(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1837 et Moniteur belge n°138, du 18 mai 1837)
(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur François-Cyprien Mesnier, né en France et habitant la Belgique depuis 1814, demande la naturalisation. »
- Cette pétition est renvoyée à M. le ministre de la justice.
« Des propriétaires de Mons et environs demandent à être indemnisés des pertes causées, en 1815, par l’inondation autour de la place de Mons. »
- Sur la proposition de M. Dolez., appuyée par M. Gendebien, cette pétition est renvoyée à la commission des finances, avec demande d’un prompt rapport.
« Des électeurs de Wavre demandent de nouveau que le siège électoral du troisième arrondissement de la province de Brabant soit fixé à Wavre. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
M. Gendebien. - Dans la pétition dont vous venez d’entendre l’analyse, des électeurs de Wavre supplient la chambre de s’occuper immédiatement de la proposition que j’ai eu l’honneur de déposer et qui a été renvoyée à l’examen des sections. J’espère que le bureau agira de façon que ce renvoi ne soit pas illusoire, et ne soit pas, comme le considèrent les pétitionnaires, un moyen dilatoire.
M. le président. - Aujourd’hui, messieurs, les présidents des sections ont été convoqués. Mais la commission chargée de l’examen de la proposition de M. Dumortier a été réunie jusqu’au moment de l’ouverture de la séance. Si MM. les présidents des sections veulent se réunir avant la fin de la séance, il pourra être statué sur la demande de M. Gendebien.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pièces suivantes :
« Dépêche de M. le ministre des finances, contenant des explications sur la pétition de plusieurs marchands boutiquiers de la commune de Meulebeke, demandant à être exemptés du droit de patente auquel ils sont assujettis pour la vente de leurs marchandises hors de leur domicile. »
- Pris pour notification.
Lettre de M. H. Vilain XIIII, faisant connaître qu’une indisposition l’empêche de prendre part aux travaux de la chambre.
- Pris pour notification.
Lettre de M. Berger, faisant connaître qu’une indisposition l’empêche de prendre part aux travaux de la chambre.
- Pris pour notification.
M. Fallon, vice-président, remplace M. Raikem au fauteuil.
Tulles
M. le président. - La discussion continue sur l’article du tarif « Tissus, toiles et étoffes. »
M. Desmaisières. - J’avais demandé la parole pour faire une simple observation en réponse à un discours qui venait d’être prononcé. Mais comme il s’est écoulé un assez long intervalle entre la séance où l’on s’est occupé de cet objet et la séance actuelle, je crois devoir répondre en peu de mots aux observations qui ont été présentées.
Quant au nombre d’ouvrières, nous ne contestons pas que la broderie en occupe beaucoup, non pas seulement dans la province d’Anvers, mais aussi dans les Flandres.
Mais, a-t-on dit, cette industrie s’est soutenue jusqu’ici ; maintenant elle va en déclinant, et les ouvrières ne gagnent plus que des salaires qu’il n’est plus possible de diminuer. Ce qui nous donnait autrefois l’avantage sur l’étranger, c’était l’habilité de nos ouvrières et le prix modique de la main-d’œuvre ; aujourd’hui, on commence à broder le tulle en Hollande et en Allemagne, et nous trouvons de la concurrence sur notre marché.
Je crois qu’on ne peut rien dire de plus fort en faveur des propositions faites par la section centrale, puisqu’elle propose un droit de protection de 15 p. c. Si elle élève le chiffre à ce taux, c’est qu’elle s’est aperçue que cette industrie commençait à décliner, et que la Hollande et l’Allemagne présentent une concurrence assez forte. Il fallait donc que l’on protégeât la fabrication du tulle en même temps que sa broderie. De plus, il est de l’intérêt des brodeurs eux-mêmes de ne pas dépendre de l’étranger pour leurs matières premières.
En voulant combattre la proposition de la section centrale, on s’est combattu soi-même. On suppose que la protection proposée par la section centrale revienne à 11 p. c. sur les tulles, ce que je conteste, car le chiffre proposé est 8 p. c. à la valeur, et tout le inonde sait que cela ne revient guère qu’à 5 p. c.
On nous dit : Le fil retors, propre à faire le tulle, pourra entrer en Belgique moyennant un très minime droit de balance, et ce n’est pas trop que d’élever ce droit à 3 p. c., ce qui ajouté à 8 p. c. ferait 11 p. c. Mais, messieurs, on oublie que, vis-à-vis de l’étranger qui a le monopole de la fabrication du fil, ce n’est pas là une protection que les prétendus 3 p. c. dont on parle tant ; car le fabricant belge, quoique son fil puisse lui arriver sans droit, aura toujours du désavantage vis-à-vis du fabricant étranger, puisqu’il aura à payer les frais de transport et en sus le droit de balance dont il est question. En définitive donc la protection pour le fabricant de tulle ne sera que de 3 p. c.
Quant au blanchiment, d’un côté, on prétend que nos fabricants seront bien obligés de faire blanchir leurs tulles en Angleterre ; d’un autre côté, on prétend que nos brodeuses ou nos négociants pour elles ne peuvent envoyer nos tulles écrus en Angleterre, et que nous serons obligés de les faire blanchir par nos mauvaises blanchisseries belges, car on a dit que nous ne savions pas blanchir. Je ne sais pas comment expliquer des allégations aussi contradictoires.
On a dit aussi que le tulle blanchi en Hollande était supérieur au tulle blanchi en Belgique ; c’est le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères qui l’a dit, et tout le monde sait qu’il a dans son département le bureau de l’industrie et du commerce, et que, par conséquent, ses paroles doivent avoir un grand retentissement dans le pays.
On a ajouté qu’un industriel d’Anvers avait fait les plus grands efforts pour blanchir les tulles et qu’il pas réussi, et que personne ne pourra réussir.
Je tiens en main une pétition qui nous a été adressée en 1833 par un industriel qui avait alors une fabrique de tulles à Gand, et qui, faute de protection, a été obligé de la transporter en Hollande.
On dit, dans cette pétition, qu’en diminuant les droits d’entrée sur les tulles étrangers, on favorisera la fabrication anglaise pour enrichir quelques importateurs qui sont plus ou moins intéressés dans les fabriques anglaises, comme la maison William Wood d’Anvers ; et ceci aux dépens du trésor de l’Etat, et au détriment de nos fabriques.
Ainsi, vous voyez que le blanchisseur d’Anvers, que l’on a cité comme ayant reconnu son infériorité vis-à-vis de l’Angleterre, est intéressé dans les blanchisseries de Nottingham.
Je tiens une autre pétition, également de 1833, où l’on dit que si l’on met à 2 ou 3 p. c. le droit à la valeur, ou à 30 par kilog., le trésor y gagnera ; que les tulles qui auraient reçu une manipulation, soit par la broderie, soit par le blanchissement, devraient rester comme ils sont à présent, afin de protéger la main-d’œuvre. Cette pétition qui porte beaucoup de signatures, porte aussi celle de M. William Wood, et puisqu’en même temps qu’on demande le maintien du droit de 10 p. c. sur le tulle blanchi, on propose de réduire celui sur le tulle écru à 3 p. c., vous voyez qu’alors, bien qu’aujourd’hui on s’oppose tant à une différence de 4 p. c., on en voulait une alors de 7 p. c.
Je tiens encore une pétition de 1835 portant la signature du même industriel d’Anvers.
Mais je terminerai mes citations par une lettre récente de cet industriel d’Anvers. J’ai ici l’original de la lettre ; mais comme elle est presque indéchiffrable, on m’en a donné une copie lisible. La date est du 8 mai 1837. S’il faut en croire cette fois M. William Wood, des marchands français demandent du blanc d’Anvers et non du blanc anglais ; ainsi, d’après cette lettre, loin qu’on blanchisse mal à Anvers, on y blanchit mieux qu’en Angleterre, puisque les négociants français préfèrent le blanc d’Anvers.
M. Hye-Hoys. - M. le ministre de l’intérieur vous a cité, dans la séance du 5 mai, les avis de la chambre de commerce d’Anvers concernant les tulles, ville où il n’existe pas un seul fabricant, mais bien des négociants qui reçoivent les tulles tout finis de l’Angleterre ; il est tout naturel qu’ils aient un intérêt opposé à nos fabricants et blanchisseurs du pays, et en conséquence ne demandent pas mieux que de pouvoir introduire le tulle, fût-ce avec un droit de balance ; mais pourquoi M. le ministre de l’intérieur ne fait-il aucune remarque sur les avis de la chambre de commerce de Bruges, par exemple, qui nous dit qu’ils ont unanimement d’avis qu’il serait préférable d’établir trois catégories, et de fixer les droits d’entrée sur les tulles écrus à 5 p. c., blanchis à 10 p. c,, et sur ceux brodés à 15 p. c. ? Ne devrait-on pas répondre que M. le ministre de l’intérieur plaide la cause contre l’industrie du pays au lieu de la protéger, puisqu’il dit vous que dans tous les cas la différence entre le tulle écru et blanchi ne devrait être que d’un pour cent, parce qu’avec cette différence on peut blanchir et apprêter dans le pays ? Je vous le demande, messieurs, si un établissement tel que celui de M. Legrand de Gand, qui coûte au-delà de 200.000 fr., peut être encouragé par une protection d’un pour cent ? Y a-t-il ici dans la chambre un seul industriel qui partage cette opinion et qui ne la trouve déraisonnable ? M. le ministre vous fait en outre remarquer l’observation de l’honorable M. Mast de Vries, qui vous a dit que les blanchisseurs trouveront un avantage considérable en ce que la matière première sera introduite à un droit beaucoup plus bas ; mais qu’est-ce que cela fait aux blanchisseurs si vous ne faites aucune distinction entre le blanchi et l’écru ? Rien, exactement rien ; au contraire, cela rend leur position encore plus fâcheuse. Car cela ne vaut plus la peine d’employer deux correspondants, car qui sera assez sot de commander des tulles écrus en Angleterre pour les faire blanchir ici avec une différence d’un p. c. ?
L’honorable M. Mast de Vries vous a observé de plus qu’on a beau dire que les blanchisseurs belges blanchissent aussi bien que les blanchisseurs anglais, l’expérience prouve, dit l’orateur, le contraire : eh bien, messieurs, je tiens en main la déclaration de plusieurs négociants en broderie, résidant dans la ville de Lierre, qui déclarent qu’ils font broder les tulles blanchis et apprêtés par l’établissement de M. Legrand de Gand, et que depuis plusieurs années leurs broderies appliquées sur les produits de cette maison ont été préférés aussi bien à l’étranger qu’en Belgique.
Que les tulles blanchis en Belgique ont exactement la même nuance et se conservent de même comme ceux blanchis en Angleterre, c’est facile à prouver ; aussi c’est exactement le même procédé. Voici un échantillon blanchi dans le mois de septembre dernier, il y a 8 mois ; je prierai les honorables MM. Mast de Vries et Verdussen de l’examiner pour voir s’il y a la moindre apparence de jaunir. Au reste, la grande exportation que fait le sieur Legrand pour presque tous les pays prouve suffisamment que le fait avancé n’a pas la moindre apparence de vérité.
Je le répète donc, messieurs, votre section centrale a approfondi la question sous tous les rapports et maintient en conséquence sa proposition, qui est la plus conciliable.
M. de Muelenaere. - Dans la dernière séance où la chambre s’est occupée du tarif, la discussion a principalement roulé sur la question de savoir s’il convient d’établir un droit différentiel sur le tulle écru et le tulle blanchi.
L’honorable M. Desmaisières versé dans cette partie de notre industrie, vient de traiter la question, et a simplifié ma tâche. Je me bornerai à rappeler à la chambre les objections principales qui ont été faites contre le rapport de la commission.
On vous a dit, messieurs, que le blanc anglais est infiniment supérieur au blanc du pays.
On n’a rien allégué, messieurs, pour prouver cette assertion. Il me semble qu’avant de jeter une sorte de déconsidération sur une industrie qui a pris un grand développement dans le pays, on aurait pu au moins déférer à la demande faite par les blanchisseurs : vous avez vu, messieurs, dans le mémoire qui vous a été distribué, qu’à la page 15 de ce mémoire, après avoir relevé l’assertion que le blanc anglais serait supérieur au blanc du pays, les industriels belges se bornent à demander qu’il plaise au gouvernement de déléguer une commission à l’effet de visiter leurs établissements et de confronter, sous le rapport du blanc du pays, de l’apprêt et des autres manipulations, leurs produits avec les produits étrangers.
Voilà, messieurs, la proposition que nos industriels ont faite au gouvernement ; c’était, selon eux, le seul moyen de répondre victorieusement à l’observation que les négociants étrangers n’ont pas cessé de produire, que le blanc du pays serait inférieur au blanc étranger. Je ne sais pas si cette vérification a été faite, mais incontestablement, c’était le meilleur moyen de connaître la vérité.
Quoi qu’il en soit, vous venez d’entendre, messieurs, par les pièces dont l’honorable M. Desmaisières vient de vous donner lecture, que des personnes tout à fait désintéressées dans la question sont d’avis que les tulles blanchis dans le pays peuvent rivaliser avec ce qu’on fait de mieux en Angleterre.
Je crois que dans ces pièces on dit aussi que les étrangers même demandent le blanc qu’en qualité de « blanc d’Anvers, » de préférence au blanc anglais ; quoi qu’il en soit, j’ai eu l’occasion de voir un de nos principaux blanchisseurs, qui m’a fait voir de ses produits ; il m’a assuré que ces produits étaient blanchis depuis plus de 9 ans : eh bien, je dois le dire, messieurs, ils avaient conservé une admirable blancheur, ils n’étaient pas jaunis le moins du monde, ils étaient aussi beaux que le premier jour.
On a dit, messieurs, que la différence entre le blanc anglais et le blanc du pays provient de ce qu’en Angleterre on blanchit à l’aide d’eau minérale : d’abord, je fais remarquer que si cela constituait un avantage marqué, rien n’empêcherait nos blanchisseurs de se servir également d’eau minérale ; mais voici ce qui en est : on blanchit effectivement à l’eau minérale, mais on blanchit aussi à l’eau ordinaire clarifiée ; le seul avantage de l’eau minérale, c’est que l’opération se fait plus vite, mais ordinairement cette opération précipitée nuit à la marchandise, et il est toujours préférable que le blanchissage ait lieu à l’eau clarifiée ; toutefois, il faut pour cela de grands établissements et des frais considérables.
Il y a une autre objection, qui est encore plus grave ; on a dit que les tulles blanchis dans le pays ne trouvent aucun débouché à l’étranger ; si cela était vrai, je crois que la chambre devrai réfléchir mûrement à la résolution qu’elle aura à prendre dans cette circonstance, car la plupart de nos tulles sont destinés à l’exportation ; j’ai donc cherché à vérifier le fait ; j’ai vu un des premiers négociants du pays, M. Legrand ; il m’a communiqué sa correspondance, qui date de sept ou huit ans.
Eh bien, messieurs, il en résulte pour moi la conviction que les tulles blanchis dans notre pays s’exportent, qu’ils sont même très voulus à l’étranger, qu’on les demande souvent de préférence à ceux qui sont blanchis en Angleterre ; j’ai appris par cette correspondance que nos blanchisseurs envoient des tulles blanchis dans le pays, à Strasbourg, à Amsterdam, en Savoie, en France, à Francfort, en Italie, et plus particulièrement à Gênes, à Hambourg, à Neufchâtel, à Saint-Gall, en Saxe, à Turin, à Genève et dans une foule d’autres villes de l’étranger ; il est donc évident, messieurs, que les tulles blanchis en Belgique sont demandés à l’étranger, et qu’il y sont même très voulus ; dès lors, il me paraît incontestable que vous devez faire une distinction entre les tulles écrus et les tulles blanchis, car s’il n’y avait pas de différence dans le droit les tulles arriveraient tout blanchis dans le pays, et nous perdrions cette manipulation qui procure l’existence à une foule d’ouvriers. Depuis quelque temps il s’est formé dans le pays plusieurs établissements pour le blanchissage des tulles, et si mes renseignements sont exacts, cette industrie, si elle est convenablement protégée, peut prendre de très grands développements.
Je crois donc, messieurs, qu’il faut s’en rapporter à la proposition de la section centrale, et qu’il ne faut pas imprudemment confondre les tulles écrus avec les toiles blanchis.
M. Mast de Vries. - L’honorable M. Desmaisières, en parlant de ce que j’ai dit dans une précédente séance, sur la question des tulles, pense que j’ai avancé que la concurrence étrangère pourrait nous enlever notre marché intérieur ; c’est là une erreur, messieurs ; j’ai dit que nous ne pourrions pas rivaliser avec la Hollande, non pas sur nos marchés intérieurs, mais sur les marchés étrangers, et j’ai cité, par exemple, la Hollande et l’Amérique.
Le même honorable membre a cité la fin d’une pétition que je tiens entre les mains, et il a voulu en tirer un argument contre moi ; mais, messieurs, voici le commencement de cette pièce :
« Messieurs,
« Les soussignés, fabricants de dentelles, de bobines, etc., ont l’honneur de vous exposer leurs plaintes touchant les hauts droits d’entrée auxquels sont assujettis les tulles écrus non travaillés, article qui forme absolument leur matière première, et qu’ils sont dans la nécessité de tirer de l’étranger.
« Il y a douze ans que cette branche d’industrie a été introduite dans ce pays, et elle a pris pendant les quatre premières années des développements étonnants, en donnant de l’occupation à des milliers de femmes et d’enfants, ce que beaucoup d’entre vous, messieurs, n’ignorent sans doute pas.
« L’augmentation sur le droit d’entrée de tulles écrus, que nous devons à la broderie frappée en 1827, a porté un coup fatal à cette branche, en détournant de nos marchés les Français et les Allemands, qui étaient nos plus grands acheteurs. »
Eh bien, messieurs, c’est ce que j’ai soutenu. J’ai dit que si vous ne diminuez pas le droit sur les tulles écrus, nous ne serons plus à même de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers ; cette opinion je la soutiens encore, d’accord avec la pétition citée par l’honorable M. Desmaisières, et dont je viens de vous lire les premiers paragraphes.
J’ai demandé qu’on diminuât le droit sur le fil retors et qu’on adoptât ensuite la proposition du gouvernement pour les tulles, d’où il résulterait un avantage de 12 p. c. en faveur de nos fabriques ; il me semble, messieurs, que cela serait de nature à les satisfaire.
Quant à la lettre de plusieurs marchands de tulle de la ville où je demeure, dont a parlé l’honorable M. Hye-Hoys, je dois dire que ces personnes n’exportent pas ; elles font des affaires, elles font broder, mais leur commerce se borne au marché intérieur.
J’ai entendu louer grandement le blanchissage d’Anvers ; mais, messieurs, qu’est-ce que ce blanchissage ? n’est-ce pas le blanchissage anglais ? Anvers reçoit les tulles tout blanchis de l’Angleterre, et il n’y existe pas même de blanchisseries.
L’honorable M. de Muelenaere a fait une énumération des pays où nous exportons des tulles blanchis ; je crois aussi que nous avons de quoi exporter en pays étranger, mais on n’a pas démenti ce que j’ai dit du marché d’Amérique où l’on ne veut que du blanc anglais ; je ne sais pas d’où cela provient, mais c’est la un fait ; pour exporter des tulles en Amérique, nous sommes obligés de les faire passer par l’Angleterre, qui est le marché général des tulles.
Je pense donc que pour donner une protection suffisante à la broderie qui est la branche la plus importante des tulles, il faut établir un droit uniforme avec la diminution proposée de 4 p. c.
Je crois qu’avec cette diminution la broderie pourra se soutenir et que les fabricants ne souffriront pas.
J’avais dit dans une séance précédente que si on élevait le droit sur cet article, il en résulterait un appât pour la fraude. L’on a été précédemment obligé de reconnaître qu’il y a lieu de diminuer les droits sur les soieries, parce que les soieries sont trop sujettes à la fraude. Or, messieurs, les tulles sont encore bien plus sujets à la fraude que les soieries.
(Moniteur belge n°138, du 18 mai 1837) M. Bekaert-Baeckelandt. - C’est pour venger l’industrie nationale que je prends la parole. En effet, peut-on garder le silence, peut-on revenir de son étonneraient lorsqu’à la tribune de la représentation nationale, à la face de l’univers, nous avons entendu, dans une séance précédente, deux honorables députés d’Anvers, non seulement déprécier, mais flétrir l’un des plus importants éléments de la prospérité publique, une industrie dont le pays s’honore et qui nulle part jusqu’ici n’a trouvé son égale ? Quoi ! Messieurs d’Anvers, ce beau blanc national qui par son état et sa fraîcheur relève si merveilleusement les charmes de nos tissus ; ce beau blanc dont la renommée retentit encore dans les régions les plus éloignées, ce blanc à la perfection duquel nos rivaux rendent eux-mêmes hommage, vous ne vous bornez point à lui ôter le mérite de la supériorité, vous lui faites l’injure de le rabaisser au-dessous du blanc anglais. Permettez donc, messieurs, que je vous demande, à vous qui êtes les représentants de la nation, les défenseurs nés des intérêts nationaux, avez-vous bien pesé vos paroles ? Avez-vous prévu le retentissement qu’elles auront au-dehors, et le tort immense qu’elles peuvent occasionner à nos blanchisseries ? Selon vous, M. Verdussen, « le blanc anglais ne saurait être remplacé par le blanc du pays. Le blanc anglais a sur le blanc belge des avantages très marquants. D’abord il garde la même nuance ; il n’en est pas de même du blanc belge dont les nuances sont toujours différentes. » Comment ! le blanc anglais ne saurait être remplacé par le blanc du pays ! Le blanc anglais a sur le blanc belge des avantages très marquants ! Eh bien, messieurs, je le déclare à haute voix, l’Anglais lui-même n’oserait pas tenir un semblable langage.
M. Smits reconnaît aussi notre infériorité, mais il veut bien ne pas l’attribuer au défaut d’intelligence de nos blanchisseurs, et j’en prends acte. Selon cet honorable orateur, ce brillant succès, cette supériorité qui tient du prodige chez les Anglais n’est dû qu’à leurs eaux minérales, eaux dont la Belgique est privée. Ici, pour être juste, M. Smits eût dû ajouter qu’on y blanchit aussi avec l’eau naturelle clarifiée, et qu’obtenant un résultat identique des deux procédés, les Anglais ne donnent la préférence ni à l’un ni à l’autre. Ils emploient indistinctement les eaux qui se trouvent à leur portée. J’ignore le motif de cette omission ; mais ce que je sais, c’est que ces faits, qu’il importait de connaître, détruisent complètement le prestige attaché à la vertu des eaux minérales. Maintenant que l’illusion est dissipée, je demanderai si, nous aussi, nous ne possédons pas de vastes et verdoyantes prairies, et si les eaux de la Lys, qui les baignent, ne sont pas les plus belles, les plus limpides que l’on connaisse ? Pourquoi donc, avec les mêmes éléments, nos industriels dont vous venez de reconnaître l’intelligence, blanchiraient-ils moins bien que leurs rivaux ? Je dois l’avouer, messieurs, je suis profondément affligé de trouver, parmi nous, un zèle si ardent, si outré pour la défense des intérêts étrangers au préjudice de l’intérêt national, et de quels étrangers encore ? De ceux-là même qui jamais n’ont rien fait pour la Belgique. Je suis assuré, messieurs, que les discours des orateurs auxquels je fais allusion auront fait la même impression sur vos esprits. Mais si, en exhaussant ainsi le blanc anglais au-dessus de celui du pays, nos adversaires n’ont eu en vue que d’écarter, en faveur de l’industrie étrangère, le droit différentiel propose par la section centrale, ils se sont singulièrement trompés dans leurs prévisions. Les arguments erronés de ces orateurs sont précisément ceux qui militent avec le plus de force en faveur du système que nous défendons ; les honorables députés d’Anvers sont entrés dans une fausse voie, et il leur serait impossible d’en sortir ; car, quelle que soit la position qu’ils veuillent assigner à notre industrie, nous lui devons prêter l’appui dont elle a besoin. Si, comme ils le disent, notre blanc est moins beau, moins recherché, il faut lui donner le moyen d’arriver au degré de perfection qui lui manque ; et si, comme nous le soutenons, il est sinon supérieur, au moins égal à celui de l’étranger, il faut lui assurer la préférence sur les marchés du pays dans l’une comme dans l’autre hypothèse ; l’importance de nos blanchisseries et le désir de les conserver doit nous intéresser à leurs destinées. Oui, messieurs, notre sollicitude doit se porter tout entière sur cette industrie, si florissante pendant notre réunion à la France et si languissante aujourd’hui. Le droit différentiel, le bien-être national le réclame. C’est en attirant chez nous le bénéfice de la main-d’œuvre que nous servirons à la fois l’intérêt matériel et moral du pays. Nul de nous ne contestera la haute intelligence de nos voisins en fait d’économie politique. Eh bien, veuillez jeter un regard sur leurs tarifs et vous serez convaincus que toujours leurs droits sont en rapport avec le plus ou moins de manipulation que la marchandise à introduire a subie. Et certes les avantages qu’ils ont obtenus de cette combinaison sont trop importants, trop palpables pour échapper à nos yeux. Nous devons les imiter, nous devons les suivre dans un système qui a pour lui l’expérience et le succès. Etablir des droits égaux sur la matière première et sur l’objet fabriqué, ce serait ôter le pain à la classe ouvrière, ce serait vouloir la ruine de nos établissements industriels, auxquels se rattachent la prospérité et la force nationale. Nos blanchisseries ont été rabaissées, humiliées ; nous leur devons une éclatante satisfaction. En les couvrant de notre protection, nous leur donnerons des garanties pour l’avenir. Notre patriotisme et l’honneur national aussi bien que la justice et la raison nous en imposent le devoir.
Je voterai pour le projet de la section centrale.
M. Hye-Hoys, rapporteur. - Messieurs, si j’ai demandé la parole, c’est seulement pour répondre à ce que vient de dire l’honorable M. Mast de Vries, que nous sommes obligés d’envoyer nos tulles en Angleterre pour le blanchissage. Comment, messieurs, peut-on avancer une chose aussi erronée ! Je tiens à la main une correspondance de M. Legrand de Gand, qui contient le montant des exportations du tulle blanchi et apprêté dans sa fabrique ; il en résulte que cet industriel fait des affaires très considérables avec Francfort, Augsbourg, Leyde, Amsterdam, Lucerne, Gènes, Genève, Hambourg, Neuchâtel, St-Gall, Turin, Zurich et d’autres places importantes des pays étrangers.
M. Desmaisières. - Messieurs, je n’ai demandé la parole que faire remarquer qu’aujourd’hui cette grande question d’exportation vers les marchés extérieurs, présentée sans cesse à nos esprits par nos honorables adversaires, se réduit en définitive au marche de l’Amérique, c’est-à-dire se réduit à ceci, savoir : qu’on voudrait qu’Anvers devînt en quelque sorte la factorerie de l’Angleterre pour faire broder les tulles dans ce pays, et qu’elle continuât à être cette factorerie aussi longtemps que les Hollandais et les Allemands ne seront pas parvenus à nous enlever la broderie.
Quant à la question du blanc, M. Mast de Vries a soutenu que le blanc d’Anvers était le blanc anglais. Mais j’ai eu l’honneur de vous lire un passage d’une lettre de M. William Wood ; et certainement, si quelqu’un est en état de faire la distinction entre ce qu’on nomme le blanc d’Anvers et ce qu’on nomme le blanc anglais, c’est bien le signataire de cette lettre, puisqu’il est associe avec les blanchisseurs de Nottingham, et qu’il est négociant établi à Anvers. Or, il résulte du passage que j’ai lu que M. Wood fait une différence totale entre le blanc d’Anvers et le blanc anglais, et que par blanc d’Anvers il entend bien le blanc fabriqué dans notre pays.
M. de Muelenaere. - Pour répondre à une observation d’un honorable préopinant, je dois faire remarquer que quand j’ai parlé tout à l’heure de nos exportations de tulle dans différents pays, j’ai entendu parler du tulle blanchi et apprêté en Belgique.
M. Desmet. - Messieurs, comme je l’ai encore fait remarquer, la France ne demande aucune réduction à l’égard de l’article qui nous occupe. Si une diminution de droit est sollicitée, ce n’est guère que pour le commerce de la ville d’Anvers.
C’est une chose réellement étonnante, messieurs, que ce qui se passe dans la discussion actuelle : les protecteurs naturels de l’industrie belge, M. le ministre de l’intérieur et le directeur du bureau du commerce, sont nos adversaires, et soutiennent une mesure défavorable à notre industrie.
Je ne crois pas devoir répondre aux raisons qu’ont fait valoir et M. le ministre et M. Smits, parce que d’autres membres les ont déjà suffisamment réfutées avec un plein succès.
Mais un fait qui m’a causé de la peine, et qui produira un effet fâcheux dans le pays, c’est la déclaration faite encore par M. le ministre de l’intérieur et le chef du bureau du commerce, que nous ne fabriquons pas un blanc aussi parfait que les Anglais, et que le blanc belge était de beaucoup inférieur au blanc de Nottingham. Vous concevez, messieurs, quelles fâcheuses conséquences doit entraîner une semblable déclaration sortie de la bouche des protecteurs de l’industrie, alors que le blanchissage du tulle commence à se développer dans le pays, et que de grands capitaux sont engagés dans les établissements qui y sont engages.
J’ai pris la parole, pour contester ce fait. Pour obtenir des renseignements à cet égard, je ne me suis pas adressé à des négociants anglais, mais j’ai consulté le commerce belge, le commerce de Bruxelles ; or, je tiens en mains une pièce par les industriels les plus respectables de cette ville ; ils déclarent que, dans l’industrie dont il s’agit, nous faisons aussi bien que l’Angleterre et que nous exportons beaucoup. En présence de cette déclaration, je m’étonne que l’organe du gouvernement et le directeur du commerce viennent nier ce fait. Cette déclaration est munie des signatures suivantes : Ladevèze, M. de Tours, T. Van Haelen, P. Ceuppens, V. Hasselmans, Hanssens, Van Dam, Carron-Stopie, de Harvin, Depauw, Tardent-Pirlet, Seclet Van Cutsem, Ducpétiaux et fils, Vanderkerkove et Claes, tous principaux négociants et fabricants de dentelles de Bruxelles.
Mais une chose qui donne un démenti aux assertions erronées de nos adversaires, c’est que dans ce moment même le trousseau destiné à la duchesse d’Orléans est pris en grande partie à Bruxelles, et que le tulle qui fait partie de ce trousseau, provient des fabriques de Termonde.
L’honorable M. Mast de Vries vous a dit qu’on ne blanchit pas à Anvers, de sorte qu’on ne peut avoir de blanc d’Anvers, de sorte que le blanc d’Anvers est tout bonnement les tulles blanchis qu’on débite à Anvers. L’honorable membre doit savoir que quand on parle du blanc d’Anvers, on veut parler des tulles blanchis en Belgique ; c’est comme quand on parle en France et dans d’autres pays des toiles de Hollande, ce sont de même des toiles faites en Belgique ; ce sont nos toiles de Flandre qu’on nomme toiles de Hollande.
Je crois qu’on blanchit non seulement le tulle, mais toute espèce de tissus à Anvers, à l’établissement Wood.
A l’égard de la pétition du sieur Wood, dont l’honorable M. Desmaisières a fait usage tout à l’heure, j’ai entre les mains une pétition du même industriel qui est datée du 14 novembre 1836 et dans laquelle il est dit :
« En réduisant les droits de 10 à 6 p. c sur les tulles écrus comme sur les blanchis, comme il est demandé dans la troisième réclamation, sans avoir égard aux deux premières, cette mesure entravera la fabrication et va anéantir nos établissements formés à grands frais pour donner la dernière manipulation à cet article ; car nous ne pouvons espérer de les maintenir que pour autant qu’on fera une différence de droits entre les tulles écrus et les blanchis.
« Nous aurions désiré que l’administration (avant de soumettre aux chambres un projet de loi ayant pour objet des modifications au tarif des douanes) eût fait faire une enquête qui aurait fourni des données positives sur lesquelles on eût pu baser les modifications qu’elle proposait et prévenir un conflit d’intérêts.
« Comme nos intérêts peuvent être conciliés par une modification, une enquête seule, ajoutons-nous, pourrait faire connaître la valeur des assertions des uns et des autres. En admettant les droits d’entrer à 6 p. c. sur les tulles blanchis comme sur les écrus, il en résultera que les négociants les feront venir blanchis et apprêtés de l’étranger, tandis qu’en faisant une différence de droits en faveur des blanchisseurs et apprêteurs, on procurerait des moyens d’existence à un grand nombre d’ouvriers du pays, ce qui assurerait également la prospérité des fabriques de toiles, attendu que leurs produits doivent recevoir leur dernière manipulation dans nos établissements.
« Ces plaintes nous paraissent d’autant plus fondées que, dans tout pays industriel comme en Belgique, ces motifs ont toujours été pris en considération.
« Il est à remarquer que le fil de lin simple non tors, ni teint, ni blanchi, est admis à 1/2 pour cent, et le même article tors blanchi ou teint paie 5 pour cent.
« Le sucre brut n’est assujetti qu’à un droit insignifiant, en proportion de ce que paie le sucre raffiné. Les bois de teinture non moulus sont également reçus à un très faible droit, tandis que ceux moulus sont prohibés à l’entrée.
« Il en est de même d’une infinité d’autres articles classés à l’avantage de l’industrie nationale.
« Notre demande nous paraît d’autant plus fondée que notre industrie a atteint un haut degré de perfection, comme on peut facilement s’en assurer en prenant des renseignements auprès des diverses autorités, ou en nommant des experts pour confronter nos produits du blanchissage et apprêtage avec ceux de l’étranger et visiter nos établissements.
« Cette vérification nous serait d’autant plus agréable qu’elle servirait à démontrer au gouvernement les sacrifices que nous avons faits pour enlever cette branche d’industrie à l’Angleterre et les ressources qu’elle offre à la classe indigente de ce pays. »
Messieurs, je dois encore faire observer que personne n’a demandé la diminution sur le tulle, si ce n’est la chambre de commerce d’Anvers, qui est seule intéressée à cette partie du projet de loi tout à fait destructive de nos fabriques de toile.
Permettez-moi, messieurs, de vous lire ce que dit à cet égard la chambre de commerce de Bruxelles :
« D’un autre côté, nous avons sous les yeux les réclamations anversoises qui semblent avoir motivé le projet soumis à votre sanction ; au lieu de les trouver formulées par des chefs d’ateliers de broderie, nous remarquons que plusieurs des signataires sont des négociants en toile, que trois d’entre eux sont des Anglais, dont deux n’ont jamais fait confectionner aucune broderie ; et dès lors on devine les motifs qui les ont guidés. »
Messieurs, vous devez aussi comprendre ces motifs ; pour moi je les comprends facilement.
J’ai dit.
M. Smits. - Messieurs, l’honorable M. Bekaert a cru devoir invoquer l’honneur de l’industrie nationale pour répondre à ce que nous avons eu l’honneur de dire à la chambre ; mais, messieurs, il me semble que cet honorable membre s’est donné une peine inutile, car aucun de nous n’a attaqué l’industrie nationale. Loin de là, nous reconnaissons toute la supériorité de nos blanchisseurs ; mais, messieurs, nous n’avons pu faire qu’un fait ne soit un fait : ce que nous avons dit, c’est que nous ne sommes pas parvenus encore pour le blanchissage des tulles, et non pour les autres tissus, à rivaliser avec nos voisins. Nous avons soutenu, et nous soutenons encore, que le tulle blanc est une matière première nécessaire à nos 40,000 brodeuses, population ouvrière trop nombreuse, trop intéressante pour pouvoir être mise en parallèle avec celle qu’occupent nos blanchisseurs, ou pour pouvoir lui être sacrifiée.
D’ailleurs ces blanchisseries, remarquez-le bien, se sont élevées sous le droit uniforme de 6 p. c. qui a été porté plus tard à 10 p. c. sans que jamais il y ait eu des exceptions pour les tulles blanchis.
M. Hye-Hoys. - Aussi les blanchisseurs n’ont-ils pas cessé de réclamer.
M. Smits. - Vous êtes, je crois, dans l’erreur ; car jamais, autant que je puis me rappeler, ils n’ont adressé aucune réclamation soit aux chambres, soit au gouvernement.
Un honorable préopinant vient d’attribuer ce tarif, qui n’est que la reproduction du tarif ancien, quant au principe, au haut commerce et à la chambre de commerce d’Anvers ; mais je répondrai à l’honorable membre que le haut commerce et la chambre de commerce d’Anvers sont aussi étrangers à ce tarif qu’il est étranger lui-même au haut commerce.
Au reste, à l’appui de mon opinion, j’invoquerai le témoignage des fabricants de Bruxelles qui se sont adressés à la chambre par une pétition dont je demanderai la permission de vous donner lecture ; cette pétition est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Les soussignés, fabricants brodeurs et négociants en tulles à Bruxelles, ont l’honneur de vous exposer respectueusement qu’ils considèrent les changements apportés par la section centrale au projet de loi modifiant le tarif des douanes, comme contraires à l’intérêt général du pays, en ce qui concerne les tulles, parce qu’ils tendent à favoriser les blanchisseries au détriment de la broderie, en établissant une différence de droits de 4 p. c. entre les tulles écrus et les tulles blanchis. Ils fondent leur opinion sur plusieurs faits incontestables :
« 1° Aucun de nos blanchisseurs n’a pu atteindre la perfection du blanc anglais. Leur blanc a plusieurs défauts qui le rendent impropre à la broderie pour l’exportation ; il n’est pas si solide, c’est-à-dire qu’il jaunit au bout de deux à trois mois, ce qui est un défaut capital, et ils ne peuvent donner au tulle la nuance qu’on indique.
« 2° Les négociants en gros en tulle uni ne veulent pas de notre blanc.
« 3° Les blanchisseurs seraient suffisamment protégés avec des droits égaux sur les tulles écrus et les blanchis si leur blanc était aussi bon que le blanc anglais. Les frais de blanchiment étant à peu près les mêmes dans les deux pays, il serait de l’intérêt de tous de recevoir les tulles en écru : l’emballage des écrus coûte beaucoup moins, et on n’aurait pas de droits à payer sur les frais de blanchiment.
« 4° Il y a en Belgique plusieurs milliers de brodeuses, disséminées dans toutes les provinces, qui travaillent exclusivement pour l’exportation, tandis que le nombre de personnes que nos 8 ou 9 blanchisseurs occupent est très borné. Il est essentiel de faire remarquer qu’il y en a même 4 parmi eux qui ne blanchissent que leurs propres tulles.
« 5° Le blanc anglais est indispensable pour la broderie pour l’exportation, et la concurrence des brodeurs anglais sur les marchés étrangers, loin de permettre une augmentation de droits sur le tulle blanchi, exige au contraire une diminution marquante pour que les brodeurs belges puissent la soutenir.
« 6° Nos blanchisseurs de tulles sont et seront toujours de trop peu d’importance pour leur sacrifier une industrie comme la broderie, qui procure des moyens d’existence à des milliers de familles de la classe la plus nécessiteuse.
« Les soussignés, par les motifs qui précèdent et dont ils garantissent l’exactitude, osent espérer que la proposition de la section centrale n’obtiendra pas votre assentiment, et qu’il vous plaira adopter le projet présenté par le gouvernement, qui réduit les droits d’entrée à 6 p. c. sur les tulles écrus, blanchis et brodés, sans distinction.
« Confiant dans votre sollicitude éclairée pour l’intérêt général du pays, les soussignés ont l’honneur d’être, etc.
« Bruxelles, 24 avril 1837,
« G. Naeltjens, Louis Afchain, Ph. Lestgarens, Leprince Goffin, Delacroix-Storms, Gelissen frères, L. Hollande, Vandersmissen aîné, N.-J. Antoine, Vogien l’aîné, Caillet jeune. »
Je bornerai, messieurs, mes observations à la lecture de cette pétition, signée exclusivement par des nationaux et à laquelle, du reste, je me réfère entièrement.
M. Verdussen. - Un honorable membre a bien voulu me nommer dans le discours qu’il vient de prononcer. Je sens tout mon désavantage, lorsque je viens improviser une réponse à un discours étudié et écrit de manière à faire impression sur vos esprits. Cependant je me bornerai à quelques remarques, non pas sur ce qu’il a dit quant à moi personnellement, mais sur la question en elle-même, car je n’aime pas les questions personnelles.
D’abord, je dirai qu’il n’est pas question d’affranchir de tous droits les tulles fabriqués ou blanchis en Angleterre. La seule question est celle de l’utilité d’un droit différentiel sur les tulles blanchis et sur les tulles écrus.
Les uns disent que les tulles blanchis d’Angleterre ne sont pas supérieurs aux nôtres : nos blanchisseries, disent-ils, en sont la preuve ; voyez dans quelle prospérité elles se trouvent ! Mais sous quel empire ? Sous l’empire d’une législation établissant un droit égal : par conséquent, vous voyez que les blanchisseries de Belgique n’ont pas besoin d’une protection spéciale pour fleurir. Maintenant, tandis que les autres disent que le blanc belge est supérieur, les autres soutiennent que le blanc anglais est préférable, puisque l’on demande généralement sur les marchés étrangers du tulle blanchi en Angleterre et brodé en Belgique.
Dan cet état de choses, à quoi s’en rapporter ? Aux faits.
Si c’est la même chose que le blanc anglais, ou le blanc belge, si le blanc anglais n’est pas supérieur, pourquoi les brodeurs demandent-ils de préférence, pour matière première, du tulle blanchi en Angleterre, alors que ce tulle coûte plus cher, et que sur ce tulle qui coûte plus cher il faut encore payer des droits ?
C’est l’intérêt du commerce qu’il faut consulter dans les questions de commerce. Si le commerce ne trouvait pas un avantage dans le blanc anglais en le payant plus cher, il ne se soumettrait pas à ce sacrifice.
La section centrale propose au tarif une différence de 4 p. c. entre les tulles écrus et les tulles blanchis. J’ai déjà appelé votre attention sur ce point. On vous demande une différence de 4 p. c. pour donner de l’importance à la blanchisserie ; mais quelle est l’importance de cette main-d’œuvre ? 4 ou 5 p. c. ; car les blanchisseurs n’augmentent la matière première que de 4, 5 et tout au plus 6 p. c. C’est pour assurer cette différence qu’on vous demande une différence de 4 p. c. ; il me paraît que cette considération doit avoir quelque influence sur votre esprit, et que quand des négociants belges demandent des droits égaux, ils doivent être écoutés.
J’espère que par la suite le blanc belge deviendra en effet supérieur au blanc anglais ; alors soyez sûrs que l’on préférera le blanc belge. En attendant, nous devons déférer au vœu du commerce d’exportation qui demande du tulle blanchi en Angleterre et brodé en Belgique.
M. Coghen - Il est évident que nous voulons tous favoriser dans le pays l’industrie, la main-d’œuvre ; c’est l’existence des populations, c’est notre devoir de le faire.
La proposition du gouvernement, avec uniformité des droits, ne donne pas de protection à la main-d’œuvre pour la broderie et pour le blanchiment des tulles.
Dans ma pensée je trouve que bien que la protection de 8 p. c. qui, à la douane, se réduira réellement à 5 ou 6, ne soit pas suffisante, nos industries, moyennant ce droit, peuvent se maintenir.
Pour le blanchiment des tulles, il faut nécessairement admettre un droit différentiel. Il ne faut pas pour le tulle écru la même protection que pour te tulle blanchi.
La section centrale a proposé un droit de 12 p. c. Si un chiffre intermédiaire était proposé, je m’y rallierais volontiers, pour que la protection fût plus forte de 6 à 8 p. c. que sur les tulles écrus.
Je crois que les blanchisseries auront plus à faire, parce que la fabrication augmentera en raison de la réduction sur le fil retors.
Quant aux tulles brodés, j’admettrais un droit de 15 p. c. C’est l’ouvrage de beaucoup de malheureuses, de beaucoup de mains qui ne pourraient pas être utiles ailleurs.
En résume, j’appuie la proposition de la section centrale ; et je me rallierais volontiers à un chiffre intermédiaire entre 8 et 12 p. c. pour les tulles blanchis.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La question est simplement celle-ci : Convient-il, au moment ou s’élève en Hollande une concurrence avec l’industrie de la broderie, de grever cette industrie d’une charge nouvelle en Belgique ? N’est-il pas prudent et rationnel, au contraire, d’accorder dans ce cas une protection plus efficace à la broderie en Belgique ? La question ainsi posée me semble devoir être résolue affirmativement. Tel est l’unique objet de la discussion actuelle.
Pourquoi veut-on protéger d’une manière plus efficace les blanchisseries ? Je dis d’une manière plus efficace, car jusqu’à présent les droits ont été uniformes sur les tulles écrus et sur les tulles blanchis. Si vous élevez les droits sur les tulles blanchis, il est évident que vous causez un nouvel embarras à l’industrie de la broderie.
Maintenant on dit : Nous allons donc protéger la broderie en élevant à 15 p. c. le droit sur la broderie venant de l’étranger. Mais cette protection ne signifie rien ; car jusqu’à présent il n’y a pas eu importation de broderie étrangère. Ce que vous devez avoir en vue, c’est le commerce d’exportation ; or, ce commerce se réduirait évidemment par suite de l’adoption de votre loi.
En ce qui concerne la fabrication des tulles, votre section centrale vous a proposé une compensation à la diminution de droits que propose le projet du gouvernement, c’est la réduction sur les fils retors. Et cette réduction sur le fil retors est pour la fabrication du tulle un avantage plus considérable que n’est l’abaissement du droit sur les tulles écrus. De toute manière les fabricants de tulles auront une protection d’un p. c. La broderie recevra, d’après le projet du gouvernement, une protection de 4 p. c. La broderie du pays pourra ainsi lutter avec avantage contre la broderie de Hollande.
M. Dumortier. - Je ferai quelques observations, car dans cette collision d’intérêts opposés, il m’a paru que l’on a méconnu quelques faits importants.
On vous dit que la réduction sur le fil retors est une amélioration plus forte que la réduction de droits que le gouvernement propose.
Le coton de qualité commune coûte 25 à 30 francs le kilog. ; or, le droit est d’un franc, donc 4 p. c. Pour les qualités fines, le droit est de 3 p. c. En réduisant le montant des droits, vous diminuez l’avantage dont jouit cette même industrie dans le pays.
La question est délicate, parce que trois industries sont en présence : celle des producteurs, celle des blanchisseurs, et celle des brodeurs. De ces trois industries, celle à laquelle nous devons assurer la protection la plus efficace est celle des brodeurs, parce qu’elle fait vivre le plus grand nombre d’ouvriers ; et c’est pour nous un devoir d’assurer le sort des ouvriers du pays.
Mais je pense que les partisans de l’opinion que je défends se sont exagéré les résultats de la proposition de la section centrale. En effet, un yard de tulle uni coûte de 6 à 10 centimes, brodé il coûte 60 centimes à 1 fr. 20 c. et souvent beaucoup plus. Si vous admettez que le yard qui vaut 6 centimes soit frappé d’un droit de 6/10 p. c., vous aurez un droit de 6/10 de centime par yard ; s’il s’agit de tulle à 10 centimes le yard, le droit sera de un centime par yard. Quelle sera la différence de 4 p. c. qui a fait l’objet de la discussion pendant trois séances ? Une différence de 4/10 de centime. Or qu’est ce que cela sur une matière première qui, lorsqu’elle est brodée, vaut 1 fr. 20 c. et plus !
Maintenant s’il est vrai que la différence n’est pas significative quant à la broderie, il n’en est pas de même quant à la fabrication du tulle. Là la différence de 4 p. c. est énorme. La réduction du droit de 6 p.c. sur les tulles écrus sera réduit à la douane à 3 p. c. Or, lorsqu’un négociant introduira des tulles écrus, il pourra les déclarer à un taux aussi bas qu’il le voudra n’ayant pas à craindre de préemption. En effet ces tulles écrus ne pourraient être offerts par le douanier qui les aurait préemptés qu’à des blanchisseurs, car vous savez que les négociants se font un point d’honneur de ne pas acheter des marchandises préemptées. Je dis donc que vous devez admettre le droit de 8 p. c.
Maintenant, quant aux tulles blanchis, on a soutenu l’infériorité de l’industrie indigne : pour moi je dis que le blanchiment est aussi bon en Belgique qu’en Angleterre, c’est là un fait incontestable. Je conviens que peut-être on irait trop loin en admettant une différence de 4 p. c. entre les tulles blanchis et les tulles écrus, car si les tulles écrus échappent au droit de préemption, il n’en est pas de même pour les tulles blanchis.
Je maintiens la proposition de la section centrale, toutefois par le motif que je viens de faire valoir, je propose de réduire le droit sur les tulles blanchis à 10 pour cent au lieu de 12.
M. Smits. - L’honorable M. Dumortier n’attribue aucune influence aux droits, mais je ferai remarquer que cette influence est réelle, car lorsque le droit de 6 p. c. a été porté à 10, une partie de la broderie belge s’est transportée en Allemagne et en Hollande, et c’est précisément pour conserver cette industrie en Belgique que le gouvernement a conservé le taux de 6 p.c. Que fait la section centrale ? Elle propose sur les tulles blanchis un droit de 12 p. c. Ce serait la ruine de l’industrie de la broderie. Entre l’industrie de la blanchisserie, qui fait travailler quelques centaines d’ouvriers, et celle de la broderie qui ne fait travailler 30 ou 40,000, il n’y a pas à balancer.
M. Desmet. - La broderie n’est qu’un prétexte. Ces droits ont été demandés par la chambre de commerce d’Anvers, par des négociants étrangers. On dit que par suite de l’élévation du droit à 10 p. c., la broderie a quitté le pays ; cela n’est pas exact ; c’est qu’en pays étranger on a commencé a broder que depuis quelques années ; mais heureusement pour le pays, la fabrications de dentelles a considérablement augmenté.
L’honorable M. Smits nous a lu une pétition dans le sens de son opinion, mais nous en avons 10 contre 1 ; je viens de communiquer à la chambre une déclaration des principales maisons de Bruxelles qui font le commerce de dentelles et de tulles brodés, qui doivent être impartiales et desquelles nous pouvons savoir l’exacte vérité ; eh bien, messieurs, vous avez entendu que ces négociants et fabricants de dentelles ont tous déclaré que le tulle de Belgique était aussi bon et aussi bien blanchi et apprêté que celui d’Angleterre pour y broder et y appliquer les fleurs des dentelles de Bruxelles.
Quand il y a un pareil conflit, on fait une enquête. Avant de faire une proposition, on ne croit pas sur parole, et sans avoir consulté aucune personne intéressée, une chambre de commerce comme celle d’Anvers, qui est systématiquement attachée à son commerce extérieur, à sa factorerie, et qui n’a aucun égard pour l’industrie nationale.
M. Dumortier. - S’il m’était démontré que l’industrie de la broderie pût souffrir du tarif, je me rallierais à la proposition du gouvernement ; car il faut protéger l’industrie qui occupe le plus d’ouvriers. Mais j’ai établi que de l’augmentation proposée par la section centrale résulte une différence impalpable alors que la valeur du tulle est portée par la broderie jusqu’à 1 fr. 20 et plus le yard.
Quant à ce que dit M. Smits, que l’élévation du droit a fait transporter l’industrie de la broderie en Hollande et en Allemagne, cela n’est pas exact ; c’est parce qu’on a conçu la possibilité de fabriquer en Hollande et en Allemagne qu’on y a fait des broderies ; on préfère toujours fabriquer chez soi.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il y a du tulle à 25 centimes le yard qui s’emploie beaucoup ; or, sur ce tulle, le droit proposé ferait une différence de 2 centimes et demi, ce qui est une augmentation considérable.
M. Zoude. - J’ai une pétition de brodeurs, dans laquelle ils disent qu’en 1827 l’augmentation du droit a porté un coup mortel à leur industrie. Ils employaient cinquante à soixante mille ouvrières, qui, ne trouvant plus d’ouvrage, se sont répandues en Hollande et en Allemagne. C’est un malheur, parce que la broderie augmente de beaucoup la valeur de la matière première. Nous avons vu un châle dont le tulle avait coûté 12 francs et qui, brodé, valait 300 francs. (Aux voix ! La clôture !)
M. Gendebien. - Je demande qu’on justifie l’amendement que M. Dumortier a jeté à l’improviste à la fin des débats. D’après les discussions qui avaient eu lieu, il y a huit jours, et qui se sont renouvelées aujourd’hui, il me paraissait définitivement arrêté que la différence entre les tulles écrus et blanchis devait être dans la proportion de 8 à 12 ; on propose maintenant, sans la justifier la différence de 8 à 10. Je voudrais que les personnes qui ont des connaissances sur la matière voulussent bien dire un mot encore pour nous éclairer. Je ne puis admettre cet amendement s’il n’est pas justifié ultérieurement, car jusqu’ici on n’a guère contesté sérieusement la proposition de la section centrale.
M. Desmet. - Je dirai comme l’honorable M. Gendebien, que voilà un amendement lancé sans qu’on puisse en apprécier la portée. Prenez garde qu’il n’en soit du blanchiment des tulles comme il en a été du blanchiment des toiles de lin, dont les Français se sont emparés en grande partie. Vous n’avez reçu aucune pétition contre la proposition de la section centrale, et je m’étonne qu’on propose de la modifier, surtout que l’honorable membre qui a fait la proposition n’a rien fait entendre à ce sujet dans la section centrale dont il était membre comme moi : il serait donc très dangereux d’adopter son amendement.
M. Dumortier. - On m’accuse de n’avoir pas justifié ma proposition ; si on ne m’a pas compris c’est qu’apparemment je n’ai pas parlé assez haut. J’ai dit que le tulle blanchi se déclarait toujours à sa vraie valeur parce qu’il peut être préempté, et qu’il n’en est pas de même du tulle écru ; si j’ai proposé un amendement c’était comme moyen de conciliation ; et il ne faut pas croire que nos blanchisseries seront ruinées.
M. Gendebien. - Je regarde comme impolitique et dangereux de diminuer les droits sur les tulles blanchis, car on pourrait en tirer la conséquence, à l’étranger, qu’effectivement nous ne blanchissons pas aussi bien que l’Angleterre. Ainsi qu’on l’a dit dans le cours de la discussion, on pourrait croire que nous reconnaissons plus ou moins exactes les assertions erronées qu’on s’est permises à ce sujet. Je pense donc qu’il est nécessaire de maintenir la différence comme elle est proposée par la section centrale.
- La discussion est close.
M. le président met aux voix les articles du projet de loi.
« Tulles de coton, écrus, unis et brochés, 8 p. c. à la valeur (chiffre proposé par la section centrale). »
- Ce chiffre est adopté.
« Tulles blanchis, unis et brochés, 12 p. c. (chiffre proposé par la section centrale). »
- Ce chiffre est adopté.
« Tulles brodés, 15 p. c. à la valeur (chiffre proposé par la section centrale). »
- Adopté.
« Fils de coton retors, pour faire des tulles, 5 p. c. les 100 kilog. (chiffre proposé par la section centrale). »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, les fils sont un objet nouveau introduit dans le tarif par la section centrale, et c’est pour cela qu’ils se trouvent dans cet article, mais ce n’est pas là leur place ; il faudra que pour le second vote, le bureau veuille bien se charger de les placer où ils doivent être.
- La proposition de la section centrale est mise aux voix et adoptée.
Batistes
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article : Batistes.
M. Dumortier. - Messieurs, le droit sur les balistes était d’abord de 4 fl. par kilog. ; le gouvernement propose de le réduire à 5 fr. ; vous savez, messieurs, que la fraude de cet article est considérable ; il sort de France pour entrer en Belgique plusieurs mille kilog. de batiste par an et il s’en déclare à peine 100 kilog. à nos bureaux de douanes ; la presque totalité est donc fraudée à l’entrée en Belgique ; il y a par conséquent lieu à diminuer fortement le droit, et cela peut d’autant mieux se faire que la batiste ne se fabrique pas en Belgique et ne peut pas même s’y fabriquer. On sait, en effet, que la batiste ne peut se fabriquer que dans des caves qui sont parcourues par des couches de craie : ce qui ne se trouve pas dans notre pays.
Ainsi, messieurs, en réduisant le droit sur la batiste, nous ne nuirons pas à l’industrie nationale et d’un autre côté nous empêcherons la fraude, qui se fait aujourd’hui d’une manière scandaleuse dans cet article. On fraude aujourd’hui la batiste moyennant une prime de 3 p. c. ; or, la batiste qui s’introduit le plus en Belgique, vaut environ 40 fr. le kilog., et par conséquent le droit de 5 fr. que propose le gouvernement s’élèvera pour cette qualité à 12 1/2 p. c. Je proposerai donc de le réduire à 4 fr. par kilog. : ce qui fera encore 10 p. c. ; je pense que le gouvernement consentira à cette modification qui sera, du reste, pour la France une certaine compensation des augmentations de droit que nous avons dû introduire dans le projet du gouvernement. Le droit que je propose sera d’ailleurs encore trop élevé, et si j’avais espéré de faire partager ma manière de voir par la chambre, j’aurais proposé un droit à la valeur de 5 p. c. ; les motifs qui m’ont fait voter en ce qui concerne un autre article, pour le droit au poids, n’existant pas ici, mais j’ai craint qu’une semblable proposition ne fût pas admise ; je me borne donc à proposer que le droit sur la batiste soit réduit à 4 fr. par kilog.
- L’amendement de M. Dumortier est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable M. Dumortier raisonne toujours comme si un kilogramme de batiste ne valait que 40 francs ; mais cette moyenne-là est beaucoup trop basse, car il faut évaluer les balistes à un prix moyen de 100 francs le kilogramme, ainsi que les soieries : or, un droit de 5 p. c. est certainement modéré ; il est aujourd’hui de 8 francs 48 centimes par kil. La réduction sera donc presque de la moitié. On dit qu’il se fraude beaucoup de batistes et soieries, je veux bien le croire ; cependant je dois déclarer qu’on paie les droits sur des quantités considérables chaque année ; et l’on acquitte déjà des droits pour d’assez fortes sommes quand le taux est de 8 francs 48 centimes ; on paiera vraisemblablement tout l’impôt quand il ne sera plus que de 5 francs. Je ne vois donc pas pourquoi nous irions au-delà, et je crois qu’il faut maintenir pour les batistes et les soieries le droit de 5 fr. qui est proposé par le gouvernement.
M. Desmet. - Je sais, messieurs, qu’on fait à présent peu de batistes en Belgique, mais je ne pense pas qu’on ne puisse pas en faire. On a fait dans les prisons des souterrains qui seraient propres à la fabrication de la batiste ; je ne sais pas jusqu’où cela pourrait s’étendre : il est possible que nous ne puissions pas faire ce tissu aussi bien qu’à Valenciennes, mais il est toujours vrai que nous pourrions en fabriquer.
Je ne vois donc aucun motif d’adopter la proposition de M. Dumortier, et je crois que nous devons nous en tenir à la proposition du gouvernement.
M. Dumortier. - Je pense, messieurs, que M. le ministre des finances est tout à fait dans l’erreur lorsqu’il évalue la batiste à 100 fr. le kilog. ; il est certain que les batistes qui s’introduisent le plus communément en Belgique sont les mouchoirs de poche et que ceux-là ne valent pas plus de 4 fr. ; or, si vous adoptez le droit de 5 fr., ce sera 12 1/2 p. c., et c’est beaucoup trop pour un article qui se fraude aussi facilement. Il sort annuellement de France, par la frontière de Belgique, environ 5,000 kilog. de batiste, et il ne s’en déclare à nos bureaux de douanes que 100 ou 150 kilog., tout est donc fraudé. Eh bien, messieurs, nous devons faire cesser la fraude, et pour cela nous devrions abaisser le droit jusqu’au niveau de la prime de fraude. Je pense donc que le droit de 4 fr. est encore trop élevé ; et si je ne présentais pas mon amendement dans le but de le faire adopter, je proposerais le chiffre de 3 fr., car mieux vaudrait ne pas réduire le droit que de le réduite de manière que la fraude continue à exister.
- Le chiffre de 5 fr. proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
Tissus de soie
M. le président. - La discussion ouverte sur l’article : Tissus de soie.
M. Mast de Vries. - Je pense, messieurs, que le gouvernement a parfaitement bien fait de proposer la diminution du droit sur les soieries, mais j’aurais voulu qu’il eût établi une catégorie de plus, car d’après le projet il est telle soierie, par exemple le velours, qui ne paiera que 2 ou 2 1/2 p. c. ; les satins sont dans le même cas ; je pense donc que pour ces objets le droit devrait être de 8 fr.
Il est encore un objet à l’égard duquel je demanderai une explication à M. le ministre : Il est des tissus de coton ou de laine dans lesquels il y a de la soie ; je ne rencontre pas non plus de catégorie particulière pour cet objet. Je demanderai que les tissus mélangés de soie paient la moitié des tissus de soie.
Vous avez un article qui prend maintenant beaucoup d’extension, c’est le pluche dont on fait des chapeaux ; la chaîne de ce tissu est en coton et la trame est en soie ; comment a-t-on calculé ce droit pour cet objet ? Je désirerais une explication à cet égard.
Quoi qu’il en soit, je demande que le droit soit fixé à 10 fr. pour le velours et le satin, et à 3 fr. pour les étoffes mélangées de soie.
- L’amendement de M. Mast de Vries est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense, messieurs, que si nous portions le droit sur n’importe quelle espèce de soierie à 8 ou 10 fr. par kilog., nous ne percevrions qu’une petite partie de l’impôt.
Lorsqu’on impose une marchandise au poids, il faut tacher d’établir le droit de douane de telle manière que, relativement à ce poids, on ne puisse pas transporter facilement une certaine quantité de cette marchandise qui comporte une prime comme celle qu’on pourrait avec avantage donner dans le cas présent.
Je suppose, par exemple, 20 kilog. de velours à 10 fr. de droit par kilog. ; voilà 200 fr. qu’on devrait payer à la douane. Mais évidemment on donnerait 50 à 100 fr. au fraudeur qui y trouverait une journée excellente, et les assureurs feraient volontiers ce marché pour le surplus qui leur resterait encore.
D’après ces motifs je crois, messieurs, que le droit de 5 fr. est suffisamment élevé.
L’honorable M. Mast de Vries a voulu faire une distinction pour les tissus où il y a mélange de matières. Une disposition générale existe à cet égard dans le tarif ; on range la marchandise dans la catégorie de la matière qui est dominante dans le tissu, Par exemple, si c’est le coton qui domine dans la marchandise, c’est le droit sur les tissus de coton dont cette marchandise est frappée à l’importation ; si, au contraire, c’est la soie qui est la matière dominante, le droit sur les soieries est appliqué.
L’honorable M. Mast de Vries voudrait que des catégories différentes fussent établies dans le tarif selon le plus ou moins de prix des objets. Il aurait raison si les assureurs ne prenaient que la valeur en considération pour le taux de la prime ; mais le poids est pour beaucoup dans le coût de la fraude, et en effet, si la marchandise est extrêmement légère, comme les dentelles, batistes, etc., l’assureur fait dans ce cas son marché, en combinant le poids avec la valeur.
M. Mast de Vries. - Je demanderai à M. le ministre des finances si celle des étoffes mélangées, dont on fait aujourd’hui les chapeaux de soies en Belgique, est aussi soumise à la disposition générale du tarif dont il vient de parler. Il me semble qu’il n’en doit pas être ainsi, car cette étoffe n’était pas connue à l’époque où l’on a introduit le tarif général des douanes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, il n’est pas dérogé pour cette étoffe à la disposition générale du tarif des douanes qui concerne les étoffes mélangées. Ainsi, si la soie est la matière dominante des tissus, le droit sur les soieries est appliqué ; si au contraire c’est le coton qui domine dans le tissu, on applique alors le droit sur le coton. Dans les deux cas, le droit est suffisamment élevé, pour protéger efficacement la fabrication des chapeaux de soie.
L’amendement de M. Mast de Vries est mis aux voix et n’est pas adopté.
La proposition du gouvernement, à laquelle la section s’est ralliée, est ensuite mise aux voix et adoptée.
M. de Brouckere, organe de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de M. Dumortier relative aux gouverneurs et aux commissaires de district, monte à la tribune et donne lecture du rapport de la commission, ainsi que des conclusions qu’elle a formulées.
- Le rapport sera imprimé et distribué
M. le président. - A quand la chambre veut-elle fixer la discussion de ce rapport ?
M. Dumortier. - Je demande que la chambre discute le projet entre les deux votes de la loi des douanes. Il faut qu’une décision soit prise sur la proposition avant notre séparation.
M. le président. - Je ferai remarquer que la chambre a déjà décidé qu’elle discuterait, entre les deux votes de la loi des douanes, le projet de loi relatif à l’aliénation des parcelles domaniales, et celui qui concerne la demande de crédit pour la caisse de retraite.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, la proposition de M. Dumortier a une grande portée, on ne peut en aborder subitement la discussion. Il faut qu’au moins le rapport de la commission soit imprimé et distribué ; il faut en un mot que nous ayons le temps de l’examiner et de délibérer sur ce que nous avons à faire comme membres du gouvernement.
La proposition me paraît trop importante pour que nous la discutions ex abrupto. Du reste rien n’est à craindre d’un délai à cet égard, puisque la chambre est réunie et qu’elle pourra certainement prendre une décision sur la proposition.
Je demande que les deux projets de loi, que M. le président vient de rappeler, soient laissés à l’ordre du jour, et que la proposition de M. Dumortier vienne immédiatement après, de manière qu’elle sera discutée entre les deux votes de la loi des douanes.
- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
La chambre reprend la discussion des articles de la loi des douanes.
M. le président. - Proposition du gouvernement :
« Verreries
« Verres et verreries de toute sorte, moulés, taillés, gravés, y compris les cloches, cylindres et bocaux, à l’exception des glaces à miroir, à la valeur : droits d’entrée : 10 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Verres et verreries soufflés dont la valeur de 100 kil. n’excédera pas 250 fr., y compris les carreaux dits de Bohème, à la valeur : droits d’entrée : 5 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Bouteilles ordinaires, 100 en nombre : droits d’entrée : 6 00 ; droits de sortie : 0 10.
« Bouteilles d’une contenance de 7 litres et au-dessus, la pièce : droits d’entrée : ; 0 60 droits de sortie : 0 02.
« Fioles d’apothicaires, flacon d’eau de Cologne et autres de cette espèce, à la valeur : droits d’entrée : 5 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Verres unis, à la valeur : droits d’entrée : 5 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Verres moulés, à la valeur : droits d’entrée : 5 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Verres taillés ou gravés, à la valeur : droits d’entrée : 5. p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
« Verres cassés ou groisil, à la valeur : droits d’entrée : 5 p. c. ; droits de sortie : 1/2 p. c.
Projet de la section centrale :
« Verreries
« Verres moulés, à la valeur : droits d’entrée : 10 p. c. ; droits de sortie : 0 10
« Verres taillés ou gravés, à la valeur : droits d’entrée : 20 p. c. ; droits de sortie : 0 10
« Verres cassés ou groisil, à la valeur : droits d’entrée : 25 p. c. ; droits de sortie : 0 10
« Verres et verreries soufflés, d’origine française ou importés de France, à l’hectolitre : droits d’entrée : 0 10 ; droits de sortie : prohibé. (La section centrale propose le maintien de l’état de choses actuel).
« Verres bouteilles ordinaires d’origine française ou importées de France : droits d’entrée : 0 10 ; droits de sortie : prohibé. (La section centrale propose le maintien de l’état de choses actuel).
« Verres de 7 litrons et au-dessus d’origine française ou importées de France : droits d’entrée : 0 10 ; droits de sortie : prohibé. (La section centrale propose le maintien de l’état de choses actuel).
M. le président. - M. Frison propose l’amendement suivant :
« Le tarif actuel sur les verres et verreries est maintenu. »
L’honorable membre a la parole pour développer sa proposition.
(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1837) M. Frison. - Messieurs, dans la discussion générale de la loi qui nous occupe, on a tellement entamé celle de plusieurs articles sur lesquels le projet apporte des modifications, que je dois m’estimer heureux d’avoir encore quelque chose à dire sur les verreries dont le plus grand nombre se trouve dans l’arrondissement de Charleroy. Je ne laisserai pas échapper l’occasion qui se présente de faire connaître à ceux de nos honorables collègues qui n’ont aucune idée de ces établissements, toute l’importation qu’ils ont, et j’appuierai mon amendement par des considérations et des faits qui méritent d’être présentés à la chambre ; je ne doute pas qu’elle ne m’accorde quelques moments de bienveillante attention.
Tout en maintenant que c’est nous qui avons donné à la France l’exemple des concessions, je ne rentrerai pas dans la discussion générale, et je me garderai de combattre ces systèmes de liberté illimitée de commerce qui comptent parmi nous de si chauds, de si habiles défenseurs ; pour moi, aussi longtemps que nous, Belges, nous soyons les seules à les mettre en pratique, quand tous nos voisins repoussent nos produits fabriqués, je suis tenté de les considérer comme aussi possibles à exécuter que le projet de paix perpétuelle de l’abbé de St-Pierre. Je ne puis cependant m’empêcher de constater par quels arguments inusités on a étayé la défense des concessions que l’on veut nous arracher. S’agit-il de bonneterie, de draperie, etc., les partisans du projet viennent nous dire : Mais, messieurs, prenez-y garde, c’est une guerre que vous déclarez à la Prusse, en augmentant les droits sur ses produits ; et la France nous a accordé tant de faveurs, s’est montrée si bonne alliée politique, qu’il faut craindre de la mécontenter.
Si nous sommes arrivés à ce point d’indépendance que pour régler nos intérêts commerciaux, nous devions consulter la Prusse et surtout la France, en vérité je ne sais jusqu’à quel point nous avons à nous en glorifier. En vérité, il est fâcheux de voir défendre dans cette assemblée plutôt les intérêts de la France que ceux de l’industrie belge, et d’en venir à ce point que l’on peut être tenté de croire que nous discutons une loi française, ou que tout au moins la plupart des concessions demandées ont été indiquées par nos voisins : car c’est toujours avec des arguments que je concevrais dans des bouches françaises que l’on a cherché à nous combattre. Dans la discussion actuelle on a, il faut bien le dire, exploité la peur, et la peur est toujours mauvaise conseillère. Quant à moi, je ne prévois pas de si graves résultats de notre résistance à des exigences outrées qui doivent porter un coup mortel à des industries plus ou moins florissantes aujourd’hui, et je ne puis me persuader que le rejet de dispositions si contraires à l’industrie belge sont le signal de la rupture de nos relations politiques et commerciales. Les peuples qui nous avoisinent doivent plutôt nous rendre justice, en voyant qu’après une révolution, nous avons su si bien consolider nos institutions, que l’industrie, amie de la stabilité et de la paix, a pu prendre un essor qui fait l’objet de leur envie plus encore que de leur admiration. Je dis que la France surtout est jalouse de notre prospérité industrielle, et je vais vous le prouver par un exemple qui n’a pas encore été cité et qui n’est pas loin de nous.
Il est reconnu que notre librairie si florissante porte ombrage à la France : vous n’ignorez pas que le ministère de ce pays a nommé une commission pour provoquer les meures les plus efficaces pour neutraliser une concurrence que nous voisins redoutent ; il est incontestable que si l’on parvenait à trouver un moyen d’anéantir cette industrie chez nous, il ne fût bientôt employé. Est-ce pour tant de bienveillance que nous devons à la France une si grande reconnaissance, de si grands sacrifices ? Faut-il s’en prendre justement à des industries similaires pour frapper celles des nôtres que la France craint le plus, quand nous avons d’autres compensations à lui donner pour le peu de faveurs qu’elle nous a accordées jusqu’à ce jour ? Faites une diminution plus forte, si vous voulez, sur les bois de réglisse, les batistes, les soieries et les vins, et la balance restera encore à l’avantage de la France. Par des concessions dont on nous fait toujours attendre si longtemps la réciprocité, ne consentons pas à jouer constamment le rôle de dupes.
J’arrive à mon amendement, par lequel je veux maintenir pour les verres et verreries de toutes sortes, le tarit actuellement en vigueur : rejetant tout à la fois le projet du gouvernement et celui de la section centrale à laquelle je ne fais pas de reproche de ses propositions ; il est permis aux honorables membres qui la composait de ne point avoir de connaissances spéciales sur une industrie qui leur est peut-être tout à fait étrangère, il est important, messieurs, de vous donner la statistique des verreries de l’arrondissement de Charleroy ; noud commencerons d’abord par vous dire ce qui existait avant 1823 et nous vous prierons de bien faire attention à cette époque ; nous avions alors en établissements de ce genre, 21 verreries, dont 12 seulement marchaient, le reste ayant chômé depuis 1814 jusqu’en 1823. Sous l’empire de la législation actuelle, l’arrondissement de Charleroy a vu s’élever de nouvelles verreries, et en possède actuellement 41, dont 11 verreries à bouteilles et 30 à verres à vitre, marchant avec plus ou moins de succès : les verreries à vitre, bien ; les verreries à bouteilles souffrant par suite des faits que j’exposerai tout à l’heure.
Les 11 verreries à bouteilles peuvent, dans un état de fabrication ordinaire, lancer annuellement dans le commerce des produits d’une valeur de huit cent mille francs ; les 31 à verre à vitre, à 120 mille francs de production moyenne par an, donnent quatre millions de francs environ ; ajoutez à ces sommes les produits verreries de Namur, de Boussu, de Ghlin, du Val-St.-Lambert, de Bruxelles, de Gand même, si je ne me trompe, et vous arriverez à une valeur de production annuelle de près de six millions de francs. J’établis mes calculs d’après les prévisions les plus modérées, car cette production, avec les seules verreries actuellement existantes peut être doublée, aller même au-delà, puisque chacune de nos verreries qui ne marche qu’avec 4 ou 6 creusets, peut, au besoin, comme cela s’est déjà fait dans des temps antérieurs, en placer douze dans chaque four à verre. Il n’y a, pour cette augmentation de production, rien à changer dans la construction actuelle des verreries, que la couronne, ou pour mieux l’expliquer, messieurs, que le four à fondre, qui doit toujours être rétabli entièrement et à neuf, après chaque campagne de 8, 10 ou 12 mois.
Il ne sera pas sans intérêt de vous donner le tableau des importations qui ont eu lieu, sous le tarif actuel, pendant quatre années ; il a été importé des verres et verreries de toutes sortes par les différentes frontières :
En 1831, pour 116,417 fr.
En 1832, pour 156,301 fr.
En 1833, pour 275,979 fr.
En 1834, pour 358,369 fr.
Je m’arrête à 1834, parce que les renseignements que nous a fournis M. le ministre de l'intérieur finissent à cette année ; au moyen de ce tableau dont la progression vous frappera, n’est-il pas permis de supposer que les importations de 1836 auront été au moins de 600 mille francs ?
Or, messieurs, en présence de pareilles faits, avec un tarif qui permet une importation croissant si rapidement d’année en année, direz-vous que nos verreries jouissent d’une protection si grande, si efficace ?
Consentirez-vous de gaieté de cœur à anéantir une industrie aussi importante, à laquelle un si brillant avenir paraissait réservé ? Soyez convaincu que tous les fabricants de notre arrondissement adopteraient avec plaisir et empressement toute mesure de réciprocité sur les verres à vitre et les bouteilles, soit en levant la prohibition, soit en établissant des droits respectivement équitables et bien calculés ; mais pensez-vous que passer tout d’un coup de la prohibition à un faible droit de 5 p. c., ce n’est pas vouloir la ruine de nos verreries ?
Si vous considérez en outre que la plus grande valeur des objets fabriqués consiste chez nous, comme en France et ailleurs, dans la main d’œuvre, n’auriez-vous pas regret de réduire à la misère les nombreux ouvriers qui trouvent leur salaire dans ces établissements ?
Considérez encore que les verreries belges ne sont pas restées en arrière depuis quelques années, que c’est à l’industrie de nos fabricants que l’on doit le développement qu’elles ont pris ; permettez-moi de vous faire connaître que quelques industriels ont risqué leur fortune et leur liberté, en allant chercher en France et en Allemagne, le secret de la fabrication du verre blanc, inconnu en Belgique avec 1814. Ce sera sans doute porter le découragement chez eux que de permettre l’entrée du verre étranger, ce serait mal récompenser leurs efforts et leurs sacrifices.
La mesure proposée par le gouvernement est une question d’existence pour nos verreries ; car, si florissantes qu’elles soient aujourd’hui (je parle en ce moment des seules verreries en verre à vitre, je viendrai tout à l’heure aux verreries en bouteilles), elle sont menacées d’un anéantissement complet ; les propriétaires transporteront leur industrie en France et abandonneront sans retirer, mais non sans regret et sans maudire les mesures désastreuses qui les forceront à s’expatrier, d’immenses capitaux immobilisés, dont ils ne pourront plus tirer aucun profit.
Considérez de plus, messieurs, que par l’augmentation de 100 p. c. sur le combustible, la main-d’œuvre, les fers, les bois qui n’ont plus de limite dans leur prix, l’avantage acquis auparavant aux verreries de notre pays sur les verreries françaises est entièrement annulé ; car en France cette augmentation n’a pas eu lieu dans la même proportion.
Il est bon de remarquer que la concurrence étrangère, qui se fait sentir chaque jour davantage, ne permet pas d’augmentation plus considérable sur les prix des produits que celle de 12 p. c. qui a eu lieu récemment et peu en rapport d’ailleurs avec la hausse progressive et journalière des matières premières que je viens d’indiquer.
Les verreries en verre à vivre se sont déjà vu enlever, en 1831, la fabrication des globes, cylindres et bocaux ; quatre verreries de l’arrondissement de Charleroy qui en fabriquaient des quantités considérables ont cessé la confection de ces produits.
Malgré le tarif actuel même, quelques parties de la Belgique limitrophes de la France, les Flandres particulièrement, sont approvisionnées par les verreries françaises, qui, ne trouvant pas dans le commerce intérieur le placement de leurs carreaux de petite dimension qui n’y ont pas cours, les rejettent en Belgique avec plus d’avantage de les laisser à un prix quelque peu élevé qu’il soit, que de se voir obligée de les réduire en groisil et supporter ainsi une nouvelle main-d’œuvre.
Quant aux verreries et bouteilles, elles ont loin d’être dans un état prospère ; pour elles, plus d’exportation depuis 1830 : on ne fabrique plus de ces bouteilles de 7 litres et plus, connues sous le nom de « Dames Jeannes, » qui, à elles seules, occupaient en grande partie les verreries de cette catégorie ; ces établissements qui activaient chacun 6 à 8 creusets, en emploient seulement 4 aujourd’hui, et encore la capacité en est considérablement réduite. Plusieurs même chôment tout à fait depuis longtemps. A part les débouchés des colonies que nous n’avons plus, il est facile d’expliquer d’autres causes du dépérissement des verreries à bouteilles : depuis quelques années, la consommation des vins de France en bouteilles se fait en Belgique dans une proportion toujours croissante ; personne de vous, messieurs, n’ignore combien est devenu général l’usage des vins de toute espèce, de Champagne, de Bourgogne, de Bordeaux, voir même de Rhin ! La masse de cruchons d’eaux minérales est incalculable ; et tous ces vaisseaux, bouteilles et cruchons, introduits pleins en Belgique, y servent, lorsqu’ils sont vidés, au détriment de la fabrication des bouteilles du pays ; car il est à remarquer que les bouteilles qui arrivent de France sont très fortes de matière, et, par conséquent, moins sujettes à la casse que les bouteilles qui ne doivent pas supporter de longs transports. Tous les maîtres de verreries que j’ai consultés, attribuent en grande partie la stagnation de leur industrie à cette énorme importation de bouteilles et de cruchons. Quant aux fioles d’apothicaire, elles nous arrivent en grande partie d’Allemagne ; aussi en fait-on maintenant peu chez nous.
Il est encore utile ici, messieurs, de vous présenter le tableau du nombre de bouteilles, importées vides ou pleines : les quatre cinquièmes de ces importations appartiennent cependant à la France dont nous recevons une quantité énorme de vins en bouteilles.
Il a été introduit chez nous, en bouteilles neuves, ou contenant des bières, des liqueurs, du vin, du vinaigre :
En 1831, 114,387 bouteilles.
En 1832, 164,709 bouteilles.
En 1833, 220,323 bouteilles.
En 1834, 355,061 bouteilles.
Ce tableau ne présente pas une progression moins rapidement ascendante que celui que je vous ai cité précédemment, et l’on peut, sans être taxé d’exagération, évaluer à 600 mille le nombre de bouteilles importées en 1836. La nouvelle faveur que nous allons accorder, par la présente loi, à l’entrée des vins étrangers, ne peut que contribuer à augmenter considérablement encore leur introduction en bouteilles. Je ne parle pas de l’importation des « Dames-Jeannes, » parce qu’elle a été nulle en 1831, 1832 et 1833 : en 1834, il en a pourtant été introduit 9,173. Je ne puis vous soumettre la quantité de cruchons d’eaux minérales, dont l’importation doit être considérable, parce que je n’ai pas vu figurer cet article dans le travail de M. le ministre de l’intérieur ; sans doute, si l’importation des cruchons de terre est plus préjudiciable à nos poteries, on ne contestera pas qu’ils ne servent aussi, comme vases de capacité, à remplacer les bouteilles. Ajoutez à cette importation énorme, si nuisible à nos verreries à bouteilles, le renchérissement du groisil, qui a augmenté de 100 p. c. depuis deux ans, des cendres alcalines, du sable et des autres matières premières, telles que le charbon, le bois, etc., employés dans tous ces établissements ; songez qu’il existe au moment actuel, dans les magasins de nos verreries, au moins deux millions de bouteilles invendues, et vous serez peu surpris de leur stagnation et de leur dépérissement actuels. Cette augmentation sur les matières premières ne s’est pas fait sentir en France, car le prix des bouteilles ordinaires vendues à Paris qui, naguère était de 22 fr., vient d’être réduit à 17
C’est sous l’empire de la tarification actuelle que tous ces faits s’accomplissent, et au lieu de jeter à pleines mains toutes ces concessions si favorables à la France, au détriment de notre propre industrie, il faudrait peut-être en exiger l’entrée chez elle d’autant de bouteilles de notre fabrication qu’elle nous en envoie contenant du vin ou des liqueurs. C’est déjà, à mes yeux, une faveur assez grande que nous lui faisons.
Je ne dirai rien, pour le moment, du tarif en ce qui concerne les glaces ; bientôt notre pays, grâce à l’intervention d’une société puissante, je me plais à le reconnaître, verra s’élever dans l’arrondissement dont j’ai l’honneur d’être l’un des mandataires, une manufacture de glaces ; ce sera une nouvelle conquête pour la Belgique et il sera temps alors d’aviser s’il ne serait pas convenable d’accorder à un établissement nouveau une protection raisonnable et modérée.
Je vous ai dit, messieurs, que les maîtres de verreries se verraient forcés de transporter leur industrie en France, si vous adoptiez la proposition ministérielle ; ce n’est point une supposition gratuite que je fais : j’ai un exemple à vous citer qui vient corroborer ce que j’ai l’honneur de vous dire. Après les événements de 1814, la France que l’on se plaît à représenter comme toujours si généreuse à notre égard, prohiba tout à coup l’entrée de notre clouterie ; qu’en résulta-t-il ? Tous nos fabricants de clous de Fontaine-l’Evêque, où il se trouvait de riches maisons qui faisaient la prospérité de cette petite ville et qui alimentaient un nombre considérable d’ouvriers, allèrent transporter leur industrie en France, dans le département du Nord, si riche aujourd’hui de nos dépouilles ; car ce sont en grande partie nos industriels belges qui ont implanté les fourneaux, les forges, les laminoirs et les clouteries dans ce département ; nos ouvriers émigrèrent avec leurs maîtres. Cette mesure prise par nos voisins eut pour notre pays le même résultat que la révocation de l’édit de Nantes eut dans le temps pour la France elle-même. Réfléchissez bien à cet exemple, messieurs, allez aujourd’hui à Fontaine-l’Evêque, vous y verrez une petite ville déserte, veuve des riches industriels qui la faisaient fleurir, veuve d’un nombre considérable d’ouvriers, et ne conservant de son ancienne splendeur qu’un souvenir de regret : vous y verrez l’herbe croître dans les rues.
Tout ce que je viens de vous dire est fondé sur des faits ; il vous appartient de décider, si vos consentez à anéantir l’industrie d’un arrondissement qui fait l’orgueil de la Belgique et l’admiration de l’étranger.
Je terminerai, messieurs, en vous déclarant que je ne suis pas prohibitionniste ; mes votes antérieurs l’ont prouvé à plusieurs reprises. Que le gouvernement ne se laisse pas entraîner par de fallacieuses promesses de réciprocité, quand on n’a réellement rien d’avantageux à nous présenter en échange des concessions que nous avons déjà faites : qu’il négocie avec la France un traité général de commerce et de douanes que nous avons à discuter, et nous tâcherons alors d’établir la plus grande liberté commerciale à l’avantage des deux peuples.
Quant à l’article spécial de verres et verreries sur lequel le ministère vient nous proposer des modifications, soyez bien convaincus, messieurs, que nos fabricants ne redoutent point la concurrence, pourvu qu’on les laisse combattre à armes égales ; pour maintenir la position qu’ils se sont créée, ils ne réclament ni faveur, ni concession nuisibles à d’autres produits indigènes ; en un mot, que la France ouvre ses barrières aux produits de nos verreries, nous recevrons volontiers les siens ; car c’est encore ici le cas spécial, comme l’a dit l’honorable M. Rogier à propos de la draperie, d’examiner si nous devons admettre les produits des verreries françaises quand nos voisins eux-mêmes rejettent les nôtres ; en attendant que la France adopte une semblable mesure, que nous appelons de tous nos vœux, restons dans le statu quo.
J’espère, messieurs, que vous accueillerez honorablement l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter.
(Moniteur belge n°138, du 18 mai 1837) M. le président. - Cet amendement est-il appuyé ? (Oui ! oui !) Si personne ne demande la parole, Je vais le mettre aux voix.
M. Dumortier. - Je me proposais de prendre la parole pour l’appuyer, mais puisqu’on paraît d’accord, je ne la réclamerai pas.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois dire que malgré l’attention que j’ai prêtée à la lecture des développements de l’auteur de cet amendement, le bruit des conversations particulières ne m’a pas permis de les suivre. Je désirerais pouvoir lire ce discours dans le Moniteur de demain. Je demande en conséquence l’ajournement à demain de ce qui concerne les verreries.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, nous passerons à la discussion de l’article vins, et nous reviendrons demain à celui des verres et verreries. (Oui ! oui !)
M. le président. - Le gouvernement propose de fixer le droit d’entrée à 2 fr. l’hectolitre et à 12 fr. les 200 bouteilles, et le droit de sortie à 10 c. l’hectolitre et les cent bouteilles.
La section centrale propose de porter le droit à 3 fr. l’hectolitre. Pour le reste elle adopte les propositions du gouvernement.
M. A. Rodenbach. Je me prononcerai en faveur de la proposition du gouvernement pour le droit de 2 fr. Je trouve que nous pourrions même diminuer le droit des accises sur les vins. Cet impôt est énorme, les octrois le majorent encore ; il s’en suit que le prix du vin est excessif.
Cet impôt pèse plus particulièrement sur la classe moyenne, car le vin qu’elle boit paie 50 p. c. d’impôt…
M. Seron. - Dites 100 p. c.
M. A. Rodenbach. Tandis que le vin de luxe, le vin que boivent les riches, ne paie que 10 p. c.
Au lieu de proposer un droit de 3 fr. comme la section centrale, si on fait un amendement, dans le but de supprimer le droit entier, je donnerai mon assentiment à cet amendement.
Il faut en convenir, la diminution d’un franc à un franc et demi que propose le gouvernement, est fort peu de chose, et j’espère que plus tard, quand nous aurons un traité à faire avec le gouvernement français, on diminuera le droit d’accise. Le trésor n’y perdra rien, car l’augmentation qu’éprouvera la consommation compensera la réduction du droit.
J’entends dire près de moi qu’on est disposé à supprimer tout droit sur les vins, tant en bouteilles qu’en baril.
- Cet amendement est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si j’ai bien compris l’honorable préopinant, il propose la suppression complète de tout droit de douanes sur les vins, mais je lui demanderai s’il a bien réfléchi à la somme annuelle que cette mesure enlèverait au trésor. Il a parlé aussi d’abaisser les droits d’accises. Je ne sais pas pourquoi on diminuerait encore les ressources que les accises procurent au trésor. Les droits sur les vins rapportent au trésor 3 millions, et c’est très intéressant à percevoir une somme de trois millions.
Il est bon de remarquer au surplus que la réduction proposée d’un franc et demi par hectolitre sur les droits de douane, qui semble n’être rien, constitue cependant déjà un sacrifice de 150,000 fr. pour le trésor, ce qui est assez notable.
La proposition de M. Rodenbach ne me paraissant pas de nature à obtenir faveur dans la chambre, ce serait perdre inutilement du temps que de s’attacher plus longtemps à la combattre.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas parlé de réduire maintenant les droits d’accises, mais plus tard, quand nous ferions un traité avec la France.
La réduction de 150,000 fr. sur l’entrée des vins n’est pas déjà si importante. Quoi qu’on en ait dit, la France a apporté à son tarif des améliorations en notre faveur. Nous devons montrer que nous voulons aussi faire quelque chose pour elle.
Je persiste à demander la suppression de tout droit sur les vins.
M. Eloy de Burdinne. - C’est une matière très imposable que le vin. S’il est des impôts auxquels l’Etat devrait renoncer, ce sont ceux qui frappent sur la classe pauvre, l’impôt sur le sel, par exemple.
La réduction que le gouvernement propose à l’entrée des vins est plus que suffisante ; sinon qu’il faut faire des concessions à la France, je voterais contre.
M. Verdussen. - J’ai vu dans le rapport que la section centrale a proposé le droit de 3 fr. au lieu 2 de que propose le gouvernement ; mais je n’y vois rien qui justifie cette augmentation.
On a dit : La section centrale a hésité si elle maintiendrait le droit actuel ou si elle adopterait la proposition du gouvernement ; elle s’est ensuite décidée pour le droit de 3 p. c.
Je suis étonné que la section centrale qui a mis tant de chaleur à défendre certaines parties de son projet, en ait mis si peu pour en motiver d’autres.
- Les propositions de la section centrale sont mises aux voix et rejetées.
Les propositions du gouvernement sont adoptées.
M. le président. - Je ferai observer qu’il y a plusieurs propositions dont on a fixé la discussion après celle du tarif des douanes, parce qu’elles se rattachent plus ou moins à ce tarif.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’elles devront être examinées à la séance de demain. Les députés de Tournay ont, entre autres, fait une proposition relative à la sortie des fils de lin ; on pourrait s’en occuper comme des autres, après avoir voté l’article des verres et verreries.
- La séance est levée à 4 heures et demie.