(Moniteur belge n°118, du 28 avril 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet d’une pétition adressée à la chambre.
« Le sieur Delsupexhe, à Dalhem, demande que les fonctionnaires publics soient astreints à résider au lieu où ils occupent des fonctions. »
- Cette demande est renvoyée à la commission des pétitions.
1° Demande en naturalisation ordinaire formée par M. Baron, professeur de rhétorique et préfet des études à l’athénée de Bruxelles. (M. Baron avait d’abord formé une demande en grande naturalisation.)
Nombre des votants, 75.
Boules blanches, 46.
Boules noires, 29.
En conséquence cette demande en naturalisation ordinaire est prise en considération, et cette décision sera transmise au sénat.
2° Demande en naturalisation ordinaire formée par M. Wouters, instituteur de la maison de réclusion à Vilvorde.
Nombre des votants, 72.
Boules blanches, 53.
Boules noires, 19.
En conséquence cette demande est prise en considération ; il sera donne avis au sénat de la décision de la chambre.
3° Demande en naturalisation ordinaire formée par M. P.-Philippe Bourson, directeur du Moniteur Belge.
Nombre des votants, 72.
Boules blanches, 62
Boules noires, 10.
En conséquence cette demande est prise en considération. Cette décision sera transmise au sénat.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, la loi du 31 juillet 1834 (Bulletin officiel, n°626), relative aux droits de douanes sur les céréales, porte, article 6, qu’elle sera soumise à révision avant le 30 juin 1837.
Cette loi, messieurs, ayant répondu au but que les auteurs s’en étaient proposé, puisque depuis sa mise à exécution elle n’a fait naître aucune réclamation qui ait indiqué la nécessité d’y apporter des modifications, le gouvernement a reconnu qu’il ne devait vous y proposer aucun changement, et que la révision qu’il écherrait de sa part de provoquer avant l’époque mentionnée à l’art. 6 précité, ne pourrait ainsi consister que dans la reproduction des dispositions mêmes de la loi actuelle.
Le gouvernement pense donc, messieurs, que, dans cet état de choses, l’effet et l’expérience de la loi, dont on paraît apprécier généralement les avantages, peuvent tenir lieu, quant à présent, de la révision énoncée, et qu’en attachant, en ce moment, l’attention de la chambre sur ce résultat, il satisfait à ce qu’exige de sa part l’article 6 déjà cité, sans entendre néanmoins s’opposer ou renoncer à une révision ultérieure, si, dans son effet à venir, des circonstances en faisaient naître la nécessité.
- La chambre, sur la proposition de M. Pollénus., invite la commission d’industrie à faire, dan la séance de samedi, un rapport sur les pétitions dont l’objet se rapporte an projet de loi concernant les modifications du tarif des douanes, et notamment sur les pétitions relatives à l’importation du foin hollandais.
M. le président. - La discussion continue sur l’article « bas et bonneteries, etc. »
M. A. Rodenbach. - Je conviens avec l’honorable député de Tournay, qui a parlé dans la séance d’hier, qu’une protection est nécessaire à la bonneterie. Elle est d’autant plus nécessaire qu’il y a, dans la province du Hainaut seule, peut-être 50,000 ouvriers qui s’occupent de la fabrication des bas et bonneteries. Même dans le royaume, il y a au moins 50.000 ouvriers qui trouvent une existence dans cette fabrication. Mais, parce qu’une protection efficace est nécessaire à cette industrie, faut-il demander un chiffre exagéré comme celui de 20 pour cent, dont l’honorable député de Tournay demande le maintien ? J’admettrais cette protection si nos douanes pouvaient soutenir cette protection, mais l’expérience nous a prouvé que nous ne pouvions pas donner cette protection, vu la faiblesse de notre seul rayon de douanes. Il me semble donc que maintenir le droit de 20 pour cent, ce serait rendre un mauvais service à cette industrie.
D’ailleurs, le principe paraissant admis que le droit sera uniforme, que les bas et bonneteries viennent d’Angleterre, de Saxe ou de France, il est certain que si vous fixez le droit à 20 p. c., on ne percevra rien. Maintenant on perçoit pour l’Angleterre et la Saxe le droit à 10 p. c. Il serait impossible de le percevoir s’il était porté à 20 p. c.
Je ne pense pas que l’Angleterre vît d’un bon œil cette extrême augmentation. Mais, sans même avoir égard à nos voisins, je soutiens qu’il serait impossible de percevoir le droit de 20 p. c. Le droit de 15 p. c. proposé par la section centrale est encore trop élevé. Mais je me rapprocherai de ce chiffre. Si l’on propose un droit de 13 p. c. à la valeur, je l’appuierai peut-être ; sinon, je ferai peut-être un amendement dans ce sens.
Je pense que nous devons toujours combiner notre tarif avec les primes accordées à la fraude. Ce doit être notre boussole. Nous avons fortifié nos douanes, augmenté le personnel ; le ministre lui-même a essayé de nouveaux moyens. Malgré cela la fraude n’a pas diminué. Voyons donc, d’après la prime de la fraude, quelle est la protection que l’on peut accorder efficacement à cette industrie.
La prime de la fraude pour les bonneteries est de 13 à 15 p. c. A Gand, elle est de 13 p. c. ; à Bruxelles, elle est de 13 à 15 p. c. ; je le tiens de personnes qui s’occupent de ce commerce et qui me l’ont assuré. Assurément cette industrie n’ira pas payer un droit de 20 p. c. lorsque par la fraude elle n’a à payer qu’un droit de 13 à 15 p. c. Remarquez que les négociations qui ne voudraient pas recourir à la fraude devraient abandonner le métier ; car ils ne pourraient pas soutenir la concurrence avec ceux qui, recourant à la fraude, pourraient livrer la marchandise à quelques p. c. meilleur marché.
Les bonneteries venant de la Saxe se vendent, rendues dans nos grandes villes, en raison d’une augmentation de 10 p. c que l’on ajoute à la facture. Cependant le droit est de 10 p. c. On sait qu’on gagne 3 p. c. à la déclaration. Le droit actuel se réduit à 7.
Pour moi je pense que si on élève le droit à 13, on ne pourra pas frauder. Le fisc percevra le droit, et les marchands ne recevront pas, comme par la fraude, des marchandises détériorées.
L’industrie de la fabrication des bas mérite toute protection de la part du gouvernement. Elle fabrique à moitié de la consommation du pays.
Sans doute ce serait un immense avantage pour la Belgique si elle pouvait fabriquer ce qui est nécessaire à la consommation de tout le pays. Mais on ne peut l’espérer, attendu que pour les bas à jours nos fabriques ne sont pas à la hauteur de celles de Saxe et d’Angleterre.
Le droit de 13 p. c. qui se réduirait à 10 p. c. serait, je crois, perçu. Mais au-delà le gouvernement perdra et les fabricants ne gagneront rien.
Dans une discussion relative aux toiles, en 1834, il a été question de fixer le droit à la valeur. Moi-même j’ai fait une proposition pour imposer les toiles à 10 p. c. de la valeur. Cette proposition n’a pas eu de succès dans la chambre.
Eh bien, à cette époque de 1834, MM. Dubus (aîné) et Dumortier ont approuvé la perception à la valeur, lorsqu’il a été question de la loi sur les douanes. Mais il me semble que, s’il y a eu des difficultés pour percevoir le droit sur les toiles au poids, il doit y en avoir beaucoup plus percevoir le droit au poids sur la bonneterie ; car il y a ici une quantité de détails dans lesquels on ne peut guère entrer si l’on ne connaît pas particulièrement la fabrication. Le mode de perception proposé par la section centrale n’est pas assez simple : je ne pourrais lui donner mon assentiment, je ne le comprends pas ; je comprends très bien la perception à la valeur. Cependant je réserve mon vote, et je prierai la section centrale de donner des explications sur le mode qu’elle propose ; ces explications sont nécessaires pour saisir l’amendement qu’elle présente.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, je commencerai par rappeler à la chambre à quelle occasion nous sommes saisis d’une proposition pour modifier le tarif en ce qui concerne la bonneterie. Ce n’est pas dans l’intérêt de ce pays que la proposition a pris naissance ; c’est dans un intérêt étranger. C’est à la demande d’un gouvernement étranger qu’il s’agit de porter une modification qui, dans mon opinion, tuerait une industrie du pays. Cette industrie mérite assurément toute la protection du gouvernement et de la chambre ; le travail s’en fait dans la famille, dans les campagnes ; elle est importante, et sous le rapport de la prospérité de l’agriculture elle-même, et sous le rapport de la morale.
Cette industrie a singulièrement souffert des changements politiques qui ont eu lieu depuis 1813. Chacun de ces changements lui a porté un coup sensible. Si vous adoptiez le projet de loi, il vous aurait été réservé de lui porter le dernier coup ; elle n’est pas morte encore ; c’est vous qui l’auriez tuée.
Nous sommes placés entre la douane française et la douane allemande. La France ferme absolument son marché à nos fabricants, elle nous oppose la prohibition.
L’Allemagne nous oppose actuellement un droit qui, sur la bonneterie en coton, d’après un calcul que j’ai fait, et en supposant exacts les rapports des poids et des monnaies prussiennes aux poids et aux monnaies belges, revient à 397 fr. et quelques centimes pour 100 kilog. ; ce qui, à 2 centimes près, reviendrait à 4 fr. le kilog. ; or, c’est ce que propose la section centrale sur la qualité ordinaire de la bonneterie : car sur la qualité fine la section centrale propose un droit qui, appliqué aux sortes les plus chères, revient presque à rien, parce que la bonneterie fine à une valeur plus grande relativement à son poids que les bonneterie ordinaires.
Maintenant notre bonneterie se trouve protégée, du côté de la France, par un droit de 20 p. c. qui n’était pas assurément exagéré, comparé aux prohibitions que nous impose le tarif français ; et du côté de l’Allemagne, par un simple droit de 10 p. c. à la valeur.
S’il y avait quelque chose à faire dans notre tarif, c’était de nous donner vers l’Allemagne une protection plus grande, et d’élever notre tarif de ce côté au taux du tarif vers la France. On propose, au lieu de cela, de retirer à nos fabricants la protection que vous leur donniez du côté de la France, et de réduire la protection de 20 à 10 p. c. Et comme les négociants français jouissent d’un droit d’exportation qui revient à une prime de 6 p. c., il pourrait se trouver enfin que nous n’aurions qu’une protection de 1 p. c. dans le cas de la perception à la valeur, à cause des fausses déclarations.
Ainsi le marché français nous est fermé, et les marchands français voudraient lutter contre nous but à but, ou avec la seule différence de 1 p. c. Vous n’admettrez pas un pareil système. Et je ne comprends pas comment pourraient s’appliquer ici les motifs de réciprocité que l’on a fait valoir.
D’abord je n’admets pas en principe qu’il y ait lieu nécessairement à établir un droit uniforme, et que nous ne puissions pas très bien laisser le droit de 20 p. c. du côté de la France.
Je ne partage pas l’opinion de ceux qui croient que nous sommes obligés de niveler nos droits, à moins que nous ne voulions élever le droit de 20 p. c. du côté de l’Allemagne.
Dans beaucoup de circonstances, nous pouvons établir un droit différent sur une frontière ou sur une autre, un droit différent pour les marchandises venant d’un pays et pour les marchandises venant d’un autre pays. Il y en a des exemples dans notre tarif. Il en est ainsi pour le bétail ; le droit est plus élevé du côté de la Hollande, et moins vers la frontière de Prusse et vers celle de France. Il est plus élevé du côté de la Hollande, et le motif que nous avons eu de le faire ainsi, ç’a été d’opposer aux Hollandais le tarif que les Hollandais nous opposaient. Nous avons considéré que, sous le rapport de la production du bétail, l’industrie agricole hollandaise est rivale de la nôtre, que la concurrence hollandaise était fort à redouter pour nos cultivateurs, et que nous ne pouvons pas faire moins que de donner à nos cultivateurs, à ceux qui élèvent le bétail, une protection égale à celle que donnent les Hollandais à leurs agriculteurs.
Nous n’avons pas pris la même mesure vers les autres frontières ; d’abord vers la frontière de Prusse, parce que le droit était moins élevé que nous opposait la Prusse parce que la concurrence était moindre à craindre de ce côté.
Nous avons fait la part des circonstances. Les mêmes raisons justifient précisément le tarif actuellement en vigueur quant à la bonneterie ; et la proximité des fabriques rivales de notre frontière ainsi que la prime d’exportation donnée aux fabricants français, justifient la différence qu’il faut mettre dans le tarif pour la France.
On a appelé la loi de 1823 une loi d’hostilité, une loi de colère ; mais cette loi n’a nullement ces caractères ; elle était réclamée par les intérêts matériels du pays. C’était un cri général dans le pays pour obtenir une protection plus efficace contre la France qui nous fermait son marché. Et cette loi a répondu alors au vœu du pays ; elle a été très mal appréciée par celui qui lui ont donné un autre caractère.
N’avons-nous pas aussi des droits différents pour la houille qui entre par la frontière de France et pour la houille qui entre par la frontière de mer ? N’est-elle pas de 33 centimes d’un côté et de 1 fr. 40 c. de l’autre ?
S’il est vrai qu’il faut toujours établir le même droit, vous allez donc élever le droit à 1 fr. 40 c. par la frontière de France, ou l’abaisser à 33 centimes par la frontière de mer ?
Je pense que l’on peut soutenir très bien qu’il y a lieu de maintenir le droit de 20 p. c. qui protège notre bonneterie contre les importations françaises, et cela, jusqu’à ce que la France apporte des modifications à son tarif. Le marché de la France nous était autrefois ouvert ; nous y luttions contre les fabricants français ; on nous a fermé ce marché par la prohibition ; dès lors, il était tout à fait naturel que nous prissions une mesure qui nous réservât, autant que possible, notre propre marché.
Mais, dit-on, ce droit de 20 p. c. ne se perçoit pas, où il y a une certaine partie de marchandises sur lesquelles le trésor ne perçoit rien ; j’ai pris des informations, a dit un honorable préopinant, et je me suis assuré que la prime d’assurance contre la fraude variait de 13 à 15 p. c., qu’elle était de 13, 14 ou 15 p. c.
Mais, messieurs, s’il en est ainsi, il est évident que le droit à la valeur de 20 p. c. produit un effet utile, et que, quelle que soit la quantité qui paie le droit en entrant, quelle que soit celle qui est importée en fraude, le tarif nous a valu une protection d’au moins 13 à 15 p. c. ; dès lors j’ai peine à concevoir comment l’honorable préopinant, qui veut bien reconnaître qu’il faut protéger le travail du pays autant que possible, a pu se décider à proposer un droit de 13 p. c. à la valeur, qui reviendra en définitive, comme il le dit lui-même, à un droit réel de 10 p. c. Eh quoi, vous avouerez que nous avons besoin de la protection la plus efficace possible, que la protection actuelle est de 13 à 18 p. c. ; et vous voulez réduire cette protection à 10 p. c. ! En vérité, je ne conçois pas comment avec de semblables principes on peut arriver à une pareille conclusion. On me dira peut-être qu’il n’y a qu’une partie du droit qui entre dans le trésor ; soit : mais ce droit n’a pas été établi pour remplir le trésor, ce n’est pas un impôt ; c’est un droit qui a pour objet de protéger une industrie qui mérite tout notre intérêt. Si donc la protection existe, si elle est efficace, il n’importe pas moins grandement qu’il entre un peu plus ou un peu moins dans les caisses de l’Etat. Eh bien, l’honorable préopinant reconnaît que la protection est efficace ; dès lors il ne faut pas la retirer.
L’honorable préopinant est convenu lui-même de l’importance de l’industrie dont il s’agit : et, en effet, dans le seul arrondissement de Tournay elle fait vivre plus de 30,000 ouvriers, qui sont pour la plupart des gens de la campagne qui travaillent auprès du foyer domestique. Je le répète, c’est là un genre de travail qui mérite tout notre intérêt.
Ainsi, d’une part le préopinant a eu tort de prétendre qu’il fallait diminuer le droit par cela seul qu’il faut de l’uniformité ; il a eu tort, en second lieu, de demander la réduction du droit par la raison que le droit actuel n’offrirait pas une protection réelle, puisque, de son propre aveu, la protection qui résulte de ce droit est efficace.
Maintenant, messieurs, j’examinerai la proposition de la section centrale. Comme le dit l’honorable préopinant, la section centrale propose un droit qui reviendrait à un taux inférieur à 20 p. c. ; mais ce droit serait perçu au poids, et il serait le même pour toutes les frontières.
L’honorable préopinant pense que le droit proposé par la section centrale reviendrait à 15 p. c. ; il en sera effectivement ainsi pour certaines qualités de marchandises qui méritent, à la vérité, le plus de protection, pour les marchandises communes qui, à cause de leur poids, sont plus difficiles à introduire en fraude ; mais sur les qualités supérieures, d’après les calculs de la section centrale, le droit ne reviendra plus qu’à 10 p. c., et sur les qualités superfines, il se réduira à presque rien.
Pour se convaincre de cela, il suffit de consulter les chiffres d’un rapport qui nous a été fait dans le temps sur la question cotonnière ; la commission qui avait été chargée de l’examen de cette question avait établi pour la bonneterie différentes catégories, parmi lesquelles il y en avait une qui était évaluée à 1,800 francs le kilogramme, sur laquelle la commission proposait d’établir un droit, non pas de 8 francs seulement, mais de 360 francs ; je vous le demande, messieurs, qu’est-ce qu’un droit de 8 fr. sur une valeur de 1,800 fr.
Aussi ce faible droit n’a-t-il été proposé aujourd’hui que parce qu’il s’agissait là d’une qualité de bonneterie dont la finesse est presque égale à celle de la dentelle, et dont l’importation frauduleuse est, par conséquent, extrêmement facile.
Le tarif que propose la section centrale est donc sagement conçu, puisque le droit est diminué à mesure que les chances de fraude augmentent et qu’il est réduit presqu’à rien sur les qualités dont l’importation frauduleuse est tout à fait facile.
Ainsi, d’après le tarif de la section centrale, les qualités commune seraient frappés d’un droit de 15 p. c. ; ce droit serait ensuite de 10, 8, 6 p. c. à mesure que les qualités seraient plus fines, et il se réduirait enfin à 75 centimes pour cent francs sur les qualités tout à fait supérieures.
En adoptant ce mode, vous protégerez efficacement l’industrie, vous protégerez surtout le travail des ouvriers de la campagne qui ne font que de la bonneterie commune.
Ce que je viens de dire répond à l’objection de l’honorable préopinant qui, en parlant des bas à jour, disait qu’en ce qui concerne cette marchandise, notre industrie avait encore beaucoup de progrès à faire, et que force nous est en quelque sorte de tirer ces objets de l’étranger ; eh bien, en supposant que le fait soit exact, ce sera précisément cette espèce de bonneterie qui serait moins frappée suivant le tarif de la section centrale que suivant celui qui est proposé par l’honorable préopinant.
L’honorable préopinant a dit, messieurs, qu’en 1834 nous avons approuvé le système de la perception à la valeur ; je ne sais pas bien à quelle discussion l’honorable membre veut faire allusion, mais si c’est à celle qui était relative aux toiles, je lui ferai remarquer que la question était tout autre ; on ne proposait pas alors un droit au poids, mais un droit au compte-fils, et il me paraît que le mode de vérification était assez incertain puisque, selon qu’on applique la loupe en l’un ou en l’autre endroit, la toile présente une différence qui peut être de deux fils, ; nous apprenons, en effet, que des réclamations nombreuses sont faites contre la modification relative au classement des toiles, qui a été introduite dans le tarif français, et par suite de laquelle il dépend d’un employé de faire payer pour une toile 10 ou 20 par exemple, suivant qu’il applique la loupe en tel ou tel endroit. La toile présentant un tissu plus large au milieu que sur les bords, il y aura une différence dans l’évaluation, suivant que la loupe aura été appliquée au milieu ou sur les bords. Cette différence va quelquefois de un à deux sur le droit. Nous n’avons donc pas eu tort, lorsque nous avons contesté le mode de perception au compte-fils.
En outre, messieurs, en 1834, lorsque nous proclamions que le tarif français était excessif en ce qui concernait nos toiles, est-il bien évident qu’il fût de notre intérêt d’établir précisément le même tarif que pour la Belgique ? cela nous paraissait extrêmement impolitique, et cela ne nous paraissait aucunement justifié par la situation des deux industries puisque nos fabricants de toiles n’avaient aucunement à redouter la concurrence française. Voilà, messieurs, comment la question se présentait en 1834 ; maintenant elle est tout autre ; elle n’est plus entre le mode de perception au compte-fils et le mode de perception à la valeur, mais entre la perception au poids, dont l’expérience de nos voisins démontre l’utilité, et la perception à la valeur.
Le droit que la section centrale propose revient à 15 p. c. sur les bonneteries communes et à 10, 8, 6 et même 3/4 p. c. sur les qualités supérieures en proportion de leur finesse : ces droits sont modérés. Remarquez bien, d’ailleurs, messieurs, que nous ne sommes pas pour la bonneterie dans l’heureuse position des fabricants de toiles ; nous avons beaucoup à craindre de la concurrence française, les produits français venant concourir avec les nôtres sur nos propres marchés. Je pense donc que l’honorable préopinant reconnaîtra lui-même que la question est tout autre aujourd’hui qu’en 1834.
On s’est aussi occupé de la bonneterie à propos de la question cotonnière : il s’est encore agi alors d’établir le droit au poids et de calculer selon la qualité ; mais on a présenté alors bien d’autres chiffres que ceux que présente aujourd’hui la section centrale ; voici ce que proposait la commission qui s’est occupée de l’industrie cotonnière sur les bonneteries de qualité inférieure : au lieu de 4 fr. par kilog., 6 fr. ; sur les bonneteries fines, au lieu de 8 fr. par kilog., 50 fr. ; et sur les bonneteries superfines, au lieu de 8 fr., 360 fr. par kilog.
Voilà les propositions qui vous ont été soumises, et à coup sûr, ce ne sont pas les propositions que je défends. Je conviens que des droits semblables ne se paieraient pas ; des droits semblables n’établiraient qu’une protection dérisoire ; mais les droits proposés par la section centrale procureraient dans ma conviction une protection réelle.
Je crois avoir rencontré les principales objections de l’honorable préopinant ; je me réserve d’ajouter d’autres observations, si le cours de la discussion y donne lieu.
M. Verdussen. - Messieurs, le tarif aujourd’hui en vigueur sur l’article bas et bonneterie porte un double droit, le droit de 10 p. c. pour tous les pays, excepté la France, et le droit de 20 p. c. pour la France.
La section centrale propose deux modifications à ce tarif. La première consiste à porter le droit à 15 p. c., indistinctement pour tous les pays ; et pour atteindre ce droit uniforme, la section centrale vous propose un autre assiette de droit, celle au poids, au lieu de celle à la valeur.
Je vous ferai d’abord remarquer, messieurs, que l’honorable préopinant, et avant lui M. Doignon, vous ont fait sentir que le droit de 10 p. c. est insuffisant. Ils se sont plaints que ce droit ne fût pas assez protecteur, et à en croire même l’honorable M. Rodenbach, les 10 p. c. à la perception se réduiraient à 7 p. c.
Je vous avoue, messieurs, que je ne saurais partager cette manière de voir, car j’en trouve la réfutation dans la prime même de la fraude dont il a été fait mention.
On vous a dit que la prime de la fraude était aujourd’hui de 13 à 15 p. c., terme moyen 14. S’il est vrai, messieurs, que les 10 p. c. perçus régulièrement à la douane se réduisent réellement à 7, 20 se réduisent à 14. Comment se peut-il donc qu’on paie une prime de fraude de 15 p. c., quand par l’introduction régulière par la douane, il ne faut payer que 14 p. c. ?
Je ferai encore remarquer que ces 10 p. c. sont encore frappés d’une augmentation, car il y a 13 c. additionnels ; je doute donc beaucoup que ce droit de 10 p. c. soit réduit à 7, et celui de 20 à 14.
Quoique l’honorable préopinant ait dit que le tarif qui vous présenté par la section centrale est sagement combiné, je pense, messieurs, qu’il est très sujet à critique, et je me propose de le combattre.
Je vous ai dit que la section centrale voulait changer la base actuelle de l’impôt et qu’elle proposait de l’établir dorénavant sur le poids. Le nouveau tarif proposé paraît même être son enfant de prédilection, puisque, sur les 14 pages de son rapport, elle en a consacré 6 à ce seul article ; voyons si, en effet, il mérite la préférence sur le mode actuellement en vigueur.
Je prendrai pour exemple ce qu’elle dit à la page 11 de son rapport (ganterie en coton) (…)
L’honorable M. Dubus a avancé tout à l’heure que c’est la qualité commune qui serait frappée d’un droit de 15 p. c. et qu’au fur et à mesure que la qualité deviendrait meilleure, le droit diminuerait ; l’honorable membre a trouvé cette manière de faire très sage ; pour moi, je la trouve très extraordinaire, pour ne rien dire de plus, car en général il me paraît irrégulier de frapper d’un droit moins fort les qualités de luxe que les qualités ordinaires ; il me paraît au contraire qu’au lieu de diminuer le droit sur les premières, il faudrait l’augmenter ; en effet, les qualités fines sont uniquement un objet de fantaisie, tandis que les qualités communes sont un objet de besoin.
Mais l’honorable préopinant s’est encore trompé, lorsqu’il a dit que c’est la qualité commune qui est frappée d’un droit de 15 p. c. ; il n’en est rien, car j’ai fait la réduction de la valeur générale sur la ganterie en coton que la section centrale, à la page 11 de son rapport, vous présente comme exemple, et je vois que le prix moyen est de 9 fr. 36 c. ; ce sont donc les quantités moyennes pour lesquelles les 14 p. c. seraient atteints, mais les deux bouts de l’échelle s’éloigneraient beaucoup de ce milieu. Il est donc inexact de dire que c’est la qualité inférieure qui serait frappée d’un droit de 15 p. c. ; je suis au contraire à même de prouver que cette qualité serait frappée d’un droit de 40 p. c., et la qualité fine d’un droit de 6 à 7 p. c.
Vous concevez, messieurs, qu’en voulant prendre pour base du droit la valeur de la marchandise, et en appliquant une moyenne sur une série d’articles de valeur très différente, jusqu’au point qu’un bout de l’échelle présente 5 fr. de valeur, et l’autre bout 15 fr., vous concevez, dis-je, qu’il n’y a que le milieu qui atteigne véritablement le but qu’on s’est proposé, et qu’à mesure qu’on s’approche des deux extrémités, le droit devient ou plus fort ou plus faible. C’est un inconvénient, amis qui se signale déjà d’une façon très défavorable, lorsqu’il ne s’agit que du droit à la valeur seulement, tandis qu’en prenant pour base le poids, l’inconvénient devient intolérable, puisqu’il agit en sens inverse et frappe du droit le plus fort la marchandise pesante et donc la plus commune, en favorisant les qualités légères et par conséquent les plus fines.
Je ne veux pas entrer dans des détails de chiffres, je sens combien il est désagréable de parler de chiffres à une assemblée ; mais j’ai fait tous les calculs ; et je n’ai dû faire qu’une seule supposition que je me suis cru en droit de faire ; j’ai pensé que lorsque le poids moyen d’une douzaine de gants est de 14 décagrammes, celui des gans communs peut bien aller jusqu’à 20 décagrammes la douzaine, tandis que le poids des gants fins ne s’élèvera qu’à 10 décagrammes ; et alors je trouve pour résultat que les qualités fines ne paieront que 6 2/3 p. c., et les qualités communes jusqu’à 40 p. c. de la valeur.
J’avoue, messieurs, que lorsqu’on nous présente un tarif qui contient de semblables anomalies, je ne saurais lui donner mon assentiment. Je préférerais donc de continuer à établir le droit sur la valeur, et quant à l’élévation du droit, j’en conviens que les 10 p. c. établis contre les nations autres que la France me paraisse un droit trop minime.
Je voudrais l’augmenter un peu, et opérer en même temps une légère diminution sur le droit qui a été établi contre la France ; mais je ne veux pas qu’on rende dès à présent le droit uniforme pour toutes les nations.
Si l’on présente un amendement qui remplisse mes vues, je donnerai mon assentiment ; j’attendrai à cet égard la suite de la discussion.
M. Desmet. - Messieurs l’honorable préopinant vient de dire qu’il était assez étrange que M. Dubus ainsi que M. Doignon eussent trouve que le droit contre la France était insuffisant.
Pour moi, messieurs, je partage l’opinion de ces deux honorables membres, et à cet égard nous sommes d’accord avec la commission qui a fait un rapport sur l’exposition qui a eu lieu en 1835. Voilà comment ce rapport s’exprime : « La concurrence étrangère, favorisée par le peu d’élévation de notre tarif, a presque réduit à rien la fabrication de la bonneterie… »
Voila donc un point admis par la généralité du pays, car la commission était composée de représentants des divers parties du royaume, personnes tout à fait désintéressées dans la question des bonneteries.
M. Verdussen dit que la section centrale semble avoir pris, dans son rapport, la bonneterie pour son enfant de prédilection. Messieurs, la section centrale, en entrant dans quelques détails, n’a eu d’autre but que celui d’instruire la chambre, et je crois que l’objet en valait la peine. Je regarde, en effet, la fabrique des bonneteries aussi importantes pour les ouvriers et les pauvres que la manipulation du lin. La bonneterie, comme le lin, embrasse surtout la classe pauvre : elle donne du travail en toute saison, elle occupe le campagnard quand il doit abandonner la culture ; l’enfant comme le vieillard peut s’en occuper, et c’est un travail qui, sous le rapport de la moralité, ne présente pas l’inconvénient des fabriques, car il se fait toujours dans le foyer paternel, sous les yeux des parents.
La critique de l’honorable préopinant contre le mode de perception, qui présente beaucoup d’inégalité parce qu’on a pris le terme moyen pour établir le montant du droit, est aussi, il me semble, sans aucun fondement ; car, comme cet honorable membre voudrait-il autrement opéré ? Il dit que l’une extrémité de l’échelle qu’il comprend s’élèvera à 5 p. c. et l’autre presqu’à zéro. C’est très facile à avancer, mais la preuve ne suit pas. Je ferai remarquer à l’honorable membre que la chose est impossible, à cause de la trop petite étendue des échelles ; d’ailleurs, l’honorable membre doit savoir que c’est toujours de la sorte qu’on fait de pareils calculs, et les industriels qui ont été consultés, à différentes reprises, sur la partie de l’échelle, n’y ont pas trouvé le vice que M. Verdussen veut bien faire remarquer, mais comme je viens de le dire, sans l’accompagner de la moindre preuve. C’est ainsi qu’on a opéré presque dans tous les pays qui nous avoisines, dont les tarifs sont partout établis au poids, et où le mode au poids a été préféré ; et la raison en est bien palpable : la perception au poids est un mode certain, tandis qu’à la valeur c’est un véritable mode de dupe ; c’est un bon moyen d’en faire accroître, pour faire dire qu’une telle branche d’industrie a une telle protection, tandis que souvent elle n’en a part le quart en réalité.
M. A. Rodenbach. - Il paraît que je n’ai pas su me faire comprendre de l’honorable préopinant. Je n’ai pas dit que la bonneterie fût totalement arriérée en Belgique ; j’ai dit seulement et je maintiens que nous sommes arriérés en ce qui concerne la fabrication des bas à jour.
J’ai témoigné des craintes sur le droit que propose la section centrale ; j’ai demandé des renseignements ; je crois encore que les renseignements sont nécessaires, car un honorable député d’Anvers vient de dire que les bas de coton paieraient jusqu’à 35 et 40 p. c. de droit. Je demande si nos douanes peuvent assurer une pareille protection. Moi-même je ne demanderais pas mieux que de voir établir un droit de 15 p. c. ; mais ce droit ne serait pas perçu, cela est certain, d’après le taux auquel, au su de tout le monde, ces produits s’introduisent dans le pays.
L’honorable député de Tournay a parlé des primes à la sortie en France. Je conviens que le système des primes à la sortie, existant en France et en Angleterre nous est fatal ; d’autant plus que dans cette assemblée jamais ces primes de sortie n’ont eu de succès ; mais il faut être juste et reconnaître que ces primes à la sortie sont en partie une espèce de drawback, notamment pour les bas de laine venant de la Champagne et de la Picardie, en raison des droits élevés qu’il y a à payer en France sur les ingrédients nécessaires pour la teinture de ces bas.
Il y avait un moyen de percevoir des droits élevés, c’était le second rayon de douanes. Ce moyen, on ne l’a pas voulu ; on l’a supprimé ; peut-être faudra-t-il y revenir lorsqu’on aura reconnu la nécessité de changer de système.
En France, où la douane exerce une surveillance rigoureuse, la prime de fraude est de 30 p. c. ; au contraire, la prime de fraude des marchandises expédiées de Lille à Tournay est de 10 à 15 p. c. Cela dépend de la facilité d’introduction des marchandises en fraude dans notre pays. Comment après cela espérer que l’on percevra des droits de 20 ou de 40 p. c. ?
L’honorable député de Tournay a dit qu’il ne pensait pas que la loi de 1823 fût une loi de colère. Pour moi, je pense que c’est une loi de représailles, une loi de haine, de colère contre la France. La discussion qui a eu lieu aux états généraux en est la preuve. « Faisons comme les Romains (a-t-on dit dans cette discussion), privons-nous pour nuire à nos ennemis, privons-nous de vins de France, et ne buvons que de la bière. » Cela ne prouve-t-il pas que la loi a été conçue dans un esprit de vengeance et de représailles ? Ceux qui en doutent peuvent s’en convaincre en ayant recours à la discussion.
M. Desmet. - Répondant à l’honorable M. A. Rodenbach, je m’étonne que lui qui s’occupe d’industrie et recueille des investigations ne sache pas que l’industrie de la bonneterie tombe tous les jours. Le fait est qu’il y a 3 ou 4 ans il y avait dans les arrondissements de Tournay et de Charleroy et dans la Campine encore 7,000 à 8,000 métiers, tandis qu’aujourd’hui il n’y en a plus que 5,000, comme on peut le voir dans le rapport de la commission établie pour l’exposition des objets de l’industrie de 1835.
Pourquoi cela ? non pas parce que nos fabriques seront arriérées, mais parce que la Saxe, pays où ces denrées sont bien moins chères que chez nous, et où la main-d’œuvre est pour rien, fabrique à bien meilleur marché qu’on ne peut fabriquer dans le pays, et envoie ses produits dans le pays avec une profusion extraordinaire, et particulièrement parce que le droit d’entrée est si peu élevé ; et par le mode de perception à la valeur il est encore réduit à peu près à rien.
Je ne pense pas que l’honorable député de Roulers puisse méconnaître que la fabrication de bonneterie mérite toute l’attention du gouvernement et de la chambre ; car c’est une de ces industries, comme celle de la manipulation du lin, qui est toute main-d’œuvre et qui est surtout dans l’intérêt de la classe pauvre, qui y trouve de l’ouvrage en toute saison.
L’honorable M. A. Rodenbach a critiqué le mode de perception proposé par la section centrale. La section centrale a proposé un mode d’après lequel on est sûr de percevoir. Dans la perception à la valeur on perd beaucoup, tandis que dans la perception au poids on ne perd rien. Dans la perception au poids, le contrôle est facile, tandis que dans la perception à la valeur, aucun contrôle n’est possible. Le mode de la valeur est tout dans l’intérêt du trésor, car on est sûr de percevoir le droit établi par la loi, ce qu’à la valeur vous n’avez jamais ; il est aussi dans l’intérêt de l’industrie, car vous êtes assuré d’y trouver la protection que vous voulez bien accorder ; d’ailleurs cette question a été tellement éclaircie dans tous les pays, qu’il doit paraître étrange qu’en Belgique on veut encore la mettre en doute.
Pour ce qui concerne la quotité du droit à la valeur, je ne pense pas que le droit de 15 p. c. soit trop élevé. Car à droit à peu près égal à la prime de contrebande, il n’est pas douteux que l’on introduise les marchandises par la douane plutôt que par la fraude, surtout pour les bas qui sont un objet de mode, et que l’on veut recevoir à temps ; or, on sait que souvent les expéditions par la fraude n’arrivent pas à temps ; car, lorsque la douane fait son service, il n’arrivent pas à temps ; car, lorsque la douane fait son service, il n’est pas possible d’introduire à tout moment des bas et bonneteries.
L’honorable M. A. Rodenbach a répété que nos fabriques étaient arriérées comparativement à celles de Saxe, d’Angleterre et de France. A cet égard, il est tout à fait dans son tort. Dans les districts de Tournay et de Charleroy et même dans la Campine, on fabrique mieux qu’en Saxe et qu’en Angleterre, mais nous ne pouvons pas lutter contre le bon marché.
Je crois que nous ne risquons rien en adoptant le droit proposé par la section centrale, nous devons chercher à protéger cette industrie qui fait travailler les enfants et les vieillards et les enfants des campagnes, lorsqu’ils ne trouvent pas à travailler aux champs.
Je voterai pour la proposition de la section centrale, et je me flatte que la chambre appréciant toute l’importance de cette fabrication, votera de même la proposition de la section centrale, il la conservera par là dans le pays ; ou elle risque de se perdre, si on continuait à la laisser sans protection efficace.
M. Jullien. - Je ne demande pas mieux que d’établir des droits protecteurs sur les bonneteries, les bas à jour, le mitaines, les calottes, et autres objets qui font partie de l’article en discussion ; mais ce que je voudrais, ce serait que cette protection fût efficace, et c’est précisément là que siège la difficulté.
Pour protéger les fabricants du pays, notamment en ce qui concerne les draps, on a essayé la prohibition.
Vous savez, messieurs, ce qui est arrivé ; malgré la prohibition qui les frappe, les draps français ont été introduits notoirement dans le pays avec une prime de 6 à 8 p. c. ; de sorte que la prohibition tournait au profit de la fraude et non du commerce qu’elle devait protéger. Si vous établissez des droits équivalents à la prohibition les effets seront les mêmes ; la fraude s’emparera du bénéfice, les objets seront introduits dans le pays comme cela arrive pour les soieries, dont le droit est de 15 p. c. et qui entre avec une prime de 6 p. c. Une expérience de six années est là pour l’attester. C’est un commerce qui se fait à Lille. Vous voyez que quand vous voulez protéger une industrie, soit par la prohibition, soit par des droits trop élevés, vous travaillez pour la fraude, vous faites tort au trésor du droit qu’il devrait recevoir et vous ne protégez en aucune façon l’industrie du pays.
La question, en ce qui concerne la bonneterie, est de savoir quel est le taux de la prime et à quel taux elle peut se maintenir. S’il est vrai, comme l’a dit l’honorable M. Dubus, que la prime n’est pas ou ne peut pas être au-dessous de 13 p. c., je dirai qu’on ne doit pas maintenir un droit à 20 p. c., quand la prime de fraude est à 13. Je reconnais comme l’honorable membre que les douanes ne sont pas seulement établies pour donner des revenus au trésor, mais pour protéger l’industrie. Si avec un droit de 20 p. c. vous forcez les fraudeurs à demander une prime de 13 p. c., il est évident que c’est de 13 p. c. que vous protégez l’industrie.
Cela est-il démontré ? C’est là toute la question ; et cette question reviendra chaque fois que vous vous occuperez d’un article de la nature de celui que nous discutons. Est-il vrai que quand le droit sera de 15, 16 ou 20 p. c., la protection sera de 13 p. c. ? je ne le crois pas. Dès l’instant vous avez l’expérience qu’on peut établir la prime à 7 ou 8 p. c. sur les soieries, je ne vois pas pourquoi. La prime pour les autres articles ne suivrait pas la même progression. C’est là une question sur laquelle le ministre devrait nous éclairer. On doit savoir à peu près ces choses-là au ministère des finances. J’attendrai qu’il veuille bien nous donner quelques explications.
Je suis prêt à accorder à notre industrie des droits protecteurs ; mais je n’accorderai jamais des droits dérisoirement protecteurs, en faisant tort au trésor. C’est une duperie d’enrichir la fraude au détriment du trésor.
Voilà en peu de mots à quoi se réduit ma théorie sur cette question : quelle est la hauteur de la prime ? quelle peut être cette prime ? Je serai charmé d’entendre les explications d’hommes spéciaux qui ne vous ont pas fait faite dans cette direction.
Je voterai pour le système sur lequel il aura été jeté le plus de lumière par ceux qui s’y connaissent mieux que moi et que j’engage à prendre la parole.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose l’amendement suivant :
« Bas et mitaine d’Islande, d’Ecosse, de Klappenbourg et de Danemark, 3 p. c. »
M. Dumortier. - Messieurs, il est facile de répondre à la question posée par l’honorable préopinant. Comme lui, je pense que le droit doit être efficace ; et pour être efficace, il ne doit guère être plus élevé que la prime qu’on paie à la fraude. Ce sont là des principes de toute vérité, je les ai toujours professés. Si j’avais le plus léger doute sur le fait de l’élévation de la prime actuelle et sur celui que le tarif de la section centrale ne représente que le taux de cette prime, je ne le soutiendrais pas. Quelle est la prime actuelle, a demandé l’honorable préopinant ? Je trouve la réponse à cette question dans ce qu’a dit M. A. Rodenbach. Il vous a dit ; la prime de la fraude sur la bonneterie était de 13 à 15 p. c. Il est vrai que sur les marchandises fines, il y aura une petite différence, mais cette différence ne sera que de 1 ou 2 p. c. Mais on n’ira pas pour si peu de chose exposer sa marchandise à être mouillée, avariée, enfin à subir tous les inconvénients de la marchandise qui entre en fraude. En principe, le droit que nous proposons est précisément la prime qu’on paie à la fraude.
L’honorable préopinant a demandé ensuite : comment se fait-il qu’on introduise le soieries à 7 p. c. de prime et qu’on ne puisse introduire la bonneterie que moyennant une prime de 15 p. c. ? La raison en est que la soierie est plus légère, plus facile à frauder et qu’un plus petit volume représente une plus grande valeur.
Vous savez, messieurs, que la bonneterie, et spécialement la bonneterie en laine, est extrêmement volumineuse. On ne peut pas la frauder dans des essieux creux et autres moyens semblables, comme la soierie ; il faut la porter à dos d’homme, cela devient plus coûteux.
Maintenant, messieurs, je répondrai à l’honorable membre qui a parlé deux fois dans cette séance et qui paraît un chaud adversaire du projet. Je lui dirai que je suis étonné que lui, qui prend si grand intérêt aux productions belges quand il s’agit de distillerie, soit si indifférent, pour ne pas dire plus, quand il s’agit d’une industrie exercée dans une localité dont il n’est pas le mandataire, mais qui n’en est pas moins une des plus importantes qui soient dans le pays.
Vous savez que cette industrie fait vivre plusieurs centaines de mille personnes. Une grande partie des habitants de l’arrondissement de Tournay vit de cette industrie. Elle fait également vivre une partie des habitants de la Campine.
Il est à remarquer que cette industrie est d’autant plus précieuse, qu’elle n’emploie que des laines indigènes. Les propriétaires de troupeaux de la Hesbaye n’ont, pour leurs laines, pas d’autre débouché que la bonneterie. Je me trompe, on les emploie encore à faire les lisières des draps de Verviers. Mais ces propriétaires seraient dans une triste position s’ils n’avaient d’autre débouché pour leurs laines que les fabriques de Verviers.
La majeure partie de leur récolte de laine est employée, on peut dire exclusivement à notre industrie de bonneterie.
Cette industrie est en rapport direct avec un des premiers besoins de l’agriculture indigène. Cela répond à ce qu’a dit M. A. Rodenbach que la prime accordée par la France aux exportations de bonneterie n’est guère qu’un drawback. Cette prime n’est ni en tout, ni en partie un drawback. La bonneterie de Picardie comme la bonneterie de Belgique est faite avec la laine du pays. C’est donc une prime qu’on accorde en France à l’exportation et rien autre chose et nullement un drawback.
Comparons, je vous prie, je ne parle pas des qualités extra-fines qu’on fabrique en très petite quantité, mais comparons notre tarif avec celui du gouvernement. D’après ce que j’ai dit, la France accorde à la sortie un franc de restitution par kilog. Que proposons-nous sur les gilets à manches, etc. ? un droit de deux francs par kilog. Ce droit, par suite de la restitution de la France va se trouver réduit à un franc sur les bas et chaussettes : nous proposons un droit de 4 francs, il ne sera plus que de 3 francs. Pour les qualités superfines, le droit est de 8 francs ; il se trouve réduit à 7 fr.
Il ne faut pas perdre ces faits de vue. Aussi longtemps que la loi du 2 juillet 1836, qui accorde une restitution d’un fr. par kilog. à la sortie, existe, vous devez en tenir compte dans la tarification de nos droits d’entrée. Il me paraît que les orateurs qui ont défendu le projet du gouvernement n’ont pas tenu compte de cette restitution.
J’arrive maintenant à ce que vous a dit M. Verdussen. Il s’est livré à des calculs sur une spécialité, la plus minime de toutes et celle qui produit le moins de fabricats sur la ganterie. Vous savez que la ganterie de tricot se fait en très petite quantité. M. Verdussen s’est livré à des calculs, desquels il résulterait, si le tarif était admis, que les gants communs seraient frappés d’un droit de 40 p. c., tandis que les gants fins ne paieraient qu’un droit de 9 1/3 p. c.
Je dois dire que ces calculs ne sont nullement fondés. Ils sont inexacts. L’honorable membre a dû partir d’une base qu’il a imaginée, qu’il a trouvée dans sa tête. La base qu’il a prise est fausse ; par conséquent son calcul entier tombe. C’est un échafaudage sans base. Vous sentez que les gants à 45 centimes la paire ne s’introduisent guère dans le pays. Quand un négociant reçoit de la ganterie, il la reçoit par assortiment ; c’est pour cela que nous avons établi un droit moyen, qui ne reviendra guère qu’à 12 p. c. Nous avons mis dans le rapport toute franchise, nous avons fait imprimer les tableaux des éléments de nos calculs, afin que chacun pût en vérifier l’exactitude. J’ai pour mon compte fait vérifier ces tableaux à Tournay et on les a trouvés exacts. La section centrale a dit : Vous avez vérifié les calculs, c’est très bien ; mais nous voulons les vérifier nous-mêmes. La section centrale a délégué à cet effet un de ses membres qui a également trouvé les calculs exacts. Si vous n’avez pas fait cette vérification, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous ; vous avez entre les mains tous les éléments des calculs, vous pouviez les vérifier. Je ne pense pas qu’on puisse agir avec plus de franchise que de mettre sous les yeux de tous, les éléments des calculs qu’on présente.
Maintenant je vous demande si on peut comparer nos propositions avec celles que M. Rodenbach me reproche d’avoir combattues. Aujourd’hui il s’agit d’une réduction à laquelle nous consentons, tandis qu’alors on nous proposait un droit de 360 fr.
Si des propositions semblables étaient renouvelées, je les combattrais encore.
Pourquoi avons-nous combattu la proposition dans le temps ? C’est parce que nous avons reconnu que les droits seraient éludés par la fraude. Au reste il y a ici une énorme différence ; il s’agissait alors d’augmenter les droits, il s’agit actuellement de les réduire. L’industrie de Tournay consent à la réduction ; mais pourvu que les droits soient efficaces ; et pour qu’ils soient efficaces, il faut qu’ils soient au poids ; car s’ils sont à la valeur, ils seront réduits par le fait de la déclaration.
Il n’existe pas de négociant qui fasse une déclaration exacte à la valeur ; pourquoi cela ? Le douanier, dans le cas de préemption, est obligé de donner 10 p. c. au-dessus de la déclaration, et le marchand peut toujours déclarer à 10 p. c. de moins. Par suite de cette déclaration inférieure le droit, au lieu d’être à 15 p. c., serait réduit à 13 p. c.
Nous voulons de plus empêcher qu’il n’y ait connivence coupable entre le marchand et le douanier.
M. Rogier. - Est-ce que l’on fait cela à Tournay ?
M. Dumortier. - Cela peut se faire à Tournay comme ailleurs ; mais je sais que cela se fait particulièrement à Anvers. Je porte le défi que l’on cite une seule maison de Tournay qui fasse la fraude de cette manière.
Vous voyez que la proposition que nous faisons est très modérée.
Je le répète, de quoi s’agit-il ? de réduire le droit existant. Le gouvernement vous demande de faire cesser envers la France le droit de différence que cette puissance regarde comme un acte de mauvais voisinage : nous consentons à cela, mais nous ne voulons pas sacrifier nos industries, et nous demandons 15 p. c. au poids. Si on le percevait à la valeur le droit serait réduit à 13 p. c., ajoutez à cela la prime d’exportation qu’accorde la France, et alors vous arriverez à un droit si faible que nous industrie en serait tuée. Réduire le droit d’un quart, c’est déjà beaucoup ; il faut procéder graduellement. Notre proposition est fondée en équité.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, l’article en discussion est un de ceux qui méritent toute notre sollicitude par la concurrence redoutable du produit de même espèce que nous envoient la France et le Nord, et par la situation précaire où se trouvent nos fabricants. Déjà, à différentes reprises, on a démontré au gouvernement que sous l’empire de la législation douanière qui nous régit, les fabricants de bas et de bonneterie ne peuvent se soutenir ; que plusieurs fortes maisons du Hainaut se sont retirées des affaires depuis quelques années avec de grandes pertes, et que si la loi ne vient au secours de nos industriels par des mesures protectrices, bientôt leurs ateliers seront fermés ou transformés en magasins de bonneteries étrangères. La cause du malaise est simple ; dans d’autres pays et en Saxe notamment, les matières premières et surtout les laines sont à un prix beaucoup moins élevé que chez nous ; la main-d’œuvre y est aussi moins chère, et leurs produits sont en général à un prix tel qu’il équivaut à peine pour plusieurs articles à nos frais de fabrication : qu’on se figure en effet que malgré le droit de 10 p. c. qui frappe aujourd’hui les produits de la Saxe, nos fabricants ne peuvent soutenir la concurrence de la bonneterie fine venant de ce pays, et que le droit de 20 p. c. est tout au plus suffisant pour qu’ils puisent rivaliser avec avantage contre la bonneterie fine en laine venant de la Picardie ; et cela se conçoit, car les économistes ont calculé que la Saxe produit à 20 p. c., et la Picardie à 15 p. c ; moins cher que nous !
Aussi qu’est-il résulté de cet état de choses ? Presque tous les métiers fins sont abandonnés chez nous ; le découragement a gagné de proche en proche. Et qu’on n’accuse pas nos industriels de ne savoir travailler aussi bien que les étrangers, car chaque jour ils prouvent le contraire ; voyez en effet les fabricats de ceux qui ont conservé des métiers fins, en s’imposant tous les jours des sacrifices, dans l’espoir de voir bientôt cette industrie mieux protégée ; ils font encore en ce moment des articles supérieurs en qualité à ceux de la Sace. Que s’ils doivent les vendre plus chers cela tient à des causes qu’ils ne peuvent détruire.
Si nos voisins, dira-t-on peut-être, ont de si grands avantages sur nous, que nous ne puissions pas rivaliser avec eux pour le prix, il vaut mieux que cette industrie indigène disparaisse et laisse le consommateur jouir de l’avantage du bon marché ; une industrie qui n’a pas en effet un germe de vitalité assez énergique n’a pas de droit à l’existence ; d’ailleurs pourquoi ne pas essayer une autre industrie ? Pourquoi s’obstiner à l’impossible ? On concevrait peut-être que si les autres nations n’avaient de supériorité sur nous que dans une seule branche d’industrie, on pût prononcer cet arrêt de mort contre la bonneterie ; mais bien d’autres industries sont dans la même position, non pas en Belgique seulement, mais dans toutes les contrées ; on leur accorde de la protection, nous la demandons au même titre. Et que ce mot de protection n’effraie pas les soi-disant amis de la liberté commerciale, qui ne connaissent que quelques principes qu’ils appliquent à toute chose ; nous ne voulons pas d’une protection qui permette aux fabricants de réaliser d’énormes bénéfices aux dépens des consommateurs, nous ne réclamons qu’un droit sagement protecteur et efficace, qui élève la condition de nos producteurs au niveau de celle des étrangers, par les droits dont nous frapperons le derniers ; enfin nous voulons qu’on cherche, autant qu’une nation doit le faire, à implanter et maintenir chez nous le plus d’industries possible.
Ce sont des sources inépuisables de travail et de moralité pour nos citoyens, et l’Angleterre est là pour démontrer ce que vaut un Etat où l’industrie est sagement protégée.
Je pense donc, messieurs, qu’il faut faire à l’égard de la France comme envers l’Allemagne, ce que l’on fait envers nous, c’est-à-dire établir en faveur de cette industrie une protection suffisante et modérée ; et pour atteindre ce but, votre section centrale a cru devoir proposer un droit efficace revenant à 15 p. c., en combinant le poids avec la valeur, d’après les tableaux annexés.
M. Desmaisières. - Je ne saurais partager l’opinion de plusieurs honorables préopinants qui ont prétendu que la prime de fraude devit servir de règle, de mesure, aux droits de protection que l’on voulait établir en faveur de la bonneterie. Ces orateurs, pour prouver le fondement de leur assertion, ont soutenu que la prime de fraude diminuerait à mesure que les droits s’élèveraient ; c’est tout le contraire qui arrive. Le négociant fraudeur est comme tous les autres, il veut toujours gagner le plus qu’il peut. Plus le droit est élevé, plus il est exigeant, et plus il demande un salaire élevé pour se livrer à la fraude.
Que l’on consulte d’ailleurs toutes les enquêtes qui ont été faites, notamment en Angleterre et en France, et on verra toujours que la prime de fraude a augmenté lorsque les droits ont augmenté.
Je conçois que l’on puisse dire que plus les droits sont élevés et plus on cherchera à frauder, parce qu’il y aura plus de bénéfice à faire ; mais ceux qui envisagent la question sous ce rapport ne me paraissent pas l’envisager dans son véritable jour. Nous ne voulons pas ici établir un impôt, nous ne voulons pas arriver à une ressource pour le trésor ; nous voulons arriver à une protection pour l’industrie ; et dès lors le droit doit être assez élevé pour protéger cette industrie. C’est à nous à vois si nous pouvons prendre des moyens répressifs suffisants pour assurer le droit de protection ; et si nous ne les avons pas, nous devons le chercher.
Il y a deux espèces de fraude ; il y a la fraude totale de la marchandise ; il y a la fraude partielle, celle à l’aide de laquelle on introduit la marchandise en payant moins de droits que la loi n’en exige ; cette dernière fraude s’exerce au moyen de déclarations trompeuses, au moyen de déclarations qui, dans l’état actuel de notre législation, peuvent être d’un tiers au-dessous de la valeur réelle.
Contre cette fraude partielle, quel moyen y a-t-il à prendre ? Le vrai moyen, le seul moyen peut-être, c’est le mode de perception qui détermine la valeur d’une manière mécanique, c’est celui que propose la section centrale.
Quant à l’élévation du droit, il est bien certain que si l’on impose une marchandise à un droit de 15 p. c., et que l’on perçoive ce droit au poids, le tarif de la fraude devra nécessairement augmenter ; si on considère ensuite que les moyens de répression deviennent plus efficaces à mesure que la douane devient plus active, il en résultera encore une augmentation de prime pour la fraude. A cela il faut encore joindre les dommages auxquels on expose toutes les marchandises introduites en fraude. Le tout étant réuni, on arrive à une prime de fraude à peu près égale au tarif. Ainsi, que l’administration de la douane perçoive le droit, ou ne le perçoive pas, la protection restera toujours la même en faveur de l’industrie ; seulement ce sera, d’un côté, le trésor qui percevra, et de l’autre, ce sera le fraudeur. Or, nous ne voulons que la protection, et rien autre chose, nous ne voulons pas d’un revenu pour le trésor.
Si le droit de 20 p. c. frappe, comme on le prétend, la bonneterie qui vient de France, parce que ce droit est trop élevé, engageait à la fraude, je ne comprendrais pas comment le gouvernement français insisterait pour que nous abaissions le droit de 15 p. c., que propose la section centrale, parce que s’il ne frappe pas la bonneterie française, ce gouvernement ne sera pas intéressé à demander la diminution d’un tel droit.
On sait que les droits français entrent malgré la prohibition dont ils sont frappés ; messieurs, il est notoire pour nous tous qu’avant la prohibition des droits français, lorsqu’on se présentait chez un marchand de draps ou chez un tailleur pour se procurer des vêtements, c’était toujours du drap français qui était offert, tandis que maintenant, au contraire, c’est toujours du drap du pays ou du drap d’Allemagne. On me fait remarquer, et avec beaucoup de raison, que lorsque vous demanderez du drap français à un marchand, il vous montrera du drap belge en vous disant que c’est du drap français.
M. Verdussen. - L’honorable M. Dumortier a dit que c’était uniquement dans mon imagination que j’avais puisé les bases du calcul dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir : ces bases, messieurs, je les ai trouvées dans le rapport de la section centrale dont M. Dumortier faisait partie ; c’est aux pages 10 et 11 de ce rapport que nous trouvons que 20 douzaines de bas, chaussettes, bonnets de coton en qualité inférieure pèsent 7 hectol. 5 décagrammes, et que 20 douzaines des mêmes objets en qualité supérieure pèsent seulement cinq hectolitres ; les bas communs pèsent donc la moitié plus que les bas fins. Du reste, comme je tiens à prouver à la chambre que les chiffres que j’ai établis ne sont nullement erronés, je livrerai demain au Moniteur mes calculs qui sont extrêmement simples. (Note du webmaster : le Moniteur du jour reprend effectivement ledit calcul).
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me semble, messieurs, qu’il conviendrait de sortir de l’espèce de discussion générale qui a été entamée à propos de l’article qui nous occupe, et que pour en finir, il faudrait diviser la question, c’est-à-dire, examiner en décider d’abord quel sera le mode de tarification et ensuite quel sera le taux du droit qui sera appliqué à ce mode ; si nous continuons à confondre les deux questions, nous pourrons difficilement nous former une opinion. Je propose donc à la chambre de suivre ici la marche qu’elle a suivie dans des circonstances analogues : de discuter d’abord la question de savoir si l’on imposera au poids ou à la valeur, de prendre une résolution à cet égard, et de s’occuper ensuite de la fixation du chiffre du droit. Cette manière de procéder sera beaucoup plus simple.
- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adopté ; en conséquence la discussion est ouverte sur la question de savoir si les bonneteries seront imposées au poids ou à la valeur.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois me prononcer, messieurs, en faveur du mode de tarification qui a été proposé par le gouvernement ; les chiffres qui ont été présentes par l’honorable M. Verdussen me paraissent si concluants, qu’il n’est pour ainsi dire pas besoin de rien ajouter aux calculs par lesquels il a fait voir que le soi-disant droit de 15 p. c. dont la section centrale veut imposer les bonneteries, irait dans la plupart des cas jusqu’à 40 p. c., tandis que dans quelques autre cas, pour les qualités supérieures, il descendrait jusqu’à 6 p. c.
Le mode proposé par la section centrale présente donc le grave inconvénient de ne pas atteindre d’une manière uniforme les marchandises dont il s’agit ; ce qui est tellement évident que, pour s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur les calculs de la section centrale et surabondamment de les comparer avec ceux qu’a établis l’honorable M. Verdussen, auxquels je me réfère entièrement.
Si, en adoptant le mode proposé par la section centrale, on avait pu arriver à ce résultat que les bonneteries seraient frappées d’un droit uniforme de 15 p. c., je ne demanderais pas mieux, mais vous voyez que cela est impossible.
Je vous prie à cette occasion, messieurs, de vous rappeler ce qui s’est passé, lorsque nous avons voté la loi sur les toiles ; là nous avons aussi adopté un mode d’appréciation, autre que celui à la valeur ; depuis lors, nous avons pu nous apercevoir que le droit de 10 p. c. que nous avions voulu établir sur les toiles, s’élève pour certaines qualités jusqu’à 25 p. c., tandis que pour d’autres, il reste beaucoup au-dessous du droit uniforme, dont nous avons voulu imposer toutes les toiles étrangères. Or, si nous adoptions aujourd’hui le mode proposé par la section centrale, nous tomberions dans le même inconvénient ; cependant lorsqu’on fait une loi, il faut pouvoir en juger d’avance toute la portée ; il est essentiel de ne pas s’exposer à frapper de 30 à 40 p. c. une marchandise qu’on n’aurait voulu imposer que 10 ou 15.
M. Dubus. - L’honorable M. Verdussen, avant d’établir les calculs par lesquels il a voulu détruire ceux de la section centrale, s’est livrée à une critique qui a un tout autre but : il s’est étonné que dans un rapport de 14 pages, il y en eût 6 ou 7 qui sont consacrées à la seule question des bonneteries : mais puisque c’est dans les pièces justificatives, dans les calculs que la section centrale a fournis, que l’honorable membre a puisé les motifs par lesquels il a cru devoir critiquer le système qu’elle a proposé, il me semble qu’au lieu de se plaindre de ce que la section centrale est entrée dans ces détails, l’honorable préopinant aurait dû lui en savoir gré. Ce qui m’étonne, moi, c’est que l’honorable M. Verdussen, dans son examen critique, s’est précisément occupé de cette partie de la bonneterie qui est la moins importante et qu’il a négligé tout le reste ; mais on a voulu critiquer, on a voulu trouver des raisons à l’appui de la critique qu’on voulait faire, on s’est donc attaché à la partie qui pouvait y donner prise à vie avec certaine apparence de fondement. Sur ce point, je m’étonne aussi que M. le ministre des finances qui a déjà depuis quelque temps entre les mains le travail de la section centrale, s’en rapporte purement et simplement aux calculs que M. Verdussen, sans s’apercevoir qu’ils sont tout à fait incomplets et que la chambre tomberait dans une grave erreur, si elle y attachait la moindre importance.
M. le ministre trouve mauvais qu’on ait compris 36 espèces d’objet de ganterie dans une seule classe ; mais pourquoi à-t-on fait cela ? C’est parce qu’on a compris que la ganterie en coton est trop peu importante pour faire l’objet d’une classe différente pour quatre espèces, pour cinq espèces, pour six espèces, pour huit espèces et pour dix espèces seulement.
Vous voyez donc, messieurs, qu’on s’est attaché avec une sorte de plaisir à l’article le moins important, et qui, pour cette raison, n’a pu être divisé en plusieurs catégories ; mais cette critique, d’ailleurs tout à fait futile, l’est peut-être moins encore que celle qu’on a voulu faire, en disant que si un négociant faisait venir de l’étranger toute une cargaison de gants de première qualité, il ne paierait, d’après le projet de la section centrale, que très peu de chose ; tandis que celui qui ne recevrait que des gants communs, paierait 30 ou 40 p. c. Tout le monde sait qu’il n’est pas un seul négociant qui procèdera de cette manière, et que s’il s’en trouvait qui le fissent, ils ne sauraient que faire de leurs gants : un négociant, surtout, pour un article dont le placement est si peu considérable, prendra toujours un assortiment de diverses espèces, puisqu’il faut que chaque boutique soit assortie, ce qui ne pourrait pas avoir lieu si le négociant n’avait que des gants de première qualité ; les négociants prendront donc des gants de toutes espèces, ils en prendront à 5 francs, ils en prendront à 15 ; l’on compensera l’autre, et cette compensation amènera dans le droit le taux moyen qui a servi de base aux calculs de la section centrale. Voilà la réponse que j’avais à faire à l’honorable M. Verdussen, et qui s’applique mieux encore à ce qui concerne les autres articles du projet de tarif de la section centrale pour la bonneterie, puisqu’il y a là à opérer sur un plus petit nombre d’articles.
Ainsi, en général le droit le plus élevé ne sera que de 15 p. c.
M. Verdussen pense que nous devons imposer le luxe et par conséquent mettre un droit plus élevé sur la bonneterie de luxe. Mais, encore une fois, ce n’est pas un impôt que nous établissons, mais bien un droit protecteur. Or, si vous considérez la question sous ce rapport de la protection due à une industrie, il faut que cette protection soit efficace. Comment le serait-elle en augmentant le droit, en raison de ce que la marchandise est plus précieuse ? Car comme rien n’est plus facile à frauder, à coup sûr, s’il l’on n’établit un droit très modéré, on le fraudera, tandis qu’un droit de 15 p. c. sur la bonneterie commune ne sera pas fraudée.
Quant à la bonneterie en coton, je rappellerai qu’on a l’expérience du mode de perception au poids, puisqu’il est établi en Prusse, et je prierai M. Verdussen de vérifier les calculs que j’ai faits, d’après les renseignements qui se trouvent en tête des tarifs, comparés sur le rapport de la monnaie et du poids usités en Prusse, avec notre poids et notre monnaie.
D’après ces calculs, la bonneterie en coton est taxée en Prusse à 4 francs environ le kilog. là s’appliquerait peut-être mieux l’objection de M. Verdussen, puisqu’en Prusse on n’a fait qu’une catégorie de bonneteries de coton.
Eh bien, que propose la section centrale ? Elle a trouvé que, pour une certaine espèce de bonneterie en coton, dont le poids est considérable, le droit de 4 francs deviendrait excessif et donnerait lieu à la fraude ; elle propose sur cette catégorie un droit de 2 francs. Cette catégorie établie, elle en fait une autre de la bonneterie commune au droit de 4 francs le kilogramme, et pour diminuer les inconvénients que paraît craindre M. Verdussen, elle établit deux catégories supérieures ; l’une à 8 francs et l’autre à 10. Voilà le système de la section centrale, qui n’est que le système prussien perfectionné.
Ce droit de 8 francs sur la bonneterie fine, elle l’a calculé avec modération et discernement, en se bornant aux éléments qui devaient lui faire éviter tout excès.
Si, pour établir le taux moyen, quant à la bonneterie fine, elle avait compris dans son travail les différentes qualités, depuis le prix de 50 francs jusqu’à celui de 180 francs, elle aurait alors adopté un taux moyen tellement élevé que celui-ci aurait prêté en effet à la critique à laquelle je réponds.
Mais elle s’est gardé de donner dans cette erreur ; elle s’est arrêtée au prix de 50 francs, et quant à tout ce qui excéderait cette valeur, elle a pensée que le même droit de 8 francs au kilogramme pourrait suffire, parce qu’un droit plus élevé pourrait offrir un appât à la fraude.
Sous ce rapport donc, je persiste à penser que le tarif de la section centrale a été très sagement calculé.
Quant à la question de préférence entre ce mode de tarification et celui de tarification à la valeur, je crois que le premier doit être préféré en ce qu’il rend impossible toute fraude dans la déclaration. Vous ne pouvez pas, avec un pareil système, dissimuler la véritable valeur de la quantité pesée, et l’établissement du droit d’après le poids devient une opération purement matérielle.
La tarification à la valeur donne lieu à la perception d’un droit inégal, selon que le négociant est plus ou moins sincère dans sa déclaration, et il a intérêt à ne pas l’être.
On a beau dire qu’on peut préempter la marchandise, mais pour cela il faut qu’on soit prêt à payer dans les 24 heures et le prix de la marchandise, et les 10 p. c. en sus de ce qui est déclaré.
Mais ce n’est pas tout, il faut qu’après avoir payé ces 10 p. c. l’employé qui a fait la préemption fasse une nouvelle déclaration, qu’il la porte à la valeur qu’il a payée et qu’il paie les droits sur cette valeur ainsi augmentée ; il fait qu’il trouve ensuite à placer sa marchandise et à la placer avec bénéfice ; pesez toutes ces circonstances et dites-moi si le droit à la valeur ne doit pas être sujet à bien des chances de diminution.
Ce n’est pas 10 p. c. qu’il faut rabattre sur le taux du droit, mais 20 et peut-être 30, car il y en a qui font impunément des déclarations tout à fait insuffisantes ; d’ailleurs cela donne lieu encore à d’autres manœuvres.
Il est arrivé qu’avant de parvenir à la frontière, des marchandises ont été entièrement désassorties ; qu’on a mis dans un colis une espèce envoyée à un bureau, et dans un autre colis une autre espèce adressée à un autre bureau. J’ai entendu assurer, par exemple, qu’avant l’établissement du droit au poids sur les porcelaines, l’on mettait les gobelets à tasse dans un colis, et dans un autre les soucoupes qui étaient envoyées à un bureau différent.
La même chose ne peut-elle se faire pour la ganterie ? L’on m’assure qu’on en a vu des exemples.
Vous voyez donc, messieurs, que ce mode de perception à la valeur donne lieu à toutes sortes de manœuvres qui tendent en définitive à réduire le droit quelquefois à peu de chose. Bien des négociants, je l’avoue, n’ont pas recours à cette fraude ; mais une fois le moyen bien connu, tout le monde finira par l’employer ; avec la perception au poids, vous ne tombez pas dans cet inconvénient. Vous êtes certains que le droit sera perçu en raison du poids, parce que le poids de la marchandise est toujours vérifié à l’entrée ; c’est ce qui est soigneusement recommandé aux employés ; on ne peut pas se dispenser de faire cette vérification, et dès lors, je le répète, la perception au poids devient une affaire purement matérielle.
Je dois donc reconnaître que ce mode de perception, qui protège la bonneterie d’Allemagne contre le travail de nos fabricants, mérite la préférence, et je pense que vous voudrez aussi protéger notre travail.
M. Verdussen. - Messieurs, après ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire, vous ne serez pas surpris de me voir appuyer les propositions de M. le ministre des finances qui tend à établir la tarification à la valeur et non au poids ; je le ferais, ne dût-ce que pour soutenir ce que la section centrale a mis en tête de tous les tableaux.
Elle veut obtenir, dit-elle, un droit de 15 p. c. de la valeur, et si jamais il y a eu dans le résultat un mensonge, c’est bien celui-là, car les 15 p. c. ne sont atteints, comme je l’ai déjà fait observer précédemment, que pour la qualité moyenne du tableau, et on s’en éloigne sensiblement en s’approchant des extrémités de l’échelle.
L’honorable M. Dubus m’a dit que je m’étais plus à n’attirer l’attention de la chambre que sur le tableau de la page 11, pour avoir le plaisir d’en faire la critique. Non, messieurs, je n’ai pas perdu de vue les autres tableaux qui présentent des anomalies aussi choquantes ; par exemple à la page 10 la disproportion reste toujours la même : là le prix des bas les plus communs sont d’une valeur de 11 fr. la douzaine, et les plus fins valent jusqu’à 30 fr. ; c’est la même disproportion de 1 à 3 qu’on remarque à la page 11, où on trouve la valeur des gants de 5 à 15 fr. et demi.
Enfin, l’honorable M. Dubus me dit encore : pouvez-vous penser que l’on va faire venir toute une cargaison de gants fins, pour jouir du faible droit d’entrée sans y mêler d’autres gants de l’espèce commune sur laquelle les droits sont plus élevés ?
Puisqu’il nous dit que le calcul des spéculateurs va si loin qu’il envoie par un bureau les gants de la main gauche et par un autre bureau les gants de la main droite, vous sentez que le spéculateur s’attachera également à faire entrer dans le pays directement les qualités qui ne sont frappées que d’un droit de 6 à 7 p. c. et à frauder celles qui sont frappées d’un droit de 40 p. c. ; et ils le feront moyennant une prime de 15 p. c. Votre protection sera donc réduite à ces 15 p. c., indépendamment du préjudice qu’éprouvera le trésor. Il faut avouer que la différence de 15 à 40 p. c. sera une marge immense pour la fraude. C’est ce que je voudrais éviter,
M. Desmaisières vous dit que le droit n’est nullement une mesure fiscale mais une protection accordée à l’industrie nationale. Si on généralise ce système, il faut établir la prohibition. Mais moi, messieurs, je pense qu’on doit aussi avoir égard au fisc et aux consommateurs. Si notre industrie ne peut produire qu’à un prix infiniment supérieur à ce que produit un pays voisin avec un simple droit protecteur, il faut établir la prohibition. Mais je ne vois pas de raison pour faire payer en faveur de notre industrie par le consommateur, certains objets le double de ce qu’ils lui coûteraient s’il les tirait de l’étranger.
Mais, messieurs, l’honorable M. Dubus a dit, enfin, que la qualité fine devrait être frappée d’un faible droit, et les qualités communes d’un droit plus élevé, parce que ce sont les qualités communes qui sont fabriquées dans le pays. Je m’étonne d’entendre cela de la part d’un député qui soutient le projet de la section centrale ; car, à la page 10 du rapport, nous trouvons le droit sur les qualités fines porté à 8 francs, tandis qu’on ne porte qu’à 4 francs le droit sur les qualités communes.
Vous voyez qu’il est préférable d’adopter le système de M. le ministre des finances, et de continuer à percevoir le droit à la valeur et non au poids. (La clôture ! la clôture !)
M. Dumortier. - C’est une question importante que celle de savoir si on percevra le droit au poids ou à la valeur. Je la regarde comme une question de principe. C’est pourquoi je tiens à répondre quelques mots. Il s’agit de savoir si on établira les droits de manière à rendre la fraude impossible, ou si on admettra en quelque sorte, en principe, qu’on pourra éluder le droit quand on en trouvera le moyen. Il est manifeste que l’honorable préopinant n’a pas lu la page 10 du rapport dont il parle, car il aurait vu que les droits sont calculés à raison de 15 p. c. pour les marchandises communes tandis qu’il n’est calculé qu’à raison de 10 p. c. pour les fines. Voilà ce qui arrive quand on combat un travail qu’on n’a pas lu ; on raisonne à faux.
L’honorable membre en revient toujours à la ganterie de coton, mais, comme je l’ai déjà dit, cet article est si peu important, que l’on n’a pas cru devoir en faire deux catégories. Si on veut supprimer l’article et le faire entrer dans la bonneterie, soit ; on ne s’en plaindra pas. L’inexactitude des calculs qu’il fait étant démontrée, le reproche de mensonge qu’il a adressé à la section centrale retombe sur lui.
La section centrale a établi les tableaux de ses calculs ; si l’honorable membre avait des doutes sur les éléments, il n’avait qu’à se transporter dans le premier magasin et faire peser les divers articles ; il aurait vu qu’on propose un droit de 15 p. c. sur les qualités communes et de 10 p. c. sur les qualités supérieures.
Mais, dit-on, pourquoi mettre sur les qualités supérieures un droit moindre que sur les qualités fines ? C’est parce que les qualités fines sont plus faciles à frauder.
Il en est de même pour les soieries et les batistes, on les fraude avec beaucoup de facilité ; aussi, quand nous en viendrons à ces articles, je demanderai une réduction infiniment plus forte que celle que propose le gouvernement, parce que le suis convaincu que si on adoptait le droit que propose le gouvernement dans un pays ouvert comme le nôtre, où la fraude est si facile, quand une marchandise, par son peu de volume, est propre à être fraudée, le meilleur moyen pour empêcher la fraude, c’est de diminuer le droit.
Il est incontestable que la perception au poids est préférable à la perception à la valeur. La preuve, c’est que le ministre en France a proposé ce mode de perception. Si M. le ministre des finances connaissait un peu mieux son métier, il aurait fait de même. On sait en France que les droits perçus à la valeur sont toujours éludés,
Lisez l’avis de la chambre de commerce de Bruxelles, vous verrez qu’elle se prononce pour la perception au poids. Remarquez que ce n’est pas l’opinion de la chambre de commerce que j’invoque ici, mais de la chambre de commerce de Bruxelles.
La chambre de commerce de Tournay s’est prononcée dans le même sens. Voici ce que m’écrit un des membres les plus influents de la chambre de commerce de Tournay.
« M. votre frère m’a communiqué le travail de la section centrale, nous l’avons trouvé parfait, Dieu veuille que ce soit l’opinion de la généralité des députés. »
M. Verdussen prétend que nous ne comprenons pas les intérêts de la ville de Tournay ; il prétend, lui qui s’est montré partisan de la liberté de commerce, que Tournay connaît moins bien que lui ce qui est dans l’intérêt de son industrie. En vérité, c’est là une chose singulièrement plaisante.
Il faut être conséquent. Si vous voulez une réduction et que vous vouliez que le droit soit efficace, il faut admettre la perception au poids, car c’est le seul moyen de lui assurer de l’efficacité. Avec le droit de 20 p. c., l’industrie dont il s’agit était suffisamment protégée ; si vous réduisez le droit à 15 p. c. au moins, rendez-le efficace, établissez la perception au poids. Je sais qu’il doit y avoir quelques différences par suite des qualités, mais on doit considérer la masse et l’ensemble des qualités et non les extrémités.
Je ferai d’ailleurs remarquer que sur les draps le gouvernement propose un droit à percevoir si poids.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est possible que dans cette circonstance je ne connaisse pas mon métier aussi bien que l’honorable M. Dumortier ; cependant je me permettrai, malgré son opposition, de présenter les observations que je crois devoir opposer au système qu’il préconise.
Cet honorable membre s’est élevé contre les calculs de M. Verdussen, parce qu’il les avait appliqués à celui des tableaux qui comprend 16 articles différents ; mais l’honorable député d’Anvers n’a pas eu de peine à démontrer sur tous les autres tableaux les vices évidents que renferme le système de la section centrale, en vous faisant observer que l’on nous propose d’établir le même droit au kilog. sur des gants valant 11 francs la douzaine, que sur ceux qui en valent 30.
M. Dubus. - Pensez-vous qu’un négociant fera venir séparément un kilog. de gants de 11 fr. et un kilo de 30 fr. ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On vous a répondu que le droit de 40 p. c. serait fraudé, tandis qu’on paierait seulement le droit de 7 p. c. sur les qualités supérieures.
M. Dumortier. - On fera la même chose
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. Dubus nous dit que, quant à l’intérêt du trésor, ce n’est pas là une question à prendre en considération ; qu’il ne s’agit que de protéger l’industrie et rien autre chose. J’en demande pardon à M. Dubus, quand il est possible de protéger l’industrie et d’assurer en même temps les revenus du trésor, nous manquerions à nos devoirs en ne le faisant pas.
Je tiens beaucoup pour mon compte à l’impôt indirect des douanes, et si, en négligeant d’en assurer la rentrée, nous étions obligés d’augmenter les impôts directs, nous ne pourrions que nous en ressentir plus tard.
Du reste, peut-il s’agir ici de changer le droit existant en ce qui concerne l’Allemagne ? Non, mais simplement de faire rentrer la France dans le droit commun, de la mettre, par rapport à notre tarif, sur le même pied que les autres nations. C’est l’Allemagne seule, à la vérité, qui vous fait, et pourrait vous faire concurrence pour les articles de bonneterie ; c’est elle qui introduit la pins grande quantité de bas et de bonneteries ; mais pouvez-vous convenablement prendre, à cet égard, une mesure contre l’Allemagne.
Ce n’est pas mon avis. (Aux vois, aux voix la clôture !)
M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture. Je demande la parole pour rectifier les faits avancés par M. le ministre des, finances ; je ne pense pas qu’il doive avoir le dernier mot. J’ai cité le tarif français où le droit est établi au poids sur les diverses qualités de bonneteries. Je voudrais lui demander où on perçoit le droit à la valeur autre part qu’en Belgique ; je voudrais lui citer le tarif prussien et le tarif français, et lui demander si, dans ces pays, on ne s’entend pas à la perception des droits de douane.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
La chambre consultée sur la première question « la tarification aura-t-elle lieu au poids ? » la résout affirmativement.
- La séance est levée à 4 heures et quart.