(Moniteur belge n°363, du 29 décembre 1837 et Moniteur belge n°364, du 30 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°363, du 29 décembre 1837) M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Nicolas Reckinger, ancien militaire réformé, demande une pension. »
« Un grand nombre d’habitants des communes de Kerkxken, Helderghem et Ayghem (district d’Alost), adressent à la chambre des plaintes sur la baisse continuelle des toiles et des fils de lin, qu’ils attribuent à l’entrée des fils et toiles étrangères ; ils demandent que la chambre veuille bien s’intéresser à leur sort et prendre des mesures contre l’introduction des fils étrangers. »
« La chambre de commerce et des fabriques de la ville d’Ypres demande qu’il soit introduit des modifications dans le projet de chemin de fer de MM. Simons et de Ridder, qui consisteraient à faire passer le chemin de fer de Gand à la frontière de France par Courtray et Menin. »
« Des brasseurs et distillateurs de Bruxelles demandent qu’il soit pris des mesures pour abaisser le prix de la houille. »
« Le conseil communal et des négociants détaillants de la ville de Wavre demandent qu’il soit pris une mesure législative contre les ventes à l’encan de marchandises neuves. »
M. de Langhe. - Messieurs, parmi les pétitions dont vous venez d’entendre l’analyse, il en est une de la chambre de commerce d’Ypres, qui demande un changement dans la direction du chemin de fer de Gand à la frontière de France ; je ne demande pas que cette pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics, car, dans mon opinion, toute pétition qui n’est pas relative à l’objet en discussion doit être renvoyée d’abord à la commission ; je me borne donc à demander que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur la pétition dont il s’agit. J’ajouterai qu’après le vote des budgets, il sera indispensable de faire toutes les semaines un rapport de pétitions.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Je demande, messieurs, que la pétition qui nous est adressée par les habitants d’un grand nombre de communes du district d’Alost, et qui est relative à l’entrée des fils de lin, soit renvoyée à la commission d’industrie, afin qu’il nous soit fait un rapport sur cette importante question.
- Conformément à la proposition de M. de Langhe, la pétition relative au chemin de fer de Gand à la frontière de France est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
La proposition de M. van Hoobrouck de Fiennes, qui demande le renvoi à la commission d’industrie de la pétition concernant l’entrée des fils de lin, est également adoptée.
- La pétition qui est relative aux ventes à l’encan de marchandise neuves est renvoyée à MM. les ministres de l’intérieur et des finances avec demande d’un prompt rapport.
La pétition relative au prix de la houille est renvoyée à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, avec demande d’un prompt rapport.
L’autre requête est renvoyée à la commission des pétitions.
Par deux messages en date du 27 décembre, le sénat annone qu’il a adopté le projet de loi contenant le budget de l’intérieur pour 1838 et le projet de loi autorisant la division de la commune de Bigonville et le rétablissement des anciennes communes de Bigonville et d’Arsdorff, telles qu’elles existaient avant 1823.
- Pris pour notification.
M. C. Rodenbach monte à la tribune et lit sa proposition, tendant à ce qu’il soit établi dans la province de Flandre orientale un quatrième arrondissement judiciaire, proposition dont les sections ont autorisé la lecture.
M. le président. - Quand M. Rodenbach désire-t-il être entendu dans ses développements ?
M. C. Rodenbach. - Je n’en ai que pour quelques minutes, je demande à être entendu de suite.
Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. C. Rodenbach. (Nous donnerons ses développements.)
- La proposition est successivement appuyée, prise en considération et renvoyée à l’examen des sections.
M. Demonceau, rapporteur de la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi autorisant le gouvernement à assimiler en temps de dégel les routes empierrées aux routes pavées, présente son rapport sur ce projet.
- La chambre en ordonne l’impression et la distribution.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur de la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de loi tendant à accorder au gouvernement un crédit supplémentaire pour faire face aux dépenses du conseil des mines pendant les quatre derniers mois de l’exercice 1837, s’exprime ainsi. - Messieurs, le projet de loi qui vous a été présenté dans la séance d’hier par M. le ministre des travaux publics et que vous avez renvoyé à votre section centrale, tend à allouer au gouvernement un crédit de 23,390 fr., 50 c., pour les dépenses du conseil des mines pendant les 4 derniers mois de 1837.
La première partie de ce crédit est de 9,000 fr. pour dépenses de premier établissement qui résultent de l’appropriation de locaux, et de l’achat de quelques meubles et des fournitures de bureau indispensables au conseil des mines ; d’après les détails qui lui ont été fournis par M. le ministre, la commission a vu, messieurs, que ces dépenses étaient complétement justifiées.
La deuxième partie du crédit est de 14,000 fr. pour traitements, qui sont pour la plupart fixés par la loi, et qui n’ont par conséquent donné lieu à aucune observation, de la part de la commission.
Enfin, la troisième partie du crédit est de 390 fr. 50 c. pour chauffage.
Toutes ces dépenses, messieurs, ont paru à la section centrale être suffisamment justifiées, et en conséquence elle a l’honneur de vous proposer à l’unanimité l’adoption du projet de loi.
Ce projet de loi, messieurs, n’est pas de nature à soulever une longue discussion, et il importe pour la régularité du service qu’il soit voté avant la fin de cette année puisqu’il se rapporte au budget de l’exercice courant. En conséquence la commission a l’honneur de vous proposer d’en déclarer l’urgence, et de le discuter immédiatement, afin que le sénat, qui est réuni en ce moment, puisse encore le voter avant la fin de l’exercice.
- La chambre déclare l’urgence du projet de loi.
Les deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés.
Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Un crédit supplémentaire de 23,390fr. 50 c. est ouvert au département des travaux publics, sur l’exercice 1837, à l’effet de pourvoir aux dépenses résultant de la création du conseil des mines. »
« Art. 2. Ce crédit formera l’article 2 du chapitre VI du budget du ministère des travaux publics pour 1837. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
En voici le résultat :
57 membres sont présents.
56 répondent oui.
1 (M. Seron) répond non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
M. le président. - La discussion continue sur le paragraphe A. de l’article 2, lequel est ainsi conçu :
« La décharge pour l’exportation du sucre est fixée en principal :
« A. A 48 francs les 100 kil, de sucres raffinés en pain dits mélis, entiers, blancs, parfaitement apurés et durs, et de sucres candis à larges cristaux, clairs et reconnus secs. »
M. Verdussen a proposé la suppression :
1° Du mot « entiers ; »
2° De ceux-ci : « à larges cristaux. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, d’après ce qui m’a été rapporté de la séance d’hier, les seules objections que l’on a faites contre le paragraphe A de l’article 2 concernent le mot « entiers » et ceux « à larges cristaux. »
Vous vous rappellerez, messieurs, que j’ai eu l’honneur de proposer à la commission des sucres l’introduction dans le projet de loi qu’elle devait présenter, de l’institution d’un jury qui aurait été chargé de décider sur toutes les questions de fait. L’admission de ce jury a rencontré de grandes difficultés dans le sein de la commission des sucres ; on y a soulevé des questions constitutionnelles, et dès lors il était aisé de prévoir que l’adoption d’une semblable organisation n’aurait lieu que très difficilement, et après des discussions sans doute fort longues.
J’ai donc dû chercher un moyen de se passer convenablement d’un pareil jury ; or le moyen que j’ai trouvé comme étant le plus propre à cet effet, était de déterminer d’une manière bien précise les espèces ou qualités de sucres qui sont mentionnées à l’article 2. Nous pensons qu’au moyen des termes dont il se compose, il ne pourra plus y avoir à l’avenir dans la pratique substitution d’une qualité de sucre à une autre, contrairement aux intentions du législateur.
Mais on se récrie contre la rigidité du paragraphe A de l’article qui nous occupe, parce qu’on se laisse porter à croire que dans l’exécution de la loi l’administration s’emparera des mots « pains entiers, » pour ne pas admettre à l’exportation, avec haute décharge, les pains dont un petit morceau se serait détaché. C’est là évidemment une erreur, et l’on ne peut raisonnablement supposer que le gouvernement fasse exécuter les lois d’une manière tellement rigoureuse, qu’elles deviendraient insupportables. Il doit être hors de doute pour tout le monde que si des pains de sucre mélis ont éprouvé une rupture quelconque, par accident, et qu’il soit reconnu que ces pains sont bien épurés, l’administration les admettra à l’exportation ; en pareil cas cette rupture devrait être considérée comme un cas de force majeure.
Du reste, pour apaiser tout scrupule à cet égard, je proposerai une addition qui ne laissera plus le moindre doute sur nos intentions. Cette addition consisterait dans les mots : « ou brisés par suite d’accidents constatés à la satisfaction de l’administration » après le mot « entiers. »
J’entends dire derrière moi que les sucres brisés ne le sont pas toujours par accident, et qu’il arrive souvent que l’exportateur les brise volontairement ; eh bien, messieurs, c’est précisément cela qu’on veut empêcher, par la raison que, si l’on tolérait l’exportation de pains de sucre volontairement brisés, l’on ouvrirait de nouveau la porte à la fraude que nous voudrions prévenir.
Les dispositions de l’article 2, j’en conviens, sont assez rigoureuses ; mais elles ne sauraient gêner que ceux qui ont l’intention de frauder ; je pense au moins qu’elles ne pourraient contrarier en rien les négociants honnêtes qui y applaudiront au contraire.
Je crois donc, messieurs, sauf démonstration contraire, qu’il est indispensable de conserver le mot « entiers, » sauf l’addition que je vais proposer.
On a manifesté la crainte que ces mots « sucre candi à larges cristaux ne consacrent une disposition trop rigoureuse ; » on a demandé ce qu’il faut entendre par larges cristaux. Mais, messieurs, la définition que l’on a employée dans l’article 2 est celle que le commerce applique au sucre candi de haute qualité, et il est clair que si l’on ne maintient pas cette définition dans la loi, on présentera à l’exportation des sucres candis qui seront collants, entourés de sirop, et qui ne représenteront nullement le sucre que nous voulons admettre à l’une des hautes décharges.
Je désire, messieurs, que ces explications vous paraissent suffisantes pour être rassurés que l’administration ne mettra pas dans l’application de la loi la rigueur extrême que l’on a cru entrevoir dans les termes de l’article 2 s’il était adopté tel qu’il est présenté.
Un honorable collègue me fait remarquer, comme une espèce de contradiction, que d’après le troisième paragraphe de cet article 2, on peut exporter le sucre concassé ; mais je le prie de faire attention que le sucre raffiné, à exporter pilé, doit être présenté d’abord dans l’état décrit par les paragraphes A et B ; ensuite, et sous la surveillance continue de l’administration, s’opère le pilage. Mais il faut, avant tout, je le répète, que le sucre soit présenté aux employés qui, après avoir constaté qu’il réunit les conditions voulues par les paragraphes A ou B, en permettent le pillage et l’exportation sous leur surveillance,
Ce troisième paragraphe ne renferme donc aucune espèce de contradiction avec les précédents ; il est au contraire parfaitement en rapport avec eux.
M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre des finances : c’est d’ajouter après les mots « entiers, » ceux-ci : « ou brisés par suite d’accidents constatés à la satisfaction de l’administration. »
M. Hye-Hoys. - Il me semble que M. le ministre des finances n’a pas bien compris ce que nous entendons par le sucre qui ne serait pas entier. Je demanderai si une partie de sucre du nom de mélis rebut, qui serait de première qualité aussi bien que du sucre en pain entier ; je demanderai, dis-je, si ce sucre ne pourrait pas être admis à l’exportation comme rentrant dans la catégorie A.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela est prévu par le dernier paragraphe de l’article : « La décharge des droits ne sera pas accordée pour exportation de sucres bruts, ou de sucres raffinés mélangés avec du sucre brut. »
Ainsi le sucre de rebut ne sera pas admis à la haute décharge à la sortie.
M. Hye-Hoys. - Mais cependant c’est la même mélis, ce sucre devrait être placé dans la même catégorie que le sucre en pain entier. Si le pain n’est pas tout à fait épuré au bout, ce bout étant coupé, le reste n’en est pas moins de première qualité ; il serait singulier qu’on lui refusât la haute décharge, parce que ce bout aurait été coupé.
M. Desmaisières. - Je pense que M. le ministre des finances n’a pas bien compris la question que lui a adressée l’honorable préopinant. On vous a déjà dit hier que la plupart des sucres en pain ne sont exportés qu’avec la tête du pain cassée, la tête séparée du pain.
Maintenant je demanderai si un pareil pain dont on a enlevé la tête, sera considéré comme pain entier ; car s’il n’en est pas ainsi, vous sentez qu’il y aurait un grand désavantage, non seulement pour les fraudeurs, mais pour les raffineurs.
Voici ce qui a lieu. On met les sucres qu’on veut soumettre aux raffinages, dans une forme conique qui a un trou au sommet du cône. On place la forme de manière que le sommet du cône soit en bas ; on place au-dessous un baquet, et à la base du cône on met soit de la terre humide, soit du sucre que l’on fait fondre avec une certaine quantité d’eau.
Cette humidité traverse la forme de part en part et amène avec elle toutes les parties qui ne sont pas bons sucres. Mais comme ces parties doivent découler par ce trou qui est au sommet du cône, il en résulte que le sommet reste plus ou moins imprégné, entaché de ces sirops, de ces mélasses. Et si le raffineur, tout honnête qu’il est, présentait à la vente son pain dans cet état, il n’aurait peut-être pas la moitié du prix qu’il obtient en cassant la tête, parce que le restant est homogène, parfaitement blanc, et a un aspect tel qu’on en trouve le placement facilement et d’une manière avantageuse.
Ainsi, si le ministre des finances ne regarde pas comme pain entier un pain dont le sommet est enlevé, alors il est évident qu’il faut supprimer cette expression qui se trouve dans son projet. Si on ne le fait pas, c’est qu’on veut porter le dernier coup à une industrie dont on a déjà si gravement compromis l’existence en augmentant la proportion du rendement.
M. Desmet. - Ce que vient de dire M. Desmaisières me prouve que la définition de M. le ministre des finances est nécessaire.
Elle a pour objet d’empêcher qu’on n’exporte des sucres qui ne soient pas assez épurés. Comment se fait l’épuration ? Elle commence par la base du cône et finit par la tête. Quand j’ai raffiné la forme à demi, je coupe la tête ; de cette manière, au lieu de trois terrages, je n’en fais qu’un. Voilà pourquoi la définition de M. le ministre des finances est nécessaire. Il veut que le sucre exporté ait subi un raffinage complet.
Nous avons copié la définition de la loi hollandaise. Les Hollandais ont vu que les exportations se faisaient au moyen de sucres égouttés ; pour faire cesser ce trafic, ils ont modifié leur loi. Les Anglais en ont fait autant. En Angleterre, on distingue le sucre doublement raffiné de celui qui n’a subi qu’un seul raffinage.
Il est de toute nécessité d’adopter la proposition de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Les observations de M. Desmet me paraissent exactes, et pour les appuyer, je demanderai la permission de lire un court passage du rapport de la section centrale des états-généraux de Hollande sur le budget de 1838 ; vous verrez qu’on y parle de sucres et particulièrement du point qui nous occupe en ce moment.
« Il a été observé qu’il n’a pas été répondu à la question de savoir quelle est la quantité de sucre livré à la consommation en 1853, et celle du sucre exporté sur laquelle il a été accordé décharge du droit.
« Les réponses du gouvernement n’ont pas convaincu une autre section sur la non-nécessité d’apporter des changements à la loi sur le sucre.
« D’une part, des modifications sont impérieusement exigées dans l’intérêt du trésor ; d’autre part, l’on est convaincu qu’un examen exact et impartial prouvera que les raffineurs qui travaillent de la manière ordinaire, ne peuvent pas soutenir la concurrence dans l’état actuel des choses et l’application que l’on fait de la loi, avec quelques raffineurs qui se servent de la vapeur (qui suivent les procédés d’Howaart), et qui jouissent de privilèges que l’on peut restreindre, sans que leur profession, à laquelle on doit certainement des encouragements, en souffre.
« Un changement dans le montant de la décharge et dans les termes de crédit, à l’égard des raffineurs qui emploient la vapeur d’après les procédés d’Howaart, changement basé sur le mode de travail et le temps qu’ils emploient à l’obtention de leurs premiers produits, paraît désirable à tous égards ; on estime qu’il n’est pas moins nécessaire de n’accorder la décharge à aucun raffineur, si ce n’est pour le mélis raffiné dans sa propre usine, et que, dans aucun cas, il ne soit accordé décharge pour des mélis obtenus par la vapeur, dont les têtes sont ôtées et retravaillées, si ce n’est au raffineur lui-même, qui emploie les procédés d’Howaart, et non à aucune autre personne.
« Au moyen de ces modifications l’on pourrait espérer que les abus existants seraient empêchés, que l’encouragement du gouvernement serait plus également réparti.
« Le résultat de tout cela serait : que les différences existantes entre le plus ou le moins de perfection des produits, par l’un ou l’autre mode de fabrication, se compenseront d’elles-mêmes. »
Vous voyez que d’après la section centrale des états-généraux de Hollande, on voudrait se garder d’accorder la haute décharge pour les métis dont la tête a été ôtée ou retravaillée.
Il se trouve joint à ce rapport différentes notes dans deux ou trois passages desquelles je trouve que des membres ont insisté sur ce point qu’il ne faut pas accorder la haute décharge aux pains de sucre dont la tête n’a pas été bien conservée.
Voici entre autres un de ces passages :
« Proposer au gouvernement de n’accorder la restitution des 22 fl. par 100 liv. que d’après le texte de la loi, rigoureusement pris, notamment pour le sucre candi, pour celui raffiné fin, c’est-à-dire, mélis en pains, et non, comme il a été dit en 1836 et qu’on le répète aujourd’hui que cela se pratique ainsi par faveur, pour les pains dont les sommets sont ajoutés au moyen d’un travail artificiel, puisqu’il ne peut entrer dans l’esprit de la loi de placer cette manipulation sur la même ligne que la perfection originaire des produits pour lesquels seuls cette forte décharge a été accordée. »
D’après ce que je viens de lire, certains raffineurs forment aux pains de sucre une tête artificielle, d’autres coupent la tête primitive ; dans l’un et l’autre cas, c’est évidemment pour éluder la loi et recevoir la haute décharge pour des sucres non suffisamment raffinés, comme ils devront, j’espère, l’être par la suite en Belgique, selon la définition du paragraphe A de l’article 2.
M. Rogier. - C’est parce que nous voulons que la loi soit exécutée d’une manière raisonnable que nous demandons le retranchement de ce qui empêcherait de donner à la loi une exécution raisonnable. Le mot « entiers » est de cette catégorie. Nous avons demandé si l’administration considérerait comme entier un pain auquel suivant l’usage on aurait retranché la tête, et si ce pain sans tête serait admis à la haute décharge, dès qu’il remplirait toutes les autres conditions du paragraphe A, qu’il serait blanc, parfaitement épuré et dur.
Nous ne parlons pas des sucres concassés, mais des sucres en pains entiers qui, suivant l’usage, se vendent sans tête, parce qu’il faudrait trop de temps pour obtenir l’épurement des deux ou trois doigts de la tête.
Nous demandons la suppression du mot « entiers, » surtout après l’explication de M. le ministre des finances qui s’oppose à ce que ces pains sans tête soient considérés comme pains entiers. Cependant ce sont des pains de sucre raffiné reconnus comme tels dans le commerce.
Il n’y a pas une bonne raison qu’on puisse nous opposer. Lorsqu’on doute de la qualité d’un pain, on le casse pour la reconnaître.
Quand le pain aura perdu sa partie supérieure, on ne sera pas obligé de recourir à ce moyen pour reconnaître sa qualité. Cette coupure ne doit pas être un obstacle à l’admission à la haute décharge, si d’ailleurs le sucre ne remplit pas les conditions du paragraphe A. Je répète que nous n’avons pas entendu parler du sucre concassé, attendu qu’alors ce ne serait pas du sucre en pain.
Nous n’entendons pas non plus que le sucre non raffiné pût jouir de la décharge, car alors il ne serait pas épuré conformément au paragraphe A. Nous demandons que les pains auxquels on a retranché deux ou trois doigts de la tête, continuent à être considérés comme pains entiers, et, comme tels, à jouir de la haute décharge.
M. le ministre des finances ne prévoit que les cassures par accident ; nous voulons que la disposition s’étende aux cassures dont je viens de parler et qui sont le fait des raffineurs.
M. Meeus. - Je prends la parole pour appuyer les observations de l’honorable M. Rogier. Il est hors de doute que si vous voulez qu’on exporte des sucres raffinés, vous ne devez pas faire attention s’ils sont oblongs, carrés ou de forme conique. Cela ne fait rien au principe. Si les raffineurs ont l’habitude de casser la tête des pains de sucre pour les exporter plus facilement, c’est parce que le bout du pain de sucre est ce qu’il y a de plus difficile à sécher.
Il y a d’excellentes raisons à donner pour motiver ce retranchement de la tête des pains de sucre ; je n’en donnerai qu’une qui, seule, vous convaincra. Il est certain que toute l’humidité de la forme étant précipitée à l’extrémité inférieure, cette extrémité en est plus imprégnée que le reste, et ne finit par se dessécher qu’à la longue. Il en résulte qu’un pain étant sec aux 7/8, il faudra autant de temps encore pour sécher les deux ou trois doigts encore humides qu’il en a fallu pour sécher le reste de la forme. Le raffineur alors préfère supporter la perte qui peut résulter pour lui de l’enlèvement de la tête de son pain, pour le vendre tel qu’il est, parce que de cette manière il peut renouveler plusieurs fois son capital. Mais ce sucre en est-il moins du sucre raffiné ? Certainement non. Ce qu’il faut examiner, c’est si le sucre est raffiné de manière à obtenir la haute décharge ; peu importe quelle que soit sa forme, c’est le fonds qu’il faut examiner.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous voudrions aussi que le sucre raffiné puisse toujours obtenir la haute décharge à l’exportation ; mais l’honorable préopinant ne fait pas attention que le seul moyen certain de s’assurer que le sucre est bien épuré, c’est d’exiger qu’il le soit en pains entiers ; car s’il est en morceaux de différentes formes, je défie de dire si c’est du sucre raffiné au point voulu par le fisc.
L’honorable membre dit qu’il faut un travail plus long pour arriver à épurer le pain jusqu’au bout ; or, c’est précisément tout ce travail que nous voulons rendre obligatoire, parce que seul il assure l’épuration complète.
Nous n’avons d’autre but que de paralyser la continuation des abus dont on se plaint aujourd’hui ; s’il était facile de reconnaître que l’épuration a été complète, quelle que soit d’ailleurs la dimension sous laquelle le sucre serait présenté, nous ne nous attacherions pas à la forme. La preuve, c’est que dans la disposition du paragraphe 3, nous autorisons l’exportation du sucre concassé. Mais nous croyons, comme on le croit dans d’autres pays, que l’on n’obtient l’assurance que le sucre est bien raffiné que quand on a vu le pain raffiné en entier, et c’est l’unique motif qui nous fait persister dans la proposition que nous avons faite.
M. Desmaisières. - M. Desmet a dit que tout ce qu’on voulait, c’était d’empêcher le raffineur d’exporter avec la haute décharge autre chose que du sucre entièrement épuré, raffiné au degré déterminé par le paragraphe A. C’est précisément ce que fait le raffineur quand il enlève la tête de son pain, il enlève la partie non suffisamment raffinée, il laisse subsister l’autre partie qui l’est ; au lieu de frauder il rentre dans le vœu de la loi, et si vous conservez le mot dont nous demandons le retranchement, vous l’empêcherez de se conformer au vœu de la loi ; il vous présentera des pains avec des sommets colorés ou factices, et vous aurez laissé exporter du sucre dont vous vouliez empêcher l’exportation.
M. Eloy de Burdinne. - Je demanderai comment il se fait que les pains dont la tête est enlevée soient de la même qualité que ceux qui n’ont pas subi cette opération, alors que les premiers se vendent à meilleur marché. Si le restant du corps du pain décapité était de la même qualité que le pain non-décapité, il est évident qu’on ne le vendrait pas à meilleur marché. Voilà ce qui une preuve qu’il est moins raffiné ; par conséquent, on ne doit pas lui restituer la haute décharge accordée au sucre convenablement raffiné.
M. Verdussen. - L’honorable préopinant demande pourquoi le sucre dont la tête a été coupée est moins cher dans le détail que le sucre provenant de pains entiers. Je ferai observer que cela n’existe pas dans le détail, car on ne sait pas si le sucre qu’on achète provient de pains entiers ou de pains étêtés. Mais c’est par luxe qu’on paie un pain entier plus cher.
Les raffinodes, qui sont une espèce de sucre supérieure à la première qualité, ont aussi leurs cassons qui se vendent au triple de la valeur des pains entiers de sucre raffiné. Les mots rebut ou cassons s’appliquent à toute espèce de sucre en pain parfaitement raffiné, mais dont l’extrémité est trop humide pour que le raffineur attende qu’il soit parfaitement épuré ; il préfère perdre deux ou trois doigts de son pain pour le vendre plus tôt, et doubler ainsi son capital. Le sucre est bien raffiné ; si une partie l’est moins que le reste, c’est la tête, on la coupe ; le reste ne l’aurait pas été davantage si on avait attendu que l’extrémité se fût épurée.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’ai pas parlé de la vente du sucre en détail, mais j’ai dit que le pain de sucre dont la tête avait été coupée se vendait moins cher que celui qui était entier. Il n’y a pas de luxe à acheter un pain de sucre plus cher parce qu’il est entier, alors qu’on doit le couper chez soi.
Quand la tête du pain est enlevée, on le vend à meilleur marché ; c’est une chose dont j’ai été témoin dans les magasins, de la différence qu’on faisait à cet égard.
M. Rogier. - Je ne puis que répéter ce qui a été dit. Je dois exprimer le regret que les honorables collègues qui persistent à trouver une différence de qualité entre les pains auxquels on a coupé la tête et ceux auxquels on ne l’a pas fait n’aient pas vu ce qui se passe dans les raffineries ; ils auraient pu se convaincre qu’un pain peut être parfaitement raffiné et avoir du résidu à la tête.
Quand la partie colorante est arrivée à cette extrémité, il n’y a plus rien à faire. Les parties qui doivent disparaître commencent par se dégager de la base du cône ; on laisserait sécher le sucre trois semaines de plus, que cette partie n’aurait pas un degré de raffinage de plus. C’est pour gagner du temps qu’on enlève la tête ; on ne la présente pas à la haute décharge parce qu’elle n’y aurait pas droit.
Mais cela se fait non seulement en Belgique, cela se fait en France. Je crois que les pains de sucre français sont tous coupés, afin de pouvoir y appliquer l’adresse. Je demande si de pareils sucres, qui remplissent toutes les conditions de l’article premier, ne doivent pas être considérés comme pains entiers ? Ce n’est pas dans les expressions plus ou moins vagues employées par une commission qu’on doit trouver des motifs suffisants pour changer ce qui a toujours existé ; la loi prévoit par des expressions très précises les inconvénients qui ont pu avoir lieu autrefois. Un pain de sucre ayant ou non sa tête n’en sera pas moins raffiné pour cela ; au contraire, sa qualité de sucre raffiné sera mieux reconnue s’il n’a pas sa tête. A moins de prendre le parti de s’opposer à toute exportation, on doit supprimer le mot « entiers » ; si l’on n’admet pas à la haute décharge les pains dont la tête est retranchée véritablement, ou supprime l’exportation.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne sais comment on peut se permettre des insinuations semblables à celles qui viennent d’échapper à M. Rogier. Parce que nous sommes contraires à son opinion favorable à un système d’où, selon nous, peuvent naître des abus, je ne vois pas qu’il ait le droit d’incriminer les intentions de ceux qui ne pensent pas comme lui. Je ne comprends pas cette manière de raisonner. On reprochait, hier, au ministère d’avoir trop de condescendance pour les raffineurs de sucre exotique, et aujourd’hui on voudrait nous accuser d’une tendance calculée pour empêcher les exportations de sucres. Mais quel intérêt pourrions-nous avoir à cela ? Il faudrait donc nous croire privés de bon sens, si nous avions de telles vues ? Nous voulons ici prévenir la fraude, empêcher les abus, et tout le monde devrait tendre au même but et nous seconder. Cela serait plus utile au pays que d’incriminer gratuitement nos intentions.
On persiste à nous dire que le pain de sucre auquel on est obligé de couper la pointe non épurée, est aussi bien raffiné que le pain de sucre entier et entièrement épuré. Mais je persiste, moi, à soutenir qu’il n’en est pas ordinairement ainsi ; que presque toujours le sucre en pain tronqué n’est terré qu’à moitié, et que lorsque le sucre est terré suffisamment pour être bien épuré, le pain est cristallisé et dur d’un bout à l’autre, sans qu’il soit nécessaire d’en rien retrancher.
Et qu’on ne dise pas qu’en coupant les morceaux de pain en deux, on verra bien si le sucre est parfaitement épuré ; l’expérience prouve le contraire, et les procès que l’administration a perdus sur ce point, sont là pour prouver qu’il est bien difficile de préciser à la simple inspection du sucre le degré du plus ou moins de raffinage qu’il a reçu.
M. Desmaisières. - Je demande qu’un mette dans la loi : « pains entiers et pains à tête coupée. » Je propose cet amendement parce que M. le ministre des finances vient de dire que lorsqu’on a coupé la tête d’un pain de sucre, ce qui en reste n’est pas aussi épuré que le voudrait la loi ; mais cela peut faire quelque chose pour le bout, et ne fait rien pour le pain. Je crois que c’est un moyen, pour vous, administrateurs, de reconnaître si le reste est épuré, puisque l’on a fait une section qui met à découvert le sucre.
M. Trentesaux. - Messieurs, n’y aurait-il pas moyen de contenter le commerce en introduisant dans notre loi une disposition qui a été introduite dans la législation hollandaise, et dont il est fait mention dans le rapport de votre section centrale (page 13) ?
Voici en quoi consiste cette disposition : « … En cas de doute, cassez, de la base au sommet, lorsqu’ils sont trouvés, à l’intérieur, entièrement purs et sans mélange. » Je demande si le commerce ne serait pas satisfait de l’introduction de ces mots ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je préférerais le retranchement du mot « entiers » à la définition que vient d’indiquer M. Trentesaux ; le reste de l’article comme nous l’avons présenté est plus convenable.
M. Trentesaux. - Vos catégories subsistent avec mon amendement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Alors je n’ai pas à le combattre.
M. Hye-Hoys. - Si l’on présente à l’administration une partie de sucre mélis dont les têtes seront coupées, la refusera-t-on à haute décharge ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Oui !
M. Gendebien. - Je n’ai aucune connaissance dans la matière en discussion, je n’ai jamais vu une raffinerie de sucre ; toutefois, il me semble qu’il doit y avoir d’autres moyens que ceux énoncés dans le projet de loi pour constater le raffinage du sucre ; ceux qui ont des notions sur l’art du raffineur doivent connaître et devraient nous indiquer les caractères distinctifs du sucre raffiné.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il n’y en a pas !
M. Gendebien. - Cela est possible, mais j’ai peine à le croire. Quoi qu’il en soit, on veut éviter la fraude ; on veut éviter d’admettre les sucres non raffinés à la haute décharge, en vexant le moins possible le commerce ; eh bien, je crois comprendre par la discussion que ce que l’on propose gênerait le commerce sans beaucoup aider l’administration. En supprimant le mot « entiers, » qui effraie l’industrie, ne pourrait-on pas y substituer : « que les pains, destinés à l’exportation, doivent présenter une masse adhérente et non friable » ? Il me semble que le sucre brut tapé, qui paraît être le principal élément de fraude, que le sucre blanc de la Havane, comprimé en forme de pains ou lumps, sont essentiellement friables, que les parties ne doivent pas être adhérentes comme celles du sucre raffiné et passé au séchoir ; j’émets un doute plutôt qu’une proposition, et je demande qu’on veuille bien m’éclairer.
Y aurait-il de l’inconvénient, pour le commerce en général, d’introduire dans la loi ces mots : « dont toutes le parties sont adhérentes et non friables » ?
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le mot « dur » qui est dans la loi indique que le sucre doit être non friable.
M. Gendebien. - Mais, dans l’application, on pourra discuter longuement pour savoir jusqu’à quel point le sucre bruit être dur pour être considéré comme raffiné, tandis qu’en disant que les parties doivent être adhérentes et non friables, cela serait plus clair. Comme juge, j’aurais bien plus mes apaisements si on me présentait du sucre pour en déterminer la qualité. Que l’un soutienne que tel sucre est dur, dans les termes ou selon l’esprit de la loi, que l’autre soutienne qu’il ne l’est pas, je serais fort embarrassé pour prononcer sur la suffisance ou l’insuffisance du degré de dureté ; mais si au mot « dur » la loi ajoute : que les parties doivent adhérer entre elles et ne soient pas friables, j’ai un moyen de contrôle de plus ; ou plutôt j’ai trois moyens de contrôle au lieu d’un.
M. Lardinois. - Je crois, messieurs, qu’en s’opposant à la proposition dont il s’agit, M. le ministre des finances a pour but d’empêcher que l’on exporte des lumps pour du sucre métis. Cependant la différence n’est pas grande ; la définition qu’on donne aux lumps est tout à fait la même que celle qu’on donne au sucre mélis, sauf qu’on dit pour les lumps qu’ils ne pensent pas être spongieux.
On a demandé plusieurs fois à M. le ministre des finances si on admettrait à la haute décharge des pains de sucre mélis qui seraient décapités, comme l’a dit élégamment M. Eloy de Burdinne. Je crois pouvoir répondre pour M. le ministre des finances que ces sucres recevront la haute décharge ; il est impossible qu’il en soit autrement : les lois de douane ne sont pas, j’en conviens, des lois paternelles ; ce sont des dispositions gênantes, vexatoires ; mais d’un autre côté l’administration qui applique ces lois doit les appliquer dans l’intérêt du commerce ; le ministre expliquera aux employés comment la loi doit être appliquée ; il faut accorder quelque confiance à l’administration qui, je le répète, ne voudra pas refuser la haute décharge aux pains mélis, quoiqu’ils soient décapités.
Il me semble donc, messieurs, qu’il faut maintenir le paragraphe tel qu’il a été rédigé par M. le ministre.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien :
« Je propose de retrancher le mot « entiers, » et d’ajouter après le mot « durs, » ceux-ci : « dont toutes les parties sont adhérentes et non friables. »
- Cet amendement est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je crois, messieurs, pouvoir résumer en une question tous les motifs de l’opposition que je fais au retranchement du mot « entiers ; » si l’on me répond d’une manière satisfaisante, je consentirai à cette suppression. Voici cette question : Les pains de sucre métis entiers et entièrement raffinés, ne sont-ils pas mieux raffinés, mieux épurés, ne sont-ils pas d’une qualité meilleure que la partie restante et raffinée de ceux dont on a coupé une extrémité, parce que celle-ci n’était pas suffisamment raffinée ? Je doute qu’on ose répondre négativement.
M. Verdussen. - Je répondrai à M. le ministre des finances qu’il n’y a jamais ce qu’on appelle une « journée, » c’est-à-dire une masse de pains de sucre qui se compose quelquefois de mille pièces, où il ne se trouve une certaine quantité de cassons qui sont tout à fait de même qualité que les pains entiers ; ces cassons sont des pains auxquels on a dû couper la tête, parce qu’elle n’est pas entièrement épurée, mais le reste du pain est parfaitement de même qualité que les pains entiers. En Angleterre on emploie un autre procédé ; là on se sert de formes beaucoup plus effilées que les nôtres ; lorsque le pain est sec jusqu’à la moitié, on en coupe l’autre moitié, on la remet dans le moule et l’on fait une nouvelle fonte. Les Anglais font cela pour pouvoir travailler autant en une semaine que d’autres en 15 jours ; c’est un bénéfice de temps, mais le sucre qui est raffiné de cette manière est de tout aussi bonne qualité que d’autres ; il n’y a pas l’ombre d’une différence.
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Verdussen tendant à supprimer les mots « à larges cristaux, » est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
On passe au deuxième paragraphe.
M. Lardinois. - Je pense, messieurs, qu’il faut ajouter à ce paragraphe un amendement semblable à celui de M. Gendebien, qui a été adopté pour l’autre paragraphe.
M. Verdussen. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Lardinois, et je demande en outre la suppression des mots « non-spongieux, » car il n’y a pas de sucre en pains qui ne soit spongieux, car sans cela ce serait du sucre candi. A Paris, un raffineur a trouvé le moyen de rendre le sucre en pains tellement spongieux que de très grands pains n’avaient qu’un très faible poids. Cependant ce sucre était extrêmement fin et extrêmement blanc ; il a fait sa fortune par ce procédé, car il vendait ses pains aux cafés où il faut donner une grande masse de sucre, en apparence. Ainsi, messieurs, que le sucre en pains soit plus ou moins spongieux, cela ne fait absolument rien à la qualité ; je demande donc que les mots « non-spongieux » soient retranchés.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Comme l’amendement de M. Gendebien a été adopte au paragraphe précédent, je ne m’oppose pas à son introduction au paragraphe B. Je ne m’oppose pas non plus au retranchement du mot « entiers, » puisqu’on l’a retranché au paragraphe précédent ; je me rallie également à la suppression des mots « non spongieux, » demandée pat M. Verdussen .
- Le paragraphe B avec ces diverses modifications est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à la discussion du paragraphe C.
« § C. Au taux respectivement établi aux paragraphes A et B pour les sucres en pains, métis et lumps, concassés en morceaux, ou pilés dans un magasin spécial de l’entrepôt libre ou public du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent les qualités indiquées auxdits paragraphes A et B. »
M. Verdussen. - Messieurs, je dois demander ici un léger changement dans l’intérêt de la ville d’Anvers.
Il est dit dans le paragraphe C :
« Dans un magasin spécial de l’entrepôt libre ou public du dernier port de l’exportation. »
Je voudrais, messieurs, qu’il fût possible que les raffineurs de Gand fissent casser leurs pains ou piler leurs cassons dans l’entrepôt de la ville de Gand, en présence de l’administration, afin de les envoyer de là au premier port qu’ils choisiraient pour l’exportation, et cela, si l’on veut, sous les plombs de l’administration, car je ne veux pas que l’administration se dessaisisse d’aucun moyen pour prévenir la fraude.
Si vous adoptez le paragraphe C tel qu’il est proposé, vous allez occasionner un travail et des frais inutiles aux raffineurs de Gand. Ils devraient payer d’abord des commissionnaires ; ils devraient ensuite emballer les sucres, pour les expédier à Anvers ou à Ostende, où il faudrait encore une personne pour surveiller la marchandise tandis que si les raffineurs pouvaient faire le même travail à l’entrepôt de Gand, ils jouiraient du même avantage dont peuvent jouir les raffineurs d’Anvers qui ne doivent pas avoir de privilèges sur leurs collègues.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, la disposition contenue dans le paragraphe C reproduit précisément ce qui se fait aujourd’hui, car actuellement l’administration n’accorde l’autorisation de piler les sucres que dans l’entrepôt du dernier port d’exportation.
On comprend facilement les motifs de cette restriction qui n’a d’autre but que de ne pas offrir dans un long trajet, par exemple, comme de Gand à Ostende, le temps et les moyens de substituer des sucres bruts à des sucres raffinés pilés, ou même de soustraire partie de ceux-ci ; manœuvres qui sont éminemment préjudiciables au trésor et au commerce loyal.
Mais, dit-on, plombez et convoyez ; mais, messieurs, même avec ces précautions, il peut encore arriver des abus dans des transports semblables ; et c’est pour les éviter que l’administration, usant des pouvoirs que lui laisse la législation actuelle, n’a accordé jusqu’ici que l’autorisation exclusive de piler les sucres dans le dernier port de l’exportation. Si la chambre jugeait devoir déroger à cette prudente réserve de l’administration, je ne répondrai pas que les sucres seraient toujours transportés sans fraude ; car il pourrait arriver, comme on l’a vu pour le sel, que les intéressés parvinssent à opérer des soustractions.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, d’après le discours de M. le ministre des finances, il paraît ne pas s’opposer beaucoup à ce qu’on mette la ville de Gand sur le même pied que la ville d’Anvers.
Messieurs, certainement, c’est déjà assez que, pour assurer la rentrée de l’impôt, l’on croie devoir imposer des entraves de toute espèce à l’industrie du sucre exotique en général ; il ne faut sans doute pas aller jusqu’à être injuste envers une localité où cette industrie se pratique, au profit d’une autre localité ; or, c’est ce qui aurait lieu, comme vient de l’avouer franchement l’honorable député d’Anvers, si l’on adoptait le paragraphe tel qu’il est proposé.
M. le ministre des finances craint seulement la fraude. Cependant si le sucre est pilé en présence de l’administration dans l’entrepôt réel ; que là il soit mis sous les plombs de l’administration et convoyé ensuite jusqu’au port d’exportation, je ne vois pas bien qu’il puisse y avoir fraude du moment que l’administration des douanes fait son devoir, comme je pense qu’elle le fait toujours. C’est à l’administration à choisir les employés sur lesquels elle puisse compter. Si l’administration choisit de mauvais employés, il pourra sans doute y avoir fraude ; si au contraire elle en choisit de bons, il n’y aura pas de fraude. Mais faut-il faire souffrir une industrie ? Faut-il commettre une injustice envers des raffineurs qui ne veulent pas tromper, par le seul motif qu’il pourra arriver que les préposés de l’administration se laisse corrompre ?
Je crois en avoir dit assez pour engager la chambre à adopter la proposition de M. Verdussen.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je dois dire que la faveur, qu’on prétend que le paragraphe en discussion établit envers les raffineurs d’Anvers, se réduit à peu de chose, puisque les sucres à exporter de Gand pourront être pilés au dernier port d’exportation ; il en résultera sans doute quelqu’embarras de plus pour l’exportateur de Gand ; mais, enfin, il faut bien reconnaître que la différence entre sa position, sous ce rapport, et celle du raffineur à Anvers, est presque insignifiante.
Vous avez à juger, messieurs, si les motifs allégués par d’honorables préopinants sont de nature à vous faire renoncer, par la loi, aux dispositions préventives de la fraude que nous craignons dans le cas dont il s’agit.
On nous a demandé tout à l’heure comment, lorsque deux employés se trouvent sur un bâtiment dont les écoutilles sont plombées, il serait possible qu’il se pratiquât aucune machination frauduleuse. Eh bien, messieurs, avec ces précautions il est arrivé que la fraude s’est pratiquée, et même à l’insu des employés convoyeurs.
M. le président. - M. Verdussen a-t-il à ajouter quelques développements à l’appui de sa proposition ?
M. Verdussen. - Messieurs, mon amendement se borne principalement au retranchement des mots : « du premier port d’exportation. » J’ai ajouté les mots « entrepôt réel, » parce que l’entrepôt public étant toujours sous la clef de l’administration, l’administration en jugera comme bon lui semblera.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je ferai remarquer que ce serait faciliter inutilement des abus, si l’on admettait l’addition des mots « entrepôt particulier » (car je crois que c’est là ce que M. Verdussen entend par entrepôt réel).
L’administration a par devers elle, dit-on, la clef des entrepôts particuliers ; cela est vrai, et cependant cent fois on s’est frauduleusement introduit dans des bâtiments ainsi fermés, et on y a enlevé ou substitué des marchandises. Il en serait quelquefois de même dans le cas qui nous occupe ; après avoir légalement pilé le sucre raffiné, on chercherait, au moyen d’issues adroitement cachées à la vigilance des employés, à le remplacer par du sucre brut ; et comment distinguer ensuite cette fraude ?
L’adjonction des mots « entrepôt particulier » présente donc des dangers, et elle serait sous utilité parce que, dans toutes les villes où il existe un port, il y a un entrepôt public.
M. Mercier. - L’amendement de l’honorable M. Verdussen aurait pour effet non seulement de permettre l’exportation des sucres concassés en morceaux ou pilés dans les villes communiquant à la mer, par rivières ou canaux, mais aussi dans toutes celles de l’intérieur du pays où se trouvent des entrepôts publics. Mais si le transport d’une denrée soumise à un droit aussi élevé présente des dangers pour la fraude, lorsqu’il s’effectue par bateaux, on conçoit que la surveillance est encore bien plus difficile lorsqu’il a lieu par terre et à de grandes distances.
Plusieurs villes, fort éloignées des ports d’Anvers et d’Ostende, ont des entrepôts publics ; il faudrait donc les comprendre dans la mesure que propose l’honorable M. Verdussen, qui a ainsi donné une grande extension à une disposition qui semblait d’abord ne devoir concerner que la ville de Gand.
Quant à la dénomination d’entrepôt réel, ainsi que l’a fait remarquer M. le ministre des finances, elle n’est pas connue dans notre législation, et ce sont sans doute les entrepôts particuliers qu’a voulu désigner l’honorable membre. Il est impossible d’admettre, sans ouvrir une large voie à toute espèce d’abus, que les sucres destinés à l’exportation soient pilés et concassés dans les entrepôts particuliers qui ne sont pas constamment sous les yeux des agents du gouvernement.
Par ces motifs, je suis obligé de une prononcer contre l’amendement qui vient d’être proposé par l’honorable M. Verdussen.
(Moniteur belge n°364, du 30 décembre 1837) M. Donny. - Je voterai contre la proposition de M. Verdussen parce que je n’ai aucune confiance dans le plombage et le convoi comme garantie contre la fraude, L’expérience a prouvé très souvent que ce sont là des moyens inefficaces. Je ferai remarquer que l’amendement apporte un changement à un ordre de choses contre lequel aucune réclamation ne s’est élevée. Il n’y a aucune utilité à adopter cet amendement qui ne pourra pas empêcher la fraude qu’on veut prévenir.
M. Dubus (aîné). - L’amendement proposé a pour objet d’augmenter le nombre des locaux où l’on pourra piler le sucre. Cela me fournit l’occasion de demander quelle est l’utilité de ce pilage. Si c’est pour avoir la faculté de faire passer ce sucre comme sucre brut en l’important à l’étranger, n’en résulte-t-il pas cet inconvénient qu’on pourra également le réimporter comme sucre brut dans le pays, et on consommera du sucre qui aura reçu la restitution du droit à haute décharge. S’il en est ainsi, il faut retrancher de la disposition les mots « ou pilés, » car nous ne devons pas souffrir qu’on pratique dans les entrepôts la manœuvre au moyen de laquelle on pourra réimporter frauduleusement les sucres exportés. Si le sucre pilé se trouve dans un état tel qu’il puisse tromper les douaniers étrangers, il pourra également tromper les nôtres ; nous ne devons pas faciliter la réimportation frauduleuse des sucres qui ont obtenu la haute décharge. J’ai besoin d’explications à cet égard ; si on ne m’en donne pas de satisfaisantes, je demanderai le retranchement des mots « ou pilés. »
M. Rogier. - Je ferai observer à l’honorable préopinant que la fraude qu’il craint n’est pas possible, puisqu’on n’admettra au pilage dans l’entrepôt que le sucre raffiné aux conditions déterminées aux paragraphes A et B. C’est donc du sucre raffiné ; je ne pense pas qu’on s’avisera de le réimporter comme sucre brut, car la fraude serait visible.
Il est certain que nous ne sommes pas partisans de la fraude. Je ne pense pas que jamais nous ayons soutenu que la fraude était une chose qu’il ne fallait pas sévèrement réprimer. Les craintes de l’honorable préopinant ne sont pas fondées puisque les pains non raffinés ne seront pas admis à être pilés ; les sucres raffinés seuls seront admis à cette faveur, si c’en est une. La loi introduit une faveur réelle pour deux ports de mer, si par ports d’exportation on n’entend pas les ports de Gand, d’Ostende, de Bruges, de Louvain, d’Anvers et de Bruxelles ; si on entend seulement ces ports de mer, si on veut légaliser ce qui se fait par tolérance, il y a évidemment faveur pour les ports d’Anvers et d’Ostende.
Je pense qu’on pourrait admettre à cette faveur les autres ports, ceux de Louvain, Gand, Bruges et Bruxelles.
Relativement aux autres facilités que présente le pays pour exercer une plus grande surveillance à l’égard des marchandises convoyées, bientôt ces marchandises pourront être transportées par le chemin de fer ; la surveillance sera plus facile encore car le gouvernement indiquera le mode de convoi.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne suis pas convaincu que, de temps en temps, ou ne tentera pas de réimporter des sucres pilés comme sucres bruts. Mais je pense, comme vient de le faire remarquer l’honorable préopinant, que les sucres exportés après avoir subi le pilage, ayant été auparavant bien raffinés, on pourra quelquefois les reconnaître. Toutefois la surpression de la faculté de piler le sucre en entrepôt, au moment de l’exportation, n’empêchera pas absolument la fraude qu’on voudrait prévenir, parce que, si elle est lucrative, on pilera le sucre hors du pays, et on l’y réintroduira ensuite. Ainsi, je crois qu’ici nous devons nous occuper seulement des facilités du commerce loyal, et supposer que celui-là seul fera piler le sucre en entrepôt, et qu’il ne tentera pas de le réimporter en fraude.
M. Dubus (aîné). - J’ai demandé quel besoin on avait de piler le sucre qu’on exportait ; on ne m’a pas répondu, parce qu’on aurait été obligé de dire que c’était pour l’introduire en pays étranger comme sucre brut, et qu’on a craint…
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est parce que le commerce, dans certains pays, se fait exclusivement de cette manière. En Italie, par exemple, le sucre en pain se paierait moins que le sucre ainsi pilé.
M. Dubus (aîné). - Mes craintes, dit-on, ne sont pas fondées, parce qu’on reconnaîtra que c’est du sucre raffiné. Je ne sais pas si, quand le sucre est en poudre, il est facile de reconnaître qu’il est raffiné. Mais dès que cela n’est pas facile, vous remarquez quelles en sont les conséquences, car le sucre qui est censé exporté donne lieu à la restitution du droit à haute décharge, et quand on le réimporte, non seulement il ne paie pas le droit de 36 florins établi sur le sucre raffiné, mais il rentre à un droit de 95 cent. seulement ; et quand le négociant le déclare pour le travailler, ce sucre est encore une fois pris en charge, de sorte que cette importation lui présente un double avantage : après avoir reçu la double décharge, il le réimporte, ce sucre, sans payer le droit de 36 florins peut obtenir une nouvelle prise en charge et faire une seconde exportation sérieuse ou simulée. Il est au moins imprudent d’autoriser le pilage de sucres dont on ne pourrait pas distinguer la qualité si on les présentait pour les réimporter comme sucres bruts.
M. Dumortier. - Il est impossible de distinguer du sucre brut du sucre raffiné quand celui-ci est pilé. En effet, quelle différence y a-t-il entre le sucre raffiné et celui qui ne l’est pas ? C’est que d’un côté les cristaux sont en cohésion, que de l’autre ils ne le sont pas. Si vous pilez le sucre raffiné, vous rompez la cohésion ; dès lors il est impossible de voir la différence. Cela est tellement vrai qu’il existe des sucres bruts très fins et très durs qui sont aussi blancs que certains sucres en pain ordinaires. Si vous reconnaissez cette vérité que le raffinage ne consiste que dans la cohésion des cristaux, vous ne pouvez pas permettre qu’on réduise le sucre en poudre pour l’exportation, car l’administration serait mise en défaut, attendu qu’il n’y a pas possibilité de reconnaître le fait du raffinage.
M. Verdussen. - En supposant que tout puisse se passer comme les préopinants le prétendent, si on trouvait tant d’avantage à réimporter le sucre pilé, on le pilerait en mer au lieu de le piler en entrepôt, et on l’introduirait dans le pays ; on pourrait même introduire ainsi du sucre étranger : je ne sais pas quel bénéfice on trouverait à faire revenir plutôt le sucre exporté du pays, et je le répète, on pourrait le faire alors qu’on ne serait pas autorisé à opérer le pilage en entrepôt.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant sent aussi bien que moi la difficulté. La voici : vous accordez la prime d’exportation pour sucres raffinés ; vous ne pensez pas l’accorder pour des sucres qui peuvent être pris pour des sucres bruts, car on pourrait réimporter et réexporter ainsi le même sucre indéfiniment et prélever chaque fois une prime sur le trésor public. Quel but peut-on avoir en pilant du sucre raffiné ? C’est d’en dénaturer la qualité, c’est de faire que ce qui était du sucre raffiné, redevienne du sucre en poudre. Cela est tellement vrai qu’il perd manifestement de sa valeur en le pilant, qu’on n’a pas besoin de le démontrer.
Pourquoi les raffineurs consentent-ils à faire perdre à leur produit une partie de sa valeur ? C’est pour le faire entrer dans d’autres pays sous le prétexte que ce n’est plus que de la cassonade ou du sucre brut. Qu’y aurait-il d’étonnant que ce sucre ainsi dénaturé rentrât en Belgique comme cassonade pour sortir de nouveau en percevant la prime, et fît la navette vingt fois, toujours en prélevant une prime sur le trésor public ? On dit que le pilage se fait en présence de l’administration ; qu’est-ce que cela fait ? Pourrait-on moins faire rentrer ce sucre comme sucre brut ? Ce n’est pas parce que l’opération du pilage se sera faite sous les yeux de l’administration qu’on ne pourra pas faire rentrer ce sucre 24 heures après comme sucre brut.
En dénaturant le sucre raffiné pour lui donner l’apparence de cassonade, de deux choses l’une : ou c’est pour le faire rentrer dans le pays frauduleusement, alors nous devons nous y opposer ; ou bien on veut le faite passer à l’étranger comme sucre brut et ne payer les droits que comme tel. Je ne vois pas pourquoi nous devons accorder une prime à nos raffineurs pour faire manger le sucre à meilleur marché à l’étranger qu’en Belgique, et aux dépens des Belges qui paieraient l’impôt.
De quelque manière que vous envisagiez la chose, il est évident qu’on fait perdre au sucre raffiné de sa valeur. Ce ne peut être que pour éluder la loi ; eh bien, je ne puis consentir à ce qu’on élude la loi en faveur d’un objet pour lequel l’impôt nous échappe déjà. Je demande qu’on supprime les mots « ou pilés, » c’est le seul moyen d’empêcher la fraude.
M. Desmaisières. - M. Dumortier a eu raison de dire que piler le sucre raffiné, c’était le dénaturer. Mais je lui démontrerai au désavantage de qui ce sucre est dénaturé. C’est au désavantage du raffineur. Pourquoi le raffineur veut-il supporter la perte qui en résulte ? Parce que cette perte devient un avantage pour lui, comme l’a expliqué M. le ministre des finances ; parce qu’il est des pays où l’on ne veut pas d’autre sucre que celui-là. Si vous ne permettez pas de piler le sucre exporté, c’est un débouché que vous enlevez à votre pays.
Mais, dit M. Dumortier, on a intérêt à faire cette opération parce qu’après on réintroduira dans le pays comme sucre brut le sucre ainsi pilé, et il faudra peu de temps pour en faire de nouveau des pains et les exporter avec prime.
Comme l’a fort bien dit M. Verdussen, si le raffineur veut exercer cette fraude, il pourra le faire tout aussi bien quand vous ne permettrez pas le pilage que quand vous le permettrez ; la seule différence, c’est qu’au lieu de piler chez nous il pilera à l’étranger.
Il est très possible de distinguer du sucre raffiné du sucre brut, car le sucre raffiné est cristallisé.
M. Dumortier. - Tout sucre est cristallisé.
M. Desmaisières. - Oui ; mais vous ne me contesterez pas que, dans les sucres bruts, les cristaux ne sont pas aussi homogènes que dans les sucres raffinés.
Quoiqu’on n’ait pas voulu nous permettre de calculer le rendement de tous les sucres employés en Belgique, pour prendre la moyenne, c’est d’après ce principe qu’on a procédé pour déterminer le chiffre du rendement ; on a pris une moyenne entre le rendement adopté en France et celui adopté en Hollande. Mais puisqu’on veut toujours que nous fassions comme en France et en Hollande où on travaille d’autres sucres, pourquoi ne pas adopter ces mots « ou pilés, » qui se trouvent aussi dans la loi hollandaise, comme je l’ai fait remarquer à la page 14 de mon rapport ?
Vous voyez que ce que nous demandons n’a pour but que de nous mettre sur la même ligne que la Hollande, que vous nous présentez pour exemple. Et maintenant voilà que vous vous y opposez.
C’est, messieurs, dans le Levant où le sucre de ce pays est allé chercher des débouchés pour nos draps, nos armes ; c’est dans le Levant qu’on exporte ces sucres pilés, et on n’y en voit pas d’autres.
M. Rogier. - On vous a expliqué pourquoi les raffineurs exportent du sucre pilé ; c’est parce que les usages le font préférer dans les pays où on l’expédie. Les honorables préopinants, qui ne reconnaissent pas de loyauté dans les raffineurs et le commerce, croient que cette opération a exclusivement pour but la fraude. Ils ne peuvent pas croire que c’est parce que ces sucres conviennent mieux à certains pays. Ils sont convaincus que le pilage du sucre ne sert qu’à la fraude ; comme tous les raffineurs et négociants en font piler ils s’en suit que tous sont soupçonnés ou accusés de fraude. Mais, en les supposant tous fraudeurs, je demanderai quelle opération si avantageuse feraient les raffineurs et négociants, quel genre d’avantage on reconnaîtrait à ces opérations successives ? Un raffineur, pour introduire comme sucre brut du sucre raffiné, devrait faire du sucre en pain, supporter les frais de transport à l’entrepôt, le faire piler, puis embarquer, ensuite le réimporter, faire décharger et de nouveau le raffiner.
Je vous demande s’il est un commerçant qui songe à faire de pareilles opérations. Pour frauder, il faut au moins pouvoir faire un bénéfice.
On dit que le sucre pilé peut être introduit comme sucre brut. Je pense, moi, qu’il ne faut pas voir clair pour confondre du sucre brut avec du sucre parfaitement épuré. Le sucre pilé exporté n’est pas dans un état qui puisse le faire prendre pour du sucre brut. il arrive, à l’égard du pilage, comme cela arrive souvent, que l’on pousse la crainte de la fraude jusqu’à une exagération absurde.
Pour supposer la fraude, il faut qu’on y trouve un intérêt ; si le raffineur veut tirer avantage d’un sucre d’un rendement supérieur, il n’a pas besoin de réimporter du sucre exporté avec décharge, il n’a qu’à introduire du sucre de la havane blanc, qui lui procurera un rendement plus grand, et il n’aura pas à faire toutes les opérations que je viens d’indiquer et qu’entraîne la fraude qu’on suppose, et qui seraient plus coûteuses que le bénéfice qu’on pourrait en tirer. On ne peut pas admettre qu’une opération que font tous les commerçants soit envisagée comme n’ayant pour but que de faciliter la fraude.
M. Dubus (aîné). - Si on m’avait refusé la parole, je l’aurais demandée pour un fait personnel, pour rectifier les assertions de l’honorable préopinant. Pour me répondre, il a dénaturé mes paroles.
M. Rogier. - Je n’ai pas dénaturé vos paroles.
M. Dubus (aîné). - Vous avez dit que nous nous étions livrés à des exagérations absurdes ; vous m’avez attribué d’avoir insinué que les raffineurs étaient des fraudeurs, que lorsqu’ils font piler du sucre, c’est exclusivement pour le faire réimporter.
M. Rogier. - C’est de M. Dumortier que j’ai voulu parler.
M. Dubus (aîné). - Vous nous avez attribué d’avoir dit qu’ils ne peuvent avoir d’autre but que celui-là ; ce n’est pas ce qu’a dit mon honorable ami ; c’est encore moins ce que j’ai dit. L’honorable préopinant aurait dû se souvenir que je n’avais fait qu’exposer mes doutes et demander des explications. De sorte que s’il y avait une manière, en quelque sorte timide, de produire une objection, c’était bien celle que j’avais adoptée. Mais on croit ne pouvoir faire impression sur la chambre qu’en exagérant, qu’en dénaturant les objections auxquelles on a à répondre, et en les faisant passer pour des absurdités. J’ai donc exposé mes doutes à la chambre, et quoi qu’en ait dit l’honorable préopinant, je les conserve encore.
Selon lui, un négociant n’aurait pas intérêt à faire cela ; mais il me paraît manifeste qu’il y trouverait son intérêt s’il était vrai que du sucre, non destiné à l’exportation, donnât lieu à la haute décharge ; s’il était vrai qu’au lieu d’importer du sucre brut on importait du sucre raffiné, ce qui donnerait lieu à payer des droits dont la différence est considérable.
Mais, dit-on, cela est impossible, parce qu’il est très facile de distinguer le sucre brut, de quelque qualité qu’il soit, du sucre raffiné pilé : Eh bien, c’est là une assertion à laquelle j’opposerai l’assertion du ministre des finances, lequel déclare que la distinction n’est pas toujours possible.
Ainsi, voilà deux assertions contraires. On ne peut véritablement comprendre cette impossibilité prétendue et la concilier avec le but que peut se proposer un loyal négociant qui fait piler ses sucres.
L’honorable rapporteur de la commission reconnaît que piler le sucre, c’est en diminuer la valeur ; mais pourquoi en diminue-t-on la valeur ? C’est pour qu’il soit admis dans d’autres pays. Soit ; mais cela en rend aussi plus facile la réimportation en Belgique. C’est par ces considérations que j’éprouve beaucoup de répugnance à admettre la disposition proposée.
M. Rogier. (pour un fait personnel). - Lorsque j’ai parlé des membres qui englobaient tous les raffineurs dans une accusation générale de fraude, je n’ai pas désigné ceux qui n’avaient présenté que des doutes ; je n’ai désigné que ceux qui avaient fait des accusations très précises.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Rogier. - On aura beau dire qu’on n’a pas fait de telles accusations ; toute la chambre les a entendues. Il a été dit d’une manière très explicite que ceux qui pilaient le sucre avaient pour but de le réintroduire en Belgique.
L’on vient de présenter un argument qui pourrait faire impression sur les esprits si l’on n’y répondait pas, et je réclamerai de la chambre la permission de dire quelques mots à cet égard.
J’avais demandé quel avantage le raffineur aurait à introduire les sucres raffinés, pilés, comme sucres bruts : un grand, a-t-on dit, puisque ce sucre entrera en consommation, ayant été libéré du droit de 37 fr., tandis qu’on l’introduira comme sucre brut dont le droit est de 80 centimes. Messieurs, si ce fait était exact, vous auriez beau prendre des précautions, vous n’empêcheriez pas les négociants d’en profiler ; car on irait piler le sucre ailleurs, et on l’introduirait comme sucre brut.
Vous y perdriez la main-d’œuvre pour le pilage par vos précautions, mais voilà tout.
M. Dumortier. (pour un fait personnel). - Je m’étonne que le préopinant persiste à dénaturer mes paroles.
M. Rogier. - Vous l’avez dit !
M. Dumortier. - Je ne l’ai pas dit. Le préopinant prétend que j’ai dit que l’on ne pilait tous les sucres que dans un but frauduleux : cela est si peu exact que j’ai fait deux suppositions. Vous me prêtez des paroles afin de me faire soutenir une thèse toute à votre avantage. Il est constant qu’on me prête des paroles que je n’ai pas dites. Je comprends que si l’on exportait du sucre mélis de première qualité, il serait peut-être possible de le reconnaître à l’entrée.
M. le président. - Ce n’est pas là un fait personnel.
M. Dumortier. - J’ai une observation à faire, et j’ai le droit de continuer.
M. le président. - Si la chambre y consent.
M. Dumortier. - Messieurs, si l’on opère sur les lumps, et sur les lumps communs, comment prouver que c’est du sucre qui a déjà été raffiné ? Or, ce sont les lumps que l’on réduit en poudre. On nous dit que c’est pour les exporter en Italie et dans le Levant ; mais exportez vos sucres en pain, ou ne manquera pas d’ouvriers pour les piler.
M. Rogier. - On ne les admettra pas !
M. Dumortier. - On ne les admettra pas ! Vous ne voulez donc que dénaturer le sucre pour le faire entrer comme cassonade ? Nous ne devons pas permettre que la loi prépare de pareils moyens de fraude.
Il y a deux ans j’étais à Anvers. J’ai vu sur le port piler des sucres très communs ; j’ai demandé à un négociant quel était le but de cette opération ; il m’a répondu très ingénument que ce sucre irait quelques lieues eu mer, et qu’il reviendrait.
J’ai dans mon tiroir des sucres qui ont été fraudés de la même manière à Ostende. Ce moyen a été remarqué par plusieurs personnes comme un moyen d’éluder la loi, et de réduire à zéro la recette du trésor. Ce serait un véritable abus que d’introduire dans la loi une pareille disposition, surtout pour les lumps. Si ce système peut s’adopter aux lumps comme aux sucres mélis, je ne puis lui donner mon assentiment.
M. Smits. - Si M. Dumortier avait fait un petit voyage dans la Méditerranée, dans le Levant, il saurait que là on ne veut que du sucre pilé. A Naples, il est vrai, on reçoit le sucre en pains, mais avec un droit exorbitant. Oter la faculté d’exporter le sucre en poudre, c’est nous fermer un des débouchés les plus considérables ; ce n’est sans doute pas là l’intention de la chambre. Vous n’admettrez donc pas la proposition de M. Dumortier .
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il est fort difficile de distinguer à l’importation le sucre raffiné du sucre brut, quand il est pilé. J’en appellerai sur ce fait à nos collègues d’Anvers eux-mêmes. Il peut donc y avoir fraude ; on pourrait déclarer et réimporter comme sucre brut du sucre raffiné qui aurait reçu la haute décharge des droits. Mais le retranchement de la disposition qui permet le pilage des sucres, empêcherait-il efficacement cette fraude ? Non, parce qu’on pilerait le sucre en mer, sur le navire ou à l’étranger, pour le réimporter ensuite s’il y avait profit à le réimporter. L’adoption de la défense générale et rigoureuse dont il s’agit, n’empêcherait donc pas efficacement la réimportation du sucre raffiné, pilé, qui aurait obtenu la haute décharge pour compte d’individus qui voudraient se livrer à ce trafic.
Maintenant, pour le commerce loyal, la prohibition serait très défavorable, puisqu’en Hollande la faculté de piler le sucre raffiné existe, et que si nous la supprimions ici, ce pays aurait des avantages sur nous pour le commerce des sucres en Italie et dans le Levant.
Je crois donc, messieurs, qu’il faut conserver ce qui existe, d’autant plus, je le répète encore, que le retranchement qu’on propose n’obvierait pas à la fraude.
M. F. de Mérode. - Messieurs, si les choses se passent comme on le dit, s’il est impossible de distinguer le sucre raffiné de celui qui ne l’est pas, si la fraude est si facile, il me semble que nous ne faisons rien d’utile, que le système du drawback privera le trésor de toutes les ressources que nous voulons lui faire obtenir.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Nous serons toujours assurés d’un dixième du droit d’entrée sur tout le sucre brut importé ; ainsi l’observation de mon honorable ami, le comte de Mérode, n’est pas tout à fait exacte. Je ferai remarquer, en outre, que le sucre pile qu’on réimporterait, devrait être de nouveau fondu et raffiné, ce qui occasionnerait des frais pour le raffineur. Je sais bien qu’il lui resterait outre cela quelque bénéfice, mais il me semble que cet avantage serait trop faible pour engager beaucoup les personnes à se livrer à un semblable trafic. Je suis persuadé que la grande majorité des industriels font un commerce loyal, qu’ils exportent du sucre pilé pour l’importer réellement dans les ports du Levant, où l’on n’en admet pas d’autre.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
On passe au paragraphe D.
M. Verdussen. - Messieurs, si je comprends bien la rédaction de ce paragraphe, l’exportation du sucre vergeois ne serait plus permise qu’avec la simple décharge, car on fait une énumération dans laquelle ne se trouvent pas compris les sucres vergeois, ou sucres en poudre, qui étaient autrefois exportables ainsi que le sucre brut, avec restitution du simple droit d’entrée. Je ne sais pas ce qui a porté M. le ministre à proposer un changement aussi radical à l’état de choses actuel, Je ne sais pas non plus pourquoi l’on ne veut plus permettre l’exportation du sucre brut. Je voudrais que M. le ministre voulût me dire quel est le motif de changements de cette nature.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ferai d’abord remarquer à l’honorable préopinant que l’exportation est permise pour les sucres bruts qui se trouvent en entrepôt libre ou public, et qu’on lui refuse seulement pour ceux qui se trouvent dans les entrepôts fictifs ou qui sont pris en charge, pour empêcher les substitutions auxquelles cela donnerait lieu. Il arriverait, sans la restriction proposée qu’ayant importé, par exemple, du très bon sucre brut de la Havane, on y substituerait du mauvais sucre de betterave pour exporter ainsi une chose de nulle valeur et laisser dans le pays, sans payer aucun droit, des sucres de première qualité. Ce n’est donc pas pour gêner le commerce réel qu’est faite cette disposition, mais uniquement pour obvier à une fraude des plus faciles.
Quant au sucre vergeois, messieurs, il est rarement destiné à l’exportation, mais bien à être consommé dans le pays.
Le paragraphe D est mis aux voix et adopté.
- L’ensemble de l’article est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 3. La déduction pour déchet accordée pour les sucres déposes à l’entrepôt fictif et montant :
« A. A 1 p. c. pour les sucres de la Havane,
« B. A 2 p. c. pour tous les autres sucres, est supprimée. »
« Art. 4. La tare accordée pour le sucre importé dans des caisses de la Havane est réduite à 14 p. c. du poids brut, et pour celui importé dans d’autres caisses à 16 p. c. ; sauf la vérification de la tare, lorsqu’elle sera demandée pour la partie intéressée. Les autres tares de 15 p. c. du poids brut pour les tonneaux, de 8 p. c. pour les emballages de cuir, nattes, paniers, toiles et autres semblables, et de 10 p. c. pour le canassers, sont maintenues. »
M. Verdussen. - Messieurs, il y a dans cet article plusieurs dispositions que je ne saurais admettre. Restituer 14 p. c. pour la tare au sucre havane, c’est rester dans le vrai ; mais pour les autres sucres il faudrait établir une distinction. Depuis plusieurs années on cherche dans différents pays à vendre du bois pour du sucre ; on fait des caisses tellement épaisses qu’on y emploie des morceaux d’arbres ; il n’y a que les caisses de Bahia qui reviennent à 16 p. c. ; quant aux caisses du Brésil, de Rio-Janeiro, de Fernambouc, elles sont beaucoup plus pesantes. Comme nous ne pouvons pas avoir l’intention de faire perdre les raffineurs sur la tare, je crois, messieurs, que nous devons modifier les dispositions dont il s’agit.
On dira peut-être que les raffineurs peuvent demander la vérification de la tare ; mais, messieurs, quand un navire apporte 50 caisses de sucre, peut-on les décharger, les vider, les laver, pour examiner quelle est la tare réelle ?
C’est là une opération tellement ruineuse qu’il est impossible de la mettre en pratique. Dans le commerce, il n’arrive jamais de ne pas obtenir une surtare, lorsqu’on prouve d’un côté que le bois des caisses est plus pesant, et de l’autre que les caisses ne sont pas pleines.
Je pense donc que si l’on veut chercher la vérité là où elle doit être, il faudrait changer la rédaction trop générale de l’article en disant : « des autres caisses. »
M. Dubus (aîné). - Messieurs, je ferai remarquer que les tares proposées par la commission sont plus fortes que celles qui ont été admises en Hollande par la loi qui y a été le plus récemment votée. Si l’on en excepte un seul article en ce qui concerne les caisses du Brésil, nous avons pris des chiffres inférieurs de 1, de 2 ou de 3, aux chiffres qui ont été admis en Hollande. On me dit qu’il y a un motif à cette différence ; j’attendrai qu’on me fasse connaître ce motif.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, j’ai voté dans le sein de la commission la tare de 10 p. c. pour les caisses du Brésil, je viens appuyer la proposition qui vous a été faite par l’honorable M. Verdussen, parce que je reconnais que j’étais alors dans l’erreur.
L’honorable préopinant vient de vous faire connaître que les tares en Hollande sont inférieures à celles que la commission vous propose d’adopter, et vite l’on nous dit d’imiter en cela la Hollande, alors qu’il s’agit d’assurer un avantage à l’industrie de la raffinerie en Belgique ; mais on ne nous disait pas d’imiter la Hollande, alors qu’il s’agissait de lui emprunter des dispositions favorables à nos raffineries.
La Hollande a abaissé le chiffre de ses tares, au profit des sucres de ses colonies, aux dépens des sucres des autres lieux de provenance ; mais les sucres autres que ceux qui proviennent des colonies hollandaises sont précisément nos sucres coloniaux à nous.
Quoique la Hollande ait intérêt à abaisser autant que possible les tares sur les sucres autres que ceux des colonies hollandaises, elle a cependant conservé le chiffre de 18 p. c. pour les sucres du Brésil, et pourquoi ? Parce que, comme on l’a fait remarquer, les caisses du Brésil sont tellement lourdes, qu’il y a une certaine quantité de sucre qui se trouve remplacée par le bois, et qu’il a bien fallu, bon gré mal gré, que la Hollande accordât pour ces caisses une tare de 18 p. c.
Messieurs, il y a encore un avantage beaucoup plus grand à maintenir la haute tare sur les sucres du Brésil, car c’est précisément vers le Brésil que nous tâchons d’obtenir des débouchés pour les produits de toutes nos industries ; c’est là que nous avons intérêt à aller chercher le sucre, parce que nous aurons là des retours qui nous permettront d’y envoyer les produits de notre industrie en général. J’appuie donc de toutes mes forces la proposition tendant à majorer le chiffre de la tare sur les caisses du Brésil.
M. Dubus (aîné) (pour un fait personnel). - Messieurs, je suis encore une fois obligé de relever une inexactitude dans l’appréciation qu’on vient de faire de ce que j’ai dit.
On a prétendu que j’avais dit que nous devons imiter la Hollande ; or, je n’ai pas dit un mot de cela ; je n’ai pas proposé d’imiter la Hollande, j’ai simplement demandé des explications sur une différence de chiffres. Un honorable député d’Anvers avait signalé une erreur, à son avis, dans la proposition de l’article 4, en ce que l’on avait présenté un chiffre insuffisant pour la tare des caisses du Brésil, et, appuyé de cette assertion, il est venu déclarer que la tare des caisses du Brésil est plus forte en Hollande ; mais, en Hollande aussi, toutes les autres tares sont au-dessous de celles que propose la commission ; il était naturel dès lors de demander une explication.
Cela était d’autant plus nécessaire, que la loi de 1822 établit toutes tares plus fortes ; qu’en Hollande on a reconnu qu’elles étaient excessives, et que par suite on les a diminuées. J’aurais donc voulu que l’honorable préopinant nous eût dit pourquoi la commission n’avait pas jugé à propos de les réduire.
L’honorable membre dit que, pour sa part, il pense que la Hollande avait intérêt de réduire plus les tares sur les sucres coloniaux que sur les autres sucres ; mais résulte-t-il de là que la Hollande aurait établi des tares insuffisantes ? C’est ce qui n’est nullement prouvé, paraît-il.
Quant à la tare proposée pour les caisses du Brésil, l’honorable membre nous dit que la commission s’est trompée, et que lui s’est trompé avec la commission ; mais il semble avoir lu quelque part dans le rapport que la commission avait fait ou avait fait faire des essais.
Une voix. - La commission n’a fait ses propositions que d’après les renseignements fournis par M. le ministre des finances.
M. Dubus (aîné). - En ce cas, M. le ministre pourra nous donner des explications.
M. Verdussen propose d’établir à 20 p. c. la tare sur les sucres de Rio-Janeiro et de Fernambouc.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, c’est d’après les renseignements que je lui ai fournis, que la commission vous a proposé les tares dont les plus élevées sont celles de 14 et de 16 p. c. Toutefois je ferai remarquer qu’elle n’a pas entièrement admis la réduction que je regardais comme convenable, car si ma mémoire est fidèle, mes renseignements établissaient qu’il ne fallait au plus qu’une tare de 12 et de 14 p. c. Cependant je n’ai pas voulu, pour une divergence aussi minime entre la commission et moi, vous présenter un amendement, et insister pour que les tares les plus élevées fussent abaissées à 14 et à 12 p. c. J’ajouterai toutefois que c’est d’après des indications prises aux lieux d’arrivage que j’avais signalé à la commission la convenance de réduite la tare au taux que je viens d’indiquer
M. Verdussen vient de proposer un amendement tendant à établir la tare à 20 p. c. sur les sucres de Rio-Janeiro et de Fernambouc. Je me bornerai pour le combattre à répéter ce qu’a déjà dit un honorable préopinant, qu’en Hollande la tare sur ces mêmes sucres n’est que de 18 p. c., et que si même on voulait aller plus loin que la commission, on ne devrait jamais aller jusqu’à 20 p. c.
M. Verdussen. - Messieurs, je ferai remarquer qu’en Belgique par la moyenne nous arrivons au chiffre hollandais. En effet, d’un côté les caisses de sucre de Bahia étant portées à 16, et celles provenant de Rio-Janeiro et de Fernambouc l’étant à 18, le terme moyen est précisément 18.
- L’amendement de M. Verdussen est appuyé.
M. Rogier. - Cet article est encore une aggravation à la loi actuelle ; en réduisant les tares, vous prenez une mesure qui aura un résultat avantageux pour le fisc. Nous ne demandons pas le maintien de l’état de choses actuel. L’honorable M. Verdussen consent à ce que la tare pour les sucres de la Havane soit réduire de 18 à 14. Voilà une différence de 4 p. c. au désavantage du commerce. Nous ne différons d’opinion que sur les moyens plus ou moins fiscaux mis en avant par nos adversaires.
Or, il résulte des renseignements pris que la tare actuelle sur les sucres du Brésil est, non pas de 16, mais de 18 p. c. taux moyen. C’est la tare qui est adoptée par la Hollande ; nous demandons qu’elle soit également adoptée par la Belgique. Je ferai observer que la Hollande avait un intérêt particulier à diminuer la tare, et que, pour agir avec prudence, nous devrions suivre une marche contraire ; car si la Hollande, dans le but de favoriser le sucre de ses colonies, a réduit à 18 p. c. la tare sur les sucres du Brésil, ce serait une raison pour nous de la maintenir à 20.
Si M. Verdussen voulait modifier quelque peu son amendement, il rencontrerait moins d’opposition. Ce serait de dire « et pour celui importé dans les caisses du Brésil, à 18 p. c. »
M. Verdussen. - Je me rallie à cette proposition, quoique dans beaucoup de cas, il doive en résulter une perte pour le commerce.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est à tort qu’on parle ici de fiscalité, tandis qu’il ne s’agit purement et simplement que de rechercher l’exactitude, la vérité, en un mot la tare réelle. Eh bien, messieurs, jugez en qui vous devez avoir plus de confiance, de l’administration qui a pris des renseignements sur les lieux et les a donnés en toute sincérité à la commission ou des membres isolés de cette chambre, dont les assertions sont fondées sur des renseignements qu’on leur a donnés sans doute, mais dont ils n’ont vérifier l’exactitude.
Je ne pense pas, selon mes informations, que la tare pour Rio-Janeiro et Fernambouc soit de 20 p. c. ; je tiens du reste assez peu à l’adoption de tel chiffre proposé plutôt que de tel autre, mais je crois que nous serons dans le vrai en adoptant la proposition de la commission.
- L’article 4 proposé par M. le ministre est adopté.
« Art. 5. Le dépôt du sixième, pour garantie de l’accise des sucres admis en entrepôt fictif, est porté au quart de la quantité des sucres pris en charge.
« Il ne sera admis de sucre en entrepôt particulier que sous la même garantie, ou moyennant un des autres cautionnements mentionnés à l’article 268 de la loi générale du 26 août 1822, et la condition d’acquitter les droits sur les manquants qui pourraient y être constatés, sauf la faculté réservée au gouvernement par l’article 97 de la même loi. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La disposition que j’ai présentée est absolument la même que celle de la commission, sauf que je demande pour l’entrepôt particulier le même cautionnement que pour l’entrepôt fictif. L’observation qui est en marge de mon projet justifie cette précaution. En effet, si on n’exigeait pas de cautionnement, on pourrait placer en entrepôt des quantités considérables de sucres, 500 mille kil., par exemple, ce qui équivaudrait à 185,000 fr. de droits, et un homme non solvable ou de mauvaise foi pourrait enlever nuitamment ce sucre au détriment de l’administration. Vous trouverez, j’espère, d’autant moins de difficulté à rendre obligatoire la caution pour l’entrepôt particulier, comme cela existe pour l’entrepôt fictif, qu’aujourd’hui on ne fait pas usage de l’entrepôt particulier ; que par conséquent on ne fait pas usage de l’entrepôt particulier ; que par conséquent on ne gênera en rien le commerce, tout en empêchant qu’on n’use exclusivement de cette faculté que pour frustrer l’administration.
- L’article 5 proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.
Les articles 7 et 8 de la commission, se rapportant à l’article premier dont le principe a été changé, deviennent sans objet.
Article 6 de M. le ministre, remplaçant l’article 9 de la commission :
« Les transferts et transcriptions en général, tant au compte de l’entrepôt qu’aux compte, de crédits à termes, ne sont autorisés que sous condition :
« . Que l’on opère la livraison réelle du sucre auquel s’appliquent les quantités ou les droits à transcrire ;
« Que le transport de la marchandise s’effectue sous passavant-à-cause.
« Que le sucre soit soumis à la vérification des employés, tant au lieu du départ qu’à celui de la destination, et qu’il soit représenté également aux lieux de passage sur la route à parcourir et à désigner.
« Tout transport de sucre dans le rayon réservé est soumis au passavant simple, lorsque la quantité est supérieure à 5 kilogrammes. »
- Adopté.
« Art. 7. Toutes les dispositions législatives en vigueur, concernant les sucres, sont maintenues, pour autant qu’elles ne soient pas contraires aux articles qui précèdent. »
- Adopté.
« Art. 8. La présente loi sera obligatoire le le janvier 1838. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Comme cette loi ne pourra pas être votée par le sénat pour le 1er janvier, je propose de dire qu’il sera obligatoire le lendemain de sa promulgation.
M. Verdussen. - C’est ici que se présente la question de rétroactivité ; je désire, pour qu’on puisse la discuter au second vote, que cet article soit considéré comme amendement.
M. le président. - L’article est amendé, puisque le projet de la commission proposait de rendre la loi exécutoire le 1er juillet.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il y aura un amendement réel dans l’article 8, puisque la commission proposait de fixer l’exécution de la loi au 1er juillet, et que l’article que j’ai proposé la fixe au 1er janvier. Il y en aura même un dans mon propre projet, puisque maintenant je demande que la loi soit exécutoire le lendemain de sa promulgation. La crainte de l’honorable préopinant ne repose donc sur aucun motif, et elle est d’autant plus exagérée que la question de la rétroactivité se trouve dans l’article premier, article qui a été amendé et dont, en outre, d’après ce qui a été convenu, la discussion a été réservée entière, tant sur le premier paragraphe que sur le second.
M. Desmaisières. - Je ne m’oppose pas à ce que la question soit discutée au second vote. Si M. le ministre avait été présent à la discussion d’hier, il n’aurait pas dit ce qu’il vient de dire. La question de rétroactivité n’a pas été décidée à l’article premier ; c’est moi qui ai dit que c’était l’article 8 qui la décidait, parce que tout dépendait du délai dans lequel la loi serait exécutoire ; que si le délai était assez long pour épuiser les termes de crédit, il n’y aurait pas rétroactivité, mais qu’elle existerait si on fixait un délai trop rapproché.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Quand nous discuterons la question, je démontrerai qu’il n’y a pas rétroactivité ; mais je n’ai pas dit qu’on avait décidé la question, j’ai dit au contraire qu’elle avait été réservé.
- L’article 8 est mis aux voix et adopté comme l’a proposé M. le ministre des finances.
M. le président. - Le projet ayant été amendé, le deuxième vote ne pourra avoir lieu que samedi.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, plusieurs pétitions concernant le renchérissement des houilles ont été renvoyées aux ministres de l’intérieur et des travaux publics avec demande d’explications. J’ai examiné les faits, et les explications demandées font l’objet d’un rapport que je dépose sur le bureau en demandant que la chambre en ordonne l’impression.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
La séance est levée à 5 heures.