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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 avril 1837

(Moniteur belge n°102, du 12 avril 1837 et Moniteur belge n°103, du 13 avril 1837)

(Moniteur belge n°102, du 12 avril 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les concessionnaires de mines et autres industriels de Liége adressent des observations sur la pétition des propriétaires de Liége relativement aux mines. »


« Des électeurs de la commune de Theux adressent des observations sur le projet de loi relatif aux mines. »


- Ces deux pétitions resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les mines.


« Les membres de l’administration des hospices et secours de la ville de Diest demandent une loi qui exempte du droit de timbre les mémoires et quittances pour compte des administrations des hospices et bureaux de bienfaisance. »


« La dame Delmarmol demande l’annulation de la concession faite par l’ancien gouvernement, par arrêté du 25 décembre 1828, aux sieurs Decartier et Puissant, de mines de fer sur une superficie de 2,356 bonniers. »


- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.


M. Desmanet de Biesme et M. Demonceau s’excusent de ne pouvoir assister momentanément aux séances de la chambre, le premier pour motif de santé, le second à cause du décès de son père.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Fallon

Vice-président : M. Desmet

Secrétaire : M. Lejeune

Rapporteur des pétitions : M. Pollénus


Deuxième section

Président : M. Vanderbelen

Vice-président : M. Morel-Danheel

Secrétaire : M. de Renesse

Rapporteur des pétitions : M. B. Dubus


Troisième section

Président : M. Zoude

Vice-président : M. Raymaeckers

Secrétaire : M. Dequesne

Rapporteur des pétitions : M. Milcamps


Quatrième section

Président : M. Donny

Vice-président : M. Mast de Vries

Secrétaire : M. de Jaegher

Rapporteur des pétitions : M. David


Cinquième section

Président : M. Duvivier

Vice-président : M. Watlet

Secrétaire : M. Ullens

Rapporteur des pétitions : M. Dechamps


Sixième section

Président : M. Dubus (aîné)

Vice-président : M. Coppieters

Secrétaire : M. Hye-Hoys

Rapporteur des pétitions : M. Bekaert

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Rapport de la commission

M. Hye-Hoys dépose un rapport sur le projet de loi relatif aux douanes.

M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - A quand la chambre veut-elle en fixer la discussion ?

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs je demanderai qu’on discute le projet après celui concernant les distilleries.

M. Gendebien. - La chambre a déjà réglé à plusieurs reprises l’ordre de la discussion de divers projets de loi, et celui qui a été reconnu comme le plus urgent est la loi relative aux indemnités.

De nombreuses et fréquentes réclamations nous ont été adressées et du dehors, et de la part de plusieurs membres de cette chambre.

Il me semble qu’il faut en finir, et si nous n’abordons pas la discussion de la loi au moins après le projet des distilleries qui a pris, je ne sais pourquoi, le pas sur celui des indemnités, il en résultera que les malheureux qui, depuis plus de 6 ans, attendent ces indemnités, seront encore ajournés à une année ; et la session se passera sans que nous nous occupions de leurs droits qui sont sacrés à mes yeux.

Je demande qu’on maintienne l’ordre précédemment établi. Si c’est par inadvertance que les distilleries ont été placées avant les indemnités, je propose que la chambre revienne, sur cette fixation ; si, au contraire, l’assemblée a agi en connaissance de cause, je demande qu’au moins la loi des indemnités soit immédiatement discutée après celle des distilleries.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je pense que le projet de loi des douanes est tellement important que la chambre ne peut pas refuser d’admettre la proposition que j’ai eu l’honneur de lui faire, tendant à faire discuter le projet de loi dont il s’agit, immédiatement après la loi sur les distilleries ; nous pourrons ensuite nous occuper des indemnités.

M. Verdussen. - Messieurs, je rappellerai que la chambre a déjà pris une disposition pour accueillir, soit la loi générale sur les indemnités, soit un projet d’indemnité provisoire en faveur des inondés des polders.

Je pense que la chambre ne doit pas revenir sur sa décision antérieure et qu’il faut postposer la loi des douanes à celle relative aux indemnités.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur, tendant à faire discuter la loi des douanes après celles des distilleries.

- Une double épreuve est douteuse. Il est procédé à l’appel nominal ; en voici le résultat :

63 membres prennent part au vote.

38 répondent oui.

25 répondent non.

En conséquence la proposition de M. le ministre de l’intérieur est adoptée.

Ont répondu oui : MM. Brabant, David, de Foere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, W. de Mérode. Dequesne, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Ernst, Goblet, Hye-Hoys, Keppenne, Lehoye, Lejeune, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Polfvliet, A. Rodenbach, Simons, Troye, Vandenhove, Vanderbelen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet et Raikem.

Ont répondu non : MM. Bekaert, Cornet de Grez, de Brouckere, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Kervyn, Liedts, Mast de Vries, Meeus, Raymaeckers, Seron, Smits, Stas de Volder, Vandenbossche, Vandenwiele, Verdussen, Vilain XIIII, Dolez, Frison, Gendebien et Jadot.

PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DU CONSEIL DES MINES

Discussion sur les articles

Titre II. Des indemnités et de l’obtention des concessions

Article 9

M. le président. - Nous en sommes restés à la discussion de l’art. 9

Voici un article nouveau présenté par M. Dubus :

« A défaut de stipulations entre le propriétaire de la surface et le concessionnaire sur la fixation de l’indemnité réservée à ce propriétaire par les art. 6 et 42 de la loi du 21 avril 1810, cette indemnité sera déterminée par l’acte de concession, au moyen d’une redevance proportionnelle au produit de la mine.

« Le taux de cette redevance ne pourra être inférieur à celui qui aura été offert par les demandeurs en concession.

« Celui qui se trouve au droit du propriétaire de la surface quant à la mine jouira de l’indemnité qui fait l’objet du présent article. »

M. Dubus (aîné). - Messieurs, dans la dernière séance, j’ai annoncé que, sauf le cas où il serait proposé un amendement que je considérerais comme convenable, je ne voterais que les premier et dernier paragraphes de l’article en discussion, et que je rejetterais les autres.

L’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer reproduit les premier et dernier paragraphes, mais avec certaines modifications que je demanderai à la chambre la permission de lui expliquer,

Le premier paragraphe de l’article en discussion propose tout la fois une redevance fixe et une redevance proportionnelle au produit de la mine. La loi de 1810 n’établit qu’une seule indemnité, qu’une seule redevance. Le but apparent de ce changement à la loi de 1810 était de donner la facilité de satisfaire plus pleinement aux droits du propriétaire. Mais en même temps nous lisons dans l’article que l’indemnité fixée ne sera pas moindre de 25 centimes par hectare de superficie. Or, selon moi, ce n’est pas la peine de modifier la loi de 1810 pour donner au propriétaire, pour concession de la mine, une indemnité fixe de 25 cent. par hectare.

Je crois que cette modification a quelque chose de ridicule et d’absurde, et que par conséquent il n’y a pas lieu à l’admettre. Toutefois, si l’on croyait qu’il pût y avoir utilité d’investir le conseil des mines de la faculté d’accorder ainsi, selon les circonstances, une indemnité fixe, en même temps qu’une indemnité proportionnelle, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais alors je n’admettrai jamais ce minimum de 25 centimes par hectare, qui, se présentant naturellement comme un exemple de fixation d’indemnité, induit à penser que l’indemnité que le conseil des mines sera appelé à accorder, sera tout à fait dérisoire.

En retranchant de l’article les paragraphes autres que le premier et le dernier, je ferai disparaître notamment le quatrième paragraphe qui était relatif à l’indemnité proportionnelle au produit de la mine, indemnité que l’on ne permet d’accorder que dans la limite d’un à trois pour cent du produit net de la mine.

Je pense qu’on a suffisamment démontré qu’une indemnité semblable ne peut être en rapport avec la valeur dont le propriétaire se trouve dépossédé ; que dans tous les cas elle revient à une somme tellement faible, que les propriétaires, à qui on l’accorde, ne daignent même pas la recevoir. On a démontré qu’elle était évidemment insuffisante, même pour l’espèce de mines que l’on a particulièrement en vue dans tout le projet, les mines de houille. Mais, d’après des renseignements qui ne sont parvenus, elle serait bien plus insuffisante s’il s’agissait de la concession de certains minerais métalliques, qui se présentent à la surface du sol et qui sont d’une grande valeur, d’un grand produit, sans qu’ils exigent une dépense considérable. Remarquez qu’il n’y a que les concessions de mines de fer qui soient exceptées de votre loi, qu’elle s’applique à toutes les autres concessions. Eh bien, on m’a assuré qu’il y a tels minerais métalliques, pour lesquels ce ne serait pas assez peut-être d’accorder au propriétaire 10 et même 20 p. c. du produit brut au lieu de 3 p. c. du produit net. Cependant votre loi, qui est générale, statue pour toutes les concessions quelles qu’elles soient, pour les concessions de toutes les mines quelconques.

Quant il serait vrai (et je prétends que le contraire a été démontré) que la limite établie dans l’article serait bien établie pour les mines de houille, il y aurait toujours lieu d’amender l’article, puisque la loi s’applique à toutes les autres concessions.

Si vous maintenez la disposition dont je demande le retranchement, vous aurez dans la loi des dispositions qui se heurteront, vous aurez dans l’article même une disposition qui accorde l’indemnité et une autre qui la refuse ; car cette disposition qui réduit l’indemnité à un taux ridicule, à un taux inférieur à la valeur, est réellement une disposition qui refuse l’indemnité, que la première disposition a accordée.

En retranchant cette disposition, je fais disparaître aussi la règle qui était imposée au conseil des mines sur le mode de règlement de l’indemnité.

Il résulte de là que, selon moi, le conseil des mines adoptera le mode qui lui paraîtra le plus juste, le plus convenable pour arriver à la fixation d’une indemnité équitable ; qu’il pourra, par exemple, faire la part des circonstances, des localités : par exemple, lorsqu’il s’agira de concessions de mines de houille dans l’ancien pays de Liége, il pourra déterminer la redevance à un tantième du produit brut, au lieu d’un tantième du produit net, parce que là on était dans l’habitude de percevoir ce tantième du produit brut, qu’il se perçoit encore actuellement, et que cette perception qui est dans les usages ne donne naissance à aucune difficultés.

Sous ces différents rapports, l’amendement que je propose améliore, ce me semble, l’article en discussion.

En outre, j’ai modifié le premier paragraphe en ce sens que je demande qu’il y soit formellement énoncé que lorsqu’il y aura eu convention entre le concessionnaire et le propriétaire de la surface sur la fixation de l’indemnité, cette convention sera respectée ; et que lorsqu’au lieu d’une convention des offres convenable auront été faites par le demandeur en concession, pour indemniser le propriétaire de la surface, on ne pourra fixer l’indemnité à un taux inférieur à ces offres.

Ces dispositions me paraissent nécessaires, parce qu’il est arrivé que des offres convenables avaient été faites, et que cependant le gouvernement, malgré cela, a donné la concession moyennant une indemnité dérisoire de 40 à 50 fr. par bonnier. Ainsi, d’après l’expérience, il est nécessaire d’insérer dans la loi une disposition formelle qui fasse règle en cette matière. Ainsi on atteindra le but que se proposait le législateur de 1810 ; car nous voyons dans le rapport du comte de Girardin, au sénat, l’expression du vœu qu’il intervînt entre le propriétaire de la surface et le demandeur en concession des transactions sur la fixation de l’indemnité.

On veut protéger, favoriser ces transactions ; or le moyen de protéger, de favoriser ces transactions, c’est d’obliger à les respecter ; c’est ce que je demande par la disposition que j’ai proposée. Je demande qu’on ne fixe l’indemnité à payer par le concessionnaire qu’à défaut de stipulation entre le propriétaire de la surface et le concessionnaire sur cette indemnité.

Telles sont les diverses modifications que je propose à l’art. 9 et qui sont le résultat de l’amendement que j’ai présenté.

M. Gendebien. - Il est vraiment regrettable qu’après de si longues discussions et une aussi longue attente de la part des intéressés, on vienne remettre en question ce qui a été solennellement décidé.

Le résultat de toute cette discussion, si l’amendement était adopté, serait d’ajourner pendant un an à peu près le vote de la loi, et de maintenir pendant ce terme l’état de perplexité de tous ceux qui sont intéressés dans les mines.

Si vous renvoyez la loi au sénat, il est probable que le sénat la renverra à la chambre, et il est très probable que ce ne sera que lorsqu’elle sera séparée, car les élections auront lieu au mois de juin, et il n’est pas probable qu’on retienne la chambre au-delà du mai ; or que fera-t-on d’ici au mois de mai ? Bien peu de chose, et au sénat et à la chambre, au-delà des projets à l’ordre du jour. J’avais fait le sacrifice de mon opinion personnelle sur une proposition bien autrement importante que celle qui est agitée, sur une constitutionnelle, sur la question de savoir si à raison de notre constitution on pouvait soumettre à un conseil des mines toutes les contestations relatives à la propriété et aux droits civils qui se rattachent aux mines : j’ai renoncé à revenir sur cette question par respect pour les décisions des deux chambres, et dans l’espoir d’arriver à un fine tant désirée par tout le monde. Puisqu’il faut de nouveau entamer cette discussion, je pourrais aussi revenir sur d’autres questions résolues ; mais j’y renonce et je serai le plus court qu’il me sera possible.

Quelques-uns de mes honorables collègues m’avaient engagé à renoncer à la parole, afin que la chambre aille immédiatement aux voix ; si telle est en effet l’intention de l’assemblée, si elle veut clore la discussion, je garderai volontiers le silence.... Puisqu’on paraît décidé à continuer la discussion, j’entrerai en matière.

L’amendement qui vous a été présenté aujourd’hui aurait pu l’être plus convenablement samedi dernier ; il aurait pu être communiqué tout au moins hier ; nous l’aurions examiné et médité ; la discussion eût été moins longue. Quoi qu’il en soit, nous tâcherons de l’aborder.

On est parti d’un point comme démontré, tandis que c’était chose à démontrer. On vous a dit : Le propriétaire du sol est propriétaire de la mine ; donc on ne peut le spolier en faveur de l’industrie sous le prétexte de l’intérêt général ; mais il faut l’exproprier ; ainsi le veut la constitution.

Et, chose qui aurait lieu de surprendre, c’est que tout en disant qu’il faut exproprier le propriétaire de la surface, on saisit une autorité administrative pour prononcer l’expropriation, alors que la constitution a établi expressément que ces sortes de question appartiennent exclusivement aux tribunaux ordinaires. Le respect que ces honorables membres portent d’habitude à la constitution, légitime la pensée qu’ils considèrent cette propriété de la mine comme étant d’une autre nature que les autres propriétés ; sans cela ils seraient inconséquents avec eux-mêmes.

Ils reconnaissent donc, et ils sont forcés de reconnaître que ce n’est pas une propriété de la nature de celles dont a entendu parler la constitution ; en un mot, ce n’est pas une propriété proprement dite, mais une propriété domaniale.

S’il fallait démontrer ce point, on y arriverait ; mais on y arriverait après de longues et pénibles discussions. Mais quel homme, le plus versé dans la matière, qui, la main sur la conscience, pourrait dire, après les hésitations de l’assemblée constituante et du conseil d’Etat de France, même après nos discussions actuelles et même après la décision de la chambre, quel est l’homme consciencieux qui pourrait dire : Mon opinion sur la propriété des mines est la meilleure, est la seule fondée en principe ? On a reporté nos idées jusqu’à l’ancien droit romain, pour prouver que la mine appartient au propriétaire de la surface. Avant d’aborder cette question, je dois commencer par dire qu’il me serait indifférent de soutenir l’une ou l’autre thèse : la mine appartient au propriétaire du sol ou à l’Etat. Je ne veux pas établir une doctrine ; je me propose seulement de répondre à mes honorables collègues qui ont considéré la mine comme appartenant au propriétaire du sol.

L’ancien droit romain, vous dit-on, donnait la mine au propriétaire du sol ; je ferai remarquer que le nouveau droit romain, c’est-à-dire que les décrets des empereurs romains décident tout autrement. Quelle est la première conséquence à tirer de là ? C’est que dans ces temps reculés de l’ancien droit romain les mines étaient considérées comme peu de valeur, et pouvaient être abandonnées au propriétaire de la surface sans inconvénient pour l’intérêt public.

On n’a pas tardé à s’apercevoir qu’il fallait d’autres règles ; qu’il ne fallait plus abandonner ces mines aux propriétaires de la surface ; aussi les législateurs romains se sont-ils empressés d’ôter ces mines aux possesseurs du sol, et de les déclarer domaine public ou de les considérer comme régales.

A moins de soutenir que notre industrie est moins avancée que sous les empereurs romains, peut-on conclure qu’il faut en revenir à l’ancien droit romain ? Si les empereurs romains ont dérogé à l’ancien droit primitif, pourquoi voulez-vous que nous y revenions ?

Aussi, à ceux qui voudraient qu’on appliquât le droit romain à la Belgique, on peut leur demander : Est-ce l’ancien ou le nouveau droit romain ? Si c’est l’ancien, je leur dirai : Il a été abrogé par le nouveau avant la domination romaine en Belgique ; si c’est le nouveau, je leur dirai : Que, d’après le nouveau droit, les propriétaires de la surface ne sont plus propriétaires. Mais s’il faut recourir à l’ancien droit, établissez donc auparavant que l’industrie, en Belgique, est moins avancée que sous les empereurs romains. Etablissez que l’intérêt général nous force à reculer jusqu’à l’ancien droit.

Ce que les empereurs romains ont fait, pourquoi les législateurs qui leur ont succédé, n’auraient-ils pas pu le faire ? pourquoi les législateurs de 1791 ne l’auraient-ils pas fait ?

On invoque le droit romain et dans presque toutes les provinces belges le droit romain n’a pas eu d’autorité : dans le Hainaut il était considéré comme modèle, comme raison écrite dans les cas douteux. Quel argument peut-on tirer du droit romain pour le Hainaut ? Pour la plupart des autres provinces, c’était la même chose.

J’ignore ce qu’il en était pour la province de Liége. Quoi qu’il en puisse être, je demanderai toujours : quel droit romain voulez-vous appliquer à la province de Liége ? Est-ce l’ancien ? Vous ne le pouvez pas, il a été abrogé. Est-ce le nouveau ? mais il est contraire à vos prétentions.

Dans la province de Liége le propriétaire de la surface était, vous dit-on, propriétaire de la mine. Mais, messieurs, vous allez juger de l’importance qu’on attachait à cette propriété de la mine dans la province de Liége. De toutes les coutumes, celle de la province de Liége exigeait le plus long terme pour la prescription de la propriété en général ; elle exigeait quarante ans ; mais pour la propriété de la mine elle n’exigeait que six semaines de possession : voilà, messieurs, la mesure de l’importance que la coutume de Liége attachait à la propriété des mines. Six semaines de possession suffisaient pour la neutraliser. Est-ce donc là la propriété dont on parle habituellement, dont parlent les lois ? Ainsi les propriétaires de la surface du pays de Liége réclament aujourd’hui la propriété de la mine qui se prescrirait, selon leur coutume, par six semaines ; et ils veulent l’assimiler à l’autre propriété qui ne se prescrivait que par 40 ans. Ils veulent, après 42 ans de dépossession légale, prétendre à toutes les prérogatives du propriétaire ; peut-on leur accorder ce qu’ils demandent ? Leurs prétentions ne sont-elles pas déraisonnables ?

Pourquoi dans la coutume de Liége a-t-on dérogé d’une manière si sensible aux règles générales de la prescription ? C’est que dans le pays de Liége comme partout et dans tous les temps en fait de mines, on a toujours considéré avant tout l’intérêt général, l’intérêt de l’industrie ; et c’est en faveur de l’intérêt général qu’on a établi une prescription de six semaines. J’ai le droit de le penser aussi longtemps qu’on assignera une autre raison plausible à cette modification. Et je m’arrêterai à celle que je viens d’énoncer jusqu’à ce qu’on ait prouvé le contraire.

Dans la province de Liége comme sous les empereurs romains, je le répète, c’est l’intérêt général qui a été consulté pour changer la position des propriétaires de la surface à l’égard des mines. Dans tous les temps ils n’ont jamais eu qu’un simulacre de propriété qui toujours a été subordonné à l’intérêt général.

En 1791, il s’agissait de régénérer et les hommes et les choses, et les institutions politiques, et les institutions civiles ; il s’agissait de créer l’industrie ; on peut dire créer, car ce n’est que de cette époque que date la véritable industrie en France et en Belgique.

En 1791, on était constitutionnel, jamais peut-être assemblée n’a été aussi constitutionnelle, n’a eu autant de respect pour la propriété que l’assemblée constituante ; eh bien, qu’a-t-elle fait pour les mines ?

Les mêmes questions qui se renouvellent aujourd’hui ont été soutenues ; toutefois on est arrivé à ce point, comme sous les empereurs romains et même sous la coutume de Liége : l’intérêt général a été la base de cette législation spéciale. Et la prétendue propriété des mines a été appréciée à sa juste valeur.

Mais, dit-on, l’intérêt général est un grand mot ; il peut bien autoriser l’expropriation, et non la spoliation ; ainsi le veut impérieusement notre constitution. Messieurs, en 1791, il n’y a pas eu spoliation, et il n’y a pas eu expropriation. En 1791, lorsqu’on fit la loi, il y avait un principe constitutionnel qui garantissait aussi la propriété. Je puis lire l’article 17 du décret de l’assemblée constitutionnelle du 26 du mois d’août 89 :

« La propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constituée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

Voilà le respect pour la propriété consacré de la manière la plus claire et la plus nette, et tout aussi clairement que par notre constitution elle-même.

Eh bien, malgré la loi du 26 août 1789, l’assemblée constituante n’a pas moins prononcé, sans hésiter, que les mines et minières sont non pas à la disposition des propriétaires, mais à la disposition de la nation, en ce sens seulement que ces substances ne pourraient être exploitées que du consentement de la nation sous sa surveillance, sans faire distinction entre les propriétaires de la surface et les non-propriétaires.

Or, poussez les scrupules constitutionnels aussi loin que vous voudrez, à moins d’accuser l’assemblée constituante d’inconséquence et d’avoir violé en 1791 le principe qu’elle avait établi en 1789, il faudra reconnaître qu’il n’y a pas eu spoliation.

Mais, messieurs, chose étrange : c’est cette loi de 1791 qu’on invoque pour justifier que la propriété de la mine appartient au propriétaire de la surface. Je ne parlerai plus des discussions qui prouvent que la question n’a pas été tranchée, parce qu’il avait été reconnu inutile de la trancher, par le motif qu’on pensait qu’on pourrait faire comme d’autres législateurs, et puisqu’on a parlé de droit romain, comme les empereurs romains l’avaient fait, il suffisait de dire que la mine serait exploitée au profit de tous.

Et s’il fallait recourir plus loin, je vous demanderais à quel titre les propriétaires de la surface réclament la propriété de la mine ? Est-ce en vertu du droit naturel, comme on l’a prétendu ? Non, messieurs. En droit naturel, il n’y a que des possessions et pas de propriétés ; c’est la longue possession qui a consacré la propriété. Lorsque les hommes se sont réunis en société, ils se sont garanti mutuellement leurs possessions ; voilà l’origine du droit de propriété.

Eh bien, si c’est la loi civile qui a créé le droit de propriété, pourquoi la loi ne pourrait-elle pas la modifier ? Quelle est la loi naturelle qui a déclaré que le propriétaire de la surface est le propriétaire du fonds ? Qui, à l’origine des sociétés, aurait pu donner une pareille étendue à la propriété ? Qui aurait seulement pensé à une propriété à 12 ou 1,500 pieds en dessous de la surface ?

Si la société avait déclaré nettement que les mines sont la propriété du possesseur du sol, qu’on veuille bien me dire maintenant ce qui empêcherait la société, après avoir déclaré que la mine était la propriété du maître de la surface, de modifier cet état de choses par une loi subséquente ?

On a voulu prouver que, d’après la loi de 1791, les mines appartiennent aux propriétaires du sol. On a dit, messieurs, que l’assemblée constituante avait donné aux propriétaires du sol toutes les mines jusqu’à 100 pieds de profondeur. Cela n’est pas exact. La loi de 1791 n’a accordé aux propriétaires de la surface que celles des mines qui n’avaient qu’une profondeur de 100 pies, mais non de toutes les mines quelle que soit leur profondeur.

Voici comment est conçu l’article premier de la loi de 1791 :

« Les mines et minières, tant métalliques que non-métalliques, ainsi que les bitumes, charbons de terre ou de pierres et pyrites, sont à la disposition de la nation ; en ce sens seulement que ces substances ne pourront être exploitées que de son contentement et sous sa surveillance, à la charge d’indemniser, d’après les règles qui seront prescrites, les propriétaires de la surface qui jouiront de celles de ces mines qui pourront être exploitées, ou à tranchée ouverte, ou avec fosse et lumière, jusqu’à cent pieds de profondeur seulement. »

Eh bien, messieurs, la jurisprudence a établi que cela ne doit s’entendre que des veines dont l’étendue n’allait pas au-delà de 200 pieds.

Je citerai à cet égard un arrêt de la cour de Bruxelles, dans une affaire à laquelle j’ai eu l’honneur de plaider. Une concession avait été accordée sous l’empire de la loi de 1791 ; et le propriétaire de la surface prétendait avoir le droit d’exploiter la mine jusqu’à cent pieds de profondeur. Nous avons soutenu que cela ne pouvait s’entendre que de celles des mines dont l’étendue n’allait pas au-delà de 100 pieds, et la cour de Bruxelles a décidé dans le même sens.

L’on conçoit d’ailleurs facilement les graves inconvénients qui résulteraient d’une interprétation différente donné à la loi. Car si vous entamez la veine jusqu’à 100 pieds de profondeur, vous remuez le terrain de telle façon qu’il devient impossible d’établir des bures d’une grande profondeur ; vous compromettez toutes les richesses inférieures, cent fois plus précieuses que celles qui sont à la superficie. Vous établissez un marais entre la surface et la veine, marais qu’il faut traverser plus tard pour atteindre la partie inférieure de la veine. Ceux qui ont la moindre idée de l’exploitation des mines comprennent les difficultés qui sont attachés à ces sortes d’opérations. Ainsi donc, messieurs, la loi de 1791 accordait aux propriétaires de la surface les mines de 100 pieds de profondeur ; elle leur refusait donc les autres ; cette conséquence est seule logique.

Je ne comprends pas comment on pourrait argumenter de là, pour établir que l’assemblée constituante avait reconnu le propriétaire de la surface comme propriétaire de la mine ; il me semble que c’est tout le contraire ; car si le propriétaire de la surface avait été réellement reconnu propriétaire de la mine, on n’aurait pas pu borner sa part à celles des mines qui n’ont que cent pieds de profondeur. Cette disposition eût été tout au moins inutile.

L’argument tiré de la loi de 1791 pour prouver que le propriétaire de la surface est le propriétaire de la mine, prouve, à mon sens, tout le contraire de ce que mes adversaires ont voulu en conclure. Et puisqu’on a parlé de spoliation, je voudrais bien qu’on me dît pourquoi il n’y aurait pas aussi bien spoliation à partir de cent pieds sous terre qu’à partir de la superficie.

Mais encore une fois, messieurs, c’est que là a commencé l’intérêt général. Pour toutes les mines dont la profondeur n’allait pas au-delà de 100 pieds, il importait assez peu à l’intérêt général qu’elles fussent exploitées par tel ou tel, qu’elles fussent bien ou mal exploitées. Mais c’était tout autre chose pour les mines d’une plus grande profondeur, car l’intérêt général se trouvait compromis par leur mauvaise exploitation.

On vous a parlé d’inquiétudes sur la quantité de mines à exploiter. Je vous le demande, messieurs, où en serions-nous aujourd’hui si l’assemblée constituante avait eu l’imprudence de permettre aux propriétaires du sol d’exploiter toutes les mines jusqu’à 100 pieds de profondeur ? On aurait compromis tout le fonds, et l’on en serait aujourd’hui à chercher les moyens de vaincre les difficultés que l’on se serait créées bénévolement.

Ainsi donc, pas plus par la loi de 1791 que par les lois antérieures les propriétaires de la surface n’ont été sérieusement considérés comme propriétaires de la mine ; et pour le pays de Liége qui est le seul de la Belgique où la législation ancienne paraisse donner des droits aux propriétaires, je demande qu’est-ce qu’un droit qui se trouve évincé, prescrit par six semaines de possession ?

On a dit, messieurs, que la loi de 1791 avait accordé le droit de préférence aux propriétaires de la surface, et dans cette circonstance on prétend motiver un nouvel argument que le propriétaire de la surface était considéré comme le propriétaire de la mine.

Mais encore une fois je ferai remarquer que si réellement l’assemblée constituante avait reconnu le propriétaire de la surface comme propriétaire de la mine, elle ne lui aurait pas donné un simple droit de préférence ; il n’y aurait eu qu’une déclaration de principe à faire, qu’à poser un article déclaratif de la propriété. Encore une fois l’argument de mes adversaires prouve le contraire de ce qu’ils veulent avancer. Et remarquez que les propriétaires de la surface, soit pour les mines de 100 pieds qu’on leur accordait, soit pour la préférence en ce qui concernait les autres mines, étaient toujours soumis à la demande et à l’obtention d’une concession. Seulement, quand il s’agissait d’une mine de 100 pieds de profondeur, une simple permission du gouvernement suffisait. Mais quand il était question de mines plus profondes, il fallait une concession accompagnée de toutes les formalités exigées par la loi.

Ainsi donc, messieurs, d’après la loi de 1791 les propriétaires de la surface se trouvaient sous tous les rapports, pour l’obtention d’une concession, placés sur la même ligne que les industriels.

On vous a dit ensuite que le code civil a confirmé la propriété des mines données par la loi de 1791 aux propriétaires de la surface. Voyons, messieurs, si cette assertion est exacte.

L’art. 552 du code civil porte :

« La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. Le propriétaire peut faire au dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre des servitudes ou services fonciers. Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent lui fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Le code civil a-t-il confirmé la propriété de la mine dans les mains des propriétaires ? mais non ; le code civil n’a pas fait autre chose que de confirmer la loi de 1791. Chaque propriétaire a le droit de faire des fouilles dans son fonds comme il l’entend ; s’il s’agit de sable, de pierres, il pourra en extraire tant qu’il voudra. Mais s’agit-il de mines, le code civil déclare positivement que les propriétaires sont soumis, comme tout le monde, aux lois et règlements. Or, la loi en vigueur sur les mines était la loi de 1791.

Eh bien, nous avons établi tout à l’heure que les propriétaires avaient le droit de réclamer en vertu de cette loi : c’était la préférence, et voilà tout. Etait-ce une propriété qu’elle leur reconnaissait ? Non, messieurs, on ne leur accordait que la préférence sur les industries, et toutes les fois qu’ils ne la réclamaient pas, ils n’auraient aucune espèce de droit à faire valoir. Cependant on ne vous a pas moins dit que le code civil avait consacré la propriété de la mine au profit du propriétaire de la surface, puisqu’il avait confirmé la propriété consacrée par la loi de 1791 ; et voilà, messieurs, comment on abuse de la logique.

On vous a dit ensuite que la loi de 1810 avait confirmé la législation du code civil. Je pourrais l’admettre. Car il en résulterait seulement que le propriétaire de la surface aurait la préférence aux termes de la loi de 1791 ; ais de la loi de 1810 il résulte qu’il n’a plus cette préférence. Mais a-t-il la propriété ? Non sans contredit. Seulement, au lieu de cette préférence, on lui a accordé une indemnité.

Eh bien, messieurs, si on avait eu la prudence de laisser intacte la loi de 1810, nous ne nous trouverions pas engagés dans de longues et pénibles discussions. Veuillez-vous rappeler que lorsqu’au mois d’octobre 1831 on souleva pour la première fois ces questions, j’ai dit que si on entrait dans cette discussion, on discuterait pendant dix ans sans s’entendre. Voilà bientôt sept ans que j’ai fait cette prédiction, et nous ne sommes pas près de nous entendre, car après la discussion actuelle nous ne serons pas d’accord ; nous ne le serons même pas après avoir voté.

Qu’a fait la commission des mines ? Elle a proposé d’en revenir à la loi de 91, d’accorder la préférence au propriétaire de la surface. On a adopté cette proposition, mais plus tard on est revenu au système de la loi de 1810, puis on a fini par cumuler les deux choses, et la préférence consacrée par la loi de 1791, et l’indemnité accordée par la loi de 1810, en compensation de cette préférence qu’on lui avait ôtée en 1810 ; on a cumulé tous les avantages, et aujourd’hui on n’est pas encore satisfait.

Eh bien, messieurs, dans le sein de la commission j’ai dit qu’on ne pouvait pas faire marcher les deux systèmes de front, qu’on devait prendre l’un ou l’autre, qu’en prenant un système mixte on s’exposait à toutes les prétentions qui ont surgi depuis.

Si dans la loi de 1810 on a dévié de la loi de 91, ce n’est pas parce qu’on a reconnu plus qu’en 1791 des droits aux propriétaires de la surface ; mais c’est qu’alors on se trouvait sous une main de fer, sous l’empire d’un homme à volonté forte, qui ne souffrait pas de contradicteurs, qui professait un grand respect pour la propriété, quand le propriétaire ne le contrariait pas ; il ne voulait pas être contrarié dans la concession des mines, il ne voulait pas rendre compte aux propriétaires de la surface des motifs qui le déterminaient à donner la préférence à l’un plutôt qu’à l’autre. Il y avait alors une volonté impériale, il a fallu satisfaire cette volonté. On a imaginé, pour consoler les propriétaires, de leur donner une indemnité qui remplaçât l’ancienne préférence consacrée par la loi de 1791.

Eh bien, maintenant que vous avez et cette préférence et cette indemnité qui la remplaçait, vous n’êtes pas satisfait. Vous prétendez qu’une législation qui vous refusait même un droit de préférence, vous a reconnu un droit de propriété ! Vos prétentions vont jusqu’à l’absurde. Il ne sera jamais possible de vous satisfaire. De quoi en définitive pouvez-vous vous plaindre ?

Voilà un objet d’intérêt général, une propriété qui, dans le sens de tous les législateurs, peut être déclarée n’appartenir à personne, bien entendu dans l’état d’exploitation actuel. Sous le droit romain, on pouvait sans inconvénient déclarer que la propriété de la surface emportait la propriété du dessous, parce que les veines étaient à la superficie, ou plutôt parce qu’on n’exploitait que celles qui se trouvaient à la superficie. Mais aujourd’hui que cette propriété est à 1,200 pieds sous terre et qu’il faut dépenser des millions avant d’arriver à cette propriété, je demande ce que peut être la propriété entre les mains d’un propriétaire d’un demi-hectare, d’un hectare, de dix, de cinquante hectares.

Quel est, messieurs, le propriétaire ayant même 50 hectares en un seul carré renfermant une mine de houille, et qui pourra se flatter qu’elle est suffisante pour établir une exploitation régulière et profitable pour lui ? Je donne 10 ans pour qu’on me cite une position de 50 hectares carrés de surface renfermant une mine suffisante pour former une exploitation régulière et productive pour le propriétaire. Cependant c’est de cette propriété qu’on s’inquiète autant, et qu’on veut faire prévaloir sur tout le reste des intérêts du pays. Les propriétés industrielles ne sont rien à côté de la propriété de trois, de dix, de cinquante hectares dont on ne peut pas tirer parti par soi-même. Que sera-ce pour une propriété de moindre étendue ?

Dans le courant de cette discussion, et dans la discussion générale, on vous a donné un léger aperçu des difficultés que présentait une exploitation ; si je voulais compléter le tableau, personne, en sortant de cette enceinte, n’hésiterait à dire : C’est folie que prétendre à une pareille propriété. Mais, messieurs, si vous condamniez tous les propriétaires de la surface à exploiter au défaut des industriels, vous ruineriez les neuf dixièmes.

Cette propriété qu’ils réclament avec tant d’instance comme un trésor, condamnez-les, je le répète, à l’exploiter, et ils sont ruinés à moins qu’ils ne s’associent. Eh bien, c’est une faculté que la loi leur donne. Associez-vous donc ; vous ferez ce que font les industriels qui s’associent pour demander une concession. Mais si vous ne pouvez pas ou ne voulez pas exploiter par vous-mêmes, ni vous associer pour former cette exploitation, faudra-t-il que l’intérêt général souffre de vos caprices ; ne pourra-t-on pas permettre à d’autres citoyens, dans l’intérêt général, d’extraire ces richesses enfouies dans les entrailles de la terre ? C’est pourtant l’alternative qu’on vous offre. Parce qu’on vous a traités en enfants gâtés, parce qu’on a eu l’imprudence d’aller au-delà des limites raisonnables, on a vu s’élever les prétentions que j’avais annoncées devoir surgir.

Si on admettait les prémisses, logiquement on devait s’attendre aux conséquences auxquelles nos honorables adversaires sont arrivés. Mais, avant tout, il faut voir quel est le véritable intérêt du pays. Aussi longtemps que la propriété n’eut d’autre valeur que celle qu’on pouvait exploiter à ciel ouvert, on pouvait admettre ce principe de l’ancien droit romain que le propriétaire de la surface est également propriétaire du dessous ; mais aussitôt que, pour obtenir l’une, il fallait modifier l’autre, aucun législateur n’a hésité. S’il s’agissait de sacrifier une propriété à l’autre, je concevrais toutes les résistances ; mais il s’agit de faire valoir et même de protéger l’une par l’autre. Je pourrais citer dans telle localité, telle étendue de terrain de 4 à 500 hectares carrés qui pouvait valoir, il y a 50 ans, environ 4 à 500 mille fr. l’hectare, et qui, si personne n’avait fait les travaux nécessaires pour exploiter la mine, n’aurait encore aujourd’hui que la même valeur ; mais depuis qu’un industriel a fait les travaux nécessaires pour mettre la mine en exploitation, cette mine vaut aujourd’hui de 3 a 4 millions, et la propriété foncière, dont les titulaires n’ont rien fait ni pour améliorer le sol, ni pour faire valoir les mines qui se trouvent au-dessous, a plus que triplé de valeur. Ces 400 hectares seraient vendus aujourd’hui 12 à 1,500 mille francs. A qui doivent-ils cette augmentation de valeur ? aux concessionnaires de la mine, à l’industrie.

Vous voulez considérer pour rien la propriété industrielle ; vous voulez considérer comme seule digne d’attention et du respect législatif, la propriété foncière ; cette propriété serait restée sans valeur si l’ancien régime que l’on veut rétablir, avait continué.

Savez-vous ce qui arrivait sous l’ancien régime ? les résultats les plus désastreux. Des sociétés se réunissaient ; le plus souvent des étrangers, qui ne connaissaient pas l’état réel des choses, arrivaient ; on faisait un fonds, et au bout de sept ou huit ans le fonds était dépensé, on s’en allait. Qui avait profité de ces dépenses ? C’était le seigneur haut justicier, le chapitre ou l’abbaye qui percevait l’entrecens sur le produit brut, comme on le veut aujourd’hui ; ils recevaient toujours quelque chose. Mais si, au lieu de recevoir ce tantième en nature qui ruinait successivement ceux qui mettaient la main à l’œuvre, les seigneurs avaient laissé exploiter gratuitement les mines, leurs propriétés superficielles eussent décuplé après quelques siècles de possession ; c’est pendant quelques siècles que ces souffrances se sont perpétuées. Aussitôt que ce régime a été aboli, que chacun a pu verser des fonds, dans de pareilles entreprises avec la sécurité d’un propriétaire, avec l’assurance de conserver comme propriété ce qu’ils n’avaient d’abord qu’à usage, tout a prospéré et toutes les industries qui ont des rapports avec la houille, ont prospéré également.

On peut dire que l’industrie date de l’époque où ce régime qu’on semble tant regretter a été aboli. Je vais plus loin : dans 20 ans, si on n’apporte pas témérairement de changement à la législation, on dira que c’est de 1830 que date la prospérité du commerce en Belgique, depuis qu’on a reconnu le moyen de faire le fer avec la houille, car le fer et la houille sont les principaux moteurs de l’industrie ; et vous voulez entraver précisément l’exploitation de la houille qui est la substance la plus indispensable pour l’industrie ! On ne savait comment faire, sous l’assemblée constituante et sous l’empire, et même sous Guillaume, pour favoriser la recherche et l’exploitation des mines ; il y a cinq ou six ans, on ne savait que faire pour provoquer et favoriser tous les genres d’association ; c’étaient des regrets continuels qu’excitait l’apathie des capitalistes en présence des associations qui faisaient prospérer le commerce anglais ; et dès que l’industrie prend naissance, de toutes parts on cherche à l’entraver. Voulez-vous avoir la preuve de ce que l’on veut ? Il me suffira pour le démontrer, de vous rappeler une des observations d’un de nos honorables contradicteurs.

Il se plaignait de ce qu’on établissait la rétribution sur le produit net ; il voulait que ce fût sur le produit brut, parce que de la manière dont on établit le produit net, elle se réduira à très peu de chose, parce qu’on met en rapport avec la recette les dépenses de premier établissement. Eh bien, dit-il, s’il fallait comprendre dans le produit net les dépenses de premier établissement, ce produit net se réduirait souvent à très peu de chose. Voilà des industriels dont les bénéfices se réduisent à très peu de chose, dès qu’on leur tient compte des fonds primitivement employés pour former leurs établissements ; et ces industriels, on craint qu’ils ne deviennent trop riches ; on ne veut pas s’associer aux chances de bénéfice et de perte, on veut prélever un tantième sur le produit brut ; dès qu’on aura tiré cent paniers de charbon, on veut pouvoir en prendre deux, trois, qui sait, huit ou dix, car l’appétit viendra en mangeant.

Vous voyez, messieurs, que je n’ai rien de mieux à faire pour répondre à mes honorables adversaires, que de citer leurs propres observations. On est frappé, messieurs, de la prospérité des charbonnages de Charleroy : je vous dirai que cette prospérité n’est encore qu’apparente ; elle se réalisera un jour, je l’espère ; mais veuillez-vous reporter seulement à cinq ans en arrière, veuillez-vous rappeler la position des exploitants de mines de houille en 1830 et 1831, jusqu’à la fin de 1833 ; compulsez leurs livres, et vous verrez les sacrifices énormes qu’ils ont faits pour ne pas laisser mourir de faim leurs ouvriers. Ils ont été obligés en 1830 et 1831 de les faire travailler pour leur donner du pain, ils leur ont donné le charbon pour chauffage, ils ont tiré du charbon qu’ils ne pouvaient pas vendre. Ce charbon est resté pendant deux et trois ans sur les ports ; et on sait qu’en 15 mois du charbon exposé à l’air perd en freintes et en qualité au moins 20 pour cent. Il est des exploitants qui ont perdu jusqu’à 40 et 50 pour cent sur le charbon extrait pendant ces deux années. Ce ne sont là que des chances politiques, et par position nous y sommes souvent exposés.

Maintenant que d’autres chances viennent se joindre à celles-là, que la France nous ferme ses frontières, que deviendront nos houillères privées de ce débouché ? Ce sont là des chances très réelles et inhérentes à la nature cette industrie.

On vous a présenté un aperçu des dépenses auxquelles entraînaient les accidents auxquels on était exposé, mais on ne vous a pas dit la centième partie de ce qu’on aurait pu vous dire. Si on perd la veine, si par un événement quelconque il faut arrêter les travaux, les relations commerciales sont rompues avec les personnes auxquelles on fournissait des charbons, parce qu’on n’en a plus à leur livrer ; lorsqu’on retrouve la veine, qu’on a paré aux événements, il fait recommencer l’exploitation, réorganiser sa clientèle commerciale. Il est constant qu’un établissement arrêté pendant quelques mois rétablit à peine en 18 mois les relations qu’il a perdues.

Messieurs, on s’est plaint de l’exiguïté de l’indemnité. Mais j’ai déjà eu l’honneur de dire tout à l’heure que c’est une faveur que l’on fait au propriétaire de la surface en leur accordant cette indemnité, car ils n’y ont aucun droit, puisqu’ils sont dédommagés par la préférence qu’on leur donne. Dès qu’ils ne veulent pas exploiter la mine, ils n’ont pas à se plaindre de ce que d’autres l’exploitent. Et cette indemnité, qu’on trouve exiguë, sera forte dans certains cas, puisqu’on a reconnu que si on déduisait des recettes toutes les dépenses de premier établissement, le produit net se réduirait souvent à très peu de chose. Ainsi donc on ne peut pas opposer l’exiguïté de l’indemnité, et d’autant moins qu’on n’a pas même droit à cette indemnité.

On vous a dit (je cherche les objections principales, afin d’abréger), on vous a dit qu’en combinant les articles 552, 545 et 544 du code civil, on devait arriver nécessairement à cette conclusion qu’il fallait exproprier pour cause d’utilité publique. Vérifions cette allégation.

D’après l’art. 552 que j’ai déjà lu, le propriétaire de la surface ne peut prétendre aux mines que conformément aux lois et règlements sur la matière. L’article 545 établit que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

J’ai déjà répondu d’avance à cette objection de l’honorable M. Dubus, puisque j’ai dit que les articles 552 et 545 étaient subordonnés à la loi de 91 qui préexistait ; et par conséquent si notre constitution a déclaré constitutionnel le principe établi dans les articles 544 et 545, il faut entendre la constitution, quant aux mines, de la manière dont ces articles ont été entendus et devaient être entendus, c’est-à-dire mis en rapport avec la loi de 1791 sur les mines qui est elle-même en corrélation, avec la loi du 26 août 1789 dont j’ai déjà parlé.

Enfin, messieurs, on vous a dit (j’abrège, pour ne pas vous ennuyer plus longtemps en prolongeant une discussion déjà si longue et qui sera inutile dans ses résultats), on vous a dit que la préférence donnée au propriétaire de la surface était non seulement sans la moindre importance, mais onéreuse et presque ridicule, parce qu’il y a une condition et deux restrictions qui la rendent à peu près nulle. La première condition c’est que le propriétaire de la surface justifie d’une étendue de terrain suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine. Je crois que cette condition est exigée autant dans l’intérêt du propriétaire que dans l’intérêt de la chose publique, car sans cette condition il se ruinerait en travaux qu’il ferait en pure perte, parce que quand ses travaux seraient terminés, il serait exposé à se trouver, comme on dit, à bout de chasse, c’est-à-dire au bout de ses veines ; ou bien il doit se réunir avec d’autres propriétaires.

Si les autres propriétaires sous la propriété desquels continue la mine ne veulent pas se réunir à lui, ce propriétaire de la surface se trouvera vis-à-vis d’eux comme tout étranger demandeur en concession vis-à-vis de ceux qui ne veulent pas exploiter, ou comme un demandeur en extension de concession ; seulement, pour le domaine à lui appartenant, il n’aura rien à payer, mais pour les autres il paiera l’indemnité. De quoi peut se plaindre ce propriétaire de la surface ?

Mais, dit-on, quand le propriétaire de la surface se trouvera en concurrence avec l’inventeur ou un demandeur en extension, il n’aura plus la préférence ; or ceux qui exploitent ne demandent pas mieux que d’étendre leur exploitation.

Eh bien, je connais des concessionnaires auxquels on ferait vainement cadeau d’une mine avec l’obligation de la mettre en valeur ; beaucoup n’en voudraient pas, refuseraient. Savez-vous en quoi consistent les demandes en extension ? Quand entre deux concessions il se trouve une rivière, un canal ou chaussée, et un terrain non concédé, on demande la concession de ce terrain pour aboutir à ce canal ou à cette chaussée ; on demande également une extension de concession, pour arriver à un vallon, afin d’établir une galerie d’écoulement ; on demande encore l’extension quand l’exploitation a fait découvrir des veines hors des limites ; le demandeur en extension doit avoir dans ce cas les avantages accordés à l’inventeur. Mais, si ces demandes d’extension étaient telles qu’elles pussent former une exploitation, le gouvernement serait maître de ne pas l’accorder et ne l’accorderait pas.

Messieurs, on a objecté encore que le droit de préférence est illusoire, parce que le propriétaire se trouvant en concurrence avec l’inventeur, le gouvernement peut accorder la préférence à celui-ci. « Des inventeurs, a-t-on dit, il s’en trouve partout : toutes les mines sont découvertes, et il suffit de faire un trou dans certaine localité, pour être certain de trouver une mine. » S’il est quelqu’un qui ait la science divinatoire, qui puisse indiquer un lieu où il suffit de faire un trou pour découvrir une mine exploitable, je leur déclare que sa fortune est faite, et que cette fortune sera immense. D’abord, messieurs, il faut faire un trou : eh bien, messieurs, il est beaucoup de personnes et de sociétés qui, après avoir dépensé 7 ou 8,000.000 fr. pour une bure au bout de laquelle ils avaient la certitude de trouver une veine, ont cependant dû l’abandonner.

Au dire de nos honorables adversaires, il suffit de faire un trou pour être sûr de trouver une veine, et par conséquence tout le monde peut être inventeur ; je dis moi que, lorsqu’on a trouvé une veine ou qu’on est certain de la trouver, on n’est pas encore certain de pouvoir faire un trou. Et lorsqu’on a fait un trou qui, d’après mes honorables contradicteurs, est si facile à faire, lorsqu’on a mis la mine en exploitation, si l’eau survient, c’est comme si l’on n’avait pas fait de trou ; si le feu bouleverse tous les travaux, c’est comme si l’on n’avait pas fait de trou ; si la veine, qui d’abord paraissait très belle, vient à manquer, encore une fois c’est comme si l’on n’avait pas fait de trou. Cependant nos adversaires disent : « Il suffit de faire un trou pour s’enrichir, pour découvrir des trésors, et nous voulons que le propriétaire de la surface puisse au moins prendre sa part dans les bénéfices qui peuvent en résulter et que l’inventeur ne puisse pas s’enrichir seul pour l’exploitation de la mine qu’il a découverte. » Mais, messieurs, si je vous disais, moi, que toutes les brillantes fortunes dont on parle consistent en définitive, en ce qu’aujourd’hui que nous sommes dans des circonstances favorables, nous avons espoir de quelque prospérité, je connais un exploitant qui depuis au-delà de 50 ans confie son argent à la terre et qui céderait volontiers tous les millions qui résulteraient de son exploitation à celui qui voudrait lui rembourser à raison de 10 p. c. les frais qu’il a faits. Savez-vous quel était le sort des charbonniers sous l’ancien régime qu’on veut rétablir ? ces hommes étaient considérés comme des fous qui jettent leur argent à la loterie ; tous ceux qui ont habité Mons et les environs peuvent attester que sous l’ancien régime celui qui disait : charbonnier, disait : pauvre gueux ; que tout père de famille qui s’abandonnait à ces spéculations était considéré comme dilapidant le bien de ses enfants, comme un prodigue, un fou qui conduit sa famille à la ruine.

Maintenant que cet homme a eu une chance heureuse, voilà qu’aussitôt on veut le remettre dans la position où il était, lorsqu’on le traitait de fou, de joueur ! Aujourd’hui on reproche aux exploitants de gagner 10 p. c. ; mais l’Etat ou les propriétaires sont-ils venus à leurs secours en 1831 et 1832, lorsqu’au lieu de gagner 10 1/2 p. c., ils perdaient 50 p. c. sur la somme dépensée ?

Eh bien messieurs, mettons les exploitants de mines à la portion congrue ; faisons, comme le disait un honorable orateur, une association de mutualité ; que le gouvernement garantisse à tous les propriétaires de mines 10 p. c. ; je vous garantis qu’aucun d’eux n’hésitera à accepter cette condition. C’est dans cet état de choses, messieurs, qu’on redoute la prospérité des mines. Il semble qu’on puise l’or à pleines mains au fond des bures ! Ce qu’on puise plus souvent dans les mines, c’est de l’eau, ce sont des pierres, et c’est de cette manière que les bénéfices des concessionnaires sont le plus souvent absorbés.

Si je devais répondre à tout ce qui a été avancé fort légèrement par mes adversaires, j’aurais pu dire encore bien d’autres choses, messieurs ; mais je n’ai pas voulu suivre pied à pied tous les orateurs qui ont combattu le projet comme trop défavorable aux propriétaires du sol, parce que je n’ai pas voulu prolonger inutilement la discussion ; je me réserve toutefois de répondre aux répliques que feraient mes honorables adversaires, si la chambre juge à propos de continuer une discussion que je considère comme complètement oiseuse.

(Moniteur belge n°103, du 13 avril 1837) - Présidence de M. Pirson. président d’âge.

M. Seron. - Messieurs, j’ai quelques mots à dire et deux propositions à présenter, dont l’une me semble se rattacher à l’article que vous discutez en ce moment.

L’homme n’est pas né pour l’état de nature, dans lequel en effet on ne l’a trouvé sur aucun point du globe. Sa constitution physique ne lui permet pas de s’isoler ; il a besoin des secours et de l’appui de ses semblables ; il est, en un mot, destiné à vivre en société. Or, le fondement de la société c’est la propriété individuelle, c’est le droit assuré à tout citoyen de jouir paisiblement des biens acquis par son travail, de les aliéner, de les transmettre à ses enfants, à ses proches. Ce droit l’attache à la patrie. La communauté des biens, qui le croirait ?, produit au contraire l’égoïsme. Tant qu’on s’obstina, dit Robertson, à la maintenir dans les premières colonies anglo-américaines, elles ne purent prendre de consistance, elles dépérirent parce que personne n’ayant rien en propre ne voulut ni se livrer au travail, ni concourir à la défense commune. Mais tout changea de face, elles prospérèrent à vue d’œil du moment qu’une politique plus éclairée eut introduit parmi elles le partage des biens et procuré à chaque famille une habitation et une portion de terre.

Plus la propriété individuelle sera complète. dégagée d’entraves et respectée, plus naturellement l’homme s’attachera à ses héritages, plus il cherchera à les améliorer, à les rendre productifs. Recèlent-ils des substances nécessaires aux usages et aux besoins de la vie ? On peut s’en rapporter à lui sur le soin de les tirer de la terre et de les livrer au commerce. Car il y trouve son profit. En s’enrichissant, il enrichit la société ; elle doit donc le laisser faire. Elle n’a nul intérêt à établir deux sortes de propriétés dans le même champ pour s’attribuer à elle-même celle du tréfonds. Si son droit de souveraineté sur toute l’étendue du territoire l’autorise à exproprier un citoyen, c’est seulement dans le cas où une pareille mesure est commandée par l’utilité publique dûment constatée, et moyennant une indemnité suffisante.

Ces idées ne sont pas puisées dans les principes du droit régalien, mais elles me paraissent dériver de la nature des choses ; elles ne sont pas puisées dans les rescrits despotiques des empereurs romains, mais elles sont conformes aux lois libérales de la république romaine. Si d’ailleurs elles ne s’accordent pas entièrement avec la loi d’avril 1810, ce n’est pas une raison pour vous de les rejeter, car vous n’avez pas mission ici de copier servilement ce que d’autres ont fait, vous avez mission de faire mieux s’il est possible.

Quoi qu’il en soit, dans l’esprit même de cette loi d’avril, et parce que ses rédacteurs n’ont pas osé la mettre en contradiction avec l’art. 552 du code civil, le propriétaire de la surface est demeuré propriétaire du dessous. S’il en était autrement (comme on l’affirme dans un mémoire verbeux attribué à des industriels de Liége), il n’aurait aucun droit aux produits des mines ; il ne serait pas appelé à y prendre part.

D’un autre côté, le principe dominant dans cette loi, c’est que les concessions doivent toujours avoir l’intérêt public pour base. Or, ce principe, je ne sais à quel point on l’a respecté quant aux mines de charbon dont je ne veux pas m’occuper, mais on en a étrangement abusé dans les concessions de mines de fer. En effet, elles ont été en général prodiguées à des privilégiés, à des favoris de l’ancien gouvernement, le plus souvent étrangers à la forgerie, pour les enrichir au préjudice et du commerce et de l’industrie, et des propriétaires de la surface, et de la classe nombreuse des extracteurs de minerai, et de la classe plus nombreuse encore des consommateurs.

Elles étaient inutiles ; l’expérience l’a prouvé. à entendre ceux qui les demandaient, des travaux immenses, des dépenses énormes, auxquels eux seuls étaient capables de faire face, devenaient indispensables, urgents pour entreprendre ou continuer l’extraction. Si elles étaient refusées, disaient-ils, les fourneaux allaient bientôt chômer faute de matières. Ils les ont obtenues ; ils n’ont fait aucun de ces ouvrages dispendieux dont l’exécution était ordonnée par les cahiers des charges ; et cependant l’exploitation a continué, comme autrefois, par les mêmes procédés qu’ils disaient insuffisants, de nature à gaspiller les mines, à en rendre désormais l’extraction impossible ; elle a continué et les fourneaux, devenus beaucoup plus nombreux, n’ont pas chômé, ils ont été mieux alimentés que jamais ; il en est même plusieurs qui, aujourd’hui, sont approvisionnés pour deux ans.

Les concessions étaient inutiles même en supposant (ce dont il est permis de douter) que dans nos contrées le minerai de fer existe autrement qu’en amas, qu’il s’y trouve aussi en veines et en filons descendant à une profondeur telle dans les entrailles de la terre, qu’il devienne impossible de l’en tirer par le mode d’exploitation existant et en l’absence des grands travaux d’art. Car ces travaux au besoin s’exécuteraient sans concession. Preuve. : Il existe deux machines à vapeur aujourd’hui oisives construites par les soins de M. Hannonet-Gendarme, l’une à Jamiolle, l’autre dans le bois des Minières. Il s’en trouve même une troisième, en pleine activité, construite par M. Decartier d’Yves sur la minière de Morialmé. Enfin, une société de maîtres de forges en a fait commencer une quatrième beaucoup plus considérable dans les bois dits de la Fosse à l’Eau appartenant à madame de Brias. Eh bien ! toutes ces machines ont été établies volontairement sur des terrains non concédés ; et nous n’en voyons aucune sur les terrains concédés où il était ordonné d’en construire. Au reste, ces moyens d’assèchement appliqués aux minières ont été jusqu’à présent beaucoup plus onéreux qu’utiles, et je doute qu’on en obtienne jamais de grands résultats.

Enfin, les concessions sont inutiles puisque ceux qui les ont obtenues (le fait est certain et décisif) y renonceraient sans hésiter si tout à l’heure on les forçait de remplir leurs obligations. Que le ministère ordonne des poursuites à cette fin, et il verra si ce que j’avance est vrai.

De ces concessionnaires, les uns se sont érigés en seigneurs féodaux, et, à ce titre, sans bourse délier, sans travail, sans soins, sans donner au propriétaire de la surface la moindre indemnité, ils ont perçu un cens sur les sueurs de l’extracteur quand ils ont bien voulu lui permettre de travailler. D’autres ont fait de lui un simple journalier produisant pour leur compte, et dont ils réduisaient le salaire à un franc par jour ; d’autres, dont la concession pouvait fournir du minerai pour l’alimentation de vingt usines, et qui n’en possédaient que deux ou trois, se sont bornés à faire extraire à concurrence de leurs besoins, sans s’occuper des besoins de leurs confrères et privant ainsi de pain une masse de mineurs laissée par eux sans emploi. D’autres enfin trouvant à s’approvisionner ailleurs que dans leurs concessions et les regardant comme une pomme pour la soif, n’en ont pas extrait un grain de minerai depuis dix ans qu’ils les ont obtenues, et ils refusent au petit propriétaire la permission de continuer dans son propre terrain une exploitation qui, autrefois, lui fournissait une bonne partie de ses moyens d’existence. Ils la lui refusent et lui offrent en ricanant, l’indemnité de cinq cents par hectare, la seule à laquelle, selon eux, il ait droit, puisqu’ils n’ont pas encore touché à la surface et ne peuvent y avoir fait aucun dégât ; et que, d’un autre côté, aucune extraction n’ayant eu lieu, et l’acte de concession ne réglant pas les droits du propriétaire de la surface, ils ne lui doivent rien, soit sur le produit des mines concédées, soit en raison du revenu qu’il tirait autrefois de l’exploitation. En sorte qu’il invoquerait inutilement le bénéfice de l’art. 6 et du paragraphe 2 de l’art. 70 de la loi d’avril 1810.

On a dit : « Les abus ne sont pas dans la loi d’avril, ils sont dans la manière dont on l’a exécutée. » Mais si cette loi eût prononcé la déchéance du concessionnaire en retard, par négligence ou par calcul, de faire usage de sa concession il aurait été forcé d’extraire et ne se serait pas permis de priver indéfiniment par son inaction le propriétaire de la surface du revenu auquel celui-ci a droit sur le produit des matières extraites. La même chose serait arrivée s’il avait cru exécutoires les articles 7 et 8 de son acte de concession ; car d’après ces articles puisés dans la loi de juillet 1791, les concessions peuvent être révoquées si les travaux d’exploitation n’ont pas été activés dans les six mois ou s’ils sont suspendus pendant plus d’un an sans autorisation. Il faut bien que, dans le silence de la loi, il ait regardé ces dispositions comme nulles et la déchéance comme impossible. Il faut bien aussi (et j’appelle sur ce point votre attention), il faut bien que de leur côté les administrateurs des mines et les ministres aient regardé ces mêmes dispositions comme purement comminatoires puisque jusqu’à présent aucune révocation de concession na été ni provoquée ni prononcée malgré l’inaction complète et bien connue des concessionnaires, et malgré le vœu formel des conditions que j’ai citées.

Mais que le mal vienne de la loi elle-même ou de l’interprétation qu’on lui a donnée, il n’en est pas moins vrai qu’on peut encore abuser de ses dispositions. Vous avez avant-hier, en adoptant l’article premier du projet amendé par le sénat, décidé que le conseil des mines ne s’occupera pas des demandes en concession ou en extension de concession de mines de fer, et votre intention est sans doute qu’en attendant la révision de la loi d’avril, chacun puisse extraire ou faire extraire librement le minerai de fer existant dans ses terrains non concédés. C’est du moins ce que croit le public ; il pense même, attendu l’inutilité des concessions de mines de fer, qu’il n’en sera plus accordée à l’avenir ; et c’est pourquoi des propriétés où l’on espère trouver des gîtes métallifères très riches ont été achetées à un prix considérable, relativement à la qualité du sol et à la valeur qu’elles avaient il y a quelques années. Cependant cette adoption de l’article premier du projet laisse intacte la loi d’avril, pour tous les cas où il ne s’agit pas d’accorder des concessions. Si donc l’exécution de l’art 69 est suspendue, l’art. 68 demeure toujours en vigueur. Or, suivant l’art. 68, les propriétaires et autres exploitants de minerai de fer d’alluvion ne peuvent, dans cette exploitation, pousser des travaux réguliers par des galeries souterraines sans avoir obtenu une concession avec les formalités exigées par les articles de la section première du titre III et les dispositions du titre IV. Ainsi, comme partout les exploitations de mines de fer ont lieu au moyen de puits et de galeries souterraines, par des travaux que les ingénieurs géologues peuvent juger réguliers, il s’ensuit que partout ils pourront, s’il leur en prend fantaisie, arrêter les travaux d’extraction jusqu’à l’époque où l’exploitant aura le bonheur de devenir concessionnaire. Je crois nécessaire de parer à cet inconvénient, quand même on dirait que mes craintes sont peu fondées ou même chimériques.

Il serait injuste, d’un autre côté, de laisser le propriétaire de la surface dans la fâcheuse position où le met le silence de la loi d’avril sur les cas de déchéance. Ou n’a toléré que trop longtemps l’inaction du concessionnaire qui prive le propriétaire de la surface de son revenu et la forgerie des matières nécessaires à son alimentation.

J’aurai donc l’honneur, messieurs, de vous proposer d’ajouter au projet en discussion les deux dispositions que voici :

« 1° Lorsque les concessionnaires actuels de mines de fer auront négligé de faire des fouilles dans les terrains à eux concédés ou d’extraire le minerai que ces terrains recèlent, le propriétaire de la surface est autorisé à faire les fouilles et à extraire lui-même et à son profit ce minerai, après toutefois que les concessionnaires auront été mis en demeure par une sommation en forme et qu’il se sera écoulé un mois sans qu’ils y aient satisfait. »

Ici, remarquez-le bien, le concessionnaire n’est pas exproprié, il est seulement forcé d’agir lui-même ou de laisser agir le propriétaire de la surface. C’est une mesure raisonnable et très modérée dont le concessionnaire ne peut se plaindre, car c’est pour faire usage de la concession qu’elle lui a été accordée.

« 2° Jusqu’à la révision de la loi du 21 avril 1810 et nonobstant les dispositions qu’elle renferme, les propriétaires de terrains non concédés pourront extraire ou faire extraire le minerai de fer gisant dans lesdits terrains de la manière qu’ils jugeront convenable. »

Il n’y a là rien qui blesse les droits acquis ni dont il puisse résulter le moindre inconvénient ; il ne s’agit que de maintenir les choses dans l’état où elles sont depuis la révolution de 1830.

Ces propositions, messieurs, ne renferment pas toutes les conséquences des principes que j’ai rappelés en commençant. On pourrait y substituer une mesure plus simple, plus large, plus avantageuse à la société dans ses résultats, et je dirai même plus juste. Mais je n’en parlerai point, parce que je prévois l’accueil qu’elle recevrait.

- La proposition de M. Seron est appuyée.

M. Raikem. - Messieurs, pour se fixer sur l’objet qui est actuellement en discussion, je crois devoir la rapporter à l’amendement qui vous est présenté par l’honorable M. Dubus : or, messieurs, cet amendement organise en quelque sorte l’exécution des articles 6 et 42 de la loi du 21 avril 1810, et cela dans l’esprit des auteurs de cette loi.

D’abord l’honorable auteur de l’amendement a en vue que l’on s’en tienne aux stipulations intervenues entre les propriétaires de la surface et les concessionnaires de la mine ; cela était également dans les vues des auteurs de la loi de 1810, et c’est ce qui a été clairement exprimé dans la discussion de cette loi par le rapporteur du corps législatif : « Il était naturel, a-t-il dit, de prévoir qu’il serait intervenu des stipulations entre les demandeurs en concession et les propriétaires du terrain, une certaine transaction dont le gouvernement sera, en dernière analyse, le modérateur suprême. » Il était donc dans l’intention des auteurs de la loi de 1810, d’admettre les stipulations qui auraient lieu entre les propriétaires et les concessionnaires, et chacun conviendra que rien n’est plus juste. En même temps, messieurs, on propose de stipuler que le taux de la redevance ne pourra être inférieur à celui offert par le concessionnaire ; je ne conçois pas comment on peut s’opposer à cette proposition : est-ce un tort qu’on ferait au concessionnaire, quand il offrira lui-même la redevance ? Chacun conviendra qu’on ne fait aucun tort à une personne en lui faisant payer une redevance qu’elle propose elle-même.

On dit dans l’amendement : « S’il n’y a point de stipulation, l’indemnité sera déterminée dans l’acte de concession au moyen d’une redevance proportionnelle sur le produit de la mine. » N’est-ce pas encore là l’exécution de l’art. 6 de la loi de 1810, qui porte : « L’acte de concession règle le droit du propriétaire de la surface, sur le produit de la mine concédée. » Vous voyez donc, messieurs, que nous voulons véritablement l’exécution de la loi de 1810 ; seulement nous n’admettons pas l’exécution que lui a donnée le gouvernement précédent et que je crois avoir démontrée être fausse, en opposition avec le principe même de la loi.

Quant à la dernière disposition : « Celui qui se trouve au droit du propriétaire de la surface jouira de l’indemnité qui fait l’objet du présent article », j’observerai qu’il est de notoriété publique qu’au moins dans l’ancien pays de Liége on vendrait souvent la mine tout en se réservant la propriété de la surface ou la surface tout en se réservant la mine, qui demeurait alors une propriété détachée de la superficie et que chacun conviendra qu’il faut respecter. C est là, messieurs, ce que l’on propose dans le dernier paragraphe de l’amendement. Je crois dont qu’il suffit de relire la disposition proposée par l’honorable M. Dubus pour être convaincu qu’elle est très juste, très raisonnable.

Toutefois je ferai encore une observation : suivant l’amendement, l’acte de concession fixerait la redevance proportionnelle à un taux qui n’est point déterminé, comme il l’est dans le projet de loi : indépendamment que je crois avoir établi que suivant le projet la redevance serait tout à fait illusoire et reviendrait aux 25 ou 50 cents admis par l’ancien gouvernement, il ne faut pas perdre de vue qu’il existe non seulement des mines de houille, mais qu’il existe aussi, comme l’a fait observer un de nos honorables collègues, d’autres mines, des mines de métaux par exemple, auxquelles la loi en discussion doit également s’appliquer. Et à l’égard de ces mines on ne peut déterminer le tantième attribué sur le produit de la mine ; car il y a pour les unes plus de difficulté à extraire le minerai que pour les autres. Les unes peuvent occasionner une grande dépense, tandis que l’exploitation des autres n’exigera que peu de frais. Il faudra donc faire des distinctions à cet égard ; et comme il est impossible de faire toutes les distinctions dans une loi, rien de plus naturel que de s’en rapporter à ce qui sera arbitré par le conseil des mines. Voilà donc tout ce que propose l’amendement proposé, qui a été l’objet de plusieurs observations.

Je crois devoir faire une observation avant d’entrer dans le détail des objections qui ont été faites.

On vient de vous rappeler qu’une exception a été faite, quant au minerai de fer. Mais il paraît que d’autres espèces de mines sont dans la même catégorie que les mines de fer, du moins si j’en crois une pétition déposée sur le bureau. Permettez-moi d’en lire un passage :

« Dans les terrains secondaires et tertiaires de la Belgique, les minières de plomb, de zinc, de manganèse ne sont pas moins communes que celles de fer ; partout elles forment des amas de peu d’étendue, irrégulièrement stratifiées, exploitables à ciel ouvert sans travaux d’art, et offrant souvent trois ou quatre métaux intimement unis dans un seul échantillon de minerai, on passant de l’une à l’autre avec tant de caprice qu’il est impossible de déterminer quand une minière de fer cesse pour devenir une mine de plomb, de zinc ou de manganèse. D après cet exposé, il sera facile, messieurs, de mettre la loi belge sur les mines en harmonie avec la constitution géologique du pays qu’elle a à régir ; et puisqu’en Belgique le plomb, le zinc, la manganèse et d’autres métaux se trouvent en minières qui ne peuvent s’exploiter sans bouleverser la surface du sol, nous vous demandons qu’il soit permis au propriétaire foncier d’extraire librement son plomb, ou sa calamine, comme il extrait son fer. Et si les partisans du monopole crient à l’anéantissement des fabriques de zinc et de plomb, parce qu’elles furent construites en suite de concessions exclusives, nous leur signalerons plusieurs de ces fabriques chômant faute de minerai, tandis que les hauts-fourneaux à fer sont dans l’état le plus prospère et se multiplient à l’infini, grâce à la liberté laissée au propriétaire foncier d’extraire le fer partout où il se trouve, et à la facilité qu’ont les maîtres de forges de se procurer le minerai suivant leurs besoins et le développement de l’industrie. »

C’est cependant également aux mines qui sont rappelées dans la pétition que doit s’appliquer la loi en discussion, aussi bien qu’aux mines de houille ; à moins que, comme le demandent les habitants de la commune de Theux, signataires de la pétition, on ne fasse aussi une exception pour les mines qu’ils indiquent, ainsi qu’on l’a fait pour la mine de fer. Mais telle exception ne se trouve pas dans le projet.

Cependant, il semble que loin de vouloir faire droit aux réclamations des pétitionnaires, on a paru en quelque sorte craindre que la loi ne fût encore remise à un long terme si l’on n’adoptait pas le projet tel qu’il a été amendé par le sénat ; et par là l’on parviendrait à écarter un amendement qui, comme celui de l’honorable M. Dubus, est de toute justice. Mais je ne crois pas qu’il y ait longtemps à attendre. Il me semble que cet amendement est tellement juste qu’il doit réunir tous les suffrages ; et que le sénat auquel la loi serait renvoyée ne ferait aucune difficulté de l’adopter et par suite de voter la loi dans la session actuelle.

Maintenant, pour discuter cet amendement. on s’est attaché à la question de savoir à qui appartient la propriété de la mine, question que je croyais suffisamment résolue en faveur du propriétaire ; cependant on a insisté contre cette proposition ; et on a cité, mais bien mal à propos, nombre de documents législatifs ; on s’est rattaché à la loi de 1791 et à la loi de 1810, d’où l’on a prétendu inférer que la propriété de la mine n’appartient pas au propriétaire du sol.

On a d’abord invoqué le droit naturel. Je n’aborderai pas cette question dans ses détails. Je me contenterai de citer l’opinion d’un jurisconsulte regardé comme le premier de notre siècle, M. Merlin. Il a dit :

« Par le droit naturel, les mines qui existent dans un terrain font partie du terrain même ; et il est libre au propriétaire du fonds d’extraire les substances minérales, comme il lui est libre d’en couper l’herbe, comme il lui est libre d’en recueillir les fruits. »

On est ensuite entré dans les principes du droit romain.

Force a bien été de convenir que dans les premiers temps de la législation romaine (et la chose était trop claire pour qu’on le pût contester) la mine était reconnue faire partie du fonds et appartenir au propriétaire du sol. Mais on a prétendu que ce droit avait été changé par les empereurs romains. M. Merlin rappelle les lois de ces empereurs, et il en tire une conséquence directement contraire à celle de l’honorable préopinant :

« Ainsi, dans le dernier état des lois romaines, la propriété des particuliers sur les mines était constante ; le droit domanial d’un dixième sur leurs produits, le droit de police sur leur exploitation, telles sont les seules restrictions que cette propriété eût essuyées de la part des empereurs. »

Je crois inutile d’entrer dans des détails ultérieurs à cet égard, et je pense que si on veut se référer aux lois des empereurs romains, il faut reconnaître que tel était leur sens, ainsi qu’il est suffisamment démontré dans le passage qui précède celui que je viens de citer.

Je viens à la législation du pays de Liége, et, d’après cette législation, nul ne peut disconvenir que la propriété de la mine appartient au propriétaire de la surface.. Les chartes et les coutumes sont précises à cet égard. Mais on prétend que ce droit était modifié par prescription de 40 jours et par le droit de conquête, l’un et l’autre admis dans le pays de Liége.

Cette prescription de 40 jours, existant dans le pays de Liége, a toujours été regardée comme odieuse et par les jurisconsultes qui ont commenté la législation de ce pays et par les tribunaux qui l’ont appliquée. Mais cette prescription de 40 jours éteignait-elle le droit du propriétaire du sol ? En aucune manière. Celui qui avait acquis ce droit était obligé de payer au propriétaire du sol ce que l’on appelait le droit de terrage, qui était du 80ème ou du 100ème du produit brut. Ainsi la prescription de 40 jours n’enlevait pas ce droit au propriétaire. Cette prescription faisait plutôt présumer une convention tacite résultant de ce qu’on avait exploité au su et au vu du propriétaire du fonds. Il fallait ces conditions. Nos coutumes étaient précises à cet égard. On ne dépossédait donc pas le propriétaire de son droit de propriété, lequel était représenté par son droit de terrage.

Quant à la conquête, il est vrai que par ce moyen on acquérait la propriété ; mais on devait payer le droit de terrage au propriétaire lequel, dans ses mains, était représentatif des droits de celui-ci.

A l’époque où ce droit a été introduit, de riches propriétaires des monastères avaient fait des galeries d’écoulement, au moyen desquelles on pouvait exploiter des veines submergées par les eaux. Ces galeries d’écoulement bénéficiaient à tous ceux qui pouvaient en jouir et y déverser leurs eaux. Si celui qui avait fait la galerie d’écoulement n’exploitait pas, il avait aussi un tantième sur la mine rendue exploitable par ce moyen. Je ne sais pas si, peut être, on ne pourra encore aujourd’hui avoir des moyens d’écoulement qui bénéficieront à tous les exploitants et ne seraient pas restreints à cette exploitation. On a vu dernièrement qu’il a été question en France d’un mode d’association, afin de prendre des mesures contre les inondations qui avaient lieu dans certaines mines. D’après ce projet tous les propriétaires de mines s’étaient obligés à concourir à ces mesures, par la formation d’une espèce de syndicat.

N’était-il pas juste que ceux qui avaient fait des travaux qui permettaient d’exploiter certaines mines perçussent, comme cela était dans l’ancien pays de Liége, un tantième du produit de ces mines ? Ne devrait-il pas en être encore ainsi, si l’on arrivait à faire des travaux de cette nature, au moyen desquels on pourrait obtenir l’exploitation d’une grande étendue de terrain houiller, et faire ainsi bénéficier les petits exploitants dont les intérêts ne doivent pas moins occuper que ceux des grands concessionnaires ? Pourrait-on parvenir à pratiquer des moyens d’écoulement des eaux, qui profiteraient à toutes les exploitations dans une certaine étendue de terrain houiller, et qui seraient plus efficaces que ceux existants ? C’est ce dont pourraient nous instruire ceux qui ont des connaissances particulières dans cette partie.

Du reste, ni la prescription de 40 jours, ni la conquête ne portaient atteinte au principe qui domine cette discussion ; et d’après l’ancienne législation du pays de Liége, les droits du propriétaire du sol n’étaient, dans aucun cas, méconnus, puisqu’il percevait le droit de terrage, qui en était le prix.

Comme l’honorable orateur qui m’a précédé a cité des arrêts de la cour de Bruxelles, je crois pouvoir citer les arrêts de la cour de Liége. Cette cour a décidé que ceux à qui des concessions avaient été accordées sous l’empire de la loi de 1791 devaient néanmoins au propriétaire le droit de terrage ; elle a consacré dans plusieurs arrêts que la loi de 1791 n’a nullement dérogé à ce droit.

Messieurs, la loi de 1791 a-t-elle enlevé cette propriété des mines que nous avons dit résulter du droit naturel, du droit romain, et du droit ancien du pays de Liége ? car, puisque j’avais un droit auparavant, je ne saurais cesser de l’avoir à moins qu’on ne me l’ait enlevé. Les propriétaires de Liége n’avaient pas besoin de loi pour avoir la propriété de la mine ; ainsi il faudrait que la loi de 1791 leur eût ôté cette propriété. J’ajouterai qu’auparavant une loi de 1790 avait aboli les droits féodaux ; et certes cette abolition était favorable aux propriétaires ; il en résultait même que dans le Hainaut les propriétaires du sol étaient propriétaires de la mine, au moins lorsqu’il n’y avait pas de concession faite antérieurement par les seigneurs.

Quant à la loi de 1791, elle n’a nullement méconnu les droits du propriétaire. La commission qui l’avait élaborée proposait de déclarer que les mines étaient à la disposition de la nation. Pendant la discussion on a ajouté que c’était en ce sens seulement que les mines ne pouvaient être exploitées qu’en vertu d’un acte de concession. Et en même temps on a mis la condition que le propriétaire pourrait exploiter jusqu’à cent pieds, ce qui était évidemment déclarer qu’il était propriétaire de la mine.

Il y avait encore un article dans la loi de 1791, c’est l’art. 3 du titre premier, qui milite en faveur du propriétaire du sol. Le voici :

« Les propriétaires de la surface auront toujours la préférence et la liberté d’exploiter les mines qui pourraient se trouver dans leur fonds ; et la permission ne pourra leur en être refusée lorsqu’ils la demanderont. »

Voilà donc un droit formel accordé aux propriétaires : il est qualifié non seulement de droit de préférence mais encore de droit de liberté ; ainsi il y avait liberté d’exploiter en le demandant. Mais quand on ne demandait pas cette permission, il fallait bien que les mines ne restassent pas improductives, et l’on a regardé qu’il était de l’intérêt public que le propriétaire ne pût se refuser à l’exploitation d’un minéral dont le public pouvait avoir besoin ; toutefois, c’était encore reconnaître les droits du propriétaire, puisqu’un autre n’avait la concession qu’au défaut de celui-ci.

Quant à la loi de 1810 et au code civil, il n’est pas nécessaire d’y revenir ; on a même dit dans la discussion de cette loi que ne pas reconnaître le droit du propriétaire de la surface, ce serait abolir entièrement l’article 552 du code civil, et non le modifier. Cependant on nous présente en quelque sorte comme une grande faveur les droits que le projet actuel accorde aux propriétaires ; on nous dit que le projet cumule en faveur du propriétaire les avantages de la loi de 179l et ceux de la loi de 1810. Vous lui donnez la préférence ; et en même temps vous lui accordez une indemnité. Mais, messieurs, ces grands avantages, ces cumuls, en quoi consistent-ils ? Dans les mots et nullement dans les choses ; que l’on fasse les calculs, et l’on verra que cette faveur revient à un demi-franc ou à un franc par hectare. Nous restons donc toujours sous l’empire des concessions accordées par le gouvernement précédent, ou plutôt on veut transformer en loi un abus de l’ancien gouvernement, et cela par le moyen d’une autre tournure de phrase.

La disposition peut d’autant moins être admise que non seulement elle s’appliquerait aux mines de houille, mais qu’elle s’appliquerait encore aux mines qui ne seraient pas à une très grande profondeur et aux mines métalliques ; et que dans tous ces cas les droits du propriétaire seraient tellement illusoires qu’il vaudrait mieux dire dans la loi : Le propriétaire n’aura aucune espèce de droit, et le gouvernement accordera les concessions comme bon lui semblera. On a dit aujourd’hui que l’on dépensait des millions pour parvenir à l’exploitation d’une mine, qu’il fallait faire de très grands frais, et que la proposition que nous soutenons aurait pour effet d’enrichir le propriétaire au détriment de ceux qui auraient sacrifié leurs capitaux pour entreprendre une exploitation ; eh bien, je crois qu’il n’en est rien, car on ne détermine rien dans la proposition, on dit simplement : « S’il y a des conventions antérieures entre l’exploitant et le propriétaire, ces conventions ne seront pas changées. » Je ne sais pas qu’on ait aboli la maxime que les conventions sont la loi des parties.

A défaut de conventions, on dit qu’il y aura une redevance proportionnelle au profit du propriétaire, sans rien spécifier et en laissant l’appréciation de cette redevance au conseil des mines.

Nous ne voulons en aucune manière détruire l’industrie, nous ne voulons pas lui porter atteinte ; le conseil des mines verra si l’exploitation est superficielle ou profonde, et il déterminera l’indemnité suivant les cas.

On a été jusqu’à dire que le propriétaire de la surface était traité en enfant gâté, c’est l’expression dont on s’est servie. Je crois que si on adoptait le projet tel qu’il est, les propriétaires de la surface seraient gâtés par bien peu de chose, car ce qui leur reviendrait s’élèverait à un demi-franc ou un franc par hectare, et il faudrait posséder un bien grand nombre d’hectares pour percevoir une redevance qui ne serait pas insignifiante.

Mais, dit-on, voyez l’intérêt véritable du pays ; dans telle localité, les terrains ont augmenté de valeur par suite des mines qui y ont été exploitées. C’est là un fait particulier que l’on cite et je ne puis m’expliquer sur ce fait que je ne connais pas. Tous les terrains ont augmenté de valeur dans ces derniers temps ; et cette considération ne peut en aucune manière énerver l’amendement que l’on propose, puisqu’il s’agit toujours d’en revenir à la législation de 1810, et de fixer l’indemnité d’après les circonstances, mais seulement à défaut de conventions.

On a représenté l’amendement comme devant avoir pour résultat d’entraver l’exploitation de la houille ; mais il suffit de lire l’amendement pour voir qu’il ne peut avoir ce résultat ; je crois au contraire que tout sera concilié par cet amendement, et les intérêts du propriétaire de la surface et ceux des exploitants.

On a dit encore que l’industrie prend de l’essor, qu’il ne faut pas l’entraver ; mais l’amendement n’est pas de nature a entraver l’industrie, cette objection est sans valeur, car autrement il en résulterait qu’il faudrait proclamer que le propriétaire n’a aucune espèce de droit, tandis que la loi de 1810 est formelle à cet égard. Or, exécutons la loi de 1810, dont on vous a fait l’éloge, et ne cherchons pas à l’éluder, comme on le fait par le projet.

En 1831, lors de la présentation du premier projet de loi, on voulait empêcher que le gouvernement pût accorder des concessions afin qu’il ne pût plus faire de cette attribution des abus révoltants ; aujourd’hui que par l’amendement l’on propose en quelque sorte le maintien de la loi de 1810 avec une base d’exécution fort équitable, il semble que l’on veut par là porter atteinte à l’industrie, tandis que l’on regardait, à une autre époque, les dispositions que l’on veut conserver comme portant atteinte au droit de propriété.

L’orateur qui a combattu l’amendement a fait allusion à quelques mots que j’avais prononcés dans la séance de samedi relativement au produit net de la mine.

Il m’a opposé que j’avais dit : « Si vous calculez la redevance sur le produit net, vous la réduisez à bien peu de choses. » Quand on veut se prévaloir d’une phrase d’un discours, il ne faut la séparer ni de ce qui précède ni de ce qui suit ; or, j’avais commencé par établir que d’après le projet en discussion, le tantième, en le calculant même à raison de 3 p. c., ne rapporterait qu’environ un demi-franc par hectare, et qu’en le fixant à 1 p. c. on aurait 20 ou 30 centimes par hectare ; ces observations se rapportent au mode d’évaluation, car le mode d’évaluation imposé à l’égard des propriétaires est le même que celui au moyen duquel on calcule la redevance proportionnelle au profit de l’Etat, et ce mode d’évaluation réduit, on doit en convenir, d’une singulière manière le produit net. C’est en parlant de ce point que je disais : « Si l’on suit le système qui paraît avoir été suivi jusqu’ici par l’administration, si l’on déduit toutes les dépenses tant de premier établissement, de travaux préparatoires que les dépenses d’extraction, alors le produit net sera bien peu de chose ; et, comme je l’ai déjà fait observer, le produit net dépendra beaucoup de la bonne foi avec laquelle les exploitants rendront compte de ces dépenses et de l’exactitude avec laquelle ils établiront leur débet et leur avoir à cet égard. » On doit convenir que d’après le mode suivi pour fixer le produit net, le montant de ce produit dépendra en grande partie de la bonne foi des exploitants. Cela est d’autant plus vrai que d’après le budget des voies et moyens, la redevance proportionnelle perçue au profit de l’Etat n’est que de 70,000 fr. sur le pied de 2 1/2 p. c. ; le produit net des mines de tout le royaume ne serait donc que de 2,800,000 francs. Pourrait-on prétendre sérieusement qu’en réalité il ne dépasse pas cette somme ? Cependant messieurs, ce n’est pas sur le produit net lui-même que, d’après le projet en discussion, la redevance serait fixée, mais d’après le produit net tel qu’il serait évalué par le comité mentionné dans le même projet.

Voilà, messieurs, ce dont je parlais ; tout ce que j’ai dit se rapporte au projet de loi en discussion, et je n’ai nullement voulu dire que le produit net tel qu’il est en réalité, fût si peu de chose.

On a encore dit, messieurs, que l’exploitation éprouve souvent des pertes ; on a cité l’ancien régime qu’on nous reproche de vouloir rétablir ; on a dit qu’anciennement l’exploitation des mines était un véritable jeu de loterie : vous remarquerez aisément que l’amendement n’a pas pour objet de remettre les choses dans leur ancienne position, position qui d’ailleurs n’a pas, que je sache, quelque chose de si onéreux en ce qui concerne les droits des propriétaires qu’on avait respectés, et qui auraient dû continuer de l’être. Il est possible que dans telle ou telle localité l’ancien état de choses fût onéreux, mais dans d’autres, suivant le plus ou moins de facilité de l’exploitation, il est possible aussi qu’il ne le fût pas, surtout lorsque le tantième n’était pas trop élevé.

D’ailleurs les anciens concessionnaires doivent encore aujourd’hui exécuter les conventions faites avec les propriétaires de la surface, remplir les obligations résultant de conventions faites ou de conventions tacites, et qui anciennement résultaient de dispositions légales ; il faudrait donc aussi, si l’on veut abonder dans le sens du système qu’on propose, relever les anciens concessionnaires des redevances que leur imposent leurs conventions, il faudrait abolir les conventions, qui ont toujours été regardées comme lois entre les parties.

On nous a reproché, messieurs, de redouter la prospérité des mines ; le reproche est dénué de fondement : chacun de nous désire voir les exploitants profiter et retirer tout le produit possible des mines qu’ils exploitent. Mais en même temps nous voulons que les droits des propriétaires ne soient pas méconnus.

Comparez maintenant l’amendement de M. Dubus avec le projet en discussion, et voyez lequel est le plus juste, lequel est le plus en harmonie avec la loi du 21 avril 1810 qu’on annonce vouloir exécuter. L’amendement de M. Dubus s’en tient à la stipulation prévue lors de la loi de 1810, et défaut de cette stipulation, il dit que l’on calculera la redevance que l’art. 6 de la loi de 1810 accorde au propriétaire sur le produit des mines ; vous voyez donc, messieurs, que c’est véritablement l’exécution de la loi de 1810 que vous propose l’amendement de l’honorable M. Dubus ; le projet en discussion, au contraire n’accorde au propriétaire qu’une indemnité dont, en définitive, comme je l’ai déjà fait observer, le maximum ne revient qu’à environ un franc par bonnier, qui n’est que la continuation du système des 25 ou 30 cents accordés par le gouvernement précédent. (La clôture ! la clôture !)

M. le ministre des travaux publics(M. Nothomb). - J’avais l’intention de combattre l’amendement proposé par M. Dubus, mais si l’on veut clore la discussion, je me bornerai à déclarer que je m’oppose à cet amendement.

- La clôture est prononcée.

M. Dubus. - Je demanderai la division par paragraphe.

- Les deux paragraphes de l’amendement de M. Dubus sont successivement mis aux voix et rejetés.

L’art. 9 du projet est ensuite mis aux voix par paragraphes ; ils sont successivement adoptés.

L’ensemble de l’article est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10. Dans le cas ou la redevance proportionnelle établie sur les mines au profit de l’Etat serait supprimée ou modifiée dans son assiette, la redevance proportionnelle accordée aux propriétaires de la surface, en exécution de la présente loi, pourra être modifiée ou remplacée en vertu des dispositions d’une loi nouvelle. »

- Adopté.

Article 11

« Art. 11. Le propriétaire de la surface dont l’étendue est reconnue suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine, obtiendra la préférence pour les concessions nouvelles, s’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite par la loi.

« Il en sera de même si cette surface appartient à plusieurs propriétaires réunis en société et qui offriront les mêmes garanties.

« Néanmoins, le gouvernement pourra, de l’avis du conseil des mines, s’écarter de cette règle dans le cas où les propriétaires de la surface se trouveraient en concurrence, soit avec l’inventeur, soit avec un demandeur en extension.

« En cas que l’inventeur n’obtienne pas la concession d’une mine, il aura droit à une indemnité de la part du concessionnaire ; elle sera réglée par l’acte de concession.

« Celui qui se trouve aux droits du propriétaire de la surface, quant à la mine, ou qui avait acquis des droits à la mine par conventions, prescriptions ou usages locaux antérieurs à la publication de la loi du 21 avril 1810, jouira de la préférence réservée par le présent article au propriétaire de la superficie. »

M. Dubus (aîné). - Messieurs je m’élève contre la troisième disposition de cet article, par laquelle on refuse la préférence au propriétaire de la surface lorsqu’il se trouve en concurrence soit avec l’inventeur, soit avec un demandeur en extension.

On a dit encore aujourd’hui que la loi que vous faites cumule en faveur du propriétaire de la surface et les avantages de la loi de 1791 et les avantages de la loi de 1810, et qu’il est étrange qu’on ne soit pas encore satisfait.

Vous allez apprécier, messieurs, de quelle manière on cumule ces avantages.

La loi de 1810 reconnaît les droits du propriétaire de la surface. Elle proscrit qu’on lui paiera l’indemnité de ses droits : vous, messieurs, vous-venez de décider que jamais on ne pourra lui payer plus de 50 à 60 centimes le bonnier quand la chose vaudrait 20 ou 30 fois, que dis-je ! cent fois, mille fois davantage. Voilà de quelle manière vous assurez d’abord les avantages qui résultaient pour le propriétaire de la surface de la loi de 1810.

La loi de 1791 lui assurait la préférence dans tous les cas dès que sa propriété s’étendait sur une surface telle qu’il y eût moyen d’y établir une exploitation ; vous ne lui accordez cette préférence par l’article actuellement en discussion qu’en y introduisant deux exceptions qui ne se trouvaient pas dans la loi de 1791, l’une en faveur de l’inventeur, et l’autre en faveur d’un demandeur en extension.

Ainsi, il faut renverser l’assertion qui a été mise en avant dans la discussion actuelle, et dire que, par la loi que vous faites, on refuse à la fois au propriétaire de la surface et les avantages que lui assurait la loi de 1791 et les avantages qui lui étaient accordés par celle de 1810 : il n’aura pas l’indemnité de la propriété qu’on lui enlève, c’est ce que vous avez décidé par l’art. 9.

Mais, à côté de cette injustice, qui est flagrante à mes yeux, n’en formulez pas une nouvelle et n’allez pas jusqu’à dire qu’alors que le propriétaire peut et veut exploiter, on pourra néanmoins dans ce cas l’exproprier pour cause d’utilité publique. Mais où est l’utilité d’exproprier dans ce cas ? Ce n’est pas afin que la mine soit exploitée, car nous supposons que la propriété du maître de la surface s’étend sur un terrain suffisant, qu’il a les facultés nécessaires pour exploiter, qu’il se trouve enfin dans des conditions telles qu’il présente tout ce qui est exigé par la loi ; de telle sorte que si un autre ne se mettait en concurrence avec lui, on devrait lui accorder la concession.

Le seul motif de refus est donc la concurrence ou de l’inventeur ou d’un demandeur en extension. Mais, messieurs, je suis à deviner où est le motif d’intérêt général pour dépouiller dans ce cas le propriétaire, qui veut tirer parti de sa propriété.

Si même dans ce cas, on ne veut pas reconnaître les droits du propriétaire alors il est très vrai que tout en disant tout haut dans la loi qu’il a des droits, vous rédigez la loi de façon que tous ses droits sont méconnus et violés ; en un mot que la loi contient un mensonge, en ce qu’elle reconnaît en apparence les droits du propriétaire alors que dans le fait et l’exécution elle prescrit de les lui refuser.

J’ai déjà dit, et sur ce point M. le ministre de l’intérieur a confirmé mon assertion, qu’au moyen de l’exception introduite dans le troisième paragraphe de l’art. 11 le cas de la préférence pour le propriétaire deviendra extrêmement rare. D’abord le cas dans lequel il pourra demander la concession n’est déjà pas commun. Eh bien lorsque ce cas arrivera, vous voulez encore que l’on puisse refuser à ce propriétaire le droit d’exploiter la mine dans son propre fonds parce qu’à côté de lui, il y aura un inventeur ou un demandeur en extension ! Quant à ce demandeur en extension, dans quel but la préférerait-on au propriétaire lui-même ? Est-ce donc pour faciliter le cumul d’un grand nombre de concessions dans les mêmes mains et arriver plus aisément au monopole ? Il me semble pourtant, messieurs, qu’on devrait admettre un principe et une conséquence tout opposés.

Si vous préférez le propriétaire de la surface au demandeur en extension, d’abord c’est au moins un hommage quelconque que vous rendez au principe de la propriété sur ce point. En second lieu, vous créerez réellement par là un exploitant de plus qui concourra avec ce demandeur en extension, au lieu de réunir plusieurs exploitations dans la même main.

J’ai dit qu’il y aurait le plus souvent une demande en extension de concession, dès qu’il y aurait, à côté du terrain dont le propriétaire demande la concession à l’effet d’y établir son exploitation, une autre exploitation déjà en activité ou un autre terrain déjà concédé ; j’ai dit que celui qui a une concession trouve toujours à sa convenance les terrains qui avoisinent sa concession ; afin, ai-je ajouté, de continuer ses travaux, quand il sera arrivé à la limite de son propre territoire. On m’a répondu qu’il y avait des concessionnaires qui ne voudraient pas des terrains qui avoisinent leur concession, à la condition d’y ouvrir des travaux d’exploitation. Je ferai observer qu’on n’impose pas au demandeur en extension de concession l’obligation d’ouvrir des travaux sur le terrain qui fait l’objet de semblable demande, car alors ce ne serait pas une extension, mais une concession nouvelle.

Quand des concessionnaires forment une demande en extension, ils demandent qu’on ajoute au terrain qui leur a été concédé un terrain contigu, bon pour y ouvrir une exploitation nouvelle, mais pour continuer, sous ce nouveau terrain, les travaux qu’ils exécutent maintenant sur le terrain qui leur est actuellement concédé, et dont la circonscription sera étendue si la demande est accueillie. On n’impose pas l’obligation d’ouvrir à la fois des travaux sur toutes les parties du territoire concédé.

Je ne vois donc pas de motif pour préférer dans aucun cas le demandeur en extension au propriétaire, bien entendu lorsqu’il remplit les conditions exigées par le premier paragraphe de l’article, c’est-à-dire lorsque : 1° sa propriété est reconnue d’une étendue suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine, et 2° qu’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite par la loi. Ce sont là les deux conditions sans lesquelles il ne peut pas être question de préférence au profit du propriétaire. Mais lorsque ces deux conditions existent, y a-t-il lieu de lui refuser la préférence s’il est en concurrence avec un demandeur en extension ? C’est ce qui me paraît absolument injustifiable.

Quant à l’inventeur, n’est-il pas pourvu, par l’article que nous discutons, à son intérêt ? Dans le cas où l’inventeur n’obtiendrait pas la concession d’une mine, dit le 4ème paragraphe de l’art. 11, il aura droit à une indemnité de la part du concessionnaire ; elle sera réglée par l’acte de concession. On lui donne donc une indemnité ; et remarquez que cette indemnité peut être aussi élevée que le conseil des mines et le gouvernement le jugeront à propos. Lorsqu’il s’est agi du propriétaire de la surface, on a craint qu’on ne lui donnât une indemnité convenable, car le 4ème paragraphe de l’article 9 prescrit que cette indemnité ne pourra jamais excéder annuellement 3 p. c. du produit net. Mais quand il est question de l’inventeur, il n’y a plus de limite ; il peut obtenir une indemnité calculée le plus largement possible et qui le paie de sa peine et le dédommage de ses dépenses ; on n’a pas peur qu’elle soit trop forte, tandis qu’on a eu peur qu’il en fût accordé une convenable au propriétaire de la surface. C’est pourquoi le propriétaire est placé par la loi vis-à-vis de l’inventeur, dans une position déjà assez défavorable, déjà assez inégale, j’oserai même dire inique, pour qu’on n’y ajoute pas une nouvelle iniquité. Il faut, me paraît-il, reconnaître franchement le droit du propriétaire de la surface à la préférence, sans le soumettre à d’autres conditions que celles qui sont stipulées dans le premier paragraphe de l’art. 11. Je demande donc le retranchement du troisième paragraphe de l’art. 11, en requérant la division, parce que la question est double : il y a le concours de l’inventeur et le concours avec le demandeur en extension.

En ce qui concerne l’inventeur, on a répondu à des observations que j’avais faites samedi, sur la facilite qu’il y a d’être inventeur dans un bassin houiller, comme celui de Charleroy ; j’avais dit que je tenais d’une personne très au courant de ce qui concerne les intérêts de ce district, que dans ce bassin, quelque part qu’on perfore, on est toujours sûr de trouver la mine, et partant de devenir inventeur.

On m’a répondu à cela qu’après avoir dépensé 80,000 fr. on doit quelquefois abandonner une mine. J’ignore ce fait. On conçoit que l’inventeur qui a obtenu une concession, n’est pas sûr de réussir. Le propriétaire à qui on donnerait la préférence ne serait pas sûr non plus de réussir ; il pourrait aussi, lui, être obligé d’abandonner sa mine après avoir dépensé 800,000 fr. A coup sûr l’inventeur ne va pas dépenser 800,000 fr. pour arriver simplement à découvrir qu’il y a une mine sous le sol. Au reste, je le répète, il est satisfait à l’intérêt de l’inventeur, puisqu’on doit lui payer une indemnité sans maximum indiqué dans la loi et si cette indemnité devait être de 800,000 fr., elle serait de 800,000 fr.

Je persiste donc dans mon amendement.

M. le ministre des travaux publics(M. Nothomb). - Messieurs, je ne dirai pas que la chambre a consacré des iniquités, qu’elle est sur le point d’en consacrer une nouvelle ; je porte respect à vos décisions. Je les crois équitables, et c’est à ce titre que le gouvernement s’y associe.

Considérée dans son ensemble, la loi a un haut caractère d’équité ; ses dispositions se tiennent ; ce qu’il y a en apparence d’exorbitant dans le paragraphe 3 de l’art. 12, se corrige, se tempère par d’autres articles. C’est ce que j’essaierai de démontrer.

Mais examinons d’abord l’art. 12 en lui-même.

Remarquez que l’art. 3 est une exception, que c’est comme exception que ce paragraphe doit recevoir son exécution de la part du gouvernement, de l’avis du conseil des mines. Voici le cas que l’on avait principalement en vue, quand on l’a proposée.

Il existe un ancien exploitant qui, à ses risques et périls, courant toutes les chances d’une première exploitation, a constaté l’état du sol ; cet exploitant est demandeur en extension ; à côté de lui un propriétaire revendique le droit de préférence.

Pourquoi ce propriétaire revendique-t-il ce droit de préférence ? C’est précisément parce qu’à côté de lui un ancien exploitant constate les accidents souterrains, si je puis parler de la sorte, a fait connaître les ressources, les gisements, la profondeur, l’épaisseur, la direction des couches.

Il est évident que les chances sont tout autres lorsque l’exploitation doit commencer là où rien n’est venu constater la situation intérieure du sol, et quand l’exploitation se fait avec une sorte de certitude à côté d’une ancienne exploitation, les chances sont à peu près connues ; il est juste que l’exploitant demandeur en extension ait ici une sorte de préférence même sur le propriétaire qui veut exploiter.

Les deux chambres qui ont admis cette exception ont donc été dirigées par une considération d’équité que tout le monde appréciera. Personne ne pourra nier que la préférence ne doive ici, par exception, être donnée au demandeur en extension ; cependant cette exception pourra être singulièrement mitigée dans l’application.

C’est ainsi que je suis amené à rattacher cet article à une disposition qui est votée et que l’honorable membre perd entièrement de vue, c’est le paragraphe 3 de l’art. 9.

L’honorable membre raisonne comme si le propriétaire ne devait recevoir que la redevance proportionnelle...

M. Dubus (aîné). - J’oubliais la redevance fixe de 25 centimes par bonnier.

M. le ministre des travaux publics(M. Nothomb). - Il ne faut pas l’oublier, car ce n’est là qu’un minimum ; la loi dit que la redevance fixe ne sera pas moindre de 25 centimes. Ainsi la redevance n’est soumise qu’à un minimum ; elle peut aller à 10 fr., à 20 fr., davantage même, telle somme que le conseil et le gouvernement jugeront convenable. Ceci est extrêmement important.

Je saisis cette occasion pour faire ressortir les ressources qu’offre l’article 9 en faveur du propriétaire de la surface. il n’y a de limite ni pour la redevance fixe, ni pour la quotité quant au maximum, ni pour le mode de répartition ; il n’y a que la redevance proportionnelle qui soit déterminée de 1 à 3 p.c. et qui doive être également répartie entre les propriétaires de la surface.

Quant à la redevance fixe on ne peut l’évaluer au-dessous du minimum de 25 centimes ; si la situation intérieure du sol était connue, comme dans le cas présent, cette redevance, portée bien au-delà du minimum, pourrait être attribuée à celui des propriétaires contigus qui est dépossédé de son droit de préférence.

Ainsi, messieurs, l’art. 9 est très équitable, quand on se rend compte des deux redevances : l’une fixe, c’est-à-dire invariable stipulée par l’acte de concession et à l’égard de laquelle il n’y a qu’un minimum de déterminé par la loi ; l’autre proportionnelle c’est-à-dire annuellement variable, et à l’égard de laquelle seule il existe un maximum que l’on ne peut excéder.

Maintenant ai-je besoin de répondre à cette partie de l’argumentation du préopinant, où il vous dit que vous avez soin de parler de l’indemnité due à l’inventeur, tandis que vous ne stipulez pas d’indemnité en faveur du propriétaire dépossédé de son droit de préférence ? Mais il était inutile à l’art. 11 d’ajouter que le propriétaire de la superficie à qui serait refusé l’exercice du droit de préférence recevrait une indemnité, Car dans ce cas le conseil des mines allouera au propriétaire dépossédé de son droit de préférence une redevance fixe beaucoup plus forte : en un mot, il dépassera le minimum. Il faut bien comprendre toutes les ressources de l’art. 9.

Ce ne sera que dans des cas extrêmement rares que le gouvernement, de l’avis du conseil des mines, trouvera qu’il y a lieu d’accorder la concession, non au propriétaire réclamant le droit de préférence, mais à un ancien exploitant, demandeur en extension.

Dans ces cas tout exceptionnels le conseil des mines et le gouvernement sauront indemniser le propriétaire en lui attribuant une redevance fixe excédant peut-être considérablement le minimum de 5 centimes par hectare ; cette redevance lui sera attribuée à double titre : à titre de propriétaire d’abord ; et en second lieu à raison de la perte du droit de préférence. C’est ainsi, messieurs, que le gouvernement entend la loi ; c’est ainsi qu’il l’exécutera.

M. de Brouckere. - L’honorable orateur qui a attaqué la disposition du paragraphe 3 de l’art. 11 la trouve mauvaise et en demande le rejet, parce que dit-il, cette disposition refuse au propriétaire de la surface la concession de la mine, alors même que l’étendue de son terrain est suffisante pour l’exploitation régulière de la mine, et qu’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre les travaux, et les conduire à bonne fin. Ainsi, dans l’article, après avoir posé une règle par le premier paragraphe, le troisième paragraphe fait une double exception contre le propriétaire en faveur de l’inventeur d’abord, et en second lieu en faveur du demandeur en extension. Mais la chambre n’a pas perdu de vue que ce que dit l’honorable préopinant n’est pas du tout exact. Par exemple, il dit que le troisième paragraphe refuse la concession au propriétaire ; mais le troisième paragraphe dit que lorsque le propriétaire se trouvera en concurrence, soit avec l’inventeur, soit avec un demandeur en extension, le gouvernement pourra donner la préférence à l’un des deux. Et remarquez bien qu’il ne le pourra que sur l’avis conforme du conseil des mines.

Je reconnais qu’en général le premier paragraphe de l’art. 11 est juste. Mais il est des cas où il serait d’une injustice révoltante si la disposition du paragraphe 3 n’était pas consacrée dans la loi.

Supposez, par exemple, le cas où un industriel, pour découvrir une mine, aurait fait des dépenses considérables, se serait ruiné en quelque sorte ; supposez le cas où le propriétaire, au lieu de s’associer à ces recherches, aurait cherché à les entraver. Ces deux hommes se trouvent en concurrence pour obtenir la concession. Voulez-vous qu’on accorde la préférence au propriétaire qui n’a fait aucune recherche, aucunes dépenses, à qui il n’a été fait aucun préjudice, alors qu’un industriel a perdu son temps, a dépensé sa fortune à découvrir la mine ? Ce serait une injustice révoltante et, pour parler d’un cas que l’on a cité, vous vous rappelez que M. le ministre des travaux publics a expliqué, dans une dernière séance, comment s’est découverte la mine d’Anzin. Un particulier avait dépensé toute sa fortune sans pouvoir découvrir la mine qu’il recherchait. Après y avoir enfoui des capitaux immenses, il la découvrit enfin. Eh bien, si l’on avait eu une loi telle que la voudrait faire l’honorable préopinant, et que le particulier qui avait consacré tant de temps, dépensé tant de capitaux à la recherche de la mine d’Anzin, eût demandé la concession en concurrence avec le propriétaire qui n’avait rien fait, cet industriel aurait été dépossédé, il aurait perdu son temps et son argent, et le propriétaire se serait trouvé enrichi par le travail d’un autre. On ne contestera pas qu’un pareil système serait injuste.

Ainsi, en règle générale, la préférence est accordée par l’art. 11 au propriétaire ; mais on laisse au gouvernement la faculté d’admettre une exception à cette règle lorsque les circonstances rendent cette exception juste. Le gouvernement, du reste, ne peut le faire que sur l’avis conforme du conseil des mines.

L’honorable préopinant s’est beaucoup étendu sur la latitude de la loi en ce qui concerne l’indemnité à accorder à l’inventeur, mais on sent très bien qu’il est impossible d’établir un tarif sur cette indemnité. Cette indemnité dépend des circonstances, des frais de l’inventeur, et de la richesse de la mine. Il était donc impossible d’établir un tarif pour l’inventeur, tandis que cela était facile pour le propriétaire qui, comme on l’a dit, est indemnisé de deux manières différentes par une indemnité fixe et par une indemnité proportionnelle.

Il est sans doute inutile de répondre à ce qu’a dit le préopinant que dans le bassin de Charleroy, il suffisait de creuser pour trouver du charbon. Je ne conseillerais ni au préopinant ni à personne de creuser ainsi sans aucune donnée, car on pourrait enfouir des capitaux immenses pour ne trouver autre chose que de l’eau. Je crois qu’il n’est jamais entré dans la tête de personne de creuser ainsi, sans les recherches nécessaires ; Il n’y aurait pas de manière plus assurée de se ruiner en peu de temps.

Du reste, cela n’a été avancé que pour atténuer en quelque sorte le droit que peut avoir l’inventeur à se trouver concessionnaire de la mine ; et cet argument n’est pas de nature à avoir la moindre influence, puisque le fait sur lequel il est basé est inexact. Cela est de notoriété publique. Je crois pouvoir m’en tenir là. D’ailleurs M. le ministre des travaux publics a déjà présenté la justification du système que la loi tend à consacrer.

M. Dubus (aîné). - J’ai entendu dans cette discussion, que j’ai suivie dans son principe, justifier la loi par différents motifs, par différentes considérations. Dans l’amendement que j’ai présenté, j’ai voulu tirer les conséquences des grandes considérations qui ont été mises en avant.

On s’est constamment attaché à nous présenter la propriété de la mine comme une propriété non ordinaire, et qu’il est d’intérêt général de séparer du sol en indemnisant le propriétaire de la surface, parce que, ce propriétaire ne pouvant exploiter, la propriété de la mine lui est inutile ; et on ne lui fait aucun tort en donnant le droit d’exploiter à un tiers. Quelle est la conséquence de ces considérations, bases des systèmes des lois de 1791, de 1810 et d’aujourd’hui ? Que, dès que le propriétaire peut exploiter lui-même, il n’y a pas lieu de lui enlever le droit d’exploitation pour le concéder à un tiers. Et cependant c’est cette conséquence que l’on dénie.

Ainsi quand il faut établir en principe qu’on séparera la propriété de la mine de la propriété du sol, on se fonde sur ce motif que cette propriété est inutile au propriétaire ; que, de la manière dont le sol est divisé entre un grand nombre de propriétaires, le plus grand nombre ne pourrait pas exploiter sous le sol ; et lorsqu’un propriétaire, sur mille peut-être, est dans des conditions de fortune qui lui permettent d’exploiter lui-même, dans ce cas il a bien le droit de préférence ; mais, à côté de cette règle pour ce cas exceptionnel, on met de si larges exceptions qu’on réduit la règle à un cas qui ne se présentera peut-être jamais.

J’ignore quelles sont les demandes en concession qui ont été faites. On a demandé des renseignements. Il avait été dit qu’ils seraient distribués et imprimés, et nous n’avons rien reçu. Mais il est probable que si l’on examinait les demandes en concession, on trouverait que dans tous les cas, pour un propriétaire à demander la concession, il s’est trouve en concurrence soit avec l’inventeur, soit avec un demandeur en extension, de sorte que l’exception est aussi large que la règle. Ainsi, en accordant au propriétaire le droit de préférence, vous ne lui accordez rien.

Cette exception posée dans le paragraphe 3 de l’art. 11 est en opposition avec tout ce qu’on a dit pour justifier le principe de la séparation de propriété de la mine, avec le droit de propriété du sol.

J’ai soutenu de plus qu’il y a en outre une illégalité choquante en l’indemnité attribuée au propriétaire et celle attribuée à l’inventeur.

Mais, dit le ministre, vous ne faites pas attention à une chose : C’est que dans l’art. 9 il n’y a pas seulement le quatrième paragraphe qui limite à 3 p. c. du produit net par hectare l’indemnité proportionnelle attribuée au propriétaire, indemnité qui revient à un plus ou moins grand nombre de centimes, mais qui n’excédera jamais un franc.

Il y a côté de cela une autre disposition qui lui assure une indemnité fixe, et cette indemnité n’est limitée qu’au minimum : mais je crois que de l’esprit de la loi résultera suffisamment qu’elle ne dépassera pas cette limite.

Quant à l’indemnité annuelle, le propriétaire est toujours sûr de n’avoir que des centimes. (Bruit.) Je ne suis pas fâché d’avoir soulevé cette discussion, ne fût-ce que parce qu’elle donnera lieu aux ministres et à certains membres d’expliquer leur pensée sur l’article 9.

Il y a pourtant une autre observation à faire, c’est qu’il est inconcevable que l’on ait parlé d’un minimum de 25 centimes ; est-ce que l’on a cru qu’il serait possible d’aller au-dessous, et de n’accorder que 5, 10 ou 15 centimes ? Pour beaucoup d’esprits, le minimum de 25 centimes est un exemple de la manière dont l’indemnité sera habituellement appliquée, car le minimum est ce qui se rapproche le plus des cas ordinaires, et ce n’est que dans les cas extraordinaires que l’on arrive à des chiffres plus élevés.

Admettons toutefois que l’indemnité devienne une somme un peu forte, je ne donnerai pas pour cela mon assentiment au troisième paragraphe de l’article 11. Il me semble que, lorsque vous avez en présence le propriétaire et l’inventeur et qu’il s’agit de décider lequel vous préférez, c’est le propriétaire qui doit avoir la préférence : c’est celui qui demandera à exploiter son propre terrain, qui travaillera sur son sol qui devra être choisi, car il ne pourra faire du tort qu’à lui-même ; il n’aura à demander d’indemnité à personne ; il combinera son exploitation souterraine avec son exploitation superficielle de la manière la plus convenable à ses intérêts.

On a dit que l’indemnité à l’inventeur serait difficile à estimer ; que cette estimation pourrait dépendre de la richesse de la veine et d’autres circonstances ; mais l’indemnité au propriétaire sera-t-elle plus aisée à estimer ?

Vous voulez préférer l’inventeur parce que, dites-vous, il y aura difficulté a apprécier la richesse de la veine ; mais le propriétaire devrait aussi recevoir une indemnité proportionnelle à la richesse de la veine, et vous y avez mis obstacle par le quatrième paragraphe de l’art. 9.

Il y a, dit-on, des inventeurs qui se sont ruinés avant de découvrir la mine ; c’est là un motif de préférence ; et on a rappelé à cet égard ce qu’avait dit le ministre des travaux publics relativement à l’établissement d’Anzin qui a coûté des million, avant d’être parvenu aux moyens de le rendre véritablement productif ; mais le ministre n’a pas dit que toutes ces dépenses avaient été faites pour s’assurer qu’il y avait là une mine exploitable, et avant d’avoir obtenu la concession. On confond les dépenses que fait un concessionnaire pour avoir une exploitation praticable avec les dépenses infiniment moindres que l’on fait pour s’assurer qu’il y a une mine ; et c’est en faisant cette confusion que l’on présente l’inventeur comme devant être dans une position plus favorable.

J’insiste principalement sur le retranchement du troisième paragraphe de l’art. 11, parce que cet article, moins son troisième paragraphe, me paraît offrir la seule ressource qui reste, d’après la loi, à un propriétaire en mesure d’exploiter la mine qui se trouve sous ses propriétés, et même à tous les propriétaires, d’obtenir, non pas de l’exécution de la loi, mais de la libre convention des parties, une indemnité raisonnable. Si vous consacrez le droit de préférence sans insérer l’exception qui la détruit, qu’en résultera-t-il ? C’est que celui dont la propriété n’aura qu’une médiocre surface, et qui voudrait obtenir une concession, aura intérêt à acquérir les droits des propriétaires voisins parce qu’au moyen de cette réunion des droits des différents propriétaires contigus il se trouve en mesure d’obtenir la préférence : aussi c’est un moyen assuré de favoriser ces sortes de transactions et nous voyons que les législateurs de 1810 avaient à cœur de les favoriser. Nous atteindrons donc le but qu’ils se proposaient, eu consacrant d’une manière absolue le droit de préférence.

Si ce droit n’est accordé qu’en apparence ; si, toutes les fois qu’il y a eu opposition avec le propriétaire, un inventeur ou un demandeur en extension, vous pouvez préférer ceux-ci, il n’y aura plus le même intérêt à acquérir au moyen d’une indemnité convenable les droits des propriétaires des terrains contigus, et vous manquerez le but que vous vous êtes proposé dans le dernier paragraphe de l’article que nous discutons en ce moment.

Je terminerai par une observation que l’on me suggère. Mirabeau, dont on a invoqué l’autorité contre les propriétaires de la surface, leur attribuait, d’une manière absolue et sans exception, le droit de préférence quand se réunissaient les conditions indiquées dans le premier paragraphe de l’article 2.

Voici ce qu’il proposait :

« Les propriétaires de la surface seront préférés pour toutes les concessions nouvelles des mines qui pourraient se trouver dans leurs fonds. »

Je persiste dans ma proposition.

M. le ministre des travaux publics(M. Nothomb). - J’ai dit tout à l’heure qu’il me semblait que les ressources que présentait l’art. 9 par la redevance fixe n’avaient pas été suffisamment indiquées. J’ai fait observer que cette redevance n’était limitée que quant au minimum ; l’honorable préopinant l’a reconnu ; mais, jetant de la défiance sur le gouvernement et sur le conseil des mines, il a ajouté que ce minimum deviendrait la règle générale, déterminerait l’esprit de la loi ; quand à moi, je déclare, au nom du gouvernement, formellement le contraire ; le minimum ne sera, aux yeux du gouvernement, qu’un minimum. Pour se convaincre que je ne prends pas d’engagement téméraire, il suffit de lire le texte de la loi.

Le maximum est indéterminé et laissé à l’arbitrage du conseil des mines et du gouvernement ; ils l’évalueront selon les circonstances.

Qu’il me soit permis de m’étonner que l’orateur qui a proposé un amendement par lequel, n’admettant qu’une indemnité unique, tout aurait été remis à la décision du conseil des mines et du gouvernement, veuille maintenant qu’on ne s’en rapporte plus à eux en aucun cas, et qu’on ne leur accorde aucune confiance.

La redevance fixe, sans maximum déterminé, offre au conseil des mines et au gouvernement, en faveur du propriétaire, les mêmes ressources que présentait son propre amendement qui a été écarté ; c’est une remarque que j’aurais faite si l’on n’avait exprimé le désir de clore la discussion ; j’aurais prouvé que la stipulation d’une redevance fixe, sans limite de maximum, accorde aux défenseurs de la propriété superficiaire tout ce qu’ils peuvent demander, à moins que le gouvernement et le conseil des mines ne leur soient suspects, suspicion qui rend toute loi impossible.

Remarquez que la redevance qu’on peut ainsi élever, à volonté, bien au-delà d’un minimum de 25 centimes par hectare, est fixe, c’est-à-dire que, déterminée par l’acte de concession, elle échappe à toutes les vicissitudes de l’exploitation ; elle est assurée au propriétaire ; elle lui est payée par l’exploitant même en cas de déficit des produits sur les dépenses.

Remarquez encore que cette redevance fixe ne consiste pas dans une somme une fois payée ; il faut chercher la définition de la redevance fixe dans la loi de 1810 qui dit, art. 34, que c’est une redevance annuelle.

Remarquez enfin que la répartition de la redevance fixe n’est pas déterminée ; le conseil et le gouvernement pourraient, selon les circonstances, accorder à l’un des propriétaires une redevance plus forte qu’à l’autre.

On a paru préoccupé de l’idée que la redevance fixe serait nécessairement et toujours plus faible que la redevance proportionnelle ; mais il peut en être autrement ; la redevance fixe peut être la plus forte, soit par la nature des choses, soit par la convention des parties, car il peut y avoir convention sur la redevance, convention que le gouvernement et le conseil ne pourraient manquer d’agréer.

Je désire, messieurs, qu’il soit pris acte de ces explications ; il importe que toute l’étendue de l’art. 9 soit connue.

Il l’importe pour justifier d’autres parties de la loi, et notamment l’art. 12, paragraphe 3. (La clôture !)

M. Dumortier. - Je ne pense pas, messieurs, que vous puissiez clore la discussion au point où elle est parvenue, d’abord parce que toutes les réponses que vient de faire M. le ministre des travaux publics n’ont rien de commun avec l’objet qui est maintenant en discussion.

La question que nous avons à délibérer en ce moment est celle de savoir si l’on pourra déposséder le propriétaire de la surface, alors qu’il présentera toutes les garanties d’une bonne exploitation : c’est là la véritable question que nous avons à examiner en ce moment. (La clôture ! la clôture ! A demain ! à demain !)

- La séance est levée à 5 heures.