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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 25 octobre 1837

(Moniteur belge n°299, du 26 octobre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur J. Denis, à Soignies, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir un emploi au chemin de fer. »


« Le sieur Albert Houzer, soldat réformé du 5ème régiment de ligne, demande la continuation de la pension qui lui a été accordée en 1834, pour la perte d’un œil. »


« Les chaufourniers de l’arrondissement de Tournay demandent une réduction sur les droits d’entrée en Belgique des charbons étrangers. »


« Le sieur M. Benda, négociant, à Bruxelles, adresse à la chambre de nouvelles observations à l’appui de sa première pétition, concernant les modifications au tarif des douanes, article bonneterie. »


- Les pétitions relatives au projet de loi modifiant le tarif des douanes resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de ce projet.

Les autres requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Rogier. - Messieurs, dans le nombre des pétitions dont l’analyse vient de vous être présentée, il en est une du sieur Benda ; le pétitionnaire a été attaqué dans cette enceinte, et sans doute sa requête a pour objet de répondre aux accusations dont il a été l’objet. Puisque le sieur Benda a été pris à partie dans cette enceinte, il me semble qu’il serait juste de l’entendre dans ses moyens de défense : je demande donc qu’il soit donné lecture de la pétition du sieur Benda, pour autant, bien entendu, qu’elle ne renferme rien qui puisse blesser les convenances parlementaires.

- Personne ne s’opposant à la proposition de M. Rogier, M. de Renesse donne lecture de la pétition suivante.

(Note du webmaster : le Moniteur donne ensuite le texte de cette pétition qui commence ainsi : « Bruxelles, le 24 octobre 1837.

(« A MM. les membres de la chambre des représentants

(« Messieurs,

(« Un honorable député de Tournay ayant attaqué, avec une véhémence sans exemple, les tableaux que j’avais joints à une pétition que j’ai eu l’honneur de vous adresser en avril dernier, je prends la liberté, comme vous en êtes au vote de la loi, de vous remettre ci-jointes quelques notes extraites d’une réponse à ce représentant, que je publie dans les journaux de ce jour et qui réfutent complétement les assertions qu’il a émises.

(« Veuillez, messieurs, dans l’intérêt de la discussion, prendre connaissance de ces notes, et agréer l’assurance de ma considération distinguée. »

(La suite du texte de cette pétition n’est pas reprise dans la présente version numérisée.)

Rapport sur une pétition

M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions, fait au nom de cette commission le rapport suivant. - Messieurs, la province de Limbourg manifeste la volonté de marcher à l’égal des autres provinces, dans la voie du progrès.

Pénétrée de cette vérité, que la prospérité publique est le résultat de la facilité des communications, elle veut porter ses efforts vers la création de routes.

Elle y a été conviée par le gouvernement dans son projet de canaliser la Campine ; elle y est conviée par la loi sur l’emprunt de 6 millions, qui, dans l’intention du législateur, doit être particulièrement employé dans les provinces qui, jusqu’ici, sont dépourvues de routes.

Mais le gouvernement ayant déclaré qu’une partie de cette somme serait employée en subsides, à la condition que les provinces ou communes qui seraient appelées à en jouir, fourniront un contingent proportionné à l’utilité que ces routes leur procureront, la province du Limbourg a voulu répondre à l’appel de M. le ministre, et elle a ouvert un emprunt de 500,000 fr.

Des capitalistes consentiraient à s’en charger ; mais en présence d’un traité qui menacerait de la morceler un jour, ils exigent une garantie, et si le gouvernement présente la sienne, l’emprunt est couvert à l’instant.

Toute la difficulté que la députation rencontre, se trouve donc dans l’inquiétude des capitalistes sur le sort qui serait réservé à la province.

Mais la chambre a eu plusieurs fois l’occasion de manifester sa volonté à cet égard, et toujours, par un mouvement spontané et unanime, elle a déclaré ne jamais vouloir se séparer de ses frères du Limbourg et du Luxembourg ; la chambre a fait plus, elle a consigné cette volonté dans la loi communale, en prescrivant aux élus du peuple, pour la formation des conseils municipaux, la prestation du serment de fidélité à la constitution, avec la mention expresse que l’exclusion perpétuelle des Nassau en faisait partie.

Certes, messieurs, vous n’avez pas voulu désigner au glaive de la vengeance les élus du peuple.

Aussi, il n’y a pas eu d’hésitation dans votre commission sur l’accueil que mérite cette pétition, et à l’unanimité des membres présents, elle estime que le gouvernement doit prêter sa garantie à cet emprunt, d’autant plus qu’il ne présente aucune condition onéreuse à l’Etat, puisque la province se chargera d’en payer l’intérêt et de fournir à son amortissement.

Dans la confiance que le gouvernement partagera sa conviction, la commission des pétitions a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres des travaux publics et des finances.

M. Pollénus. - J’appuie, messieurs., de tout mon pouvoir les conclusions de la commission qui, comme vous venez de l’entendre, propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres des finances et des travaux publics ; mais ce double renvoi serait bien peu efficace si MM. les ministres ne se faisaient un devoir d’examiner promptement la réclamation du conseil provincial du Limbourg : vous savez, messieurs, que la somme de six millions, qui a été votée pour être répartie entre les diverses provinces d’après leurs besoins respectifs, à l’effet d’être appliquée à la construction de routes, n’est partagée entre ces provinces que dans la proportion d’après laquelle elles contribuent elles-mêmes à l’établissement de nouvelles communications. Tel paraît être, du moins, le système admis par le ministre des travaux publics. Il résulte de là, messieurs, que la province du Limbourg, ne pouvant réaliser l’emprunt qu’elle se propose de contracter, et se trouvant ainsi dans l’impossibilité de concourir aux dépenses de la construction des routes, ne profite pas des six millions dont il s’agit. Il importe donc que MM. les ministres s’occupent immédiatement de la pétition du conseil provincial du Limbourg, afin de pouvoir nous présenter une solution aux difficultés qui résultent pour cette province de la situation politique ; il est de toute justice de la mettre à même de concourir à l’établissement de communications nouvelles, au moyen de l’emprunt qu’elle nous demande de lui faciliter.

J’appuie donc les conclusions de la commission en priant MM. les ministres de s’occuper le plus tôt possible de la pétition qu’il s’agit de leur renvoyer.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, le renvoi demandé par la commission doit nécessairement avoir pour unique objet de faire examiner par le gouvernement la question de savoir s’il y a lieu de présenter à la chambre un projet de loi qui accorde la garantie demandée par la province de Limbourg ; car il est évident, messieurs, que le gouvernement ne peut pas accorder de lui-même cette garantie, et que cela ne peut avoir lieu que par un acte de la législature. Il faut donc que le renvoi proposé soit entendu dans le sens que je viens d’indiquer. A ce sujet, je ferai remarquer à l’honorable préopinant qu’il a l’initiative tout comme le gouvernement, et qu’il peut lui-même présenter un projet de loi, ce qui éviterait les retards qu’il semble craindre. Quant à ces retards, cependant, je dirai, messieurs, qu’il suffit que les chambres renvoient une affaire au gouvernement pour qu’il en fasse, le plus tôt possible, l’objet d’un sérieux examen.

M. Pollénus. - Je déclare qu’en prononçant les quelques paroles que j’ai eu l’honneur d’adresser à la chambre, je n’avais d’autre but que de provoquer de la part de MM. les ministres un prompt examen de la réclamation du conseil provincial du Limbourg. D’après les promesses que M. le ministre des finances vient de nous faire, je juge que ce but est atteint, et je déclare que je suis entièrement satisfait de la réponse de M. le ministre les finances.

- La chambre adopte les conclusions de la commission ; en conséquence, la pétition est renvoyée à MM. les ministres des finances et des travaux publics.

Projet de loi relatif à la part contributive des provinces de Liége et de Limbourg dans les frais de construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d’Huart) monte à la tribune et présente un projet de loi relatif à la part contributive des provinces de Liége et de Limbourg dans les frais de construction du canal de Maestricht à Bois-le-Duc.

- Le projet de loi et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués à MM. les membres de la chambre. L’examen en est renvoyé aux sections.

Projet de loi qui autorise le prélèvement d'une remise au profit de l'Etat sur la recette des revenus provinciaux et communaux, pour frais de perception

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d’Huart) dépose un second projet de loi relatif à la comptabilité provinciale.

- Ce projet sera également imprimé et distribué avec l’exposé des motifs qui l’accompagne ; il est, comme le précédent, renvoyé à l’examen des sections.

Projet de loi accordant un crédit de 10 millions de francs, pour la construction des travaux du chemin de fer

Second vote des articles

M. le président. - Le projet qui a été adopté au premier vote est conçu dans les termes suivants :

« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit de dix millions de francs.

« L’emploi de ce crédit se fera conformément aux dispositions mentionnées au paragraphe 3, article 3 de la loi du 18 juin 1836, n°327, dans la proportion des besoins respectifs des travaux des chemins de fer et des routes pavées et ferrées, dont l’exécution a été autorisée par la loi du 2 mai 1836. »

« Art. 2. Ce crédit sera ouvert, au fur et à mesure des besoins, par une émission de bons du trésor qui sera effectuée selon les conditions de la loi du 16 février 1833. »

M. Pollénus. - Messieurs, je crois qu’il a été bien entendu par M. le ministre des finances, qui est l’auteur de l’amendement adopté, que les crédits dont il s’agit pourront être appliqués aux travaux des embranchements qui ont été décrétés en 1837 ;

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il n’y a pas de doute.

M. Pollénus. - J’entends dire qu’il n’y a pas de doute ; sans quoi je proposerai de retrancher les mots « dont l’exécution a été autorisé par la loi du 2 mai 1836 ; » de cette manière les termes ne seraient point limitatifs et s’appliqueraient sans restriction à tous les chemins de fer comme à toutes les routes pavées. Mais comme le ministre déclare que les crédits dont il s’agit pourront être affectés aux embranchements votés en 1837, aussi bien qu’aux grandes lignes votées précédemment, cela me suffit et me dispense de proposer l’amendement que je me proposais de vous soumettre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, il n’y a pas le moindre doute que la loi doit être appliquée comme le désire l’honorable M. Pollénus. Dans les développements que j’ai donnés au sous-amendement admis par la chambre, j’ai dit qu’il n’avait pas d’autre but que d’assurer au gouvernement la faculté d’appliquer les fonds aux dépenses des chemins de fer décrétés postérieurement à la loi du 1er mai 1834.

M. de Foere. - Messieurs, par une disposition de la loi du 18 juin 1836, le ministre des travaux publics a été autorisé à prélever sur les 6 millions accordés pour les routes pavées telle somme dont il aurait pu avoir besoin pour continuer la construction du chemin de fer. Les travaux de ce chemin ont absorbé 5 millions et demi. Il ne reste donc plus qu’un demi-million affecté aux routes pavées.

L’amendement de M. Verdussen nous conduit de nouveau devant la question de savoir si une somme de 5 millions et demi sera accordée pour la construction de ces routes pavées. Lorsque les 6 millions proposés pour cet objet ont été mis en discussion, le ministère n’avait pas joint à son projet un tableau de répartition entre les diverses provinces. Ce tableau fut réclamé avec raison par plusieurs membres de la chambre ; je dis avec raison, car toutes les provinces devaient contribuer à la charge de ces 6 millions ; il était équitable que, sans exiger des proportions rigoureuses, cette somme pourvût au moins aux besoins de communication les plus urgents que les provinces pouvaient éprouver ; mais le ministre nous promit de suivre les règles de la justice distributive, et il réclama un vote de confiance. Il fonda aussi sa réclamation sur l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de nous exhiber un tableau de répartition. Quelques routes à construire n’étaient point encore désignées ; les plans de quelques autres n’étaient pas achevés. Le vote de confiance fut accordé et les 6 millions furent votés.

Comme il est dans l’intérêt du pays que la chambre n’accorde jamais, dans l’état normal d’une administration quelconque, des votes de confiance, et comme le ministre des travaux publics doit connaître maintenant la répartition des six millions affectés aux routes pavées, je demande qu’il veuille bien nous présenter ce tableau de répartition, afin que la chambre puisse au moins connaître sur quoi elle vote et se rendre raison de l’application des six millions.

Je fais cette demande au ministre des travaux publics, en premier lieu parce que mon devoir à moi, tel que je l’entends, est de ne jamais accorder, dans un état normal, des votes de confiance, ou, en d’autres termes, de voter en aveugle ; déjà j’ai refusé mon vote à la loi du 18 juin 1836 ; ensuite, parce que mon vote approbatif ou négatif dépendra de la répartition de routes que le ministre des travaux publics aura établie entre les provinces.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, le vote de confiance que l’honorable préopinant ne veut pas accorder au ministère lui est acquis par la loi du 2 mai 1836, qui a mis à la disposition du gouvernement une somme de 6 millions pour la construction de routes nouvelles.

La question de répartition soulevée par l’honorable membre a été à cette occasion longuement examinée. La chambre a abandonné au gouvernement la répartition des 6 millions ; la chambre a compris qu’elle était dans l’impossibilité de faire cette répartition, par le motif que cette tâche, par la nature des choses, ne pouvait être remplie par une assemblée législative.

Ainsi, messieurs, l’interpellation que l’honorable préopinant a bien voulu m’adresser ne sert à rien moins qu’à remettre en question ce qui a été décidé ; ce serait, en un mot, le retrait de la loi du 2 mai 1836.

Il est très vrai qu’usant de l’autorisation que lui laissait l’article 3, paragraphe 3, de la loi du 19 juin 1836 qui a décrété un emprunt de 30 millions, le gouvernement a pris sur les 6 millions une somme de 5 millions et demi pour les travaux du chemin de fer. Une partie de l’emprunt des 6 millions se trouve déjà affectée à des travaux ; mais autre chose est d’adjuger des travaux, et de payer des travaux déjà faits. L’échéance du paiement de ces derniers n’aura lieu que dans le cours de cet hiver ou vers le printemps prochain, de sorte que le gouvernement espère que sur les 10 millions de bons du trésor, neuf pourront être employés aux travaux du chemin de fer, et qu’un million suffira pour payer les travaux adjugés, à mesure de l’échéance, et après qu’il aura été reconnu que les entrepreneurs ont rempli les engagements qu’ils ont contractés aux termes du cahier des charges.

M. Verdussen. - Je remarque que l’on a inséré dans la loi le numéro de la loi relative à l’emprunt des 30 millions ; je voudrais qu’on y mentionnât également celui de la loi du 2 mai 1836 ; c’est le n°21. (Oui ! oui !)

M. de Foere. - Messieurs, je persiste à demander au ministre des travaux publics ce tableau de répartition, malgré les objections qu’il vient de nous présenter. La chambre doit pouvoir se rendre raison de l’application de 5 millions et demi qu’on lui propose de voter. J’insiste d’autant plus sur ma demande que M. le ministre des travaux publics nous déclare que déjà quelques routes sont adjugées. Il peut donc, soit en tout, soit en partie, nous présenter le tableau de répartition que je demande. Ce n’est pas, messieurs, que j’exige une répartition rigoureusement juste des six millions entre les diverses provinces du pays. Je suis disposé pour ma part à accorder une distribution plus large aux provinces qui éprouvent un plus grand besoin de voies de communication. Je crois que c’est aussi l’intention de la majorité de la chambre ; mais je m’opposerai toujours à l’emploi des six millions, s’il devait être presque tout entier absorbé par des routes construire dans une ou deux provinces, alors que les autres provinces ont construit leurs routes à leurs propres dépens.

M. Pirmez. - Je n’ai à faire qu’une simple observation. La question qui vient d’être soulevée par l’honorable M. de Foere, je l’ai soulevée dans la séance d’avant-hier ; je disais alors, et je n’ai pas changé d’avis, qu’il fallait une nouvelle loi, pour que le gouvernement pût user du crédit des six millions pour la construction de routes pavées.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, les honorables préopinants perdent de vue qu’il ne s’agit ici que d’une loi d’exécution, dont le principe a été posé dans une loi spéciale. La loi du 2 mai 1836 a décidé qu’on construirait des routes nouvelles là où elles seraient nécessaires, jusqu’à concurrence d’une dépense de six millions hypothéquée sur les produits généraux des routes ordinaires. Il reste donc à donner le moyen d’exécuter cette loi du 2 mai 1836, aussi bien que celles du 1er mai 1834 et du 27 mai 1837, c’est-à-dire de mettre à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour continuer les travaux.

Lorsque, par un amendement qui a été très sagement introduit dans la loi relative à l’emprunt, on a attribué au gouvernement la faculté de consacrer provisoirement aux travaux du chemin de fer une partie des fonds de l’emprunt destinés à la construction de routes ordinaires. on a voulu simplement créer une facilité d’administration intérieure ; mais on n’a pas prétendu qu’une chose qui avait été irrévocablement décidée, savoir la construction de routes nouvelles, jusqu’à la concurrence de six millions, serait plus tard remise en question.

Les observations qui viennent d’être faites ne sont donc pas plus admissibles aujourd’hui qu’elles ne l’ont été dans la séance d’avant-hier.

Vote sur l’ensemble du projet

La chambre ayant confirmé l’amendement inséré dans le projet de loi, lors du premier vote, il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.

75 membres répondent à l’appel nominal.

1 membre s’abstient.

73 membres répondent oui.

2 répondent non.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis nu sénat.

M. Eloy de Burdinne., qui s’est abstenu, motive ainsi son abstention. - Messieurs, j’éprouve des craintes que les travaux du chemin de fer et ses nombreux embranchements déjà consentis et à consentir ne viennent un jour compromettre les finances du pays. Dans le doute où je suis que ces nombreux travaux seront avantageux ou non à la majorité de la nation, je n’ai pu émettre un vote affirmatif sur le projet de loi.

Ont répondu oui : MM. Andries, Bekaert-Backelandt, Brabant, Coghen, Coppieters, Corneli, Van Volxem, Metz, David, Dechamps, de Jaegher de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Werner de Mérode, Demonceau, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Verhaegen, Jadot, Martens, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Mercier, Lejeune, Manilius, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, Vergauwen, de Langhe, de Florisone, Wallaert, Zoude, Raikem.

Ont répondu non : MM. de Foere et Pirmez.

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Second vote du tableau du tarif

Bas et bonneteries

M. le président. - La discussion continue sur l’article « bonneterie. »

La parole est à M. Dumortier.

M. Dumortier. - Vous avez entendu au commencement de la séance, d’après la demande de l’un de nous, la lecture d’une lettre adressée à la chambre par le sieur Benda, dont j’ai critiqué, comme il le méritait, le tableau dans une séance précédente.

Si je devais produire une pièce tendant à prouver l’inexactitude du premier travail produit par le sieur Benda, je ne pourrais rien désirer de mieux que la pièce qu’il produit aujourd’hui ; en effet, vous verrez, en comparant le premier tableau au deuxième, combien le premier est inexact ; et vous comprendrez par là combien bien peu vous devez accorder de confiance soit à l’un, soit à l’autre.

J’ai dit que le sieur Benda, dans le travail qu’il a présenté à la chambre, avait établi ses calculs sur un poids illégal, tandis qu’il calculait le droit au kilogramme. Il résulte de là une grande difficulté de vérifier l’exactitude de ces calculs ; il était toutefois facile de voir que ces calculs étaient inexacts ; en effet, le pétitionnaire a présenté plusieurs catégories de bas que nous avions sous les yeux à la section centrale, et qui pèsent de 7 à 8 hectogr., il les a présentées, dis-je, comme pesant plus d’un kilog. la douzaine de bas, puisque le droit qu’il leur attribuait était au-delà de 4 fr., et qu’aux termes de la proposition de la section centrale 4 fr. étaient la base par kilog. Eh bien, quelqu’un prétendra-t-il qu’une douzaine de bas en coton pèse plus d’un kil. ? Il était donc manifeste, par les chiffres de la section centrale, qu’il y avait une majoration de près d’un quart dans le premier tableau présenté par le sieur Benda, et que, pour dissimuler cette majoration, il employait le poids par onces afin de rendre la vérification impossible.

Aujourd’hui l’inexactitude du premier tableau du sieur Benda est bien plus flagrante, puisque le deuxième tableau qu’il nous remet et qui repose sur les mêmes éléments présente tous chiffres différents du premier. Ce nouveau tableau est donc, de la part du pétitionnaire, un aveu manifeste qu’il nous avait trompés au premier vote. Quelques exemptes pris parmi les marchandises numérotées, vont rendre ceci évident ; je prendrai les mêmes catégories que j’ai précédemment signalées.

Les bas de coton n°3, à trois fils, étaient présentés dans le premier tableau comme devant payer fr. 4 20 la douzaine. Cette même catégorie est omise dans le tableau qui nous est présenté aujourd’hui ; mais les bas n°2 qui sont plus communs et plus lourds ne sont portés que devant payer fr. 3 60 la douzaine. Il y avait donc exagération évidente dans les premiers chiffres.

La catégorie n°4 se trouve reproduite dans les mêmes termes que dans la première pétition : d’après le premier tableau, elle devrait payer 4 fr. 5 c. par douzaine ; dans le dernier tableau on ne la présente plu que comme devant payer 3 fr. 66 c. Il y avait donc encore ici exagération manifeste dans la première pétition ; exagération avouée par son auteur.

La catégorie n°28 était portée dans le premier tableau du sieur Benda comme devant payer, au taux proposé par la section centrale, 3 fr. 60 c. la douzaine. Aujourd’hui cette même catégorie n’est plus portée par lui qu’à 3 fr. : différence, 60 centimes ; à peu près un cinquième d’exagération.

La catégorie n°40 était portée comme devant payer 3 fr. 30 c. la douzaine ; aujourd’hui ce n’est plus que 2 fr. 72 c.

Récapitulons donc les deux déclarations du sueur Benda, sur le droit basé à raison de 4 fr. le kilogramme :

Bas blancs n°2 à 3 fils, le kil. : première déclaration : 0 fr. 00 c. ; deuxième déclaration : 3 fr. 60 c.

Bas blancs n°3 à 3 fils, le kil. : première déclaration : 4 fr. 20 c. ; deuxième déclaration : 0 fr. 00 c.

Bas blancs n°5 à 3 fils, le kil. : première déclaration : 4 fr. 05 c. ; deuxième déclaration : 3 fr. 36 c.

Bas blancs n°28 à 3 fils, le kil. : première déclaration : 3 fr. 60 c. ; deuxième déclaration : 3 fr. 00 c.

Bas blancs n°40 à 3 fils, le kil. : première déclaration : 3 fr. 30 c. ; deuxième déclaration : 2 fr. 72 c.

Ainsi, les déclarations faites aujourd’hui par le sieur Benda, sont l’aveu de la fausseté de son premier tableau. Il est forcé d’avouer aujourd’hui qu’il a présenté des chiffres inexacts à la législature. D’après cela, n’est-il pas vrai qu’on vous a présenté des résultats exagérés pour vous tromper, pour vous induire en erreur ? D’après cela vous pouvez juger du cas que vous devez faire de pétitions qui vous sont adressées par des étrangers, dans le but de faire prévaloir l’industrie de leur pays contre une industrie éminemment nationale qui occupe 50 mille ouvriers.

Vous signalerai-je d’autres erreurs dans la pétition que j’ai en main ? Le pétitionnaire disait que les fabricants de Tournay tirent leurs bas blancs de l’Allemagne et les ont toujours tirés. C’est à une fausseté manifeste. Il s’en fabrique une quantité considérable dans l’arrondissement de Tournay. Il prétend aussi que les gants de coton et les bas à jour ne se fabriquent pas dans le pays ; à la vérité, il se fabrique moins de gants que de bas blancs, cependant il s’en fabrique. Il dit qu’on ne fait en Belgique que du tricot à la main, tandis que la ville de Tournay seule a au moins 2,500 métiers et qu’il y en a plus de 5,000 en Belgique. Ce sont là des faussetés qu’un négociant étranger est venu nous présenter pour nous induire en erreur de la manière la plus grave pour l’industrie du pays. Ce qu’il y a de plus odieux dans cette conduite, c’est que ce négociant devait connaître la fausseté de ses assertions, et qu’ainsi, s’il vous a trompés, c’est avec préméditation.

Je bornerai là mes observations, je crois en avoir dit assez pour apprécier à leur juste valeur les observations du sieur Benda.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ferai remarquer, sans suivre le préopinant par les détails dans lesquels il est entré, que les premiers calculs de M. Benda différaient très peu de ceux qu’il vient de renouveler. Il résulte, en effet, de tous les tableaux qu’il a présentés que, d’après l’application du tarif primitif de la section centrale, certaines espèces de gants seraient taxées à 75 p. c. : voilà ce que signale de nouveau M. Benda. Qu’on dise que dans la première pétition il y a eu erreur, je le veux bien, mais le pétitionnaire persiste soutenir que l’application du mode proposé par la section centrale frappe certaines catégories d’un droit excessivement élevé.

Je regrette de devoir faire remarquer à l’honorable préopinant qu’il a tort de qualifier le pétitionnaire comme le dernier des étrangers. Cet homme habite depuis 18 ans en Belgique ; il y a un grand établissement, y fait un commerce très étendu. Depuis 1830, il a plusieurs fois été élu officier de le garde civique, et depuis plusieurs années il demande la naturalisation.

On ne peut donc pas le considérer comme un étranger arrivé d’hier, comme une espèce d’aventurier. Sans doute l’honorable préopinant ne connaissait pas ces faits que je puis garantir. J’ai eu hier la visite du pétitionnaire ; il était très affligé, parce que les attaques dont il a été l’objet dans cette enceinte, peuvent nuire à son commerce et à la considération dont il jouit à juste titre.

Revenant à l’objet en discussion, je dirai qu’il existera toujours, quoi qu’on fasse, des disproportions très notables dans la tarification de la section centrale ; il faut toutefois tenir compte des amendements qui viennent d’être présentés par les députés de Tournay. C’est un nouveau point à traiter, sur lequel je m’expliquerai lorsque les auteurs auront complété leurs développements. M. Dubus était arrivé, à la dernière séance, à examiner le taux du droit qu’il proposait ; j’attendrai qu’il ait terminé son discours.

M. Dumortier. - Je ne peux que répéter encore une fois ce que j’ai déjà dit et recommencer, si on le désire, la démonstration que je viens de faire…

Plusieurs voix. - Non, non !

M. Dumortier. - … pour vous montrer que nous devons notre sympathie non à un étranger qui est depuis plus ou moins longtemps dans le pays, mais aux ouvriers auxquels il veut enlever le pain en nous entraînant à des mesures pour eux. Ce qu’il y a d’odieux dans sa conduite, ce sont les moyens détournés qu’il emploie. S’il avait basé ses chiffres sur des poids usités, nous aurions pu au premier abord apprécier et reconnaître les erreurs qu’il aurait pu commettre ; mais quand on emploie des poids qui n’ont plus cours, il est évident qu’on veut faire autre chose que défendre les justes droits de l’industrie qu’on exerce.

M. le président. - La parole est à M. Dubus pour continuer les développements de sa proposition.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, hier je traitai la question du mode de perception qui me paraissait préférable pour les droits à établir sur les articles de bonneterie. J’ai répondu, je pense, et complétement répondu aux objections principales qu’on faisait à ce mode ; et j’ai fait remarquer que quand elles auraient quelque valeur, elles ne devraient pas arrêter la chambre ; par une circonstance tout à fait favorable, elles s’évanouissent, quand il est question de bonneterie, et elles sont plus vraies à l’égard d’autres articles pour lesquels cependant notre tarif a préféré le droit au poids, parce qu’il présente de véritables avantages, parce qu’il se recommande par la facilité de la vérification qui est toute matérielle, parce qu’on est assuré qu’elle se fera partout de la même manière et dans tous les bureaux, et par tous les employés, et à l’égard de tous les négociants ; parce que la protection qu’on aura en vue sera effectivement accordée, que le but du législateur sera atteint ; parce que rien n’est laissé à l’arbitraire de l’employé, que dans tel bureau il ne pourra pas y avoir des vexations qu’on ne rencontrerait pas dans un autre ; que dans un même bureau on ne pourra pas se conduire vis-à-vis d’un négociant, autrement que vis-à-vis de l’autre négociant. De plus, on n’est plus obligé d’avoir recours à la préemption. Toutes ces raisons ont fait préférer le mode de tarification au poids.

Je me souviens qu’il nous est arrivé souvent des pétitions exprimant des plaintes contre le droit de préemption. Cette mesure est un mal, mais elle doit être considérée comme un mal nécessaire, dès qu’il y a tarification à la valeur. Quand, au contraire, vous revenez à la tarification au poids, il n’est plus nécessaire de subir l’inconvénient du droit de préemption dans l’exercice duquel les employés peuvent commettre de grandes erreurs. Un négociant qui a fait la déclaration la plus véridique, peut se trouver privé d’une marchandise sur laquelle il comptait et se la voir enlever au moment où il s’y attend le moins, et où il en a le plus pressant besoin.

Quant à l’insistance que l’on met à recommander à la chambre les tableaux qui lui ont été adressés par un étranger, ces observations qui ont déjà été faites, toute question d’intention à part, établissent en fait qu’on vous a induits en erreur volontairement ou involontairement une première fois. Indépendamment de ces observations il en est une autre, c’est que toujours on vient présenter à la chambre un choix de deux ou trois articles, tandis que la section centrale avait opéré dans chaque catégorie sur tous les articles et sur tous les numéros. On veut faire perdre de vue que dans chaque catégorie c’est au taux moyen qu’il faut chercher, et on prend des qualités exceptionnelles qui présentent le plus de poids comparativement à leur valeur, et on veut que la chambre se base sur ces espèces exceptionnelles pour lesquelles on ne fera point une expédition spéciale, mais que l’on ne rencontre jamais que mêlées dans une même expédition avec un grand nombre d’autres espèces. Pour que ces objections puissent avoir du poids, il faudrait qu’on les appuyât de factures délivrées à une date non suspecte et ne mentionnant que ces espèces particulières. Alors on pourrait dire que le droit sera plus élevé que le prétend la section centrale. Mais on ne présentera pas ces factures ; on ne placera pas la question sur ce terrain. Cependant c’est là le véritable terrain. Il s’agit de savoir à combien reviendra le droit sur chaque expédition et non sur un article à choisir entre 20 ou 30 dans une expédition.

Ainsi tous les tableaux faits dans le sens que je viens d’indiquer, ne prouvent rien ; il fallait les dresser comme l’a fait la section centrale, ou contrôler, article par article, le travail qu’elle a fait et auquel elle a invité beaucoup de membres de cette assemblée à assister. Et beaucoup de membres de cette assemblée, et notamment plusieurs de nos adversaires, ont répondu à cette invitation. Moi-même me trouvant à travailler en section, j’ai été invité, avec les membres de cette section, mà e rendre à la section centrale, pour être présent aux vérifications. Je n’ai pas pu m’y rendre ; mais plusieurs membres s’y sont rendus.

J’ai voulu ajouter ce peu de mots à ce que j’ai eu l’honneur de dire en faveur de la perception au poids.

J’aborde maintenant la question du taux de la perception.

Ici nous avons dû prendre en considération les diverses propositions faites à la chambre. Il y a d’abord celle du gouvernement. Dans l’état actuel, l’industrie de la bonneterie est protégée par un droit de 20 p. c. à la valeur à la frontière de France, et par un droit de 10 p. c. aux autres frontières. Le gouvernement vous propose de réduire le droit de 20 p. c. à 10 p. c. vers la frontière de France. Deux autres propositions sont faites dans le même sens. L’une faite par M. Pirson reproduit à peu de chose près la proposition du gouvernement ; elle consiste à fixer le droit à 12 p. c. vers toutes les frontières. Certes, c’est là frapper d’un coup à peu près aussi pénible l’industrie du pays. Autant vaut laisser la proposition du gouvernement dans toute sa crudité. M. A. Rodenbach propose un droit de 15 p. c. à toutes les frontières et à la valeur. D’autre part, vous avez la proposition de la section centrale qui admet une tarification au poids, et qui a calculé, notamment sur les qualités moyennes (car sur les qualités fines le droit serait moindre), de manière à arriver à un taux moyen de 15 p. c. à la valeur. Elle vous a présentée des tableaux dans ce sens ; et comme ces tableaux ont subi le reproche de présenter un trop grand nombre de catégories, pour le cas où la chambre serait de cet avis, mon honorable ami et moi avons présenté un amendement qui modifie le travail de la section centrale, en restreignant le nombre des catégories. Enfin, il y a l’opinion d’un honorable député de Bruxelles, appuyée par plusieurs honorables membres, laquelle tient au maintien du statu quo pour tous les articles de la loi qui vous ont été proposés.

Il est constant en fait, et je ne crois pas que personne l’ait mis en doute, que l’industrie de la bonneterie est une industrie qui souffre. Les ministres, je crois, ne peuvent pas dire le contraire. Il s’agit donc d’une industrie souffrante. Eh bien, la question est celle-ci : Elle souffre cette industrie ! Voulez-vous porter remède au mal ? Voulez-vous la laisser dans cet état de souffrance ? ou voulez-vous aggraver le mal ? Voilà, je crois, comment se résume la véritable question résultant des diverses propositions que je viens de rappeler. C’est la question que je vais traiter.

Cette industrie souffrante mérite-t-elle quelque intérêt ? Evidemment : elle est des plus intéressantes ; et je crois que les organes du gouvernement sont d’accord avec nous sur ce point. On vous a dit que dans le district de Tournay elle occupe un grand tiers de la population. On vous a dit qu’elle occupe tous les sexes et tous les âges, que les enfants et les vieillards y sont occupés, que l’habitant des campagnes comme celui des villes y trouve une ressource ; que d’ailleurs le travail ne se fait pas dans les ateliers, mais dans les familles et à domicile. On vous a dit aussi (c’est l’honorable député d’Anvers qui l’a dit) que c’est une industrie aussi ancienne que le pays. Si cette industrie est aussi ancienne que le pays, elle doit y avoir jeté de profondes racines. Dès lors, au lieu de la frapper, ne lui devez-vous pas une protection toute spéciale ? La production de cette industrie est importante ; nous l’estimions à 8 millions ; il ne tiendrait qu’à nous d’augmenter de beaucoup ce chiffre, si nous adoptions les renseignements du gouvernement, parce qu’alors nous pourrions supposer que la production est de 40 millions et plus ; mais nous ne voulons pas donner dans ces exagérations. Nous savons que la fabrication véritable de la bonneterie n’excède guère les 8 millions indiqués dans la pièce que j’ai signalée à une autre séance.

Mais une industrie dont le produit est de 8 millions, n’est assurément pas à mépriser, surtout lorsque cette industrie alimente un grand nombre d’ouvriers ; car vous n’avez pas seulement à considérer les 5 mille métiers que cette industrie fait mouvoir, mais les 50 mille ouvriers qui en vivent. Vous ne trouverez pas d’industrie, à l’exception de celle des toiles qui puisse être mise en comparaison avec celle-là, sous le rapport du nombre des ouvriers employés. Elle produit 8 millions. Mais quels sont ses débouchés ? On ne vous en a guère indiqué d’autre que la consommation intérieure. Son principal débouché était la France De ce côté maintenant il y a prohibition. Quant à l’Allemagne, il y a un droit de 4 fr. pour protéger contre nos importations la fabrication allemande ; c’est le même droit que nous demandons. On parle aussi de la Hollande. Les renseignements du gouvernement établissent que le taux moyen de notre importation en Hollande est seulement de 350,000 francs. Comme on ne paie presque rien à l’exportation, il n’y a pas lieu de croire que l’on dissimule la valeur, et on ne peut douter de l’exactitude du chiffre indiqué. Mais il est constaté que l’importation de l’Allemagne seule s’est élevée pour l’année qui a précédé la présentation du projet, à 700,000 fr. de valeur déclarée ; or, puisqu’il est démontré qu’on peut faire impunément des déclarations en dessous de la moitié de la valeur, vous pouvez comprendre que l’importation de l’Allemagne est double.

Je le répète, une importation de 1,400.000 fr. venant d’un seul pays, mise en regard d’une fabrication indigène de 8 millions, est chose très importante.

Cette industrie, messieurs, est liée à d’autres. Elle est liée de très près à l’industrie agricole ; une grande partie des ouvriers qu’elle emploie sont des hommes qui vivent aussi de l’industrie agricole. Elle emploie la laine du pays ; nos fabricants vont en acheter, non pas dans les environs seulement, mais à Tirlemont, mais dans le pays de Liége : ce sont des faits qui sont à la connaissance de plusieurs d’entre vous. Elle emploie une partie des produits de nos filatures de coton ; elle donne du travail à nos blanchisseries, à nos ateliers de teinture : sous tous ces rapports encore elle est importante et mérite tout l’intérêt de la législature.

Nous avons d’ailleurs à prendre exemple des gouvernements voisins sur l’intérêt qu’elle mérite, et la protection qui lui est due. Lorsque le gouvernement des Pays-Bas s’est décidé en 1823 à la protéger, il l’a fait à l’exemple des gouvernements qui l’avoisinaient.

Dans ces circonstances, je ne puis réellement pas concevoir que l’on insiste pour déterminer la législature belge à retirer à une industrie belge, de cette importance, la protection dont elle jouit actuellement. La proposition du gouvernement me semble jugée par ce seul mot, car elle revient à retirer à cette fabrication la protection qu’elle a maintenant.

D’ailleurs, comment pourrait-on caractériser un pareil vote en présence du vote donné par la chambre dans la question des toiles ?

J’appelle l’attention de la chambre sur ce fait, parce que je réponds en quelque sorte à un fait personnel en rappelant une décision que vous avez prise. Deux députés d’Anvers, si pas trois, ont insinué que j’étais en contradiction avec moi-même ; j’ai été invité par l’un d’eux à être d’accord avec moi-même, et à défendre ici les principes que je défendais dans la question des toiles. Il me semble qu’il faudrait examiner les circonstances qui environnent les deux questions ; car, si elles sont semblables, je demanderai que l’on porte la même décision.

Il y avait 1 p. c. de droit à l’entrée des toiles étrangères ; c’était avec ce droit, qui équivaut à une protection nulle, que l’industrie des toiles se présentait devant vous, et s’y présentait en quelque sorte comme triomphante.

On vous disait, en effet : La production est de 40,000,000 ; nous exportons pour 15,000,000, mais il entre pour 600,000 fr. de toiles d’Allemagne, et la conséquence que l’on tirait de là, c’est que le droit était insuffisant, et qu’il fallait le décupler, le remplacer par un droit de 10 p. c. au moins.

Si je tirais des conséquences pareilles pour la bonneterie, je présenterais des chiffres qu’il serait impossible de voter ; mais je me contente de vous demander de tiercer le droit vers la frontière d’Allemagne, pourvu que le mode adopté en assure la perception.

Quant aux toiles cependant, le député d’Anvers trouvait bonne la proposition du député de Roulers qui allait beaucoup plus loin ; vous aviez trouvé qu’une introduction de 600,000 francs en regard d’une production de 4 millions était un mal, et qu’il fallait y porter remède ; aussi vous vouliez décupler le droit ; je demande beaucoup moins que cela : je demande qu’on le porte de 10 à 15 à l’égard d’une des frontières, et quant à l’autre il serait un peu abaissé.

Mais vous, de ce que l’industrie de la bonneterie souffre, vous en tirez la conséquence qu’il faut la faire souffrir encore davantage : c’est vous qui êtes aujourd’hui en opposition avec vous-mêmes.

L’importation des toiles d’Allemagne était estimée à 600,000 fr. de valeurs déclarées, et comme le droit n’était que de un p. c., il y a lieu de croire que l’on ne dissimulait guère la véritable valeur ; on n’y avait pas d’intérêt ; mais ici il est probable que l’on ne déclare que la moitié de la valeur. Ainsi les 700,000 fr. de valeurs déclarées en font 1,400,000.

Or, ces 1,400,000 fr. ne se perdent pas dans un océan de 45 millions, et ils se trouvent en regard d’une production de 8 millions seulement. Il pouvait y avoir contestation pour les toiles, cependant personne n’a contesté ; tout le monde a voulu protéger cette industrie et a voulu admettre la proposition de M. Rodenbach ou celle de la section centrale ; on ne s’est divisé que sur le choix entre les deux propositions : qu’est-ce qui principalement a donné lieu à la dissidence ? le voici : c’est que la proposition qui a réussi n’a surgi que dans le cours des débats. On avait attaqué le tarif français ; on l’avait présenté comme portant des droits exorbitants que l’on estimait jusqu’ 2 p. c. ; et tout à coup la section centrale, voulant assurer un droit de 7 p. c., proposa d’adopter le tarif français.

J’avoue que j’avais peine à me rendre à l’opinion que l’adoption du tarif français, modifié un peu. Il est vrai, dans la section centrale, donnât un droit de 7 p. c. Il y a plus, c’est que, quant au mode de perception, on dit, et cette assertion n’était pas contestée, que l’emploi du compte-fil, qui devait accompagner la tarification au poids, donnait lieu à un droit incertain, parce que, selon qu’on appliquait le compte-fil, à un endroit ou à un autre, il y avait différents droits ; et aujourd’hui encore, depuis qu’une loi française a augmenté le nombre des classes, j’apprends que l’on se plaint que le tarif français donne lieu à beaucoup de difficultés sur la perception du droit de nos toiles exportées en France.

En troisième lieu, je pensais qu’au moment où l’industrie des toiles réclamait l’abaissement du tarif français, elle ne devait pas désirer que la législature belge l’adoptât. Il n’y a rien dans tout cela qui me mette aujourd’hui en contradiction avec moi-même. Je crois que je ne suis pas sorti des principes que je défendais alors ; je voulais alors protéger efficacement l’industrie des toiles, je veux aujourd’hui protéger efficacement l’industrie de la bonneterie. Je demandais un droit décuple pour les toiles, je demande aujourd’hui beaucoup moins pour la bonneterie. En tout cas, la question a été solennellement jugée. La chambre a voté à une majorité des trois quarts des voix et le mode de perception et le tarif proposés par la section centrale, et cela en présence des faits signalés ; comment pourrait-elle hésiter maintenant à prendre une mesure beaucoup moins protectrice pour la bonneterie, quand la souffrance de cette industrie est évidemment beaucoup plus grande ? C’est ce que j’aurais peine à concevoir.

Ainsi, messieurs, il n’y a lieu de s’arrêter ni à la proposition du gouvernement, ni à celle de M. Pirson, ni à celle de M. A. Rodenbach.

La proposition de M. Rodenbach enlève manifestement à l’industrie de la bonneterie une partie de la protection dont elle jouit, puisqu’elle réduit le droit vers la frontière de France à 1 p. c., tandis qu’il est actuellement de 20 p. c. Evidemment cela lui portera dommage ; cela lui facilitera l’introduction des marchandises françaises.

Cet honorable député, d’après les renseignements qu’il a obtenus, évalue la prime d’introduction en fraude à 14 ou 15 p. c. Or, quand on déclare qu’un droit de 10 p. c. à la valeur ne revient qu’à un droit réel de 7 p. c., on doit avouer qu’un droit de 15 p. c. à la valeur n’équivaudra qu’à un droit de 10 ou 11 p. c. à la valeur. Pour la frontière d’Allemagne cela vaudra beaucoup moins.

Je le demande à l’auteur de la proposition, lorsqu’une protection de 15 p. c. au moins est réduite à 11, peut-on dire que par là il est apporté quelque soulagement à une industrie qui souffre ; et n’est-il pas est-il pas évident au contraire que le mal est aggravé ?

Quand il s’agissait de l’industrie des toiles qui souffrait moins, il voulait décupler le droit ; je crois que l’honorable membre qui a proposé 15 p. c., sera obligé de reconnaître qu’il y a lieu aujourd’hui, plus que pour les toiles, de donner protection à la bonneterie, et qu’il ne peut persister dans une proposition dont l’effet de retirer une partie de la protection dont la bonneterie jouit d’après le tarif actuel.

Mais, messieurs, vaut-il mieux rester dans le statu quo ? car il y a des opinions qui se sont manifestées dans cette enceinte, et qui avaient pour but de tout rejeter, et les amendements et la loi.

Je comprends le système du statu quo dans ce sens qu’on repousserait toute concession à faire à la France, même celles qui ne porteraient aucun dommage à notre industrie, par le motif que la France ne nous a pas fait de concessions ; mais je ne comprendrais pas qu’on allât jusqu’à vouloir paralyser l’action de la législature dans tous les cas où il serait évident qu’il y aurait des mesures de douane à prendre pour protéger notre industrie existante. Quoi ! parce que la France ne nous fait pas de concessions, il n’y a pas de mesures à prendre contre l’introduction des marchandises allemandes qui portent un si grand dommage à l’industrie de la bonneterie ! C’est, messieurs, ce que je ne puis pas comprendre : alors la chambre n’aurait pas dû non plus prendre de mesures en ce qui concernait les toiles, ni les céréales, ni le bétail, ni les os, etc., etc. Nous ne pouvons donc plus toucher au tarif des douanes ?

Il me paraît, messieurs, que dès que vous modifiez la loi qui vous est soumise de manière à accorder à l’industrie nationale tout ce que les intérêts du pays exigent, vous ôtez à cette loi le caractère que le gouvernement lui avait donné ; cela est tellement reconnu par le gouvernement lui-même qu’un de ses organes a déclaré dès le début de la discussion actuelle que, par les amendements introduits au premier vote dans le tarif, le premier article du texte de la loi devait être considéré comme rejeté et que cette loi devrait être rédigée autrement. Vous n’avez donc pas à craindre que cette adoption offre des dangers pour les intérêts belges, si vous la modifier comme elle a été modifiée au premier vote, sauf l’article qui concerne les draps sur lequel j’espère que la chambre reviendra, puisqu’il n’a passé qu’à une majorité d’une ou deux voix, et que sans doute plusieurs membres qui faisaient partie de cette majorité, en voyant qu’elle a été si faible, pour une innovation de cette importance, prendront le parti de passer de l’autre côté pour conserver ce qui existe, c’est-à-dire, la prohibition, qui a été si pleinement justifiée. Moyennant ce changement au projet qui a été adopté au premier vote, vous avez une loi qui ne porte aucun dommage à l’industrie du pays, qui n’a plus le caractère qu’avait le projet du gouvernement, et que les partisans du système du statu quo peuvent adopter sans rien modifier à leurs principes ; il sera temps assez de jeter l’ensemble de la loi si les amendements n’étaient pas admis. Dans ce cas je serais le premier à voter avec eux contre l’ensemble de la loi.

Lorsqu’une industrie souffre, c’est à nous de lui venir en aide, et la question de savoir si la France nous a fait ou non des concessions ne peut nullement influer sur la protection que nous avons donnée à cette industrie souffrante, si par des modifications au tarif nous pouvons réellement porter remède au mal.

On a dit : « Mais l’adoption de tel et tel amendement, en satisfaisant certains intérêts, peut procurer au gouvernement un vote favorable sur l’ensemble de la loi et léser ainsi d’autres intérêts. »

Il me paraît, messieurs, qu’à cet égard vous avez une garantie dans l’expérience de ce qui s’est pratiqué jusqu’ici : on a toujours vu, en effet, que les divers intérêts se tiennent la main, se soutiennent mutuellement, se confondent dans un seul intérêt, celui du pays, celui de l’industrie nationale ; ceux qui veulent protéger l’industrie de la bonneterie, veulent également (leurs discours l’attestent) protéger l’industrie de la draperie, des faïences et des porcelaines ; vous avez vu que la plupart de ceux qui, il y a trois ans, ont voulu protéger l’industrie des toiles, et qui, selon l’opinion de l’honorable membre auquel je réponds, ont pu croire le principal intérêt de leurs provinces satisfait ; vous avez vu, dis-je, que la plupart de ces membres sont venus défendre aussi l’intérêt de bonneterie et les autres intérêts compromis par le projet du gouvernement.

Je crois donc que la crainte manifestée par l’honorable membre auquel je réponds en ce moment est une crainte chimérique, et que quand il a dit que le parti le plus sûr à prendre relativement à la loi qui nous occupe est de rejeter tous les amendements, il a perdu de vue que le vote d’un amendement n’est jamais qu’un choix fait entre cet amendement et la proposition primitive ; que celui même qui ne voudrait ni de l’un ni de l’autre, a toujours intérêt à choisir la disposition qu’il regarde comme la moins mauvaise, sauf à voter ensuite contre l’ensemble de la loi, puisqu’en votant contre l’amendement il n’est pas sûr que pour cela la proposition primitive ne sera pas admise, et que si elle est admise, il aura, contre sa volonté, concouru à la faire admettre en votant contre l’amendement. Ainsi dès qu’un amendement est préférable à la proposition primitive, il faut toujours l’admettre, sauf à voter contre l’ensemble de la loi, si l’on n’est pas encore satisfait de l’amendement. C’est de cette manière que les lois ont toujours été votées jusqu’ici, c’est même pour cela que les amendements sont toujours mis aux voix avant la proposition principale.

D’ailleurs, messieurs, si la chambre pouvait prendre le parti que conseille l’honorable membre, cela serait de nature à faire concevoir certaines industries les plus grandes craintes sur leur avenir. Eh quoi ! la chambre reculerait devant la proposition de donner à une industrie la protection dont elle a besoin, par le seul motif qu’il y a des négociations ouvertes avec la France ! Mais cela reviendrait à dire à ceux qui s’occupent de cette industrie que si le résultat des négociations est favorable, leur industrie sera sacrifiée à une autre industrie ; ce serait donc leur présenter ce sacrifice comme à peu près certain dans un avenir plus ou moins rapproché, plus ou moins éloigné. Il y a eu des négociations ; nous n’en avons pas le secret, mais aurait-on dans ces négociations consenti à sacrifier à l’industrie de la draperie celle de la bonneterie, celle des faïences et porcelaines ?

Une voix. - Il paraît que oui !

M. Dubus (aîné). - J’entends dire qu’il paraît qu’oui. Quoi qu’il en soit, je pense qu’on a demandé plus que ce que nous trouvons dans la proposition dont les chambres françaises ont été saisies : je pense qu’on s’attendait, par exemple, à voir lever la prohibition de l’introduction de nos draps en France ; mais dans ce cas même était-ce une raison de tarifer une industrie vitale pour une partie du pays ? L’industrie drapière est importante, elle fait la prospérité d’une partie de la province de Liége, mais l’industrie de la bonneterie est importante aussi, elle fait la prospérité d’une partie de la province du Hainaut, et si dans les négociations on se proposait de sacrifier le Hainaut à la province de Liége, était-ce là un moyen de cimenter l’union entre tous les habitants de la Belgique ? Croit-on que les habitants du Hainaut auraient été fort reconnaissants envers les négociateurs qui auraient amené un semblable résultat et envers la législature qui l’aurait sanctionné ? Qu’ils auraient été aussi attachés qu’auparavant à notre nationalité ? Nous devons protéger toutes les industries dans le vote que nous allons émettre. Nous devons émettre ce vote dans la pensée de protéger et l’industrie de la bonneterie et l’industrie de la draperie et celle des faïences et porcelaines et celle des verreries.

Une voix. - C’est une bonne coalition !

M. Dubus (aîné). - Oui, c’est là une bonne coalition, c’est la meilleure puisque c’est celle de tous les intérêts du pays.

En excitant l’intérêt d’une industrie contre l’intérêt d’autres industries, on espère peut-être réussir à faire prévaloir le système anversois, mais je préfère moi le système de protéger également toutes les industries indigènes ; je suis de cette coalition-là (puisqu’on s’est servi de ce terme) et j’invite de toutes mes forces tous les membres de cette assemblée à s’y joindre ; je crois que de cette manière nous ferons le bonheur du pays.

Messieurs, je terminerai par vous faire remarquer, que votre premier vote a fait concevoir à plusieurs industriels un espoir qui leur rendrait plus douloureux encore le coup dont vous les frapperiez. Je crois, messieurs, que vous voulez tous faire bénir notre heureuse révolution, et assurer de plus en plus l’union dans le pays et son indépendance. Pour atteindre ce but il me semble qu’il n’y a pas d’autre moyen que de confirmer votre premier vote, sauf en ce qui concerne les draps, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure.

Je bornerai là mes observations.

(Moniteur belge n°300, du 27 octobre 1837) M. Gendebien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Messieurs, je crois que de la manière dont nous marchons, nous discuterons encore fort longtemps, sans arriver à un résultat quelconque. Comme nous ne serons bientôt plus en nombre, on pourrait dès à présent aller aux voix sur la question de savoir si le droit sera perçu au poids ou à la valeur, sauf, si l’on adopte la perception au poids, à discuter ensuite les chiffres qui été présentés d’une part par le gouvernement, et de l’autre par la section centrale.

J’avouerai que, quant à moi, il me serait impossible de voter pour la perception au poids, si je ne pouvais voter que conditionnellement, c’est-à-dire que je ne pourrais voter pour la perception au poids que pour autant qu’après la vérification des divers articles, il fût constant que l’on peut établir la perception au poids, sans excéder le droit de 15 p. c. (C’est cela !)

Si l’on veut procéder de cette façon, je suis prêt à voter. Pour moi, toute la question est dans les chiffres des tableaux qui nous ont été remis. Si l’on ne peut détruire les disproportions établies par ces tableaux, je déclare que je voterai contre la perception au poids ; mais si l’on peut coordonner les résultats de ces tableaux avec le droit de 15 p. c., j’appuierai la mesure de la tarification au poids.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, comme plusieurs orateurs ont soutenu le système de la perception au poids, j’aurais désiré présenter quelques observations en réponse. J’ajouterai que le mode de procéder que propose M. Gendebien, ne me semble pas rationnel ; car si l’on commençait à voter la perception au poids, sans vérification préalable, n’y aurait plus moyen de revenir sur ce vote. Si l’on veut entrer dans la voie que présente M. Gendebien, il vaut alors mieux adopter la motion qui a été faite dernièrement à la chambre par M. le ministre des finances, qui a demandé qu’on procédât immédiatement aux vérifications avant le vote sur le mode de perception Cette marche serait plus rationnelle ; je dirai même que pour adopter consciencieusement le mode au poids, et en présence des chiffres contradictoires présentés par le gouvernement, la section centrale et des négociants, il est indispensable que la chambre s’éclaire de nouveau. Ainsi, si la chambre était disposée à procéder à la vérification, il faudrait que ce fût avant l’adoption du mode au poids. Sinon, je demanderai à répondre.

M. Gendebien. - Messieurs, je suis tout à fait d’accord avec M. le ministre de l'intérieur. Je considère la mesure de la tarification des divers poids et des diverses espèces comme un préalable indispensable à l’examen des tableaux qui nous ont été remis ; je me réservais, comme je l’ai dit, de demander cette vérification après qu’on serait tombé d’accord sur le mode de perception au poids ; car si vous décidez que la perception aura lieu à la valeur, la vérification deviendra inutile.

M. Coghen. - Messieurs, après ce que l’honorable préopinant vient de dire, il est presque inutile que je m’explique sur la marche qui me paraît devoir être suivie dans cette circonstance ; je dirai seulement qu’il me paraît rationnel que la chambre détermine d’abord le mode de perception ; qu’elle s’occupe ensuite du taux du droit, et qu’elle nomme enfin une commission qui serait chargée, de concert avec le gouvernement, de l’application du droit.

M. Verdussen. - Messieurs, je ne puis adopter la marche proposée par M. Gendebien, car si j’ai bien compris l’honorable membre, il n’y aurait de vote définitif que pour le cas où la chambre se déciderait pour la perception du droit à la valeur.

M. Gendebien. - Messieurs, on dit que ma proposition sera inefficace dans l’une des deux alternatives. Je prie l’honorable M. Verdussen de me dire comment on pourrait éviter cette inefficacité du vote dans l’un des deux cas ; il n’y en aurait qu’un : ce serait de discuter dès à présent les chiffres des tableaux et de vérifier les poids. Eh bien, je veux, s’il est possible, éviter cette opération ; et elle deviendrait inutile si la chambre venait à adopter le mode de perception à la valeur.

Je disais en effet, tout à l’heure., que si la chambre adoptait la tarification à la valeur, il était inutile de faire les vérifications. J’ajoutais que j’étais disposé à voter pour la perception au poids, parce que je suis convaincu que ce mode présente beaucoup moins d’inconvénients que l’autre, et que l’on peut percevoir plus sûrement les droits ; je disais enfin que mon vote sur ce point était subordonné aux opérations qui devaient vérifier les résultats des tableaux. De manière que ma proposition ne tendait en définitive qu’à une chose : à éviter la prolongation d’une discussion qui ne devait mener à rien.

Veut-on discuter immédiatement les chiffres des tableaux, je le veux bien ; mais quel espoir avez-vous d’arriver à un résultat, lorsque je vois des différences de 15 à 75 p. c. ? C’est pour éviter cette vérification jusqu’ici impossible que j’ai fait ma proposition.

Je dirai en passant que j’ai examiné ces tableaux ; ils comprennent 51 articles. Eh bien, il n’y en a pas un seul qui arrive au droit de 25 p. c., et cependant c’est un droit de 15 p. c. que l’on veut établir. 10 articles sont au-dessous de 15 p. c. et 41 au-dessus. Comment voulez-vous, messieurs, qu’en présence d’un pareil résultat j’ose hasarder une opinion définitive ? Mais c’est impossible. Comment ! on veut un droit de 15 p. c., et on nous présente des tableaux dont aucun article n’atteint ce droit. Puis-je en connaissance de cause émettre un vote sur ce point, tout convaincu que je suis que le mode de la perception au poids est le meilleur ? C’est impossible. Si vous ne croyez pas devoir adopter ma motion d’ordre, procédez dès à présent aux vérifications ; mais, je le répète, il m’est de toute impossibilité de donner un vote consciencieux en présence de faits aussi contradictoires. S’il s’agissait ici d’une question de droit, je me déciderais tant bien que mal, je consulterais ma conscience ; mais comment voulez-vous que je me décide sur des faits contradictoires dont la base est insaisissable ?

Il n’y a rien à décider. Si vous ne voulez pas subordonner votre vote à la vérification ultérieure, il faut procéder immédiatement à la vérification de la pesée générale. Qu’on se réunisse alors en comité secret. Je n’y vois pas d’inconvénient.

M. Verdussen. - Je pense que la dernière proposition de M. Gendebien est préférable à la première. Si nous allions voter maintenant sur le mode de tarification, il y aurait une injustice à l’égard de ceux qui ont laissé parler successivement leurs adversaires depuis hier. Je pense que nous avons le droit de répondre à ce qu’ils ont dit pour détruire l’impression que peut avoir faite leur discours. Je voudrais qu’on me permît de prendre la parole, promettant de ne pas occuper la chambre aussi longtemps que l’ont fait mes adversaires.

M. Desmet. - J’appuie la proposition de M. Coghen de déterminer le mode de perception et le taux du droit qu’on veut établir, et de nommer une commission chargée de s’entendre avec le gouvernement pour l’application.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je crois devoir réitérer ma déclaration. Si la chambre veut procéder à la vérification comme l’a proposé le ministre des finances, je ne prendrai pas la parole ; mais si l’on veut voter immédiatement sur la question de savoir si la tarification aura lieu au poids ou à la valeur, je demanderai la parole pour répondre aux députés de Tournay. Comme M. Verdussen, je prendrai l’engagement d’être très court.

M. Dumortier. - J’aurai aussi des observations à faire. Si la discussion continue, je demande que M. le ministre veuille bien répondre spécialement aux faits que j’ai signalés dans l’examen du tableau dont le gouvernement accepte la responsabilité, faits qui établissent que, pour les bas de coton et les bas de laine, le tableau du gouvernement arrive au même résultat que celui de la section centrale.

Voilà trois ou quatre fois que je démontre cela, les chiffres du gouvernement à la main. Au lieu de me répondre, on est entré dans des divagations ; mais on n’a jamais rencontré mes arguments ; cela ne m’étonne pas au reste, car il était impossible d’y répondre.

Je partage l’opinion de MM. Coghen et Gendebien, qu’il faut commencer par décider la question de savoir si la perception se fera au poids ou à la valeur ; cela décidé, quand il s’agira de l’élévation du droit, si on veut procéder à une vérification, je serai prêt à l’admettre. Mais je dois dire que la vérification devrait porter non seulement sur le travail du gouvernement, mais encore sur celui de la section centrale ; il faudrait faire venir de Tournay les éléments qui lui ont servi de base ; car les objets étaient venus de Tournay accompagnés de la facture de Saxe. Ces marchandises sont restées un mois entre nos mains ; mais ensuite le négociant les a retirées. Il faut qu’on prenne en considération les travaux de la section centrale.

Je ferai observer que l’amendement que nous avons proposé tend à simplifier la question, car il réduit considérablement les droits sur plusieurs catégories et il diminue de moitié les catégories. Si la chambre est suffisamment éclairée et surtout si on ne veut pas traîner la chose en longueur, on peut voter immédiatement. Dans tous les cas, si on décide qu’il y aura vérification, j’insiste pour qu’on mette aux voix si cette vérification sera immédiate.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Vous voyez, messieurs, combien il est nécessaire de procéder à une vérification ; or, on n’a pas besoin d’aller chercher des bas à Tournay ; on peut s’en procurer dans un magasin quelconque de Bruxelles, qui vend des bas d’Allemagne. Voilà ce qu’il y a à faire.

M. Dumortier. - Mais ceux sur lesquels la section centrale a opéré venaient de Tournay.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je n’en veux pas de bas de Tournay, je veux des bas d’Allemagne.

Je dis donc que cette vérification me paraît très simple. La chambre fera prendre 20 échantillons de chaque catégorie avec les factures officielles. On les pèsera, et en combinant la valeur avec le poids, chacun de nous verra le résultat et saura à quoi s’en tenir. On peut fixer cette vérification à demain et continuer la discussion aujourd’hui, pour entendre les orateurs qui veulent répondre aux observations présentées par les défenseurs de la tarification au poids.

M. le ministre de l’intérieur a annoncé qu’il aurait des observations à faire sur ce qu’a dit M. Dubus ; entendons-le. Dans tous les cas on ne pourrait passer au vote après que trois ou quatre orateurs qui ont soutenu le même système, ont successivement parlé.

Je demande donc que la chambre procède à la vérification demain et qu’on entende maintenant la réplique des adversaires du mode de la vérification au poids.

M. Metz. - Messieurs, la question qui nous occupe est certes d’une haute importance ; je n’en veux pour preuve que la longueur et la vivacité des débats auxquels nous nous livrons depuis si longtemps. Nos scrupules augmentent en raison de l’importance du sujet que nous traitons. Je dois émettre un vote sur la question de savoir si on établira la perception au poids ou à la valeur. Quel mode doit obtenir la préférence ? Je n’en sais rien, J’ai entendu dire contre la tarification au poids que ce mode conduirait à des injustices criantes, qu’il viendrait précisément frappés les objets qui devraient être soumis au moindre droit ceux dont se sert le pauvre. J’ai entendu dire qu’il frapperait la bonneterie d’un droit si élevé que le trésor ne percevrait rien, que tous les objets, à raison de la facilité qu’en a de les frauder, entreraient en fraude.

Je voudrais savoir avant tout si, avec cette tarification au poids, il serait possible, après l’avoir votée, de concilier l’intérêt de l’industrie avec l’intérêt du trésor et l’intérêt du consommateur. C’est là le point sur lequel j’aurais voulu être fixé ; on ne peut y arriver qu’en procédant à la vérification qui est demandée par un grand nombre de membres. Je désirerais donc qu’il fût immédiatement procédé à cette vérification. S’il est démontré que la perception au poids peut se faire avec facilité, en respectant l’intérêt du consommateur, je voterai peut-être pour cette tarification. Si, au contraire, l’intérêt du trésor et celui du consommateur peuvent être mis en harmonie avec celui de l’industrie par ce mode de tarification, je voterai pour la tarification à la valeur qui me paraît la plus naturelle.

Appuyant en tant que de besoin l’opinion de M. Gendebien, je pense qu’il convient de nous livrer de suite à la vérification proposée par M. le ministre des finances.

M. Rogier. - Je ne suis pas grand partisan des opérations auxquelles on invite la chambre à se livrer. Cependant comme elles paraissent nécessaires dans cette occasion, si la chambre doit y procéder, il faut qu’elle le fasse immédiatement.

Messieurs, un des grands arguments contre la tarification au poids, c’est que le droit est incertain, impraticable et essentiellement injuste, comme disait M. Dubus, qui, dans une autre discussion engageait la chambre à substituer la perception à la valeur à celle au poids qui existait pour les tissus de coton. Nous pourrons revenir plus tard sur ce point. Comme l’argument opposé à la tarification au poids est l’incertitude, l’injustice et l’impraticabilité, il me semble que ce que nous avons à faire préalablement, c’est de nous assurer par nous-mêmes de la praticabilité de ce système. Peut-être serait-il plus convenable de déléguer quelques-uns des membres de la chambre. Mais comme il pourrait arriver que la formation de la commission entraînât de nouvelles longueurs, je demande qu’on procède séance tenante à la vérification des différents articles qui doivent entrer dans le tarif.

M. Dumortier. - Je vais déclarer un fait de nature à simplifier les débats, c’est que les poids du gouvernement sont exacts ; je les ai vérifiés ; dès lors il est inutile de venir vérifier les poids de marchandises que nous reconnaissons exacts. La question n’est pas de savoir si les poids sont justes ou non, c’est de savoir si les valeurs sont ou ne sont pas exactes. Pour cela on propose de vous donner des factures de détaillants de Bruxelles. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder ; quand nous procédions à la section centrale, nous le faisions sur des factures originales venant de l’étranger.

Ces factures sont encore aujourd’hui sur le bureau ; les marchandises que ces factures contiennent ont été vérifiées par la section centrale ; nous avions deux éléments de vérification : le poids qui a été reconnu exact ; la facture qui établit le prix réel à l’étranger.

Une troisième considération sur laquelle je prends la confiance d’attirer votre attention, c’est que lorsqu’il s’agit de régler les droits de douanes sur des marchandises venant de l’étranger, on ne doit pas opérer sur des marchandises du pays ; or, parmi les objets produits par le gouvernement dans la section centrale, un grand nombre se fabriquent en Belgique et n’ont pas leurs similaires à l’étranger. Que signifie la vérification de poids qui ont été reconnus justes en présence de pareil fait ? C’est là qu’est la difficulté ; une vérification ne peut pas la lever.

Parmi les bas produits, il y en a qui ont été fabriqués à Leuze, à Charleroy, à Tournay et aux Ecaussines. Quand vous aurez vérifié le poids de ces marchandises fabriquées en Belgique, cela ne nous mènera à rien.

La question n’est pas d’ailleurs de vérifier le poids puisqu’il a été reconnu exact ; voici la question : d’abord, les marchandises sont-elles toutes des marchandises étrangères ? En second lieu, faut-il composer les catégories exclusivement des marchandises les plus pesantes et les plus communes ? En troisième lieu, parmi les marchandises il y en a de composées de deux et de trois fils ; or, toutes celles produites sont composées de trois fils, tandis que pour celles composées à l’étranger la plus grande quantité est composée de 2 fils. En quatrième lieu, c’est dans le tableau présenté qu’il faut trouver les élément de la discussion ; et j’ai démontré que le tableau n°2, en déduisant les erreurs, concorde parfaitement avec le travail de la section centrale. Le nœud de la discussion est, je le répète, dans le tableau présenté par le gouvernement. Il est clair que si vous opérez sur les marchandises les plus lourdes et de la moindre valeur, vous devez arriver à un droit plus grand et par suite à un droit proportionnel plus élevé ; si, au contraire, les catégories comprennent à peu près toutes les qualités depuis les plus communes jusqu’aux plus fines, vous arrivez au résultat satisfaisant qu’a obtenu la section centrale. Je pense donc qu’une vérification ne servirait à rien ; mais si l’on veut procéder à une vérification, je demande que ce soit non pas pour des marchandises sur le poids desquelles tout le monde est d’accord, mais pour les marchandises déposées par la section centrale et de la pesée desquelles on a paru contester l’exactitude.

Je crois au reste (et je crois que vous serez d’accord avec moi) qu’il vaut mieux s’abstenir d’une vérification qui ferait perdre inutilement du temps, et qu’il faut immédiatement passer au vote sur le mode de tarification.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je crois que nous sommes tous convaincus de la nécessité d’une vérification. Pour y parvenir, je proposerai à la chambre de décider que le bureau sera chargé de désigner trois membres de la chambre parmi ceux qui sont partisans de la perception à la valeur, et trois membres parmi ceux qui ont appuyé la perception au poids. Ces membres seront priés de se rendre dans différents magasins où l’on vend des bas d’Allemagne ; de prendre des échantillons de toute espèce, 25 de chaque espèce, s’ils le jugent nécessaire, avec les factures des marchands.

Ces objets seront déposés demain sur le bureau, et nous procéderons alors à une opération qui sera extrêmement simple, et surtout incontestable, car nous aurons là des éléments que personne ne pourra contester. Comme je ne prévois pas qu’il y ait d’autre manière plus convenable de procéder, je demande que la chambre donne suite à cette proposition dont l’exécution me paraît très facile.

M. Dumortier. - Je demande comment une émanation de cette assemblée irait de boutique en boutique chercher des échantillons. Il me semble que cela n’est pas de la dignité de cette assemblée,

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela ne fait rien du tout ; j’accompagnerai volontiers, s’ils le désirent, les membres de la commission.

Plusieurs membres. - Nous aussi !

M. Gendebien. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre des finances.

M. Dubus (aîné). - Il me semble qu’il n’y a qu’une proposition en délibération ; cependant il y en a plusieurs. L’honorable M. Coghen en a fait une ; je ne pense pas qu’il l’ait retirée. Il a proposé de statuer ; 1° sur le mode de perception ; 2° sur la question du taux, et ensuite de procéder à une vérification (si la tarification au poids est adoptée) pour mettre le taux en proportion avec le poids. Je comprends ce mode de procéder ; il me paraît dans les habitudes d’une assemblée délibérante ; mais ici nous sortons tout à fait de ces habitudes, et je ne sais si nous n’allons pas prêter par là au ridicule.

D’un autre côté, je vous prie de prendre en considération qu’on fait le procès à une section centrale, et de manière à ne pas la mettre à même de défendre son travail. La section centrale a examiné des factures venant de l’étranger et des marchandises désignées dans ces factures, et parce que le gouvernement élève des doutes sur l’exactitude de ce travail, on veut adopter un mode de vérification tellement prompt que les membres de la section centrale ne seront pas mis à même de faire vérifier l’exactitude de leur travail, qu’ils ne pourront pas représenter les éléments qui ont servi à ce travail.

Je comprends, dès qu’on veut faire un choix, qu’on peut le faire tel qu’on obtienne un résultat autre que celui qu’on a obtenu, et même qu’il y ait moyen, en opérant ainsi, d’arriver toujours à un résultat favorable à l’opinion que l’on veut soutenir. Mais c’est par une opération générale et contradictoire qu’on peut obtenir une véritable moyenne : la section centrale a déclaré qu’elle a opéré de cette manière. Vous ne devez pas être admis à dire que son travail est inexact tant que vous ne voulez pas admettre un mode qui lui permette de faire vérifier l’exactitude de ce travail.

La proposition de M. Coghen me paraît être le meilleur moyen de sortir de la difficulté actuelle.

On en a dit assez (je mets toute question d’exactitude et d’inexactitude à part) pour qu’on ait pu se faire une opinion sur la question de savoir s’il convient d’adopter la tarification au poids ou la tarification à la valeur. Si vous vous arrêtez maintenant pour procéder à une vérification, vous n’échapperez pas à une troisième discussion sur cette question ; il est clair, d’un autre côté que si l’on adopte la tarification à la valeur, il n’y aura besoin d’aucune vérification ; il vaut donc mieux statuer d’abord sur le mode de tarification. Si la tarification au poids est adoptée, vous indiquerez le taux moyen qui obtiendra votre assentiment, et vous ferez ensuite le travail nécessaire pour convertir ce taux moyen en droit au poids par une commission ; car, décemment et convenablement, ce travail ne peut se faire que de cette manière.

J’insiste donc pour l’adoption de la proposition de M. Coghen ; si elle n’est pas adoptée, je demande que l’on fixe le jour de la vérification à un terme assez éloigné pour que les membres de la section centrale, dont le travail a été mis en question, puissent faire vérifier l’exactitude de leur travail. J’insisterais plus encore si j’étais membre de la section centrale, mais il me semble que tous ceux qui faisaient partie de la section centrale doivent tenir à ce que l’on n’adopte pas le terme si rapproché proposé par M. le ministre des finances, car alors ils ne pourraient pas fournir les moyens de répondre aux attaques dont leur travail a été l’objet.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Vous voyez bien, messieurs, que l’on veut à tout prix emporter la tarification au poids. En effet, on demande qu’il soit procédé à l’instant au vote sur le mode de perception, tandis qu’on vient de consacrer deux séances à parler contre la loi, sans que les défenseurs de la loi aient trouvé un moment pour répondre un seul mot.

M. Dubus (aîné). - Je n’ai pas demandé la clôture ; ce n’est pas moi qui ai proposé que la chambre votât immédiatement ; je ne m’oppose nullement à ce que M. le ministre réponde aux observations qui ont été faites.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si l’on abandonne la motion pour clore immédiatement la discussion, je retire la première partie de mes observations ; mais j’en reviens à la proposition faite par le ministre des finances. Rien de plus juste que ce qu’il vous propose : trois membres de chacune des opinions divergentes seraient appelés à vérifier les faits contestés. L’on dit : Mais comment pourrait-on soumettre le travail de la section centrale à une vérification ? La question n’est pas seulement relative au travail de la section centrale ; la question se rattache à tous les tableaux que la chambre a sous les yeux. Ce qu’il faut, c’est que la chambre soit à même de vérifier le dire contradictoire, ou de vérifier les faits. On ne peut pas vouloir, bon gré mal gré, que le travail de la section centrale, ou que tout autre travail, vivement contesté, soit regardé comme exact.

M. Dumortier. - Je ferai remarquer à l’assemblée que la proposition que nous avons l’honneur de vous soumettre est identiquement la même que celle qui a été présentée hier par le ministre des finances.

Des voix. - Oui !

M. Dumortier. - Il proposait à la chambre de décider d’abord si la perception serait au poids ou à la valeur ; et dans le cas où l’on adopterait le poids, de se livrer à des vérifications pour établir les chiffres des catégories. Ainsi, conformément aux intentions de tout le monde, il faut que l’on décide aujourd’hui si la tarification sera au poids ou à la valeur.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On attribue à M. Coghen une proposition qu’il n’a pas présentée. M. Gendebien a fait une motion que M. Coghen a appuyée ; mais M. Gendebien l’a retirée…

M. Dubus (aîné). - Je la fais mienne !

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La proposition a été retirée par son auteur. On ne peut le contester : les choses viennent de se passer à l’instant même. On se rappelle que j’ai proposé hier de voter de suite s’il fallait percevoir au poids ou à la valeur. Eh bien, j’ai encore demandé aujourd’hui qu’on examinât la même question ; j’ai demandé qu’on entendît le ministre de l’intérieur dans les observations qu’il avait à faire contre le système de M. Dubus. Maintenant il y a une nouvelle proposition, et la discussion n’aura pas de terme si vous ne l’adoptez pas. Bien des membres qui n’auront pas assisté à une opération telle que celle que j’ai indiquée ne voudront jamais se prononcer.

Il y a des bas d’Allemagne dans cinquante boutiques de Bruxelles ; qu’on en aille chercher et qu’on procède à une vérification. Et si la chambre ne veut pas la faire elle-même, qu’au moins une commission la fasse en présence de tous ceux qui voudront y assister.

Je ne me défie pas du travail de la section centrale ; je puis dire à ses membres : Vos calculs sont exacts, mais vous avez pris des éléments qui n’étaient pas suffisants, vous n’avez pas pris surtout des échantillons assez variés ; voilà la seule chose contre laquelle je réclame.

M. Desmet. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On voudrait nous reprocher de la défiance envers la section centrale, parce que nous demandons de contrôler son système ; mais la défiance, s’il y en avait, porterait aussi bien contre le gouvernement, puisque nous demandons la vérification du tableau qu’il a présenté. La défiance s’élèverait donc aussi contre M. Verdussen qui vous a également soumis ses chiffres, et vous savez que d’après son travail il y avait tels articles où le droit au poids eût été de 100 p. c. Nous demandons que l’on se mette à même de décider en connaissance de cause quel mode de perception mérite la préférence, et voilà tout.

M. Desmet. – C’est moi qui ai fait la seconde vérification pour la section centrale. Je me suis rendu dans une boutique de Bruxelles où je n’ai demandé que des marchandises de Saxe. J’ai été ensuite dans la même boutique avec le tableau, et alors j’ai reconnu que les marchandises qu’on m’avait fournies n’étaient pas de Saxe… (Bruit.)

M. Smits. - La proposition du ministre est seule admissible. L’honorable M. Metz vous a dit que, sans la vérification, il ne pouvait pas voter sur le choix du mode de perception ; beaucoup d’autres membres sont dans le même cas, et la vérification seule vous apprendra si la marchandise est susceptible de la tarification au poids. Il faut procéder à cette vérification provoquée par le gouvernement et par plusieurs membres ; nous saurons par elle, je le répète, quelle tarification il faut adopter.

M. Coghen. – Il me semble que l’on n’a pas bien compris ce que j’ai dit tout à l’heure. J’ai dit que, dans ma pensée, conformément à ce que le ministre des finances avait demandé hier, et à la proposition que j’avais appuyée, il était convenable de déterminer d’abord le mode de perception du droit. Mais maintenant on discute autre chose : on veut élever la question de savoir si la perception au poids est praticable ; messieurs, croyez-vous que nous soyons entourés de pays ignorants en fait d’administration ? En Prusse, on perçoit au poids ; en France, on perçoit aussi au poids les objets non prohibés ; en Angleterre on perçoit également beaucoup d’objets au poids. (Oui ! oui ! - Non ! non ! Bruit.) Messieurs, si je me trompe, prouvez mon erreur. En attendant cette preuve, je vous demanderai si les pays qui nous entourent, et où l’on fait l’application du système au poids, sont administrés par des gens qui ne connaissent pas ce qui convient en fait de douanes ? Moi je crois qu’en augmentant le nombre des classifications, la tarification au poids est le moyen d’atteindre à un droit qui protégera efficacement l’industrie belge. (Bruit.)

Il faut donner à vivre aux malheureux qui n’ont d’autre ressource que le travail. Il ne faut pas faire des lois pour alimenter l’industrie étrangère.

Je vous le redis encore, le seul moyen de sortir du labyrinthe dans lequel nous sommes, c’est de déterminer le mode du perception, de fixer ensuite la quotité du droit, et de l’appliquer à des catégories qui seront établies par une commission, parce qu’il est impossible que la chambre entre dans ce travail.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, il est bien évident que l’on demandait hier de décider avant tout quel mode de tarification on adopterait, et qu’il ne s’agissait pas de faire des vérifications avant de choisir le mode de perception. J’ai le Moniteur à la main, et j’y lis que M. le ministre des finances demande que l’on se prononce premièrement sur la tarification au poids ou la valeur. Une discussion s’est engagée sur cet objet, à laquelle plusieurs membres ont pris part, entre autre M. Gendebien et moi. Le ministre de l’intérieur s’est aussi expliqué sur ce point. Je le répète, que voulait-on hier ? On voulait que l’on décidât d’abord si c’est au poids ou à la valeur que la perception aurait lieu ; et l’on disait : Si c’est à la valeur que le droit est établi il n’y a plus de catégories à faire ; si c’est au poids, alors on fera des catégories, et pour les faire, on procédera aux vérifications nécessaires.

Ainsi les vérifications ne venaient que pour former les catégories, après avoir choisi le mode au poids. C’était là ce que le ministre des finances et ce que le ministre de l’intérieur trouvaient hier de plus simple et de plus logique ; les choses n’ont pas changé de nature ; et nous demandons aujourd’hui qu’on procède ainsi qu’on le voulait hier.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la question qui a été traitée hier est celle de savoir s’il faudrait déterminer en premier lieu la hauteur du droit ou le mode de perception. Sur cette question nous avons dit qu’il fallait d’abord fixer le mode de perception, puisque le taux du droit doit nécessairement être réglé en conséquence du mode de perception.

Aujourd’hui l’honorable M. Gendebien, et après lui l’honorable M. Metz, ont déclaré qu’il leur est impossible de voter sur le mode de perception, avant de savoir si la perception au poids est praticable en ce qui concerne les bas et bonneteries ; s’il y a moyen de faire une application rationnelle soit de 15 soit de 10 p. c., en établissant le droit au poids ; si les catégories des marchandises dont il s’agit ne sont pas tellement nombreuses qu’il serait pratiquement impossible de fixer le droit au poids ; or, messieurs, pour que les scrupules de ces honorables membres puissent être levés, pour qu’ils puissent savoir si le mode de perception au poids est praticable, il est juste de faire droit à leur demande et de procéder à la vérification avant de voter sur la question de savoir si le droit sera établi au poids ou à la valeur.

Remarquez, messieurs, la singularité de la discussion sur cet incident ; ce sont précisément les membres qui ont soutenu que l’application du droit au poids ne souffre aucune difficulté, que c’est le mode de perception le plus rationnel, ce sont ces mêmes membres qui s’opposent aujourd’hui à ce qu’on fasse la vérification de leur système. Je vous demande, messieurs, si cette manière de procéder est logique ? Dans la position de nos honorables adversaires nous serions les premiers à provoquer la vérification ; car, lorsqu’on est si certain de la bonté de son système, on n’a rien de mieux à désirer que de le voir soumis à l’examen.

C’est précisément parce que nous sommes convaincus que la tarification à la valeur est la seule qu’il soit possible d’appliquer dans l’espèce, que nous demandons qu’on vérifie si la perception au poids est praticable.

M. Dumortier. - Il ne faut pas, messieurs, que la chambre pense que nous nous opposions le moins du monde à la vérification de notre système. Loin de là, nous appelons cette vérification de tous nos vœux ; mais si vous décidez qu’elle aura lieu immédiatement, vous nous mettrez dans l’impossibilité d’en fournir les éléments.

Si quelques membres ont conçu des doutes sur la question qu’il s’agit de décider, libre à eux de s’abstenir ; mais ce n’est pas là un motif suffisant pour déterminer le ministère à demander maintenant qu’on procède avant tout à la vérification, tandis qu’il demandait hier qu’on se prononçât d’abord sur le mode de tarification.

Je demande donc que la chambre adopte la proposition qui a été faite hier par MM. les ministres des finances et de l’intérieur, de décider en premier lieu quel sera le mode de perception ; si. après cela il faut une vérification, nous l’appelons de tous nos vœux parce que nous sommes convaincus de l’exactitude de nos opérations ; mais je le répète, le seul moyen de procéder d’une manière rationnelle, c’est de se prononcer d’abord sur le mode de perception comme le demandaient hier les ministres. Aujourd’hui ils veulent trouver une échappatoire, mais leurs paroles sont imprimées dans le Moniteur ; elles sont d’ailleurs présentes à l’esprit de tous les membres de la chambre, et j’espère qu’elles y auront l’influence qu’on a droit d’en attendre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je crois, messieurs, qu’il est inutile de nous expliquer de nouveau sur ce que nous avons demandé hier, que la chambre se prononçât en premier lieu à l’égard du mode de perception : il a été suffisamment répondu aux observations que l’honorable M. Dumortier a faites à cet égard ; ce n’est pas nous qui du reste avons proposé tout à l’heure de passer au vote, nous avons au contraire demande la continuation de la discussion. Quoi qu’il en soit, puisque les neuf dixièmes des membres de la chambre ne peuvent pas se former une opinion sans la vérification réclamée, nous insistons pour avoir de suite cette vérification. Maintenant l’honorable M. Dumortier, pour éviter l’opération que nous demandons, parle toujours des éléments identiques dont s’est servie la section centrale ; il veut faire revenir de Tournay les mêmes bas dont elle a fait usage en dernier lieu.

Mais, messieurs, ce n’est pas là ce qu’il nous faut, il s’agit uniquement de faire venir des bas quelconques d’Allemagne, et d’y appliquer le tarif au poids combiné avec la valeur ; ce que nous demandons est en vérité si simple et si naturel, que je ne conçois pas comment cela peut rencontrer une telle opposition.

Je persiste donc dans ma proposition : que le bureau délègue six membres qui se chargeront de procurer des échantillons, et que demain, à l’ouverture de la séance, on fasse les pesées et les calculs. C’est l’affaire d’une heure pour en avoir le cœur net et par que chacun puisse se prononcer en connaissance de cause.

M. Dechamps. - Messieurs, les partisans du droit au poids sont dans une position défavorable en ce qu’ils paraissent reculer devant la vérification ; mais il faut bien tenir compte d’un fait : le ministère demande qu’il soit procédé immédiatement à cette vérification.

Or, alors il ne serait possible de s’en procurer les éléments que dans les magasins de Bruxelles.

Or, messieurs, il y a ici deux intérêts en présence, celui des négociants en bonneterie étrangère et celui des fabricants de Tournay ; la section centrale a obtenu les éléments de ses calculs à Tournay et ailleurs, tandis qu’ici on ne pourrait les trouver que chez les marchands de bonneterie étrangère seulement ; dès lors il est probable que le choix n’étant fait que dans un seul intérêt ne serait pas exact. C’est donc ici une question de bonne foi. La section centrale, par l’organe de M. Dumortier, demande quelques jours afin de pouvoir faire venir les éléments dont elle s’est servie. Les soutiens du droit au poids ne reculent donc pas devant la vérification ; ils veulent seulement une vérification exacte.

M. le président. – Il y a diverses propositions : celle de M. Coghen, qui a été reprise par M. Dubus, consiste à demander l’on décide en premier lieu si le droit sera perçu au poids ou à la valeur ; qu’on prononce ensuite sur le taux du droit ; qu’après cela on procède à la vérification pour appliquer le droit. La proposition de M. le ministre des finances a pour objet de faire faire avant tout la vérification. Une troisième observation a été faite, on a demandé que la vérification n’ait lieu que d’ici à quelques jours. Je vais successivement consulter la chambre sur ces diverses propositions.

M. Dumortier. - Je demande la priorité pour la proposition de M. Coghen, c’est-à-dire qu’on décide d’abord si le droit sera au poids ou à la valeur. Vous comprenez, messieurs, qu’il n’est pas possible de procéder autrement ; car si vous votez d’abord sur la proposition du ministre, si vous l’admettez, il ne peut plus être question de celle de M. Coghen, tandis que si cette dernière est adoptée, on pourra toujours décider ensuite qu’il y aura une vérification.

- La chambre consultée décide qu’elle n’accorde pas la priorité à la proposition de M. Coghen.

M. le président met aux voix la question de savoir s’il y aura des vérifications ; elle est résolue affirmativement.

M. le président. - Il s’agit maintenant de déterminer le jour auquel ces vérifications auront lieu.

La parole est à M. Dechamps.

M. Dechamps. - Messieurs, en demandant la parole, mon intention était de présenter une motion, ayant pour but de fixer un délai nécessaire pour que la section centrale soit mise à même de se procurer les mêmes éléments que ceux qui ont servi à la rédaction de son premier travail.

M. de Jaegher. - Messieurs, quelque chose m’étonne dans l’insistance que mettent certains membres à demander qu’on attende jusqu’à ce qu’on puisse faire venir les éléments de vérification de Tournay même. Ils prétendent que c’est pour éviter que la chambre ne s’adresse à une partie intéressée ; et pour empêcher que la chambre, ou la commission qu’elle déléguera, ne s’adresse à cette partie intéressée, ils indiquent une autre partie directement intéressée dans la question.

Je crois, messieurs, qu’on aura plus de moyens de réunir les éléments de vérification à Bruxelles, ou dans toute autre ville qu’à Tournay même.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis un de ceux auxquels l’honorable préopinant a fait allusion ; mais il me sera très facile de lui répondre. Nous ne demandons pas que les éléments de vérification ne soient pas fournis par l’une des deux parties intéressées, mais nous voulons que toutes les deux soient interrogées.

Vous voulez nécessairement, messieurs, vous former une opinion consciencieuse. Eh bien ! dans ce cas, laissez aux industriels des deux côtés le temps de vous fournir les éléments nécessaires ; il est clair que ce serait d’après les données d’une seule partie que vous procéderiez aux vérifications.

Il faut dire les choses comme elles sont. Il y a ici deux intérêts opposés en présence. Le premier est celui des négociants de Bruxelles qui, faisant venir exclusivement leurs marchandises de l’étranger, sont intéressés à vous fournir des éléments qui tendront abaisser le droit ; l’autre est celui des industriels de Tournay qui sont en même temps fabricants de bonneterie, et qui par conséquent doivent être intéressés à vous fournir des éléments vrais. Il faut donc leur laisser le temps de vous faire parvenir ces pièces à conviction. C’est là une question de loyauté et de bonne foi.

Quant à moi, je demande un délai de trois ou quatre jours ; on pourrait, par exemple, remettre la question à lundi. Dans l’intervalle, nous aurons le loisir de faire venir les documents nécessaires, pour que la chambre puisse se former une opinion consciencieuse.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, nous ne nous opposons pas à ce que la démonstration soit remise à lundi, si la discussion de la loi ne doit pas éprouver d’interruption. Je dois faire remarquer cependant que l’on veut se procurer des éléments de vérification à Tournay. Or, il ne s’agit pas ici de la bonneterie de Tournay, mais seulement de la bonneterie d’Allemagne, Si l’on prend des éléments de démonstration à Tournay, ce ne pourront être, par conséquent, que des bas venant de l’étranger.

Un membre. – Oui.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Eh bien, je dis qu’avec les mêmes garanties l’on peut avoir ces bas à Bruxelles ou dans toute autre ville voisine. En effet, les négociants vous communiqueront leurs livres qui vous fourniront des données certaines, quant aux prix. Je puis donc dire qu’on ne pourra que perdre du temps inutilement à faire venir ces éléments de Tournay ; il faudra, du reste, qu’à Tournay comme à Bruxelles on vous présente les livres où les prix sont établis d’une manière certaine.

Je demanderai maintenant à l’honorable M. Dumortier de quelle manière on obtiendra les bas de Tournay. La commission que la chambre déléguera pourra bien se rendre dans les magasins à Bruxelles ; mais je ne vois pas qu’il soit aussi facile qu’elle aille à Tournay. Il faudrait donc que vous vous en rapportiez d’ici aux intéressés eux-mêmes. Cette seule observation doit vous prouver, messieurs, que l’on ne trouvera pas dans le délai qu’on demande les garanties qu’on prétend y découvrir. En tout cas, je pense que la vérification pourrait se faire samedi, et je crains que si on la remet à lundi, nous ne perdions un temps précieux.

M. Lardinois. - Messieurs, je ne m’oppose pas à ce qu’on accorde le temps nécessaire pour faire venir les éléments de vérification ; mais, dans ce cas, j’ai une proposition à faire. Si l’on accorde un délai de deux ou trois jours, je demande que la discussion soit suspendue, parce qu’il est évident que la décision que l’on prendra relativement à l’industrie bonnetière aura une influence immense sur la question drapière. Sans doute, si l’on donne satisfaction à la bonneterie, on voudra la donner aussi à la draperie.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, le ministre des finances m’a paru supposer que nous avions demandé qu’on fît des vérifications sur les marchandises de Tournay, et cependant je m’étonne comment le ministre a pu donner dans cette erreur, alors que précisément nous reprochons au gouvernement de n’avoir opéré en grande partie dans ses derniers tableaux que sur des marchandises qui se fabriquaient dans le pays, et non sur des marchandises étrangères. Pour nous, nous avons toujours dit que les vérifications devaient se faire, non sur des marchandises de fabrication indigène, mais sur des marchandises qui nous sont importées de l’étranger. Ainsi, il est assez étrange que M. le ministre ait supposé que nous voulions maintenant précisément le contraire de ce que nous avons toujours dit que nous voulions.

Mais, dit-on, pourquoi aller chercher à Tournay les éléments de vérification ? Mais, messieurs, c’est que les éléments qui ont servi au premier travail de la section centrale, et qui avaient été fournis par les fabricants, ont été, vu la clôture de la session, repris par les fabricants, et remportés à Tournay. Voilà le motif de notre demande. Mais il y avait une partie de ces éléments qui jusque-là n’avaient jamais été à Tournay ; car je me souviens qu’à l’époque où cette question s’est agitée au sein de la section centrale, un des fabricants de Tournay se trouvait à Bruxelles, et me dit : il m’arrive justement un ballot de marchandises de Saxe ; je vais le faire transporter à la section centrale. Effectivement, le ballot a été remis aux membres de la section centrale. Depuis lors, le fabricant a retiré sa marchandise.

On vient nous dire qu’on peut encore trouver ces marchandises autre part qu’à Tournay : je le veux bien ; mais la partie intéressée n’est pas ailleurs. La chambre sans doute ne veut pas que les vérifications se fassent sans contrôle ; or, le véritable contrôle est celui des parties intéressées. Si la chambre fait une enquête, elle ne peut faire autrement que devrait faire une commission de la chambre ; quand une commission se livre à une enquête, elle entend les intéressés ; la chambre doit les entendre aussi, et je pense que les intéressés auront le droit d’assister au comité secret pour contrôler les opérations.

Je pense aussi qu’il y a une autre mesure à prendre : c’est que les articles que l’on veut soumettre à la vérification soient, autant que possible, soumis d’avance au bureau de la section centrale, et à l’inspection des membres de la chambre et des intéressés ; car alors on pourra immédiatement procéder à la vérification dans le comité secret, et s’assurer si ce sont des marchandises du pays ou des marchandises étrangères, et si ce sont bien celles auxquelles on assigne tel ou tel prix.

Je crois que vous ne pouvez pas fixer pour la vérification un terme plus rapproché que lundi, si vous voulez qu’elle soit vraiment contradictoire. Quant à la discussion de la loi, je me réfère à l’assemblée sur la question de savoir s’il convient ou non de la suspendre.

M. Gendebien. - N’ y a-t-il pas moyen de vérifier la provenance de la marchandise ? Dans ce cas, il ne serait pas nécessaire d’en aller chercher à Tournay. Je ne veux pas m’opposer à la demande des députés de Tournay, mais cette exigence me semble aller un peu loin.

M. Dumortier. - Personne de nous ne connaît assez ces marchandises pour en apprécier la provenance ; il faut que les intéressés puissent nous éclairer sur ce point ; il est indispensable qu’ils puissent apprendre par les journaux que la vérification que se propose la chambre doit avoir lieu.

M. de Jaegher. - Messieurs, le règlement porte qu’on ne peut pas parler plus de deux fois sur une même question ; depuis un temps considérable on n’exécute plus cet article, on ne discute même plus, on cherche à faire cesser la séance faute de membres ; je demande que l’exécution du règlement ait lieu. J’invite M. le président à le faire exécuter.

M. le président (M. Raikem). - Je ne sais pas si c’est un reproche que l’honorable membre veut m’adresser ; mais s’il trouvait qu’un membre obtenait la parole contrairement au règlement, il pouvait l’interrompre pour demander le rappel un règlement, il en avait le droit. Mais il est passé en usage dans l’assemblée que quand il s’agit d’un incident, on peut prendre plusieurs fois la parole ; d’ailleurs, quand, aux termes du règlement, on refusait la parole à un orateur parce qu’il avait déjà parlé deux fois sur la question, il disait qu’il la demandait sur une autre question ; l’on ne pouvait pas la lui refuser. Je crois donc que l’observation qui vient d’être faite était inutile.

- La chambre consultée fixe à lundi la vérification proposée par M. le ministre des finances.

M. le président. – Il s’agit de savoir si on suspendra la discussion de la loi.

M. Lardinois. - Vous ne pouvez pas disconvenir que la décision sur la bonneterie doit avoir une influence très grande sur celle qu’on prendra à l’égard de la draperie.

Je ne vois d’ailleurs rien qui presse à continuer la discussion ; nous pourrons aller en sections nous occuper du budget et employer très utilement notre temps.

- La chambre décide que la commission proposée par M. le ministre des finances sera nommée par le bureau.

M. Dumortier. - Cette commission pourra procéder aux vérifications en présence des intéressés.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cette commission de six membres sera chargée de réunir, sous toutes les précautions et garanties désirables, les moyens de démonstration.

Lorsque les marchandises seront arrivées, la chambre procédera elle-même à l’application du tarif sur ces marchandises, car la commission n’a pas d’autre but que de nous procurer les éléments de l’opération que je proposais de faire au commencement de l’une de nos séances.

Les membres de cette commission pourraient du reste se réunir dès demain.

- La chambre décide que la discussion ne sera pas interrompue.

La séance est levée à 4 heures 3/4.