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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 8 novembre 1837

(Moniteur belge n°313, du 9 novembre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus. présente l’analyse d’une pièce adressée à la chambre par le sieur Lecharneux qui possède une maison située au faubourg Ste-Walburge-lez-Liége et distante de 110 mètres de la crête du glacis de la citadelle, qui se plaint du refus qu’il éprouve de la part du département de la guerre d’être autorisé à relever d’un mètre la façade de cette maison sans toucher au faîte du toit.

- Cette requête est renvoyée à la commission des pétitions.


M. Lecreps, élu membre de la chambre de la chambre par le district de Mons et admis dans une précédente séance, prête serment.

Convention conclue entre le gouvernement et la Société générale

Rapport de la section centrale

M. Fallon dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée, comme commission spéciale, de l’examen de la dernière convention faite avec la société générale.

- Ce rapport sera imprimé et distribué à MM. les membres de la chambre.

Projet de loi qui érige le hameau de Heusy en commune distincte de celle de Stembert

Rapport de la commission

M. Demonceau dépose le rapport de la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi ayant pour but de séparer la commune de Stembert en deux communes différentes.

- Ce rapport sera également imprimé et distribué.

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Second vote du tableau du tarif

Bas et bonneteries

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article « bas et bonneteries. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, vous jugerez sans doute qu’il est indispensable, pour pouvoir entamer de nouveau la discussion sur l’article bas et bonneteries, de vous rendre compte des résultats de l’application des droits proposés aux différentes catégories du tableau que vous a soumis la commission qui a été nommée pour examiner le poids et le prix des différents objets de bonneterie. Il me paraît que, sans connaître ces résultats, nous ne pouvons pas même discuter puisque nous ne saurions pas quel est le taux des droits qu’on nous demande d’établir. Il est possible que plusieurs membres ont fait ces calculs ; ceux-là sont à même de prendre part à la discussion, mais il serait peut-être utile que les mêmes chiffres fussent indiqués généralement à la chambre comme élément de la discussion.

Ce matin j’ai tiré des moyennes des différents tableaux, chacun de vous pourra les vérifier ; si la chambre le désire, je les lui ferai connaître.

Plusieurs membres. - Oui, oui.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, à la première page du rapport de M. Dubus, il faut prendre seulement le deuxième tableau puisque, quant au premier, il n’a pas été produit de factures, et que par suite les échantillons n’ont pas été admis. Je n’ai donc pas eu de calculs à faire sur ce premier tableau.

Dans le second de la même première page, vous voyez, messieurs, que trois articles ont été présentés à la commission, que la valeur en est à l’étranger de 108 fr. 41 cent., et le poids de 9 kilog. 826 grammes. Le droit proposé, ou plutôt admis au premier vote, sur ces objets, est de 2 fr. par kilog. en principal, mais il importe d’ajouter à ces deux francs le montant des 13 p.c. additionnels qui se perçoivent sur tous les articles du tarif des douanes ; en tenant compte de ces 13 p. c., la moyenne du droit proposé sur les objets qui figurent dans le second tableau serait de 20 60/100 p. c. de la valeur.

Le poids des objets compris dans le tableau de la page 2 est de 16 kilog. 273 grammes, et la valeur en est de 252 fr. 37 cent. ; la moyenne du droit de 2 fr. par kilog., serait sur ces objets de 14 57/100 p. c. de la valeur avec les additionnels.

Les bas, chaussettes, bonnets, pesant 5 hectogr. et au-delà la douzaine, qui figurent dans le premier tableau de la page 3, pèsent 4 kilogr. 550 grammes et ont une valeur de 140 fr. 37 centimes. Le droit proposé sur ces objets est de 4 fr. par kilogramme, ce qui revient à 4 fr 52 cent, en y comprenant les 13 p. c. additionnels. La moyenne est donc de 13 91/100 p. c. de la valeur.

Je crois, messieurs, que ce serait fatiguer inutilement votre attention que de vous présenter les calculs semblables sur chaque tableau du rapport ; je me bornerai donc à vous dire qu’en réunissant toutes les moyennes résultant de ces divers tableaux, ce qui est certes le système le plus favorable à la proposition qui nous est faite d’établir le droit au poids, qu’en réunissant, dis-je, ces différentes moyennes, on trouve une moyenne générale de 25 34/100 p. c. de la valeur.

Je ne puis cependant pas m’empêcher, messieurs, de vous faire remarquer en passant que la moyenne du droit sur les objets qui figurent dans le deuxième tableau de la page 7 s’élèverait spécialement à 76 p. c.

En effet, ces objets pèsent 757 grammes ; leur valeur est de 11 fr. 2 cent., et la section centrale propose de frapper les objets de cette catégorie d’un droit de 10 fr. par kil., ce qui fait, avec les 13 p. c. additionnels 11 fr. 30 c. au kil.

Pour le premier tableau de la page 7 le droit de 10 fr., adopté au premier vote, donnerait une moyenne de 24 p. c. ; il est vrai que l’honorable M. Dubus propose de réduire ce droit à 6 fr., mais dans ce cas même la moyenne serait encore de 14 80/100 p. c. de la valeur ; le premier article de ce tableau serait même spécialement frappé, d’après la section centrale, d’un droit de 35 p. c. de la valeur, et selon le droit de 6 fr. en principal, proposé en dernier lieu par MM. Dubus et Dumortier, de 21 p. c. de la valeur.

Si je voulais, messieurs, entrer dans tous les détails des différents tableaux compris dans le rapport de l’honorable M. Dubus je vous ferais voir bien d’autres résultats qui prouvent, à l’évidence, que le système qu’on vous propose est réellement impraticable ; mais je n’y entrerai pas, car ce serait un dédale. Je me contente d’appeler votre attention sur le résultat général de tous les tableaux qui, comme je vous l’ai dit, donne une moyenne de 25 34/100 p. c. de la valeur.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, le résultat des vérifications qui ont été faites n’est point du tout tel que vient de l’annoncer M. le ministre des finances. D’abord, je prendrai la liberté de faire remarquer à la chambre qu’il faut ici distinguer deux questions : celle de savoir si le droit sera fixé au poids et celle de savoir quel sera le taux du droit. Quant à la première de ces questions, il me semble qu’elle est tout à fait indépendante de la considération que la vérification donne au droit proposé un revient plus en moins élevé ; ainsi, messieurs, quand même les calculs de M. le ministre des finances seraient exacts, il faudrait tout au plus en conclure qu’il faut baisser les chiffres proposés ; mais on ne pourrait nullement en tirer une conclusion contraire au système de la perception au poids, qui, comme je me réserve de le prouver tout à l’heure, en s’appuyant d’un incident qu’a présenté la vérification, est le seul que vous puissiez adopter, quel que soit d’ailleurs le résultat des tableaux que nous avons eu l’honneur de soumettre à la chambre.

Je rencontrerai pour le moment les calculs qui nous ont été présentés par M. le ministre des finances : d’abord, dans le dessein d’enfler les chiffres, il nous a annoncé qu’il avait compris dans ses calculs les 13 p. c. additionnels ; mais, messieurs, jusqu’ici personne n’a compris ces additionnels dans les calculs, et l’on ne peut le faire, en effet, que dans la vue d’égarer l’opinion de la chambre. Lorsqu’on nous a présenté le tarif sur les draps, quand on en a calculé le revient, c’était additionnels non compris ; si le droit actuel sur la bonneterie est fixé par le tarif en vigueur à 20 p. c. pour la frontière de France, c’est additionnels non compris.

Lorsque le gouvernement vous propose de réduire ces 20 p. c. à 10, il est entendu que les additionnels n’y sont pas compris. Lorsque l’honorable M. A. Rodenbach vous propose un droit uniforme de 15 p. c. à la valeur, il est là pour vous dire que les additionnels n’y sont pas compris : nous avons toujours proposé des chiffres auxquels il faudra joindre ensuite les additionnels. Le chiffre est celui du droit en principal, du droit invariable ; mais les additionnels peuvent changer d’une année à l’autre, suivant les besoins du trésor.

C’est donc uniquement le droit principal que vous devez avoir en vue, parce que celui-là est invariable, et d’ailleurs parce que toutes les propositions qui vous ont présentées jusqu’ici ont été faites en ce sens.

M. le ministre des finances s’est occupé d’abord de la première page du tableau, puis de la seconde ; il a pris ensuite une moyenne générale sur le tout.

Nous n’avons pas, messieurs, à nous occuper d’une moyenne générale ; nous n’aurions à nous en occuper que pour le cas où l’on proposerait un droit uniforme. Mais s’il y a un droit différent pour chacune des catégories, il me semble que nous devons seulement chercher la moyenne de chacune de ces catégories et que cette moyenne ne doit être appliquée qu’à la catégorie qui la concerne. Nous n’avons qu’à nous rendre raison des propositions qui ont été faites et examiner les différents chiffres qui ont été présentés pour chaque catégorie. afin de diminuer les uns, s’ils étaient excessifs, et d’augmenter les autres, s’ils étaient insuffisants, suivant le parti que la chambre aura pris sur la hauteur du revient du droit à accorder.

Dans la première page des tableaux on s’occupe de la première catégorie. Dans cette catégorie, concernant les articles de bonneterie en coton, il est question d’un droit de 2 francs les 100 kil. Le ministre néglige d’abord le premier tableau, parce que la facture n’a pas été présentée. Il en devrait donc être de même de tous les tableaux où sont présentés des articles de bonneterie au nom du gouvernement, parce que nulle part il n’a été produit de facture. On me dit qu’on a produit une facture d’achat : moi qui ai fait partie de la commission, je ne l’ai pas vue ; je veux croire qu’elle existe, puisqu’on le dit ; mais enfin elle n’a pas été produite.

On vous a bien dit qu’on avait envoyé quelqu’un dans une des boutiques de Bruxelles ; qu’un individu, s’annonçant comme devant ouvrir une boutique de bonneteries, avait demandé un assortiment d’articles, et que le gouvernement après avoir déduit 15 p. c. du prix de chacun de ces articles, en avait présenté les résultats dans son tableau. Vous sentez, messieurs, que la foi que nous devons ajouter à ces résultats dépend de la question de savoir si l’on a vendu au gouvernement à un prix convenable ; car il s’agit ici de marchandises étrangères, et les prix d’un achat fait par le gouvernement à Bruxelles ne présentent pas les garanties que nous présentent des factures des lieux mêmes de provenance.

Mais veut-on prendre en considération les tableaux du gouvernement, j’y consens ; mais, dans ce cas, il faut les examiner et les apprécier. Veut-en les récuser, j’y consens encore.

Après avoir négligé le premier tableau, le ministre arrive au second, qui contient des échantillons présentés par des négociants de Bruxelles. Ces négociants sont des étrangers qui font à Bruxelles le commerce de bonneterie, et principalement de bonneterie étrangère ; ce sont ces négociants qui, dans l’intérêt de l’industrie de leur pays, se sont opposés jusqu’ici aux propositions de la section centrale.

Eh bien, d’après ces échantillons qui sont seulement au nombre de trois, le prix des marchandises sur le lieu de provenance serait de 108 fr. 41 ; les négociants de Bruxelles ont dit que pour déterminer la valeur de la marchandise rendue en Belgique, on calculait sur une augmentation de 15 p. c. Mais ces 15 p. c. comprennent naturellement le droit, ainsi que les frais divers qui sont nécessaires pour faire arriver la marchandise en Belgique.

Je crois qu’on ne doit pas ajouter le droit, mais je pense qu’on doit ajouter les autres frais, parce que le droit se perçoit sur la marchandise arrivée en Belgique, et que pour calculer le revient du droit, il faut calculer la valeur de la marchandise, lorsqu’elle est arrivée, moins le droit.

Ainsi, aux 108 fr. 41 c., il faudrait ajouter 8 p. c. pour avoir la valeur de la marchandise arrivée en Belgique ; cela porte la valeur à 117 fr. 08, et le revient du droit sur ces trois articles est précisément de 16 3/4 p. c.

Et remarquez, messieurs, que ce sont seulement 3 échantillons qui ont été choisis par les adversaires de l’industrie du pays, par les partisans de l’industrie étrangère (car je ne puis les qualifier autrement), par ceux qui ont intérêt à ce que la bonneterie étrangère entre dans le pays au droit le plus bas possible et avec la plus grande facilité.

Vous savez, messieurs, que la bonneterie qui arrive par assortiments contient un très grand nombre d’articles différents, et qu’on peut choisir un, deux ou trois articles qui présentent un revient de droit beaucoup plus considérable que les autres. Or, ce sont les articles de cette nature dont on a fait choix, et la moyenne ne donne qu’un revient de 16 3/4 p. c., tandis qu’on avait calculé sur un droit de 15 p. c.

Vient ensuite le tableau des échantillons qui ont été présentés par un fabricant de Tournay ; il en a présenté cinq ; le prix est de 252 fr. 37 c., le droit reviendrait à 32 fr. 54 c.

C’est, d’après la facture, le prix de la marchandise rendue dans le pays et qui, par conséquent, a acquitté le droit ; de sorte qu’il faut distraire du prix le montant du droit. Cette réduction ramènerait le chiffre à 235 fr. 86 c., et le revient du droit serait précisément de 14 p. c.

Ainsi, le droit serait de 16 3/4 p. c. pour une moyenne calculée sur trois échantillons présentés par les négociants étrangers, tandis qu’il serait de 14 p. c. pour une moyenne calculée sur les trois échantillons du fabricant de Tournay. Et s vous prenez une moyenne sur le tout, vous trouvez un peu moins de 15 p. c. J’ai fait l’opération, chacun peut la répéter. Et je rappelle à la chambre que le droit avait été calculé de manière à produire 15 p. c. Je dois ajouter que j’ai fait ensuite le calcul en tenant compte aussi des tableaux du gouvernement sur la première catégorie, et que la moyenne générale sur le tout était précisément de 15 p. c.

J’arrive à la deuxième catégorie qui comprend les bas, etc., pesant 5 hectogrammes et au-delà à la douzaine, et sur lesquels il est proposé un droit de 4 fr. le kilogramme (selon le tableau du gouvernement) ; une valeur de 146 fr. 37 c. serait de 18-20, ce qui ferait en revient 12 1/ p. c. Le gouvernement ne nous a présenté que 6 échantillons, et remarquez qu’il s’agit d’une catégorie très nombreuse. Les négociants étrangers ont présenté seulement quatre échantillons ; le prix sur les lieux serait de 58 fr. 85 1/2, et en y ajoutant 8 p. c., 63 fr. 56 c. ; le revient du droit, à raison de 10 fr. 86 c., serait de 17 p. c. Mais remarquez que ce calcul n’est établi que sur quatre échantillons.

Le tableau du fabricant de Tournay comprend 14 échantillons différents.

Il est donc fait sur une échelle beaucoup plus étendue. La valeur totale est de 249-33 ; diminuée du montant du droit, elle se trouve réduite à 233-92 1/2 ; elle serait frappée d’un droit de 37 fr. 20 c. Le revient du droit serait donc d’un peu moins de 16 p. c.

Si vous faites la moyenne générale des trois tableaux, vous trouverez 15 p. c et une très légère fraction.

Quant à la troisième catégorie, dont les tableaux sont aux pages 5 et 6 et dont on porte le droit à 8 fr. par kil, droit que mon honorable ami et moi nous avons proposé de réduire à 6 fr. dans le cas où on trouverait le droit de 8 fr. trop élevé, sur cette catégorie, dis-je, le gouvernement a présenté un seul article, les négociants étrangers en ont présenté deux, les fabricants de pays en ont présenté 8.

Quant au tableau du gouvernement, s’il fallait prendre le prix tel qu’il est indiqué dans le tableau lui-même, qui est de 45-90, le droit serait de 3-68, c’est-à-dire de moins de 8 p. c. Il est vrai que ce prix a été contesté. Mais cette même catégorie a été évaluée d’une manière très différente par les négociants présents. Les uns ont estimé 33, d’autres 36, d’autres 38 ; un autre a porté l’estimation jusqu’à 70 fr.

Prenez, si vous voulez, le chiffre le plus bas, vous aurez encore un revient très inférieur à 15 p. c

Quant au deuxième tableau, présenté par les négociants étrangers, le prix étant de 33-94, ce qui fait avec 8 p. c. pour l’arrivée à Bruxelles, 36-65 ; et le droit d’élevant à 5-37, le revient serait d’environ 14 1/2 p. c.

Enfin, quant au tableau des fabricants de Tournay, la valeur est de 268-98, et sans les droits 251-37 ; le droit d’après le tableau n’étant que de 27 fr. 4 c., vous êtes donc encore beaucoup au-dessous de 15 p. c. ; le droit atteint à peine 11 p. c. Et si vous prenez la moyenne des trois tableaux, vous trouvez encore moins de 11 p. c., de sorte que sur cette catégorie le calcul est encore tout à fait en faveur de la proposition de la section centrale.

Mon seul doute serait celui-ci : savoir si un droit qui irait jusqu’à 8 fr. par kilog. serait facilement perçu. Dans mon opinion, ce n’est pas parce qu’un droit s’élève à 15 ou 20 p. c. de la valeur qu’il est difficile à percevoir, c’est le revient du droit au poids qui rend la fraude plus ou moins facile. Il y a tel droit revenant à 100 fr. p. c. qui ne peut pas être fraudé. Le charbon, dont le droit calculé revenait, dit-on, à 100 p. c., ne peut pas être fraudé. Mais sur les marchandises sur lesquelles les droits, même modérés, à la valeur reviennent, par exemple, à 15 fr. le kilog., la fraude est facile, parce qu’on transporte sans peine un kilogramme. Ainsi, sous le rapport de la facilité de la fraude, pour se faire une juste idée de la convenance qu’il peut y avoir à adopter un droit plus ou moins élevé, il faut surtout en calculer le revient au poids.

Maintenant vient la catégorie de la ganterie en coton : la section centrale avait proposé un droit de 10 fr. par kilog. ; elle avait opéré sur un très grand nombre d’articles, car si vous voulez recourir au tableau annexé au rapport de la section centrale, vous verrez qu’elle a pris une moyenne sur les échantillons de qualités différentes, depuis la qualité la plus fine jusqu’â la qualité la plus commune, et c’est d’après ce travail qu’elle avait cru devoir proposer le droit de 10 fr. par kilog.

Le tableau du gouvernement présente quatre échantillons. Ces échantillons sont estimés à 35-70 ; le droit est de 7 fr. 80 ; de sorte que le revient du droit appliqué à ces quatre échantillons seulement et calculé au taux de 10 fr., selon la proposition de la section centrale, serait de 21 84/100 p. c. Mais si, comme nous l’avons proposé, on réduit le droit à 6 fr., il ne reviendra plus qu’à 13 1/10 p. c.

Les négociants étrangers ont présenté pour la ganterie, qui comprend un si grand nombre d’articles, deux échantillons seulement, dont l’un est contesté. L’observation est consignée sur le tableau. Le ministre a dit qu’il y avait un article sur lequel le revient du droit serait de 76 p. c. Mais les fabricants ont soutenu que cet article n’était pas un article de bonneterie. Ce sont des gants coupés à la pièce, faits avec un tissu qui n’est pas en tissu de bonneterie. Cela est si vrai, qu’introduit en pièces, il a payé comme tissu de coton un droit au poids qui revient, suivant M. Benda, à 30 p. c. de la valeur. Mais quand on prend la précaution de couper ce tissu qui peut servir à faire des gants et des pantalons, et de le faire confectionner en gants à l’étranger, on ne paie plus qu’un droit de 10 p. c. à la valeur qui revient peut-être à 5 p. c. par l’insuffisance des déclarations.

De sorte que, quand la marchandise a subi un plus grand travail de la part des ouvriers étrangers, elle paie un droit moindre ; mais cela provient de ce qu’on a fait une fausse application du tarif ; c’est qu’on n’a pas considéré la qualité du tissu. Si on faisait des gants avec du calicot ou de la percale et qu’on les présentât en douane comme de la bonneterie, on ne les admettrait pas ; il faut examiner si c’est, ou non, le point de bonneterie.

On a présenté cet échantillon, pourquoi ? Parce qu’après avoir retourné tout son magasin, le négociant a trouvé qu’en appliquant le droit sur celui-là, il s’élevait à un taux énorme. Mais ce n’est pas par cet exemple isolé, dont l’application est contestée, que la chambre doit se déterminer.

J’ai pris note que le ministre a dit qu’à la page 7, il y avait un article sur lequel le revient du droit serait de 76 p. c. ; c’est l’article dont je viens de parler et qui a été présenté par M. Kissing, qui est un étranger domicilié en Belgique et qui y fait le commerce de la bonneterie étrangère.

M. Rogier. - Il y a un siècle que M. Kissing habite la Belgique.

Une voix. - Il y avait aussi un négociant belge, M. Verlinden de Gand.

M. Dubus (aîné). - Ces articles ont été exclusivement produits par MM. Kissing, Benda et Cocquillon, tous étrangers.

M. Benda a déclaré qu’il avait fait entrer des gants dont je viens de parler, de deux manières : en tissu en payant un droit qui revient à 30 p. c., et il l’a fait confectionner en gants à Ath par des ouvriers qu’il employait au nombre de plus de cent, parce que nulle part on ne confectionne mieux ces gants qu’à Ath.

Il en a fait ensuite entrer tout confectionnés et n’a payé qu’un droit de 10 p. c. de la valeur qui, en réalité, ne revient qu’à 5 p. c. En maintenant une pareille tarification, on ôte l’ouvrage aux ouvriers indigènes pour le donner aux ouvriers étrangers. Mais je le répète, cela provient d’une application abusive du tarif. Au reste, il a été reconnu que ces gants confectionnés en Angleterre sont très mal faits, tandis que ceux qui sont confectionnés dans le pays l’étaient très bien. Mais ils ont une plus grande valeur en raison du travail.

Le revient du droit appliqué aux articles de ces deux négociants seulement (lesquels sont contestés comme vous voyez) serait de 63 p. cent. Mais je soutiens que vous ne pouvez établir une base ou moyenne sur un pareil échantillon. Je crois que la plupart des membres seront de cet avis.

Quant au tableau présenté par les fabricants, il porte sur 12 échantillons différents. On a pris ici une série où sont toutes les qualités ; ce ne sont pas des articles choisis ; c’est une série en quelque sorte complète. La valeur qui est de 103 fr. 13 c., diminuée du droit, est de 96 fr. 88 centimes ; le revient du droit à 10 fr. serait de 15 et demi p. c.

Cependant, comme cette catégorie de la ganterie est fort étendue et qu’un droit de 10 fr. par kil. serait difficilement perçu, parce qu’un kilog. (qu’il ait plus ou moins de valeur) est toujours facile à transporter, nous avons proposé, mon honorable ami et moi de réduire le droit à 6 fr. Voici quelle serait la moyenne du revient sur les trois tableaux, y compris même l’échantillon qui n’est pas de la bonneterie.

Le droit étant de 10 fr. moyenne du revient 21 p. c.

Le droit étant de 6 fr., moyenne du revient 12 1/2 p. c.

Mais, je le répète, dans ce calcul est un article où le revient serait énorme et qui n’est pas de la bonneterie ; de sorte qu’en excluant cet échantillon vous avez un revient différent.

Quant aux articles « laine, » le premier porté dans les tableaux est la catégorie des gants, mitaines, etc., où le droit proposé par la section centrale est de 5 fr. par kilog.

Les négociants de Tournay avaient présenté à la section centrale, au printemps dernier, une grande série d’articles ; mais ils n’ont pas pu les représenter cette fois : ils n’ont eu pour ainsi dire que le temps de recevoir la nouvelle que la chambre s’occupait d’une vérification, et d’accourir avec ce qu’ils ont pu rassembler de marchandises ; de sorte qu’il y a des catégories dont ils n’ont pas eu le temps de recueillir les échantillons. Cela se comprend facilement, car remarquez que les tableaux vérifiés le premier jour par la commission ont été ceux des négociants de Tournay ; ils ont eu ainsi fort peu de temps devant eux. Les négociants étrangers faisant à Bruxelles le commerce de la bonneterie étrangère, ont produit leurs échantillons le dernier jour. Ils étaient sur les lieux ; ils ont donc eu tout le temps de les choisir à leur convenance.

Les négociants de Tournay ne présentent que deux échantillons de ganterie ; ils donnent une valeur qui, diminuée du droit, serait de 23 fr. 82 c. Le droit étant de 3 fr. 95 c., le revient serait de 17 p. c.

Quant au tableau du gouvernement (auquel, pour revenir à mon observation première, n’est jointe aucune facture du lieu de provenance), il indique une valeur de 83 fr. 66 c. sur laquelle le droit est de 27 fr. 65 c., de manière que le revient est de 33 p. c. ; et si vous prenez la moyenne des deux tableaux, vous aurez 29 3/4 p. c., de sorte que pour avoir une moyenne de 15 p. c., il faudrait, si l’on s’en rapporte à l’échantillon, comprendre la ganterie dans les catégories à 2 fr. 50 c., au lieu de la comprendre dans les catégories à 5 fr. et cela d’après une vérification faite sur des prix qui ne sont pas justifiés par des factures du lieu de la provenance. Le tableau des fabricants est appuyé de factures semblables. Mais j’avoue que, portant sur un très petit nombre d’articles, il ne peut donner une moyenne convenable ; quant au tableau du gouvernement, ii ne donne pas, comme je l’ai dit, une moyenne véritable, puisqu’il n’est aucunement accompagné des factures du lieu de provenance.

La section centrale avait calculé le droit à 5 p. c., après avoir pris la moyenne sur 13 à 15 échantillons différents.

Quant aux écharpes de laine, la section centrale, au printemps dernier, avait opéré sur 10 échantillons différents. C’est une catégorie qui n’est pas nombreuse ; je ne crois pas qu’elle comprenne plus de dix variétés ; ainsi, la section centrale aurait présenté la véritable moyenne.

Au lieu de cela, à la page 11 vous n’avez qu’un article dont la valeur serait de 6 fr. 12 c., et il n’y a pas de facture ; le droit à 2 fr. 50 c. serait de 1 fr. 50 c., ce qui ferait un revient de 25 p. c. Si vous pouvez établir un calcul sur un échantillon unique, ce qui me paraît impossible, ce n’est pas un seul échantillon qui peut servir de contrôle à une vérification faite précédemment par la section centrale sur une série complète d’articles de valeur et de poids différents. Au reste, je répète la remarque que le gouvernement n’a pas produit de facture du lieu de provenance pour ce paquet d’échantillons qui a été reconnu par les industriels présents comme produit anglais ; ii n’y a pas de facture anglaise ; vous n’avez donc pas le prix du pays de provenance.

On a demandé aux négociants et fabricants présents d’estimer cet article. Sur sept trois se sont abstenus. Voici les estimations qui ont été faites par les quatre autres :

M. Benda, 9 à 10.

M. Verlinden, 8 à 50.

M. Kissing, 6 à 50.

M. Daluin, 7 à 50.

Je présente ces chiffres ; j’en présenterai d’autres comme une preuve de la difficulté de déterminer la valeur des articles de bonneterie.

Voilà un article reconnu comme anglais par les industriels présents. Sur 7, 3 déclarent qu’il leur est impossible de donner une estimation ; les quatre qui estiment donnent quatre estimations toutes différentes ; et ce sont toutes personnes qui me font pas d’autre commerce que celui de la bonneterie, qui n’ont que ces marchandises dans les mains, qui sont habituées à estimer tous les jours ces marchandises ; eh bien, ils n’ont pas pu en déterminer la valeur ; et le gouvernement pense que les douaniers détermineront cette valeur avec une grande facilité, et qu’ils ne peuvent à cet égard se tromper.

Viennent les bas et chaussettes, etc., où le droit est calculé à 5 p. c. ; et ici je ferai une observation à la chambre. En relisant les pièces relatives à la bonneterie, j’ai remarqué que le droit proposé par la section centrale et adopté par la chambre était de 6 fr. au lieu de 5. Mais quand j’ai eu recours au tableau sur lequel la section centrale a fondé son droit, je vois que le tableau est calculé raison de 5 fr., de sorte qu’il y a une erreur de chiffre ; je me sais si c’est une erreur dans la minute du rapport ou une erreur d’impression ; cette erreur a passé au premier vote ; mais mon honorable ami et moi avions proposé le droit de 5 fr.

Les négociants de Tournay ont présenté 11 échantillons différents ; le prix total sur le lieu de provenance était de 383 fr. Mais en ce qui concerne les produits de France en bonneterie, les négociants calculaient sur 20 p. c. de différence de valeur pour l’avoir rendu en Belgique. Dans ces 20 p. c., je mets 15 pour le droit, puisqu’un honorable député de Roulers nous a dit que le droit de 20 p. c. en vaut 15.

Et comme ici il s’agit de la valeur de la marchandise arrivée en Belgique, je ne l’augmenterai que de 5 p. c., au lieu que celle d’Allemagne est augmentée de 8 p. c. ; ainsi cette valeur de 383 fr. deviendrait une valeur de 402 fr. 65 c.

Le droit serait de 60 fr. 99 cent. et le revient de 15 14/100 p. c.

J’ai là encore la confirmation des calculs de la section centrale.

Cependant je ferai à cet égard une observation, c’est qu’il a été reconnu par tout le monde que la bonneterie a considérablement baissé depuis un an, et il se trouve que tous les articles présentés ici par les négociants de Tournay sont tous articles récemment introduits en Belgique, puisque les factures sont des 25 juillet, 16 septembre, 3 octobre 1837. Ainsi les prix sont établis en conséquence de la baisse qui a été la suite de la crise commerciale.

Et ce fait ne peut être contesté, car cette baisse a été selon les uns de 20, selon les autres de 25, même de 30 et 50 p. c.

Tous les négociants présents à la vérification ont été unanimes pour reconnaître qu’il y avait eu réellement baisse, et baisse considérable.

Vous avez donc la valeur déjà abaissée, puisque ce sont toutes factures récentes qui ont été présentées ; cependant le revient est encore de 15 14/100 p. c.

Quant au tableau du gouvernement, le revient y est porté à un chiffre différent, il serait de 27 21/100 p. c. ; mais il y a moyen d’expliquer la différence. D’abord je vous ferai l’observation déjà faite, c’est que le gouvernement n’a pas joint, à ses échantillons, les factures du lieu de provenance, de sorte que vous n’avez aucune certitude sur la véritable valeur.

On a bien essayé de contrôler ces valeurs-là par les estimations faites par les négociants présents ; mais ils ne se sont aucunement accordés ; et indépendamment de cela, ils se sont manifestement trompés, ce qui n’est pas étonnant, car il est résulté de leurs explications que, pour bien estimer cette marchandise, il convient d’en connaître le poids ; que pour certaines espèces il faut s’assurer en outre, en opérant avec la pointe d’une aiguille, du nombre des fils ; il faut même encore pouvoir consulter les indications des factures : mais ils étaient privés de tous ces renseignements, aussi ont-ils commis les erreurs les plus manifestes.

Par exemple, on a calculé pour combien il entrait, d’après le poids vérifié, de laine filée dans certains articles estimés, et l’on a trouvé qu’en laine seulement, et sans y comprendre la main-d’œuvre, il y avait pour une valeur véritablement plus forte que le montant de l’estimation faite sans connaître le poids. Il était donc impossible aux négociants de faire une estimation qui approchât de la réalité. Cependant, c’est au moyen d’estimations faites ainsi presque au hasard que le gouvernement veut que vous contrôliez une opération faite sur des échantillons dont la valeur est constatée par des factures du lieu même de la fabrication.

Relativement à ces échantillons, on dirait qu’ils ont été choisis parmi les qualités les plus lourdes, et pour lesquelles le revient du droit au poids s’élèverait davantage. On a eu tellement à cœur de les choisir lourds que, sur 12 échantillons présentés par le gouvernement, il y en a 6 qui ont été reconnus être de la bonneterie la plus grossière que l’on fabrique dans le pays et qui ont été écartés comme des produits belges. Quels étaient les 6 autres ? Sur les 6 autres il y avait un seul article provenant de France, et 5 articles anglais, tous bas coupés à la pièce et cousus, c’est-à-dire, ce qu’il y a de plus commun, de plus lourd et du prix le plus bas.

On a prétendu que sur tel ou tel article le droit au poids proposé pourrait revenir à 25 ou 30 p. c. Cela est possible ; mais cela ne peut être pris en considération, parce qu’on peut ne produire qu’une seule qualité, tandis qu’il faut prendre une moyenne sur un assortiment. Si vous choisissez dix fois la même qualité grossière, cela reviendra toujours au même résultat que si vous ne l’aviez prise qu’une fois. Les négociants étrangers établis à Bruxelles n’ont choisi que deux articles choisis dans le même esprit.

Remarquez que pour les bas, chaussettes, etc., qui forment l’article principal de la bonneterie en laine, la section centrale ne vous présente pas, comme pour le coton, plusieurs catégories, mais une seule. Cependant cette bonneterie comprend un grand nombre d’articles, et c’est là que la vérification devait porter sur la série la plus nombreuse.

C’est là aussi que les négociants opposés l’ont fait porter sur la moins nombreuse : les négociants étrangers habitant Bruxelles ont, comme je viens de le dire, présenté deux échantillons seulement, et ils ont voulu faire calculer le revient du droit sur ces deux échantillons.

Le revient du droit sur ces deux articles récemment introduits en Belgique, puisque les factures en sont de juin et juillet 1837, serait de 42 p. c. ; au prix des factures j’ajoute 8 p. c.

En supposant que l’on prenne une moyenne sur l’ensemble du tableau, vous auriez 20 7/10 p. c. ; et si au lieu d’un droit de 5 fr., vous adoptez un droit de 4 fr., on aurait une moyenne de 16 p. c. ; mais cela est de beaucoup supérieur à la moyenne véritable, par la raison que je viens de donner tout à l’heure sur les échantillons qui ont été présentés.

Il y a aussi une catégorie de bonneterie en laine où le droit, au premier vote, a été admis au taux de 4 fr. le kilo ; et sur quoi mon honorable ami et moi, avons proposé, par amendement, un droit de 2 et demi par kilo. ce sont les gilets etc. Il n’en a été présenté qu’un échantillon, provenance de France. C’est un article qui s’achète au poids.

D’après la facture, il se vend 15 fr. le kilo. Il faut y ajouter quelque chose pour avoir la valeur en Belgique, laquelle doit être de 16 fr. environ ; de sorte que le droit de 4 fr. reviendrait à 25 p. c., mais le droit de 2 50 que mon honorable ami et moi avons proposé reviendrait à 15 3/4 p. c.

Quant à la bonneterie en lin, il n’y a autre chose que le tableau du gouvernement ; d’après ce tableau le droit serait de 12 p. c.

Ainsi, messieurs, quant à la bonneterie en coton, toutes les vérifications viennent en quelque sorte à l’appui des calculs que nous avons faits précédemment, sauf ce qui concerne la ganterie à l’égard de laquelle mon honorable ami et moi nous avons proposé d’abaisser le droit de 10 fr., demandé par la section centrale, à 6 fr.

Quant à l’article principal de la bonneterie en laine, qui comprend les bas, chaussettes, etc., les vérifications ont été faites sur des échantillons accompagnés de pièces justificatives, et dont la série était très nombreuse ; eh bien, messieurs, le droit revient également à 15 p. c. sur ces objets. Il est vrai qu’on a vérifié deux articles choisis par les négociants de Bruxelles, et que sur ces deux articles le droit irait au-delà de 40 p. c. ; mais vous conviendrez, messieurs, qu’on ne peut pas établir une moyenne sur deux articles ainsi choisis. Du reste, en ajoutant ces articles aux autres, la moyenne de droit serait considérablement diminuée ; et si la chambre trouvait le droit de 5 fr. trop élevé, nous ne nous opposerions pas à ce qu’il fût abaissé à 4 fr., ce qui ramènerait alors la moyenne a 15 ou 16 p. c. Quant à moi, je préfère beaucoup un droit de 4 fr. au poids à un droit à la valeur qu’on peut fraude à volonté.

Il me semble, messieurs, que la chambre doit d’abord se prononcer sur le mode de perception, sauf, dans le cas où elle adopte la perception au poids, à diminuer le droit, s’il est trop élevé ; et si l’on me démontre que le droit proposé est trop élevé, je déclare que je serai le premier à en voter l’abaissement.

La tarification à la valeur a donné lieu à des inconvénients trop graves pour que la chambre n’adopte pas l’autre mode : nous avons la preuve qu’on déclare même au-dessous de la moitié de la valeur et qu’on le fait impunément, non pas parce que les douaniers ne font pas leur devoir, mais parce qu’il leur est impossible de connaître la valeur de la marchandise.

On vous a dit, messieurs, lorsqu’il s’est agi des draps, que la valeur en est extrêmement difficile à reconnaître ; cela est surtout vrai pour les particuliers qui l’achètent, mais moins pour les négociants qui s’occupent du commerce de cet article : ceux-là connaissent approximativement la valeur des draps, ils en jugent à peu près. Quant à la bonneterie, messieurs, il n’en est pas de même ; les négociants mêmes qui ne s’occupent que de cette seule partie, et qui y donnent toute leur attention sont très souvent dans l’impossibilité d’apprécier la valeur des objets de bonneterie qui leur sont soumis.

Je vous avais dit, messieurs, dans la précédente discussion, que la bonneterie se composait de plusieurs centaines d’articles, et cette grande variété rendait déjà l’appréciation de la valeur de chaque objet extrêmement difficile, mais d’après ce que j’ai appris des négociants mêmes qui ont assisté aux opérations que nous avons faites, ce n’est pas de centaines, mais de milliers d’articles que se compose la bonneterie. M. Benda, entre autres, nous a déclaré qu’elle en renferme plus de deux mille. Eh bien, messieurs, il faudra que le gouvernement trouve des douaniers qui connaissent ces deux mille articles et qui les connaissent beaucoup mieux que les négociants qui ne font pas autre chose que les acheter ou les vendre, car ceux-là ont donné à chaque instant la preuve qu’ils ne les connaissent pas : tous ceux qui assistaient à nos vérifications ont été obligés à chaque instant de s’abstenir parce qu’ils ne connaissaient pas l’article qu’on leur mettait sous les yeux. MM. Benda, Kissing, Verlinden, comme tous les autres, sans en excepter un seul, se sont récusés au moins une dizaine de fois chacun ; cependant, loin de leur présenter deux mille articles, nous ne leur en avons pas même soumis une centaine.

Eh bien, messieurs, le gouvernement trouvera-t-il des douaniers qui en savent plus que ces négociants, des douaniers qui ne doivent pas seulement se prononcer sur la valeur des articles de bonneterie, mais qui doivent également connaître la draperie et mille et une espèces de marchandises qui sont présentées aux bureaux de douanes ? Les douaniers, qui doivent diviser leur attention sur une foule immense de différentes marchandises, évalueront-ils mieux les objets de bonneterie que les négociants qui concentrent toute leur attention sur ce seul produit, et qui ne peuvent pas encore dire sur une simple inspection la valeur de la plus grande partie des articles dont il se compose, à moins qu’ils n’aient la faculté d’en vérifier le poids, de compter le nombre de fils à l’aide d’une aiguille, de consulter les étiquettes pour voir les numéros et marquées du fabriquant, toutes choses que les douaniers ne pourraient faire ?

Je pourrais, messieurs, citer une foule d’exemples des erreurs que commettent les négociants quand ils doivent taxer des objets de bonneterie sans avoir procédé à ces vérifications. A la page 5 du rapport que nous avons eu l’honneur de vous soumettre, se trouve un article porté dans le tableau du gouvernement pour une valeur de 45 fr. 90 c. ; eh bien, messieurs, ce même article a été évalué par M. Benda à 33 à 34 fr. ; et par M. Verlinden à 70 fr. Il y a à la même page un article que M. Cocquillon déclare avoir acheté 22 fr., prix sur le lieu de provenance et qui a été estimé 16 fr. par MM. Benda et Tafournel. A la page 6 il y un article valant d’après la facture (car elle a été produite) 65 fr. 61 c. et qui est évalué de 40 à 42 fr. par M. Benda et à 30 fr par M. Verlinden. A la page 8 il y a un autre article valant aussi d’après la facture, 12 fr. 91 c., et estimé de 9 fr. à 9 fr. 50 c. par M. Benda et à 6 fr. par M. Verlinden ; c’est-à-dire que ce dernier l’a évalué à la moitié du prix pour lequel il est porté en facture. Enfin, messieurs, vous trouvez partout des différences de cette nature.

Je passe à une autre catégorie, la bonneterie de fil de lin ; un article présenté par le gouvernement comme ayant une valeur de 28 fr. 5 c. a été évalué de 18 à 19 francs par M. Benda, à 13 francs 50 par M. Verlinden, à 17 francs par M. Kissing, à 24 francs par M. Philippart, à 22 francs par M. Daluin et à 15 francs par M. Lemaire. En un mot, messieurs, je pourrais vous citer de pareils exemples à chaque page du rapport. Tous les négociants vous diront qu’il est impossible aux hommes les plus versés dans le commerce de la bonneterie, d’estimer les divers articles de ce commerce. A plus forte raison est-il impossible aux douaniers de le faire.

Je vous citerai un autre exemple, messieurs, qui prouve à l’évidence que ce serait réellement compromettre les intérêts de l’industrie et ceux du trésor que d’établir ici la perception à la valeur : on a présenté des bas valant, prix de fabrique, 50 c. la paire ; eh bien ! messieurs, l’exception de celui qui les présentait, il ne s’est pas trouvé une seule des personnes présentes qui n’ait été stupéfaite de ce prix. C’étaient des bas jour, et de telle qualité qu’il m’a semblé que 50 cent. n’étaient pas même le prix de la main-d’œuvre ; eh bien, messieurs, celui qui nous les a soumis nous a montré la facture où ces bas étaient portés à raison de 50 c. la paire ; et, s’il est vrai qu’il y ait identité entre les bas portés dans cette facture et ceux qu’on nous a fait voir, il y a certes lieu là à étonner tout le monde. Supposons, messieurs, qu’on présente de pareils bas à un bureau de douane, et qu’on les déclare pour leur véritable valeur (en admettant toujours qu’ils ne coûtent réellement que 6 fr. la douzaine), certainement tous les employés vont se récrier et préempter la marchandise ; cependant ils y perdront, et, après avoir perdu, ils auront peur de perdre encore à l’avenir ; il en résultera qu’ils finiront par laisser tout passer. Il suffira qu’ils aient souffert une fois un dommage par la préemption pour qu’ils se gardent bien de préempter encore.

Il est donc manifeste, messieurs, que les employés de la douane sont dans l’impossibilité de connaître la valeur des objets de bonneterie ; mais en supposant même qu’ils pussent les connaître, remarquez, messieurs, quel serait encore dans ce cas le travail auquel ils devraient se livrer pour vérifier tous les objets qui leur seraient présentés ; on nous a dit, messieurs, que la bonneterie se compose de plus de deux mille articles ; eh bien, une même expédition comprendra 50, 40, 60 articles différents ; il faudra que les employés établissent d’abord le prix de chacune de ces variétés, il faudra ensuite qu’ils fassent de tout cela un total pour se rendre compte de la valeur de l’ensemble. Mais, messieurs, ils ne pourraient jamais trouver le temps de faire toutes ces opérations. Pour examiner moins de 100 articles, nous avons employé quatre séances.

Ici, je dois rencontrer une objection qui a été faite. On a dit : « Mais avec votre droit au poids, et par catégories, lorsqu’il se trouvera plusieurs catégories différentes de marchandises dans la même expédition, il faudra nécessairement ouvrir les ballots, il faudra même ouvrir les paquets. »

Mais, messieurs, cette objection s’applique surtout au système de le la tarification à la valeur, car il est sans doute impossible que les employés vérifient les déclarations relativement à la valeur, sans ouvrir les ballots ainsi que les paquets.

Ainsi, cette objection tourne tout à fait contre ceux qui la font.

Si vous admettez pour chaque espèce un droit uniforme, sans catégorie, semblable à celui qui existe dans le tarif prussien, vous éviterez l’inconvénient qu’on a signalé, puisqu’il arrivera alors le plus souvent qu’il n’y ait qu’une seule espèce dans chaque expédition.

Les expéditions de l’Allemagne en articles de bonneterie comprennent en général le coton ; celles de France se composent surtout de bonneterie de laine. Vous voyez beaucoup de factures dans lesquelles ne se trouve que l’une ou l’autre de ces deux espèces de bonneterie ; mais si vous admettez les catégories (en petit nombre toutefois) proposées par la section centrale. cela sera connu, et il arrivera que l’on fera entrer dans un même ballot des marchandises appartenant à une autre catégorie. Vous avez un moyen d’obtenir ce résultat, c’est d’adopter la disposition que l’on trouve dans le tarif prussien, disposition qui se trouve peut-être dans notre tarif général des douanes, ce que je n’ai pu vérifier ; elle est comprise dans les articles qui se trouvent en tête des tarifs comparés qu’on nous a distribués il y a deux ou trois ans ; elle est ainsi conçue :

« S’il se trouve dans le même colis un ballot de marchandises passibles de droits divers, la quantité de chaque espèce de marchandises doit être indiquée, d’après son poids net, dans la déclaration. »

Il est tout naturel que lorsque le droit est établi au poids, le négociant qui comprend plusieurs catégories de marchandises dans un même colis déclare le poids net de chaque espèce. Et le négociant aura intérêt à faire cette déclaration exactement, car si à la vérification on trouvait le poids notablement différent de celui qui a été déclaré, le négociant courrait le risque de se voir confisquer sa marchandise, et certes il ne se souciera pas de s’exposer à ce risque.

La vérification du poids est des plus faciles. Nos lois de douane établissent une tare de 15 p. c. au poids sur les marchandises en caisses et en futailles, et de 8 p. c. sur les marchandises en balles. Ainsi la règle est toute trouvée. Si ce sont des bonneteries d’une autre catégorie, la vérification du poids se fera comme elle a lieu à la douane prussienne : l’on pèsera le ballot, l’on diminuera la tare, et l’on réglera le droit en conséquence. Rien n’est plus simple, il ne faut que quelques minutes pour cette opération, au lieu qu’il faudrait des journées entières pour une vérification réelle à la valeur ; sinon il n’y aurait pas de contrôle des valeurs déclarées.

Messieurs, nous avons l’expérience de l’application au poids en Prusse et en France ; le droit y est établi au poids, et il s’y perçoit avec la plus grande facilité. Ce qu’on fait en France, ce qu’on fait en Prusse, pourquoi ne pourrait-on le faire ici ?

Ce n’est donc pas une nouveauté que l’on propose, c’est un mode dont l’expérience faite par nos voisins a démontré l’efficacité.

Et à cet égard, je vous dirai que les changements qui ont été faits à notre tarif sous le gouvernement précédent, ainsi que les changements successifs opérés dans le tarif français, ont tous constaté ce fait, qu’on a étendu d’année en année le mode de la vérification au poids comme étant le mode qui atteint plus sûrement les valeurs, par l’obstacle qu’il oppose à la dissimulation de ces valeurs ; comme étant aussi celui qui prévient l’immense inconvénient des préemptions : car, messieurs, une marchandise peut être préemptée, quoiqu’elle ait été déclarée à sa véritable valeur. Qu’arrive-t-il alors ? c’est que si l’employé des douanes n’y gagne pas d’un côté, le négociant y perd de l’autre, dans maintes circonstances, puisqu’il est privé inopinément d’une marchandise sur l’arrivée de laquelle il comptait : c’est sous ce rapport que des plaintes nombreuses ont été faites contre l’inconvénient de la préemption qui enlève à un négociant, au moment où il s’y attend le moins, une marchandise dont il a besoin, dont il tirerait le plus grand parti, si elle lui arrivait à l’instant même : une marchandise qui lui est indispensable pour s’assortir, et qui a mis peut-être beaucoup de temps pour arriver.

On a objecté à la vérité, et c’est là une objection sur laquelle on a insisté particulièrement, on a objecté l’inégalité de ce droit. On a dit que ce droit appliqué à telle variété donnera un revient beaucoup moins considérable que lorsqu’il sera appliqué à telle autre variété ; ainsi ce droit est injuste.

Messieurs, cet inconvénient, je l’ai déjà dit à la chambre, existe relativement à d’autres marchandises pour lesquelles on n’a pas fait difficulté d’adopter la tarification au poids, et cet inconvénient existe à un degré moins élevé pour la bonneterie. Ainsi, comment hésiteriez-vous d’adopter ce mode pour la bonneterie ?

Vous venez, messieurs, de l’adopter pour les draps ; et je vous prie de vous souvenir que ceux qui ont pris la parole pour consoler en quelque sorte les fabricants de draps de la mesure de la levée de la prohibition, et je citerai notamment sur ce point le discours de M. l’honorable M. Lebeau ; que ceux-là, dis-je, ont fait valoir comme une circonstance très avantageuse à l’industrie drapière l’adoption de la tarification au poids seul, tandis que jusqu’alors on avait dû combiner les éléments du poids et de la valeur et que par la suite toutes les marchandises passaient dans une catégorie inférieure.

Si ce mode de tarification est un avantage pour la draperie, c’en sera un aussi pour la bonneterie. S’il y a des inconvénients à ce qu’on puisse inopinément frauder sur la valeur, en déclarant les draps à une valeur moindre que la valeur réelle, cet inconvénient existe pour la bonneterie. Et la chambre qui ne doit pas avoir deux poids et deux mesures, doit par la même raison adopter la même conclusion.

La chambre le doit d’autant plus qu’il y a plus de motifs pour la bonneterie que pour les draps, parce qu’il est bien plus difficile de trouver des douaniers qui connaissent les mille et un articles de bonneterie que d’en rencontrer qui puissent apprécier la valeur des draps.

Eh bien, pour les draps, il y a là un inconvénient. On vous a fait voir que le revient du droit pourra être de 12 p. c. sur telle qualité, et d’un ou de 2 p. c. sur telle autre, cela fait une très grande différence. Et là pourtant il est vrai de dire qu’une pièce ou plusieurs pièces de drap de même qualité forment souvent toute l’expédition, de sorte que dans l’application du tarif il y aura souvent une inégalité réelle.

Il n’en est pas de même pour la bonneterie. Je l’ai déjà fait observer, cet article se tire de l’étranger par assortiments. Tous les négociants qui font le commerce de la bonneterie tirent de l’Allemagne un assortiment d’articles de bonneterie en coton, de France un assortiment d’articles de bonneteries en laine ; mais il faut qu’ils achètent toutes les espèces ct toutes les qualités. Aussi toutes les factures, sans exception, que nous avons vues, contiennent un très grand nombre de qualités différentes, 20, 30, 40, 60 articles et plus.

Mais n’est-il pas évident qu’il va se former sur chaque facture une moyenne véritable. Il ne faut plus calculer le revient du droit sur telle espèce déterminée, mais bien sur l’ensemble, car vous trouverez toujours un ensemble quelconque dans chaque expédition.

Ainsi, s’il y a une espèce de marchandise où l’inconvénient qu’on a signalé disparaît, ou est atténué au moins en grande partie, c’est l’article des bonneteries ; mais, je le répète, il n’en est pas de même d’autres marchandises pour lesquelles on a reconnu nécessaires de recourir au mode de tarification au poids.

Vous avez encore un droit uniforme de 68 fr. les 100 kil. pour les tissus en laine. Sur telle espèces de ces tissus, le droit revient à 1 ou 2 p. c., tandis que sur telles autres, le droit revient à 8 ou 9 p. c.

Il y a ceci de remarquable qu’une expédition pourra ne contenir que du mérinos, que de la flanelle, ou que du coating. Là, l’inégalité sera réelle, tandis qu’une expédition de bonneterie comprend toujours un grande variété d’articles.

Il en est de même pour les tissus en coton. Il revient de 30 à 40 p. c. et plus pour les articles de qualité inférieur, et il diminue en raison de l’élévation du prix, et se réduit à quelques p. c. seulement sur les qualités supérieures.

Pour les mousselines, une même qualité forme une expédition ; cependant on a trouvé trop davantage dans le mode de tarification au poids pour ne pas s’y arrêter. On l’a adopté même avant notre révolution.

Il en est de même des porcelaines. Le revenu du droit au poids sur les assiettes est plus élevé que sur les creux, parce que les creux relativement à leur poids ont une valeur 3, 4 et 5 fois supérieure à l’assiette. La tarification est uniforme, mais on ne peut pas nier que les expéditions comportent tous les objets de porcelaine en usage ; de sorte qu’il y a une véritable compensation. Ce serait une erreur de prendre le droit sur les assiettes pour base des calculs, il faut prendre la moyenne. Ici c’est la même chose. Le droit est élevé sur certains articles, il est inférieur sur d’autres. Mais la moyenne sera un droit modéré, et, pour le dire en passant, le droit que nous proposons est un droit modéré. La base du droit quant à la bonneterie en coton est de 4 fr. le kilog. ; il y a un droit inférieur pour la bonneterie commune, ce droit est de 2 fr. le kil., et pour les qualités supérieurs on l’a élevé à 8 fr.

Le tarif prussien qu’on a présenté comme modéré porte le droit sur la bonneterie en coton à 4 fr. pour toutes les espèces. Il est d’un revient très élevé sur l’espèce que nous proposons de ne coter qu’à 2 fr. Voilà la protection que le tarif allemand donne à l’industrie allemande, qui cependant a des avantages immenses sur la nôtre, car il est reconnu qu’en Saxe le prix de la main-d’œuvre est beaucoup moins élevé que dans notre pays. C’est principalement à cause de la bonneterie de Saxe que le gouvernement français ne veut pas lever la prohibition sur cet article ; parce que les produits allemands tueraient la bonneterie française. Cependant le tarif allemand frappe la bonneterie étrangère d’un droit de 4 fr ; par kilog. Je m’étonne après cela qu’on taxe votre proposition d’exagération. Alors il ne faut plus dire que le tarif prussien est modéré, comme on l’a répété il y a deux jours.

Il me semble que tous les motifs se réunissent pour adopter ce mode de tarification. Quant au taux qu’il conviendrait d’adopter, je crois que ce serait compliquer inutilement la discussion que d’entrer maintenant dans toutes les considérations qu’il y a à présenter sur ce point. Ce sera quand la chambre se sera prononcée sur le mode qu’il y aura lieu de le faire.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, si j’en juge par moi-même, vous devez être passablement fatigués de la discussion qui nous occupe. C’était au moins ce que je pensais déjà quand j’ai pris la parole au début de la séance pour indiquer sommairement les résultats de l’application des chiffres du tableau de la commission. Je n’ai pas voulu vous entretenir longtemps, parce que je considérais comme une perte de temps d’analyser, comme vient de le faire l’honorable préopinant, un à un, tous les éléments du travail de la commission dont il était membre, éléments qu’il conteste, augmentant la valeur indiquée à tel tableau, ne voulant pas de la facture mentionnée à tel autre, admettant seulement les indications qui coïncident avec sa propre opinion.

Je n’ai pas cru, messieurs, qu’il fût convenable de procéder de cette manière. J’ai pris les tableaux que nous a fournis la commission comme incontestables, et j’en ai fait la base de notre discussion. Et maintenant encore, si je suivais l’honorable membre dans les détails où il s’est engagé, j’absorberais tout le reste de la séance.

Pour n’examiner qu’une catégorie du tarif qu’on nous présenté, je prendrai le tableau n°6 à la page 13 du rapport, où nous trouvons le poids et la valeur d’échantillons de bas, chaussettes et bonnets exclusivement fournis par M. Daluin, qui, je crois, est de Tournay, et qui, à ce titre, ne sera sans doute pas récusé par nos adversaires. Ce tableau est divisé en deux parties. Dans l’une vous trouvez 6 kil. 998 grammes d’une valeur de 213 fr., dont le droit serait de 22 p. c., y compris les additionnels, en appliquant le taux de 6 fr. par kil. admis au premier vote. A la vérité, on dit maintenant que ce chiffre a été adopté par erreur, attendu que la section centrale elle-même ne proposait qu’un droit de 5 fr. Mais je ne sais plus à qui nous devons nous en rapporter, si l’on nous renvoie ainsi à l’ancien rapport de la section centrale plutôt qu’au vote même de la chambre, si l’on conteste l’exactitude de la pièce qu’on nous a distribuée comme le véritable commencement de la loi. Quoi qu’on en dise, il est indispensable de s’en tenir à ce qui est le plus officiel et ne pas diminuer ou augmenter les chiffres selon que cela peut aider aux raisonnements qu’on nous oppose.

En appliquant donc le chiffre de 6 fr. au tableau de le page 13 du rapport et y ajoutant avec raison les 13 centimes additionnels, puisqu’ils seraient en réalité perçus avec le principal du droit sur les bas, chaussettes et bonnets de laine dont il s’agit ici, le droit reviendrait à plus de 22 p. c. Ce qui, en réduisant même le droit à 5 fr., comme le faisait tout à l’heure M. Dubus, donnerait encore 19 p. c.

Selon un autre tableau, n°6, page 12, dont les éléments ont été fournis par le gouvernement, le droit s’élèverait à 37 p. c. sur les mêmes marchandises, et enfin d’après le troisième tableau, même numéro, page 14, formé sur les renseignements fournis par un négociant de Bruxelles, le droit serait de 53 p. c. Il est vrai qu’on a contesté ces deux derniers tableaux. Mais en nous rapportant exclusivement au premier de ces trois tableaux présenté par les fabricants de Tournay, le droit est exorbitant comme je viens de le démontrer, puisqu’il va en moyenne jusqu’à 22 p. c.

Nous persistons à nous opposer au mode de tarification au poids pour la bonneterie, parce que raisonnablement, on nous présente quelque chose d’impraticable. Pour les draps nous avons admis le poids, parce qu’il pouvait se régler, en une seule et unique catégorie, sur un maximum de 15 p. c. calculé largement, puisqu’on a prétendu qu’il ne serait, en réalité, que de 10 à 12 p. c. Qu’on nous soumette, s’il est possible, pour la bonneterie, un système au poids qui offre un résultat semblable, nous l’accepterons.

On nous propose au contraire neuf catégories, et vous venez de voir que malgré cela, les droits sont énormes dans certains cas. En effet, le taux de 20 à 22 p. c. que je vous ai indiqué, est une moyenne, car si j’entrais dans les développements du tableau qui présente cette moyenne, je trouverais des articles sur lesquels le droit dépasse 30 p. c.

Veuillez remarquer, messieurs, que l’arrangement de ces neuf catégories mettra la douane dans la nécessité de déballer entièrement la marchandise pour voir s’il y a dans l’expédition. non seulement des articles différents, mais parmi des bas de coton, s’il y en a pesant moins de 5 hectogrammes la douzaine, parce qu’après il faudra appliquer un droit différent, c’est-à-dire 8 francs au lieu de 4. Vous voyez à quelle confusion entraîneraient de pareilles subdivisions.

Qu’on simplifie, si cela est possible, la division des catégories en réduisant le droit à un taux raisonnable qui n’outrepasse, en aucun cas, la protection qu’on dit être suffisante à 15 p. c., et nous sommes prêts à nous rallier à un tel amendement, mais des propositions qu’on est forcé maintenant de reconnaître porter le droit à une moyenne de 20 p. c. sur de nombreuses catégories, ne peuvent en aucune façon obtenir notre assentiment.

Pour s’opposer au maintien du mode de tarification actuellement existant, on a dit qu’il était trop difficile de reconnaître la valeur des objets de bonneterie à la douane, et on s’est appuyé sur les divergences qu’auraient présentées les estimations des divers fabricants entendus à la commission ; mais cette divergence n’a pu porter que sur des exceptions, sur des articles dont l’usage est le plus rare, car la généralité de ceux qu’on présente à la douane sont facilement appréciés de tout le monde ; les douaniers savent bien en déterminer la valeur réelle.

Un honorable membre de la commission me fait observer à l’instant que d’ailleurs les fabricants entendus se sont trouvés d’accord sur le plus grand nombre des articles et qu’ils n’ont varié d’opinion que sur des exceptions que M. Dubus s’est attaché à citer.

Je dirai, en terminant, que les douaniers laissent passer aujourd’hui des objets d’une valeur double de la valeur déclarée ; cette erreur préjudiciable sans doute pourrait être réparée le lendemain, tandis que si nous établissons par la loi un droit de 30 ou 40 p. c., l’erreur serait permanente et longtemps irréparable, car je ne pense pas que l’envie nous reprenne encore de retoucher au tarif des douanes d’ici à peu de temps ; car j’espère bien que quand nous aurons arrêté ce tarif, nous n’y reviendrons pas de si tôt. (On rit.)

Je pense que l’honorable M. Dubus a eu tort de dire en terminant qu’il ne fallait pas s’occuper de la hauteur du droit qui résulte du travail de la section. D’abord il avait commencé par s’occuper de ce droit ; c’est donc qu’il voulait nous faire partager son opinion à cet égard.

Je pense qu’il faut s’occuper de la hauteur du droit et des catégories.

Que l’on propose quelque chose d’acceptable, un nombre de catégories restreint avec un droit raisonnable, et nous sommes prêts à accepter une pareille proposition. Mais on propose neuf catégories avec des droits qui vont jusqu’à 50 p. c. Il est impossible que la chambre adopte un pareil système.

Je n’en dirai pas davantage. Je crois que tout a été dit de part et d’autre.

Si vous voulez la tarification au poids plutôt qu’à la valeur, il faut présenter quelque chose qui soit acceptable.

M. A. Rodenbach. - Je suis peiné de devoir avouer à la chambre que la commission qui s’est occupée du pesage de la bonneterie ne m’a pas éclairé, car je ne suis pas plus avancé maintenant que je ne l’étais avant cette opération. Avant ce pesage que disait-on ? Les honorables députés de Tournay disaient que la bonneterie paie 15 p. c. Le ministère disait qu’elle paie de 20 à 30 p. c. Aujourd’hui ils tiennent à peu près le même langage. Le ministère a donné un premier tableau où la moyenne est de 20 p. c., et un second tableau qui porte le droit à 14, 15, 42, etc. p. c. On a cité tant de chiffres qu’il est difficile de se les rappeler ; mais j’ai fort bien remarqué que la moyenne indiquée par le ministère est de 25 fr. 34 c., tandis que les honorables députés de Tournay et la commission parlent de droits de 13, 14, 16 3/4 et 17 3/4, et disent que la moyenne est de 15 p. c. Que nous reste-t-il à faire ? Je ne plus supposer que le ministère ne dise pas la vérité, qu’il veuille en imposer à la chambre ; ainsi d’une part on parle de 25 33/100 p. c., de l’autre de 15 p. c. ; pour moi, je vous avoue qu’il m’est impossible de porter là-dessus un jugement réfléchi. Que faire ? Puisque le ministère dit que si l’on propose un système qui donne une moyenne de 15 p. c., il y donnera son assentiment, j’engage les honorables députés de Tournay à présenter la question d’une manière simple et claire, autrement il nous faudra revenir à la tarification à la valeur.

J’ai fait un amendement tendant à imposer la bonneterie de 15 p. c. à la valeur ; je sais que les déclarations ne sont pas exactes ; mais je pense que ma proposition assure à cette industrie une protection réelle de 12 p. c.

On a dit que la douane ne pouvait pas bien vérifier les marchandises, puisque la commission n’a pas pu bien le faire ; mais si la commission n’a pas compté les fils avec des aiguilles, les employés de la douane ne manquent pas de le faire. Ils pèsent avec soin, examinent les marchandises ; et, quand ils n’ont pas les connaissances nécessaires pour en apprécier la valeur, ils consultent des personnes qui ont ces connaissances : leur intérêt vous en est un sûr garant.

Je le déclare en terminant ; si on ne propose pas des catégories simples et claires, je persisterai dans ma proposition tendant à fixer le droit de 15 p. c. à la valeur.

M. Mercier. - Beaucoup d’observations ont été faites à l’égard de la prime qui s’accorde à l’exportation de la bonneterie dans un pays voisin : elles ont été prises en considération, et j’appuierai bien volontiers l’amendement qui tend à majorer du montant de cette prime le droit qui avait été présenté dans le premier projet. Cependant je crois devoir faire remarquer qu’on doit la considérer comme ne constituant une véritable protection pour l’industrie de la bonneterie que dans la proportion d’une partie de sa quotité ; cette partie peut être évaluée approximativement, mais il est impossible de l’apprécier d’une manière exacte parce qu’il faudrait, pour y parvenir, connaître non seulement l’usage relatif que l’on fait de la laine indigène et de la laine étrangère dans la fabrication de la bonneterie, mais encore l’augmentation précise du prix de cette matière première par suite des droits de douanes dont elle est frappée et dont l’influence n’est pas susceptible d’un calcul précis.

J’admets donc que le droit de 10 p. c. soit augmenté du montant de la prime d’exportation pour la bonneterie importée par les frontières de France, mais je doute qu’il soit d’une sage politique, qu’il soit prudent de modifier le tarif actuel en ce qui concerne les provenances des autres pays : une telle mesure ne me paraît d’ailleurs pas commandée par les circonstances : plusieurs honorables membres de cette chambre nous ont fait observer que presque toutes les marchandises de bonneterie qui sont importées en Belgique par la frontière d’Allemagne et par mer sont de qualité supérieure, tandis que ce sont les qualités communes et moyennes que l’on fabrique dans notre pays.

On a prétendu que les importations de bonneterie suivaient une progression ascendante : cette assertion est inexacte, car celles de 1836 sont inférieures à celles de 1834 et 1835, et à en juger d’après le premier semestre, il en sera de même de celles de 1837. Cela résulte des états statistiques que chacun peut consulter.

Une importation moyenne d’une valeur de 600,000fr. sur la production totale de la bonneterie en Belgique est d’une importance relative bien peu considérable, puisque cette production, ainsi que nous l’apprend un de nos honorables collègues, est le résultat de 5,000 métiers et du travail de 50,000 ouvriers vivant exclusivement de cette industrie ; or, en admettant que la production de chaque ouvrier, comprenant les matières premières, la main-d’œuvre, ainsi que l’intérêt des capitaux placés en métiers et en marchandises, ne soit que de 2 francs par jour, nous obtenons un chiffre qui diffère bien peu de celui qui a été supposé par l’honorable M. Smits, et que l’on a si fortement contesté.

Il est encore à remarquer, messieurs, que notre douane sur la frontière d’Allemagne est moins forte que sur la frontière de France : déjà plusieurs saisies de bonneterie ont fourni la preuve qu’on cherche à éluder le droit actuel : que serait-ce s’il était augmenté ! Nous ne ferions par une telle mesure qu’alimenter la fraude au détriment du trésor et sans utilité pour l’industrie, ou bien, pour la réprimer, il faudrait renforcer le personnel de notre douane ; ce qui élèverait encore le chiffre de nos dépenses.

En ce qui concerne les importations par la frontière de France, la prime de fraude d’après plusieurs orateurs serait de 13 à 15 p. c. Je crois que les informations qui ont été données à cet égard à nos honorables collègues ne sont pas d’une exactitude rigoureuse, car il résulte des renseignements pertinents que j’ai puisés aux meilleures sources, qu’elle n’est que 11 à 12 p. c. pour la bonneterie de laine et de 10 à 11 p. c. pour la bonneterie de coton.

On a évalué à 6 p. c. de la valeur la prime d’exportation accordée en France : s’il en est ainsi, le droit de 10 p. c. majoré de 13 centimes additionnels et de cette prime de 6 p. c. formera un droit protecteur de fr. 17-30 p. c.

En admettant même que la prime de fraude soit de quinze p. c., il me semble qu’un droit supérieur à fr. 17-30 deviendrait sans objet puisqu’il dépasse encore de fr. 4-50 p. c. le montant de cette prime de fraude, qui selon ma conviction est exagérée. Il est vrai qu’on a prétendu que toutes les déclarations ne se faisaient que pour moitié de la valeur en douane, et qu’on a cité quelques faits isolés à l’appui de cette allégation ; mais, messieurs, comment peut-on croire à une telle assertion quand on sait que tous les jours des préemptions sont faites dans nos bureaux de douanes ; que le commerce se plaint même de la rigueur avec laquelle la loi est observée à cet égard, et que l’on considère en outre, d’une part, l’intérêt personnel des employés, l’habitude qu’ils ont d’apprécier les marchandises, et, de l’autre, l’appréhension que doivent concevoir les négociants de voir leurs expéditions entravées par suite d’une fausse déclaration ; on a paru craindre aussi que les employés des douanes n’eussent pas toujours devant eux des capitaux suffisants pour subvenir au paiement immédiat de marchandises qui seraient déclarées en masse pour de très fortes valeurs. Mais on a perdu de vue que l’article 137 de la loi générale du 26 août 1822 a prévu les difficultés qui pouvaient résulter d’une trop grande latitude laissée à cet égard aux déclarants, en stipulant pour les marchandises tarifées à la valeur qu’une seule déclaration de celles de même espèce et estimées ensemble à plus de 4,000 fl. ne serait pas admissible. Or il est certain qu’il sera toujours bien facile au personnel d’un bureau de douanes de se procurer dans les 24 heures une somme aussi peu élevé.

Pour que le droit de 17 30 p. c. ne fût plus que l’équivalent de la prime de fraude supposée à 13 p. c., il faudrait que les déclarations se fissent à plus de 5 p. c. au-dessous de la valeur de la marchandise. Or, en admettant qu’en effet les déclarations n’atteignent pas la valeur réelle de la marchandise, je puis affirmer avec connaissance de cause qu’elles ne s’en éloignent certainement pas de 33 p. c. ; par conséquent le droit sera toujours supérieur à cette prime et restera l’équivalent de celui qui existe actuellement (erratum inséré au Moniteur belge n°314 du 10 novembre 1837) sous le rapport de la protection accordée à l’industrie.

Je passe à l’examen de la question de la tarification au poids proposée par la section centrale et par deux de nos honorables collègues : à cet égard je n’hésite pas à émettre l’opinion qu’en général la tarification au poids est préférable au droit établi à la valeur, lorsque la nature de la marchandise le comporte. Mais la bonneterie se subdivise en une foule de catégories ; de là dérive la nécessité d’établir différentes quotités de droits : tous ceux qui ont été proposés jusqu’à présent sont tellement défectueux dans l’application qu’ils varient de 10 à 70 ou 80 p. c., selon la qualité des marchandises qu’ils frappent.

On nous dit que le terme moyen de droit sera de 15 p. c., que les négociants ne vendront pas exclusivement une seule catégorie de marchandises, qu’ils les reçoivent par assortiment, que de nombreuses factures prouvent que c’est ainsi que se font les expéditions du commerce, et que par conséquent on arrivera toujours à cette moyenne de 15 p. c. : mais qui ne reconnaît le vice d’un tel raisonnement, qui ne prévoit qu’on acquittera les droits les plus faibles, que les articles frappés d’un droit élevé seront introduits frauduleusement, et que le commerce changera bientôt ses habitudes, si elles existent, pour profiter des avantages que lui offrira la prime de fraude ? Il n’en est pas de cette marchandise comme du drap qui ne peut être fraudé sans perdre une partie de sa valeur, parce qu’il doit être découpé et qu’il est du moins fort difficile et dangereux de le transporter par pièces entières, tandis que la bonneterie peut se subdiviser à l’infini sans être détériorée.

Par ces considérations je me prononcerai contre la tarification au poids, à moins, ce qui me paraît impossible, qu’on ne parvienne à trouver une combinaison qui frappe de droits peu différents entre eux les nombreuses spécialités de bonneterie.

M. de Langhe. - Ayant eu l’honneur d’être nommé membre de la commission chargée de vérifier le poids de la bonneterie, je crois devoir rendre compte à la chambre de mes impressions.

Je crois pouvoir dire que nous avons mis tout le soin possible à constater le poids et la valeur des objets de bonneterie. De cette opération est résultée pour moi la conviction que si l’on ne veut pas sabrer les difficultés, mais agir avec justice comme on doit le faire, il est impossible d’admettre la tarification au poids ; car avec ce système les marchandises communes sont frappées de droits énormes, les marchandises fines de droits illusoires.

On nous a présenté une multitude d’objets, cependant on ne nous a pas tout présenté ; car dans une vérification de bonneterie on ne nous a pas présenté un seul bonnet de coton. (On rit.)

On nous a dit qu’il y a 2,000 articles de bonneterie ! De ce nombre je tire l’argument qu’il est impossible d’établir des catégories. Vous auriez cent catégories, que dans chacune d’elles il y aurait encore des inégalités choquantes.

La commission ayant déclaré qu’elle ne vérifierait que ce qu’elle était chargée de vérifier, nous avons eu des conversations particulières avec des négociants étrangers, comme on l’a dit, mais qui apprécient les marchandises du pays. Ces messieurs nous ont dit que leurs commandes aux fabriques du pays ne s’exécutaient pas ; ils ont fait des commandes, ils les ont renouvelées et elles n’ont pas été exécutées ; on ne peut pas conclure de là qu’il y aurait 50,000 ouvriers sans ouvrages.

Ils n’ont pas dit que la prime fût de 6 p. c., mais en général de 12 ou de 15 à 12. Ils ont parlé de la préemption. L’un de ces messieurs, à propos de déclaration à la moitié de la valeur dont on avait parlé, a déclaré qu’il ne ferait pas de déclaration semblable, parce qu’il serait presque sûr d’être pris et que cela pourrait passer tout au plus une fois. Ainsi on ne peut pas considérer comme déclarations normales celles faites à la moitié de la valeur.

On a parlé beaucoup d’industrie et fort peu du consommateur. Pour moi, je crois que les intérêts du consommateur doivent être défendus ; j’en fais ma tâche ici ; je crois cette tâche tout aussi honorable que celle qui tend à favoriser une industrie par des droits élevés au détriment du consommateur ; car la classe du consommateur est plus respectable à mes yeux qu’aucune autre. Je sais que ce système n’a pas toujours prévalu ; tous consomment, a-t-on dit, et tous produisent, et les droits assurent du travail aux producteurs ; mais remarquez que si vous protégez une industrie, vous devrez protéger toutes les autres ; tous les objets de consommation deviendront ainsi à un prix plus élevé qu’à l’étranger ; alors les ouvriers vivront misérablement, ou il faudra hausser le prix de la journée ; comment soutiendrez-vous alors la concurrence sur le marché étranger ? Si vous voulez des débouchés, travaillez bien, et bon marché.

Je sais que ce système n’est pas celui de la chambre, ni du ministère, si tant est qu’il ait un système arrêté à cet égard ; mais il sera le mien jusqu’à ce qu’on m’ait démontré que je suis dans l’erreur, et j’appliquerai ce système à la bonneterie, comme je l’ai appliqué à la draperie.

Au surplus, et j’ai été déterminé par cette observation, quelque décision que vous preniez, elle aura une influence à peu près égale sur l’industrie que vous voulez protéger ; car si vous établissez un droit trop élevé, la fraude se chargera de l’éluder. Je ne crois pas que l’industrie dont il s’agit puisse avoir des encouragements semblables à ceux que l’on demande ; et pour moi je préfère une prime modérée, perçue par le gouvernement, à une prime exagérée, perçue par la fraude.

M. Dubus (aîné). - On vient de rappeler des faits qui se sont passés dans le sein de la commission ; mais comme ils ont été rappelés d’une manière incomplète, je crois devoir les rétablir.

On a dit que quand les négociants de Bruxelles faisaient des commandes à Tournay, on ne pouvait y satisfaire ; il est vrai qu’il a été question de cela dans le sein de la commission ; mais on aurait dû rapporter aussi que les industriels de Tournay, qui ont entendu ce propos, ont répondu aussitôt aux marchands de Bruxelles : Venez nous faire des commandes et vous verrez qu’elles seront remplies sur-le-champ. Voilà ce que des fabricants belges ont répondu à des marchands étrangers ; et en rappelant cette réponse, je remplis ma tâche, je complète le fait.

On a encore parlé d’un autre fait d’une manière incomplète. On a dit que la prime qui se payait pour la bonneterie en laine de France, loin d’être de 20 p. c., n’était pas même de 15 p. c., et que des négociants recevaient ces marchandises à 12 p. c. Il fallait ajouter que deux négociants seulement ont déclaré recevoir la marchandise à 12 p. c, et ont reconnu en même temps que la personne qui leur faisait recevoir la marchandise, ne leur tenait pas compte de la prime à l’exportation de France, tandis que celle qui expédiait la marchandise à 15 p. c. tenait compte de cette prime d’exportation, qui fait plus de 3 p. c. de différence.

M. de Langhe. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Je crois que la chambre juge assez favorablement de ma franchise pour croire que j’ai rapporté les faits comme je les savais ; elle ne peut pas penser qu’il soit entré dans mes vues d’altérer des réponses qui auraient été faites. Si ces réponses ont été faites, je les ignore ; je ne les ai point entendues. Je n’ai pas entendu non plus ce qui est relatif aux primes de 15 ou 12 p. c. J’ai seulement entendu un négociant dire qu’il n’oserait pas se hasarder à faire de fausses déclarations. Je le répète, je n’ai point entendu dénier la possibilité de faire des commandes sans en avoir satisfaction ; j’ai seulement entendu dire à un fabricant : « Moi, j’ai renvoyé vingt ouvriers. »

M. Dumortier. - Je commencerai par rencontrer la première observation faite par le préopinant ; car elle pourrait avoir de l’influence sur vos esprits. Si un négociant de Bruxelles veut se présenter à Tournay pour avoir de la bonneterie, il en aura, qu’il en soit persuadé. J’ai vu plusieurs magasins de Tournay, ils sont encombrés, et les négociants de cette ville sont prêts à satisfaire sur-le-champ à toutes les demandes.

Venons à la question du tarif. D’après les observations présentées par le ministre des finances, je crois qu’il sera facile d’opérer un rapprochement et de tomber d’accord. Il a dit : Présentez-nous un amendement qu’on puisse admettre, et nous ne le repousserons pas : eh bien, nous sommes prêts à faire tout ce qui dépendra de nous. Pour favoriser le rapprochement, j’ai même formulé une proposition.

En calculant la moyenne générale de tout ce qui a été vérifié par la commission, tant sur les objets fournis par le gouvernement que sur les objets fournis par les négociants de Bruxelles et les fabricants de Tournay, je suis convaincu qu’on peut établir des droits au poids, de manière que les gilets de coton, caleçons, manches, etc., ne paieraient que 15 p. c. à la valeur ; les bas de coton, chaussettes, bonnets, mitaines, etc., ne paieraient que 10 1/2 p. c. à la valeur ; les jupons en laine, manches, etc., ne paieraient que 14 à 15 p. c. à la valeur ; les bas en laine, bonnets, chaussettes, etc., 12 à 13 p. c. à la valeur ; le lin, 6 p. c. à la valeur.

Le droit au poids que j’impose ne reviendrait qu’à ces chiffres ; je vais déposer ma proposition. Il me semble que cet amendement est des plus raisonnables et peut être admis.

Toutefois je comprends dans cet amendement celui qu’a présente le ministre des finances, relativement à la prime d’exportation à la prime d’exportation accordée en France : il est juste que nous réduisions le articles auxquels l’amendement du ministre se rapporte.

Nous ne demandons à l’assemblée qu’une seule chose : vous avez accordé à l’industrie drapière le tarif prussien ; eh bien, accordez-nous la même chose ; vous regardez ce tarif comme modéré ; ne le refusez pas à cinquante mille ouvriers.

Je pense que la chambre doit faire pour nous ce qu’elle a fait pour d’autres ; nous ne nous sommes pas montrés moins bons citoyens, nous avons pris part à la révolution ; nous avons sacrifié nos personnes, et maintenant vous ne pouvez pas nous moins bien traiter que les autres.

L’honorable préopinant soutient qu’il est impossible de tarifer au poids ; que les droits au poids sur les marchandises communes sont énormes et se réduisent à peu de chose sur les marchandises de luxe. Mais il fait le procès à tout notre tarif qui est établi au poids.

Vous avez établi un droit sur les vins, et ce droit qui est peut-être de 200 p. c. sur les vins communs, est au plus de 4 p. c pour les vins fins, puisque vous faites payer le même droit à une pièce valant 50 fr. qu’une pièce valant 1,500 ou 2,000 fr.

Il y a des houilles qui valent 2 fr. et d’autres qui en valent 8 ou 10 ; cependant le droit au poids est le même sur les unes et sur les autres.

Les droits de douane perçus au poids n’en sont pas moins, en définitive, les plus favorables l’industrie, parce qu’il est impossible de les frauder.

Au reste, comment les douaniers pourraient-ils évaluer la bonneterie, puisque les négociants ne peuvent tomber d’accord sur cette valeur ? Une douzaine de paires de bas est présentée aux négociants ; l’un d’eux dit qu’elle vau 40 fr., le deuxième qu’elle vaut 30 fr., et le troisième la porte à 70 fr.

Il a été reconnu que le poids était le principal élément pour arriver à la connaissance de la valeur ; s’il en est ainsi, établissez donc le droit au poids.

L’honorable M. Mercier a commis une erreur très grave quand il a parlé de la prime de fraude ; il a comparé le taux de cette prime au taux du droit, mais sans tenir compte de la diminution qu’on fait sur le prix dans la déclaration pour la douane, diminution qui n’est pas possible à l’égard des fraudeurs. Personne n’ignore que la prime de fraude n’est payé que sur l’exhibition de la facture que le négociant est toujours forcé de remettre à l’assureur, tandis que l’on ne remet jamais la facture aux employés de la douane ou du moins qu’on ne leur remet pas la véritable ; il résulte de là que la prime de fraude se paie toujours sur la valeur intégrale, tandis que le droit, lorsqu’il est perçu à la valeur, ne se paie ordinairement que sur la moitié de la valeur, c’est-à-dire qu’en supposant le droit à 13 p. c. et la prime de fraude au même taux, on paiera pour faire frauder pour mille francs de marchandises 130 fr., tandis qu’on ne paiera que 65 fr. pour introduire régulièrement ces mêmes marchandises. Vous voyez donc, messieurs, que les calculs de l’honorable préopinant sont tout à fait dénuées d’exactitude.

L’honorable M. de Langhe a voulu catégoriser le pays ; il a parlé des intérêts des consommateurs, et il a dit que les consommateurs constituent une classe infiniment respectable, plus respectable peut-être que toutes les autres. Je ne comprends pas, messieurs, cette division des hommes en producteurs et en consommation ; à mes yeux tous les hommes sont en même temps consommateurs et producteurs, et il est absurde de les diviser sous ce rapport. Ne semblerait-il pas en effet que la moitié de la nation n’est occupée qu’à boire, manger, se vêtir, se loger, et que l’autre moitié ne boit, ne mange, n’use de rien et ne s’occupe du matin au soir qu’à pourvoir aux besoins de la première ? Car voilà en dernière analyse la théorie qui divise les hommes en producteurs et consommateurs.

Tout homme produit et consomme en même temps ; le propriétaire même produit par les capitaux qu’il met en circulation.

« Mais, dites-vous, si vous protégez une industrie il faut accorder la même protection aux autres. » Eh bien, c’est précisément là ce que nous demandons ; nous demandons qu’on protège notre industrie comme on protégé toutes les autres. Et ici je fera remarquer que l’honorable M. Gendebien a fait une observation très juste, lorsqu’il a dit qu’il aurait fallu faire une loi générale qui embrassât tous les objets qui doivent être tarifés, car, si l’on avait agi de cette manière, on aurait dû admettre un taux de protection uniforme pour toutes les industries similaires, et l’on n’aurait point frappé une industrie au profit d’une autre, comme cela arrive aujourd’hui.

On s’appuie de l’intérêt des consommateurs pour réduire le droit sur les bonneteries étrangères ; mais les fabricants de bonneterie sont consommateurs aussi, et ils ont besoin d’autres objets sur lesquels il est cependant établi des droits. Si vous voulez la liberté du commerce, la liberté illimitée même, soit ; mais que ce soit pour tous les articles en général que tout le monde jouisse de cette liberté ; ne nous forcez pas de payer le charbon avec lequel nos pauvres doivent se chauffer, le pain dont ils doivent se nourrir, beaucoup plus cher qu’on peut les acheter à l’étranger, ne nous forcez pas d’acheter les toiles à 10 et 15 p. c. plus cher que si elles n’étaient pas frappées de droits d’entrée ; ne nous faites pas payer la viande, les draps et tous les autres objets dont nous avons besoin à des prix beaucoup plus élevés que ceux auxquels nous pourrions nous les procurer ailleurs.

Si vous voulez absolument que nous payions tous ces objets plus cher qu’ils ne coûtent à l’étranger, alors il faut absolument que vous protégiez également notre industrie, sans cela vous vous l’immolez aux autres.

Je le répète donc, messieurs, nous ne demandons qu’une seule chose, c’est que l’on traite l’industrie de Tournay comme on traite celle de Verviers, qu’on nous accorde le tarif prussien. Certes, la Prusse ne pourra pas se plaindre de cette mesure, au contraire serait un acheminement pour nous rapprocher, dans certaine éventualité, du système de la réunion douanière allemande. La France, de son côté, ne pourra pas se plaindre, puisque nous avons réduit considérablement le droit actuel. Il est donc manifeste que vous pouvez nous accorder ce que vous avez accordé aux autres, et il est juste de le faire ; nous ne demandons pas des capitaux ni des primes d’exportation, nous ne demandons qu’un droit protecteur semblable à celui dont jouissent les autres industries ; nous ne voulons que la justice, et j’espère que nous ne l’aurons pas réclamée en vain.

M. Mercier. - D’après l’observation qui a été faite tout à l’heure par l’honorable préopinant, je crois, messieurs, qu’il m’a mal compris. Je n’ai pas dit que les déclarations se font exactement au contraire, j’ai dit qu’elles se faisaient, en général, au-dessous de la valeur ; j’ai dit que le droit, tel qu’il est proposé, (erratum inséré au Moniteur belge n°314, du 10 novembre 1837) revenant à 17,30 p. c., et la prime de fraude n’étant que de 13 p. c., il y aurait une différence de 4,30 p. c., et que, par conséquent, pour que le droit proposé ne fût pas plus élevé que la prime de fraude, il faudrait admettre qu’on déclarât plus de 33 p. c. au-dessous de la valeur. J’ai établi ensuite que généralement les déclarations ne sont pas aussi abaissées. L’honorable membre a donc été dans l’erreur quand il a attaqué l’exactitude de mes calculs.

M. le président. - L’amendement de M. Dumortier est conçu comme suit :

« (Résultat de la moyenne générale de tous les objets produits tant par le gouvernement que par les intéressés. Le kilog). :

« Coton.

« Gilets, manches, jupons, caleçons, bretelles : fr. 2 00 15 p. c.

« Bas, chaussettes, bonnets, mitaines ; fr. 4 00 10 1/2 p. c.

« Laine.

« Echarpes, gilets, jupons, gants, caleçons, manches, camisoles : fr. 2 50 14 91/100 p. c.

« Bas, bonnets, chaussettes : fr. 3 00 12 à 13. p. c. »

L’amendement de M. le ministre relativement à la prime.

« Lin.

« Tricots de toute espèce : fr. 2 50 6 p. c. »

Maintenant, messieurs, il y a deux questions à décider : d’abord si le droit sera établi au poids ou à la valeur, ensuite quel sera le taux du droit. Je vais d’abord consulter la chambre sur la première question.

Plusieurs voix. - L’appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal ; en voici le résultat :

71 membres prennent part au vote.

43 votent pour la perception au poids.

28 votent contre.

Par conséquent la chambre décide que la perception du droit sur les bas et bonnets aura lieu au poids.

Ont voté la perception au poids : MM. Andries, Bekaert, Berger, Coghen, Corneli, Metz, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Lecreps, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien, Verhaegen, Hye-Hoys. Maertens, Kervyn, Lejeune, Manilius, Morel-Danheel, Raymaeckers, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Van Hoobrouck, Vergauwen, Angillis, Zoude et Raikem.

Ont voté contre : MM. Brabant, Coppieters, Van Volxem, F. de Mérode, W. de Mérode, Dequesne, de Theux, Devaux, d’Huart, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Keppenne, Mercier, Mast de Vries, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Troye, Ullens, Verdussen et de Langhe.

- La séance est levée à 4 heures et demie.