(Moniteur belge n°365, du 31 décembre 1837 et Moniteur belge n°1, du 1er janvier 1838)
(Moniteur belge n°365, du 31 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à onze heures et demie.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier dont la rédaction est adoptée.
M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur François Hamel, exécuteur des hautes-œuvres de la province de Liége, demande que son traitement soit porté à 4,000 fr., la population de la ville de Liége dépassant 50,000 âmes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Un grand nombre de négociants, raffineurs et armateurs de la ville d’Anvers, demande que la chambre revienne sur le vote de l’amendement de M. Dubus (aîné), qui porterait un coup mortel au commerce en général. »
« Le conseil communal de la ville d’Anvers demande que la chambre ne maintienne pas au second vote le chiffre de la décharge sur les sucres contenu dans l’amendement de M. Dubus (aîné).
- La chambre ordonne le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux sucres ; sur la proposition de M. Verdussen elle en ordonne en outre l’insertion au Moniteur.
Voici ces pétitions :
« A MM. les membres de la chambre des représentants.
« Messieurs,
« Au moment où la chambre vient d’émettre un premier vote qui blesse et sacrifie leurs plus précieux intérêts, les soussignés croient devoir s’adresser à vous, au nom du commerce d’Anvers, au nom du commerce belge tout entier. Ils ne chercheront pas à démontrer que, sans prospérité commerciale, il n’y a pas de prospérité réelle pour un pays : ce serait une chose superflue pour des hommes éclairés. Nous vous répéterons seulement que les conséquences du premier vote émis par la chambre seraient destructives pour le commerce et la navigation, qui, à force d’activité et d’industrie, commençaient à se relever des suites de la révolution au détriment de nos rivaux ; qu’en outre ce vote aurait pour conséquence infaillible de faire pourrir dans nos ports, faute d’emploi, les navires pour la construction desquels vous avez récemment voté une prime, et laisserait sans résultat les subsides votés en faveur d’agents commerciaux dans les pays transatlantiques. Si tout le commerce n’a pas été anéanti, c’est à l’industrie des raffineurs, c’est à l’importation et à l’exportation des sucres exotiques que nous devons en grande partie ce bienfait.
« La loi que vous allez voter est excessivement grave ; votre décision est attendue avec anxiété dans le pays et ailleurs peut-être. Les soussignés vous prient instamment de ne pas émettre un second vote, conforme au premier, sans avoir bien pesé toutes les conséquences d’une mesure qui fera au commerce une blessure profonde et irréparable.
« Ils ont l’honneur d’être, messieurs, avec confiance,
« Anvers, le 29 décembre 1837.
« Albert Cogels. Frères Nottehohm. L’Agence de la société de commerce de Bruxelles à Anvers. Bisschop-Basteyns et N.-J. de Cock. J.-G. Rucker et comp. J.-M. Fraser et comp. Young frères et comp. Michiels-Loos. Coomans et Born. J.-A. Elsen et van Linden. David et de Boe. Jacq. Serruys et comp. J.-F. Pascal et comp. Egide van Regemortel. Jean Key. Egidius de Bakker en zoon. Joseph-J. Legrelle. Delisle, Janvrin et comp. G.-J. Oostendorp. Jean-Louis Lemmé et comp. Joseph Elsen. J. Bogaerts fils. D. Grenier et comp. Jos.-G. Verbucken. Dedecker-Cassiers. J.-J. Baesten et Ommeganck. J. Podor. Lejeune et Spruiyt. Le directeur de la raffinerie anversoise J.-B. Huysmans. Thomas Maingy et comp. J.-J. Bavais et fils. H. Gevers et Aerts. N. Josson. Guillaume de Craeeker. Juste Vanstratum et c. A. Huens. L. Falcon. Stappaerts frères. Alfred Barrow, Putman et comp. Jean Schul. F. van Pruyssen. J.-F. van Noten. J.-C. Vandevelde et comp. Jean Gevers. Jacq.-C. Verbuecken.Vandervoordt et Covelier. Werbrounck van Pruyssen. L.-J. Vandenhove. G.-J. Dubois. Henri de Poorter. Peeters-Gevers et comp. W.-J. Marsilly. De Brouwere-Vanverre et comp. Hamilton, Ortman et comp. Brequigny.Veuve F.-J. Haine. Spilliart-Caymans. J. van Oevelen. Veuve J. Laermans. P.-M. Ergo et comp. Huens-Stuyck. G. van de Abeele. Victor Declercq. Jos.-G. Verbuecken. Segers, frèresn Emile Sibilie, L. Hammell et comp. Gevers frères, J.-F. Segers. J. Nagels. Les soeurs Vitse et comp. J.-B. E. van Montenaeken. L. Schell, P. Lycops. Peeters van Cutsem. H. Matthyssens. J. van Brée. F. Grisar. G. Verhoustraeten et fils. Gamain. Edouard Kums. Fontyn. E. Koelman. Henri Vrancken. Frédéric-C. Schroder. Ang. Morel. Nicolas van Lerius. D. Mauroy. J. Lehouck. J. Gys. F. van den Wouwer. J.-L. Demets-Dewinter. Jacq. de Gruytters, Aug. Demets et comp. J. Rom. J. Muls. B.-H. Koelman. J.-B. Donnet., Melchior Krump. Vandevin-Maus. Demot et Nauts. Ch.-Const. Van Kerkhoven. G. Kempeneers. Osy et comp. Pauwelaert. Vermoelen et Wouters. Jules Delcroix. G. et C. Kreglinger. Aug. Cambier. Van den Bergh fils. F. Danes. J.-B, van den Bogaert. J. van den Eynde, D’Huyvetter et Raymaekers, Reyniers-Vrancken, Charles van Nyen, M. Kramp, F.-C. Spruyt et compagnie, A. van Bomberghen, P. van Meersel, A. Lejeune, Jollie-Clibborn et compagnie, Rayé, J. Guichard, P. -J. Thomas, J.-B. van Pelecom, A.-J. Beerenbroeck, P. Ianssens, Werbrouck-Pieters, Charles Grisar, David Verbist et compagnie, Joris et Storms, J.-B. Pottieuw, P.-J. Tillemans, J.-J. Meugens, A. Junonet et Coulen, E.-J. Jackson, Cornelissen et Eykens, Fieser et de Bruyn, Dumortier fils, F. Matthyssens, Van Geetruyen van den Dries, E. Deliagre, Jacques Levoir, J. van Witte, A. de Harven, De Lyon Thym, Marchal frères et compagnie, V. Aulit, L. Strybos, Wynkelmans et Lulofs, J.-F. Fernau, Le Jeune et de Feyter, A. de Harven fils, Ed. Serrure, J.-M. Grisar, Ch. Moons, Berre-Gilles, F.-C. Berré, J. Woch, P. de Gorter, H.-J. van Damme et compagnie, L. de Bruyn, Godts et Corluy, D.-J. Pauwels, P.-J. de Grooff, J.-B. Govaerts, E. et A. Weber, A. van Endert, C. Somers, Jongeneelen-Somers, Pharazyn-Vrancken, Jean-C. Neerynckx, P.-J. vander Heyden, J.-P. Rones, F. Vandewygert, J. Bloemaert, Constant Werbrouck, J. Vercauteren, Wasse et Craemer, F. Biart, J. Le Grand, Kay et compagnie, P.-J. Cattie, H. Serrigiers, Pelgrinis Hanegraeff, L. Gilliams, J. Formenau, A. Verachter, A. Kums, C. Gobart, P. Willaert de Wael, Louis Amy, Wagemans et Gislain, A.-J. de Meyer, J. Gossen, C.-G. Rosseels, A. Reusens, N. Strybos, L.-A. Schepens, De Bruyn et compagnie, De Winter de Coster, J.-P. van Wint, Abm Steens, C.-J. de Mathieu, C.-J. Stoopen, J. Emsens, E. Wappens, A. Aulit, Max. van den Bergh, J.-B. Bosschaert et compagnie, Pauwels, P.-J. Janssens, A.-J. de Wyndt, M. du Bois, G.-J. Moll, P.-J. Kistemaekers, A. Werbrouck, J.-F. de Geest, J. Huysman, J.-F. Dewyndt, H. Demedts, H. Leroy, H. van Cannaert-Dhamaele et fils, B. van Montenaecken, H.-L. de Jonghe, J.-B. Segers, F.-J.-A. Meuleman, P. Delaere fils, J. van Lerins, F. Vanhove, Delacour, H. Stockmans, F. Salemans, Vanput et F. Meeus, C. Gyssels, M.-V. de Ridder, Aug. Joris, A. Chantrainne, A.-J. Govaerts, F.-A. Faes, J. Carolus ; Jos. Basteyns, Vander Stappen, Van Geel, J. Thomas, F.-B. Belleroche, J.-F.-A. Balette, C. van Bomberghen, H. van den Bergh, E. Olislaeger, J. Fenner, J. van Weddingen, Guill. Verbist, L.-J. Flébus, J.-J. Bressers et compagnie, J.-B. Joors, P.-J.-J. van Douveren, Fréd. Werbrouck, Niedering, J. Dumercy, P.-J. Vandewiel, W. Verlinden, C. Van donghen, J. van Wallendael, Hartung, E.-F. van Sulper, F. Bisschop, F. Janssens, J. Verschueren, A.-J. Strybis, C.-J. de Waeresegger, J.-M. Reis, B. Kennedy, A.-J. Ansiau, F. Delaet fils, Frilx, J.-B. Eebr, Aug. Stappaerts, Jules Ferrée, P. Wattel, Franç.-H. Elsen, Société anversoise des bateaux à vapeur. »
« Le conseil communal de la ville d’Anvers,
« A la chambre des représentants.
« Messieurs,
« La décision que vous avez prise dans votre séance du 27 de ce mois, de porter le rendement des sucres pour la décharge à l’exportation, à 6 p. c. pour les pains et candis, et à 70 p. c. pour les lumps, conformément à l’amendement proposé par M. Dubus, a jeté le découragement et la consternation dans notre ville, parce qu’elle voit les conséquences désastreuses qui doivent en résulter pour elle et pour le pays en général.
« C’est dans la perplexité d’une pareille position, qu’il appartient à la métropole du commerce de la Belgique d’élever la voix et de faire un appel, messieurs, à votre nationalité, afin d’empêcher que le vote définitif que vous allez être appelés à donner à la loi actuellement soumise à vos délibérations, ne vienne sanctionner ce que nous considérons comme un arrêt de mort porté contre notre commerce de sucre, une véritable calamite publique dont les résultats les plus immédiats seront la ruine d’une grande partie de nos nombreuses raffineries et des industries qui s’y rattachent, établies à grands frais sur la foi de la législation existante, la perte de notre marine marchande, qui, à l’aide d’une loi d’encouragement que vous avez décrétée naguère, commençait à se relever de sa décadence, et enfin l’anéantissement des moyens d’exportation faciles et économiques, auxquels nos divers produits industriels et agricoles doivent surtout de pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés étrangers.
« Ces conséquences sont trop frappantes, et elles ont déjà été développées avec trop de vérité devant votre assemblée, messieurs, pour avoir besoin ici d’une nouvelle démonstration : ce qu’il nous importe de vous déclarer, c’est que l’amendement que vous avez adopté, s’il était jamais converti en loi, n’atteindrait aucunement le but que vous vous êtes proposé, et qu’ainsi cette loi porterait gratuitement un préjudice immense au pays, en tarissant ses principales sources de prospérité sans compensation aucune.
« Le but de M. le ministre des finances, en vous proposant des modifications à la loi des sucres, a été évidemment de faire payer à cette denrée sa part d’impôt au trésor ; mais il n’a pu entrer dans sa pensée, il n’a pu entrer dans la vôtre, messieurs, d’adopter des modifications qui seraient destructives du commerce au sucre exotique.
« Or, il n’y a d’existence possible pour lui qu’en lui conservant ses moyens d’exportation ; si vous les lui ôtez, toute son importance se réduira à la faible part qu’il viendra prendre dans la consommation intérieure, qu’il se disputera avec le sucre indigène ; et comment admettre qu’il pourra encore soutenir la concurrence sur les marchés étrangers avec le sucre hollandais, si vous placez nos raffineurs dans des conditions infiniment moins favorables que celles du raffineur hollandais ! Il est évident que tout le savoir-faire et l’économie de nos industriels ne sauraient suppléer au désavantage d’une pareille position.
« Il en résultera donc que le sucre exotique, réduit à soutenir la concurrence avec celui produit par la betterave, concurrence qui ne peut être que nuisible à tous deux, ne rapportera plus au trésor qu’une bien faible somme, et s’il venait à succomber dans la lutte, tout impôt disparaîtrait.
« Il est vrai qu’alors la betterave jouirait seule et sans partage du monopole de la consommation intérieure, mais il est vrai aussi que le trésor n’y gagnerait rien, à moins de la grever d’un impôt qui se résumerait en une charge nouvelle pour le consommateur ; mais avec une semblable perspective, pouvez-vous vouloir, messieurs, qu’une industrie sans influence commerciale aucune vienne s’établir sur les ruines de nombreuses industries vitales et fécondant de leur nature toutes les sources de notre prospérité nationale, en même temps qu’elles sont destinées dans leurs rapports avec les pays lointains, à donner à notre Belgique cette influence politique que nous devons tous être jaloux de lui voir acquérir ?
« Nous concevons, messieurs, que toute industrie qui jouit de la protection du gouvernement doive contribuer dans une proportion équitable aux charges de l’Etat. Aussi le conseil communal d’Anvers, qui a voté la présente adresse à l’unanimité, n’eût-il pas élevé la voix si la chambre eût adopté, tout aggravant qu’il est pour l’industrie, le dernier amendement de M. le ministre des finances, qui vous a été présenté à la séance du 27, et consistant à porter le rendement pour les pains et candis à 57 p. c., et pour les lumps à 60 p. c., avec une perception de 10 p. c. sur le montant de l’accise. Il est certain que cette nouvelle combinaison, fruit d’un plus mûr examen de cette question importante, doit satisfaire toutes les exigences contraires à la législation actuelle ; car est évident qu’elle rapporterait au trésor bien au-delà du million que vous désirez lui faire percevoir sur le sucre colonial ; d’autre part, elle donnerait au sucre indigène une protection plus efficace que le rendement exagéré présenté par M. Dubus, et elle aurait encore l’avantage de conserver en partie au pays une branche de commerce dont l’influence salutaire sur notre prospérité industrielle est incontestable.
« Nous ne doutons pas, messieurs, que toutes ces considérations prévaudront dans votre esprit, et vous porteront à revenir sur une mesure qui, nous vous le déclarons en toute sincérité, serait fatale aux intérêts généraux que vous avez mission de défendre.
« Si, dans cette occasion, messieurs, nous venons vous parler au nom des intérêts généraux du commerce menacés, c’est qu’ils sont inséparables des intérêts spéciaux de la ville d’Anvers, et, en défendant la cause de tous, nous défendons aussi la nôtre.
« A ce double titre, nous croyons avoir droit à vos égards et à toute notre sympathie.
« Si nous avions besoin, pour vous intéresser à notre réclamation, d’autres considérations que celles de l’équité et de l’intérêt général, nous pourrions vous rappeler, messieurs, qu’indépendamment des pertes que les circonstances ont amenées, le commerce a eu à subir déjà la privation bien importante d’une branche de commerce qu’il avait su conquérir sur nos ci-devant frères du Nord. Tous ces sacrifices, le commerce les a supportés avec résignation : mais il est juste qu’on lui tienne compte de sa résignation, et aujourd’hui qu’il s’agit de lui ravir encore les plus précieux débris de sa fortune passée, le conseil communal d’Anvers ne peut rester impassible, et il s’adresse avec confiance à votre loyauté, messieurs les représentants, pour mettre sous votre sauvegarde la défense de ses intérêts qui sont aussi ceux du pays tout entier.
« Anvers, le 28 décembre 1837.
« Le bourgmestre président, Gérard LEGRELLE.
« Par ordonnance :
« Pour le secrétaire, l’échevin G.-J. OOSTENDORP. »
M. B. Dubus, secrétaire, fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
Messages du sénat, faisant connaître l’adoption du budget des travaux publics, exercice 1838, et d’un crédit supplémentaire pour subvenir aux dépenses du conseil des mines pendant l’exercice 1837.
- Pris pour notification.
Messages de M. le ministre des finances transmettant des explications :
1° Sur la pétition présentée par la députation du conseil provincial du Limbourg, en date du 15 octobre, tendant à obtenir, soit la garantie de l’Etat pour un emprunt de 500,000 fr. voté par le conseil provincial, soit un prêt direct de ce capital destiné à l’achèvement et à la construction de routes dans la province ;
2° Sur la pétition de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut demandant la mise en disponibilité d’une somme de 457,450 fr. 44 c., qui serait demeurée due à la province, du chef du solde lui revenant au 30 septembre 1830 sur le produit des revenus provinciaux recouvrés jusqu’à la même époque, par les préposés aux recettes de l’Etat sous le gouvernement précédent.
M. de Renesse. - Messieurs, la chambre, dans sa séance du 26 octobre dernier, a ordonné l’impression au Moniteur du rapport de l’honorable M. Zoude, fait au nom de la commission des pétitions, sur la pétition de la députation permanente du conseil provincial du Limbourg, qui demande que le gouvernement soit autorisé à garantir l’emprunt de 500,000 fr. voté par le conseil provincial pour être affecté à l’achèvement et à la construction des routes les plus nécessaires au Limbourg, emprunt qu’il n’a pu contracter par suite de la position toute particulière de cette province ; comme plusieurs de mes honorables collègues et moi comptons faire à cet égard une proposition à la chambre, j’ai l’honneur de demander que le rapport de M. le ministre des finances sur cette pétition, et dont M. le secrétaire vient de donner connaissance à la chambre soit pareillement imprimé au Moniteur.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée ; en conséquence la chambre ordonne l’impression au Moniteur des explications données par M. le ministre des finances sur la pétition du conseil provincial du Limbourg.
Voici ces explications :
« A la chambre des représentants.
« Bruxelles, le 29 décembre 1837
« Par résolution prise en séance du 14 novembre dernier, la chambre a ordonné le renvoi à mon département de la pétition présentée par la députation du conseil provincial du Limbourg, en date du 12 octobre, tendante à obtenir soit la garantie de l’Etat pour un emprunt de 500,000 francs voté par le conseil provincial, soit un prêt direct de ce capital destiné à l’achèvement et à la construction de routes dans cette province.
« Dépourvu de renseignements sur cette affaire, je me suis immédiatement mis en rapport avec la députation provinciale du Limbourg, qui s’est empressée de me communiquer les pièces qui me manquaient. Il est résulté de leur examen que le conseil provincial, convaincu de l’impérieuse nécessité d’améliorer les voies de communication existantes, et d’en construire de nouvelles afin de suivre l’extension progressive du commerce et de l’industrie du pays, et de faire participer la province au développement incessant de la prospérité générale, a, dans sa séance publique du 21 octobre 1836, arrêté qu’il serait levé un emprunt de 500,000 fr. à l’intérêt maximum de 5 p. c., exclusivement destiné à la construction des routes provinciales, et pour concourir à l’érection de celles à construire par l’Etat, ou par des concessionnaires. Il fut stipulé que cet emprunt serait remboursé par séries, dans une période de 25 années, et que les trois centimes additionnels sur les contributions foncière et personnelle que la province perçoit actuellement pour l’amélioration de ses voies de communication, continueraient à être recouvrés jusqu’à l’amortissement de l’emprunt proposé, et demeureraient spécialement affectés, de même qu’au paiement des intérêts et des frais inhérents à l’opération.
« Un arrêté royal du 29 novembre 1836, pris en exécution de la loi du 30 avril précédent, a approuvé la délibération du conseil.
« L’émission de l’emprunt fut annoncée avec toute la publicité possible, mais les efforts de la députation n’ont amené aucun résultat. Il paraît que la position exceptionnelle de cette province a fait naître quelque défiance dans l’esprit des prêteurs, et de là le recours de la députation vers le pouvoir législatif afin d’obtenir la garantie de l’Etat.
« Je ne crois pas nécessaire de discuter ici le plus ou le moins de fondement du scrupule des bailleurs de fonds, mais le fait existe, et il paraît certain que, sans la garantie sollicitée, la négociation de l’emprunt proposé se trouvera arrêtée dans son principe.
« Dans ces circonstances, et en raison des motifs qui viennent d’être déduits, vous jugerez, messieurs, si, comme je le pense, il y a lieu d’accueillir favorablement la pétition dont il s’agit, et si rien ne s’oppose à ce que la garantie éventuelle dont je viens de parler soit consacrée par une disposition législative.
« Quant au prêt direct sur les fonds de l’Etat, dont le conseil provincial fait subsidiairement la demande, vous jugerez sans doute comme moi que la situation du trésor ne permettrait pas d’y satisfaire sans inconvénient.
« Le ministre des finances, E. d’Huart. »
- Sur la proposition de M. B. Dubus, la chambre ordonne l’impression au Moniteur des explications données par M. le ministre des finances sur la pétition du conseil provincial du Hainaut.
(L’étendue de ce document nous oblige à en ajourner l’insertion à un prochain numéro.)
« Il est fait hommage à la chambre par M. A. Voisin d’une brochure intitulée « Statistique des principales bibliothèques de l’Europe. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. de Puydt. - Je suis dépositaire depuis deux ou trois jours d’une pétition adressée à la chambre par 150 industriels, propriétaires de bois et de haies à écorces, de la province du Luxembourg, qui demandent la construction de la route de Stavelot à Diekirch. Je vous avoue que je ne sais qu’en faire. Je ne puis pas en demander le renvoi pur et simple à la commission des pétitions ; ce serait vouloir la faire descendre au fond d’un puits, d’où elle ne devrait jamais sortir ; car depuis un an la chambre viole son règlement en n’exigeant plus les rapports hebdomadaires de pétitions.
Si je provoque le renvoi à cette commission avec demande d’un rapport spécial et immédiat, qu’arrivera-t-il ? Que l’on viendra, comme cela est déjà arrivé il y a quinze jours, à propos d’une route déterminée, parler de toutes autres routes que celles mentionnées dans les pétitions ; et que le but des réclamants sera complétement manqué, parce que le rapporteur l’aura perdu de vue, pour s’occuper des intérêts de sa localité.
Si je propose le renvoi au ministre, je voudrais que la chambre ne le prononçât qu’en connaissance de cause, et invitât le ministre à donner à cette pétition une attention particulière et à s’expliquer sur son contenu devant nous.
Pour cela il faudrait que je vous donnasse connaissance de la pétition, que je fisse moi-même un rapport, que j’entrasse dans quelques détails : à la vérité ce serait une violation du règlement, mais moins fâcheuse que celle dont je viens de me plaindre. (Interruption.)
M. de Jaegher. - Je demande le rappel au règlement et viens proposer l’ordre du jour ; je ne vois pas les motifs d’urgence qui pourraient justifier la déviation flagrante du règlement que propose l’honorable préopinant. Je ne tiens pas à combattre sa proposition. Mais je dois m’opposer à ce qu’on établisse un précédent qui pourrait avoir des conséquences graves. Je ne puis donc admettre la proposition de l’honorable M. de Puydt. Je demande l’ordre du jour.
M. de Puydt. - L’honorable M. de Jaegher, en provoquant un rappel au règlement, nous fait tourner dans un cercle vicieux. Je démontre qu’il y a depuis un an violation du règlement par le défaut de rapports sur les pétitions, et l’on veut que je compromette la pétition que je présente en me forçant de me soumettre à un abus.
Le rappel au règlement, c’est moi qui viens de le faire. J’offre de suppléer la commission et de donner connaissance du contenu d’une pétition fondée sur des motifs très graves dont je voudrais faire comprendre l’importance à la chambre. Si l’on ne veut pas que je lise la pétition entière, qu’on me laisse au moins lire quelques passages.
M. de Brouckere. - Si l’honorable M.de Puydt lit une pétition, d’autres en liront aussi et la séance se passera ainsi.
M. de Puydt. - Soit, je ne lirai pas la pétition. Je demande alors qu’elle soit renvoyée à. M. le ministre des travaux publics, avec invitation de donner une attention toute particulière aux motifs de cette pétition et aux faits qu’elle énonce.
- La proposition d’ordre du jour faite par M. de. Jaegher est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier ainsi conçu :
« Art. 1er. Les reliquats de comptes ouverts et les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre ne pourront être apurés par décharge à l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises en charge, résultant soit d’importations directes, soit de sortie d’entrepôts libre, public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes auront été spécialement transcrits.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, bien des opinions divergentes se sont prononcées dans la question des sucres, bien des systèmes contraires ont été mis en avant ; toutefois, un point sur lequel il y a eu à peu près assentiment, c’est qu’il est nécessaire d’introduire des améliorations dans la législation existante.
Les uns voudraient que le rendement des sucres bruts fût établi, quant à la restitution des droits à l’exportation, aussi approximativement que possible de la réalité.
D’autres voudraient que la restitution des droits fût établie d’après la supposition d’un rendement moyennement analogue à celui consacré en Hollande et en France.
D’autres voudraient de simples modifications à quelques articles de la loi, que j’appellerai réglementaires, tels que ceux qui déterminent les définitions des qualités de sucres, les transferts et transcriptions, les tares et déductions, les cautionnements.
D’autres enfin (et c’est nous) voudraient que rien, pour le moment et transitoirement, ne fût changé à la haute décharge des droits, qu’une quotité de l’impôt fût assurée au trésor, et que les abus résultant des points de la législation actuelle, que j’ai appelés tout à l’heure réglementaires, fussent prévenus pour l’avenir.
Au milieu de tous ces systèmes, celui qui me paraît encore le plus rationnel, c’est le nôtre, par la raison qu’il est le seul qui satisfasse d’une manière certaine à l’intérêt qui a le plus de droit à prétendre à une modification à la loi actuelle. Vous sentez, messieurs, que je veux parler du trésor.
Je dis que c’est lui qui a le plus de droit à prétendre à une modification de la législation, et, en effet, c’est lui, le seul, qui ait perdu par l’usage qui a été fait de cette législation pendant ces dernières années ; au lieu d’un produit assez notable que les auteurs de la loi sur les sucres ont évidemment voulu lui assurer, il ne prélève plus qu’une rentrée très minime ; il se trouve donc lésé, et cette lésion doit, avec d’autant plus de raison, être atténuée, que les besoins de l’Etat lui commandent d’en appeler à tous les éléments de ses ressources.
A cet égard, messieurs, je pense que tout le monde est d’accord, et il n’y a divergence que sur la portée du moyen à mettre en œuvre.
Mais la question se complique de deux autres intérêts, celui de la raffinerie et de l’exportation des sucres exotiques, et celui des sucreries de betterave.
Les raffineries de sucre exotique méritent toute notre sollicitude ; par les mouvements considérables de la navigation, par le commerce d’outre-mer qu’elles contribuent puissamment à développer, ces raffineries constituent une de nos industries principales et dont la prospérité réagit nécessairement sur toutes les autres ; il faut donc bien se garder, et certes ce n’est l’intention d’aucun de nous, d’y jeter la perturbation ; il importe que le vote que nous allons émettre n’ait pas pour effet d’anéantir, en rendant toute concurrence à l’étranger impossible, l’activité des raffineries de sucre exotique ; la responsabilité d’un semblable vote est telle, que la prudence nous commande de rester plutôt en-deçà qu’au-delà du but que nous voulons atteindre dans l’intérêt du trésor.
L’industrie naissante de nos sucreries de betterave mérite sans doute la protection de la législature, mais serait-il juste et politique que cette protection fût accablante pour l’autre industrie plus ancienne ? Personne ne saurait raisonnablement le prétendre.
Il s’agit donc de trouver, dans cette complication de trois grands intérêts en présence, la solution qui s’alliera le mieux avec les exigences du trésor et celles plus ou moins opposées des raffineries de sucre exotique et des sucreries de betterave.
Au point où a été portée la discussion, et d’après le premier vote émis par la chambre, il y a lieu, ce me semble, de regarder comme certain qu’outre les modifications, réglementaires en quelque sorte, consignées dans les dispositions qui suivent les articles 1 et 2, lesquels renferment véritablement les principes du projet de loi, il faut, dis-je, regarder commue certain que la majorité voudra :
1° la certitude de la perception d’une quotité de l’impôt de consommation au profit de l’Etat ;
2° L’augmentation du rendement légal, c’est-à-dire une diminution dans le taux de la haute décharge à l’exportation des sucres raffinés.
Partant de là, je n’essaierai pas de faire revenir la chambre au système que je lui ai présenté en premier lieu ; mais je ferai tous mes efforts pour que, consacrant à la fois la perception d’une quotité déterminée de l’impôt et la réduction de la décharge d’exportation, la combinaison de ces deux bases soit calquée sur des chiffres qui concordent avec les conditions dont j’ai parlé tout à l’heure.
J’ai lieu d’espérer, messieurs, que si moi, le représentant le plus direct des intérêts du trésor, je me contente de la quotité de 10 pour cent, que vous avez admise au premier vote, personne ne prétendra plus que je me présente ici aveuglé par l’avidité du fisc. Peut-être prétendra-t-on, au contraire, que je cède trop facilement sur les droits du trésor ; mais à une telle objection je répondrai d’avance que, bien que je prévoie que la perception d’un dixième de l’impôt ne produira peut-être pas le million que j’aurais voulu obtenir de la consommation des sucres, j’aime mieux me contenter de cette perception moindre que d’avoir peut-être à me reprocher plus tard d’avoir nui à la prospérité du commerce et de l’industrie, en ne tenant aucun compte, dans mes exigences, des avertissements qui nous ont été vivement opposés dans la discussion du premier vote de la loi qui nous occupe.
Quoi qu’il en soit, messieurs, je vous prierai de remarquer que lorsque je demandais un million pour le trésor, c’était sans augmentation dans le rendement légal, et que je reste tout à fait conséquent avec ma proposition primitive en restreignant la quotité de l’impôt à assurer au trésor, actuellement qu’il faut introduire une augmentation dans le rendement.
Me voici donc arrivé, messieurs, au point de me prononcer sur le taux de la haute décharge à l’exportation.
Dans ma pensée, ce que vous avez admis à cet égard au premier vote, ne saurait être maintenu sans le plus grave préjudice pour nos raffineurs de sucre exotique ; les conditions d’existence dans lesquelles les placerait vis-à-vis des Hollandais un drawback calculé sur un rendement de 65 et de 70, seraient tellement disproportionnées, qu’il faudrait craindre que la concurrence ne fût plus possible sur les marchés étrangers, ou, si vous voulez, que le commerce d’exportation de nos sucres fût gravement compromis.
En Hollande, le rendement est respectivement établi à raison de 61 et 64 sur les sucres mélis et sur les lumps ; mais il est accordé par 100 kil. de sucre brut provenant des colonies hollandaises une déduction de 8 p. c. ; or, comme on peut compter qu’il entre en Hollande pour une moitié de sucres bruts de ces colonies, il faut considérer qu’en moyenne le rendement n’est que de 59 et 61 1/2 ; ce serait donc (outre l’obligation de payer en Belgique les droits sur un dixième des importations) un rendement de 8 à 9 de lus que l’on établirait ici, c’est-à-dire une augmentation d’un septième environ, ou une défaveur de plus de 5 fr. par 100 kil. Ce simple rapprochement suffit pour démontrer l’immense désavantage qu’auraient près des Hollandais nos raffineurs.
Nous pensons, messieurs, qu’en établissant le rendement sur le pied respectif de 57 et de 50 pour les mélis et les lumps, nous ferons pour le moment tout ce qu’il est raisonnablement possible d’exiger.
De cette manière, le rendement serait calculé à 2 de moins qu’en Hollande, mais cet avantage qu’auraient nos raffineurs, de ce côté, est plus que compensé par l’obligation que nous imposons, d’autre part, de payer l’impôt sur un dixième des sucres bruts qui seront importés en Belgique.
Par là, les conditions d’existence de nos raffineurs seraient sensiblement les mêmes que pour les raffineurs hollandais ; nous maintiendrions la possibilité de concurrence entre eux sur les marchés étrangers, et nous serions certains de ne pas détruire une industrie aussi importante que celle dont il s’agit.
Veuillez remarquer, messieurs, que le système que je vous présente, a l’avantage de ménager les trois grands intérêts qui sont en présence :
1° Le trésor sera assuré de la perception d’une quotité déterminée de l’impôt ;
2° Les raffineurs de sucre exotique pourront continuer leurs opérations au profit de la navigation et du commerce en général ;
3° Les sucreries de betterave qui, il faut bien le dire, s’élèvent sous l’empire de la législation que nous allons modifier, et ne paient aucun impôt au trésor, trouveront une protection réelle dans l’augmentation de rendement que nous réclamons, ainsi que dans les conditions plus précises et plus rigoureuses que nous appliquons aux dispositions de la loi que j’ai appelées tantôt réglementaires.
Je dis que les sucreries de betterave trouveront une protection réelle dans l’augmentation du rendement à 57 et 60, et en effet ce simple changement diminue, en moyenne, de 2 fr. et 40 c. par 100 kil., l’avantage d’exportation qu’ont aujourd’hui les raffineurs de sucre exotique.
N’oublions pas, messieurs, qu’il s’agit ici d’une loi purement transitoire, d’une loi que nous devrons revoir, peut-être avant l’année 1839 ; que si l’expérience de l’année 1838 venait nous prouver que nous n’avons pas assez atteint les raffineries de sucre exotique, le mal serait peu grave et surtout bien réparable ; tandis que si par un changement trop brusque, par des modifications trop sensibles dans les conditions d’existence de ces raffineries, nous allions paralyser, entraver leur activité, le mal serait peut-être irréparable, et à part des catastrophes qui pourraient s’en suivre, si les capitaux étaient déplacés, si nos raffineries de sucre exotique étaient forcées de quitter la Belgique ne pouvant plus prospérer sous l’empire de notre nouvelle loi, les conséquence d’une telle perturbation seraient désastreuses pour le pays.
Pour moi, messieurs, je redoute ces conséquences, et j’adjure les membres de cette chambre, qui auraient l’intention de voter pour l’amendement de M. Dubus, de peser mûrement la portée d’un tel vote.
On me répondra, je le présume bien, que les démarches, les réclamations des industriels que je crains de trop froisser en ce moment ont exercé de l’influence sur mon esprit ;eh bien, oui, messieurs, je l’avoue, je ne suis point resté insensible à ces réclamations, parce qu’elles ont été présentées de bonne foi au gouvernement et appuyées de fortes raisons, parce que de ces raisons, est résultée pour moi la conviction que vouloir plus que ce que je propose en ce moment serait nous jeter dans l’incertitude et nous exposer à la plus grave responsabilité.
M. Zoude. - Messieurs, lorsque j’ai dit, il y a peu de jours, quelques mots sur l’industrie des sucres, j’ai déclaré que, sans le besoin de venir au secours du trésor, j’aurais été plus libéral envers les raffineurs que ne l’étaient leurs défenseurs les plus zélés.
Maintenant que M. le ministre des finances nous dit qu’il lui suffira du dixième assuré au trésor par l’amendement de M. Liedts et de quelques légères augmentations dans le rendement, je déclare, pour ma part, renoncer à tous autres amendements.
C’est ainsi que, dirigé par le même principe protecteur de toutes les industries, j’ai dit que j’espérais que des temps plus prospères permettraient un jour d’employer tout le produit de l’impôt en restitution de droits à la sortie des sucres.
Il avait donc fait preuve d’une extrême légèreté celui qui venait attaquer le président de la commission d’industrie, à propos d’une question sur laquelle celui-ci ne s’était pas encore prononcé.
Il n’avait pas commis, le président, l’inconséquence, comme celui auquel il fait allusion, d’attaquer tour à tour les industries qui avaient besoin de protection, en appelant à son aide l’intérêt des consommateurs qui nous sont aussi chers qu’à lui, et que nous croyons comprendre aussi bien que lui, mais qu’il abandonne aussitôt qu’une industrie, particulière à sa localité, semble en réclamer le sacrifice.
Nous, au contraire, nous avons constamment regardé toutes les industries comme des sœurs qui doivent s’entraider mutuellement. C’est ainsi que nous avons défendu et continuerons à défendre toutes celles qui nous ont attaqué, même avec virulence, lorsque nous réclamions protection pour l’industrie cotonnière ; nous avons soutenu et soutiendrons les intérêts de la bonneterie et de la draperie comme nous soutiendrons les raffineurs dans l’intérêt même de la betterave, et si nous exigeons un sacrifice momentané des raffineurs, c’est qu’il est des instants où il faut obéir à la loi suprême, celle du salut public.
Mais nous en réitérons la déclaration, il suffit que M. le ministre des finances ait ses apaisements pour que je renonce volontiers à être plus exigeant que lui.
M. Eloy de Burdinne. - L’honorable ministre des finances vient de nous dire qu’il se contentera d’un million de produit pour l’impôt sur le commerce des sucres. Mais l’honorable ministre des finances aura-t-il avec ce million de quoi faire face aux dépenses de son budget, sans le secours de centimes additionnels aux différentes contributions ?
D’abord, je le déclare, puisqu’il renonce à des millions en faveur d’une industrie, moi je m’opposerai à la proposition de centimes additionnels. Je refuserai même le budget des voies et moyens, si cette proposition est admise.
Comment ! dans un moment où le gouvernement a besoin de toutes ses ressources, le ministre des finances vient vous proposer de renoncer à 3 ou 4 millions d’impôt, et cela en faveur d’une industrie ! Non, jamais je ne donnerai mon assentiment à des propositions de cette espèce !
On vous a parlé de commerce, de navigation ; mais si le commerce et la navigation ne peuvent exister qu’avec une prime de 4 millions, ce sont des industries factices auxquelles il faut renoncer, si toutefois cette navigation doit venir prélever sur le trésor tous les ans 3 ou 4 millions.
L’intérêt des raffineurs est quelque chose dans cette question, sans doute ; c’est une industrie comme une autre, et en faveur de laquelle nous devons des lois protectrices ; eh bien, les raffineurs ont la protection qu’ils peuvent désirer puisque les sucres étrangers sont prohibés ; aucune autre industrie n’a obtenu autant.
On fait remarquer que les raffineries sont dans une situation désastreuse, que si on aggrave cette situation, leur industrie est ruinée : mais si elle est dans une mauvaise position en percevant trois ou quatre millions, je demanderai dans quelle position elle sera si nous lui retirons un million ? Si les choses en sont réellement à cet état, dans l’intérêt de cette industrie il faudrait en arrêter la marche, puisque sa marche la mène à une ruine complète..
Je crois que j’en ai suffisamment dit pour prouver que mon vote doit être conforme à celui que j’ai déjà émis, c’est-à-dire en faveur de la proposition de M. Dubus. Je croirais manquer à mon devoir, manquer à ma conscience, si je donnais un vote qui privât le trésor d’un impôt aussi nécessaire et aussi bien motivé.
Si vous entrez dans la voie qu’on ouvre devant vous, il est certain que d’autres industries qui seraient menacées de tomber en décadence viendront réclamer des subsides ; puisque vous en accordez aux sucreries, elles vous exposeront qu’elles ont les mêmes droits ; voyez où cela vous conduira ! Nous ruinerions l’Etat et les particuliers pour satisfaire aux exigences d’industries factices.
(Moniteur belge n°1, du 1er janvier 1838) M. A. Rodenbach. - La loi de 1829 sur les sucres est une loi ruineuse, est une loi qui qui a été fatale aux contribuables, nous devons le confesser. Toutefois c’est sous le régime de cette loi qu’une foule de raffineries se sont établies. Il en existe actuellement 70 en Belgique ; pouvez-vous d’un seul coup de plume anéantir cette industrie qui met en mouvement 30 millions environ ! Je veux bien une augmentation dans les recettes du trésor mais je ne veux pas que cette augmentation soit trop brusque, parce que je ne veux pas qu’on détruise une industrie florissante. Il est vrai qu’en procédant ainsi, ce sera au détriment des consommateurs ; mais réfléchissez que nous faisons une loi temporaire.
Toute cette discussion nous montre le danger d’accorder de trop grandes protections aux industries. Si, par exemple, nous protégeons trop les sucreries de betteraves, nous pourrons peut-être en avoir du regret. En France, on a déjà trop créé de sucreries de betteraves ; en Belgique, nous en avons 15 ou 20. C’est sous le régime actuel de la loi qu’elles se sont établies ; mais on se propose de venir vous présenter un projet de loi dans le but d’imposer les sucreries de betterave ; d’ici là il y aura peut-être 30 ou 40 sucreries nouvelles créées ; et alors on vous dira : comment voulez-vous frapper une industrie naissante ! C’est sous la foi de la législation existante qu’elle a pris naissance et que des fonds ont été engagés ; c’est une industrie qui n’emploie que les produits du sol ; on vous dira tout ce que vous avez entendu. Quoi qu’il en soit, messieurs, je crois qu’il est politique, qu’il est sage d’appuyer l’amendement présenté par le ministre et qui produire environ un million.
Quel est notre concurrent pour le sucre raffiné exotique ? Ce n’est pas l’Anglais, c’est le Hollandais ; en élevant le rendement, vous favoriseriez notre ennemi ; j’aime mieux faire un sacrifice momentané que d’être favorable au Hollandais.
Je voterai donc pour l’amendement de M. le ministre des finances.
M. F. de Mérode. - Je me rallierai à l’amendement de M. le ministre des finances. Il serait d’ailleurs fort difficile de lutter contre la proposition qu’il fait : comme c’est la première année que nous apportons du changement à la législation sur les sucres, il ne faut pas le faire trop fort. Quoi qu’en ai dit le ministre des finances, il serait même fort difficile d’établir un impôt plus élevé que celui qu’il réclame.
J’ai à présenter à la chambre une observation très importante relativement aux sucres indigènes.
Vous voyez, messieurs, ce qui résulte d’accorder des faveurs trop grandes aux industries ; elles vous disent qu’elles sont ruinent quand on leur retire ces faveurs. Maintenant les sucreries de betterave ne paient pas un centime ; elles se développent, et quand elles seront plus développées, il y aura plus de capitaux engagés, et alors il sera plus difficile de mettre un impôt sur ces établissements ; et par cette marche il pourra arriver que le trésor ne recevra rien.
Si l’on parvenait à fabriquer du sel en Belgique, il ne paiera rien, et le trésor ne percevrait rien ; voilà ce qui va arriver pour le sucre, quoique le sucre soit imposable.
Je demande que l’on recherche le plus tôt possible les moyens d’imposer les sucreries de betterave, afin que cette industrie ne vienne pas nous faire les mêmes objections que les raffineurs des sucres exotiques. Tout ce qui se passe motive mes craintes, et les observations que je vous présente me paraissent d’une haute importance.
M. Dubus (aîné). - Je ne sais pas si on était convenu d’avance de revenir, au second vote, sur ce qui avait été adopté par le premier. Toutefois, je suis étonné de voir des convictions subitement changées quand les faits ne sont pas changés. Je croyais qu’on allait démontrer qu’il y avait erreur dans les faits établis par la première discussion ; seulement on en tire des conséquences que j’ai peine à concilier avec les prémisses.
Le ministre des finances croit qu’il n’est pas en contradiction avec lui-même lorsqu’il défend devant la chambre un amendement qu’il vient de déposer. Cet amendement, dit-il, donnera un million au trésor.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit que l’amendement ne donnerait pas un million.
M. Dubus (aîné). - Le ministre des finances avait combattu l’amendement de M. Liedts en démontrant qu’il ne donnerait pas un million, qu’il donnerait à peu près 590,000 fr., si j’ai bonne mémoire ; maintenant le ministre des finances soutient qui si vous adoptez définitivement le chiffre que j’ai proposé pour la restitution du droit, il n’y aura plus d’exportation ; cependant je me souviens parfaitement qu’au premier vote on disait que même en adoptant ce chiffre, le trésor ne recevrait rien ; et c’est du banc des ministres qu’est venue cette déclaration : la conséquence était donc que je n’avais pas calculé un rendement excessif, et qu’il serait loin de nuire aux exportations. J’ai peine à rendre raison du parti que l’on prend de reculer devant l’admission définitive de cet amendement ; je ne peux me l’expliquer que d’après des faits qui paraissent ressortir de la discussion.
C’est que tout notre commerce d’exportation, non seulement en Allemagne, mais dans le Levant, et qu’on nous a tant vanté, n’est qu’un commerce de sucres bruts. Ces exportations qu’on a tant fait valoir consistent à donner, dans le Levant aussi bien qu’en Allemagne, des sucres bruts à meilleur marché qu’ils ne nous coûtent dans les colonies où nous allons les prendre. Je comprends alors que si vous ne calculiez pas un rendement inférieur, de sorte qu’il y ait une forte prime qui permette aux négociants de faire, aux dépens du pays, un commerce aussi désastreux dans son principe, vous nuiriez au commerce d’exportation tel qu’on le fait maintenant.
Je dis que cela me paraît résulter de la discussion, parce qu’en effet lors de la discussion du paragraphe C de l’article 2 on a voulu avec obstination conserver la faculté de faire piler le sucre dans les entrepôts des ports d’où se fait l’exportation et qu’il m’a paru démontrer que le seul intérêt qu’on avait à cela c’était de réduire le sucre à l’état de sucre brut pour pouvoir l’introduire dans les pays étrangers ou l’on n’admet que du sucre brut. Je me suis souvenu d’ailleurs qu’en Prusse nos sucres lumps ne sont admis que comme sucres bruts, puisqu’on ne les reçoit que quand ils sont destinés aux raffineurs qui doivent les raffiner. J’ai conclu de tout cela que le commerce des sucres exotiques est un commerce désastreux.
On me répondra, sans doute, que ce commerce n’en favorise pas moins notre navigation. Mais, messieurs, il y a bien d’autres moyens de favoriser notre navigation : nous avons des droits d’accise sur les eaux-de-vie, par exemple ; eh bien, prenons le parti de restituer à l’exportation le double, le triple ou plus, si vous voulez, du droit, nous sommes certains que nous aurons par là favorisé l’exportation des eaux-de-vie, que nous pourrons alors livrer aux pays mêmes qui les fabriquent, à meilleur compte qu’ils ne peuvent les produire ; non seulement une semblable mesure favoriserait l’exportation, elle favoriserait encore l’agriculture du pays, puisque c’est sur les produits de l’agriculture que s’exerce l’industrie des eaux-de-vie.
J’entendais parler tout à l’heure de l’impôt sur le sel ; si nous établissions aussi une restitution considérable à l’exportation du sel, nous vendrions le sel français aux Français eux-mêmes et à toutes les autres nations ; nous enverrions nos navires chercher du sel en France pour les reporter ensuite en France ou en d’autres pays ; toutes ces promenades seraient très lucratives pour ceux qui vivent de la navigation. C’est cependant là le système que l’on veut maintenir et que l’on veut maintenir sans aucune diminution sensible pour les sucres.
Messieurs, on a insisté sur la considération que le chiffre du rendement que j’ai proposé donnerait aux raffineurs hollandais un avantage de 8 ou 9 p. c. sur nos raffineurs, pour l’exportation. Mais on a perdu de vue, messieurs, qu’il n’existe plus réellement de concurrence entre nos exportateurs et les exportateurs hollandais, puisque d’après ce qui a été dit dans le rapport de la commission et par un honorable député de Gand, l’exportation de la Hollande que le droit sur les sucres ne produit presque plus rien au trésor hollandais ; or, lorsqu’il ne restera plus rien en caisse pour payer les primes d’exportation, la Hollande pourrait-elle exporter davantage ? Il est manifeste qu’elle ne le pourrait pas. Comme un honorable membre l’a fait remarquer, l’exportation de notre pays, comme celle de la Hollande, a atteint son maximum, et dès lors, les deux industries ne peuvent plus se nuire l’une à l’autre. Ainsi, quand il serait vrai que ma proposition placerait nos raffineurs dans une position désavantageuse à l’égard des raffineurs hollandais, cette considération ne devrait pas nous arrêter ; mais je demanderai à M. le ministre des finances pour quel motif il veut donner à nos raffineurs un avantage de 8 à 9 p. c. sur les raffineurs hollandais ; est-ce qu’il veut que nos raffineurs ruinent les raffineurs hollandais ? Je pense encore une fois qu’ils ne peuvent leur faire aucun, par la raison que j’ai donnée tout à l’heure.
Il est reconnu, messieurs, que le rendement tel qu’il est calculé dans la loi hollandaise est insuffisant, qu’il réduit à rien les recettes du trésor ; il me semble donc que nous ne pouvons pas établir un rendement moindre que le rendement qui existe en Hollande, d’autant plus que dans ce pays les frais de productions sont plus élevés qu’en Belgique, et que, par conséquent, les industriels belges sont dans une position plus favorable que les industriels hollandais.
Je ne veux pas, messieurs, rentrer dans les développements qui ont été donnés dans les séances précédentes, parce que nous sommes encore trop voisins de cette discussion pour que les raisons qui ont été produites soient perdues de vue, je terminerai donc par une considération par laquelle j’ai commencé, c’est qu’on ne nous a pas dit un mot pour démontrer qu’il y eût erreur dans les faits qui ont été énoncés, et que, les faits étant les mêmes, je ne vois pas comment nous pourrions arriver à la conclusion que propose M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je dois encore une fois vous prier de ne pas perdre de vue que, lorsque, dans mon premier projet, j’ai demandé une quotité qui pût fournir un million au trésor, je voulais laisser le rendement tel qu’il était ; si je me contente en ce moment d’une quotité moindre, c’est que d’un autre côté je propose d’augmenter le rendement ; ce qui, comme je l’ai fait voir tout à l’heure, produira moyennement une diminution dans la restitution des droits, de 2 fr. 40 c. par 100 kil, indépendamment des diverses autres améliorations de détail qui ont été introduites dans le projet.
On dit, messieurs, que les faits qui ont été prouvés dans la dernière discussion n’ont pas changé, qu’ils sont restés les mêmes et que par conséquent votre première résolution doit aussi rester la même. Je n’ai contesté aucun des faits signalés par l’honorable M. Dubus ; sans doute, il existe des abus, et il faut en sortir, mais progressivement et non pas d’une manière brusque ; il ne faut pas s’exposer à détruire par une secousse trop violente une industrie qui vit sous l’empire de la législation actuelle ; je ne prétends pas toutefois que l’amendement de M. Dubus amènerait infailliblement ce résultat ; mais d’après les apparences nous devons le craindre ; nous devons penser, en effet, que si nous portons le rendement à 8 ou 9 plus haut qu’il n’est en Hollande, nous assurerons aux raffineurs hollandais un avantage trop considérable, sur les marchés étrangers, à l’égard de nos propres exportateurs, car l’avantage qui résulterait, pour les raffineurs hollandais de l’amendement de M. Dubus serait de plus de 5 fr. par 100 kilog. ; je le demande, messieurs, cette différence ne peut-elle être considérée comme étant de nature à engager beaucoup de nos raffineurs à quitter le pays pour aller vivre sous une autre législation.
Je le répète, messieurs, tous nous sommes d’accord qu’il y a des abus à détruire ; nous différons seulement sur les moyens à employer pour les extirper convenablement. Je pense, moi, qu’il faut améliorer graduellement, et non révoquer tout d’un coup, une législation qui est vicieuse, surtout lorsqu’elle est déjà ancienne, parce que son abolition trop brusque pourrait, en amenant les catastrophes, léser les intérêts généraux de l’industrie et du commerce plus ou moins directement alimentés par les effets de cette législation.
L’honorable M. Dubus, en signalant les abus de l’état de choses existant quant aux sucres, a dit que si l’on donnait des primes considérables à d’autres produits, au genièvre par exemple, il s’en exporterait beaucoup, et que tout en activant la navigation, cela aurait même cet avantage sur le sucre exotique, d’être directement favorable à l’agriculture.
Sans doute, messieurs, ce serait là un des résultats d’une semblable mesure, mais ce résultat serait désastreux, parce qu’il serait factice. Je suis ennemi des primes tout comme l’honorable M. Dubus ; aussi je ne soutiens pas ici qu’il faut établir une prime ; il s’agit au contraire de diminuer une prime existante ; il s’agit de sortir d’un état de choses que nous n’avons pas créé, mais qui existe et auquel nous voulons remédier avec prudence et modération. La comparaison que vient de faire M. Dubus n’est donc pas applicable au cas qui nous occupe.
L’honorable préopinant a paru croire, messieurs, que l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre donnerait aux raffineurs belges un avantage de 8 ou 9 dans le rendement sur les raffineurs hollandais. C’est là, une erreur, messieurs, j’ai démontré (et si la chambre le désirait je lui rappellerais mes calculs), j’ai démontré, dis-je, que les avantages que nos raffineurs pourraient trouver dans la différence du rendement seront largement compensés par l’obligation que nous leur imposons de payer définitivement au trésor 10 p. c. du droit d’entrée.
L’honorable M. Eloy de Burdinne a demandé, messieurs, si au moyen de l’amendement que j’ai proposé le trésor pourrait faire face à tous les besoins extraordinaires. Evidemment non ; le trésor ne pourra pas faire face à tous ces besoins, pas plus qu’il ne l’aurait pu faire dans le système qui a été présenté en premier lieu pas plus surtout qu’il ne l’aurait pu faire si vous adoptiez le système qui avait été sanctionné au premier vote. Nous n’avons jamais prétendu obtenir immédiatement trois ou quatre millions de l’impôt des sucres ; nous n’avons jamais parlé que d’un million, et même au budget des voies et moyens nous n’avons demandé que 880,000 francs. Or, j’ai soutenu dans une occasion précédente, et je crois encore que la quotité du dixième de toutes les prises en charge du sucre en 1838, ne produira pas au-delà du chiffre que vient de rappeler l’honorable M. Dubus. Mais là ne se borne pas toute la recette du trésor ; la partie du sucre qui, outre le dixième et celui résultant de la marge qui restera encore dans le rendement, restera dans la consommation intérieure, produira aussi quelque chose.
Messieurs, je dois insister pour la troisième fois sur cette circonstance que nous ne faisons pas une loi destinée à avoir une durée bien longue ; que nous voulons modifier un état de choses défavorable sans doute, mais le modifier avec prudence. Les dispositions nouvelles que nous proposons, ne sont donc que transitoires ; et si nous n’allons pas assez loin avec ces dispositions, le préjudice qui en résultera ne semble pas être assez grand, pour nous empêcher de tenir compte des graves considérations qui militent conne le système opposé au nôtre.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, à la manière dont on traite la question des sucreries exotiques, je crois me trouver plutôt dans une chambre indienne que dans une chambre belge.
C’est ainsi que quand un de nos honorables collègues, qui, dans toutes les circonstances, cherche à faire percevoir les impôts au profit de l’Etat, vient de vous dire : « Mais, messieurs, est-ce pour les sucreries de betterave que vous irez sacrifier les sucreries indiennes ? » ; voilà à peu près les expressions dont cet honorable membre s’est servi tout à l’heure. Ainsi, messieurs, si l’on suivait l’opinion de cet honorable membre, il vaudrait beaucoup mieux les produits indiens que les produits belges, Je suis, moi, d’un autre avis ; je crois qu’il faut commencer par protéger les produits de notre sol, avant de songer à protéger les produits étrangers.
M. le ministre des finances vous a dit tout à l’heure qu’il ne pourrait pas se passer de centimes additionnels ; il veut donc encore faire le sacrifice de 3 à 4 millions sur l’impôt du sucre, mais il compte bien se rattraper sur les centimes additionnels à faire peser sur les contributions foncière, personnelle et des patentes.
Je vous le demande, messieurs, le sucre n’est-il pas une matière bien plus imposable que le sel, comme j’ai déjà eu l’honneur de le faire remarquer plusieurs fois ; eh bien le sel rapporte annuellement près de 4 millions, et pour le sucre, on se contente de 7 à 800,000 fr. Mais, messieurs, n’est-ce pas se moquer réellement de la nation belge, et lui dire : Vous paierez un impôt, mais l’Etat ne le recevra pas ; il sera destiné à favoriser les sucreries étrangères ?
Je vous l’avoue, messieurs, je désirerais que l’on proposât un atermoiement à cette discussion, que l’on trouvât, outre un moyen de favoriser le commerce de la navigation et nos sucreries, celui d’assurer au trésor un impôt de 3 à 4 millions sur le sucre, comme l’Etat en perçoit un sur le sel.
A propos de la navigation, je me rappelle que lors de la discussion de la loi sur les céréales, on nous a dit : En adoptant cette loi, vous allez détruire le commerce de la navigation ; les vaisseaux qui nous apportent du grain s’en vont avec les produits de notre industrie ; nos navires vont chercher des grains à Dantzick et dans les ports de la Russie, et notre navigation vit de ce commerce.
Qu’est-il résulté de ces clameurs ? Que le commerce n’a nullement souffert par suite de l’adoption de la loi sur les céréales.
Eh bien, aujourd’hui, l’on vous dit encore : Prenez-y garde, n’entravez pas le commerce du sucre de l’Inde, car notre navigation serait perdue. L’on fait les mêmes prédictions que celles que l’on a faites à l’occasion de la loi sur les céréales.
Or, messieurs, il en sera des modifications que l’on introduira dans la législation sur les sucres, comme de celles que l’on a adoptées, en ce qui concerne les céréales : c’est-à-dire qu’elles ne compromettront nullement l’intérêt de notre navigation ; car enfin notre navigation pourra toujours, si elle le trouve convenable, aller chercher aux Indes an moins autant de sucre qu’elle en a été chercher, par exemple, en 1837 ; car dans les dix premiers mois de cette année, elle est allé chercher directement aux Indes 500 tonneaux.
M. le président. - Voici un amendement de M. Demonceau :
« Je propose de modifier comme suit, la proposition de M. Dubus, savoir :
« De fixer le rendement pour les sucres du litt. A à 59 ; et pour les sucres du du litt. B à 64. »
M. Demonceau. - Messieurs, je me félicite de voir le ministère reconnaître, que l’industrie des sucres exotiques jouit d’une véritable prime. Je suis peiné que cette prime ne puisse pas être ôtée. Mais depuis longtemps je suis convaincu qu’il y aurait impossibilité de retirer cette prime à l’industrie de la raffinerie du sucre exotique, sans compromettre gravement les intérêts de cette industrie ; je ne veux ni protéger trop fortement l’industrie du sucre indigène, ni détruire l’industrie du sucre exotique. Je veux protéger l’une et l’autre, je veux ménager toutes les industries ; tels sont les principes que j’ai toujours professés. Je fais ici, comme vous le voyez, du juste milieu, comme je l’ai toujours fait dans les questions d’industrie. Je vois avec satisfaction que le ministre des finances a entendu dans cette circonstance les réclamations de l’industrie, j’espère que lorsqu’il s’agira de statuer définitivement sur le sort de l’industrie du district de Verviers, dont j’ai pris la défense avec le plus vif intérêt et pour de bien juste motifs, l’appui de M. le ministre des finances, et même celui de nos honorables collègues de la province d’Anvers, nous sera également acquis ; car l’industrie dont on s’occupe dans mon district n’est pas une industrie factice ; c’est une industrie manufacturière qui tient au sol, qui n’a pas besoin de prime et qui ne demande qu’une protection raisonnable. Je bornerai là mes observations, elles me paraissent suffisantes pour justifier mon amendement.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je demanderai d’abord à l’honorable M. Demonceau si, dans son système, il maintient aussi les 10 p. c. fixes ? (Oui.) Dans ce cas, je dois déclarer que nous ne pouvons en aucune manière admettre l’amendement de M. Demonceau, pas plus que celui de M. Dubus, parce que d’après les lumières que la discussion nous a fournies et les renseignements que nous avons reçus des industriels, nous avons acquis la conviction qu’il serait infiniment dangereux d’adopter une semblable proposition.
Et qu’on le remarque bien, ce n’est pas un mal qu’on peut réparer que celui qu’on apporte à une industrie ou à un commerce existant. Vous auriez beau rétablir l’ancienne législation, une fois que vous auriez interrompu les rapports commerciaux, que vous auriez fait chômer nos raffineries, on ne pourrait plus rétablir l’ordre de choses qui existe actuellement. C’est donc là un grave motif pour procéder en cette circonstance avec une grande circonspection.
Quand il s’est agi des distilleries, nous avons reconnu que la première loi qui avait été portée à ce sujet rapportait trop peu au trésor ; nous avons alors augmenté successivement l’impôt sur les distilleries. Eh bien, ce que nous vous proposons en ce moment, c’est de procéder avec la même circonspection à l’égard du commerce des sucres, à l’égard de l’industrie des raffineurs.
S’il est reconnu par l’expérience d’une année ou de deux années qu’un rendement plus fort soit possible, eh bien, nous serons les premiers à réclamer votre concours, pour améliorer les recettes de l’Etat ; mais dans ce moment nous vous demandons uniquement de procéder avec une grande prudence. La faute que nous commettrions, en introduisant des changements trop brusques dans la législation actuelle tournerait au détriment de la Belgique et à l’avantage de la Hollande ; car il est bien certain que si le gouvernement hollandais s’apercevait que, grâce à notre nouvelle législation, notre commerce des sucres est anéanti, il se garderait bien de majorer le rendement. Si, au contraire, le gouvernement hollandais voit que nous procédons avec circonspection, il entrera dans la même voie, parce qu’il a besoin autant et plus que nous de toutes ses ressources financières.
L’honorable orateur qui a parlé le dernier a réclamé pour l’industrie drapière la même indulgence que le gouvernement veut accorder aux sucres. Nous devons rappeler qu’à l’égard de l’industrie drapière nous avons déjà accordé des compensations et que ces compensations jointes à celles qu’on pourra encore accorder sur les tissus de laine, seront plus avantageuses à l’industrie drapière que la législation actuelle. Pour les sucres, au contraire, nous n’accordons aucune compensation, tout ce que nous votons est une charge nouvelle pour cette industrie ; il n’y a donc pas de comparaison à établir entre l’une et l’autre industrie.
Précisément parce que nous avons eu égard à l’industrie drapière, nous demandons à l’honorable préopinant d’avoir égard à l’industrie des sucres.
M. Desmaisières. - Ainsi qu’il l’a fort bien démontré, M. le ministre des finances n’est pas en contradiction avec lui-même. Je dirai que s’il l’était cela lui ferait honneur de revenir sur une opinion primitive ; cela prouverait qu’il est avant tout ministre belge, s’il abandonnait une opinion qu’on lui démontrerait être contraire aux intérêts belges.
L’honorable M. Dubus a vu je ne sais où dans mon rapport que j’aurais reconnu que l’augmentation du rendement en Hollande n’aurait rien produit parce que les raffineurs avaient su augmenter leurs exportations en proportion. Je n’ai rien dit de cela ; j’ai dit au contraire et je répète que les exportations de la Hollande avaient diminué, que le ministre des finances de Hollande avait annoncé aux états-généraux que trois raffineurs avaient fait faillite. Ainsi cette industrie est loin d’avoir doublé d’activité. Mais j’ai dit et je soutiens encore que lorsqu’une cause agit en sens inverse de celui qu’on a voulu attendre, fait diminuer les recettes du trésor au lieu de les faire augmenter, alors au lieu d’augmenter l’action de cette cause il faut la diminuer ; c’est ici le cas. En Hollande, l’augmentation du rendement a produit un déficit plus grand dans les recettes. Cela prouve que là n’était pas la cause du mal et que la Hollande aurait bien fait de renoncer à ce moyen.
Maintenant l’honorable M. Dubus a dit encore en dénaturant mes paroles, car nous n’avons pas dit qu’on exportait vers le Levant du sucre brut, nous avons dit qu’on exportait des sucres raffinés mais qu’on était obligé de les piler. Je tiens en mains le détail d’un navire belge, cela prouve que quand nous parlons de navigation, c’est bien de navigation belge, quoiqu’on ait paru croire qu’il n’y avait pas de navigation belge. Je tiens le manifeste des marchandises chargées à bord du navire belge l’Euphrasie expédié le 6 septembre 1837. Au moyen de 50,000 kilog. de sucre raffiné on a exporté une grande quantité d’autres produits du pays.
Maintenant je tiens ici une note qui me fait connaître qu’on charge en ce moment un navire de commerce pour Constantinople et Odessa. A l’aide du sucre raffiné, on va expédier dans ce pays sept mille fusils. Vous voyez, c’est le sucre raffiné qui permet l’exportation de nos armes ; sans cela elles n’iraient pas dans ce pays, il n’y aurait pas de quoi compléter le fret des navires.
Messieurs, l’honorable M. Dubus, a dit encore que si le sucre est un aliment de navigation, d’autres objets sont aussi des aliments de navigation. Cela est vrai ; mais il est reconnu et il a été reconnu par la chambre française et par le gouvernement français, par le gouvernement et le parlement anglais, par la Hollande, que le sucre est l’aliment vital de toute navigation, que sans le sucre il n’y a pas de navigation possible. Lisez les discussions qui ont eu lieu dans les chambres françaises. J’ai communiqué le Moniteur français où elles se trouvent à un honorable collègue, M. Dubus peut le demander, il y verra que M. Mauguin a annoncé que l’Autriche qui, aujourd’hui, cherche à devenir une puissance maritime, a abaissé dans ce but le droit sur le sucre exotique, et nous irions entrer dans une voie contraire ; cela n’est pas possible.
M. Mast de Vries. - Tout amendement qu’on veut introduire pour établir un rendement plus élevé qu’en Hollande, doit avoir le même but, c’est d’amener un peu plus tôt ou un peu plus tard l’anéantissement de notre commerce. La proposition que vient de faire M. Demonceau est de ce genre.
On a dit que le gouvernement hollandais aurait baissé le taux du rendement, cela est vrai ; mais M. Desmaisières vient de vous démontrer ce qui en était résulté pour l’industrie.
M. Donny. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à l’honorable M. Eloy de Burdinne, au risque d’être considéré par lui comme un député de l’Inde.
L’honorable membre me semble dominé par une idée fixe qui est complétement fausse, celle que l’amendement du ministre doit faire perdre au trésor trois ou quatre millions de francs. Je me permettrai de dire à M. Eloy de Burdinne que dans la discussion actuelle il ne peut être question pour personne, pas même l’honorable membre, d’une perte de trois ou quatre millions ; il ne s’agit en effet que d’un choix à faire entre la proposition du ministre, celle de M. Demonceau et celle de M. Dubus. Au reste, M. Eloy de Burdinne l’a si bien compris lui-même qu’il nous a dit vouloir voter pour l’amendement de M. Dubus et rejeter celui du ministre. Or, il est certain que ces amendements ne diffèrent pas de trois à quatre millions dans leurs résultats. Ils ont d’abord cela de commun qu’ils rendent fixe 10 p. de l’impôt : sous ce rapport ils sont complétement les mêmes, et par conséquent, si la partie fixe de l’amendement du ministre ne doit rapporter que 7 à 800 mille fr. la partie fixe de l’amendement de M. Dubus ne produira que la même somme. Quant à la partie apurable ou éventuelle de l’impôt, la seule différence qu’il y ait entre l’amendement du ministre et celui de M. Dubus, équivaut à environ 6 fr. par 100 kil. de sucre raffiné exporté, puisque M. le ministre propose de fixer la décharge à 46 fr. 80 c., tandis que M. Dubus vent la réduire à 41 fr. seulement. Si on suppose, avec le ministre, une exportation de 14 millions, ce sera beaucoup que d’admettre que ces 14 millions de kil. de sucre brut pourront permettre d’exporter 7 millions de kil. de sucre raffiné. Multipliés par ces 6 fr. de différence, ces 7 millions ne donnent que 420 mille fr. Voilà donc à quoi se réduit la différence entre l’amendement que M. Eloy de Burdinne adopte et celui qu’il repousse. Voilà en définitive, les 3 ou 4 millions qu’il prétend devoir être sacrifiés par l’amendement du ministre.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour un fait personnel.
L’honorable préopinant prétend que je suis en contradiction avec moi-même, il prétend que le chiffre...
Plusieurs voix. - Ce n’est pas là un fait personnel ! ce n’est pas un fait personnel !
M. Gendebien. - Si j’étais tourmenté d’un désir immodéré de me faire des amis, de me faire le plus grand nombre de partisans possible, surtout parmi ceux qui exercent une certaine influence dans le monde politique, je sais bien quel en serait, dans cette discussion, le moyen à la fois le plus sûr, le plus facile, et pour moi le moins frayeux ; ce serait de soutenir les abus et de livrer le trésor public à l’exploitation des puissants de ce qu’on appelle le haut commerce. Mais je l’ai déjà dit dans d’autres circonstances, je puis me passer de ces sortes d’amis. Je n’ai jamais cherché à me faire des amis qu’en méritant leur estime, je n’ai jamais prétendu à l’estime qu’en accomplissant mes devoirs. Je vois ici un devoir à remplir, puisqu’il y a un abus à attaquer ; on m’a toujours vu sur la brèche lorsqu’il s’est agi de faire la guerre aux abus, on m’y verra de même aujourd’hui ; j’ai toujours suivi droit ma ligne, je la suivrai encore aujourd’hui sans m’occuper de savoir si je plairai ou déplairai à celui-ci plutôt qu’à celui-là.
De quoi s’agit-il ? D’arrêter la dilapidation de 3 ou 4 millions, et à mon sens de 5 millions au moins.
Qu’allègue-t-on pour maintenir ce lucratif statu quo ? Aujourd’hui on se borne à discuter la hauteur de la prime qu’on considère comme indispensable, comme un droit acquis. Précédemment, c’était autre chose : on s’offensait du mot de prime, on ne voulait, disait-on, que la simple et juste restitution du droit. Mais je me bornerai au point actuellement en discussion.
On oppose que les raffineries se sont établies sous l’empire d’une loi qui accordait une prime, c’est-à-dire qui leur donnait le trésor à exploiter. C’est pour les raffineurs un droit acquis auquel il ne faut toucher qu’avec de grands ménagements. Si le fait était vrai ce serait un abus auquel il faudrait mettre promptement un terme ; mais il est inexact, il est inexact de dire que les raffineries se sont établies comptant sur les ressources du trésor ; car ce n’est que depuis 1836 qu’ils en sont arrivés à déposséder entièrement le trésor des droits qui lui étaient acquis.
Jusqu’en 1836 l’impôt avait produit 12 à 15 cent mille francs. Tout ce qu’on vous propose aujourd’hui ne tend même pas à faire produire à beaucoup près, à l’impôt, ce qu’il produisait en 1835.
Ainsi je vous demande si ce n’est pas un véritable scandale de venir parler de droits acquis, comme si l’on pouvait prescrire le droit de spolier le trésor. On prétend avoir acquis un droit de dilapider les deniers publics, et ce n’est qu’en 1836 que les raffineurs se sont mis en possession du droit de spolier entièrement le trésor. Jusque-là ils s’étaient contentés d’en prendre la plus forte part. Et sous quel prétexte prétend-on perpétuer ce scandaleux abus ? Sous le prétexte de la nécessité d’encourager la navigation et l’industrie des sucres, de ne pas les faire périr. Et sans doute chacun de nous désire, comme les partisans du sucre exotique, encourager l’industrie, le haut comme le petit commerce et la navigation ; mais toute la question est de savoir s’il faut livrer aux différentes industries chaque branche du revenu public qui y correspond ; la question est de savoir si pour le sucre spécialement, il faut continuer pour l’avenir une législation qui a pour résultat le plus clair de priver le trésor public de 4 ou 5 millions. Voilà la question ; si vous la résolvez affirmativement pour les sucres, de quel droit repousseriez-vous les autres industries ?
Il faut procéder doucement, dit-on ! Mais les raffineurs de sucre ont-ils procédé doucement lorsqu’en 1836, franchissant toutes les bornes et non contents d’un lucre usuraire, ils nous ont enlevé de 12 cent mille à 15 cent mille francs d’une rafle ? Et maintenant il nous faut mettre des mitaines au fisc, pour éviter de faire sentir ses griffes aux fraudeurs ; il nous faut aller bien doucement, prendre bien garde d’effrayer MM. les raffineurs, lorsqu’il s’agit simplement de leur rendre la position où ils étaient en 1835, et qui est bien loin de celle où il faudrait les contraindre de s’arrêter pour rester dans la loi.
Mais, messieurs, avec les encouragements que prétendent conserver les raffineurs, toutes les branches d’industrie seraient protégées ! Voulez-vous encourager, multiplier à tout prix la navigation ? Eh bien, donnez une prime de 2 millions pour le transport des pierres brutes de Tournay, par exemple ; faites chercher, au loin, des pierres, du sable, de la terre, accordez des primes pour le retour et vous arriverez aux mêmes résultats, avec cette différence que vous centuplerez les transports et la navigation et que cela vous coûtera deux millions de moins. Il y aurait donc à cette opération des plus simples, 50 p. c. à gagner pour les contribuables.
Avec les raisons alléguées par les partisans de la prime qui, soit dit par parenthèse, sont ceux qui crient le plus fort dès qu’on parle de droits protecteurs en faveur de toute autre industrie, le trésor serait bientôt à vide.
Nous verrons lorsqu’il s’agira de l’impôt sur le sel, lorsqu’il s’agira de protéger le malheureux qui a besoin d’un peu de sel pour rendre mangeables des pommes de terre, son seul aliment, nous verrons s’ils proposeront une diminution sur cet impôt ? Cependant cette diminution augmenterait beaucoup la consommation et pourrait doubler les transports et la navigation.
Mais on se gardera bien de proposer une diminution, Qui en profiteraient en effet ? De malheureux prolétaires ; gens qui ne sont pas puissants, qui n’ont pas leurs entrées auprès du gouvernement, auprès du ministère, qui ne peuvent pas exercer cette influence salutaire dont a parlé tout à l’heure M. le ministre des finances. Le produit de l’impôt du sel augmenterait, il serait doublé peut-être, si l’on diminuait cet impôt de moitié, en abolissant les restitutions qui profitent encore aux puissants ! N’importe on n’y touchera pas, parce qu’il s’agit d’hommes qui n’ont aucune influence dans le monde politique et dont, par conséquent, se soucient fort peu certaines gens qui ne tiennent compte que de la haute estime et des cajoleries d’hommes puissants. Voilà ce qui arrivera pour les sels, et on ne manquera pas de nous dire encore qu’on n’est pas en contradiction avec les précédents.
Mais il est un produit que nous pouvions facilement imposer, sans molester personne ; le sucre, matière essentiellement imposable ; on ne l’impose pas, au profit du trésor au moins. Au profit de qui sera ce dégrèvement ? Sera-ce au profit de ceux qui paient l’impôt sur le sel ? Non ; ce sera au profit de quelques hommes puissants. Que répondrez-vous, si ceux qui n’ont pas leurs entrées ni au ministère ni près du gouvernement viennent un jour demander compte, à la chambre, de son vote, et dire : Le sucre pouvait rapporter 4 millions, et remplacer l’impôt sur le sel ; vous avez préféré sacrifier 4 millions au profit de quelques hommes puissants plutôt que de diminuer l’impôt sur le sel qui pèse sur les malheureux. Est-ce là de la justice ? Faut-il donc que nous nous fassions puissants aussi, nous, pour obtenir justice ?
Prenez garde, messieurs, il y a chez le peuple une grande propension à se faire puissant ; prenez garde de lui faire croire à la nécessité de faire entendre sa voix en lui portant préjudice dans ses premiers objets de consommation et en l’autorisant à croire que ces sacrifices lui sont imposés au profit de puissants.
M. Rogier. - Et les houilles ?
M. Gendebien. - Oui, les houilles ? Que fait-on pour les houilles ? Que fait-on pour les mettre à la portée du peuple ? Dans de grandes villes, on impose les houilles d’un droit à peu près égal à la valeur. Qui souffre de cela ? Le prolétaire. Que fait le gouvernement pour le soustraire à cet impôt exorbitant ? Rien. Mais s’il s’agit d’imposer quelques charges municipales sur les puissants, le ministère s’y oppose.
Quand la province du Hainaut vient vous dire : Vous nous imposez des droits de navigation trop forts, vous les augmentez d’une prime d’amortissement, vous tolérez tous les genres d’abus qui augmentent les prix de la houille ; vous n’en tenez compte ; quand elle vous dit : Vous frappez les houilles d’un droit de barrières énorme, de telle manière qu’après avoir payé les frais d’entretien, vous faites peser sur les houilles le poids d’une contribution de 5 à 600,000 francs au profit des autres provinces, et notamment de la province d’Anvers. Que répond-on aux exploitants de houilles ? On dit que c’est le consommateur qui paie ! Mais le consommateur c’est le pauvre, sur lequel vous faites semblant de vous apitoyer. Diminuez donc les droits barrière, les droits de navigation, les abus de toute espèce vous aurez alors les houilles à bon marché. Mais pour la houille comme pour le sel, on ne fera rien.
On crie parce que certaines gens du haut commerce ont intérêt à crier pour donner le change, et pour étourdir le public sur d’autres points plus importants pour eux, les sucres par exemple ; c’est ainsi que maintenant on parle de la houille, uniquement pour détourner l’attention. Car on sait parfaitement bien qu’une baisse de 25 p.c. qui absorberait tous les bénéfices, qui même constituerait les exploitants de houillères en perte de 15 p. c., ne ferait une diminution à Bruxelles, Gand et Anvers que de 1 fr. 50 c. à 1 fr. 25 c. les 1,000 kil. Je vous demande si c’est là un allégement, et si ce n’est pas ailleurs qu’il faut le chercher, si on veut sincèrement s’occuper des bouilles, dans l’intérêt du peuple.
Je demande pardon à la chambre de cette digression qui n’est pas mon fait ; je n’ai fait que répondre à une interruption.
Messieurs, on vous a dit qu’il faut bien prendre garde d’augmenter le rendement, de faire rentrer une somme quelconque au trésor, en imposant les sucres, parce que vous avez à craindre la concurrence de la Hollande. Mais je crois que l’Angleterre a plus d’intérêt que la Hollande, et par conséquent beaucoup plus d’intérêt que nous à favoriser le raffinage, le commerce et l’exportation du sucre. Cependant, ouvrez les statistiques, et vous verrez que les trois quarts à peu près, moins une fraction, soit les deux tiers des droits payés à l’entrée, sont acquis au trésor. En France, les deux tiers à peu près rentrent au trésor ; cependant, la France et l’Angleterre ont des colonies à favoriser, et en favorisant le sucre exotique, elles favorisent à la fois leurs colonies, leur marine militaire et marchande, et les raffineries de sucres exotiques. Malgré cela, il rentre au trésor, en France, à peu près les deux tiers des droits, en Angleterre, un peu plus des deux tiers et un peu moins des trois quarts. En Belgique, il ne rentre rien au trésor ! Et l’on voudrait rester dans cette position qu’on appelle le statu quo, un droit acquis ! Veuillez remarquer, messieurs, qu’en Hollande le haut commerce se sert précisément du même prétexte qu’en Belgique pour perpétuer l’abus existant. On y dit : Prenez garde, si vous augmentez le rendement, la Belgique, qui s’est déjà emparée d’une partie de votre commerce, va l’absorber entièrement.
Cependant, comme je le disais encore il y a deux jours, la Hollande a augmenté le rendement, et l’a porté à 61 et 64. Et le jour où nous porterons notre rendement au taux qu’a proposé M. Dubus, il y aura en Hollande augmentation de rendement dans la même proportion. Au surplus, si le haut commerce hollandais opprime le peuple hollandais, pourquoi souffririons-nous que le haut commerce belge opprimât le peuple belge ? Le haut commerce de la Hollande peut au moins s’étayer sur d’anciens services rendus au pays, sur la nécessité des moyens de communication qu’il procure entre d’importantes colonies et la métropole. Il y a en Hollande double nécessité d’encourager la navigation : pour les colonies et pour la marine militaire qui se recrute dans la marine marchande : toutes choses que nous n’avons pas en Belgique.
Cependant quels que soient les services que rende le haut commerce à la Hollande, on n’en a pas moins augmenté le rendement des sucres de 55 à 61 et 64 ; et en Belgique on hésite à suivre cet exemple.
On a cherché à atténuer cette observation et à justifier le chiffre proposé par le ministre, de 57.
Que dit-on pour prouver que le chiffre 57 de rendement en Belgique arrive au même point que 61 de rendement en Hollande ? On vous dit qu’il y a l’avantage d’une prime de 8 p. c. sur les sucres que la Hollande tire de ses colonies ; prime qui n’existe pas en Belgique. Mais on sait que les sucres des colonies hollandaises rendent moins que les sucres de la Havane que nous raffinons pour l’exportation ; et, sous ce rapport, nous avons un avantage considérable sur les sucres hollandais, un avantage qui compense bien au-delà la prime de 8 p. c. Que l’on cesse donc de vous représenter notre industrie comme moins bien traitée qu’en Hollande.
Le ministre a dit que les raffineurs belges auraient 5 fr. par 100 kilogrammes de défaveur sur les sucres hollandais ; je voudrais qu’il le prouvât, et je crois pouvoir l’en défier ; car ici on procède toujours par allégation d’un côté, et on ne répond pas aux démonstrations données de l’autre, ce qui est fort commode ; et après une discussion qui a duré dix jours, on jette à l’improviste un amendement à la fin de la discussion, au moment de voter ; on se met en contradiction avec soi-même, avec toutes les démonstrations qu’on a établies laborieusement pendant dix jours.
Quant à moi, qui ai l’habitude de ne pas tourner le dos à une conviction acquise, j’ai acquis la conviction que l’amendement de M. Dubus est en-dessous du rendement réel ; que c’était celui de M. Dumortier qu’il fallait adopter, parce qu’il met nos raffineurs sur le même pied que les raffineurs français, bien que les raffineurs de Belgique aient moins droit à des faveurs que ceux de France qui opèrent sur des sucres moins productifs. Cependant comme M. Dubus a pris un mezzo termine, pour procéder sans choc, qu’il s’est placé beaucoup en dessous de ce qui a lieu en France pour les sucres de ses propres colonies ; je m’y suis rallié et je ne puis comprendre comment, après avoir obtenu une immense majorité au premier vote, il pourrait échouer au second.
J’aurais bien d’autres choses à dire ; mais ma poitrine me force à m’en tenir là ; je voterai l’amendement de M. Dubus et repousserai tous les autres.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable orateur, en commençant son discours, a semblé dire que ceux qui voulaient procéder avec modération et qui ne voulaient pas de l’amendement de M. Dubus, cherchaient à se faire des amis.
Messieurs, je ne sais si dans cette matière il serait possible de se faire des amis sans se faire des ennemis ; car il y a deux intérêts en présence : d’un côté, comme l’a dit, je crois, M. Seron, se trouve la betterave et de l’autre la canne ; voilà la situation telle qu’elle est.
Je ne dis pas que M. Gendebien veut protéger la betterave, je veux dire que s’il croit que nous voulons nous faire des amis sans mécontenter personne, il est complétement dans l’erreur.
Si nous nous refusions à changer la législation existante, je concevrais qu’on nous attaquât ; car vouloir maintenir intégralement et à tout prix les abus, mériterait de votre part la plus vive opposition.
Mais il ne s’agit pas de cela. Nous voulons corriger les vices de la législation qui nous régit en ce qui concerne les sucres, et il n’y a de divergence entre nos adversaires et nous, que parce que nous voulons procéder avec prudence et avec modération, tandis qu’ils préfèrent, eux, trancher tout d’un coup ; or, nous, nous avons donné des raisons pour justifier notre opinion.
M. Gendebien dit qu’en adoptant l’amendement de M. Dubus il n’y aurait pas pour les raffineries la défaveur qu’on a alléguée ; pour répondre à cette objection, il suffit de comparer 65 à 70 rendements exprimés par cet amendement avec 61 et 64 rendement admis par la loi en Hollande.
L’honorable membre a répété qu’avec des avantages semblables à ceux qu’ont les raffineries de sucres exotiques, on pourrait protéger l’exportation de toutes sortes de matériaux, des pierres, du sable même et activer ainsi la navigation. Mais, messieurs, encore une fois, il ne s’agit pas de maintenir, encore moins d’augmenter les faveurs pour les sucres exotiques, il s’agit de les restreindre ; ainsi, tous les raisonnements qu’on nous oppose à cet égard ne sont pas applicables.
On nous attend, dit-on, à la discussion de la future loi sur le sel, pour savoir si alors nous voudrons des réductions sur cet impôt que supporte le pauvre : d’abord je dirai que le riche paie aussi l’impôt du sel ; il est vrai que la consommation étant à peu près la même pour tout le monde, la charge est relativement plus supportable par celui qui a le plus d’aisance. Quoi qu’il en soit, peut-on dire que l’impôt du sel soit accablant ? II n’existe pas de pays où il soit aussi bas qu’en Belgique : le droit y revient à moins d’un franc par tête ; en France et en Prusse ce droit s’élève à plus d’un franc et demi par tête ; et l’aisance du bas peuple y est beaucoup moins grande que dans notre pays.
L’orateur auquel je réponds, voudrait présenter la Belgique comme un pays de pauvres, de malheureux, accablés sous le poids des impôts. Ce tableau n’est pas exact ; et ceux que vous appelez pauvres ne s’aperçoivent pas eux-mêmes qu’ils paient l’impôt sur le sel.
M. Gendebien. - Que rapporte au trésor le sucre par tête ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous tâcherons de faire rapporter quelque chose au trésor par l’impôt sur le sucre, mais progressivement et en usant à cet égard de la circonspection que conseillent les intérêts bien entendus du pays.
Messieurs, on nous peint le gouvernement comme n’écoutant que les réclamations de l’homme riche, de l’homme puissant, et comme sourd aux plaintes du pauvre ; je crois qu’à cet égard on est tout à fait injuste envers nous, car il n’y a pas de pays où le gouvernement soit aussi abordable qu’en Belgique, et qui fasse aussi promptement droit aux réclamations fondées, n’importe d’où elles émanent. A ce propos, je m’élèverai contre les catégories qu’on veut faire dans la nation ; aux yeux de la loi elles sont interdites ; les riches ont droit comme les pauvres à une égale protection de la représentation nationale.
Mais que seraient les pauvres s’il n’y avait pas à côté d’eux des riches ? On a laissé, il est vrai, sous-entendre le nivellement des fortunes, mais heureusement ces idées ne sont plus de nos jours et nous n’avons pas à craindre les calamités qui en seraient la réalisation des calamites qui seraient bien autres que celles, d’ailleurs imaginaires, qu’on nous dépeint. La Belgique, messieurs, est loin de cette position dont on parle ; il y a de l’aisance généralement dans le pays, et les impôts sont répartis d’une manière juste et excessivement modérée sur toutes les classes de la société. N’oubliez pas, messieurs, que depuis 1830, différentes contributions qui atteignaient plus particulièrement les classes les moins aisées, ont été abaissées ou améliorées.
M. Eloy de Burdinne. - Et cependant le cultivateur boit de l’eau.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Les ouvriers touchent partout des salaires très élevés, il est reconnu par tout le monde que les journées de manœuvres en Belgique sont augmentées au moins de moitié depuis deux ou trois ans ; ce n’est pas là un indice de gêne pour le pays.
M. Gendebien (pour un fait personnel). - A entendre le ministre des finances j’aurais voulu faire des catégories des pauvres et des riches, afin de frapper les riches, de niveler les fortunes. Je n’ai rien dit qui put autoriser de pareilles insinuations contre lesquelles je proteste.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’en appelle à la chambre !
M. Gendebien. - Vous en appellerez à qui vous voudrez. Je ne veux frapper personne ; je n’ai jamais demandé que justice pour tous, et protection pour le faible,
Il est fort commode, pour donner le change, d’évoquer certaines théories pour effrayer certains hommes, dans le but, non de protéger les riches, mais d’obtenir une concession ou de maintenir sa coterie au pouvoir ; toutes ces manœuvres sont fort usées. Je ne parle pas précisément de ce qui se fait actuellement en Belgique, mais de ce que l’on a tenté en France, et des essais qu’on a faits il y a quelques années chez nous. Je proteste contre toutes ces insinuations, toutes ces manœuvres.
Il ne s’agit pas non plus d’un appel au peuple ; je proteste également contre cette insinuation.
Je dis une chose fort simple. L’on peut en tirer toutes les conséquences que l’on veut, mais toutes les fois que les conséquences que l’on tirera de mes paroles ne seront pas logiques, je protesterai. J’ai dit une chose vraie, et que M. le ministre a confirmée lui-même en me répondant : j’ai dit que lorsqu’on impose le sel qui est une matière première, indispensable au peuple, il serait souverainement déraisonnable, dangereux même, de ne pas imposer le sucre, qui est un objet de luxe. M. le ministre a dit que l’impôt sur le sel ne représente qu’un franc par tête, et j’ai fait remarquer que l’impôt sur le sucre représente zéro ; cela est-il juste ? J’ai dit, messieurs, que l’impôt sur le sel pèse d’une manière accablante sur le pauvre et qu’il épargne le riche. N’ai-je pas eu raison ? Puisque d’une part le riche a cent fois mieux le moyen de payer que le pauvre, et que, d’un autre côté, le pauvre consomme beaucoup plus de sel que le riche, le pauvre n’ayant pas d’autre assaisonnement, tandis que le riche a mille espèces de moyens pour aiguiser ses appétits. L’impôt n’est-il pas accablant par sa double inégalité ?
Je ne rentrerai pas dans la discussion, ayant seulement demandé la parole pour protester contre les insinuations du ministre.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Lardinois. - Nous ne devons pas nous dissimuler, messieurs, que la question qui nous occupe est extrêmement importante. Cependant personne n’a, pour ainsi dire, encore parlé de l’amendement de M. le ministre des finances ; je voudrais combattre cet amendement et présenter quelques observations relativement aux 10 p. c. qu’il s’agit d’assurer définitivement au trésor. D’un autre côté, nous n’avons pas encore entendu les honorables députés d’Anvers ; l’honorable M. Rogier a demandé la parole, je pense qu’il conviendrait de l’entendre.
Je demande donc que la discussion ne soit close que quand un ou deux orateurs auront encore parlé.
M. Dubus (aîné). - Je désire savoir, messieurs, sur quel point il s’agit de clore la discussion ; ce ne pourrait jamais être sur la totalité de l’article premier, car d’honorable députés ont annoncé l’intention de revenir sur la première phrase de cet article. Je ne sais pas s’ils renoncent aux observations qu’ils voulaient faire à cet égard.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il s’agit de clore la discussion seulement sur ce qui concerne le rendement et les 10 p. c., deux questions qui se lient nécessairement. Il y a un autre point sur lequel on ne peut pas clore en ce moment, c’est la question de rétroactivité à l’égard de laquelle je désire m’expliquer moi-même.
- La clôture est prononcée.
La chambre consultée sur la priorité entre les diverses propositions, décide qu’elle votera d’abord sur la question de savoir si un dixième du droit d’entrée sera définitivement acquis au trésor.
Cette question mise aux voix, est résolue affirmativement.
La disposition adoptée au premier vote relativement au chiffre du rendement est ensuite mise aux voix par appel nominal ; en voici le résultat :
76 membres prennent part au vote ;
3 s’abstiennent ;
24 adoptent ;
52 rejettent.
En conséquence, cette disposition n’est pas adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Berger, Brabant, Corneli, David, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne, Gendebien, Heptia, Jadot, Lecreps, Mercier, Metz, Pirmez, Raymaeckers, Simons, Trentesaux, Troye et Vandenbossche.
Ont voté le rejet : MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Coghen, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, B. Dubus, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
MM. Demonceau, Desmet et Lardinois se sont abstenus.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Demonceau. - Messieurs, je me suis abstenu parce que j’ai présenté un amendement et que j’ai l’espoir de le faire adopter.
M. Desmet. - Je voulais conserver en entier le drawback pour l’exportation des sucres raffinés. Si l’amendement du ministre n’avait pas été adopté, je votais l’amendement de l’honorable M. Dubus ; car j’avais la conviction qu’avec cet amendement on n’enlevait pas le drawback à l’exportation des sucres raffinés, mais qu’on introduisait dans la législation actuelle une modification nécessaire pour arrêter les nombreux moyens de fraude et fermer une voie inique, qui, aux dépens au trésor, étaient ouverte aux négociants pour exporter avec prime du sucre brut en Allemagne, et aux raffineurs, pour réintroduire frauduleusement en Belgique les sucres qui y avaient été raffinés et qui n’avaient franchi nos frontières que pour profiter de la prime de sortie.
Mais comme l’amendement du ministre ôte nécessairement une part au drawback et que je ne doute pas que cette mesure fera plus de tort aux raffineurs belges que l’amendement de M. Dubus, je ne veux pas aggraver leur position en haussant le taux du rendement légal.
M. Lardinois. - Je me suis abstenu, parce que, dans tous les cas, les 10 p. c. sont insuffisants pour assurer les intérêts du trésor. D’un autre côté, je trouve qu’avec ces 10 p. c. la proposition de M. Dubus, qui élève le rendement à 70 p. c. va trop loin.
M. le président. - Il reste à statuer sur la proposition de M. Lardinois.
M. Lardinois. - Je la retire.
M. le président. - Nous allons maintenant statuer sur l’amendement de M. Demonceau qui propose un rendement de 59 pour le sucre de la catégorie A, et un rendement de 65 pour la catégorie B.
Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal.
En voici le résultat :
78 membres sont présents.
32 répondent oui.
46 répondent non.
En conséquence, l’amendement de M. Demonceau n’est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Berger, Brabant, Corneli, Dechamps, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne, Gendebien, Heptia, Jadot, Lardinois, Lecreps, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Pirmez, Raymaeckers, Simons, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Volxem et Wallaert.
Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert, Coghen, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Perceval, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, B. Dubus, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Nothomb, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
M. le président. - Maintenant, je vais mettre aux voix les chiffres proposés par M. le ministre des finances, savoir :
46 fr. 85 c. pour les sucres de la catégorie A ;
44 fr. 50 c. pour les sucres de la catégorie B ;
Ces deux chiffres sont adoptés.
M. le président. - Il reste actuellement à fixer les points de détail. A cet effet, je vais relire les divers articles.
« Art. 1er. Les reliquats de comptes ouverts et les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés par décharge à l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises en charge, résultant soit d’importations directes soit de sorties d’entrepôt livre, public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes auront été spécialement transcrits. »
M. Verdussen. - Déjà deux fois j’ai expliqué en quoi consistait, selon moi, la rétroactivité dans la disposition dont il s’agit. Je désire que la chambre se rappelle ce que j’ai eu l’honneur de lui dire. J’ai démontré qu’il y avait droit acquis pour les raffineurs d’exporter autant de sucres raffinés qu’il fallait pour opérer la liquidation des prises en charge. C’est comme si un particulier qui aurait prêté de l’argent en acceptant un remboursement de plusieurs manières exigeait ensuite que son débiteur se libérât d’une seule manière. Le raffineur a contracté vis-à-vis de l’Etat une dette, le gouvernement a consenti à ce qu’il se libérât de trois manières, par la transcription, le paiement comptant et l’exportation du sucre raffiné. Maintenant, après qu’il a en partie satisfait à son engagement, il faut que, pour la totalité, les conditions du contrat soient remplies. Je pense qu’il y a loyauté à maintenir les conditions imposées lorsque la dette a été contractée par le raffineur vis-à-vis du gouvernement.
M. Dumortier. - Je suis opposé autant que qui que ce soit à toute espèce de rétroactivité dans les lois. Les lois rétroactives sont toujours de véritables fléaux dans la société, mais la question n’est pas là : la question est de savoir s’il y a ou non rétroactivité. Il me semble qu’il sera facile de démontrer que l’argumentation n’est pas mieux fondée sur ce point que sur celle qu’on a fait valoir en faveur d’une industrie qui enlève quatre millions au trésor.
Je vais prouver par un exemple, qu’il n’y a pas même apparence de rétroactivité. S’il y avait rétroactivité quand la loi modifie un impôt, la rétroactivité existerait dans tous les cas de la modification de cet impôt. Qu’avez-vous fait dans la loi sur les distilleries, vous avez amélioré la condition de ceux qui exportaient des spiritueux. Personne est-il venu soutenir qu’il y avait rétroactivité, que les marchandises en entrepôt fictif ou prises en charge ne devraient être réexportées qu’au taux de l’ancienne loi.
Cette idée n’est venue à personne, parce que les partisans de la loi sentaient l’avantage qui allait en résulter pour les distillateurs ; le ministre et nous qui combattions ce projet, nous sentions la justice de la position. Quand on n’a pas trouvé de rétroactivité lorsqu’il s’agissait d’améliorer la position des négociants aux dépens du trésor, on ne peut pas en trouver non plus quand il s’agit d’améliorer la position du trésor. Il n’y aurait que dans le cas où la marchandise serait déclarée en consommation ; alors il y aurait rétroactivité à la soumettre à une aggravation de droits. Mais quelle est la position des marchandises prises en chargé ? Aussi longtemps qu’une marchandise est prise en charge, elle peut, au gré du possesseur, être déclarée soit en consommation, soit en exportation.
La marchandise est comme si elle était en entrepôt. Vous faites une loi de douane, viendra-t-il dans l’esprit de personne de prétendre que les marchandises entreposées devront payer le droit d’après l’ancienne loi. Jamais personne ne prétendra cela. Eh bien, il n’y a aucune différence entre l’entrepôt et la prise en charge, sinon qu’on laisse au négociant la faculté d’avoir l’entrepôt dans ses magasins. La question est identiquement la même. Au reste, les négociants pourront déclarer en consommation et acquitter les droits avant la promulgation de la loi.
Il n’y aura pas de rétroactivité. Si vous admettez la proposition de m. Verdussen, vous ne recevrez rien pour l’année prochaine. Comme il se trouve pour beaucoup de millions de prise en charge, manifestement vous ne percevriez pas les droits que vous avez le droit d’attendre ; et si un jour vous venez à supprimer la disposition actuelle et à rétablir les dispositions aujourd’hui en vigueur, on ne viendra pas prétendre qu’il y a rétroactivité. Il faut que les choses soient les mêmes pour tout le monde. Il faut être juste envers le trésor comme envers les particuliers.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense que l’article premier, tel qu’il est rédigé, n’offre pas toutes les garanties nécessaires pour la perception du droit. Il porte : « Les reliquats de comptes ouverts et les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront, etc. »
Cette disposition ne sera valable que du jour où la loi sera exécutoire ; d’ici là on pourra absorber tous ces reliquats et ceux de comptes nouveaux qui seraient ouverts. Je pense qu’il y a un moyen d’être minutieusement juste et de prendre les garanties nécessaires contre les abus. Je vais le proposer, et j’espère qu’il ne sera contesté par personne, c’est, au lieu de dire : « Les reliquats de comptes ouverts, », ce qui concerne le passé, nous dirions : « Les comptes ouverts ou à ouvrir à partir du 30 décembre 1837 à midi pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés, etc. »
De cette manière, nous serions certains qu’on ne frustrera pas le trésor pour l’avenir et qu’on ne pourra pas reprocher à notre loi la plus légère apparence de rétroactivité.
J’ai lieu de croire que le préjudice ne sera pas très notable pour le trésor. A l’heure actuelle, les prises en charge ne sont pas tellement fortes que leur apurement entier par l’exportation fasse perdre le dixième d’une somme très importante.
M. Dumortier. - Je crois que M. le ministre propose d’insérer dans la loi une mesure rétractive, car la promulgation ne pourra avoir lieu que dans le courant du mois de janvier. La loi contiendra ce qu’on appelle une mesure agissant sur le passé ; ce serait une loi rétroactive. S’il y a injustice à adopter une disposition rétroactive, vous ne pouvez pas admettre celle que propose M. le ministre ; si, au contraire, la rétroactivité ne vous effraie pas, il vaut mieux laisser l’article tel qu’il est formulé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La loi actuelle ne doit pas être considérée d’une manière aussi générale que dans d’autres matières. C’est une loi dont la discussion générale est connue de ceux qu’elle intéresse ; ils sauront aujourd’hui qu’à partir du même jour les nouvelles prises en charge ne pourront être apuré par exportation que jusqu’à concurrence du dixième ; c’est la question de loyauté et de bonne foi qu’il faut ici envisager spécialement et non les règles ordinaires du droit.
D’ailleurs, je n’ai pas admis que l’article proposé eût un effet rétroactif.
Je suis même d’accord avec l’honorable M. Dumortier à cet égard. Je pourrais prouver par des exemples nombreux de lois bursales, que la législature a assujetti, dans des cas analogues, au nouveau régime, les marchandises accisées qui se trouvaient dans le pays, sans avoir encore payé l'impôt.
Je prierai M. Dumortier de faire attention que sa proposition ne serait pas, exprimée comme il l’indique, suffisante, et qu’il faudrait en tout cas dire : « Les reliquats de comptes ouverts au 31 décembre 1837 à midi, » parce que sans cela l’article premier n’ayant vie que le jour où la loi serait promulguée il s’écoulerait d’ici là un temps suffisant pour consommer bien des manœuvres frauduleuses, que l’honorable membre a précisément en vue de prévenir.
- L’amendement proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.
L’article premier est mis aux voix et adopté avec cet amendement, dans les termes suivants :
« Art. 1er. Les comptes ouverts à partir du 30 décembre 1837 à midi, et les comptes à ouvrir pour droit sur le sucre, ne pourront être apurés par décharge à l’exportation que jusqu’à concurrence des neuf dixièmes des prises en charge, résultant soit d’importations directes soit de sorties d’entrepôt livre, public, particulier ou fictif.
« L’autre dixième devra être payé à l’échéance de chacun des termes par le débiteur primitif, ou par celui auquel ces termes auront été spécialement transcrits. »
La chambre passe à la discussion de l’article 2 ainsi conçu :
« Art. 2. La décharge pour l’exportation du sucre est fixée en principal :
« A. A 41 fr. les cent kilog. de sucres raffinés en pain, dit mélis, blancs, parfaitement épurés et durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et de sucres candis à larges cristaux, clairs et reconnus secs.
« B. A 38 fr. les cent kilog. de sucres raffinés en pains, dits lumps, blancs, sans teinte rougeâtre, durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et bien épurés.
« C. Au taux respectivement établi aux paragraphes A et B, pour les sucres en pains, mélis et lumps, concassés en morceaux ou pilés dans un magasin spécial de l’entrepôt libre ou public du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent les qualités indiquées auxdits paragraphes A et B.
« D. A 26-71 20/100 fr. (12 fl. 30 cents, à raison de 2 fr. 12 c. par florin) par 100 kilog., de tous autres sucres raffinés tels que sucres candis, dits manqués, à petits cristaux humides revêtus de croûte, et sucres spongieux de teinte rougeâtre.
« La décharge des droits ne sera pas accordée pour exportation de sucres bruts ou de sucres raffinés mélangés avec du sucre brut. »
M. Dumortier. - Les sucres qui font l’objet du paragraphe D ont plutôt une teinte jaunâtre que rougeâtre. Je pense donc qu’il convient d’ajouter à la fin de ce paragraphe après le mot « rougeâtre » celui de « jaunâtre ».
M. Coghen. - Le premier paragraphe de l’article en discussion offrira peut-être des difficultés d’exécution. Il porte :
« La décharge pour l’exportation du sucre est fixée en principal. »
Cette décharge est pour l’avenir. Mais pour les comptes ouverts avant aujourd’hui à midi, de quelle manière permettra-t-on l’exportation ? S’il est dans la pensée du gouvernement et dans la volonté de la chambre que l’exportation ait lieu d’après la loi qui nous régit, mon observation tombe. Mais si on veut appliquer la loi que nous discutons, vous aurez le même inconvénient auquel vous avez obvié par l’amendement que vous venez d’adopter à l’article premier, sur la proposition de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Evidemment les dispositions de l’article 2 ne doivent être appliquées qu’aux comptes ouverts postérieurement au 30 décembre 1837. L’amendement que la chambre vient d’admettre sur ma proposition à l’article premier me semble trancher la question ; il ne peut pas y avoir de doute à cet égard.
M. Verdussen. - On pourrait répéter votre amendent à l’article 2.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui, on pourrait le répéter, mais je crois que c’est inutile.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Dumortier, tendant à ajouter le mot « jaunâtre », je suis loin de m’y opposer. C’est une définition précise de plus et dont l’insertion dans la loi ne peut qu’être utile.
M. Verdussen. - Je propose de rédiger ainsi l’article premier :
« La décharge pur l’exportation du sucres, pour les primes en charge postérieures au 30 décembre 1837 à midi, est fixée en principal. »
M. Coghen. - Je demande la division par paragraphes. Si on est d’accord sur le premier paragraphe, qu’on passe au littera A, sur lequel j’aurai également une observation à présenter.
M. de Jaegher. - Je ne sais si j’ai bien compris la pensée de ce paragraphe. Mais il me semble que l’amendement de l’honorable M. Verdussen introduit une rétroactivité, au lieu de la détruire.
Dans ma pensée, l’avantage accordé aux raffineurs qui ont actuellement des sucres en magasin, ou en entrepôt, serait l’exemption des 10 p. c. votée à l’article premier. En d’autres termes, les possesseurs de quantités de sucres, admises en compte, ont un avantage d’un dixième du droit sur ceux qui introduisent des sucres à dater d’aujourd’hui à midi.
Et il me semblait que cet avantage ne devait pas être étendu jusqu’à la réexportation. Voilà une observation que je soumets au ministre des finances ; car c’est ainsi que j’avais compris la portée de cet article. La manière dont M. Verdussen l’interprète laisse un trop grand avantage à ceux qui ont des sucres en magasin.
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Verdussen :
« La décharge pour l’exportation du sucre pour les prises en charge postérieures au 30 décembre à midi, est fixée en principal… » Le reste comme à l’article. Nous allons discuter cette partie de l’article.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il y a deux dispositions dans la portée de l’article que l’on considère comme rétroactive ; par la première il faut payer le dixième du droit ; la seconde est relative à la diminution du droit de décharge à l’exportation ; mais ces deux dispositions ne peuvent se séparer ; et si la rétroactivité avait lieu pour le paiement du dixième, elle aurait lieu aussi pour le remboursement d’un moindre droit à l’exportation. Admettant la première, il fait donc admettre la seconde.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Voici les autres paragraphes de l’article 2 :
« Art. 2. La décharge pour l’exportation du sucre est fixée en principal :
« A. A 40 fr. 85 c. les cent kil. de sucres raffinés en pains, dits métis, blancs, parfaitement épurés et durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et de sucres candis à larges cristaux, clairs et reconnus secs.
« B. A 44 fr. 50c. les 100 kilog. de sucres raffinés en pains, dits lumps, blancs, sans teinte rougeâtre, durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et bien épurés.
« C. Au taux respectivement établi aux paragraphes A et B, pour les sucres en pains, mélis et lumps, concassés en morceaux, ou pilés dans un magasin spécial de l’entrepôt libre ou public du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent les qualités indiquées auxdits paragraphes A et B.
« D. A 26 71 20/100 fr. (12 fl. 60 cents, à raison de 2 fr. 12 c. par florin) par 100 kil. de tous autres sucres raffinés, tels que sucres candis, dits manqués, à petits cristaux humides revêtus de croûte, et sucres spongieux de teinte rougeâtre. »
« La décharge de droits ne sera pas accordée pour exportation de sucres bruts ou de sucres raffinés, mélangés avec du sucre brut. »
M. Coghen. - Je crains des embarras pour l’administration et pour le commerce si on conserve l’expression de « larges cristaux » dans le paragraphe A ; je demanderai qu’elle soit remplacée par cette expression : « bien cristallisés. » Il est impossible de déterminer précisément ce que veut dire « larges cristaux, » tandis que l’on comprend sans équivoque ces mots : « bien cristallisés. » Il est impossible aussi d’exporter exclusivement des larges cristaux, parce que la raffinerie ne le comporte pas. Quand on verse le sucre raffiné dans les vases coniques il s’y forme trois ou quatre espèces de cristaux. Les candis ne sont faits que dans des caisses, et il n’y a que la superficie du liquide qui présente de grands cristaux ; ce qui est en-dessous ne présente que de petits cristaux. Ecrivez donc dans la loi : « et de sucres candis bien cristallisés, clairs et reconnus secs. » Cela suffira pour l’administration et pour le commerce, et cela offrira toutes les garanties désirables.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, il me paraît qu’il n’y a aucune espèce de danger à admettre la désignation de « larges cristaux, » laquelle est adoptée dans le commerce ; c’est là un terme dont l’usage a donné la définition précise. Nous ne voulons pas qu’on élude la loi ; et au moyen de termes précis mais compris de tout le monde, on peut se passer de ce jury dont j’avais parlé à la commission. Si nous introduisons le moindre vague dans la rédaction, nous regretterions probablement d’avoir renoncé au jury.
La loi ne sera pas exécutée d’une manière absurde ou hostile à l’industrie et au commerce quand on présentera du sucre bien clair et bien cristallisé, ce sera du sucre candi à larges cristaux pour l’administration, comme pour le raffineur.
M. Hye-Hoys. - On pourrait présenter du sucre candi qui ne serait pas à larges cristaux et dont la qualité serait préférable à celle du sucre dont les cristaux seraient plus larges.
M. Coghen. - La manière dont M. le ministre des finances comprend l’expression de « larges cristaux » et la manière dont il annonce que la loi sera appliquée me rassure complétement, et je retire mon amendement. Mon intention était de provoquer cette explication afin d’éviter des embarras au commerce et à l’administration.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Ces explications seront dans le Moniteur.
M. le président. - M. Dumortier demande que l’on mette « jaunâtre » après le mot « rougeâtre » dans les paragraphes B et D.
- La proposition de M. Dumortier est adoptée.
M. Coghen. - Je demanderai la suppression du mot « morceaux » dans le paragraphe C. Ou y dit : « Concassés en morceaux » ; mais n’est-ce pas là répéter deux fois la même chose, puisque concassés signifie réduits en petites parties. Je crois que les mots « concassés » et « pillés » suffisent dans la loi.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le mot « morceaux » me paraît tout à fait inutile ; on peut le supprimer.
- Cette suppression est adoptée.
M. Verdussen. - Le mot spongieux que l’on a fait disparaître des paragraphes A et B doit disparaître aussi du paragraphe D.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’observation est exacte ; on doit supprimer ce mot.
- La suppression du mot « spongieux » est adoptée.
L’article 2, ainsi amendé, est adopté dans son ensemble.
M. le président. - Les articles 3 et 4 ne peuvent donner lieu à aucune discussion. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 3. La déduction pour déchet accordée pour les sucres déposés à l’entrepôt fictif et montant :
« A. A un p. c. pour les sucres de la Havane.
« B. A 2 p. c. pour tous les autres sucres, est supprimée. »
« Art. 4. La tare accordée pour le sucre importé dans des caisses de la Havane est réduite à 14 p. c. du poids brut, et pour celui importé dans d’aunes caisses à 16 p. c. ; sauf la vérification de la tare, lorsqu’elle sera demandée par la partie intéressée. Les autres tares de 15 p. c. du poids brut pour les tonneaux, de 8 p. c. pour les emballages de cuir, nattes, paniers, toiles et autres semblables, et de 10 p. c. pour les canassers, sont maintenues. »
Voici l’article 5 :
« Art. 5. Le dépôt du sixième, pour garantie de l’accise des sucres admis en entrepôt fictif, est porté au quart de la quantité des sucres pris en charge.
« Il ne sera admis de sucre en entrepôt particulier que sous la même garantie, ou moyennant un des autres cautionnements mentionnés à l’article 268 de la loi générale du 26 août 1822, et à la condition d’acquitter les droits sur les manquants qui pourraient y être constatés, sauf la faculté réservée au gouvernement par l’article 97 de la même loi. »
Les autres amendements introduits dans la loi jusqu’à l’article 8 non compris, sont ensuite définitivement adoptés.
« Art. 8. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. Lardinois. - Messieurs, lorsque l’honorable ministre des finances nous a proposé le nouveau système qui vient d’être adopté, il l’a appuyé en disant que la loi ne serait que transitoire ; je proposerai donc d’ajouter au dernier article ces mots :
« Et n’aura de durée que jusqu’au 31 décembre 1839. Elle sera révisée avant cette époque. »
Je motive cette proposition, messieurs, sur le motif que dans mon opinion les modifications que nous avons introduites dans la législation sur les sucres ne produiront rien pour le trésor, et que cependant le sucre est une matière essentiellement imposable ; que nous devons imposer non seulement le sucre exotique mais aussi le sucre de betterave. En révisant la loi avant le 31 décembre 1839, nous pourrons prendre des mesures pour imposer l’un et l’autre.
- L’amendement de M. Lardinois est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, l’amendement de l’honorable M. Lardinois, qui ne rendrait la loi obligatoire que jusqu’au 31 décembre 1839, mettrait le département des finances beaucoup plus à l’aise que si une pareille disposition n’existait pas, car l’adoption de cet amendement nous donnerait lieu de croire que la chambre n’entend réviser la loi que pour 1840, et nous autoriserait à ne présenter que fort tard les modifications ultérieures que l’honorable membre voudrait voir introduire bientôt dans la législation ; je crois voir que cette proposition est contraire au but que se propose M. Lardinois. Il a été suffisamment dit dans cette discussion que la loi n’est que transitoire et qu’il faut rechercher les moyens de la généraliser davantage et de l’améliorer ; il y a eu là un de ces avertissements dont nous aurons à tenir compte.
Maintenant, quoiqu’on en dise, la loi telle qu’elle va être votée renferme des améliorations extrêmement notables, car je crois, par exemple, qu’il n’y aura plus de fraude du tout quant à la qualité du sucre exporté, plus de fraude pour le cautionnement, plus de fraude pour la tare, le déchet ; un point plus important encore, c’est ce qui concerne les transferts et les transcriptions. L’état de choses actuel sera encore amélioré sous d’autres rapports : il est assuré au trésor un dixième du droit d’entrée, enfin on a augmenté le rendement. La législation sur les sucres subira donc dès maintenant de grandes améliorations, en ne donnant qu’une durée temporaire et courte à ces améliorations. S’il arrivait que les trois branches du pouvoir législatif ne puissent pas, à l’époque que l’honorable M. Lardinois veut fixer pour la révision, tomber d’accord sur les modifications qu’il s’agirait d’y introduire, alors, messieurs, nous retomberions forcément dans l’ancienne législation, or je crois que ce serait commettre une faute grave que de donner lieu à un semblable inconvénient.
Du reste, messieurs, il faut éviter autant que possible de déclarer dans des lois qu’elles ne sont que provisoires ; cela ne doit se faire que quand il y a nécessité absolue, et ce n’est pas ici le cas.
Je pense donc, messieurs, qu’il ne faut pas admettre l’amendement de M. Lardinois ; j’ai l’intention bien formelle de faire en sorte de vous présenter une loi plus générale, mais nous ne savons pas si nous ne nous trouverons pas dans des circonstances telles qu’il fût impossible de la discuter à temps.
M. Gendebien. - Je ne comprends pas, messieurs, l’opposition que l’on fait à l’amendement de M. Lardinois ; tout à l’heure encore on nous disait que la loi n’est que provisoire et transitoire, que, si elle ne remplissait pas le but qu’on en attendait, on la changerait ; maintenant on propose, et avec raison, de faire un devoir au gouvernement de se mettre en mesure de la changer dans l’hypothèse prévue, et M. le ministre s’y oppose. Il y a fort longtemps qu’on abuse de l’ancienne législation, et cependant le ministère n’a pas osé proposer de changer cette législation ; au mois de décembre de l’année dernière il n’a pas même osé proposer une disposition transitoire tendant à forcer les intéressés eux-mêmes à provoquer la discussion d’une loi nouvelle ; je crois donc qu’il serait extrêmement utile d’imposer au gouvernement l’obligation de nous présenter une nouvelle loi avant 1839 ou 1840.
M. le ministre dit que l’adoption de l’amendement de M. Lardinois ne le gênerait pas beaucoup ; qu’il l’autoriserait à ne présenter un nouveau projet que fort tard ; mais quand on dit que la loi devra être révisée avant 1840, il va de soi que si, avant cette époque, si même en 1838, le ministère croit devoir présenter des modifications, il n’en sera pas dispensé par la raison que la loi aura stipulé un terme fatal qu’il ne pourra dépasser.
Maintenant, si l’époque fixée arrivait sans faire sentir la nécessité d’un changement ou sans qu’on ait pu se mettre d’accord sur les changements à introduire, on ne retomberait pas pour cela dans l’ancienne législation ; il suffirait alors de proroger la loi pour un an.
Le bien qui résulterait de l’adoption de la proposition, c’est que M. le ministre actuel ou celui qui pourrait lui succéder, serait obligé de préparer un nouveau projet, d’en réunir tous les éléments, et d’y être toujours attentif.
Je crois donc qu’à moins qu’on nous ait trompés lorsqu’on nous a fait envisager la loi comme transitoire, on ne peut pas s’opposer à l’amendement de M. Lardinois.
- L’amendement de M. Lardinois est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article 8 est ensuite mis aux voix et adopté.
Le préambule de la loi est également adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
En voici le résultat :
68 membres sont présents.
2 s’abstiennent.
54 répondent oui.
12 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Brabant, Corneli, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Peeters et Raikem.
Ont répondu non : MM. Berger, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse, Dolez, Gendebien, Heptia, Lardinois, Lecreps, Metz et Pirmez.
M. le président. - MM. Dumortier et Eloy de Burdinne sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu parce que d’une part je regarde la loi que l’on vient de voter comme étant un peu moins mauvaise que la loi qui nous a régis jusqu’ici, mais d’un autre côté je déclare que les modifications introduites par la nouvelle loi ne sont pas de nature à assurer au trésor le million si désiré.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’ai pas voulu dire non, parce que dans mon opinion le trésor percevra quelque chose ; je n’ai pas voulu dire oui, par le motif que je consacre la loi comme établissant un impôt qui sera presque entièrement perçu par les raffineurs.
M. Coghen (pour une motion d’ordre). - Messieurs, comme il n’est pas certain que la chambre sera demain en nombre, je demande qu’il soit nommé aujourd’hui une députation pour présenter à Leurs Majestés les félicitations d’usage à l’occasion du renouvellement de l’année.
M. Dubus (aîné). - Nous avons décidé, messieurs, qu’il y aura lundi à midi ; il me paraît que cette députation pourra être nommée alors : le premier devoir d’un député c’est d’être à son poste ; le reste vient après.
- La proposition de M. Coghen est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Suivant les précédents de la chambre, s’il n’y a pas d’opposition, je vais tirer au sort les noms des membres qui composeront la députation.
- Le sort désigne : MM. Desmaisières, Corneli, Meeus, F. de Mérode, Dolez, Devaux, Dubus (aîné), d’Hoffschmidt, de Terbecq, Dumortier, Liedts, Lardinois.
M. Dubus (aîné). - Je dois déclarer que s’il n’y a pas de séance demain, je ne serai pas lundi à Bruxelles.
M. le président. - Il y aura sans doute séance.
- La séance est levée à trois heures et demie.