(Moniteur belge n°284, du 11 octobre 1837, et Moniteur belge n°285, du 12 octobre 1837)
(Moniteur belge n°284, du 11 octobre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à 1 heure.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre :
« Le gouverneur de la province de Namur transmet une décision du conseil provincial, qui émet le vœu que, dans la loi à intervenir sur les chemins vicinaux, il soit statué que la prestation en argent soit substituée, en général, à la corvée ou prestation en nature. »
« Les sieurs Ernalsteen et Nicatus, préposés de 2ème classe des douanes, adressent des informations concernant le service des douanes. »
« L’administration communale de la ville de Huy demande la réforme de la loi électorale. »
« Le sieur Philippe de Beyre, né en France et habitant la Belgique depuis 1795, demande la naturalisation. »
« Le sieur Delsart, instituteur à Templeuve (Hainaut), réclame l’intervention de la chambre pour obtenir les sommes allouées an budget de sa commune à titre de subsides comme professeur. »
« Le sieur Haumont, conducteur des ponts et chaussées, adresse pour renseignements un mémoire sur une nouvelle espèce de routes propres à la Campine, dites routes in stuc. »
« Le sieur J. Vanderhoost, candidat notaire à Leupeghem (Flandre orientale), demande que les fonctions de notaire soient placées dans la même ligne que celles d’avocat, de médecin, etc. »
« Le sieur François Petit, né en France et habitant la Belgique depuis 1814, demande la naturalisation. »
« Trois légionnaires belges de la province du Hainaut demandent la pension attachée à la croix d’honneur. »
« Le sieur A.-H.-J. Dupont, huissier à Liège, demande que la chambre adopte le projet de loi relatif à la bourse commune des huissiers. »
- Les demandes en naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
Par divers messages le sénat informe la chambre qu’il a statué sur diverses demandes de naturalisation.
- Pris pour notification.
MM. Donny, de Man d’Attenrode et Verdussen, admis représentants dans une séance précédente, prêtent serment.
Première section
Président : M. Vanderbelen
Vice-président : M. Desmanet
Secrétaire : M. Verhaegen
Rapporteur des pétitions : M. Vandenbossche
Deuxième section
Président : M. Duvivier
Vice-président : M. de Langhe
Secrétaire : M. Corneli
Rapporteur des pétitions : M. Dechamps
Troisième section
Président : M. de Behr
Vice-président : M. Andries
Secrétaire : M. Metz
Rapporteur des pétitions : M. de Nef
Quatrième section
Président : M. Dubus (aîné)
Vice-président : M. Liedts
Secrétaire : M. B. Dubus
Rapporteur des pétitions : M. Mast de Vries
Cinquième section
Président : M. de Foere
Vice-président : M. Desmaisières
Secrétaire : M. Eloy de Burdinne
Rapporteur des pétitions : M. Zoude
Sixième section
Président : M. Pollénus
Vice-président : M. Milcamps
Secrétaire : M. Troye
Rapporteur des pétitions : M. de Longrée
M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu la nomination des membres de la commission des naturalisations.
- Nombre des votants, 55
Majorité absolue, 28
M. Dubus aîné a obtenu 48 voix
M. Fallon, 53
M. Lejeune, 53
M. Desmanet de Biesme, 53
M. Mast de Vries, 46
M. Milcamps, 51
M. Desmet, 53
Ces messieurs, ayant réuni la majorité absolue des suffrages, sont proclamés membres de la commission des naturalisations qui se trouve complète.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) monte à la tribune et lit le projet de loi, concernant la fabrication de la monnaie d’or.
- Ce projet est renvoyé dans les sections.
M. Zoude. - Messieurs, dans la dernière session, lors de la discussion du budget de la dette publique, j’ai demandé que la chambre accordât un crédit pour le remboursement, au moins partiel, des cautionnements fournis par les comptables dont les fonds sont détenus en Hollande, et qui depuis ont obtenu de la cour des comptes le quitus de leur gestion. La chambre a accueilli ma proposition, en ordonnant qu’elle fût renvoyée aux sections. Jusqu’ici aucun rapport n’a été fait. Je demande, en conséquence, que la chambre veuille bien inviter M. le président à mettre ma proposition à l’ordre du jour dans les sections, afin qu’un rapport puisse être présenté avant la discussion du budget de 1838.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On pourra s’occuper de cet objet en même temps que du budget de la dette publique. (Appuyé.)
(Moniteur belge n°285, du 12 octobre 1837) M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre de la guerre :
« Il est ouvert au département de la guerre un nouveau crédit de 82,360 fr. 32 c. pour le service de santé, qui, avec ceux alloués par l’art. 2 de la loi du 19 mars 1837, n° 48, et par la loi du 20 mai 1837, n° 109, complétera la somme de 490,695 fr. 65 c., demandée au budget de la guerre de l’exercice 1837, chap. IlI, en vue de répartir ces trois crédits ainsi qu’il suit :
« Chapitre III.
« Art. 1. Personnel de l’administration et du magasin général des médicaments : fr. 23,747 95
« Art. 2. Pharmacie centrale, fr. 82,800 00
« Art. 3. Hôpitaux sédentaires (personnel) : fr. 264,145 70
« Art. 4. Matériel des hôpitaux : fr. 120,000 00
« Total : fr. 490,693 65 c.
M. Pollénus. - Lors de la discussion du dernier budget, la chambre, si je me le l’appelle bien, avait invité la commission chargée de l’examen du service de santé, à lui faire un rapport spécial sur cette partie du budget.
Lors du vote du premier crédit provisoire, la commission avait déclaré n’avoir ni le temps ni les moyens de faire un rapport aussi complet qu’elle l’eût désiré. Les choses étaient dans le même état lorsqu’un deuxième crédit provisoire fut alloué. Il me semble qu’avant de nous occuper du nouveau crédit qu’on nous demande aujourd’hui, il importe de savoir si depuis la dernière discussion la commission a reçu des communications qui la missent à même de faire le rapport dont la chambre l’avait chargée. Je désire que quelque membre de cette commission prenne la parole et nous dise si elle a des communications à nous faire.
M. A. Rodenbach. - Nous n’avons pas été mis à même de faire un rapport plus détaillé que celui que nous avons présenté à la chambre il y a cinq mois ; nous n’avons pas reçu les documents qui nous manquaient.
Vous devez tous vous rappeler qu’après le vote du dernier crédit provisoire, M. de Puydt a demandé qu’une nouvelle commission fût nommée, et l’honorable M. Dubus a demandé que la question fût ajournée à la prochaine session. Cette proposition a été ajournée.
Si la chambre désire un nouveau rapport, il faut qu’elle nomme une nouvelle commission, car nous ne pouvons rien ajouter au rapport que nous avons fait.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai peu d’observations à faire en réponse à ce que vient de dire M. A. Rodenbach. Tous les documents ont été remis à la section centrale ; mais, dans le rapport qu’il fit en son nom, M. Desmaisières déclara qu’elle n’avait pas eu le temps d’en faire un ample examen, et ne présenta pas de conclusions. Je proposai alors de voter le crédit demandé pour le service de santé. Mais M. Dumortier, de son côté, proposa de ne voter qu’un nouveau crédit provisoire de quatre mois, afin de permettre de recommencer la discussion lors de la demande du complément du crédit. Voilà le véritable état de la question. Mais depuis le dernier vote aucune section centrale, aucune commission n’est restée saisie de la question. C’est à la chambre à décider maintenant de quelle manière elle veut que cette question soit reprise et résolue.
M. Desmaisières. - Ce qui vient d’être dit est exact, nous n’avons pas pu présenter de rapport complet, exprimer d’opinion réelle, parce que nous n’avons pas eu les documents qui, seuls, nous paraissaient de nature à éclairer notre religion. La chambre se rappellera que lorsque nous avons voté le dernier crédit provisoire pour le service de santé (il serait bon de lire le procès-verbal de cette séance), M. de Puydt fit la proposition de nommer une nouvelle commission, en s’appuyant sur ce que les rapports successifs de la section centrale, érigée en commission par la chambre, n’avaient abouti à rien. Une discussion s’établit sur ce point, et M. Dubus y mit fin en proposant l’ajournement à la session prochaine, ajournement qui fut adopté.
Je propose de reprendre cette discussion, et je demande la lecture du procès-verbal.
M. Dubus (aîné). - Il y a quelque chose de significatif entre les demandes du ministre de la guerre et les décisions de la chambre qui tombent toujours sur le provisoire.
Il s’est passé dans le service de santé quelque chose qui a fait peine à presque tous les membres de la chambre. Le ministère a cru devoir résister à des provocations de journaux que l’on accusait d’être de la mauvaise presse. Mais, quel que soit le canal par lequel arrivent les vérités, il ne faut pas les repousser. Je pense que le ministre n’a pas tout fait en prenant une mesure sévère contre une des parties dont les différends nous ont occupés pour ainsi dire pendant l’année entière. Il est trop tard pour recommencer l’examen de cette affaire et le mener à bonne fin, il n’y a plus que deux mois de crédit à voter ; je serais d’avis de voter quant à présent la demande du ministre, tout en nous réservant de reprendre la discussion lors du vote du budget prochain. Le service de santé est dans la même position qu’il y a six mois, qu’il y a un an. Pans ces circonstances, je voterai pour le crédit demandé, en me réservant de faire, lors de la discussion du prochain budget, toutes les observations que je croirai utiles et convenables.
- Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 mai dernier, qui constate les faits rapportés par M. Desmaisières.
M. Dumortier. - Vous voyez, messieurs, par la lecture qui vient de vous être faite, comment vous avez procédé. Après avoir chargé votre section centrale pour l’examen du budget de la guerre de faire un rapport sur les abus signalés dans le service de santé ; après avoir entendu le rapporteur de cette section centrale nous déclarer qu’il était impossible de faire un rapport circonstancié sur ce service, nous n’avons voulu voter qu’un crédit provisoire. Pourquoi avez-vous agi ainsi ? Parce que vous vouliez qu’une investigation sévère fût portée sur des griefs qui avaient excité au plus haut point l’attention publique. Il y a plus, si ma mémoire est fidèle, dans une séance du mois de mai dernier, un des membres de la commission a provoqué une décision sur la question de savoir si la commission pouvait continuer l’exercice de ses pouvoirs.
Une discussion a eu lieu à cet égard, et la chambre, sur la proposition de M. Dubus (aîné), a décidé qu’elle examinerait la question lors de sa rentrée. C’est donc maintenant que nous devons procéder à cet examen, et par conséquent savoir si la section centrale, considérée comme commission spéciale, doit être continuée dans son mandat ; car il est impossible que vous votiez sans qu’on vous donne les éclaircissements convenables. La commission que vous aviez nommée était assez nombreuse, elle a consacré plusieurs semaines et même plusieurs mois à l’examen de beaucoup de pièces ; les membres qui la composent sont donc plus aptes que d’autres à vous présenter promptement un travail complet sur la matière ; ces membres ont votre confiance, et vous devez la leur continuer. Si l’un d’eux ne peut plus en faire partie, on peut le remplacer. Je ne pourrais pas, moi, ainsi que beaucoup de mes honorables collègues, rien accorder pour le service de santé sans de nouvelles lumières. Donnons, s’il le faut, un crédit provisoire, mais réservons-nous la faculté d’examiner toutes les questions relatives au service de santé, dans la discussion du prochain budget ; or, cette faculté serait illusoire si la commission n’était pas continuée dans son mandat.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Si la chambre est disposée à voter le reste du crédit relatif au service de santé pour l’exercice 1837, la commission n’a plus rien à faire ; ce sera la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget de la guerre pour l’exercice 1838, qui aura à examiner toutes les questions qui concernent le service de santé.
M. Dumortier. - Le ministre de la guerre veut éviter tout examen, il le semblerait du moins. C’est, dit-il, la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget de 1838, qui s’occupera des abus signalés dans le service de santé ; mais cette section centrale aura beaucoup à faire ; elle aura à s’occuper des nombreux abus signalés dans toute l’administration de la guerre, et ne pourra pas traiter la question relative au service de santé d’une manière convenable, car cette question, à elle seule, est de nature à absorber le temps et l’attention de ceux auxquels elle sera soumise. L’ancienne commission, en conséquence des travaux qu’elle a déjà faits, est seule capable de donner une solution définitive dans un temps rapproché ; qu’on lui continue son mandat, et je vote le crédit demandé.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - En continuant, à l’ancienne commission spéciale, son mandat, on n’arriverait à aucun résultat, puisque si vous accordez le crédit que je demande, tout est fini pour le budget de la guerre, en ce qui concerne l’exercice 1837.
L’ancienne commission n’avait de mandat que relativement à ce budget ; elle n’était point une commission d’enquête, et son mandat expire avec le vote du budget de la guerre.
Si j’ai parlé de renvoyer la question sur le service de santé à la section centrale qui examinera le budget de l’exercice 1838, c’est parce que je provoque actuellement, comme précédemment, toute discussion, renfermée dans les limites d’une délibération sur un budget, qui serait capable de jeter la lumière sur l’administration particulière du service de santé.
M. Dumortier. - Ce n’est pas comme commission du budget, mais comme commission spéciale que celle dont il s’agit a été instituée. Il y a résolution à cet égard. La chambre, ayant à nommer une commission spéciale, a cru devoir renvoyer la question à la section centrale, considérée comme commission spéciale. Pourquoi ne veut-on pas de cette commission ? C’est qu’on veut éluder tout examen ; on sait qu’elle connaît tous les abus du service de santé, qu’elle est dans le cas de tirer au clair ce qu’on voudrait laisser dans l’obscurité. Si le ministre de la guerre veut, en effet, qu’on l’éclaire sur l’administration particulière du service de santé, qu’il ne repousse donc pas l’ancienne commission.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il y a quelque chose de vrai dans les assertions du préopinant : en effet, la section centrale a été chargée, comme commission spéciale, de l’examen du service de santé ; mais son mandat avait pour limites celles du budget et n’avait d’autre but que d’arriver au vote du budget ; car, vous devez vous le rappeler, on a rejeté toute commission spéciale ayant un mandat plus étendu, ayant pour but une enquête ; si la question ne paraît pas être suffisamment éclaircie, il ne faut pas l’attribuer au ministre, qui a provoqué toutes les lumières sur la question. On dit que les membres de l’ancienne commission connaissent la matière et méritent la confiance de la chambre ; eh bien, n’est-il pas probable que plusieurs d’entre eux seront nommés pour faire partie de la section centrale à laquelle le budget de la guerre sera soumis ? Leurs travaux ne seront donc pas perdus.
M. Pirson. - Il faut voir les choses comme elles sont : les griefs contre le service de santé n’ont pas pris naissance sous l’administration du ministre actuel de la guerre, et ces griefs qui ont retenti dans la Belgique et dans la chambre ont soulevé les questions les plus irritantes ; il eût fallu éviter toute irritation, et il y en avait un moyen, puisque l’individu, objet particulier de vives attaques, avait offert sa démission. Le ministre de la guerre a fait une faute en ne l’acceptant pas, puisque tout aurait été terminé par là. Toutes les questions vont se renouveler, et je ne serai même pas le dernier à parler sur cette matière, quelque irritante qu’elle soit.
M. le président. - M. Dumortier demande que la section centrale de 1837, chargée comme commission spéciale de l’examen du service de santé, soit continuée dans son mandat, sauf à remplacer le membre qu’elle a perdu par une nomination que ferait la section qui l’avait élu.
M. Dumortier. - Il est nécessaire d’adopter ma proposition. Toute autre commission que l’ancienne examinera le service de santé de manière à faire tardivement son rapport. Vous devez vous rappeler que le ministre de la guerre a déposé sur le bureau un dossier qui faisait la charge d’un homme ; l’ancienne commission en a vu toutes les pièces, et son travail a duré plusieurs semaines ; les membres qui la composent savent donc sur quelles parties les investigations doivent porter ; en écartant ma proposition, on manifeste évidemment le désir d’écarter toute discussion ; on ne peut pas interpréter autrement la pensée de ceux qui la combattent. Si vous chargiez la section centrale d’examiner la question du service de santé, vous renverriez le vote du budget de la guerre à quatre ou cinq mois, car vous devriez attendre très longtemps son rapport ; ainsi vous serez obligé d’accorder des crédits provisoires. Il faut éviter cet inconvénient. Si vous écartez ma proposition, il ne me restera qu’à voter contre le service de santé.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Rien au monde n’est plus gratuit que l’observation que vous venez d’entendre ; nous ne voulons pas nous soustraire à une investigation rigoureuse sur le service de santé ; loin de là, nous provoquons le débat sur cet objet. Mais je ne comprends pas qu’une commission instituée pour examiner un article particulier du budget puisse être continuée dans son mandat quand l’article du budget est voté ; si on la continuait, elle serait évidemment transformée en commission d’enquête, et c’est ce que la chambre n’a pas voulu admettre. Quant à moi, relativement à toute enquête, ma détermination est la même à présent qu’en mars dernier. On prétend qu’une commission nouvelle ne pourrait pas examiner l’affaire aussi bien que l’ancienne, mais n’est-ce pas se trop défier de la capacité des membres de cette nouvelle commission ?
- La proposition de M. Dumortier, mise aux voix, est rejetée, après deux épreuves.
L’article unique proposé par M. le ministre de la guerre est mis aux voix et adopté par assis et levé, paragraphe par paragraphe et dans son ensemble.
M. A. Rodenbach. - Je ne suis point éloigné de voter l’augmentation de 82,360 fr. 52 c. qui est demandée. Toutefois je désirerais savoir si depuis quelques mois on s’est occupé de faire cesser les nombreux abus signalés dans le service de santé. On a eu pour cela le temps nécessaire. Il existe des abus. Ils doivent être encore présents à votre mémoire. Il a été reconnu dans cette enceinte que pendant 6 mois que l’administration du service de santé a eu connaissance qu’il y avait à la pharmacie centrale des médicaments sophistiqués, ces médicaments ont été expédiés dans les hôpitaux, à la connaissance du personnel de la pharmacie centrale. Certes ceci est un grief, et qui a existé à la connaissance de toute la Belgique. Avant de voter le crédit demandé, nous devons savoir si de tels abus existent encore.
Il a été signalé un autre abus. Vous devez vous rappeler qu’il y avait un hôpital où il y avait des fièvres des polders à traiter et où il n’existait pas un atome de sulfate de quinine, et cela sur l’opinion d’un seul médecin que le quinquina suffisait. Un homme qui aime sa patrie ne peut vraiment pas laisser subsister de pareils abus !
Je demande donc des éclaircissements avant qu’il soit passé au vote des 82,360 fr. 32 c. demandés, sauf à y revenir lors du budget.
Je désire donc avoir de M. le ministre de la guerre quelques éclaircissements et savoir de lui ce qu’il a fait dans l’intérêt du service de santé.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Le préopinant affirme de nouveau qu’il existe un grand nombre d’abus dans le service de santé. Quant à moi, je regarde cette manière de parler comme la solution de la question par la question. Je ne rentrerai donc pas dans la question générale. Je me bornerai à répondre au préopinant sur les faits dont il a parlé.
Il est revenu sur la question du sulfate de quinine mélangé de salicine. Aussitôt qu’on a découvert cette falsification, on a commencé par mettre en justice régulière celui qui s’en était avoué coupable. En même temps on a fait faire des recherches dans tous les hôpitaux. On a fait examiner tout le sulfate de quinine qui s’y trouvait, afin de reconnaître s’il était mélangé de salicine. J’ai eu l’honneur de faire connaître à la chambre, lors de la discussion du budget, le résultat de cet examen. Ce résultat a été que, dans une seule infirmerie, il existait encore une petite quantité de sulfate dans lequel ce mélange avait beaucoup diminué, parce que le pharmacien avait mélangé le sulfate de quinine qui lui avait été envoyé avec ce qui restait de l’ancien sulfate de quinine mélangé de salicine. Par conséquent, ce nouveau mélange contenait une très faible partie de salicine.
On a ordonné, par des moyens analytiques maintenant bien connus (ces moyens n’ont pas été connus plus tôt, ce qui est cause que cette falsification n’a pas été reconnue), la séparation de la salicine d’avec le sulfate de quinine ; par conséquent, dès que l’on a reconnu ce mélange coupable, il a cessé de pouvoir produire de l’effet.
Quant au fait de cette infirmerie où il n’y aurait pas eu, dit-on, de sulfate de quinine, attendu que l’agent chargé du service avait déclaré que le quinquina avait d’aussi bons effets que le sulfite de quinine, je dois dire que du sulfate de quinine a été envoyé dans cette infirmerie, et que le médecin qui s’était permis de se passer de ce médicament essentiel, a reçu une punition disciplinaire.
Voilà, sur les deux abus signalés par le préopinant, des éclaircissements qui permettront à la chambre de se tranquilliser sur l’existence et la continuation de ces abus.
M. Dumortier. - J’ai aussi des explications à demander à M. le ministre de la guerre sur le service de santé. La chambre paraît disposée à ne pas s’éclairer ; pour moi je tiens à m’éclairer.
M. le président. - Je ferai observer que la chambre n’a pas déclaré qu’elle ne voulait pas s’éclairer sur le service de santé.
M. Dumortier. - Aussi n’ai-je pas dit qu’elle eût fait une pareille déclaration. Je me suis borné à dire qu’elle paraît disposer à ne pas s’éclairer. (Réclamations.)
Plusieurs membres. - Cela ne paraît aucunement.
M. Dumortier. - Cependant, si on refuse de continuer la commission d’enquête, c’est sans doute qu’on ne veut y voir clair.
M. Lebeau. - C’est votre opinion.
M. Dumortier. - Oui, et j’y persiste.
J’ai lu dans les journaux une lettre d’un fournisseur du service de santé qui déclare, dans les termes les plus exprès, que le directeur du service de santé a voulu lui faire payer une somme déterminée comme commission de la remise d’un mandat liquidé par le ministère de la guerre et ordonnancé par la cour des comptes.
Je regarde cette accusation comme l’une des plus graves qui aient jamais plané sur le service de santé. Car de deux choses l’une : ou il y a eu concussion, ou il y a eu calomnie. Si le fait allégué est faux, il y a calomnie et calomnie des plus odieuses ; si au contraire il est vrai, il est manifeste qu’il y a eu de la part d’un fonctionnaire public une grave concussion.
Pour moi je désirerais savoir de quel côté est impossible qu’elle soit des deux côtés.
J’ai lu la réponse de l’agent du gouvernement chargé du service de santé. Il a répondu qu’il était vrai qu’il avait voulu exiger une somme. Il avoue qu’il a voulu exercer une retenue ; mais il ajoute que c’était afin de faire ordonnancer le mandat. Le fournisseur répond à cela : « Ce que vous avancez est tellement faux, que déjà vous aviez le mandat entre vos mains lorsque vous me demandiez une somme d’argent. Ce n’était donc pas au profil du trésor public que vous faisiez cette demande, puisque le trésor public avait liquidé ; c’était à votre profit, puisque le mandat était entre vos mains. » J’avoue que je trouve cette réponse péremptoire ; jusqu’à ce que l’on ait démontré le contraire, je trouve qu’il n’y a rien à y répliquer.
Ces faits sont de la dernière gravité. Il importe de vérifier s’il y a eu réellement ici concussion ; cela importe surtout dans un service qui dépend de l’administration de la guerre, puisque malheureusement d’autres plaintes de concussion se sont déjà élevées contre cette administration (je ne dis pas que ces plaintes soient fondées, je fais ici les fonctions de rapporteur). Si vous passez légèrement l’éponge sur cette affaire, je ne sais où l’on s’arrêtera en pareille matière.
Je demande donc des éclaircissements.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’exprimerai d’abord le regret de ce que, dans une question aussi grave, le préopinant se borne à faire les fonctions de rapporteur. Je désirerais qu’il eût recueilli des renseignements précis afin de mettre l’administration sur la voie des coupables, s’il y en avait. Mais je suis persuadé qu’il est de ces concussions, dont l’orateur a parlé en termes si vagues et si récemment, comme de ces concussions prétendues qui font l’objet de ses interpellations,
Le fait que l’honorable préopinant vient de citer, je rappellerai à la chambre qu’il a déjà fait l’objet d’une discussion à la fin de 1831, ou au commencement de 1832 ; déjà à cette époque il a été amplement discuté et complétement éclairci par la chambre. Je ne me rappelle pas précisément les articles de journaux dont parle l’honorable préopinant, je n’en lis pas beaucoup de ce genre ; mais le fait dont il est question est un des 20 ou 22 griefs qui ont été articulés contre le service de santé, et sur la valeur desquels je pense que la section centrale a déjà pu se former une opinion ; il est, du reste, du nombre de ceux à l’égard desquels, dans une séance de la dernière session, j’ai donné moi-même de très longues explications ; si la chambre le désire, je rappellerai aussi brièvement que possible ce que j’ai dit alors à ce sujet : il avait en effet délivré un mandat en faveur d’un pharmacien, et le chef du service de santé, avant de le remettre, a voulu que celui à qui il était destiné fît un rabais sur la somme qu’il portait, mais voici, messieurs, les circonstances qui ont précédé ce fait :
Il s’agissait de liquider une somme due pour fournitures faites pendant l’année précédente ; pendant l’intervalle qui s’était écoulé depuis la remise des pièces jusqu’au moment où elles passèrent à la cour des comptes, on reçut des soumissions pour les fournitures de l’année suivante ; alors l’inspecteur général du service de santé fut frappé de l’excessive différence qu’il y avait entre les prix des fournitures liquidées et les prix auxquels le fournisseur offrait de les faire pour l’année qui devait s’ouvrir ; il en conclut qu’il devait y avoir exaction de la part de ce fournisseur ; il fit à cet égard plusieurs rapports au ministre de la guerre, déclarant l’intention où il était d’entrer de nouveau en compte avec l’entrepreneur, afin de pouvoir, dans l’intérêt du trésor, réduire les prix des médicaments fournis à leur véritable valeur.
Ainsi, messieurs, cet acte qu’on représente comme une concussion, a été notifié d’avance ; les motifs qui y ont donné lieu ont également été notifiés d’avance ; dès lors, tous les caractères d’une concussion disparaissent évidemment, et il devient clair que le fonctionnaire dont il s’agit a eu dans cette circonstance l’intérêt du trésor public pour seul mobile de sa conduite.
- On passe à l’appel nominal sur l’ensemble de la proposition ; en voici le résultat :
57 membres prennent part au vote ;
7 s’abstiennent ;
56 adoptent ;
1 rejette.
En conséquence la proposition est adoptée.
Ont voté l’adoption :
MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baekelandt, Coghen, Corneli, Van Volxem, Metz, de Behr, de Brouckere, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Muelenaere, Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, Bernard Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Verhaegen, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Mercier, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, C. Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Perceval, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, de Langhe, de Florisone, Willmar, Zoude et Raikem.
M. Dumortier a voté le rejet.
MM. de Foere, de Jaegher, Frison, Lejeune, Pollénus, A. Rodenbach, Vandenbossche, se sont abstenus.
Ces messieurs sont appelés à donner les motifs de leur abstention.
M. de Foere. - Je me suis abstenu de voter, d’abord parce que la proposition de M. le ministre de la guerre, qui est assez grave, n’a pas été régulièrement examinée ; ensuite parce que c’est poser un antécédent dangereux que de voter une proposition importante sans qu’elle ait subi la discussion soit des sections, soit d’une commission : pour ma part, je n’ai pas cru devoir concourir à établir un semblable précédent.
M. de Jaegher. - D’une part, messieurs, le crédit était indispensable pour ne pas entraver le service de l’administration tout entière, et d’une autre part, la commission qui a été chargée d’examiner les griefs articulés contre certaines branches de cette administration nous ont déclaré ne pas avoir les pièces nécessaires pour pouvoir s’acquitter complétement de sa mission ; dans cet état de choses j’ai dû m’abstenir, ne voulant pas que mon vote fût mal interprété.
M. Pirson. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l’honorable M. de Jaegher.
M. Lejeune. - Je n’ai pas voté contre le crédit pour ne pas entraver le service.
Je n’ai pu voter pour le crédit parce qu’il ne nous a pas été présenté de rapport détaillé sur le service de santé, rapport que j’ai toujours provoqué. C’est pour ce motif que j’ai voté pour la proposition faite, au commencement de cette discussion, par l’honorable M. Dumortier.
M. A. Rodenbach. M. Pollénus et M. Vandenbossche déclarent s’être abstenus pour les mêmes motifs que M. Lejeune.
M. le président. - L’année dernière les sections examinaient successivement les divers budgets, et chaque fois qu’elles en avaient terminé un, elles nommaient leurs rapporteurs qui se réunissaient alors en section centrale pour se livrer également à l’examen de chaque budget en particulier et en faire le rapport ; je proposerai à la chambre de suivre encore le même mode cette année ; on pourrait alors s’occuper, d’abord du budget de la dette publique et des dotations, en second lieu du budget de la justice, en troisième lieu du budget de l’intérieur, en quatrième lieu du budget des affaires étrangères et de la marine, ensuite du budget de la guerre et enfin du budget des finances. Les sections pourraient nommer un rapporteur pour un ou pour deux budgets, selon qu’elles le trouveraient convenable.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’année dernière on a nommé deux rapporteurs pour le budget de l’intérieur et pour celui des affaires étrangères ; il me semble qu’il conviendrait de suivre la même marche.
M. Dumortier. - Il serait inutile de nommer un rapporteur spécial pour le budget de la justice ; il ne demande pas un long examen, la plupart des dépenses qu’il renferme étant réglées par la loi.
On peut laisser aux sections le soin de nommer un rapporteur pour telles parties du budget qu’elles jugeront utile.
M. de Brouckere. - Il me semble, messieurs, que l’essentiel est de régler dans quel ordre les budgets seront examinés ; après cela il contient de laisser aux sections la faculté de nommer un rapporteur pour un ou pour plusieurs budgets ; toutefois, la chambre conviendra qu’il n’y a aucun rapport entre le budget de l’intérieur et celui des affaires étrangères, pas plus qu’entre ce dernier et celui de la justice. Quant à l’observation de l’honorable M. Dumortier, elle est assez juste : le budget de la justice ne peut donner lieu qu’à un très petit travail, puisque tous les appointements des membres de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi ; mais ce sera aux sections de juger s’il convient de charger le rapporteur de ce budget d’un autre rapport, et je ne pense pas qu’il convienne de leur imposer une loi à cet égard. Il me semble donc que le bureau doit tout simplement fixer l’ordre dans lequel les budgets seront examinés et laisser aux sections la faculté de nommer un rapporteur pour une ou plusieurs parties des budgets.
M. le président. - Messieurs, quand j’ai fait ma proposition à la chambre, c’était pour que les sections pussent suivre une marche uniforme. J’ai dit qu’on pourrait nommer un rapporteur pour un ou plusieurs budgets. En faisant ma proposition, je n’ai nullement entendu régler le travail des sections, mais j’ai cru devoir rappeler ce qui avait été fait l’année dernière, parce que la marche que la chambre a suivie alors, avait facilité les travaux de la section centrale.
Du reste, le principal objet, en ce moment, est de régler les diverses parties du budget qui seront successivement examinées par les sections.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je demande que l’on abandonne au bureau le soin de régler l’ordre dans lequel les budgets seront examinés dans les sections.
M. de Brouckere. - Nous sommes tous d’accord : ce que M. le ministre des finances demande, M. le président vient de le faire en déclarant que l’on pourrait s’occuper dans les sections en premier lieu du budget de la dette publique, puis de celui de la justice, et ainsi de suite. La chambre se conformera à ce que le bureau aura décidé.
M. Dumortier. - Si la chambre veut procéder avec célérité, qu’elle divise le travail de l’examen du budget en trois parties ; vous aurez trois sections centrales, dont l’une sera présidée par le président de la chambre, et chacune des deux autres par un des deux vice-présidents. Vous marcherez de cette manière très rapidement, tandis que si vous procédez comme l’année dernière, il pourra arriver que vous n’ayez les rapports sur certains budgets qu’au mois de mars ou d’avril prochain.
Je demande qu’on nomme trois sections centrales dont chacune sera chargée de l’examen de deux budgets, et qu’elles soient présidées, l’une par M. le président de la chambre, et l’autre par chacune des vice-présidents.
M. le président. - Je concevrais la proposition de M. Dumortier s’il était possible d’examiner à la fois tous les budgets. Il arrivera probablement que la section centrale sera saisie de l’examen de plusieurs budgets pour lesquels des rapporteurs auront été nommés, tandis qu’on s’occupera des autres budgets dans les sections.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, il me semble que le bureau seul doit régler l’ordre dans lequel l’examen des budgets aura lieu. Nous devons tous désirer que la besogne soit bien faite, et le but vers lequel nous tendons tous est la discussion prochaine des budgets. Or, le moyen le plus simple d’atteindre ce but est d’abandonner cet objet au bureau qui, j’en suis persuadé, le réglera à la satisfaction générale. (Appuyé !)
M. le président. - Ainsi, s’il n’y a pas d’opposition, les sections seront convoquées demain pour l’examen du budget de la dette publique et des dotations ; les présidents des sections seront invités se réunir au bureau pour régler l’ordre des autres budgets.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, vous venez de régler l’ordre des travaux dans vos sections. Il reste maintenant à statuer sur l’objet à mettre en discussion, lors de la prochaine séance publique. J’ai l’honneur de proposer à la chambre de ne pas avoir de séance publique avant le milieu de la semaine prochaine, et de consacrer plusieurs jours à l’examen du budget dans les sections. Si la chambre adopte cette proposition, je proposerai ensuite de fixer la reprise de nos séances publiques à jeudi 19 octobre et de commencer la discussion par la loi des douanes.
A cet égard, je dois rendre la chambre attentive à une circonstance toute spéciale qui se présente ici. Jusqu’à présent, il a été reconnu que, dans le cas d’un renouvellement de la chambre, les travaux faits demeuraient faits ; mais nous ne nous sommes pas encore trouvés dans un cas semblable à celui de la loi des douanes qui a déjà subi un premier vote. Il reste à savoir si la chambre entend reprendre la discussion au point où elle est arrivée dans la dernière session, ou bien si son intention est de recommencer toute la discussion, en prenant pour point de départ le rapport primitif de la section centrale.
Je ferai remarquer que dans les circonstances actuelles il y aurait peut-être moins d’inconvénients que dans tout autre cas à continuer la discussion dans l’état où elle a été laissée, parce que tous les articles ont été amendés à l’exception de trois qui sont ceux des vins, de la chicorée et des bois de réglisse. Et même, à l’égard de ces trois derniers articles, si quelque membre de la chambre désirait y proposer un amendement, je ne verrais aucun inconvénient à les considérer comme connexes avec les autres articles amendés, de manière qu’on serait libre d’amender ceux-là comme ceux-ci ; ainsi, il ne s’agit ici que d’une question de temps pour la chambre. Il est évident, en effet, que si la chambre reprend la discussion au point où elle est restée, la perte de temps sera bien moins grande ; d’autre part, si nous laissons un intervalle convenable, les membres nouvellement élus pourront prendre connaissance de la première discussion et des amendements qui ont été adoptés ; et je pense que, par la lecture du il, ils se trouveront au courant aussi bien que ceux qui ont pris part à la discussion.
Du reste, messieurs, je ne tiens pas à l’adoption de ce mode de procéder, à l’exclusion de celui qui consisterait à reprendre la discussion sur le rapport primitif de la section centrale, en laissant de côté le premier vote. C’est un point que j’abandonne à la décision de la chambre.
M. Verhaegen. - Messieurs, la proposition de M. le ministre de l’intérieur me paraît inadmissible ; car si l’on décide que l’on reprendra la discussion au point où elle a été laissée, c’est déclarer que les nouveaux membres doivent s’abstenir de voter. En effet, je ne pense pas qu’ils s’aviseront d’émettre un vote sur une loi sans avoir assisté à la discussion. Pour moi, je déclare formellement que si l’on adopte la proposition de M. le ministre de l’intérieur, je croirai ne pas pouvoir voter.
M. de Brouckere. - Messieurs, la motion que vient de faire M. le ministre de l’intérieur ne peut avoir évidemment pour but que de gagner du temps. Cependant je dois convenir que s’il y a de l’opposition de la part de quelques membres, il faudra que l’assemblée tranche la question de savoir si, après un renouvellement partiel de la chambre, les lois qui ont été discutées jusqu’à un certain point doivent être livrées ou non à une nouvelle discussion.
Je répondrai maintenant à M. Verhaegen, qui dit qu’en sa qualité de nouvel élu, il ne pourra pas émettre un vote en connaissance de cause, si l’on vient à voter sur l’ensemble d’une loi à laquelle il n’a pas assisté ; je lui répondrai, dis-je, qu’il n’est pas question de voter sur une loi qu’on ne discutera pas. La loi des douanes a été votée, il est vrai, une première fois ; mais tous les articles, sauf trois, ont été amendés, de telle manière qu’une nouvelle discussion va s’engager sur tous et chacun des articles, discussion à laquelle les nouveaux membres pourront prendre part et dans le courant de laquelle il leur sera loisible de présenter tel amendement qu’ils jugeront convenable ; de façon qu’après cette seconde discussion, les nouveaux membres seront aussi éclairés que s’ils avaient assisté à la première.
M. Verhaegen. - Je crois devoir persister dans mon observation. Je répondrai à l’honorable préopinant de deux choses l’une, ou la première discussion a produit quelque chose, ou elle n’a rien produit ; si elle n’a rien produit et qu’il faille tout recommencer, nous sommes d’accord ; mais s’il faut voter en prenant pour base certains points considérés comme définitivement arrêtés dans la première discussion, les nouveaux membres ne pourront pas prendre part au vote.
M. Desmet. - L’observation de l’honorable M. Verhaegen me paraît fondée. Je crois que les nouveaux membres ont droit de prendre part à une discussion générale qui est très importante dans une loi de la nature de celle dont il s’agit. J’appuie en conséquence l’opinion qu’il faut tout recommencer et recommencer par une discussion générale.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Verhaegen m’a répondu par un dilemme : de deux choses l’une, a-t-il dit, ou la première discussion a produit quelque chose, ou elle n’a rien produit. Si elle a produit quelque chose, nous sommes dans une position plus défavorable que ceux qui ont pris part à cette discussion ; si elle n’a rien produit, alors deux discussions sont inutiles.
Oui, la première discussion a produit quelque chose, elle a produit des discours et beaucoup de discours. Mais l’honorable membre pense-t-il que quand deux discussions ont lieu, nous allons répéter dans la seconde tous les discours que nous avons prononcés dans la première ? Il n’en est pas ainsi ; si deux discussions ont lieu, l’une sera extrêmement brève, parce que nous n’irons pas répéter tous et chacun la même chose.
Pourquoi ordinairement y a-t-il une seconde discussion ? C’est afin de donner le temps de bien mûrir les amendements qui ont été introduits dans le projet lors de la première discussion ; et l’article du règlement qui ordonne une seconde discussion quand des amendements ont été adoptés a été introduit parce qu’on a reconnu que des amendements avaient été adoptés légèrement, sans qu’on en ait apprécié la portée, et que la chambre s’est aperçue qu’elle avait été induite en erreur.
Je pourrais citer des exemples frappants. Si aujourd’hui la chambre décide qu’il n’y aura qu’une seule discussion, en résultera-t-il que la loi ne subira qu’un examen superficiel ? J’ose garantir que non, et que la discussion sera aussi longue, aussi approfondie qu’on peut le désirer. Je ne pense pas que personne me contredise ; nous avons prouvé que la loi de douanes nous touchait de très près, nous intéressait très vivement ; dans la plupart des questions, nous avons été en dissentiment avec le ministère ; s’il persiste dans son opinion, il est probable que la chambre persistera aussi dans la sienne, si pas sur toutes les questions, au moins sur beaucoup ; par conséquent il est impossible que la discussion ne soit pas vive, animée. Tous les membres nouveaux pourront donc s’éclairer sur toutes les questions. S’il en est ainsi, à quoi bon passer un temps plus ou moins long à discuter deux fois, quand, en discutant une seule fois, chacun des nouveaux membres pourra non seulement émettre son vote en connaissance de cause, mais exprimer son opinion dans des discours ?
D’après cela je persiste dans l’opinion que j’ai émise au commencement de cette discussion.
M. Verhaegen. - Il ne me faut que les raisons que l’honorable préopinant vient de donner à l’appui de son opinion, pour persister dans la mienne. Puisqu’il est entré dans l’esprit du règlement, je l’y suivrai. Il vous a dit que la seconde discussion était nécessaire pour mûrir les amendements adoptés dans la première. Je vous demande si nous avons pu mûrir les amendements adoptés lors de la première discussion, nous qui n’étions pas à la chambre lorsqu’elle a eu lieu.
M. Lardinois. - Je ne puis que me ranger de l’avis de M. Verhaegen. La discussion de la loi de douanes ne peut pas être reprise au point où elle a été laissée à la fin de la dernière session. Il en résulterait de graves inconvénients. Nous savons que ce projet a jeté l’alarme chez plusieurs industriels. Depuis notre séparation une crise commerciale a affligé une grande partie de l’Europe et l’Amérique. Cela a dû faire réfléchir le gouvernement. J’espère que les opinions des ministres se seront modifiées en présence de cette crise.
Je me rallie donc à la proposition de M. Verhaegen, je demande qu’on recommence toute la discussion. Je ne sais pas s’il serait très constitutionnel d’admettre la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. Liedts. - Un honorable membre a semblé dire qu’il resterait une question de droit à décider. Je ne vois pas quelle influence une question de droit peut avoir dans la question qui nous occupe. Il est très souvent arrivé que deux et trois membres nouveaux entraient dans la chambre au milieu d’une session ; et il n’est jamais entré dans l’idée de personne de recommencer l’examen d’un projet qui avait déjà subi une discussion. Cependant, si la question devait se décider en droit strict, ce qui est vrai pour huit ou dix membres le serait également pour deux ou trois. C’est donc par les circonstances dans lesquelles on se trouve qu’il faut décider la question.
Je viens d’entendre dire que le projet dont il s’agit avait excité des alarmes chez certains industriels. Je demanderai à l’honorable membre si le projet qu’on adoptera en recommençant toute la discussion les contentera davantage que si on ne fait que la continuer. Est-ce que toutes les opinions ne pourront pas se faire jour, est-ce que les articles qui ont excité des alarmes ne subiront pas une nouvelle discussion ? Ne peuvent-ils pas être révisés ? n’ont-ils pas été amendés ? C’est une question de temps uniquement. Il s’agit de savoir si nous voulons économiser trois semaines pour les employer à des travaux non moins importants que la discussion de la loi de douanes.
Je pense qu’une seule discussion sur les articles amendés sera suffisante et qu’il n’y a pas de motif pour recommencer toute la discussion.
M. Lardinois. - On objecte qu’il ne s’agit que de deux ou trois membres nouveaux. Je ferai observer que le nombre des nouveaux membres ne fait rien, qu’il y a eu renouvellement de la moitié de la chambre. Si l’on voulait recommencer toute la discussion sans égard pour les articles non amendés, je ne m’y opposerais pas. On vous a dit que seulement deux ou trois articles insignifiants n’avaient pas été amendés. C’est une erreur : à l’article des draps, qui est une industrie assez importante, la prohibition a été levée sur la proposition du gouvernement.
M. de Brouckere. - La prohibition n’est levée qu’à compter de 1839, tandis que le gouvernement voulait qu’elle le fût immédiatement.
M. Lardinois. - Le principe de la prohibition est toujours écarté.
M. de Brouckere. - Par l’amendement tout peut être remis en question.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je comprends pour quel motif l’honorable préopinant insiste pour qu’on recommence toute la discussion. Je lui ferai observer que l’article des draps a subi un amendement non seulement en ce que la prohibition ne sera levée qu’en 1839, mais encore en ce que les droits seront doubles à l’égard des pays qui accordent des restitutions de droits à la sortie. Il est donc évident que cet article est encore entièrement en question, et que la chambre pourrait encore au second vote maintenir purement et simplement la prohibition.
Je répéterai ce que j’ai dit en faisant ma proposition que les articles non amendés peuvent l’être au second vote, par ce motif que les articles du tarif sont corrélatifs. Nous ne nous opposerons pas à ce qu’on propose des amendements sur ces articles, mais je suis persuadé qu’on ne le fera pas.
M. Dumortier. - Je désirerais que la manière dont M. le ministre envisage la question pût être admise ; mais cela ne me paraît pas possible.
En effet, dans quelle situation sommes-nous ? en présence d’une chambre nouvelle. Or, d’après notre règlement la confection de la loi se fait, quand il y a des amendements, au moyen de deux votes. Est-il possible qu’une chambre renouvelée termine une loi commencée par une chambre précédente ? Cela est de toute impossibilité. Comment ! Plus de la moitié des membres sont sortis, de nouveaux membres sont nommés, et vous voulez continuer une discussion à laquelle ils n’ont pas assisté ! Autant vaudrait déclarer qu’à la suite d’une dissolution, la chambre nouvelle peut reprendre une discussion commencée par la chambre dissoute et la continuer ; ce serait la même chose.
Je vois une différence très grande entre l’examen des sections et un vote de la chambre ; le vote des sections n’est qu’un travail préparatoire, tandis que le premier vote de la chambre est une partie de la confection de la loi. Or, une loi ne peut pas être faite par deux législatures. Vous ne pouvez pas continuer une loi commencée par une législature précédente. Mais il y a un moyen de parer aux lenteurs qu’on veut éviter : ce serait de décider que pour cette fois il n’y aurait qu’un seul vote. Quant au vote émis à la session dernière, on ne peut pas le considérer comme un premier vote qui nous lie. Je proposerai d’établir la discussion sur le projet du ministre et les propositions de la section centrale.
M. Pirmez. - Dans l’opinion des membres qui veulent recommencer la première discussion, il faudrait ordonner de nouveau le renvoi du projet de loi en sections, car les nouveaux membres ont droit tout aussi bien à l’examen en sections qu’à la première discussion, et vous conviendrez que cela vous mènerait trop loin.
M. de Brouckere. - La proposition de l’honorable M. Dumortier ne peut pas être adoptée, car quel projet discuterions-nous ? Le projet du gouvernement ? La chambre ne le voudrait pas. Le projet adopté par la chambre à un premier vote ? Mais le ministère ne consentirait pas à ce que l’on considérât comme propositions du gouvernement les amendements adoptés par la chambre. Il faut, messieurs, ou recommencer, ou reprendre la discussion où elle en était au moment de notre séparation, et discuter une seconde fois largement sans que l’on puisse cette fois invoquer les fins de non-recevoir établies par les règlements pour les seconds votes.
M. Trentesaux. - C’est cela !
M. de Langhe. - Il me semble qu’il est de toute nécessité que l’on puisse proposer de nouveaux amendements ; autrement la discussion serait nulle pour les nouveaux membres.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - C’est dans ce sens que j’ai parlé, et j’ai même expliqué ma proposition. (Adhésion.) J’ai dit que l’on pourrait proposer des amendements à tous les articles. Ainsi la proposition de M. de Brouckere et la mienne ne font qu’une.
- La chambre, consultée, décide qu’il n’y aura sur le projet de loi portant des modifications au tarif des douanes qu’un second vote, mais en ce sens qu’on pourra proposer des amendements à tous les articles comme s’il s’agissait d’un premier vote, et que l’on ne pourra opposer contre ces amendements aucune des fins de non-recevoir de l’article 45 du règlement, et fixe cette discussion au jeudi 19 octobre.
- La séance est levée à 4 heures.