministre de la justice ; mais peut-être qu’en s’expliquant mieux il ferait droit à sa demande.

- Le dépôt au bureau des renseignements est seul admis.


M. Simons, rapporteur. - « Le sieur Nicobas Reckinger, ancien militaire réformé, demande une pension. »

- Sur les conclusions de la commission, la chambre passe à l’ordre du jour, attendu que les causes pour lesquelles la réforme a été prononcée ne sont pas de nature à admettre à la pension.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition dut 20 décembre 1837, plusieurs militaires pensionnés, à Bruxelles, demandent que la chambre s’occupe du projet relatif aux pensions militaires. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 15 février 1838, le sieur J.-M. Van Bogaert, à Basel (Flandre orientale), réclame contre les décisions du conseil de milice et de la députation provinciale de la Flandre orientale, qui l’obligent au service. »

La commission propose le renvoi au ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 décembre 1837, des habitants de Florennes signalent à la chambre les mariages simulés à Florennes et à Saint-Aubin, pour soustraire des miliciens de 1838 au service militaire, et demandent des mesures répressives. »

La commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi proposé par l’honorable M. Seron.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 19 février 1838, l’administration communale de Lavaux-Sainte-Anne (Namur) demande qu’il soit apporté des modifications à la loi de 1817 sur la milice nationale. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 1er février 1838, le sieur A. Marteleur, de Secheval (France), né en Belgique, demande la radiation de son inscription comme milicien dans la commune de Gédinne, qu’il prétend être illégale. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 11 décembre 1837, le sieur Hourant, cultivateur à Neuville (Liége), demande que son fils, milicien de 1835, soit visité par des hommes de l’art et renvoyé du service pour ses infirmités. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 21 mai 1826, le sieur Martin Louis, à Anthée, demande l’annulation de la décision de la députation de la province de Namur, en date du 26 avril dernier, annulant celle du conseil de milice de Philippeville, qui exempte du service pour un an son fils Désiré-Joseph, milicien de 1835 et marié depuis. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition non datée, le sieur Vandendooren, milicien de 1836, de l’arrondissement de Termonde, demande à être libéré du service de la milice ou au moins qu’il soit renvoyé dans ses foyers comme détaché de son corps. »

La commission propose le renvoi aux ministres de la guerre et des travaux publics.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 2 décembre 1837, le sieur F. Willems, à St-Trond, milicien appartenant à la classe de 1836, demande l’intervention de la chambre pour faire révoquer un ordre ministériel qui appelle sous les armes un grand nombre de miliciens de sa classe, sous prétexte qu’ils n’ont pas payé leur masse d’habillements. »

La commission propose le renvoi au ministre de la guerre avec demande d’explications.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 23 décembre 1837, les greffiers des justices de paix de l’arrondissement de Tongres demandent que leur traitement soit augmenté. »

« Par pétition du 12 décembre 1837, les juges de paix de l’arrondissement de Termonde demandent que leur traitement soit augmenté dans la même proportion que ceux des autres membres de l’ordre judiciaire. »

La commission propose le renvoi de ces deux pétitions au ministre de la justice et à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi proposé par l’honorable M. Verhaegen.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 29 décembre 1837, le sieur François Hamel, exécuteur des hautes œuvres de la province de Liége, demande que son traitement soit porté à 4,000 fr., la population de la ville de Liége dépassant 50,000 âmes.

La commission propose le renvoi au ministre de la justice.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition non datée, les commissaires de police des communes de St-Nicolas, Beveren, Tamise, Hamme, Alost et Grammont, demandent une augmentation de traitement et réclament l’intervention de la chambre pour que des dispositions soient prises pour assurer leur avancement et des pensions à leurs veuves. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. Angillis. - Messieurs, je dois faire remarquer que les traitements des commissaires de police se paient par les villes ou communes où ils résident ; je ne pense pas que la chambre puisse forcer les communes à augmenter ces traitements. Les pétitionnaires demandent que la chambre prenne des mesures pour assurer leur avancement ; or, il appartient au gouvernement et non pas à la chambre de nommer les fonctionnaires. Je pense donc que la chambre doit passer à l’ordre du jour.

M. Simons, rapporteur. - La pétition a deux buts : le premier concerne une obtention de traitement ; la commission ne s’en est pas occupée ; le second but est qu’il soit pris des mesures pour assurer aux commissaires de police, qui auront rempli honorablement leurs fonctions pendant un certain nombre d’années, les mêmes avantages que ceux dont jouissent les autres fonctionnaires. Sous ce dernier rapport, nous avons proposé le dépôt sur le bureau de la pétition, dont les vues utiles pourront être consultées au besoin.

M. Dubus (aîné). - Je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur le premier objet de la pétition, et que, quant au second, la pétition reste déposée sur le bureau.

- Cette proposition est adoptée.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 5 décembre 1837, le sieur F. Malafosse, détenu à la maison de justice de Toulouse, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir l’exécution du principe de liberté individuelle qui a été violé dans sa personne, par son extradition consentie par le gouvernement. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Simons, rapporteur. - « Par pétition du 9 février 1838, le sieur J.-B.-J. Ruttens, détenu aux Alexiens, à Louvain, demande sa mise en liberté. »

« Par pétition du 13 février 1838, le sieur G. Jamotte, détenu aux Alexiens, à Louvain, demande sa mise en liberté. »

La commission propose le renvoi de ces deux pétitions au ministre de la justice.

- Adopté.


M. Morel-Danheel, deuxième rapporteur. - « Par pétition du 2 décembre 1836, la commission administrative des hospices civils de Liège demande de nouveau une mesure législative qui autorise les communes, hospices et autres établissements publics, à affermer leurs biens ruraux pour 18 années et au-dessous, sans autres formalités que celles prescrites par les baux de 9 années. »

La commission propose le renvoi au ministre de la justice.

- Adopté.


M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 27 décembre 1837, les notaires de canton de l’arrondissement de Bruxelles demandent que la chambre s’occupe, dans un délai rapproché, du projet portant des modifications à la loi sur le notariat. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.

La séance est levée à 4 1/2 heures.