(Moniteur belge n°74, du 15 mars 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal une heure.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Tessenderloo (Limbourg) demande l’achèvement de la route de Boeringen à Hasselt et la construction d’un embranchement de Zammel à Boeringen. »
« Des négociants de tabacs, de St-Nicolas, adressent des observations sur le projet de loi relatif aux tabacs. »
« Des habitants de la commune de Tourpes (Hainaut) adressent des observations sur la question de réforme électorale. »
- La pétition concernant le projet de loi sur les tabacs est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de ce projet.
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission.
Par plusieurs messages, en date du 13 de ce mois, le sénat informe la chambre qu’il a adopté :
1° Le projet de loi relatif aux débitants de boissons distillées ;
2° Le projet de loi tendant à assimiler les routes empierrées aux routes pavées pour la police du roulage en temps de dégel ;
3° Le projet de loi relatif aux routes vicinales.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) monte à la tribune et dépose un projet de loi tendant à régler les frais des chambres de commerce.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet et le renvoie à l’examen de la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je prierai la chambre de voter le chapitre IV du budget de la guerre pour 1838, concernant l’école militaire et sur lequel il n’a été accordé qu’un crédit provisoire pour le premier trimestre. Le motif de cette proposition est facile à comprendre ; c’est que le budget définitif de l’école militaire dépend de l’organisation qui sera donnée à cet établissement en vertu de la loi qui vient d’être votée, et que cette organisation ne peut être terminée d’ici au 1er avril prochain, époque où expire le crédit voté. D’un autre côté, je suis convaincu qu’au moyen de l’allocation demandée au chapitre du budget dont j’ai parlé tout à l’heure, je viendrai à bout de pourvoir à toutes les dépenses que l’école militaire occasionnera dans le courant de cette année, en y comprenant celles qui résulteront de la partie de l’organisation nouvelle qui pourra être réglée d’ici au 1er janvier prochain. Je crois, messieurs, que cette proposition n’est pas de nature à rencontrer de graves difficultés.
M. de Foere. - Je ne pense pas, messieurs, que cet objet soit si urgent ; ne pourrait-on pas le mettre à l’ordre du jour après le projet de loi que nous discutons en ce moment ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, je regarde l’objet comme très urgent, puisque la chambre n’a voté qu’un crédit provisoire qui expire à la fin de ce mois et que le sénat ne sera peut-être plus réuni assez longtemps pour voter le chapitre du budget dont il s’agit, si nous tardions à le lui renvoyer. Il s’agit, du reste, d’une chose toute simple, puisqu’il n’y a qu’à voter un chapitre du budget qui a été examiné par la section centrale et qui ne peut pas rencontrer d’opposition.
M. Demonceau. - Je pense aussi, messieurs, qu’il est important de fixer à demain la discussion du crédit demandé par M. le ministre de la guerre, car si nous tardons à nous occuper de cet objet, le sénat pourrait ne plus être assemblée, et comme le crédit pour l’école militaire n’est voté que pour trois mois, le service pourrait être entravé.
M. Desmaisières. - Je suis également d’avis, messieurs, qu’on peut très bien fixer à demain la discussion du crédit demandé pour l’école militaire ; il ne pourra pas en résulter une bien longue interruption de la discussion du projet de loi sur le café, car ce sera l’affaire d’une demi-heure pour discuter et voter le crédit dont il s’agit.
- La proposition de M. le ministre de la guerre est mise aux voix et adoptée.
M. Pollénus monte à la tribune et présente le rapport de la commission qui a été chargée de l’examen du projet de loi tendant à accorder au département de la justice un crédit supplémentaire de 70,000 fr. ; la commission conclut à l’adoption pure et simple du projet tel qu’il a été présenté par M. le ministre de la justice. M. le rapporteur demande que la chambre mette la discussion de ce projet à l’ordre du jour de demain.
- Cette proposition est adoptée.
M. Doignon. - Une première observation doit être faite sur le projet de loi en discussion, c’est qu’il n’est point démontré par le gouvernement que cette nouvelle augmentation de l’un de nos impôts soit nécessaire ; il est certain qu’elle n’a point été comptabilisée dans la prévision des voies et moyens de l’exercice 1836.
Nous avons, il est vrai, une dette flottante à diminuer ; mais c’est par des économies qu’il convient de chercher à la réduire et non par de nouveaux impôts. Plus vous donnerez d’impôts ou d’argent à l’Etat, plus au contraire il sera incliné à dépenser.
Si donc je consens à augmenter le droit actuel sur le café, c’est bien moins comme un impôt de consommation que je l’envisagerai que comme un droit de douane destitué à favoriser notre commerce maritime, notre industrie et notre agriculture. Or, sous ce point de vue, je ne pourrai l’admettre que pour autant qu’il soit différentiel, c’est-à-dire pour autant qu’en réglant ce droit, on ne mette point sur la même ligne et la navigation belge ou de puissances amies, et les navires ennemis ou ceux dont les conditions sont défavorables pour le pays.
La Belgique, avec ses ports et avec toutes ses richesses agricoles et industrielles, a peut-être la plus belle position du monde pour donner à son commerce maritime des développements immenses. Eh bien, depuis 1830, tous les avantages de cette position sont pour elle presque nuls. Lorsqu’elle aurait pu, au moyen d’un simple changement à sa législation, étendre considérablement son commerce d’échange, lorsqu’elle aurait pu se faire livrer de première main les quantités énormes d’articles coloniaux nécessaires à sa consommation, ou se les procurer elle-même, au moins en grande partie, avec ses propres navires, nous avons eu et nous avons encore la douleur de voir les nations étrangères, et notamment la Hollande, nous les fournir tous presque exclusivement et pourvoir ainsi elle-même à tous nos besoins : si cet état de choses se perpétue, non seulement il arrêtera nécessairement tous nos progrès commerciaux, industriels et agricoles, mais il pourra même avec le temps amener quelque crise dans le pays.
La balance entre nos exportations et les importations faites en Belgique par les puissances, est en faveur de celles-ci de 30 à 40 millions ; tandis que tous ces produits exotiques auraient pu être échangés avec nos articles indigènes et que ces débouchés eussent été indispensables pour la surabondance de notre production nationale, ce sont ces pays étrangers qui ont fait tout le profit de ce commerce d’échange en livrant eux-mêmes en retour aux colonies leurs propres articles à la place et au détriment des nôtres et de nos vrais intérêts.
Le système de droits différentiels est depuis longtemps le droit commun des nations, et c’est à l’aide de semblables droits que chaque nation parvient à se traiter sur un pied de parfaite réciprocité. La Belgique, en entrant dans cette voie, ne fait donc qu’imiter les autres pays.
L’origine des droits différentiels parmi les nations date de l’époque où l’une ou l’autre d’entre elles voulant s’arroger dans le commerce maritime des privilèges ou des avantages exclusifs, força par là ses voisins à suivre son exemple. La diversité des besoins et des intérêts de chaque peuple devait amener enfin cette différence dans les faveurs qu’ils croient devoir s’accorde mutuellement dans la navigation.
Toutes les nations ne formant qu’une famille aux yeux de la nature, la plus grande liberté devait d’abord régner dans toutes leurs relations entre elles, et cet état de choses put durer pendant des siècles dans les Etats civilisés.
Mais l’Angleterre fut la première à sortir de ce droit commun primitif : elle sentit bientôt que sa position toute spéciale pouvait lui faire acquérir une prépondérance maritime immense sur tous les autres, et c’est, il y a environ deux siècles, que, dans son intérêt particulier et celui de ses colonies elle crut devoir créer par son acte de navigation des prohibitions ou restrictions, et mettre à ses faveurs certaines conditions. Elles eurent en effet pour résultat d’augmenter encore sa puissance commerciale ; les autres nations, sans songer d’abord à user de représailles, la laissèrent en pleine liberté, et en peu de temps on la vit marcher à grand pas vers le monopole et même le despotisme maritime. C’est alors que les autres peuples se voyant victimes eux-mêmes de leur imprévoyance, et profitant des leçons de l’expérience, ouvrirent les yeux, et établirent enfin aussi, de leur côté, des privilèges en faveur de leur propre navigation, et de la navigation étrangère, qui, arrivant directement des pays de provenance, favoriserait par là leurs échanges.
On le croirait à peine, ce n’est qu’en 1793 que la France reconnaissant enfin combien elle avait été dupe de s’en tenir jusque là au simple cabotage, songea seulement alors à recourir à des droits différentiels sur les importations et à se procurer ainsi une navigation et un commerce directs avec les colonies. Par la force des choses, les autres peuples, tels que la Prusse, l’Autriche, la Suède et le Danemarck, se tournèrent vers le même système, et des traités de réciprocité en fussent la suite. Chaque nation reconnut que, soit que les importations se fassent par navires étrangers, le premier moyen de créer entre elles les relations les plus favorables aux échanges et d’obtenir leurs produits respectifs au plus bas taux possible, c’était de rendre leurs communications directes ; tel fut le principal but de l’introduction des droits différentiels. On stipula que certains avantages seraient assurés à la condition de transporter directement sa cargaison sans débarquer ailleurs. Les peuples entre lesquels existent ces rapports directs et fréquents en même temps se connaissent naturellement beaucoup mieux et bien plus intimement. Ces rapprochements continus entre eux leur apprennent bientôt à connaître parfaitement toutes les productions qu’ils ont respectivement à s’offrir l’un à l’autre, et à apprécier le plus ou moins d’utilité à ces productions, et les avantages qu’ils peuvent en tirer chacun chez eux. De telles relations font peu à peu découvrir dans l’un et l’autre pays tous les débouchés et toutes les convenances possibles, pour y placer non seulement des matières premières, mais toute espèce de marchandises manufacturées ; on comprend donc facilement pourquoi toutes les nations ont fini par attacher la plus grande importance aux arrivages directs en leur accordant des préférences et des faveurs. Ce système est donc devenu aujourd’hui le droit des gens, et la Belgique est appelée à en jouir comme toute autre peuple.
Par rapport à elle, un seul exemple peut faire ressortir tous les avantages de ce système. Supposons qu’ayant soumis à un droit uniforme tous les cafés sans aucune distinction, le café du Brésil nous soit expédié non directement par le navire brésilien lui-même, mais par un pays intermédiaire ou d’entrepôt où il aura été débarqué ; comment le Brésilien, sans se rendre lui-même directement en Belgique, pourra-t-il jamais connaître tout ce que notre beau pays possède pour lui être livré en échange ? Et vice-versa, si le Belge, au lieu d’aller chercher lui-même le café brésilien au Brésil, s’en va le chercher et le prendre dans un port intermédiaire étranger à cet empire, comment pourra-t-il jamais avoir connaissance des besoins de ce vaste pays, des articles qui peuvent lui être utiles et enfin de tous les débouchés qu’on peut y rencontrer ? Entre nations comme entre particuliers, si l’on veut que les échanges s’opèrent facilement et se multiplient, ce n’est point par des voies indirectes qu’on arrivera jamais à ce but, mais il faut nécessairement se voir et de communiquer directement.
Cette navigation directe procure encore au pays d’autres avantages : celui de faire obtenir les denrées coloniales au plus bas prix possible, non seulement parce qu’on les reçoit de première main, mais encore parce que le bénéfice qui se fait sur les marchandises livrées en retour ou en échange, permet toujours de laisser le prix de ces denrées pour la consommation au taux le plus modéré. Ces conditions avantageuses donnent encore au pays toutes les facilités pour faire le commerce de transit et concourir avec les autres nations sur les marchés extérieurs.
Les arrivages directs des lieux de provenance forcent aussi les étrangers à faire dans le pays toutes les dépenses d’entretien, de réparation et de reconstruction de leurs navires et celle de leur approvisionnement pour le retour.
On voit donc qu’elle se justifie d’elle-même, cette distinction ou cette différence que tous les peuples ont mise entre les droits imposés sur les arrivages directs et ceux qui doivent frapper les importations par voie indirecte. Les droits sur ces arrivages venant des lieux mêmes de production, doivent être d’autant plus modérés, qu’ils doivent nous procurer de plus grands avantages, et un bien-être évident pour le pays ; et si déjà ils méritent une faveur importante lorsqu’ils s’effectuent par navire étranger, quel avantage plus grand encore ne leur est-il pas dû lorsqu’ils ont lieu par navire belge, puisqu’alors ils encouragent et favorisent en outre notre propre marine marchande ? Il est superflu de vous dire combien il importe aussi de faire prospérer notre industrie navale. Les matériaux et la main-d’œuvre employés à notre marine ne créent-ils pas de nouvelles sources de richesses et de travail ?
Mais autant il convient d’abaisser les droits d’entrée sur les importations directes par navires nationaux ou étrangers, afin de les protéger autant que possible, autant convient-il de les élever sur celles qui nous arrivent indirectement par des ports intermédiaires ou d’entrepôt d’Europe. La nation qui sert dans ce cas d’intermédiaire a elle-même recueilli à notre préjudice tout le fruit des arrivages directs ; en faisant venir chez elle directement les denrées coloniales par navires nationaux ou étrangers pour les vendre ensuite chez nous, elle s’est ménagé et a trouvé l’occasion et le moyen de faire directement pour ses produits des échanges que nous aurions pu faire nous-mêmes : elle s’est emparée de cette manière de débouchés avantageux dont nous aurions pu nous servir nous-mêmes pour le placement des productions de nos fabriques, de nos manufactures et de notre agriculture, et elle, elle nous prive par suite de l’une des premières sources de la prospérité du pays. Le tort qu’elle lui fait dans ce cas est d’autant plus considérable qu’il surabonde de produits de toute espèce qui pourraient faire l’objet d’échanges.
Le Portugal est à peu près dans cette position vis-à-vis de l’Angleterre qui est pour lui une puissance intermédiaire : mais aussi considérez l’extrême misère où se trouve ce beau royaume. Avec un tel système, le pays le plus ainsi exploité par l’étranger doit finir par s’épuiser et voir tomber entièrement son commerce et son industrie.
Le cabotage n’étant destiné qu’à aller prendre les articles coloniaux dans les ports autres que ceux des pays de provenance, c’est-à-dire dans des ports intermédiaires, ne remplit que très imparfaitement le but du véritable commerce maritime, lequel consiste, avant tout, dans les relations directes avec les pays de production eux-mêmes. Le cabotage ne peut donc jouir des mêmes faveurs que la navigation directe avec les colonies.
Il résulte de ce qui précède que c’est donc l’intérêt général du pays qui réclame lui-même l’établissement des droits différentiels. Or, des intérêts secondaires doivent céder à des considérations aussi puissantes que celles que nous venons de faire valoir.
Bien que ce système promette spécialement au port et à la ville d’Anvers l’avenir le plus brillant, ce n’est certes pas dans l’intérêt de cette localité que nous parlons ; si nous ne consultions que son intérêt actuel, peut-être devrions-nous tenir un tout autre langage ; car par l’effet de notre séparation de la Hollande, le commerce maritime de cette place se réduit maintenant, je crois, en grande partie, à la commission pour compte de l’étranger, commission qui n’est elle-même ordinairement que le commerce par voies intermédiaires. Dès que les négociants d’Anvers, étrangers ou belges, ont placé dans le pays ou ailleurs les marchandises exotiques qui leur sont consignées, tout est fini pour eux et leur intérêt est satisfait : mais cela ne suffit point à l’intérêt national, intérêt qui nous commande impérieusement de changer l’état actuel des choses.
La création de droits différentiels serait peut-être une chose assez indifférente si l’on n’avait ici en vue que l’intérêt présent de la ville d’Anvers, puisque le simple commerce de commission et d’entrepôts peut seul rendre un port florissant. La ville libre d’Hambourg dont le commerce est également alimenté par les arrivages des ports intermédiaires, est aussi dans cette position. Il importe peu à ces villes d’où viennent les marchandises avec lesquelles elles trafiquent, et, comment et par quelles voies elles leur sont expédiées, puisqu’elles n’ont ni agriculture, ni industrie, ni fabriques dont elles doivent premièrement favoriser l’écoulement des produits à l’étranger. En un mot, ces villes ne sont que des villes et non des royaumes. Or, les intérêts des uns et des autres sont ici essentiellement tout à fait distincts.
La Belgique, malgré toutes les ressources de son sol et de son industrie est peut-être le pays qui, dans la proportion de sa population, consomme la plus grande quantité d’articles coloniaux. Ayant donc à offrir aux autres nations un marché des plus considérables, celles-ci, empressées d’en jouir, auront le plus grand intérêt à entrer immédiatement dans le système d’arrivages directs qu’elle doit enfin adopter, et au moyen de cet abaissement du droit en leur faveur, elles n’hésiteront certainement point à établir avec nous une navigation directe, et par suite toutes ces relations commerciales dont le bien-être est incalculable pour le pays. Si notre marché est de peu d’importance, peut-être la mesure n’aurait-elle pas d’abord tous ses effets ; mais les avantages extraordinaires qu’il présente et que chaque nation saura apprécier, seront pour elles, comme aujourd’hui, un appât irrésistible, et ce changement de système aura ainsi les plus heureux résultats. Bientôt de toutes pats les puissances nous demanderont des traités de réciprocité, et enfin peu à peu chacune d’elles ainsi favorisée et intéressée à arriver directement dans nos ports, s’empressera de venir prendre nos produits en échange et de payer ainsi leur tribut à notre industrie, à notre travail et à notre agriculture. La petite Belgique qui possède dans son sein tous les éléments de la plus haute prospérité, pourra alors devenir un jour l’une des premières puissances commerciales et maritimes.
Mais dans l’état actuel des choses, cette époque se fera sans doute encore attendre longtemps. Depuis sept ans que nous avons conquis notre indépendance, le gouvernement nous a déjà fait perdre un temps précieux. Notre marine marchande a aujourd’hui si peu de navires en comparaison du nombre qu’elle devrait posséder pour aller chercher elle-même les denrées coloniales dont nous avons besoin, que le droit différentiel qu’on admettra en sa faveur, ne produira pendant quelque temps qu’une partie de ses effets. Cependant, si, comme on doit l’espérer, la chambre adopte ces droits sur le café dans les proportions que propose la chambre de commerce de Bruges, et, il ne paraît pas qu’on puisse faire moins pour le pays, il en résultera en faveur du pavillon national une protection de quinze mille francs sur un chargement de 300 tonneaux. Cet avantage est un encouragement réel pour la construction de notre marine, et il permet d’espérer de voir en peu d’années cette navigation belge qui languit à présent, prendre son essor et acquérir la plus grande extension chez tous les peuples.
Il faut entre-temps qu’au moyen de droits différentiels, la navigation et le commerce directs puissent aussitôt s’établir et s’étendre chez les puissances amies ou celles qui renonceront à toute voie intermédiaire. Nos relations commerciales avec elles et les bénéfices évidents qui en seront le résultat, attireront incessamment les grands capitaux dans la construction de notre marine marchande qui aura d’ailleurs aussi en sa faveur son droit particulier différentiel.
Le café étant un article qui forme aujourd’hui l’une des principales branches du commerce maritime, nous serions donc coupables d’imprévoyance, si nous ne songions à régler actuellement le droit d’importation sur cette denrée d’après les principes que nous venons de développer, c’est-à-dire en établissant des différences suivant la couleur du pavillon soit national ou étranger, et l’arrivée directe ou indirecte des lieux de production.
Ce n’est pas sérieusement que l’on prétendrait qu’il convient d’attendre l’issue des négociations entamées ou à commencer, avec certaines nations, avant d’arrêter ici nos droits différentiels. C’est au contraire parce que des négociations seraient ouvertes, qu’il serait opportun de décréter aujourd’hui les faveurs que nous entendons leur accorder ; et dans tous les cas, c’est à la législation à déterminer ces faveurs.
D’abord, afin d’encourager les Belges à former et entretenir par eux-mêmes des relations avec les colonies, il est d’une bonne politique de réserver toujours une faveur toute spéciale, exclusivement pour le pavillon national arrivant directement des pays de provenance, et il ne peut être permis de mettre à cet égard l’étranger tout à fait sur la même ligne que le Belge ; c’est ce que propose aussi la section centrale. Mais sauf cette réserve, l’étranger doit être traité sur le même pied que le pavillon belge, dès que réciproquement il nous traite en amis et qu’il arrive chez nous directement de sa colonie. Telle est la règle à suivre dans les négociations qu’on voudrait ouvrir, et il importe qu’elle soit écrite dans la loi, comme il importe également de fixer pour chaque cas le chiffre du droit d’importation afin que l’étranger connaisse d’avance la faveur à laquelle il aura droit en traitant avec nous, aussi bien que la défaveur qui l’attend s’il reste dans une voie contraire à nos intérêts. Ce n’est point d’ailleurs au gouvernement, mais bien au pouvoir législatif qu’il appartient en Belgique de régler ces droits de douane différentiels : une fois établis, loin d’entraver, ils ne peuvent donc que rendre plus faciles les négociations.
L’expérience a prouvé chez toutes les nations, que c’est d’abord en créant de semblables droits, qu’on parvient à obtenir ensuite des traités de juste réciprocité. Par exemple, si votre législation traite avec le même avantage comme elle le fait aujourd’hui, et les arrivages directs et ceux qui se font par voie intermédiaire, bien que ceux de cette dernière catégorie soient évidemment nuisibles aux vrais intérêts du pays, la nation qui trouve au contraire qu’ils sont plus avantageux, continuera toujours à les faire, aussi longtemps que vous ne les frapperez point d’un droit différentiel plus élevé, et ce n’est que dès ce moment qu’elle se verra enfin obligée de venir solliciter un traité. Jusque-là dès que vous ne changez point votre législation qui s’accorde parfaitement avec ses intérêts, l’étranger qui en est satisfait, s’éloignera de tout traité au lieu de vous en demander jamais. L’opportunité ne peut donc faire le moindre doute au cas actuel.
Ainsi, relativement au café qui nous arrive presque entièrement par des ports intermédiaires, les puissances qui vous l’expédient par cette voie n’ont aucun intérêt à la changer et à arriver ici directement des colonies, tant que vous n’aurez point décrété un droit plus fort sur ces arrivages indirects. Ce n’est que lorsqu’elles verront dans votre législation l’adoption définitive d’un droit qui sera une défaveur réelle pour ces sortes d’arrivages, qu’elles pourront se décider à y renoncer, et à établir avec nous une navigation directe. La Hollande surtout ne céderait jamais qu’à la force.
Par suite de tous les avantages qu’elle a accordés à sa navigation, et par l’effet même de la fraude qu’elle pratique à notre vu et su, la Hollande est parvenue à nous fournir à bon marché le café de ses colonies, et quelques-uns regardent cet état de choses comme un bien que nous ne pouvons nous exposer à perdre en créant un droit différentiel qui atteindrait les arrivages indirects et même frauduleux de cette puissance. Mais quant au bon marché, on doit se rassurer à cet égard. Il est possible qu’en attendant que la navigation directe s’établisse avec d’autres endroits et d’autres colonies que celles de la Hollande, cette denrée éprouve momentanément une hausse ; mais c’est là un bien mince inconvénient lorsqu’il s’agit d’entrer dans un système d’où dépend la prospérité générale. Le pays est d’ailleurs tellement approvisionné pour longtemps de café hollandais qu’il est même incertain si cet inconvénient se présentera jamais.
Les avantages importants que notre nouveau tarif va offrir aux autres puissances sur la navigation actuelle de la Hollande, l’énormité de la consommation de la Belgique en denrées coloniales, attireront bientôt sur notre marché des arrivages directs de café de tous les pays qui en produisent, et dans tous les cas, il en résultera avant peu une concurrence qui portera certainement le prix de cette denrée au taux le plus modéré.
Au surplus, le véritable intérêt du consommateur se lie nécessairement à l’intérêt général, et lors même que cette mesure devrait avoir pour effet d’occasionner une hausse quelconque, ce faible préjudice pour le consommateur serait largement compensé par le bien-être général qui en rejaillira sur notre commerce maritime, sur toutes nos fabriques et notre agriculture. On ne peut douter que les cafés du Brésil et des autres contrées n’arrivent sans retard sur notre marché pour remplacer au moins en grande partie le café de la Hollande, à moins que cette puissance n’abandonne son système de restrictions à notre égard. En outre les bénéfices majeurs produits par la navigation et le commerce directs permettront toujours de vendre ces autres cafés à un prix très raisonnable.
Certainement, les puissances nous sauront gré de ce changement à notre tarif ; car tel qu’il existe maintenant et tel que le propose le gouvernement, il favorise entièrement la Hollande presqu’à leur exclusion. Il n’est pas juste que celle-ci soit presque seule en possession du précieux marché de la Belgique si l’on ne met un terme à ce qui existe aujourd’hui. La Hollande accaparera même tout à fait notre marché au grand préjudice des autres peuples. A cette occasion, nous demanderons que le gouvernement s’explique sur les importations frauduleuses des Hollandais, qui se pratiqueraient par Doel et Bast, et qui ont déjà été signalées à diverses reprises
Il n’y a doute que l’intérêt hollandais qui puisse s’opposer aux modifications de notre tarif sur le café, et certes, cet intérêt ne trouvera point un seul défenseur dans cette assemblée.
La chambre ne se laissera point sans doute intimider par la crainte d’entraves possibles à la liberté de l’Escaut de la part de la Hollande. Ces entraves seraient des actes d’hostilité, bien plus contre les autres nations que contre nous-mêmes. Les traités nous garantissent cette liberté. Il y aurait donc pusillanimité à s’arrêter pour une telle considération. Si une pareille crainte pouvait faire ici quelque impression, autant vaudrait dire que le commerce de la Belgique doit être abandonné au bon plaisir de la Hollande.
Toutes les nations ont leur tarif de droits différentiels ; tout récemment encore, la Hollande vient même de majorer le sien. La Belgique ne fera donc que se placer enfin dans le droit commun. Dans tous les cas, il serait de toute absurdité de soutenir que nous avons besoin de la permission d’une puissance quelconque pour accorder un droit protecteur à nos propres navires, et, puisqu’il s’agit ici un principal article des denrées coloniales nécessaires à notre consommation, c’est bien le moment où jamais, d’adopter un nouveau système.
Le tarif français donne en faveur de l’importation du café en France, par navire français, des lieux autres que ses possessions, un avantage par tonneau de 50 francs pour les arrivages d’Europe, et de 100 francs pour les autres. La proposition de la section centrale est loin de donner une pareille protection.
La distinction qu’elle fait pour les navires belges entre les arrivages directs ou indirects, devrait être étendue aux navires étrangers.
La restitution de 10 p. c. seulement qu’accorde notre tarif actuel à notre marine, est trop insignifiant pour en parler. Notre devoir est de protéger d’une manière efficace les arrivages directs de cet article, comme notre tarif l’a déjà fait pour le sel.
Je voterai donc pour les droits qui donneront le plus de protection à notre marine marchande et à notre commerce maritime et d’échange.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le gouvernement voulant pourvoir aux services publics, a cru devoir vous proposer une majoration d’impôt sur le café ; à cette occasion, l’on a agité la question d’un système nouveau de droits différentiels ; ce système, discuté dans le sein de la section centrale, a été adopté à la majorité de 4 voix contre 3 ; la minorité de la section centrale propose l’ajournement de cette mesure.
Nous-même, appelé au sein de la section centrale, nous avons appuyé cette motion. Nous croyons devoir la reproduire dans le sein de la chambre elle-même, et nous espérons de la voir accueillir.
Nous avons dit, messieurs, que dans ce moment le gouvernement avait ouvert des négociations, pour obtenir des traités de navigation, et que l’époque nous paraissait mal choisie, pour l’introduction d’un système nouveau de droits différentiels.
Il est vrai qu’on nous a dit que jusqu’à ce que l’on ait majoré considérablement le droit différentiel de 10 p. c. actuellement existant, nous n’avons pas d’espoir d’obtenir des traités ; mais cette objection, nous ne la considérons pas comme solide ; nous pensons au contraire que nous avons l’espoir fondé d’obtenir des résultats ; et, en conséquence, nous croyons qu’il serait très imprudent de créer un système tout nouveau, lequel subirait prochainement des modifications. Il faut de la stabilité dans nos intérêts, et non pas une variation perpétuelle de système.
D’autre part, sous le rapport commercial, la question des droits différentiels est extrêmement controversée. Je dirai même que, depuis la date du rapport de la section centrale, nous avons reçu une députation d la chambre de commerce d’Anvers, composée, non seulement de négociants, mais encore d’armateurs, des hommes les plus distingués de cette place. Cette députation a vivement insisté auprès de nous, pour qu’au moins, quant à présent, la proposition de la section centrale ne soit pas adoptée par le gouvernement.
Je ferai remarquer que les conséquences du nouveau système des droits différentiels que l’on vous propose, peuvent être funestes, même pour le commerce de café, et qu’il peut être imprudent de majorer l’impôt d’une part, et d’augmenter le droit différentiel d’autre part. Cette double mesure pourrait avoir pour résultat de jeter la perturbation dans nos relations commerciales.
L’on a cru que le droit de 8 fr. était le maximum d’impôt que le café pouvait supporter ; mais je doute fort si, dans l’état actuel de notre marine marchande, ce ne serait réellement pas un droit de 10 fr. qu’on voterait, en cas que vous vinssiez à adopter le système de droits différentiels proposé par la section centrale ; dès lors, le résultat qu’on a redouté d’une majoration trop considérable d’impôt serait l’effet du système tout nouveau dont il s’agit.
Il est vrai que quelques armateurs, appréciant leurs intérêts personnels, peuvent avoir en vue les avantages éventuels d’un système de droits différentiels. Mais, messieurs, d’autres armateurs apprécient la question sous un point de vue différent, et se montrent opposés à la proposition qui vous est soumise.
Je pense même pouvoir dire, d’après les informations que j’ai reçues, qu’il circule en ce moment à Anvers même, parmi les armateurs, une pétition tendant à s’opposer à l’établissement des droits différentiels ; et je crois que la rapidité de nos discussions a peut-être empêché les armateurs d’être en mesure de la présenter en temps utile à la chambre.
L’on dit (et cette idée a surtout été énoncée dans une brochure qui a été répandue parmi les membres de cette chambre) ; l’on dit que le système actuel est extrêmement favorable à la Hollande ; que c’est de la Hollande que nous recevons nos cafés. Eh bien, messieurs, la chambre de commerce d’Anvers avait été au-devant de cette objection ; elle avait proposé d’interdire l’importation des cafés, autrement que par les ports de mer ; mais cette proposition même nous a paru tellement grave que nous n’avons pas cru, du moins quant à présent, devoir vous en saisir. Ceci mérite un plus mûr examen, par suite des conséquences que l’adoption de cette proposition pourrait entraîner sous le rapport commercial.
Je pense donc que les considérations les plus graves militent en faveur de la motion d’ajournement qui a été proposée dans le sein de la section centrale. Je crois que les observations qui vous seront soumises contradictoirement par les différents orateurs prouveront de plus en plus à la chambre combien la question des droits différentiels est grave, et avec quelle prudence il faut procéder à sa solution.
Il ne faut pas croire que notre navigation ne jouit en ce moment d’aucune protection ; il n’en est rien : les 10 p. c. constituent déjà une protection très importante. Il n’y a donc pas une urgence extrême à changer l’état actuel des choses ; il n’y a pas de péril en la demeure.
Par ces divers motifs, nous croyons que la motion d’ajournement est dictée par la prudence et par les intérêts du pays.
M. Pirmez. - Il me semble que le ministre demande la question préalable sur la question des droits différentiels.
M. le président. - M. le ministre a demandé l’ajournement de l’amendement qui a été proposé par la section centrale ; quand il s’agira de voter sur cet amendement, on votera d’abord sur l’ajournement, conformément au règlement ; maintenant nous sommes dans la discussion générale, et tant que la chambre n’aura pas prononcé la clôture, je dois accorder la parole à ceux qui la demanderont.
M. de Brouckere. - Y a-t-il de l’opposition contre la motion du ministre ? (Oui ! oui !) S’il y a opposition, M. le président a raison de dire qu’il faut que l’on discute.
M. Smits. - Messieurs, il me semble que la motion de M. le ministre de l’intérieur est en quelque sorte une question préalable ; il faut donc qu’on la discute d’abord, cela est évident.
M. Pirmez. - Si M. le ministre n’a pas proposé formellement la question préalable, moi je la propose pour ma part.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, la motion d’ordre qui a été faite par M. le ministre de l'intérieur tend à ce que la chambre ne discute pas maintenant la question des droits différenties, à ce qu’elle se borne à discuter purement et simplement le projet du gouvernement. La proposition de la section centrale contient deux objets d’une nature toute différente : elle concerne d’abord le droit sur le café, mais elle tend d’un autre côté à faire consacrer le principe des droits différentiels (car quand on l’aura appliqué au café, on voudra l’appliquer également à toutes les autres marchandises) ; c’est donc le principe des droits différentiels qu’on veut poser dans la loi, tandis que le gouvernement propose uniquement une majoration d’un droit de douane. M. le ministre de l'intérieur, par des considérations qu’il a développées, demande qu’on n’examine pas en ce moment la question des droits différentiels et qu’on s’occupe seulement du projet de loi, tel qu’il a été présente par le gouvernement ; l’honorable M. Pirmez demande, lui, la question préalable sur la proposition de la section centrale ; or, adopter la question préalable serait, aux termes du règlement, déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer ; or, M. le ministre de l’intérieur demande seulement qu’on ne délibère pas pour le moment, tandis que si la chambre adoptait la question préalable, comme le demande M. Pirmez, elle écarterait par là définitivement, je le répète, la proposition de la section centrale. Ce n’est pas là, dis-je, ce que nous demandons ; nous voulons bien examiner la question des droits différentiels, mais nous croyons qu’on ne peut pas le faire incidemment, à propos d’un article spécial du tarif ; nous pensons que cette question ne peut être traitée que dans la discussion d’une loi générale, d’une loi de principe, et nous disons que ce n’est pas le moment de nous occuper d’une semblable loi.
En résumé, messieurs, je dis que la motion d’ordre de M. le ministre de l’intérieur tend à ce que la chambre ne s’occupe pas maintenant de la question des droits différentiels et à ce que la discussion porte uniquement sur le projet, tel qu’il a été présenté par le gouvernement.
M. de Foere. - Messieurs, les adversaires des droits différentiels, y compris le ministère, proposent d’ajourner la discussion d’une question qui intéresse à un haut degré le pays. Quoique je partage tout à fait l’opinion contraire, je ne m’oppose pas cependant à la discussion de l’ajournement proposé par M. le ministre de l’intérieur. Une partie de cette discussion entre tout à fait dans la discussion générale. Je ferai valoir contre l’ajournement des raisons appartenant au fond de la question. Si donc la chambre décide qu’elle discutera préalablement la motion d’ajournement, je demanderai la parole pour la combattre.
M. Lebeau. - Je crois, messieurs, que M. le ministre des finances, par l’extension qu’il a donnée à la proposition de M. le ministre de l’intérieur, s’est beaucoup rapproché de l’opinion émise par l’honorable M. Pirmez ; qu’on appelle la proposition question préalable, ou, si on trouve l’expression malsonnante qu’on l’appelle ajournement, c’est la même chose, c’est rentrer dans la proposition primitive de M. le ministre de l’intérieur qui ne pouvait avoir pour but que d’empêcher qu’on discutât pendant 15 jours avant de décider si on votera sur la question des droits différentiels, et cela pour gagner du temps.
Il y a d’autres considérations pour faire accueillir la proposition de M. le ministre des finances qui n’est autre que celle de M. Pirmez ; c’est que la question des droits différentiels ne se rattache pas nécessairement à celle du café, bien qu’elle ait été introduite dans une loi concernant cette denrée ; il n’est pas plus vrai que la question des droits différentiels se lie à celle du café, que la question du thé. Si la question du thé avait introduite par amendement par la section centrale, il n’y aurait pas moins de raison pour que nous fussions condamnés à discuter le thé et le café. Je ferai remarquer que la chambre peut agir conformément à ses précédents, peut adopter la question préalable sur les droits différentiels sans préjuger l’accueil qu’elle pourra faire ultérieurement à cette question importante. C’est ce que la chambre a fait dans la loi des douanes, où plusieurs amendements, bien que rentrant dans les propositions du gouvernement, ont été écartés par elle pour être l’objet de propositions spéciales. C’est ce qui peut résulter de l’ajournement. Il restera libre à l’honorable M. de Foere et aux autres honorables membres qui partagent son opinion de déposer une proposition analogue à celle qu’ils ont introduite dans la loi relative au café. Mais il ne faut pas condamner ceux dont l’opinion est favorable à l’augmentation du droit sur le café, de s’occuper des droits différentiels, ce qui n’est pas une question fiscale, ce qui ressort du ministère de l’intérieur et doit nous gêner dans le développement de l’ordre de nos idées. Car la question des droits différentiels ne s’applique pas spécialement au café, mais au thé et tous les objets sur lesquels s’exerce le commerce de long cours.
Il vaut mieux simplifier la discussion, lui laisser son caractère fiscal, en laissant à chacun de saisir immédiatement la chambre de la question très importante des droits différentiels.
Dès lors, je pense qu’il faut adopter la motion d’ajournement.
M. Desmet. - La question est singulièrement changée. M. le ministre de l'intérieur avait voulu qu’ou discutât la question d’ajournement avant de la mettre aux voix. Que demande M. Pirmez ? Qu’on prononce la question préalable sur une proposition aussi importante ; et M. le ministre des finances demande qu’on ne discute pas ; c’est vraiment plaisant de la manière qu’on s’y prend, pour arrêter le vote d’un objet si important pour notre industrie et notre commerce.
On a tort de dire que la question des droits différentiels n’est pas attachée à celle du café, car beaucoup de membres voteront l’augmentation du droit sur le café avec la question des droits différentiels, et ne la voteront pas sans cela. A Venloo on réclame contre l’augmentation du droit sur le café, à cause du commerce interlope. Mais, si on adopte le droit différentiel, les députés de Venloo voteront l’augmentation.
Je pense donc que les ministres ne donneront pas suite à leur motion, et qu’au moins par convenance on laissera discuter ; j’ignore si les ministres ont bien examiné la question, je devrais soupçonner que non, car quand on connaît les intérêts du pays et quand on voit ce qui se passe journellement dans d’autres pays, on devrait avoir honte de proposer une fin de non-recevoir sur cet objet de l’importance du droit différentiel à établir sur le café. Tous les gouvernements songent à introduire dans leur pays le système protecteur du droit différentiel, et nos ministres ou notre bureau de commerce ne daigne pas y songer ; le Portugal, ce Portugal qui a toujours été si insouciant pour ses intérêts commerciaux et industriels, vient d’obtenir son droit différentiel en faveur de sa navigation ; la Hollande vient de prendre encore une mesure pour le fortifier. Enfin je défie qu’on me cite un seul pays qui ne jouisse pas de cette protection, et la Belgique doit faire exception ; quel peut en être le but ? Nous l’ignorons, et le moindre soupçon que nous pouvons avoir est celui que nos ministres ne veulent pas examiner les questions qui peuvent intéresser notre industrie et notre commerce national. Je me flatte donc, messieurs, que la fin de non-recevoir ne sera pas adoptée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - M. le ministre des finances n’a rien proposé d’autre que ce que j’avais en vue. J’ai supposé que ma motion ne serait pas accueillie sans qu’on m’oppose des motifs pour la faire rejeter et qu’on n’en présente pour l’appuyer. Voilà ce que j’ai pensé, mais il n’en est pas moins vrai que c’est l’ajournement de la discussion de la question des droits différentiels que j’ai demandé.
Répondant à ce qu’a dit M. Desmet, relativement aux chambres de commerce, je ferai observer que c’est un des motifs que j’ai indiqués pour proposer l’ajournement de l’amendement de la section centrale. Il est évident que, dans l’état actuel de notre navigation 2 p. c. de droits différentiels apporteraient une perturbation dans le commerce actuel du café.
M. Dechamps. - Je ne comprends pas comment on peut proposer l’ajournement de la question sur laquelle nous discutons, car pour se prononcer sur l’opportunité de cet ajournement ; il faut que la discussion ait lieu. En effet, comment savoir s’il est utile de l’ajourner, de l’adopter ou de la rejeter ; il faut que la discussion sur la question des droits différentiels soit engagée. De quoi s’agit-il ? De savoir si, comme le propose le gouvernement, on augmenta le droit sur le café. C’est une question fiscale. Mais cette question, cette loi fiscale, la section centrale propose de la transformer en question, en loi commerciale.
L’impôt sur le café est un sacrifice que vous imposez au pays, tandis que, s’il est vrai, comme les partisans du droit différentiel le soutiennent, que la perception graduée suivant les pays de provenance et les pavillons sous lesquels l’importation a lieu, on introduira dans la législation douanière un système favorable au pays, il ne s’agit plus d’un sacrifice, mais d’un bienfait. Voici la question : Est-il, peut-il être inopportun d’établir un bon système d’impôt au lieu d’un mauvais ?
L’impôt proposé par le gouvernement amènera le renchérissement du café, tandis qu’au moyen des droits différentiels, nous parviendrons à amener le bas prix de cette dentée. Cette question est grave. Elle occupe depuis longtemps tous les esprits sérieux.
Maintenant, l’honorable M. Lebeau dit que la question des droits différentiels n’est pas nécessairement liée à celle du café. Cela est vrai ; mais elle est liée au café comme à tous les produits exotiques.
Je vous demande quand vous discuterez cette grave question. Vous ne voulez pas l’ajourner indéfiniment. Vous la discuterez alors à propos d’une mesure analogue à celle-ci, à propos du thé, ou d’une autre denrée quelconque. Voulez-vous aborder la discussion de cette question, sans application spéciale ?
Messieurs, il me paraît que puisque la discussion est maintenant entamée, que les membres de la chambre se sont occupés de cette question si grave, il est de l’intérêt de tous de la continuer. Lorsque cette discussion sera terminée, il sera libre à chacun de proposer l’ajournement de l’amendement de la section centrale.
Dans la discussion générale de la loi, personne ne peut m’empêcher d’aborder cette question. On me rappellera, dit-on, à la question ? Je serai libre de déposer un amendement, et la chambre serait forcée d’ouvrir la discussion sur cet amendement. Ainsi, sans vouloir chicaner sur les choses, je pense que nous devons franchement aborder cette grave question. La chambre n’est pas forcée d’adopter le système qu’on lui propose. Ce ne sera pas du temps perdu que de s’occuper de cette question à laquelle sont liés tant d’intérêts divers.
M. Pirmez. - Quels que soient les termes de ma proposition, elle a toujours le même but que celle du ministre de l’intérieur, c’est-à-dire d’écarter de la discussion actuelle la question des droits différentiels. On dit que c’est une espèce de fin de non-recevoir qu’on emploie à l’égard de cette question. Il n’en est rien. La question des droits différentiels se présente ici d’une manière insolite. C’est un abus que de présenter des amendements qui soulèvent des questions immenses à propos d’un projet du gouvernement, qui n’est que fiscal et qui n’a qu’une très minime importance pour le pays.
Sur la question des droits différentiels, qu’on soulève ainsi, tous les intérêts n’ont pas été consultés. La preuve, c’est que l’avis de la chambre de commerce d’Anvers, que je viens d’examiner, n’en parle pas. Elle a raison puisqu’on ne lui a pas demandé son opinion là-dessus, mais seulement sur l’augmentation du droit sur le café. Il est vrai que des chambres de commerce ont donné leur avis sur cette question des droits différentiels, mais ce sont celles qui n’ont jamais examiné la question ; car, il n’y a aucun avis motivé. Elles vous disent : Nous voulons des droits différentiels, parce que la navigation est une industrie-mère. Ce sont toutes raisons de cette force-là !
Mais la chambre de commerce d’Anvers, qui était à même d’apprécier la question, n’a pas donné son avis sur cette question, parce qu’on ne le lui a pas demandé.
Est-il raisonnable que sans instruction on discute une question de cette importance à l’occasion d’une loi qui n’en a presque pas ? Convenez donc que la proposition d’ajournement est raisonnable, et que ceux qui l’appuient ont également raison.
M. Donny. - Il y a réellement quelque chose de bien étrange dans la conduite du gouvernement. Lorsque, dans une occasion précédente, l’on discutait incidemment la question des droits différentiels, M. le ministre de l’intérieur a fait observer (alors il avait raison selon moi) que ce n’était pas le moment de discuter cette question, parce qu’aucune proposition n’ayant été faite, la discussion ne pouvait avoir aucun résultat utile. Aujourd’hui il existe une proposition qui nous vient des sections et de la section centrale, et quand il s’agit de la discuter, le ministère trouve encore qu’il faut ajourner. Que faut-il en conclure ? Que le gouvernement recule devant la discussion de cette question importante. Pourquoi ? Quelles raisons donne-t-on ? On en donne deux : la première que le gouvernement est en négociation pour obtenir des traités de commerce, et qu’ainsi ce n’est pas le moment pour la chambre de s’occuper de la question des droits différentiels. Mais si nous devons attendre, pour discuter cette question, jusqu’à ce que le gouvernement n’ait plus à négocier des traités de commerce, je vous le demande, quand pourrons-nous la discuter ? Depuis 7 ans le gouvernement négocie et il négociera toujours.
La deuxième raison donnée par le ministre n’est guère meilleure, la voici : La chambre de commerce d’Anvers est alarmée, elle a envoyé une députation pour qu’on ne discute pas ; elle s’occupe à faire signer une pétition contraire à l’opinion de la section centrale. Si l’opinion d’une chambre de commerce suffit pour faite avancer ou pour faire reculer le gouvernement, je rappellerai aux ministres que la chambre de commerce d’Ostende a émis, il y a déjà plusieurs années, une opinion diamétralement opposée à celle du gouvernement ; qu’elle l’a envoyée au ministère et l’a fait imprimer et distribuer aux membres de la chambre.
Pourquoi cette opinion n’a-t-elle pas exercé sur le gouvernement autant d’influence que l’opinion de la chambre de commerce d’Anvers en exerce maintenant ? Je ne conçois pas pourquoi celle-ci en aurait davantage ? Je ne dis pas, au reste, que l’avis d’Anvers ne doit pas influer sur la décision ; mais je dis qu’elle ne doit influer sur la question de savoir si l’on discutera oui ou non.
Que veut le gouvernement ? Que l’on ne discute pas la question des droits différentiels ; niais il aura beau le vouloir, on ne pourra pas empêcher les orateurs qui attachent de l’importance à cette question de parler...
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On les rappellera à la question.
M. Donny. - On les bâillonnera ? Fort bien ; mais qu’en résultera-t-il ? Qu’on rejettera la loi, pour avoir l’occasion de la discuter simultanément avec la question des droits différentiels.
M. Dolez. - Après ce qu’a dit l’honorable M. Pirmez, je crois que de bonne foi il est impossible de conserver quelque doute sur l’opportunité de la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Tout ce qu’on a répondu à M. Pirmez et à MM. les ministres de l’intérieur et des finances, n’a pas eu, je l’avoue, la moindre influence sur mon esprit.
Aux arguments de l’honorable M. Pirmez j’en ajouterai un. Que faisons-nous ? Nous nous occupons d’une loi spéciale, et la question des droits différentiels est un système de douanes entier. Peut-on raisonnablement, peut-on sérieusement, à propos d’une loi spéciale, s’occuper d’un système dont l’effet serait de bouleverser toute notre législation de douanes et de troubler nos relations diplomatiques et commerciales ; car veuillez le remarquer, c’est là le résultat qu’aurait la question introduite anodinement dans le projet de la section centrale.
Je ne comprendrais pas que la chambre discutât maintenant cette question. Si la question est grave, qu’on s’en occupe d’une manière principale, qu’elle devienne l’objet unique d’une proposition. Que les honorables membres qui ont une conviction profonde la formulent par une proposition, la chambre discutera cette proposition avec l’attention qu’elle donne à toutes les propositions qui lui sont soumises ; toutes les opinions pourront se faire jour. Mais on ne peut discuter par surprise et d’une manière incidente une question aussi importante. J’appuie donc de toutes mes forces les propositions de M. Pirmez et de M. le ministre de l’intérieur, vous faisant remarquer que la question à laquelle tiennent tant plusieurs honorables membres n’est pas exclue par l’adoption d’une de ces propositions, et qu’elle pourra se reproduire quand les honorables membres auront formulé une proposition spéciale.
M. Andries. - Il est évident que la proposition de M. le ministre de l'intérieur tend à ajourner la question des droits différentiels ; mais il est impossible que la chambre ajourne une chose qu’elle n’a pas discutée. La proposition de M. le ministre de l’intérieur est un amendement qui aura la priorité quand on ira aux voix ; mais avant de statuer sur la question d’ajournement, il faut discuter.
Je ne comprendrais pas non plus qu’on adoptât la question préalable sur une proposition faite par les sections et la section centrale, qui sont une émanation de la chambre ; ainsi, la chambre viendrait prononcer la question préalable sur une matière dont elle a demandé la discussion par l’organe des sections et de la section centrale ; je ne comprendrais pas cette manière de procéder.
M. de Foere. - La principale objection de M. le ministre de l'intérieur consiste à dire que la décision que la chambre pourrait prendre dans la question des droits différentiels appliqués à la spécialité qui nous occupe, et que même la discussion de cette question, serait de nature à entraver les négociations et à jeter la perturbation dans nos relations diplomatiques. Vous allez comprendre que cette objection n’est en aucune manière fondée. La spécialité qui nous occupe n’est l’objet d’aucun traité de réciprocité. Je défie M. le ministre de l'intérieur de citer aucun traité de réciprocité dans lequel soit compris le droit d’importer le café dans les ports réciproques. L’article café est positivement exclu de tous les traités. Cet article ne peut donc pas faire l’objet d’un traité de réciprocité. Il existe en Angleterre une loi qui exclut positivement de ses traités de réciprocité toutes les productions de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, en un mot toutes les denrées coloniales. Les importations de ces produits dans ses ports sont prohibées. La même législation existe en France au moyen de droits prohibitif.
Dans la supposition même que l’on voulût prétendre que l’Angleterre et la France pourraient changer leur législation navale à cet égard, l’une et l’autre nations seraient arrêtées dans ce projet, attendu qu’il a été stipulé dans les traités de réciprocité entre la France et l’Angleterre que, dans le cas où il serait fait une concession à une autre nation quelconque, soit par la France, soit par l’Angleterre, la même concession devrait être appliquée à celui de deux pays qui n’aurait pas fait la concession. Donc, jusqu’à l’expiration de ces traités, ni la France, ni l’Angleterre ne peuvent permettre à aucune autre nation, à titre de réciprocité, ni à aucun autre, l’importation dans leurs ports respectifs des cafés par des navires étrangers à des conditions plus favorables que celles qui régissent maintenant leur législation sur cet article. Si on prétendait ultérieurement que la France pourrait accorder la même concession à l’Angleterre, et vice versa, l’Angleterre à la France, je répondrais que l’on aurait bien peu étudié les vrais intérêts de ces deux pays pour ne pas comprendre que l’une et l’autre nation reculeront toujours devant une semblable concession qui permettrait que le café pourrait être importé, à conditions égales, dans leurs ports réciproques.
J’en conclus que la proposition d’ajournement, faite par le ministre de l’intérieur, est absolument inadmissible, attendu qu’elle est sans objet et sans but, car tout a été règle par des lois inflexibles à l’égard de l’importation du café dans les deux pays ; lois latérales qui sont tout à fait en dehors des traités de réciprocité.
Je pourrais rencontrer les autres objections du ministre, mais elles sont sans importance. La très grande majorité des chambres de commerce a pris l’initiative ; elles ont fait connaître leur opinion favorable à la question qui nous occupe, alors même qu’elle n’avait point été demandée, et cette opinion doit avoir de l’influence sur vos esprits autant que l’avis de la chambre d’Anvers elle-même.
J’ignore s’il se traîne maintenant dans les rues d’Anvers une pétition que l’on présente à la signature d’armateurs même, qui demandent que l’on ne touche pas à la question des droits différentiels. Si le fait est vrai, je lui opposerai d’autres faits qui déjà sont accomplis. Plusieurs pétitions d’armateurs d’Anvers sont déposées dans les archives de la chambre, qui demandent l’augmentation des droits différentiels. En ce moment même il est déposé sur le bureau de la chambre une pétition signée par dix ou douze armateurs appartenant au même port, qui demandent aussi cette même augmentation.
Le ministre de l’intérieur nous objecte encore qu’il faut une loi de principes relativement aux droits différentiels. Messieurs, lorsque les nations maritimes changent leurs droits différentiels, ce n’est jamais d’une manière générale ; c’est par spécialités et toujours par des circonstances qui ont déterminé ces changements partiels. La chambre elle-même en a agi de même dans une session antérieure. L’honorable M. Corbisier a proposé l’augmentation des droits différentiels sur les foulards écrus ; la proposition a été votée à l’unanimité ou à la presque unanimité.
Il y a plus, toutes les fois que des membres de la chambre ont réclamé le remaniement général de notre législation douanière, le ministre a répondu qu’il valait mieux procéder à cet égard par parties ; maintenant que l’on demande le remaniement d’un article spécial, il répond qu’il faut une loi générale.
Je le répète, messieurs, l’article café n’a rien de commun avec les traités que l’on pourrait conclure avec la France ou l’Angleterre. La réciprocité est à cet égard impossible. Les traités de cette nature reposent exclusivement sur l’égalité des charges imposées sur les navires entrant dans les ports réciproques, et sur leurs cargaisons, lorsqu’elles sont composées de marchandises qui sont le produit de chaque pays, et qui ne sont pas prohibées à l’importation. La même réciprocité est admise à l’égard des exportations des produits des pays et sous les mêmes conditions. Dans tous les cas, les marchandises coloniales sont exclues quant à leur importation dans les ports réciproques. Il est aussi souvent stipulé qu’en cas de changements faits aux lois douanières, ou en cas de traités conclus avec d’autres nations, l’autre partie contractante sera toujours admise sur le pied des nations les plus favorisées.
Je pense donc, messieurs, que les raisons alléguées par M. le ministre de l’intérieur, pour ajourner la discussion et le vote sur le droit différentiel appliqué au café ne sont pas recevables.
M. Rogier. - Je suis prêt, pour ma part, à entrer dans la discussion des droits différentiels. C’est, comme on l’a dit, une fort belle question à traiter, et qui pourra mener la chambre très loin. Mais cette question serait-elle traitée maintenant avec utilité, avec opportunité ? Je ne le pense pas ; nous ne sommes pas ici pour discuter dans le seul but de discuter ; nous voulons que nos discussions se transforment en lois ; hors de là les discussions sont stériles. Dans l’état actuel des choses et après les déclarations faites par le gouvernement, il me semble que la discussion des droits différentiels ne peut amener une modification quelconque dans notre législation commerciale. Ne perdons pas de vue que le gouvernement vous a saisis d’une seule chose, d’une loi d’impôts, d’une loi fiscale : on a pensé que le café étant une matière essentiellement imposable, le fisc pouvait en retirer plus d’argent qu’il n’avait fait jusqu’ici ; et l’on a proposé de doubler le droit existant de 4 fr. pour 100 kil. à l’importation, et de le porter à 8 fr. Il s’agit par conséquent d’examiner si cet impôt peut causer des perturbations dans nos relations commerciales. Mais à propos de cette loi fiscale, peut-on venir proposer de discuter sur un principe général concernant les droits différentiels ? Je ne le pense pas, et je crois que nous devons borner notre discussion à la loi présentée par le gouvernement.
La discussion des droits différentiels présentera de l’intérêt ; mais, de bonne foi, la chambre est-elle en état de l’entamer ? A-t-elle toutes les lumières désirables ? Est-ce là une de ces questions suffisamment examinées dans le pays, dans les chambres de commerce, dans les sections et dans cette chambre ? Est-ce une question devenue populaire à force d’avoir été débattue, et qui puisse faire en toute sécurité l’objet d’une délibération de la chambre ? Est-elle parvenue à cet état de maturité qui nous permette d’en espérer quelque fruit ? Qui pourrait répondre affirmativement à ces questions ?
C’est une loi d’essai, dit-on, autour de moi ; mais une loi d’essai concernant les droits différentiels pourrait avoir de très grandes conséquences. Avant d’expérimenter sur de telles matières, il faut y prendre garde ; il ne fait pas faire des essais à la légère.
A plusieurs reprises il a été question de droits différentiels dans cette enceinte ; mais au fond, aucun argument de quelque valeur n’a été mis en avant pour soutenir ce système. Je ne me propose pas de combattre les droits différentiels ; il est possible que telle combinaison soit utile aux négociants belges et à notre commerce en général ; mais quelle est la combinaison la plus utile à introduire ? C’est ce que personne ne peut dire, faute d’examen préalable.
La question n’a pas été examinée par celui qui avait intérêt à se livrer à cet examen, par le gouvernement, qui demande l’ajournement. On ne peut lui forcer la main quand il vient déclarer que le moment n’est pas opportun pour délibérer sur la matière. Il serait inouï que la chambre passât outre et délibérât avant que le gouvernement ait pris les renseignements nécessaires.
Ce n’est pas la crainte de la discussion et de ses résultats qui me fait parler ; je crois que la discussion n’amènera aucun résultat ; c’est pourquoi j’incline pour qu’on ne la commence pas actuellement, et qu’on l’ajourne ; d’ici à quelque temps le gouvernement, après avoir pris des renseignements, verra si la question des droits différenties doit s’appliquer seulement au café, ou doit s’appliquer à d’autres denrées ; vous aurez alors une discussion approfondie.
Désirant discuter uniquement la loi sur les cafés, qui a son mérite en la considérant isolément, je demanderai au ministre des finances qu’il veuille bien fournir, pour la prochaine séance, le chiffre des importations du café pendant l’année 1837. Le tableau qui nous a été présenté s’arrête à 1836 ; mais il serait important de connaître le chiffre des importations en 1837, car la base varie beaucoup entre 1836 et 1837.
En 1836 on nous dit qu’il a été importé 13 millions de kilos ; et qu’en 1837 on a importé 21 millions de kilos, par le seul port d’Anvers. Vous sentez qu’il importe d’être fixé sur la véritable base de l’impôt. Je me réserve qu’il importe d’être fixé sur la véritable base de l’impôt. Je me réserve de tirer des conséquences des chiffres qui seront fournis par le ministre pour l’importation, non seulement par Anvers, mais encore par Ostende et par la Meuse.
M. de Brouckere. - On a dit tant et de si bonnes raisons pour l’ajournement, que le sort de cette question ne peut être douteux. Je regarde comme impossible que la chambre exprime un vote sur la partie de la loi relative aux droits différentiels, après ce qui a été dit et par le ministre et par les orateurs qui ont parlé dans son sens. A quoi se borne le débat actuel ? A savoir si, malgré l’impossibilité d’émettre un vote, on ouvrira la discussion générale sur les droits différentiels ; eh bien, que l’on ouvre cette discussion ; à quoi pourra-t-elle atteindre ? Ceux qui ont une opinion prononcée prononceront des discours ; les autres, faute de lumières, voteront l’ajournement ; ce sera perdre du temps.
On a prétendu qu’il n’appartenait pas aux ministres de demander l’ajournement : ouvrez le règlement et vous verrez que c’est une erreur.
Vous voyez donc bien qu’il y a deux espèces de motion d’ajournement ; une qui porte sur la délibération et une qui porte sur le vote ; eh bien, de quelle nature est celle qui a été faite par M. le ministre de l'intérieur ? Je crois qu’il s’en est expliqué catégoriquement : il a demandé qu’on ajournât la délibération concernant les droits différentiels ; c’est donc de cette motion que la chambre est saisie en ce moment, c’est sur cette motion qu’elle doit se prononcer.
A entendre un des honorables orateurs, on ne pourrait pas discuter l’ajournement sans présenter en même temps des considérations sur le fond de la question ; cela n’est pas exact, car la question d’ajournement est une question d’opportunité : qu’on fasse valoir tous les arguments qu’on peut produire pour prouver qu’on doit s’occuper dès aujourd’hui de la question, mais il n’est pas nécessaire pour cela d’examiner le fond même de la question. Je rends justice à l’honorable M. de Foere ; il a traité la question d’ajournement, il a fait valoir des raisons à sa manière pour combattre l’ajournement, mais il n’a pas discuté le fond de la question ; c’est là ce qu’il faut faire, car si nous examinons le fond de la question, nous en aurons pour sept ou huit jours ; tous les orateurs parleront plus ou moins longuement dans l’un ou dans l’autre sens, et tout cela n’amènera en définitive aucun résultat.
J’appuie donc l’ajournement, tel qu’il est demandé par M. le ministre de l'intérieur, c’est-à-dire l’ajournement de la discussion et non pas seulement l’ajournement du vote.
M. Desmet. - Il y a ici, messieurs, une chose qui a vraiment lieu d’étonner, c’est que si on voulait proposer l’ajournement, on ne l’ait pas fait, quand on a fixé le jour de la discussion ; alors tout le monde eût été prévenu, tandis qu’aujourd’hui tout le monde s’attendait, au contraire, à la discussion des droits différentiels.
On dit, pour appuyer l’ajournement, que l’établissement d’un droit différentiel pourrait porter la perturbation dans nos relations avec les autres puissances ; mais, messieurs, il n’y a guère que la Hollande qui puisse être contrariée par une semblable mesure, et avec la Hollande nous n’avons pas de relations ; cet argument n’a donc aucun fondement. Comment ! on aurait peur d’agir contre la Hollande, qui nous fait du tort à toutes les occasions, comme nous venons encore de le voir par les mesures prises le 10 novembre dernier, dans ses possessions hollandaises, contre l’entrée de nos calicots et autres étoffes, qui sont imposés à 50 p. c. de la valeur ; quand une puissance amie nous fait des avantages, qu’elle nous laisse exister contre elle des mesures hostiles ; est-ce ainsi qu’on comprend le système de réciprocité que nous réclamons en faveur de notre industrie et de notre commerce national ? Messieurs, je dois vous l’avouer, je ne puis comprendre pourquoi nos ministres ont tant d’égards pour la Hollande.
On ne peut ignorer que tout le café que nous consommons nous arrive de la Hollande, ou du moins la majeure partie. Dans l’année 1837 vous avez reçu de ce pays au-delà de 20 millions, et comment les avez-vous reçu, par des navires hollandais, que les bateaux anversois vont trouver au Doel, où se fait le transbordement ; ce café hollandais entre donc en Belgique, même sans payer ni droit de tonnage ni de balisage. C’est un véritable scandale pour notre pauvre Belgique de lui voir jouer ainsi un rôle de dupe envers la Hollande ; croit-on que la nation ne le voit pas, on se trompe fort ! Et croit-on aussi que cette conduite ne fasse pas de tort à notre existence politique, à cette union dont nous avons tant besoin dans le pays ? On se trompe encore. C’est vraiment triste qu’on ne veuille voir clair, et que toujours on veuille rester dans ce déplorable système qui est si ruineux pour notre industrie et notre commerce.
On dit, messieurs, que les chambres de commerce n’ont pas demandé l’établissement de droits différentiels ; c’est une erreur : elles l’on demandé, et elles l’ont demandé proprio motu parce qu’elles savent que les intérêts de notre industrie l’exigent impérieusement ; il est vrai que la chambre de commerce d’Anvers ne l’a pas demandé, mais il y a à Anvers deux opinions : l’opinion nationale, l’opinion de ceux qui désirent la prospérité du pays et l’opinion étrangère, l’opinion qui souvent paraît donner des avis contraires aux vrais intérêts de la Belgique, celle qui paraît préférer les intérêts étrangers ; c’est malheureusement celle qui l’emporte souvent dans la chambre de commerce d’Anvers, et dès lors il n’y a rien à conclure de ce que cette chambre n’a pas demandé les droits différentiels.
Remarquez, messieurs, que le sort de la loi dépend de la solution de la question, si importante, des droits différentiels : beaucoup d’honorables membres, comme les députés de Venloo, par exemple, adopteraient peut-être le projet tel qu’il est formulé par la section centrale, mais le repousseront, à coup sûr, si la chambre écarte le droit différentiel.
Je pense donc qu’on doit repousser la fin de non-recevoir de l’honorable M. Pirmez et la proposition du ministre des finances qui s’oppose à toute discussion sur l’importante et utile question du droit différentiel.
M. Dechamps. - Messieurs, l’honorable M. de Brouckere a trouvé les motifs allégués par les partisans de l’ajournement tellement concluants qu’il s’est abstenu d’en faire valoir lui-même ; il s’est borné à dire que la chambre n’est pas assez éclairée en ce moment pour s’occuper de la question des droits différentiels, que c’est là une question immense, une question nouvelle : la question est immense, sans doute, mais elle n’est pas nouvelle ; il n’est peut-être pas un seul membre de cette assemblée qui ne s’en soit occupé depuis bien longtemps, et je suis certain que l’honorable préopinant n’est pas resté sans l’étudier, sans l’approfondir lui-même.
Il s’agit, messieurs, de savoir s’il faut ajourner indéfiniment la question des droits différentiels ; on dit, je le sais, qu’on ne demande pas un ajournement indéfini, mais qu’il vaut mieux discuter cette question en thèse générale que de la discuter à propos d’une loi spéciale ; mais je vous ferai remarquer, messieurs, que chaque fois qu’à propos du budget des voies et moyens, on a tenté d’entamer des discussions générales sur les lois financières ou des lois de douanes, le gouvernement a toujours été le premier pour engager la chambre à ne pas entrer dans cette voie ; le gouvernement a toujours soutenu qu’il était de beaucoup préférable de ne faire que des lois d’essai, afin de ne pas jeter la perturbation dans les finances ou dans la législation douanière. Il n’y a pas bien longtemps, lorsque nous discutions la loi des douanes, j’avais l’intention de proposer, relativement aux droits différentiels, un système complet ; j’ai communiqué la proposition que je voulais faire à M. le ministre des finances et il m’a fortement engagé à renoncer à mon projet. En vérité, messieurs, il semble qu’on veut nous faire tourner dans un cercle vicieux : quand il s’agit de proposer des mesures générales, des lois de principes, on objecte qu’il vaut mieux ne faire que des lois d’essai, et quand des lois d’essai sont proposées, on dit qu’il ne faut pas traiter la question incidemment, qu’il ne faut la décider que dans une loi générale ! Eh bien, messieurs, si la chambre adopte l’ajournement demandé par le gouvernement, je me promets de présenter le lendemain une mesure générale, et nous verrons si ceux qui demandent l’ajournement de la disposition spéciale, proposée par la section centrale, ne demanderont pas aussi l’ajournement de la mesure générale, et ne le demanderont pas avec plus de force, car alors je conçois qu’ils auraient des arguments à faire valoir à l’appui de leur demande, et moi-même je ne serais pas rassuré sur la question de savoir si un système de droits différentiels appliqués à tous les produits ne pourrait pas porter préjudice à notre commerce, alors la question serait réellement immense, et je crois qu’il est beaucoup plus prudent de commencer par une loi d’essai, d’établir un droit différentiel sur le café, sur le thé ou sur toute autre denrée coloniale, alors l’expérience pourrait nous éclairer et lorsque nous connaîtrions les résultats produits par une mesure particulière, alors nous serions bien mieux à même de prendre des mesures générales.
L’honorable M. Rogier nous a demandé s’il est bien convenable de lier les mains au gouvernement, qui est bien mieux à même que nous d’apprécier la partie d’une proposition de la nature de celle dont il s’agit ; mais nous savons tous, messieurs, que le gouvernement n’est pas disposé à adopter le système des droits différentiels ; nous savons tous que le gouvernement est d’un avis contraire au nôtre ; il faut donc bien, dans la persuasion intime où nous sommes que jamais une pareille proposition ne viendra du ministère, il faut bien, dis- je, que l’initiative vienne de notre part.
La question dont il s’agit est tellement mûre, messieurs, que sans que le gouvernement l’ait soulevée, toutes les chambres de commerce en parlent ; c’est une question dont tout le pays est tellement préoccupé, que toutes les chambres de commerce qui le représentent, s’en sont occupés, et que la plupart ont provoqué la proposition que la section centrale nous a soumise.
Je suis convaincu, messieurs, que si vous ajournez la question, vous l’ajournez d’une manière définitive, car lorsqu’une proposition générale vous sera faite, il y aura dix fois plus de motifs à faire valoir pour l’ajournement qu’aujourd’hui ; il y aura dix raisons pour ajourner une mesure générale, qu’il n’y en pas une pour ajourner la loi d’essai qui nous est proposée par la section centrale.
M. Raikem. - Messieurs, un honorable préopinant a dit que la proposition d’ajournement aurait dû être faite dès le principe de la discussion, et il a semblé adresser en quelque sorte un reproche à cet égard au ministère, en disant qu’on ne devait pas s’attendre à une semblable proposition. Je crois, messieurs, qu’on devait s’attendre à la proposition d’ajournement, telle qu’elle a été présentée par M. le ministre de l’intérieur, et pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler ce qui s’est passé dans les sections : la question des droits différentiels ne se trouvait pas dans le projet du gouvernement ; elle a été introduite par suite des observations des sections ; mais remarquez, messieurs, qu’il y a eu partage entre les sections sur la question d’ajournement ; deux sections se sont prononcées pour l’ajournement, une autre section a été partagée à cet égard, et trois sections se sont déclarées favorables à l’application immédiate des droits différentiels ; vous voyez donc, messieurs, que la question d’ajournement a été surtout examinée par les sections, et en effet, on a fait valoir d’excellentes raisons en faveur de l’ajournement, raisons auxquelles je n’ai pas vu qu’on ait répondu jusqu’ici.
A la section centrale, c’est encore la question d’ajournement qui a été principalement traitée ; trois membres ont voté pour l’ajournement, et quatre contre. Il était donc tout naturel de s’attendre à ce que la proposition d’ajournement fût reproduite, puisqu’après avoir été examinée par toutes les sections, elle a été appuyée par une minorité tellement forte qu’on peut dire en quelque sorte qu’il y a eu partage.
Ne perdez pas non plus de vue, messieurs, ce qui a donné lieu à la proposition relative aux droits différentiels ; le gouvernement, pour mettre les recettes au niveau des dépenses, avise aux moyens d’assumer de nouvelles ressources au trésor ; il nous présente quelques projets de loi tendant à augmenter différents impôts et entre autres celui qui se perçoit sur le café. Le gouvernement a soin de consulter les chambres de commerce sur cette majoration d’impôt ; à l’occasion de cette majoration d’impôt, quelques chambres de commerce s’occupent de la question des droits différentiels, question qui ne semble pas avoir été posée par le gouvernement.
Mais, puisqu’on avait pris soin de consulter toutes les chambres de commerce sur la majoration d’impôt sur le café, si l’on avait voulu discuter les droit différentiels (question bien plus grave que celle relative à l’augmentation d’impôt), naturellement le gouvernement ne se serait pas adressé seulement aux chambres de commerce qui ont pris l’initiative, il aurait eu soin de demander l’avis de toutes les chambres de commerce. Comme on n’avait pas saisi ces corps de la question des droits différentiels, sans doute on ne peut faire aucun reproche aux chambres de commerce qui ne se sont pas occupées de cet objet.
Messieurs, puisqu’on a cru utile, quant à l’impôt lui-même, de consulter les chambres de commerce, il me semble qu’il serait également utile, qu’il serait même indispensable de consulter ces collèges sur la question des droits différentiels.
J’admets, messieurs, qu’on veuille s’occuper de la question des droits différentiels ; puisque nous sommes en présence de divers systèmes, n’est-il pas essentiel d’entendre préalablement les chambres de commerce sur la quotité des droits différentiels à l’égard de laquelle on peut varier ? Or, pour pouvoir nous fixer sur ces questions, nous devons être saisis des observations des personnes qui ont des connaissances spéciales sur cet objet, et naturellement ce sont les chambres de commerce qui doivent être consultées.
Vous voyez donc que la question des droits différentiels s’est présentée incidemment, à l’occasion d’une demande de majoration d’impôt sur le café ; or, une question qu’on a envisagée comme l’accessoire est bien plus importante que la question qu’on peut regarder comme principale ; ne convient-il pas dès lors de considérer la question des droits différentiels comme une question principale, et de la discuter isolément du projet du gouvernement ? C’est ce qui fait l’objet de la motion du ministre, à laquelle je me rallie, comme déjà, au sein de la section centrale, j’avais appuyé la motion d’ajournement.
M. de Foere. - Lorsque j’ai pris une première fois la parole, j’ai dit que l’article café n’entre pas comme objet de commerce dans les traites de réciprocité. Mais M. le ministre a élevé l’objection que nos négociations pourraient être entravées, même à cause de la discussion sur l’article spécial café ; je lui demanderai, avant qu’on aille aux voix, quelles sont ces entraves qui, selon lui, pourraient s’opposer à la conclusion de traités de réciprocité, soit avec la France, soit avec l’Angleterre, soit avec toute autre nation ?
Quant à moi, je regarde l’objet qui nous occupe comme tellement important, que j’en fais une question d’existence ministérielle. Les droits différentiels sont, à mes yeux, d’un intérêt si puissant pour le pays, que je ne puis avoir aucune confiance dans un ministère qui écarte jusqu’à la discussion des mesures qui doivent activer notre commerce, notre industrie et notre navigation.
Je le répète donc, je désire savoir quelles sont les entraves que M. le ministre de l’intérieur craint de rencontrer dans les négociations avec les autres puissances, relativement à l’article café. (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
M. Desmaisières. - Messieurs, je demande la parole contre la clôture ; parce que j’ignore si la proposition du ministre de l’intérieur a pour but d’écarter entièrement et pour tous les cas la question des droits différentiels, relativement au café. C’est que cette question des droits différentiels se présente, au sujet des cafés, sous deux points de vue différents. Il y a des droits différentiels à l’égard de toutes les provenances ; il y en a qui sont demandés par les négociants d’Anvers eux-mêmes qui pétitionnent contre les droits différentiels en général, mais qui en réclament à l’égard de la Hollande.
Je vous demanderai la permission de vous lire quelques lignes d’une lettre que j’ai reçue ce matin d’un négociant d’Anvers et qui contient des renseignements très importants sur la question.
M. le président. - Vous n’avez la parole que sur la clôture.
M. Desmaisières. - Je le sais, je ne demande que la permission de pouvoir lire quatre lignes de la lettre.
M. de Brouckere. - Je ferai observer à l’honorable M. Desmaisières que plusieurs orateurs sont inscrits pour parler sur la question d’ajournement, qui réclameront leur tour de parole. (Aux voix !)
- La chambre ferme la discussion sur la question d’ajournement de la motion de M. le ministre de l’intérieur.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix cette motion.
Plusieurs membres. - L’appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
73 membres y prennent part.
47 répondent oui.
26 répondent non.
En conséquence la discussion de l’amendement de la section centrale tendant à introduire un droit différentiel à l’article premier est ajournée.
Ont répondu oui : MM. Angillis, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Mérode (Félix), de Mérode (Werner), Demonceau, de Nef, de Perceval, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Dubois, Eloy de Burdinne, Ernst, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Liedts, Metz, Milcamps, Pirmez, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach (A.), Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Troye, Ullens, Van Volxem, Verdussen, Wallaert, Willmar et Peeters.
Ont répondu non : MM. Andries, Coppieters, Dechamps, de Foere, de Meer de Moorsel, de Roo, Desmaisières, Desmet, Doignon, Donny, B. Dubus, Hye-Hoys, Kervyn, Maertens, Morel-Danheel, Pollénus, Seron, Stas de Volder, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Vergauwen, Verhaegen, Zoude et Dubus (aîné.)
La discussion générale continue sur le projet du gouvernement.
M. Smits, M. Dechamps et M. Andries qui s’étaient fait inscrire, déclarent renoncer à la parole.
M. le président. - La parole est à M. A. Rodenbach.
M. A. Rodenbach. - Si le gouvernement ne réussit pas à conclure avec plusieurs puissances des traités de navigation, je serai le premier à réclamer de toutes mes forces que l’on encourage les relations directes avec les pays producteurs de denrées coloniales. Pour le moment, je me bornerai à frapper à l’entrée le café d’un droit de 8 fr. les 100 kil. ; c’est le taux que j’ai proposé le 18 décembre 1834. Je n’ai pas jugé à propos alors de persister dans ma proposition, craignant de ne pas avoir de majorité ; mais aujourd’hui que les opinions paraissent plus favorables à une modification, je l’appuierai de tout mon pouvoir, et en peu de mots, messieurs, je vous développerai mes motifs.
Je suis convaincu que l’on peut prélever sur le café une augmentation d’un demi-million sans froisser l’intérêt du haut commerce, du négoce en détail et du consommateur. La consommation annuelle du café en Belgique est de 3 kil. par tête. En frappant cette denrée de 8 centimes par kil. on procurera au trésor environ 1,300,000 fr., y compris le syndicat.
Jetons, messieurs, un coup d’œil rapide sur le tarif des pays étrangers. En Prusse le café paie par centner 6 thalers 15 silbergros, ce qui fait un peu plus d’un louis d’or par quintal. En France, le café paie, à l’importation par navires nationaux, 78 francs par 100 kil., et selon les provenances jusqu’à 100 fr. ; il paie 105 fr. par navires étrangers. En Angleterre les cafés, provenant de ses plantations, sont imposés 6 deniers anglais par livre, ce qui équivaut à un franc 25 centimes par kilogramme.
Vous voyez, messieurs, que le tarif en Prusse est six fois plus rigoureux que celui qu’on nous propose. Il est 9 fois plus fort en France et 15 fois en Angleterre. On ne pourra pas nous accuser de rétrograder en économie politique lorsque nous n’exigeons que le chétif droit de 8 centimes par kilo de café : une taxe aussi modérée ne diminuera pas la consommation et ne paralysera pas cette importante branche de commerce. Les adversaires du projet vous parleront, messieurs, de l’infiltration frauduleuse du café par la frontière de Hollande, qui est d’une étendue de 50 lieues ; et ils vous diront que c’est la classe ouvrière, la classe la plus malheureuse qui consomme le plus de café dans le royaume. On peut répondre que la douane étant plus convenablement organisée, les entrepreneurs de fraude ne pourront pas tant profiter de la contrebande, puisque l’augmentation de droit n’est que d’un liard par ancienne livre du pays. D’ailleurs, ne peut-on pas rendre encore plus compacte notre ligne de douane vers la Hollande et modifier nos lois pénales ? Une foule d’autres articles offrent plus de lucre au contrebandier. Au reste ce trafic illicite ne peut se pratiquer sans frais ni grands risques.
Quant à l’introduction frauduleuse par navire, elle ne m’inquiète pas ; je la considère comme impossible. La France et la Prusse ne peuvent nous nuire sous le rapport de l’infiltration du café, puisque c’est la Belgique qui fait ce commerce d’interlope. Je sais qu’on peut objecter que la classe ouvrière prend du café trois ou quatre fois par jour, que c’est la boisson quotidienne avec laquelle elle s’amuse sans frais ; que malgré le bon marché du café, l’artisan, par économie, y mêle encore de la chicorée ; enfin, que le riche consomme moins de café que le pauvre. A cet argument, on peut répliquer que lorsque le pauvre prend trois fois du café par jour, il n’en use pas autant que le riche ; ce dernier en prend moins souvent, mais il le prend très fort. Il ne serait donc pas rationnel d’avancer que cet impôt serait mal réparti. Cette assertion pourrait plutôt s’appliquer à la taxe sur le sel qui s’élève à 3,700,000 francs. Je le répète, messieurs, 1,300,000 fr. de droits sur un produit exotique n’est pas une charge trop lourde, lorsque nous prélevons 7 millions sur la bière, boisson indigène dont la classe moyenne fait usage. J’ajouterai que l’impôt sur la bière est tellement grand, que nous sommes dans l’impossibilité d’en vendre des quantités à l’étranger. Quant aux doléances que pourrait faire le haut commerce, n’avons-nous pas, comme la France, la Hollande et l’Angleterre, des entrepôts libres ? Et certes l’on ne pourra pas dire que dans ces pays le commerce du café n’est pas immense.
C’est pour ces divers motifs que j’appuierai le projet du ministre.
M. Donny. - Je me proposais particulièrement de parler sur les droits différentiels ; la chambre ayant décidé qu’on ne s’occuperait pas de cette question, je respecte sa décision, et je renonce à la parole.
M. Scheyven. - Messieurs, la question qui nous occupe mérite sans contredit une attention toute particulière de la législature, puisqu’elle a pour objet une des branches les plus importantes de notre commerce, et que la solution qu’elle reçoit peut exercer une grande influence sur son avenir. Ceci a été senti par toutes les chambres de commerce, qui ont été consultées à cet égard ; et si plusieurs d’entre elles se sont déterminées à consentir à une augmentation de droits par la nécessité de pourvoir aux charges de l’Etat, d’autres ont été d’avis qu’une augmentation porterait un coup funeste au commerce, le détruirait, et avec lui tout le bien qui en résulte.
Le commerce du café a pris un grand développement sous l’empire de la loi actuelle et à la faveur des droits qu’elle établit, car personne n’ignore, qu’outre la consommation intérieure, il s’en exporte une quantité considérable en Prusse et en France au moyen d’infiltration par nos frontières de terre. D’après les évaluations qui ont été faites, les exportations vers les deux pays s’élèveraient à plus de neuf millions de kilogrammes par an, dont les droits tant d’entrée que de sortie, perçus au profit du trésor, se montent entre quatre et cinq cent mille francs. Le mouvement commercial est sans doute trop considérable et trop important, pour porter une modification à la législation sur la matière sans avoir bien calculé au préalable les conséquences qu’elle peut avoir tant pour le trésor que pour les commerçants et pour le pays tout entier.
Il est de fait, et l’expérience est là pour le prouver, que toute augmentation de droits diminue les importations, et comme, pour le cas qui nous occupe, les importations se règlent d’après la quantité qui s’exporte, celles-là, par une conséquence toute naturelle, diminueront, si, comme tout le porte à croire, les exportations deviennent moindres ; de là il résulte que cet impôt, qui en définitif est prélevé sur l’étranger, subira une réduction au préjudice du trésor.
L’on ne manquera pas d’objecter que l’augmentation du droit proposé sur le café est peu considérable, et qu’elle n’exercera aucune influence sur les exportations en fraude, attendu que les droits d’entrée sont très élevés en Prusse et en France, et qu’il reste assez de bénéfice pour ceux qui font ce genre de commerce. Je conviens que cette objection peut paraître assez juste au prime abord ; cependant s’il en était ainsi, comment expliquer les vives réclamations contre toute augmentation de droits de la part des chambres de commerce des villes de Venloo et Ruremonde ; comment concevoir que les chambres de commerce de Verviers et de Courtray partagent la même opinion, et s’opposent à ce que les droits d’entrée soient augmentés, si ce n’est par la crainte, que je regarde comme fondée, que le mouvement de cette branche de commerce se ralentira et les exportations diminueront ; car, s’il est vrai de dire que l’adoption du projet de loi n’exerce aucune influence fâcheuse sur les exportations, les motifs de leur opposition tombent et leurs réclamations deviennent sans objet, surtout que le consommateur étranger, ainsi que je l’ai dit, paye en définitif les droits que perçoit le trésor.
Ce n’est pas le seul désavantage qui résulterait d’une augmentation de droits ; un autre plus grand encore en serait une conséquence inévitable : elle enlèverait aux commerçants des provinces limitrophes de la Prusse et de la France une partie de ce commerce qui fait toute leur existence, et nuirait considérablement comme le dit la chambre de commerce de Courtray, à nos ports de mer. Ainsi d’une part diminution dans les exportations et par suite perte pour le trésor, et d’autre part préjudice notable à un grand nombre de commerçants. Au surplus, qui nous garantit que la Prusse et la France ne modifieront pas leur tarif et n’abaisseront pas les droits sur cette denrée, alors que nous aurons augmenté les nôtres ? Aujourd’hui, cela n’est pas à craindre, parce que les réductions devraient être très fortes ; mais quand nous aurons changé notre tarif, quand nous aurons doublé nos droits, une légère diminution de leur part restreindra sensiblement l’introduction frauduleuse ; et je vous le demande, messieurs, que deviendra alors cette branche importante de notre commerce ? N’est-elle pas menacée alors d’une ruine complète ?
Une autre considération plus puissante encore en faveur du maintien des droits existants est celle que l’adoption du projet de loi donnera un nouvel appât à la fraude ; car, si déjà sous la loi actuelle, il s’infiltrait du café de la Hollande dans notre pays, il est incontestable que l’élévation du droit au double augmentera l’introduction frauduleuse sur toute la frontière hollandaise depuis Anvers jusqu’à Mook, et surtout de la ville de Maestricht, qui joindra bientôt cet article de fraude à ceux du sel et du sucre, dont elle inonde le pays ; et l’infiltration qui se fait en faveur de notre commerce sur les frontières prussiennes et françaises, se déplacerait à son détriment sur la frontière du nord et à Maestricht, et le trésor perdrait non seulement une partie des droits qui se perçoivent sur celui que l’on exporte, mais aussi sur celui que l’on consomme dans le pays.
La section centrale a senti aussi le danger de la fraude hollandaise, et pour y parer elle a, dit-elle dans son rapport, demandé au ministre des finances des lois plus efficaces contre la fraude, et plus rigoureusement exécutées.
D’après mon opinion le seul moyen de prévenir la fraude dans notre pays, est d’avoir des droits peu élevés ; car le fraudeur se joue des lois quelques rigoureuses qu’elles soient, si dans ce trafic il trouve un moyen d’existence ; et pour le prouver, je ne citerai que la loi sur le bétail, qui contient sans doute des mesures bien sévères contre l’introduction frauduleuse, et malgré cela il s’introduit beaucoup de bétail au mépris de la loi, principalement dans la province du Limbourg. Je ne prévois donc dans ces lois, que l’on provoque, aucun résultat favorable pour le pays, mais une nouvelle gêne pour les habitants qui demeurent dans le rayon des douanes et surtout pour les commerçants qui y sont établis. Aussi pour ma part je ne les demande pas, persuadé qu’au lieu de favoriser, elles entraveront le commerce. Donc, si vous voulez prévenir chez nous les importations frauduleuses du café, ne changez rien aux droits établis par la législation existante.
Enfin ne serait-il pas déraisonnable que pour une somme de 500,000 fr., à laquelle le gouvernement évalue le produit de l’augmentation du droit, on voudrait porter un coup funeste au commerce, froisser les intérêts de tant de commerçants, de tant de personnes qui y trouvent leur existence ; on voudrait donner un aliment à la fraude, sans aucun profit pour le pays ? Quant à moi, je le déclare, je ne puis m’associer à une mesure qui amènerait un pareil résultat, et je voterai contre la loi.
M. Desmet. - Je comptais parler sur la question des droits différentiels. La chambre ayant écarté cette question, je voterai contre la loi, mais je désirerais énoncer les motifs qui me déterminent à voter ainsi.
Si on voulait être conséquent, comme l’amendement de la section centrale a été ajourné sans discussion, pour prendre des informations auprès des chambres de commerce, il serait juste et logique qu’on demandât l’ajournement sur le tout. Mais comme je n’ai pas d’espoir de faire adopter ma motion, je ne ferai pas de proposition.
Messieurs, le premier motif qui me fait voter contre l’augmentation du droit sur le café, c’est qu’elle portera préjudice au commerce interlope ; et quand notre commerce ne reçoit aucune protection, nous devons conserver ce que nous avons, fût-ce même le commerce d’interlope. Voilà où un système pernicieux nous conduit.
La seconde raison, c’est que le café est la boisson du pauvre. Il n’y a certainement pas un pauvre qui ne fasse usage du café ; il est devenu pour eux une boisson nécessaire.
Une troisième raison, c’est que j’étais sûr qu’en établissant un droit différentiel, nous mettions une entrave au commerce hollandais. Je tiens en main une lettre d’un négociant d’Anvers, dont vous parlait tout à l’heure M. Desmaisières, qui prouve combien cette question était importante pour le commerce de la Hollande d’où nous vient presque tout notre café. Voici ce qu’elle contient :
« Il faudrait frapper d’un droit différentiel solide les cafés qui viennent de la Hollande par les eaux intérieures, par Berg-op-Zoom et la Meuse. En 1837 nous avons reçu à Anvers, par Berg-op-Zoom, 162,000 balles, et on m’assure que par la Meuse les importations vont à 40,000 balles. Voilà 200,000 balles que la Hollande nous fournit ; et qu’on attende encore une ou deux années, et ces messieurs se seront emparés de tout ce commerce.
« La société dite Handel-Maatschappy n’a jamais exposé dans le courant d’une année au-delà de 600,000 balles de café ; par conséquent la Belgique contribue pour un tiers à soutenir le haut commerce hollandais. »
Voilà, messieurs, la citation que vous a demandé à faire tout à l’heure M. Desmaisières ; et, j’en suis persuadé, vous regretterez maintenant, en faveur des intérêts belges contre les intérêts hollandais, d’avoir clôturé la discussion de l’ajournement sans l’avoir entendue.
Cette Hollande, qui ne fait qu’apporter tous les jours de nouvelles entraves à notre commerce, qui vient, comme je l’ai encore dit, d’imposer nos produits dans ses possessions à 50, quand les produits des autres nations ne le sont qu’à 12, chose étrange, on repousse une proposition qui portait un coup mortel à son commerce. Il y a plus, c’est que la Hollande seule aurait souffert de la mesure, et c’est ce qu’on ne voit pas, il me semble, au banc des ministres, qui, sans discuter, font passer une fin de non-recevoir sur un objet si important pour nous.
Notre bureau de commerce a de bonnes intentions, mais il est souvent induit en erreur par des gens qui veulent favoriser le commerce hollandais. Quand on voit un ennemi d’aussi mauvaise foi que la Hollande, il faut prendre des mesures. Si un jour nous avions le courage de prendre des mesures contre le commerce hollandais, la Hollande arriverait bientôt à un arrangement ; mais si on n’en prend pas, elle préférera le statu quo et nous exploiter. C’est pour cela que je voterai contre la loi.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’ai demandé la parole que pour donner à la chambre, selon le désir de M. Rogier, le chiffre de l’importation du café en 1837. Ce chiffre ne se trouve pas indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi, parce qu’à l’époque où ce projet a été présenté, les renseignements statistiques n’étaient pas encore parvenus à l’administration centrale des finances. Je me bornerai, dis-je, pour le moment à fournir ce renseignement, parce que quant aux objections faites contre la loi par les deux derniers orateurs, je me réfère pour leur réfutation complète aux calculs et renseignements présentés par M. A. Rodenbach. En indiquant comme il l’a fait les droits imposés sur le café, dans les pays voisins, il a démontré clairement que la faible augmentation de 3 fr. 76 c. par 100 kil. que nous proposons, n’est pas de nature à provoquer la fraude ou à restreindre la consommation de cette denrée.
Voici le chiffre de l’importation du café en 1837. Elle a été de 23,053,429 kilog., d’où il faut déduire les quantités exportées en transit, ce qui ramène le chiffre en entrepôt et en consommation, à 21,650,810 kilogrammes.
D’après l’exposé des motifs qui accompagne le projet de loi, vous aurez remarqué qu’on évalue à 14 millions de kil. la moyenne de notre consommation annuelle ; cette moyenne est celle de 6 années de 1831 à 1836. Si j’ajoute 1837 et que je prenne la moyenne des 5 dernières années, je trouve le chiffre de 17 millions environ.
Mais ce n’est pas de cette manière qu’il convient d’établir la moyenne pour se rapprocher de la réalité ; l’année 1837 ayant été une de ces années extrêmement avantageuse pour les impôts, il faut l’écarter du calcul aussi bien que les années 1831 et 1832, qui ont été deux fort mauvaises années, ou il faut les réunir toutes ensemble. Or, de cette manière on arrive au chiffre de 15 millions de kilogr. comme moyenne de la consommation ; je dis de la consommation, parce que l’on ne saurait pas distinguer les quantités de café exporté par le commerce interlope, dont a parlé un honorable préopinant ; je dis donc que la consommation intérieure, ou si l’on veut, les quantités de café payant annuellement le droit de douanes, et sur lesquelles doit se calculer l’augmentation proposée de 3 fr 76 c. par 100 kilogr., s’élèvent à 15 millions ; ce qui augmentera les revenus du trésor de 504,000 francs.
Un membre. - Sans centimes additionnels.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui ; mais en portant le droit de 2 fl. à 8 fr., on peut bien admettre qu’il y aura réduction à peu près de l’équivalent des centimes additionnels sur les 3 fr. 76 c. d’augmentation en raison de la diminution de l’importation, diminution très insensible sans doute, mais dont je veux tenir compte pour ne pas repousser d’une manière absolue les objections des préopinants, qui prétendent qu’il y aura réduction considérable dans la consommation et dans l’importation légale. Je veux donc bien admettre par pure concession qu’il y aura cette légère diminution, et pour déférer à l’objection faite à cet égard, je ne tiens pas compte dans mes calculs des 13 centimes additionnels sur la majoration de 3 fr. 76 c. ; cependant quand même on les ajouterait, nous serions toujours bien éloignés de la somme élevée que quelques membres supposent devoir revenir au trésor par suite de l’adoption de la loi en discussion.
Il serait inutile, messieurs, que j’insistasse en faveur de la loi. Le projet n’a rencontré aucune opposition dans les sections, il n’a même soulevé de discussion que par rapport à la question des droits différentiels, dont il se trouve maintenant dégagé par le vote que vous venez d’émettre.
M. Rogier. - Je demanderai à M. le ministre des finances s’il pourrait fournir pour 1837 non seulement le chiffre des kilog. importés mais encore le chiffre des droits payés ; sous le point de vue fiscal cela est important ; il y a progression dans la consommation. L’année 1837 a été très bonne, il serait possible que cette progression se manifestât les années subséquentes. Il serait avantageux de combiner l’impôt de manière à ne pas nuire à la consommation en même temps que le fisc percevrait l’avantage.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’ai indiqué à la chambre le chiffre des importations qui ont payé des droits ; il est facile de calculer le montant des droits lorsqu’on sait qu’ils étaient de 2 florins et 13 c. additionnels.
Je dirai au préopinant qu’il est dans l’erreur quand il suppose qu’il y a progression constante dans les importations du café. Voici le chiffre des importations dans les 6 dernières années :
1831 : 8,453,000 kilog.
1832 : 12,900,000 kil.
1833 : 16,636,000 kil.
1834 : 18,333,000 kil.
1835 : 15,192,000 kil.
1836 : 13,676,000 kil.
Ainsi, vous voyez, que l’année la plus forte a été 1834 et que de 1834 à 1836, il y a une diminution de 5,000,000 kilog. à peu près. A la vérité, les importations se sont élevées à 21,000,000 kil. en 1837 ; mais il ne faut pas s’arrêter à 1837 isolément, il faut supputer aussi les années précédentes ; or, on arrive ainsi à la moyenne que je crois la plus exacte, au chiffre de 15,000,000 kilog.
Quoi qu’il en soit, si les importations sont de 18 à 20 millions au lieu de 15 millions de kilog., tant mieux, nous n’aurons pas à nous repentir d’avoir dépassé quelque peu nos prévisions de revenu en faveur du trésor. Toute la question est de savoir si l’augmentation de 3 fr. 76 c. en principal à l’impôt du café est de nature à exciter la fraude et à restreindre la consommation ; or, je pense, me référant encore une fois aux renseignements et aux observations judicieuses de M. A. Rodenbach, que ce double inconvénient n’est pas à craindre, et que la loi sera utile au fisc sans nuire le moins du monde à nos relations commerciales, Voilà l’opinion du gouvernement, elle est conforme à celle de toutes les chambres de commerce ; plusieurs d’entre elles même voulaient un droit plus élevé que celui proposé.
Vote des articles et vote sur l’ensemble du projet
- La discussion est close. La chambre passe au vote des deux articles composant le projet, qui sont successivement adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Par modification au tarif des douanes, les droits d’importation et d’exportation sur le café sont fixés comme suit :
« Café, par 100 kil. : droits d’entrée : 8 fr. 0 c. ; droits de sortie : 10 c. »
« Art. 2. Le droit d’importation ne pourra être inférieur à cinquante centimes par chaque expédition. »
La chambre procède au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
62 membres prennent part au vote.
48 membres votent pour l’adoption.
14 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Angillis, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coppieters, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Langhe, de Mérode (Félix), Demonceau, de Nef, de Perceval, de Renesse, de Roo, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Eloy de Burdinne, Lardinois, Lecreps, Liedts, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach (Alexandre), Rogier, Seron, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Verhaegen, Wallaert, Zoude, Peeters.
Ont voté contre : MM. de Foere, de Meer de Moorsel, Desmaisières, Desmet, Doignon, Donny, Hye-Hoys, Kervyn, Maertens, Scheyven, Simons, Stas de Volder, Vandenbossche, Vergauwen.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je proposerai à la chambre de s’occuper demain des pétitions au lieu de s’en occuper vendredi. J’ai reçu des renseignements sur la question des lins ; je les ferai imprimer.
M. de Brouckere. - Je demanderai que l’on mette à l’ordre du jour les naturalisations.
M. de Langhe. - Nous avons aussi le projet portant ouverture d’un crédit pour l’école militaire.
- La séance est levée à 4 heures et demie.