(Moniteur belge n°39, du 8 février 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi 3/4.
- Il est procédé au renouvellement des sections par la voie du tirage au sort.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Les membres du conseil d’administration des hospices et secours de la ville de Louvain demandent que la chambre statue sur leur pétition du 21 avril 1837, tendant à faire interpréter l’article 131 de la loi du 30 mars 1836, relatif à l’entretien des sourds-muets et aveugles. »
« La députation permanente du conseil du Limbourg demande l’abrogation de l’article 2 de la loi du 7 ventôse an XII, sur la police de roulage. »
« Le sieur Gérard Aerts, cultivateur à Pael (Limbourg), réclame le paiement des indemnités qui lui reviennent du chef des pertes qu’il a essuyées par l’agression hollandaise. »
« Le sieur Vandendooren (H.-J.), milicien de 1836, de l’arrondissement de Termonde, demande à être libéré du service de la milice. »
« Les commissaires de police des communes de St-Nicolas, Beveren, Tamise, Hamme. Alost et Grammont, demandent à être admis au rang des magistrats et une augmentation de traitement. »
« Un grand nombre d’habitants des communes de Gothem et Zantbergen demandent que la chambre prenne des mesures pour faire cesser la cherté des charbons de terre. »
« Des habitants des communes du canton de Fosses (Namur) demandent qu’il soit pris des mesures pour faire baisser le prix de la houille. »
« Même pétition des habitants de Dinant. »
« Le conseil communal de la ville de Tournay demande qu’il soit pris des mesures pour faire diminuer le prix de la houille. »
« Des habitants de la commune d’Oostroosbeke (Flandre occidentale) demandent qu’il soit pris des mesures pour faire baisser le prix de la houille. »
« La chambre de commerce de Mons adresse des observations contre les pétitions tendant à autoriser l’entrée des houilles étrangères en Belgique. »
« La régence d’Anvers demande de nouveau le paiement d’une créance arriérée, contractée par l’ancien gouvernement, du chef de loyers communaux. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Liedts. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des finances. Si je ne me trompe, l’honorable M. Fallon est chargé de présenter le rapport sur des pétitions de même nature. Attendu qu’il est dans l’impossibilité morale de présenter ce rapport, il serait peut-être convenable qu’un autre membre se chargeât de ce rapport. C’est chose possible ; car le dossier est à Bruxelles. Veuillez remarquer qu’il s’agit de créances liquides, qui peuvent être réclamées en justice. Des particuliers sont intéressés dans ces créances. Il n’est pas certain qu’ils aient tous la longanimité de la régence d’Anvers. Il est donc à désirer, pour éviter des frais d’instance, que la chambre s’occupe de ces pétitions. Si les créances sont justes, la chambre allouera les fonds. Si elles sont contestées, les parties seront renvoyées devant les tribunaux. De cette manière chacun obtiendra justice.
- La proposition de M. Liedts est adoptée.
M. le ministre de la justice adresse à la chambre les avis des conseils provinciaux sur le projet de loi relatif à une nouvelle circonscription des cantons de justice de paix.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution des tableaux joints à la lettre de M. le ministre.
M. Gendebien adresse la lettre suivante à M. le président : « Obligé de me rendre au conseil communal, j’ai l’honneur de vous prier de remettre, à la fin de la séance, la question des glaces et miroirs, si cela est possible ; je tâcherai d’être à la séance vers 2 heures et demie.
« Agréez, etc. »
- Pris pour notification.
M. Doignon (pour une motion d’ordre). - Messieurs, depuis le mois d’octobre dernier, un grand nombre de réclamations ont été adressées à la chambre contre le renchérissement du prix de la houille. Toutes ces pétitions ont été renvoyées à la commission des pétitions qui a fait un rapport dont les conclusions ont été le renvoi au gouvernement. Jusqu’ici nous ne connaissons pas l’opinion du gouvernement sur cette grave question. M. le ministre des travaux publics nous a distribué, durant notre séparation, un long rapport sur la question. Mais ce rapport ne contient aucune conclusion ; il n’indique aucun remède au mal dont on se plaint si généralement. Je demande si le gouvernement ne fera pas connaître bientôt son opinion sur cette question. Il importe de faire droit le plus tôt possible à ces réclamations.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères a adressé hier à la chambre cent exemplaires d’un rapport, avec tableaux à l’appui, sur la question des houilles. Ce rapport sera distribué aujourd’hui aux membres de l’assemblée.
M. Doignon. - Il est d’usage que le gouvernement fasse un rapport et qu’il le dépose lui-même sur le bureau. Dès lors nous avons le droit d’en connaître les conclusions. La question dont il s’agit est réellement urgente. Il n’y a aucun inconvénient à faire connaître les conclusions à la séance. Je demande que le gouvernement les fasse connaître.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le rapport a, je crois, été distribué. Il a été adressé hier à la chambre. Ce rapport contient des renseignements sur les diverses pétitions renvoyées au gouvernement ; mais il ne contient pas de proposition de la part du gouvernement. Du reste, si jusqu’à présent il n’a pas été fait de proposition, nous ne déclarons pas qu’il n’en sera pas fait. Seulement cette question n’est pas encore résolue.
M. Rogier. - Diverses pétitions ont été adressées à la chambre sur les houilles. Un rapport a été fait par la commission des pétitions. Des renseignements ont été fournis par MM. les ministres des travaux publics et de l’intérieur. Maintenant il faut savoir ce qui va être fait à la suite de ces divers documents. Il faut savoir si la chambre ne veut s’occuper de la question des houilles que par voie de renseignements. Cette question, indépendamment de sa gravité, a une actualité telle que la chambre ne doit pas tarder à s’en occuper, si elle veut le faire avec opportunité et efficacité. Comme il paraît que le gouvernement ne veut pas prendre l’initiative dans cette importante question, il faut que l’initiative vienne de la chambre. Il faut que l’on décide si l’on s’occupera oui ou non de cette question. Je crois qu’il importe de donner une réponse aux pétitions adressées, non seulement par des individus isolés, mais encore par des communes très importantes.
Je propose donc le renvoi des pétitions relatives aux houilles et des rapports de MM. les ministres des travaux publics et de l’intérieur sur cette question, à la commission d’industrie, avec invitation de faire un prompt rapport accompagné de conclusion.
- Cette proposition de M. Rogier est mise aux voix et adopté.
M. Lardinois (pour une motion d’ordre). - Il s’est glissé dans le compte-rendu de la séance d’hier une erreur qu’il importe de signaler. Le il indique l’amendement adopté par la chambre sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur en d’autres termes que ceux dans lesquels cet amendement a été rédigé.
Voici l’amendement qu’a présenté M. le ministre de l’intérieur, et qui a été adopté par la chambre :
« Tissus et étoffes de laine qui ne sont pas classés dans une des catégories énoncées, ou qui ne sont pas dénommées spécialement dans le tarif, 100 kil., 180 fr. »
M. le président. - Je ferai observer que l’article a été voté dans ces derniers termes. Le procès-verbal en fait foi.
M. Lardinois. - Je ne le conteste pas ; mais il importait que l’erreur du il fût rectifiée.
(Erratum inséré au Moniteur belge °40, du 9 février 1838) L’erreur signalée par M. Lardinois dans la séance du 7 de ce mois consistait à faire rétablir exactement l’amendement de M. le ministre de l’intérieur conçu en ces termes
« Tissus de laine ou de pois et étoffes où ces matières dominent, qui ne sont pas classés dans une des catégories énoncées, ou qui ne sont pas dénommées spécialement dans le tarif, les cent kilogrammes, 180 fr. » (fin de l’erratum)
M. Lebeau (pour une motion d’ordre.) - Puisqu’on signale des erreurs, je crois devoir en signaler une.
Dans le projet tel qu’il a été adopté, je crois qu’il s’est glissé une faute d’impression assez grave relative à une prime d’exportation.
Après l’article « bonneteries» je lis :
« Le droit ci-contre sera augmenté à l’égard des provenances de pays où il est accordé, sur les articles de l’espèce, des primes d’exportation, du montant de ces primes. »
Je prie la chambre de remarquer que cet article comprend toute espèce de bonneterie.
Je ferai remarquer que cette disposition, qui est un amendement du ministre les finances, était ainsi conçue :
« Le droit ci-contre, quant aux articles en laine… » Ces derniers mots ont été omis dans l’imprimé que j’ai sous les yeux ; je demande qu’ils soient réintégrés.
J’en appelle à la bonne foi de la chambre. Une prime d’exportation pour les cotons est tout simplement un drawback, et l’on n’a pas voulu s’occuper de drawback. Je signale cette erreur, afin qu’on ne puisse s’en prévaloir pour ajourner le vote définitif de la loi.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je suis auteur de l’amendement, et je n’ai jamais pu entendre que la disposition s’appliquait à autre chose qu’aux tissus de laine. Il est vraiment singulier qu’il y ait doute à cet égard lorsque le simple bon sens suffit pour convaincre qu’il n’a pu être question d’une prime sur les cotons ; la France n’en produit point, le droit restitué à la sortie ne constitue donc qu’un simple drawback. Je pourrais défier de trouver un mot dans la discussion qui a eu lieu, qui puisse faire croire que la disposition s’applique aux cotons.
M. Verdussen. - Pour que l’article signifie ce qu’il doit réellement signifier, il suffit de le placer là où il doit être. Dire : « Le droit ci-contre sera augmenté… » ne peut s’entendre que d’un droit dont les chiffres sont placés à côté, et non au-dessus ; car, dans ce dernier cas, il faudrait dire : « Les droits ci-dessus... » L’article dont il s’agit devrait être placé à la dernière colonne, à celle des dispositions particulières, et non à la première ou à celle des désignations d’objets.
M. Demonceau. - J’ai pris la parole pour appuyer les observations présentées par M. Lebeau. Je crois que lorsque l’amendement du ministre des finances a été soumis à la chambre, il s’appliquait plus particulièrement aux draps. Il a donc été entendu que la prime de restitution ne concernait que les tissus de laine en général, et que cela ne s’appliquerait pas aux tissus de lin.
M. Lebeau. - Je pense que l’observation faite par M. Verdussen est fondée, et qu’il y a ici erreur matérielle, ou transposition d’une colonne à une autre.
M. le président. - S’il n’y a qu’erreur d’impression, on la corrigera.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On a inséré à tort dans la colonne des désignations une note qui doit être dans la colonne des dispositions particulières.
M. Lardinois. - Dans une matière aussi importante, il faut procéder avec circonspection. Je demande que l’on vérifie dans le procès-verbal les assertions que vous venez d’entendre. Je pense qu’il ne s’agit pas de tissus de laine, mais bien d’une prime pour les cotons. Ce n’est pas un drawback.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Est-ce qu’on fait du coton en France ?
M. Lardinois. - C’est une prime accordée aux fabricants qui exportent. Il s’agit de protéger l’industrie, que ce soit pour le coton ou pour la laine.
M. Dumortier. - Je demanderai sur quoi l’on discute ? Nous devons continuer la discussion du projet, et non revenir sur ce qui a été fait.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Mais la note est mal placée.
M. Dumortier. - Soit, mais la discussion est oiseuse. On fera les rectifications nécessaires par le moyen du procès-verbal.
M. Lebeau. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ajourne la rectification ; mais alors les observations qui se font actuellement se renouvelleront. Pour éviter la perte du temps, il vaut donc mieux faire la rectification sur-le-champ. Le contexte même de la disposition signalée prouve que l’on a placé dans la première colonne du tarif ce qui doit être dans la dernière, Quant à ce qu’a dit M. Lardinois, je le conteste.
M. le président. - On va rechercher le procès-verbal.
Fils de lin
M. Zoude, au nom de la commission d’industrie, présente un rapport sur les fils de mulquinerie.
- L’on demande et la chambre ordonne l’impression séparée de ce rapport.
Fils de laine
M. le président. - D’après le procès-verbal de la séance du 9 novembre 187, il résulte que l’amendement dont a parlé l’honorable M. Lebeau commençait par ces mots : « Quant aux articles en laine, le droit ci-contre… » On a supprimé ces premiers mots dans l’imprimé pour éviter un pléonasme.
Maintenant est-on d’accord ?
De toutes parts. - Oui ! oui !
M. le président. - Alors la faute d’impression qui se trouve dans le tableau sera rectifiée d’après le procès-verbal, et au vote définitif on donnera une nouvelle lecture de la loi.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) monte à la tribune et dépose un projet de loi tendant à allouer un crédit de 200,000 francs pour les frais d’une mission extraordinaire à Constantinople.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet et le renvoie à l’examen d’une commission qui sera nommée par le bureau.
Fils de lin
M. le président. - Désire-t-on s’occuper maintenant de la proposition relative aux fils de lin sur laquelle il a été fait rapport tout à l’heure ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est bien entendu, messieurs, qu’on ne peut s’occuper que de la proposition de l’honorable M. Dubus, et non pas des propositions qui viennent de nous être faites par la commission, quant à l’entrée des fils de lin, quant aux étoupes, etc. ; je demande qu’on fasse de ces propositions l’objet d’un projet de loi spécial : il est temps de nous arrêter dans ces innovations perpétuelles. Il ne s’agit en ce moment que de la sortie des fils de lin, et à cet égard il n’y a aucune objection : les chambres de commerce ont été consultées et elles sont d’accord pour demander l’adoption de la proposition de M. Dubus. Aussi, je crois qu’elle sera admise à l’unanimité par la chambre. Mais quant aux propositions nouvelles de la commission, je demande qu’elles soient ajournées et qu’on en fasse l’objet d’un projet de loi spécial.
M. Dumortier. - Je dois vous faire remarquer, messieurs, qu’il ne s’agit pas uniquement de l’amendement de M. Dubus. L’honorable M. Dubus, M. Doignon et moi, nous avons également présenté un amendement ; MM. les ministres des finances et de l’intérieur ont réuni le tout en une seule proposition ; je pense que c’est cette proposition que nous avons à examiner en ce moment.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous sommes tout à fait d’accord avec l’honorable M. Dumortier, nous demandons seulement que les nouvelles propositions de la commission soient renvoyées à un projet de loi spécial ; il faut bien, en effet, que la chambre prenne enfin un parti pour toutes ces propositions nouvelles ; il faut bien que nous sortions de la discussion de la loi des douanes, et nous ne pourrons en sortir qu’en nous en tenant au projet primitif et aux amendements dont nous avons été antérieurement saisis.
M. Desmet. - Il est vraiment déplorable, messieurs, que M. le ministre de l’intérieur, qui est le protecteur naturel de l’industrie nationale, vienne ici demander l’ajournement de propositions qui sont tout à fait dans l’intérêt de l’industrie de la classe pauvre. Je comprendrais encore les objections de M. le ministre si la chambre n’avait pas décidé qu’elle s’occuperait de l’amendement de M. Dubus, qui concerne la sortie des fils de lin ; mais dès qu’on s’occupe de la sortie des fils de lin, je ne vois pas pourquoi l’on ne s’occuperait pas aussi de l’entrée, et qui pourra me contester que quand je laisserai présenter un amendement pour la sortie des fils de lin, je ne pourrai présenter aucun amendement qui modifierait le tarif actuel pour l’entrée des fils de lin ? La fin de non-recevoir que vient de présenter le ministre de l’intérieur est vraiment inconcevable ; on dirait bien que dans le département de l’intérieur il y a deux poids et deux mesures.
Non, messieurs, ce n’est pas cela ; mais veuillez le remarquer, chaque fois qu’une proposition est faite en faveur des provinces de Flandre, il est rare qu’elle soit bien accueillie par le ministre actuel de l’intérieur.
M. le ministre dit pour prétexte qu’il ne connaît point la portée des propositions que vient de faire votre commission d’industrie.
Mais le ministre doit savoir que ce que propose la commission est absolument ce que demandent nos chambres de commerce.
Mais soit, il faut prendre patience, et je crois que le ministre n’a pas lu les avis des chambres de commerce, comme j’ai lieu de croire que ni lui, ni le bureau de commerce, qui est dans son département ne connaissent toute l’importance de l’industrie linière ; car il paraît qu’elle n’est pas digne, selon eux, qu’on s’en occupe, tandis que dans ce département on a trouvé utile de favoriser les mécaniques à filer le lin, car un individu a touché naguère du gouvernement une somme de 50,000 fr. pour établir une filerie à la mécanique.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne répondrai pas, messieurs, aux réclamations vraiment fastidieuses de l’honorable préopinant, contre notre système en matière de douanes ; je me bornerai à faire remarquer à la chambre que lorsqu’il s’est agi d’une proposition relative à la sortie des fils de lin, nous en avons demandé l’ajournement afin que les chambres de commerce pussent être consultées ; aujourd’hui que cela a eu lieu, nous pouvons nous occuper de cette proposition, mais il n’en est pas de même de celles qui viennent de nous être faites par la commission. Nous ne pouvons pas voter incidemment des dispositions qui changent totalement le tarif quant à l’entrée des fils de lin, à la sortie des étoupes, sans savoir quelle serait l’influence de semblables dispositions. Je crois qu’il est temps d’en finir avec toutes ces propositions nouvelles et que nous devons nous en tenir aux amendements de MM. Dubus et Dumortier relatifs à la sortie des fils ; quant aux autres propositions, nous en demandons le renvoi à un examen spécial et approfondi.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères, par laquelle il demande que la chambre ne s’occupe en ce moment que de la proposition de M. B. Dubus, et qu’elle renvoie les nouvelles propositions de la commission à un examen ultérieur pour en faire l’objet d’un projet de loi spécial.
- La proposition de M. le ministre est adoptée.
M. Doignon. - Je remarque que M. le président parle constamment de la proposition qui a été faite par M. B. Dubus ; je demanderai s’il est entendu qu’on s’occupera également en ce moment des dispositions qui ont été proposées par M. Dumortier et moi ?
M. Verdussen. - Messieurs, j’ai cru entendre que M. le président annonçait à la chambre que c’était sur la proposition du ministre qu’on allait voter. Eh bien, le ministre a dit qu’il ne comprenait pas seulement dans sa proposition celle de M. B. Dubus, mais encore celle de MM. Dubus aîné, Dumortier et Doignon ; par conséquent, cette proposition, telle que M. le ministre de l'intérieur l’a présentée à la chambre sera celle qui va être mise en discussion ; c’est dans ce sens que M. le président en a parlé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - M. le président a mis aux voix la question de savoir si on s’occuperait dans la loi actuelle de la proposition de MM. Dumortier et Doignon et de celle de M. B. Dubus, et la chambre a pris une décision affirmative.
Or, M. le ministre de l’intérieur a demandé que l’on mît en discussion la proposition qui renferme les autres amendements. On voit à la page 3 des dernières explications imprimées, à l’appui des articles ajournés :
« Fils de lin écru à tisser, à dentelles, écru et non tors. »
Le gouvernement propose un droit de sortie de 10 c. par 100 fr. de valeur ; MM. Doignon et Dubus avaient demandé un droit au poids, mais je présume qu’ils préféreront aujourd’hui ce droit uniforme de 10 c. par 100 fr. de valeur.
M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre de l’intérieur :
« Fils de lin écru à tisser, à dentelles, écru et non tors, de toutes provenances, 10 c., à la sortie par 100 fr. de valeur. »
M. Desmaisières. - Je dois faire observer qu’il y a des conclusions relativement à la sortie du fil de lin, dans le rapport que l’honorable rapporteur de la commission vient de lire ; la commission conclut à la libre sortie du fil de lin de toute espèce. Je crois qu'on ne peut pas se dispenser de mettre aux voix ces conclusions.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La commission, d’après ce que vient de dire M. Desmaisières, est d’accord, non seulement avec le gouvernement, mais avec toutes les chambres de commerce sur la question qui nous occupe, c’est-à-dire que tout le monde comprend qu’il est avantageux au pays de laisser sortir, libres de tous droits, les fils dont on vient de parler. Seulement, pour avoir un moyen de se rendre compte des exportations, le gouvernement demande un droit de balance uniforme de 10 centimes par 100 fr. de la valeur, à la sortie.
M. Zoude, rapporteur de la commission, insiste pour que les conclusions de la commission soient mises aux voix et adoptées.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il y a une chose bien simple à faire, c’est de diviser le vote : que l’on vote sur les 10 centimes, et s’ils sont admis, la proposition de la commission sera rejetée ; alors l’on adoptera dans son entier la proposition de MM. Dubus, Dumortier et Doignon.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
Fils de laine
M. le président. - Nous allons passer à la proposition de M. Dumortier concernant les tapis.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai pris de nouveaux renseignements sur l’article « tapis ; » et il en est résulté qu’effectivement une partie des fils qui servent à faire les tapis venaient assez souvent de France, et que les commerçants jouissaient par conséquent de la prime d’exportation que l’on accorde en France.
Le droit que j’ai proposé hier revient à environ 15 p. c. ; je crois que ce droit n’est pas trop élevé, quand on considère que chez les peuples voisins les droits sur les tapis sont de 30, 40, 50 et même de 60 p. c. Vous savez que les tapis se font principalement à Tournay et aussi à Anvers, Cette industrie mérite toute votre sollicitude, parce qu’elle est une des plus remarquables industries du pays, non pas par la masse de ses produits, mais par le vif intérêt qui s’attache à sa production. Les mêmes motifs qui vous ont fait modifier la loi, quant aux draps ou à la bonneterie, existent quant aux tapis ; il serait injuste de ne pas adopter une semblable modification pour les tapis. J’espère donc que la chambre voudra bien donner son assentiment à mon amendement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M. Dumortier propose d’imposer les tapis à 180 fr. les 100 kil. Or, d’après les vérifications qui ont été faites, et dont les résultats ont été mis sous nos yeux, la moyenne d’un tel droit reviendrait à 20 p. c.
Il y a une observation essentielle, pour repousser tout changement de base dans la tarification.
Les tapis les plus grossiers, d’après le système qui vous est proposé, sont ceux qui paieraient le plus, parce que ce sont les plus pesants. Ainsi, par une modification de nouveau improvisée, et que je vous engage à n’admettre à aucun prix, vous arriveriez à jeter dans votre tarif une véritable anomalie, en faisant payer aux tapis qui ont le moins de valeur le droit le plus élevé.
L’honorable M. Dumortier a reconnu le point de fait qui a été avancé hier par M. Lardinois, que les fils de laine employés aux tapis ne viennent pas de l’étranger ; mais quand bien même ces fils en proviendraient, la faible augmentation du droit admise sur les fils de laine ne justifierait pas du tout l’énorme majoration que l’honorable membre propose à l’article « tapis. »
Maintenant, est-il nécessaire de protéger aussi fortement les tapis fabriqués dans le pays ? Je suis porté à croire la négative. Nos fabriques de tapis sont dans un état assez prospère et se trouvent suffisamment protégées aujourd’hui pour que la consommation intérieure leur soit à peu près exclusivement assurée ; les chiffres d’importation que j’ai fait connaître à la chambre prouvent que les tapis étrangers ne sont importés qu’en très petite quantité dans notre pays, et n’y font pas conséquent qu’une très faible concurrence à l’industrie qui est ici en cause ; et si je compare le chiffre des importations avec celui des exportations, je trouve que le dernier est double du premier.
Une industrie qui est assurée de la majeure partie de la consommation intérieure, et qui en outre va concourir sur les marchés étrangers avec les produits des autres nations, n’a pas besoin d’un renforcement de protection comme celui qu’on demande. Je vous engage, messieurs, à ne pas introduire de nouvelles dispositions dans la loi en discussion ; bornons-nous à voter celles qui sont proposées ; nous en avons assez comme cela.
- La chambre décide que la proposition dont il s’agit fera l’objet d’un article additionnel.
M. Coghen. - Sans doute, messieurs, improviser des amendements, surtout quand il s’agit de tarif de douanes, présente de grands inconvénients, parce qu’il faut prendre des informations ; mais je crois que pour l’article des tapis, cette observation n’est pas applicable, puisque les chambres de commerce ont été consultées. Le droit actuellement établi sur cet article est illusoire, on l’élude. On n’a qu’à parcourir nos magasins, on y verra des tapis étrangers ; qu’on examine les appartements des personnes riches, on verra que les 9/10 sont décorés de tapis étrangers.
Dans ma pensée, il faut protéger cette industrie : elle fournit l’existence à beaucoup de familles. L’agriculture est également intéressée à la prospérité de cette industrie ; car elle emploie beaucoup de laines qui sont une production du pays. Si le droit de 150 fr. les 100 kil. est trouvé trop élevé, je proposerai de le réduire à 125 fr. L’industrie des tapis trouvera dans ce droit une protection suffisante, il ne faut que la mettre à même de lutter avec l’industrie étrangère. Les tapis communs doivent être plus fortement protégés parce qu’ils emploient la laine la plus commune, les rebuts et les déchets, et qu’ils donnent le moyen d’occuper beaucoup de bras dans les ateliers des prisons et les dépôts de mendicité. Si vous admettez les produits étrangers faits de laines communes, vous favorisez la main-d’œuvre étrangère et vous laissez inactifs des bras que vous pourriez occuper.
En fixant comme je le propose le droit à 125 fr., au lieu de 150 fr. les 100 kil., d’après les pesées qui ont été faites, les tapis fins paieront un droit équivalent à 7 ou 8 p. c. de la valeur, les tapis dits moquettes paieront 9 à 11 p. c., et les tapis communs 13 à 14 p. c. On n’a pas pu vérifier les pesées pour ce dernier article.
M. le président. - M. Coghen propose de fixer le droit sur les tapis à 125 fr. les 100 kilogrammes.
M. Rogier. - J’appuie l’ajournement proposé par M. le ministre des finances. On n’est pas éclairé sur cette question. M. Coghen vient de faire sentir le danger d’improviser des amendements en matière de douanes. Cependant, hier, il nous en a présenté un d’une assez grande portée sur les verres et verreries, qui était improvisé. Et voilà qu’il nous improvise encore un sous-amendement dont il dit lui-même qu’il ne connaît pas la portée. Car il a avancé que sur les tapis fins le droit qu’il propose équivaudrait à 6 ou 7 p. c., sur les moquettes de 9 ou 10, et sur les tapis communs à 12, 13 ou 14. Je demande si on peut aller aux voix sur une proposition dont l’auteur ne connaît pas la portée.
Je me fonde sur les observations de M. Coghen pour appuyer l’ajournement proposé par le ministre.
M. Coghen. - L’honorable M. Rogier s’est trompé, je n’ai improvisé aucun amendement hier, j’ai seulement demandé qu’on fît une distinction.
Quant aux tapis on a fait des pesées qui ont eu pour résultat les chiffres que j’ai indiqués. En supposant que sur les tapis communs le droit s’élevât à 15 p. c. ou au-delà, je n’y verrais pas d’inconvénient ; ce serait dans l’intérêt de nos ateliers de prisons et des dépôts de mendicité, et de l’emploi de nos laines communes.
M. Dumortier. - Je ferais observer que M. Rogier seul demande l’ajournement de ma proposition. M. le ministre des finances avait demandé l’ajournement de toutes les propositions nouvelles. Or, ma proposition a déjà été discutée hier, et sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, elle a été renvoyée à aujourd’hui. Le terme de l’ajournement est arrivé. Le moment de la discussion est venu. La proposition de M. Coghen est très modérée, c’est la reproduction de celle de M. Lardinois, que cet honorable membre avait retirée, parce qu’il ne la trouvait pas assez favorable à l’industrie des tapis. Nous ne faisons donc que reproduire une proposition précédemment discutée par la chambre.
Le chiffre qu’on propose ne revient en réalité qu’à un taux moyen de 10 p. c. A la vérité. on n’a pas fait de pesée pour les tapis de poil de vache ; je ne pourrais dire si sur ceux-là le droit ne s’élève pas à 12 ou 14 p. c., mais il ne va pas au-delà. Cela ne sera pas seulement favorable à la ville de Tournay, car les tapis de poil de vache se fabriquent à Anvers.
M. Rogier. - Cela ne signifie rien pour moi.
M. Dumortier. - Quand il s’agissait des raffineurs de sucre et qu’il s’agissait de leur assurer une prime de 4 millions au préjudice du trésor public, la sollicitude de M. Rogier n’a pas manqué aux raffineurs d’Anvers ; j’aime à croire que sur la question des tapis il sera dans les mêmes dispositions à l’égard de la ville qui l’a envoyé ici. Les tapis de laine se fabriquent à Tournay, et les tapis de poil de vache se fabriquent à Anvers.
Je dis donc qu’il n’y a aucun motif pour ajourner l’amendement proposé, surtout celui de M. Coghen, qui n’est qu’une transformation de l’état de choses actuel, en substituant le poids à la valeur. La chambre de commerce de Bruxelles consultée sur cette question dit :
« Les tapis sont actuellement soumis en France au droit de 37 pour cent ; en Angleterre, au droit de 25 p. c. ; en Russie, en Autriche et en Italie, à 60 p.c. Nous, industriels sans débouchés, avec quatre millions de consommateurs seulement, nous admettons les tapis étrangers au droit de 10 p. c., qui se réduit à 6 par la manière dont les déclarations sont admises. »
Un pareil état de choses peut-il exister sans entraîner la ruine de nos établissements ?
Hier encore on a augmenté les droits sur les fils de laine dont une grande partie sert à la confection des tapis. Si d’un côté vous avez rendu la position de cette industrie moins bonne, vous devez l’améliorer de l’autre, pour compenser le mal que vous lui avez fait. Vous ne ferez en cela qu’un acte de justice.
M. Demonceau. - Je regrette de voir M. Dumortier persister à dire qu’en imposant la laine filée on a imposé la matière première pour la fabrication des tapis. Ce n’est pas le fil de laine peignée, mais le fil de laine cardée qui sert la fabrication des tapis. Ce n’est pas le fil de laine cardée qu’on a imposé ; ainsi on n’a pas frappé la matière première nécessaire à la fabrication des tapis de Tournay. J’appuie du reste l’opinion de M. Dumortier ; il ne peut pas être question d’ajourner l’amendement comme improvisé, car les chambres de commerce ont été consultées, et celle de Bruxelles s’en est expliqué formellement. Vous voyez que cette affaire a été instruite. Sur le fond, je dirai qu’un droit de 180 fr. me paraîtrait exagéré.
Mais, je le déclare, je pense que nous ne devons pas repousser cet amendement puisqu’il a été l’objet d’une instruction.
M. Rogier. - J’ai demandé l’ajournement de la discussion sur la proposition de M. Dumortier sans me prononcer sur le fond de cette proposition. On a fait allusion à une discussion récente ; si j’ai pris l’intérêt d’une ville en particulier, je n’ai pas l’habitude de défendre des intérêts particuliers ; si J’ai défendu les intérêts particuliers d’une ville, c’est qu’ils se liaient aux intérêts généraux. Ce sont ces derniers intérêts que j’ai voulu défendre en défendant ceux de la ville que je représente plus particulièrement, mais je déclare que je n’entends nullement entrer dans la coalition de certaines villes qui semble organisée dans cette chambre. Il est possible que la coalition dont il s’agit soit agréable à une industrie particulière d’Anvers et de Tournay ; mais de tels motifs ne me détermineront pas à donner la main à la ville de Tournay pour une aggravation de droits dont la nécessité n’est pas démontrée, car d’après les observations de M. le ministre des finances cette nécessité n’est pas démontrée.
Dans tous les cas je n’ai pas parlé sur la question, j’en ai demandé l’ajournement, autant parce qu’elle n’est pas suffisamment éclairée, que parce que je ne sens aucunement la nécessité de la proposition.
M. Doignon. - Je crois devoir relever une erreur de M. le ministre des finances. Il vous a dit que l’industrie de la fabrication des tapis est prospère, ce qui prouverait qu’elle est suffisamment protégée. M. le ministre ne connaît certainement pas l’état de nos fabriques. Je puis assurer que cette industrie est très souffrante dans le moment actuel et depuis nombre d’années, par suite de la législation douanière. Telle fabrique qui avait autrefois 5,000 ouvriers n’en a aujourd’hui tout au plus que quelques cents. Je voudrais que M. le ministre se rendît lui-même dans les fabriques ; il se conviendrait de son erreur.
Avant la législation actuelle, les tapis de Tournay qui ont une réputation européenne, étaient reçus dans tous les pays ; aujourd’hui nous voisins les refusent et nous sommes bornés au marché intérieur, débouché qui nous échappe encore par suite de la faible quotité des droits de douanes ; car j’en appelle à vous-mêmes, messieurs, n’est-il pas vrai que partout, dans les appartements, on ne voit plus que tapis hollandais, anglais, allemands ? Le pays en est inondé.
Le chiffre d’importation est insignifiant lorsqu’on l’isole des faits. En fait cette industrie est souffrante ; il faut donc que la loi des douanes vienne à son aide. Je voterai pour l’amendement de l’honorable M. Coghen.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je demanderai à M. Doignon si à l’époque où la fabrication des tapis de Tournay était aussi prospère qu’il vient de le dire, il y avait à l’étranger les fabriques de tapis qui y sont actuellement, et si l’établissement, dans les autres pays, de cette industrie n’est pas la cause principale pour laquelle la vente des tapis de Tournay a diminué ? A cette époque le tarif était-il autre qu’actuellement, et sont-ce des changements au tarif qui ont causé la diminution de cette industrie ? Non, c’est qu’à l’étranger se sont établies des manufactures de pais, que la Belgique qui n’a plus eu le marché étranger pour elle seul. Ceci est arrivé pour les tapis comme pour d’autres industries, et c’est là ce qui explique comment certaines industries ont dû diminuer en Belgique sous l’empire des mêmes tarifs.
Quoi qu’il en soit, je ne puis croire que cette industrie soit chez nous dans l’état de détresse dont a parlé l’honorable préopinant. Je prendrai à cet égard une boussole plus sûre que des observations générales jetées à travers la discussion ; je veux parler du taux des actions de la nouvelle société des tapis ; ce qui prouve que cette industrie est assez prospère, c’est que le bénéfice est assez notable pour que ces actions soient cotées beaucoup au-delà du pair.
M. Doignon. - M. le ministre nous donne en dernier lieu une preuve assez singulière de la prospérité de l’industrie de la fabrication des tapis. Selon lui, dès que des actions sont cotées haut, il s’ensuit qu’il y a prospérité dans un établissement. M. le ministre se trompe grandement sur ce point. Chacun de nous sait que des actions sont cotées au-delà du pair, alors que les établissements ne sont pas en prospérité et bien loin de là. C’est donc là une forte mauvaise boussole. Au surplus, je n’entends faire ici aucune allusion.
M. le ministre a perdu de vue que les tapis de Tournay sont d’une espèce toute particulière, qu’on ne les fabrique pas à l’étranger. De sorte qu’il demeure vrai que si nous avions une autre législation, aujourd’hui encore nos tapis se vendraient toujours à l’étranger, quoique cette industrie existe maintenant chez nos voisins.
Du reste, il faut dans tous les cas nous réserver le marché intérieur. Il ne faut pas souffrir que les Anglais viennent nous ravir le travail de nos ouvriers. Ce serait une honte pour nous qu’il en fût ainsi, alors que nous avons si grand besoin de travail pour notre classe ouvrière. Je maintiens donc mes observations.
M. Angillis. - Lorsqu’on s’occupe de faire des changements à une loi de douanes, on doit avoir pour principe qu’il faut favoriser tous les intérêts : ceux de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. C’est là un principe incontestable et incontesté. Chaque industrie peut réclamer protection. L’équité vous fait un devoir de les protéger toutes. Ce principe a été appliqué en partie dans la loi qui nous occupe. Plusieurs industries ont reçu à peu près leurs apaisements, à l’exception d’une, la plus importante : l’industrie linière. Maintenant on repousse une disposition relative à cette industrie. On dit que le moment n’est pas venu de s’occuper de cette industrie ; et on veut abandonner cette industrie à son propre sort, lorsqu’elle est à l’agonie. Je ne ferai pas un sombre tableau de ses souffrances. Je n’imiterai pas l’exemple qui m’a été donné dans cette enceinte, à propos d’autres industries. Je demanderai seulement que l’industrie linière soit protégée comme toutes les autres. Refuser cette protection serait une injustice.
M. le ministre de l’intérieur oppose une fin de non-recevoir à la proposition de la commission d’industrie ; il dit que vous ne pouvez voter cet amendement ; et d’un autre côté on a adopté beaucoup d’amendements dans cette loi.
Au reste, je ne veux pas rentrer dans la discussion générale de la loi. Je saisis seulement cette occasion de dire qu’elle manque de la condition la plus essentielle d’une bonne loi. Il faut, pour qu’une loi justifie son existence, qu’elle prouve la nécessité qui l’a commandée. Cette nécessité doit présider à sa rédaction. Dans le cas présent cette nécessité n’existe pas.
Que la France, en faveur de laquelle on demande cette loi, nous fasse des concessions, alors nous pourrons parvenir à faire un bon traité de commerce qui rapprochera deux nations faites pour s’estimer.
Par ces motifs, ne voulant pas prolonger la discussion, je me borne à déclarer que je voterai contre toute la loi.
M. Rogier. - Il s’agit d’introduire une nouvelle aggravation de tarif dans une loi destinée uniquement dans le principe (on ne peut trop le répéter) à mettre une puissance voisine dans le droit commun.
Au reste, à l’égard de l’article qui nous occupe, les statistiques publiées par le gouvernement, et auxquelles on ne peut refuser confiance dans cette circonstance spéciale, établissent que l’importation des tapis a été de 74,000 fr. en 1835, de 66,000 fr. en 1836 et de 55,000 fr. dans les neuf premiers mois de 1837.
On ne dira pas qu’on élude le droit ; puisqu’on dit que le droit est illusoire, tant il est peu élevé, sans doute il n’est pas fraudé. Eh bien, malgré la faible quotité du droit, l’importation n’est que de 70,000 fr. par année. Je demande si c’est là un motif suffisant pour prendre à l’égard d’une nation alliée une nouvelle mesure aggravante.
Je crois que la chambre ne voit pas où elle marche.
Parce que les réactions sont possibles je ne dirai pas qu’elles seraient méritées ; mais par cela seul qu’elles sont possibles, elles pourraient porter à l’industrie intérieure les plus grands préjudices. Il est encore temps pour la chambre d’ouvrir les yeux et de reconnaître, je ne dirai pas l’abîme, l’expression serait exagérée, mais la voie dangereuse où elle s’engage. Il n’y a pas nécessité d’augmenter le droit sur les tapis ; c’est une vérité évidente. L’on ne peut soutenir que le droit se fraude, puisqu’il est léger ; cependant l’ensemble de ce droit perçu est peu de chose, ce qui indique une importation peu considérable. Pourquoi changer le tarif de douane pour les tapis ? N’est-ce pas, de gaîté de cœur, mécontenter les pays qui à notre égard peuvent prendre des mesures hostiles ? N’est-ce pas leur donner des motifs de frapper nos industries et notre commerce de mesures désavantageuses pour nous ? Je demande que l’on s’abstienne de la disposition proposée, ou que tout au moins l’on renvoie la question à une autre époque, afin qu’elle puisse être discutée avec d’autres points de notre tarif, pour lesquels vous avez senti l’utilité de l’ajournement.
M. Dumortier. - J’ai déjà eu l’honneur de répondre que la question d’ajournement a été posée hier, et que la discussion a été renvoyée à aujourd’hui. Si nous prenons ajournement sur ajournement, nous justifierons ce que disent certains journaux, au nombre desquels s’en trouvent de ministériels, que nous ne faisons rien, que la chambre ne produit rien.
Cependant ce sont les ministres qui demandent sans cesse des ajournements.
La question, messieurs, n’est pas nouvelle, elle a déjà été produite. L’honorable M. Rogier vient faire peur des réactions de la part des nations voisines ; il prétend que la proposition que nous faisons est une aggravation dans le tarif qui amènera des représailles. Messieurs, nos voisins font leurs affaires comme ils l’entendent, et nous ne sommes pas accoutumés de recevoir d’eux des marques bien grandes de bienveillance. Vous parlez des tapis anglais ; nous avons eu des preuves d’intérêt de la part de cette nation. Toutefois pourquoi ne pas frapper ses tapis puisqu’elle frappe les nôtres ? Elle prohibe la plupart de nos produits ; nous ne lui envoyons rien, tandis que nous recevons d’elle pour des capitaux considérables. A nous seuls, nous recevons de l’Angleterre autant que l’immense France.
En Angleterre, il n’y a pas d’industrie qui ne reçoive protection. Dans ce pays on conçoit fort bien que toute industrie doit être assurée du marché intérieur. Peut-on dire qu’une protection de dix pour cent à la valeur, qui peut se réduire, par suite des déclarations, à une protection de un et demi p. c., soit suffisante ? La préemption est impossible pour un pareil produit, qui a toujours une destination particulière.
Le droit, dit-on, est payé à l’introduction, puisqu’il est minime ; mais ce droit ne protège pas : que chacun de nous dise si, dans les appartements où il entre, il ne trouve pas toujours des tapis anglais.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On ne fraude pas !
M. Dumortier. - On déclare au-dessous de la valeur. Il y avait une fabrique de tapis qui occupait cinq mille ouvriers : actuellement elle en occupe quelques centaines ; d’où vient cela ? De deux causes : de ce que les nations voisines ont élevé leurs tarifs, et que nous, nous avons conservé les nôtres. Soyons assez patriotes pour assurer le marché intérieur aux produits de notre travail. Chez plusieurs nations, en Russie, en Italie, et ailleurs, on met 60 p c. sur nos tapis, et nous, nous laisserions 10 p. c. ! Cela est impossible. J’ai assez de confiance dans le patriotisme de l’assemblée pour croire qu’elle ne voudra pas continuer l’état de choses actuel. L’amendement ne fait que transformer un droit à la valeur en droit au poids. Ce droit ne sera plus illusoire, sans cependant produire de grands effets.
M. de Foere. - En répondant à M. Doignon, M. le ministre des finances a attribué le malaise des fabricants de tapis de Tournay aux fabriques similaires établies chez les nations voisines. Ce fait prouve contre l’opinion de l’honorable ministre ; car, si l’exportation des produits de cette industrie a été restreinte chez nos voisins, c’est une raison de plus pour lui donner au moins le marché intérieur,
Plus il a de fabriques aux environs de nous qui cherchent à s’établir sur la ruine des nôtres, plus il faut introduire dans la loi les moyens d’assurer à nos fabriques le marché du pays.
De son côté, M. Rogier s’oppose aussi à l’opinion de M. Doignon. Il nous a invités à jeter les yeux sur les intérêts du pays et sur la voie dans laquelle nous entrons pour protéger notre industrie. J’invite de mon côté la chambre à jeter les yeux sur un grand nombre de rapports que les chambres de commerce nous ont adressés, et notamment sur ceux des chambres de Bruxelles et d’Ypres. Ces rapports signalaient les suites funestes qui doivent résulter de la non-protection de notre propre industrie et de l’introduction progressive des produits étrangers qui envahissent nos marchés. Ils établissent de nouveau, et ils ne sauraient assez le répéter, que le travail national est le premier et presque l’unique mobile de la prospérité du pays, et qu’il faut lui assurer la consommation intérieure, d’autant plus que le pays n’a pas de colonies.
L’Angleterre impose un droit de 25 p. c. sur nos tapis, et, sous prétexte de ménager l’Angleterre, l’honorable membre s’oppose à un droit de beaucoup inférieur. Quelle raison l’Angleterre pourrait-elle avoir de se plaindre, alors que le droit proposé par M. Coghen n’atteint pas même le taux de la réciprocité, et qu’elle n’hésite jamais de frapper nos produits de droits même prohibitifs toutes les fois que sa propre industrie l’exige ? D’ailleurs il ne s’agit pas d’établir un droit spécial contre l’Angleterre. Le chiffre qu’on propose est un droit général qui affecte les tapis de tous les pays.
M. le ministre des finances a cherché à affaiblir l’assertion de M. Doignon sur le malaise de l’industrie de Tournay par la cote des actions de la société qui fabrique les tapis. Cette cote est pour lui une boussole sûre. Je ne lui ferai pas la réponse que M. Doignon lui a adressée. J’avoue que je n’en partage pas le fond. Mais je ferai observer à M. le ministre que cette cote, quoiqu’elle surpasse le pair des actions de la société, ne détruit pas l’assertion de M. Doignon. L’industrie des tapis peut avoir opéré sur 3 millions, tout en n’opérant aujourd’hui que sur un million. Il est possible que cette industrie restreinte dans ce dernier cercle, et ne produisant par prudence qu’en raison de la demande, fasse des bénéfices ; mais, dans ce cas, il resterait toujours vrai de dire que cette industrie est considérablement diminuée et qu’elle n’emploie plus le nombre d’ouvriers qu’elle employait auparavant. Or c’est ce que l’honorable député de Tournay a assuré. Pour renverser cette assertion, M. le ministre, au lieu de s’en rapporter à la cote des actions de la société, aurait dû prouver que l’industrie des tapis de Tournay produit, sinon plus, du moins autant qu’autrefois, et qu’elle emploie toujours un nombre égal d’ouvriers. Jusque-là l’assertion de M. Doignon restera debout.
M. le président. - Deux amendements sont proposés : l’un de M. Dumortier qui porterait le droit à 180 fr. les 100 kilog., l’ autre de M. Coghen qui porterait le droit à 125 fr. les 100 kilog.
M. Dumortier. - Je me rallie à la proposition de M. Coghen.
M. Rogier. - J’appuie la proposition d’ajournement faite par M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’ai demandé l’ajournement d’une manière générale, pour toutes les propositions nouvelles qui surgissaient de la discussion actuelle ; mais je dois reconnaître que ce n’est pas sans raison que M. Dumortier prétend établir une distinction avec sa proposition, parce qu’elle a été ajournée hier pour aujourd’hui.
Quoiqu’on ne puisse toutefois tirer la conséquence que la discussion de l’amendement de M. Dumortier soit inévitable en cette séance, je ne veux pas entamer une controverse sur l’ajournement ; elle ne nous mènerait qu’à perdre du temps. Je me bornerai à voter contre les propositions de MM. Dumortier et Coghen, et à maintenir le droit de 10 p. c. existant, lequel est plus que suffisant.
- L’amendement de M. Coghen, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. de Jaegher. - Messieurs, je n’ai pas voulu interrompre tout à l’heure la discussion concernant les tapis, mais je crois devoir en ce moment appuyer l’observation qui a été faite par l’honorable M. Angillis ; cet honorable membre a fait remarquer avec raison que l’ajournement est adopté pour certains articles, tandis qu’il est rejeté pour certains autres. On vient d’ajourner les propositions qui ont été faites par la commission relativement aux fils de lin et aux étoupes ; je voudrais savoir si M. le ministre de l'intérieur se réserve d’examiner ultérieurement la question ? Il est de fait que l’industrie dont il s’agit ici est en ce moment dans un état d’extrême souffrance : les Anglais viennent chercher les fils et les étoupes dans les Flandres et nous renvoient du fil beaucoup plus beau que celui qui est filé à la main chez nous ; ils peuvent le vendre à des prix d’autant plus bas que la matière leur coûte moins cher. J’ai cru devoir appeler l’attention du gouvernement sur cette question, car c’est une question de vie ou de mort pour les Flandres.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est certain, messieurs, que le gouvernement cherchera à s’éclairer sur l’importante question dont il s’agit ; lorsque nous avons demandé l’ajournement, nous n’avons en aucune manière entendu nous opposer à la discussion, pourvu qu’on fît des propositions de la commission l’objet d’un projet de loi spécial ; si donc la commission d’industrie veut formuler ses propositions en projet de loi, on pourra le mettre à l’ordre du jour et le discuter.
M. de Jaegher. - Je dois faire observer à la chambre que la commission d’industrie a fait une proposition formelle ; elle a proposé 25 fr. pour 100 kil. de fil écru ; elle a également proposé une disposition quant au fil blanchi, et enfin elle a formulé aussi un article concernant la sortie des étoupes. Je pense que rien ne s’oppose à ce qu’on envisage ces propositions comme un projet de loi spécial.
M. Desmet. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il ne pense pas qu’il serait utile qu’une proposition sur l’objet dont il s’agit vînt de son département, et s’il ne pourrait pas nous promettre de nous présenter dans un bref délai un projet de loi sur cette matière importante.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La chambre se trouve saisie d’une proposition ; je prendrai volontiers, sur la question, l’avis des chambres de commerce, et je l’examinerai avec soin ; si nous estimons qu’il y a lieu de donner suite au projet de la commission, nous serons les premiers à l’appuyer.
M. Desmet. - Messieurs, quand la commission d’industrie a fait ses propositions, elle les a faites d’après l’avis des chambres de commerce ; toutes ont examiné la question, et toutes, à l’exception de celle d’Anvers, se sont prononcées dans le sens des propositions de la commission ; il me semble donc très extraordinaire que M. le ministre, pour motiver sa fin de non-recevoir, s’appuie sur l’allégation qu’il faut consulter les chambres de commerce : qu’il veuille lire les avis de ces chambres, il verra qu’il ne doit plus consulter.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois, messieurs, que la question est fort importante et que M. le ministre a raison de dire qu’elle a besoin d’être méditée ; je pense qu’il ne faut pas consulter seulement les chambres de commerce, mais encore les commissions d’agriculture, car ces dernières n’envisageront peut-être pas la question sous le même point de vue que les chambres de commerce.
M. de Brouckere. - Messieurs, la discussion dont nous nous occupons en ce moment est absolument sans objet ; la chambre est saisie d’un projet de loi sur l’industrie linière ; elle le mettra à l’ordre du jour quand bon lui semblera. Quand je dis que la chambre est saisie d’un projet de loi, j’entends parler des conclusions de la commission que la chambre a renvoyées à un examen ultérieur : qu’en attendant la discussion de ces conclusions M. le ministre prenne tous les renseignements nécessaires et qu’on le mette ensuite l’ordre du jour ; mais ce serait perdre notre temps que de nous occuper maintenant de cette question.
M. de Jaegher. - Je partage tout à fait l’avis de l’honorable M. de Brouckere, mais je désirais que le gouvernement se prononçât sur la question de savoir s’il considérait les conclusions de la commission comme un projet de loi spécial ; maintenant que M. le ministre a fait une déclaration dans ce sens, je suis satisfait. Quant à l’observation de M. Eloy de Burdinne, je pense comme lui qui l’agriculture est intéressée dans la question et qu’on fera très bien de la consulter.
M. le président. - Nous allons passer à l’article « verreries. » Dans ta séance d’hier M. Gendebien a présenté un amendement concernant les glaces à miroir ; d’après la demande de M. Gendebien, s’il n’y a pas d’opposition, nous passerons à l’objet suivant.
On a adopté hier avec un amendement de M. Coghen à l’article « verrerie et cristallerie taillé ou gravée ; » nous avons donc à nous occuper maintenant de la « verrerie et cristallerie unie ou moulée. » Le droit d’entrée proposé à cet article est de 40 fr. par 100 kil.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
« Verre à vitre : 15 fr. par 100 kil. »
M. Rogier. - Messieurs, j’ai une explication à demander sur l’article précédent : le droit de 100 fr. s’appliquera-t-il indistinctement à tous les verres colorés, aussi bien unis qu’à ceux qui sont taillés ou gravés.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Non.
M. Rogier. - Alors il faudrait l’indiquer, car il y a beaucoup de verreries unies qui sont colorées, et si, lorsque les mots « colorés, etc. » se trouvent dans le premier article, ils ne sont pas répétés dans le second, le droit de 100 fr. pourrait très bien être appliqué à toutes les verreries colorées indistinctement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le droit de 100 fr. s’appliquera selon nous aux verreries et cristalleries taillées ou gravées, colorées, avec des applications de dorure ou de peinture ; mais le droit de 40 fr. s’applique aux verreries unies ou moulées, qu’elles soient colorées ou non. Si ce n’est pas ainsi que l’entend l’honorable M. Cohen, il faut convenir que l’observation de M. Rogier est très fondée, et qu’il serait alors nécessaire d’adopter dans le second article les mêmes expressions qui ont été introduites dans le premier.
M. Coghen. - Messieurs, j’ai proposé hier un amendement que vous avez adopté, et je me suis expliqué sur cet amendement ; j’ai dit qu’il y a des cristaux unis qui sont colorés ou dorés et qui ont une grande valeur, quoiqu’ils ne soient ni taillés ni gravés ; cette valeur est telle que si on appliquait à des objets semblables le droit de 40 fr., cela ne reviendrait pas à 1 p. c. La chambre a compris la proposition que j’ai eu l’honneur de lui soumettre, et elle l’a adoptée. Je crois que ces explications seront de nature à satisfaire l’honorable M. Rogier.
M. Rogier. - L’explication que vient de donner l’honorable M. Coghen me fait au contraire persister dans mon observation ; je ne pense pas que l’intention de la chambre ait pu être de frapper du droit de 100 fr. par 100 kil. les verreries unies, alors même qu’elles sont colorées, car beaucoup de verreries unies ne tirent pas une grande valeur de la couleur qu’on y donne, couleur qu’on n’est pas encore parvenu à y donner dans notre pays. Il est connu de tout le monde qu’on colore des verres d’une qualité très commune. Je demande si M. Coghen a voulu frapper ces sortes de verreries du droit de 100 fr.
M. Coghen. - Messieurs, je crois qu’on introduit très peu des verres que vient de citer l’honorable M. Rogier ; ces verres se font dans le pays. C’est là une seule exception, mais il y a beaucoup de cristaux unis qui sont colorés, dorés ou avec application, et qui ne sont ni gravés ni taillés. Ces objets ne paieraient pas 1 p. c. de la valeur si on leur appliquait le droit de 40 fr. les 100 kil. C’est pour éviter cela que j’ai proposé mon amendement dans la séance d’hier.
M. Verdussen. - Messieurs, je crois que l’honorable M. Coghen n’a voulu atteindre que les cristalleries colorées et non les verreries colorées ; mais par la place qu’il a donnée à son amendement dans l’article, il trappe les deux objets. Je pense donc que pour atteindre le but que se propose l’honorable M. Coghen, il serait nécessaire de ne faire porter les mots « colorée » ou « dorée » que sur celui de cristallerie.
M. Desmet. - Je crois que l’on n’a pas bien compris l’observation de l’honorable M. Rogier. M. Rogier a dit que dans l’amendement de M. Coghen se trouvent aussi compris les cristaux taillés, et cependant il a une grande différence entre les cristaux unis et ceux taillés, et c’est seulement cette énorme différence qui n’est pas atteinte dans la nouvelle tarification.
Nous avons trois espèces de verres colorés, les verres teints, ceux qui sont peints, et alors une troisième variété qui consiste dans les colorés, taillés ou unis.
Mais la différence n’est pas, comme le dit l’honorable M. Verdussen, la différence n’est pas dans le cristal et le verre, car on peint et on teint aussi bien le demi-cristal que le cristal, le verre que le cristal, mais taillé : la différence est, comme le dit M. Rogier, entre la taille et l’uni ; on pourrait donc faire deux catégories ; mais comme le verre peint particulièrement n’est employé que par les riches, je crois que l’amendement de l’honorable M. Coghen est très bien voté, et que nous devons le conserver tel qu’il a été adopté.
M. Coghen. - Je suis fâché de reprendre la parole, c’est pour faire observer qu’il est impossible d’établir une distinction. Je défie de distinguer le cristal du demi-cristal et bien souvent de la verrerie ordinaire, tant les procédés de fabrication sont aujourd’hui perfectionnés. On ferait dès lors entrer au droit de 40 fr. ce qui est cristal ; la loi deviendrait sans effet, et la ruine de notre industrie en serait le résultat.
- Personne ne demandant plus la parole, l’article de la verrerie et de la cristallerie est mis aux voix et adopté.
La chambre adopte successivement les articles suivants :
« Verre à vitre : droits d’entrée : 15 fr. par 100 kil. »
« Cloches à cylindre et bocaux, à la valeur : droits d’entrée : 20 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Bouteilles ordinaires, par 100 bouteilles : droits d’entrée : 6 fr. ; droits de sortie : 10 c.
« Bouteilles d’une contenance de 7 litrons et au-dessus, par pièces : droits d’entrée : 60 c. ; droits de sortie : 2 c.
« Fioles d’apothicaire, flacons d’eau de Cologne, et autres de cette espèce, à la valeur : droits d’entrée : 10 p. c. ; droits de sortie : 1,2 p. c.
« Verres cassés ou grésil : droits d’entrée : 10 c. ; prohibé à la sortie. »
M. le président. - Voici une proposition de M. Coghen :
« L’ouverture, le déballage, le réemballage et la fermeture des colis, seront faits par le déclarant à ses risques et périls. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je pense que l’adoption dans la loi d’un paragraphe qui tendrait à prohiber à l’importation les verres qui ne viendraient pas par parties séparées ; je pense, dis-je, qu’une telle disposition serait de nature à prohiber à peu près tout le verre venant de l’étranger. Car, comment les expéditeurs feraient-ils leurs assortiments ? Je demanderai aux membres de cette chambre qui connaissent le mieux la matière, si une pareille condition était attachée à l’importation de nos verreries à l’étranger, s’ils ne regarderaient pas cette condition comme prohibitive de la marchandise. Il me semble que l’amendement de M. Coghen dont il vient d’être donné lecture, serait bien suffisant, et qu’il est inutile d’aggraver les embarras déjà assez grands de l’importateur. L’amendement de M. Coghen met aux frais et périls du commerce le déballage de la marchandise ; or, le déballage donnera aux employés le moyen de s’assurer de la qualité de la verrerie, de sorte que la proposition consignée à la suite des chiffres du tarif portant obligation d’introduire par espèces deviendrait une superfétation de l’amendement de M. Coghen.
M. Coghen. - Messieurs, la commission que l’honorable ministre de l’intérieur a réunie dans ses bureaux a reconnu, après de longs débats, l’impossibilité de ne pas exiger que l’importation se fasse dans des colis différents pour chaque classification. On a démontré que si l’on pouvait mêler les cristaux moulés avec les cristaux taillés, on ne paierait jamais que le droit de 40 fr. En effet, il est impossible, à moins d’être un homme tout à fait spécial dans la matière, de ne pas être trompé. L’on est parvenu à mouler aujourd’hui avec une telle perfection que l’on ne peut distinguer la moulure de la taille. Si vous permettez que deux assortiments puissent se trouver ensemble, on les mêlera, et toutes les dispositions que vous aurez introduites dans la loi seront illusoires ; le seul tarif applicable sera celui de 40 fr., c’est-à-dire la ruine totale de nos établissements indigènes.
Quant à mon amendement, il a pour but de rendre la vérification possible. Si un douanier qui a un traitement de 8 ou 900 fr. est obligé d’ouvrir et de déballer les caisses à ses risques et périls, il s’expose, par la moindre maladresse, à perdre son traitement d’une année, en cassant un vase ou tout autre objet de valeur qui peut coûter de 7 à 800 fr.
Pour ne pas s’exposer à ces inconvénients, ils ne toucheront pas aux colis et la vérification ne se fera pas. C’est pourquoi il faut obliger le déclarant à déballer et réemballer la marchandise qu’il veut importer. De cette manière vous serez certains qu’il n’y aura pas de fraude et que la vérification se fera.
M. le président. - Voici l’amendement que propose M. Coghen :
« L’ouverture, le déballage et le réemballage des verres et verreries, sera fait par les déclarants à leurs risques et périls. »
M. Rogier. - Je ne sais si j’ai quelque chance de réussir, mais je crois devoir faire tous mes efforts pour m’opposer à la marche dangereuse dans laquelle il me semble qu’on s’engage. Voilà encore une disposition nouvelle qu’on propose pour les verreries ; je pense que pour aucun produit on n’exige que le déballage et le réemballage se fassent aux risques et périls de l’importateur quand il n’y a pas fraude. Je conçois que quand il y a fraude, les accidents de la visite sont à sa charge. Mais quand il n’y a pas fraude, je ne vois pas pourquoi on ferait tomber sur lui ces accidents. Si le déballage présente un danger pour le douanier, il en présente également pour l’expéditeur. D’ailleurs l’expéditeur ne sera jamais à la frontière pour déballer la marchandise, ce sera le plus souvent le charretier qui devra faire cela, et il aura plus de maladresse que le préposé.
Il est impossible de mettre à la charge de l’importateur les conséquences du déballage. Si le déballage présente du danger pour l’administration, il en présente également pour l’importateur, et dès lors qu’il n’y a pas fraude, les conséquences de la visite doivent être à la charge du gouvernement. Il faut appliquer aux verreries la règle généralement adoptée en matière de douane.
On vient de dire que si on ne portait pas le droit à 100 fr. les 100 kil., les verreries indigènes seraient ruinées. Comment ont donc vécu nos verreries jusqu’à présent ? Sous l’empire d’un droit de 6 et de 4 p. c. (Interruption.) Oui, messieurs, un droit de 6 et 4 p. c. du côté de l’Allemagne, et la prohibition, il est vrai, par la frontière de France.
Une voix. -Il n’en vient pas d’Allemagne.
M. Rogier. - Pourquoi les frapper de droits, s’il n’en vient pas ? Je dis qu’il en vient, et c’est pour cela qu’on présente toutes ces propositions souverainement injustes, aggravantes, contre l’Allemagne.
N’oublions pas, messieurs, que l’avenir de la Belgique est en partie lié à l’Allemagne. La construction du chemin de fer, si cette voie nationale est exploitée comme elle doit l’être, c’est-à-dire avec énergie et intelligence, devra amener des relations très fréquentes avec l’Allemagne. Si vous frappez de droits élevés les produits que la Belgique peut en tirer, vous paralyserez les effets de cette grande institution nationale.
C’est un fait facile à vérifier ; il n’est, pour ainsi dire, personne qui ne vienne de l’Allemagne sans en rapporter des assortiments de verreries et de cristaux. D’après le système nouveau qu’on propose, il faudrait que tous les colis ne renfermassent que des cristaux d’une même espèce ; en deuxième lieu, on veut que la visite et le déballage se fassent aux risques et périls de l’importateur ou du déclarant.
Je demande si, avec de telles conditions, personne n’osera prendre sur soi d’introduire en Belgique des verreries allemandes. On dit que ce n’est pas contre les verreries allemandes que la mesure est proposée ; mais, je le répète, pourquoi renforcer le système qui existe actuellement vis-à-vis de l’Allemagne.
Il se passe quelque chose de vraiment inconcevable. J’ai besoin de modérer l’expression de mon opinion ; mais si le système dans lequel on a marché jusqu’à présent, continue à être défendu de la même manière et dans les mêmes intérêts, je ne sais pas si je pourrais rester dans les bornes de modération dans lesquelles je me suis maintenu jusqu’à présent.
Il est dans cette enceinte des opinions désintéressées ; j’espère qu’elles finiront par prendre le dessus. Il est des situations qui devraient s’abstenir de faire des propositions en matière
M. Dolez. - Notamment sur la question des sucres !
M. Rogier. - La question des sucres était une question nationale, une question qui intéressait tout le pays. Je n’ai d’actions dans aucun établissement, et je suis à cet égard tout à fait indépendant.
M. Coghen. - Ce ne sont pas les manufacturiers de cristaux et verreries qui ont demandé le changement du tarif. On a proposé de supprimer la prohibition vis-à-vis d’un pays qui ne reçoit point nos produits, qui ne reçoit ni nos verreries ni nos cristaux, qui est armé d’une triple ligne de douane et qui veut écraser la concurrence de nos fabriques, et qui n’ose pas recevoir sur ses marchés les produits de notre industrie, de notre activité. On n’a rien demandé contre l’Allemagne, on a voulu faire entrer la France dans le droit commun de notre tarif, et on a proposé de remplacer la prohibition par des droits. Mais on verra quelle sera la conséquence de cette mesure ; nos fabricants de verreries seront obligés, comme l’ont été déjà plusieurs autres industriels, d’aller établir ailleurs le siège de leur industrie.
J’ai vivement appuyé le projet de loi relatif au chemin de fer ; mais si son avenir dépendait du transport de quelques misérables caisses de verreries ou de cristaux, nous aurions fait en le décrétant une chose bien ridicule.
Je m’abstiens ordinairement de parler dans les questions dans lesquelles je suis intéressé ; mais si cela était établi en principe, je devrais m’abstenir dans presque toutes les questions qu’on traite ici, et il devrait en être de même de chacun de nous, car le propriétaire devrait s’abstenir de parler de l’impôt foncier, celui qui possède le moindre meuble ne pourrait parler sur la contribution personnelle. Enfin, ce principe admis, personne n’aurait un mot à dire dans cette chambre. Nous serions réduits à rester muets, et je le demande, par qui les lois seraient-elles votées ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - On ne peut pas adopter ces deux propositions cumulativement.
M. Coghen. - Si la mienne porte ombrage, je la retire.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La proposition que j’ai faite a paru offrir des garanties suffisantes ; c’est celle faite par la chambre de commerce de Bruxelles, mais on ne peut pas y ajouter celle proposée par M. Coghen.
Revenant aux considérations générales relatives à notre commerce avec la France, je dois déclarer de nouveau que si la France devait être traitée en ennemi, elle vous fermerait les vastes débouchés que vous trouvez chez elle.
Il s’agit de savoir si nous voulons avoir oui ou des relations de commerce avec la France. Si nous la maintenons hors du droit commun de notre tarif, nous devons nous attendre à des représailles ; chacun de vous pourra peser les conséquences de son vote ; nous aurons fait notre devoir ; chacun en sera pour son compte.
Voilà la disposition que M. de Brouckere a rappelée :
« L’importation des verreries et cristaux de toute espèce est prohibée, autrement que par parties séparées, selon la classification du tarif. »
On a jugé que cette disposition était nécessaire pour avoir une garantie contre la fraude, parce qu’il y a différentes catégories.
M. de Brouckere. - Je n’aurais pas pris la parole sans les insinuations que nous venons d’entendre. Je fais observer que je me suis borné à rappeler une proposition qui se trouvait dans un projet. Pour prouver que je n’ai aucun intérêt à son adoption, je ne voterai pas. Pour moi il m’importe peu que la disposition soit adoptée, mais il est de l’intérêt général qu’elle le soit ; cependant je m’abstiendrai de voter, pour repousser ces petites insinuations qui sont peut agréables.
M. Desmet. - Messieurs, je dois relever ce que vient d’avancer si gratuitement l’honorable ministre de l’intérieur ; en l’entendant parler, on dirait bien que ceux des membres qui vont rejeter la loi agiraient hostilement contre la France. Libre à l’honorable M. de Theux d’émettre une telle opinion, mais il sera difficile à lui de l’appuyer de quelque preuve. Est-ce que M. le ministre pense donc que c’est dans l’intérêt de la France de froisser tous les jours l’intérêt des Belges, et d’anéantir complétement toutes les branches de leur industrie ; pense-t-il, ce ministre, qu’il soit dans l’intérêt de la France et son gouvernement qu’on sème le mécontentement parmi toute la Belgique ? Pour moi je pense que non, et je ne crains point un démenti de la part du gouvernement français ; je suis au contraire convaincu que ce gouvernement ne désire rien plus que la Belgique soit prospère, que son industrie fleurisse, et que son contentement dans l’ordre actuel des choses augmente tous les jours de plus en plus.
D’ailleurs nous savons que notre ministère a proposé des modifications au tarif actuel, bien plus fortes et plus nombreuses que le gouvernement français ait jamais exigées ; la discussion dans la chambre des députés, qui a eu lieu l’an dernier à l’occasion du tarif français, l’a clairement prouvé ; plusieurs ministres ont avancé que le ministère belge avait promis beaucoup plus de concessions qu’ils auraient jamais espéré d’obtenir, et à cette occasion ils ont cité la levée de la prohibition pour les draps et les cristaux, et beaucoup de membres de la chambre française ont témoigné leur étonnement que la Belgique ferait toutes ces importantes concessions, tandis que la France n’avait rien fait pour la Belgique en fait de douanes. Plusieurs de nos collègues qui ont lu ces débats pourront confirmer ce que je viens d’avancer.
Il est donc certain que le ministère a proposé des modifications outrées dans notre tarif, et que la France lui a servi de prétexte ; il l’a fait, comme j’en ai la conviction, pour nourrir de plus en plus le déplorable système de liberté illimitée de commerce qui règne dans le bureau du commerce et de l’industrie du département de l’intérieur, et qui, comme je l’ai encore dit hier, va tuer l’une après l’autre de toutes les branches de l’industrie nationale, comme nous venons de le voir dans cette séance, quand M. le ministre de l’intérieur s’est servi d’une fin de non-recevoir pour repousser une proposition qui tendant à améliorer le sort de nos pauvres fileuses, et prémunir contre les attaques de l’étranger notre importante industrie linière.
Je répète donc que c’est à tort que le ministre a dit que ceux qui voteraient contre le projet agiraient hostilement contre la France. Ceux qui voteront contre la loi savent bien que quand vous feriez à la France plus de concessions qu’elle demande, jamais elle ne viendra négocier avec vous, et que nous n’obtiendrons un traité de commerce d’elle ; dans ce pays on connaît les besoins de l’industrie et on les soigne, on y est plus adroit que chez nous, et l’intérêt de la France avant tout est l’adage qui n’y a jamais été méconnu ; ceux qui voteront contre la loi sont ceux qui veulent un traité de commerce avec la France, qui désirent de tout leur cœur que toutes les lignes de douanes soient levées entre la Belgique et la France ; ils veulent être unis à la France commercialement comme nous le sommes politiquement, mais je ne pense pas que cette opinion domine très fort dans notre bureau de commerce ; il me semble au contraire d’y voir une tendance tout autre, celle d’entrer dans l’union allemande ; tout ce qui s’y finit m’en donne la conviction, ; et c’est ici que je trouve qu’on agirait hostilement contre la France.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois dénier l’assertion que la France n’aurait pas demandé la levée de la prohibition sur les verreries. J’ai annoncé le contraire en présentant le projet de loi, parce que la prohibition est spéciale contre la France et que c’est une injure envers une nation amie que de prohiber nominativement les produits de son industrie.
Un membre. - Elle fait de même.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Non elle ne prohibe pas les verreries belges, elle prohibe les verreries en général. Prohibez aussi, si vous voulez, les verreries en général.
Un membre. - Ce n’est pas la question.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable M. Desmet peut poser la question comme il le juge à propos. Nous pouvons aussi la poser, et nous la posons d’une manière conforme à la vérité des faits.
Si l’honorable M. Desmet veut voter contre le projet de loi, libre à lui. Libre à la majorité de la chambre de faire de même. Mais nous ne prenons pas sur nous les conséquences de ce vote. Nous avons fait ce que nous avons jugé utile aux intérêts du pays. La chambre décidera sous sa responsabilité comme elle le jugera convenable.
M. Desmet. - Quand on dit que la Belgique s’est montrée hostile à la France dans sa législation douanière, cela n’est pas exact. Quand nous avons changé notre législation en 1823, c’était la France qui avait la première agi contre nous.
Jusqu’à présent, qu’est-ce que la France a fait pour nous ? Rien ; et elle ne fera rien encore parce que vous lui concédez tout.
M. le président met aux voix la disposition suivante :
« L’importation des verreries et des cristalleries de toute espèce est prohibée autrement que par parties séparées, selon la classification du tarif. »
- Cette disposition est adoptée.
La chambre passe à la discussion de l’article suivant :
« Glaces à miroir : droit d’entrée, 6 p. c. ; droit de sortie : 1/2 p. c. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La chambre de commerce de Bruxelles, qu’on n’accusera pas sans doute d’avoir proposé des droits trop modérés, est d’avis que les glaces à miroir doivent former deux catégories : glaces étamées et glaces non-étamées. On comprend le motif de la différence ; c’est que la main-d’œuvre est plus grande dans les glaces étamées. La proposition de la chambre de commerce consiste à imposer la première catégorie à 8 p. c. et la second à 10 p. c.
Vous voyez que cela se rapproche de très près de la proposition de l’honorable M. Gendebien. J’espère donc qu’il s’y ralliera.
Comme nous devons reconnaître que les glaces à miroir sont en général des objets de luxe, il n’y a pas d’inconvénient, en envisageant l’article sous le rapport des revenus du trésor, à admettre les chiffres que je viens d’indiquer.
M. Gendebien. - J’ai été frappé de la faible quotité du droit dont sont imposées les glaces à miroir, qui sont assurément un objet de luxe. Ceux qui veulent avoir des glaces peuvent facilement payer un impôt pour se passer cette fantaisie. J’ignore quelle somme ma proposition produira au trésor. Si elle est de peu de ressource pour le trésor, elle aura l’avantage d’encourager l’établissement de manufactures de glaces dans le pays. Vous avez entendu hier un honorable orateur vous dire qu’il en serait établi au 1er janvier 1839.
Je ne crois pas que le droit que j’ai proposé soit trop fort. En France, le droit est de 15 p. c. En Angleterre, où le droit est proportionné à la dimension, ce qui est très rationnel, le droit d’élève jusqu’à 60 p. c. sur les glaces de grande dimension.
Je ne veux pas tomber dans cette exagération. Pour me rapprocher de la proposition du ministre, je prendrai le juste milieu, quoique j’y sois généralement hostile. Le ministre des finances a proposé les droits de 8 et de 10 p. c. Je proposerai 10 et 12 p. c. De si faible ressource que soit cet impôt pour le trésor, il a d’autant moins d’inconvénients que c’est une recette certaine.
Si ces droits sont insuffisants pour protéger la fabrication des glaces, on pourra les changer. C’est un essai qu’on fera cette année ; selon l’expérience qu’on aura faite, on pourra changer ces chiffres l’an prochain.
- L’article « glaces à miroir » est adopté avec les chiffres proposés par M. Gendebien, comme suit :
« Glaces à miroir non étamées : 10 p. c. »
« Glaces à miroir étamées : 12 p. c. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense qu’il y a nécessité d’introduire dans les dispositions particulières à l’article « verreries » la disposition suivante :
« Lorsque les verreries et cristalleries forment, comme partie principale, un ensemble avec des objets d’une autre nature auxquels elles sont adhérentes, elles paient, au lieu des droits au poids indiqués ci-contre, un droit à la valeur, savoir :
« Droit d’entrée, 10 p. c. ; droit de sortie : 1/2 p. c. »
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La chambre a terminé le vote du tarif.
M. Demonceau. - Dans le projet de loi qui a été distribué, on ne parle ni de draps ni de verreries. Il y a une colonne d’observations, contenant les dispositions particulières. Je pense que maintenant l’intention du gouvernement est que les dispositions particulières comprennent ;
1° L’amendement relatif à la prime, en ce qui concerne les draps et casimirs ;
2° La disposition par laquelle la chambre a décidé que la prohibition des draps et casimirs d’origine française serait levée au 1er janvier 1839.
En cela on se conformerait fidèlement à l’observation faite dans une précédente séance, tendant à ce que le gouvernement mît le tarif en vigueur pour tous les objets énoncés dans le projet de loi ; sauf les draps et casimirs sur lesquels la prohibition serait levée le 1er janvier 1839.
Je voudrais que le gouvernement s’expliquât sur ce point.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Cela est clair. Nous nous sommes expliqués sur ce point. Il ne peut y avoir aucun doute.
On procède par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
57 membres sont présents.
36 votent l’adoption.
21 votent le rejet.
En conséquence le projet est adopté et sera transmis au sénat.
M. Verdussen. - Je me suis abstenu de prendre part à la délibération, parce que si la loi contient des articles auxquels je ne puis accéder, elle en contient d’autres qui me conviennent davantage.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, David, de Jaegher, de Longrée, W. de Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Kervyn, Lardinois, Mast de Vries, Milcamps, Mercier, Metz, Nothomb, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Simons, Ullens, Vandenhove, Willmar et Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Angillis, Coghen, Coppieters, de Florisone, de Foere, de Langhe, de Meer de Moorsel, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dumortier, Gendebien, Hye-Hoys, Lecreps, Maertens, Morel-Danheel, Rogier, Stas de Volder, Vandenbossche, Vergauwen et Verhaegen.
M. le président. - Je dois consulter l’assemblée sur l’ordre du jour du la séance de demain.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je proposerai de mettre à l’ordre du jour le projet concernant l’assimilation des routes empierrées aux routes pavées en temps de dégel. On conçoit qu’il est urgent.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Comme il serait possible que le projet indiqué par M. le ministre des travaux publics n’occupât point toute la séance de demain, je demanderai qu’il soit mis aussi à l’ordre du jour le projet de loi sur les abonnements de boissons distillées. Ce projet est de nature à produire des revenus au trésor, et nous avons besoin de ressources. Sous ce rapport, il doit être considéré comme urgent. Il est indispensable, en effet, que la chambre prenne une décision pour ou contre ce projet, compté comme devant rapporter 900,000 fr. S’il n’était pas adopté, il faudrait aviser à d’autres moyens pour mettre les recettes au niveau des dépenses.
M. Dumortier. - Je demanderai que l’on mette en discussion le projet de loi qui tend à modifier le droit sur les esprits étrangers. Ce projet est une annexe à celui que nous venons de voter.
- La chambre adopte les propositions de MM. les ministres des travaux publics et des finances.
La séance est levée à 4 1/2 heures.