(Moniteur belge n°64, du 5 mars 1837 et Moniteur belge n°65, du 6 mars 1837)
(Moniteur belge n°64, du 5 mars 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi un quart.
M. Kervyn. lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des habitants de la commune d’Eeckeren demandent la prompte adoption par la chambre de la convention relative à l’endiguement du polder de Lillo. »
- Renvoi à la commission des polders.
« Le sieur Adolphe-Paul Dembinski, né en Lithuanie (Pologne), lieutenant au 7ème régiment de ligne, demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
Commission chargée d’examiner la séparation des hameaux de la Petite-Chapelle et de la Verte-Place de la commune Bruly : MM. Seron, Pirson, Keppenne, Dechamps, B. Dubus, Scheyven, Dolez.
M. le président. - Nous en sommes restés hier à l’article 3 de la section 3 du chapitre II, masse d’habillement et d’entretien.
Le chiffre primitivement proposé était de fr. 3,651,836 35 c. ; M. le ministre a demandé que l’allocation fût portée à 3,845,115 fr. 35 c.
M. de Puydt avait proposé un amendement à cet article, mais il a fait de sa proposition un article spécial qui a été renvoyé à la section centrale.
La section centrale a admis le dernier chiffre proposé par le gouvernement.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Masse d’entretien du harnachement, et ferrure des chevaux : fr. 334,087 50 c. »
- Adopté.
« Art. 5. Masse de renouvellement du harnachement et de la buffleterie : fr. 170,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Masse de casernement des chevaux : fr. 108,197. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je pense que cet article devra être ajourné comme celui de la masse de fourrages, parce que j’ai une réduction à proposer résultant du cantonnement de deux escadrons de cavalerie ; à moins qu’on ne veuille voter dès à présent la réduction, qui serait de 3,806 francs, sauf à revenir au second vote sur cet amendement, s’il y a lieu. Hier, on a ajourné pour un motif semblable l’article concernant le fourrage ; il conviendrait peut-être de suivre la même marche.
On me fait observer que le chiffre du fourrage a été adopté provisoirement, sous réserve de revenir sur ce chiffre. On pourrait en faire de même pour celui relatif au casernement des chevaux.
M. le président. - Si M. le ministre persiste dans son amendement, nous pourrons voter le chiffre ainsi réduit sous la même réserve que l’article concernant la masse de fourrages.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je persiste dans mon amendement qui consiste en une réduction de 3,806 fr. pour cantonnement de deux escadrons pendant deux mois.
- L’article 6 réduit à 104,291 fr. par suite de l’amendement du ministre de la guerre est adopté sous la réserve indiquée.
« Art. 7. Masse de casernement des hommes : fr. 838,256 45 c. »
M. le président. - La section centrale dans son premier rapport a proposé de réduire le chiffre de cet article à 760,000 fr.
Dans un second rapport, elle a proposé le chiffre de fr. 774,422 85 c. Différence, fr. 63,833 60 c.
M. Desmaisières, rapporteur. - Vous avez renvoyé à la section centrale les nouvelles pièces communiquées par M. le ministre de la guerre, relativement au marché passé avec la compagnie Félix Legrand et compagnie. La section centrale s’est réunie tous les jours pour s’occuper de l’examen de ces pièces ainsi que de tous les amendements qui lui ont été renvoyés. Nous avons à peu près terminé notre travail ; il reste quelques points en litige. Lundi prochain, je pourrai présenter le rapport de la section centrale sur tous les points ; il y aurait lieu d’ajourner la discussion de l’article 7 jusqu’à lundi.
- L’ajournement de l’art. 7 est prononcé.
« Art. 8. Frais de route des officiers : fr. 111,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Transports généraux et autres : fr. 126,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Primes de rengagement : fr. 24,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Frais de police : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Cautionnements, logements avec nourriture, etc. : fr. 967,476 48 c. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je demande la parole pour présenter un amendement qui a pour objet d’augmenter cet article de 165,723 fr. pour cantonnement de deux escadrons de cavalerie, et deux mille hommes d’infanterie pendant deux mois.
M. Desmanet de Biesme. - Maintenant que nous sommes arrivés à l’article des cantonnements, je voudrais soumettre quelques observations à M. le ministre de la guerre.
Je me suis dans le temps élevé contre ces cantonnements dans l’intérieur du pays, parce qu’il y avait moyen de placer les troupes dans les casernes. Cependant je reconnais que dans l’état de quasi-guerre où nous nous trouvons, dans la nécessité de garder nos frontières, il est indispensable d’avoir des cantonnements.
Mais je voulais appeler l’attention de M. le ministre de la guerre sur le mode adopté dans les cantonnements pour la nourriture du soldat. En France, il reçoit ses rations. Dans notre pays, on a adopté un autre mode qui est de lui payer 70 centimes par jour qu’il donne à l’habitant pour le nourrir.
Je ne pense pas que le mode soit favorable à l’habitant. Cependant il y a à cet égard tant d’opinions divergentes que je n’oserais pas me prononcer. En France, quand des troupes voyagent ou sont cantonnées, les soldats reçoivent leurs vivres et font leur ménage eux-mêmes. L’habitant ne doit leur fournir que le feu et la lumière. En Belgique, en remettant leurs 70 c. à l’habitant, celui-ci doit leur fournir le feu, la lumière, le logement et au moins trois repas. Je pense que c’est là une grande charge pour l’habitant. Cependant j’ai entendu prétendre que les habitants préféraient ce mode à celui adopté en France parce qu’ils y trouvaient du profit. Je ne comprends pas pour mon compte qu’on puisse trouver du profit à loger et nourrir un homme pour 70 c. par jour au prix où sont actuellement les comestibles.
On m’a dit souvent en combattant ces raisons (car ce n’est pas la première fois que je les présente), que si les habitants ne nourrissaient pas les soldats, ils seraient toujours en fait obligés de leur donner beaucoup de choses, que de cette manière ils les nourriraient en partie et ne recevraient aucune indemnité. J’y vois cette différence, c’est que ce que l’habitant donne au-dessus de ce qu’il doit est regardé comme un bienfait par le soldat qui en devient plus facile, tandis que quand il peut dire : Pour mes 70 c., vous devez me nourrir, il devient exigeant.
Je ne suis pas fixé, je le répète, sur le mode qui doit avoir la préférence, ayant entendu des observations pour et contre. Mais je voudrais, puisque nos troupes doivent encore être cantonnées à la frontière, et devront malheureusement l’être encore plusieurs années, je voudrais que M. le ministre prît des informations près des régences sur le meilleur mode à adopter pour la nourriture des soldats quand ils sont en cantonnement.
M. Mast de Vries. - En fait de cantonnement, je puis dire quelque chose, car j’ai logé des troupes pendant plusieurs années. Chaque fois que le soldat logé chez l’habitant recevait ses vivres, il y avait des plaintes extrêmement justes. Le soldat, qui allait chercher sa viande pour deux jours, la mangeait en un jour, et le second il se trouvait à la charge de l’habitant. Dans les campagnes, lorsque des troupes sont en cantonnement, on met 10 ou 15 hommes dans une ferme. Le fermier qui reçoit 70 centimes par homme et par jour, s’il y met du sien, n’y met pas grand-chose, car il trouve chez lui une foule de choses.
Et lorsque le soldat ne paie pas, on doit lui fournir encore à manger. Dans les fermes, il n’y a qu’un seul foyer, et le soldat s’en empare, de sorte que le paysan n’a pas de quoi préparer ses aliments. Mais si les troupes doivent nécessairement être cantonnées, et si vous mettiez la question aux voix, il y aurait unanimité parmi les paysans pour recevoir les 70 centimes ; ils y perdent moins qu’en ne recevant rien. Dans tous les cas, il faut veiller aux exigences des soldats.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - C’est à la demande de toutes les autorités locales, pour ainsi dire, que l’on cantonne les troupes avec logement et nourriture, de préférence au logement avec distribution des vivres de campagne. Si l’on consultait l’intérêt du gouvernement, il lui serait plus avantageux de fournir les vivres qui lui reviennent à 45 centimes la ration, et de payer l’indemnité de 21 centimes pour logement ; il lui en coûterait en tout 66 centimes au lieu de 70 centimes qui est le prix payé pour les cantonnements avec nourriture, de sorte donc que si quelque localité préférait ne donner que le logement avec l’indemnité de 21 centimes, le gouvernement serait bientôt d’accord avec elle.
M. Mast de Vries. - Le soldat qui reçoit les vivres, ne reçoit que la viande et le pain ; il faut que le paysan fournisse le reste. Vous savez de plus que jamais la ration n’est complète. J’ai fait plus de 1,500,000 logements, et j’en sais quelque chose.
M. Desmanet de Biesme. - J’ai présenté mes observations avec réserve ; s’il est vrai qu’en consultant les localités les habitants préfèrent fournir la nourriture, je n’ai plus rien à dire. J’ai vu en France donner la ration au soldat, et il n’avait plus rien à exiger ; j’ai demandé pourquoi on ne faisait pas de même chez nous, les officiers pouvant empêcher les soldats de rien exiger de plus.
Quoi qu’il en soit, je trouve satisfaisantes les explications données par M. le commissaire du Roi.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je prends la parole pour rassurer les membres de la chambre qui voient avec peine le rétablissement des cantonnements. J’ai déjà dit que j’étais en correspondance avec les régences de quelques villes où les cantonnements doivent avoir lieu, et cette correspondance a pour but de s’entendre avec elles pour la construction d’écuries et pour l’appropriation en casernes de locaux existants ; ainsi la charge de cantonnements ne durera que le temps nécessaire pour l’exécution des travaux.
J’ai aussi quelques mots à dire relativement à la répugnance que les localités éprouveraient en général contre les cantonnements. Hier on a fait entendre que l’intention de cantonner de la cavalerie avait jeté l’effroi parmi les populations des frontières ; cependant je déclare que j’ai reçu, il y a plusieurs semaines, des demandes d’un grand nombre d’habitants de St-Trond, appuyées par la régence de cette ville, et tendant à leur faire obtenir de la cavalerie en cantonnement. Une semblable demande m’a été faite aussi par la ville de Marche, qui voudrait aussi avoir en cantonnement des escadrons de cavalerie ; et à ce propos je répondrai à l’interpellation qui m’a été faite dernièrement par l’honorable M. Watlet, et qui avait pour objet de demander l’augmentation du nombre des troupes dans le Luxembourg ; dans les circonstances actuelles, cette augmentation serait un contre-sens ; ce n’est pas sur ce point que nous avons à craindre des attaques, et nous devons y laisser le moins de troupes possibles. Et même à l’avenir, quand notre armée sera sur le pied de paix, on ne pourra pas encore mettre beaucoup de troupes dans le Luxembourg, province qui comprend peu de propriétés de l’Etat à garder.
M. Pollénus. - Je commencerai par remercier M. le ministre de la guerre de ce qu’il a bien voulu avoir égard aux observations que j’ai présentées hier relativement aux cantonnements. J’ai entendu avec plaisir, et j’en prends acte, la déclaration qu’il a faite que les cantonnements ne seraient que temporaires, et qu’il ne placerait des cantonnements que dans les communes qui le demanderaient.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) fait un signe négatif.
M. Pollénus. - Je vois que je n’ai pas trop bien compris : son intention est donc de placer des cantonnements là où ils seront nécessaires ; dans ce cas je croirais manquer à mon mandat si je ne faisais quelques réflexions sur cet objet.
S’il m’était démontré que les cantonnements sont actuellement indispensables, malgré les souffrances éprouvées par le district de Hasselt par suite des cantonnements militaires, je n’élèverais pas la voix contre leur rétablissement, parce que ce district consentirait à tous les sacrifices que la défense de notre indépendance rend nécessaires ; mais cette nécessité de rétablir les cantonnements à dater du 1er avril ne m’est pas démontrée, et je prie la chambre de me permettre de lui soumettre quelques considérations à cet égard.
Vous avez entendu interpeller le ministre de la guerre par un député de Bruxelles sur l’attitude de l’armée hollandaise ; et le ministre a été obligé de convenir qu’il ne savait pas si cette attitude avait changé depuis deux ans ; quand à moi, voisin de la frontière hollandaise, je n’ai pas appris qu’elle fût dans un état plus hostile que par le passé. A Hasselt, place entre la frontière de Maestricht et la frontière hollandaise, au lieu de voir de l’augmentation dans l’armée hollandaise, on la voit diminuer. (Erratum au Moniteur belge n°65, du 6 mars 1837 :) Et dans nos places voisines de la frontière hollandaise, à Hasselt par exemple, aucune précaution extraordinaire n’est prise depuis quelque temps : la garnison, au lieu d’avoir reçu une augmentation, a été, au contraire diminuée à tel point qu’elle peut à peine suffire au service de la place. Je conclus de ce fait que le gouvernement lui-même n’a pas la crainte qu’il cherche à nous inspirer.
Il est vrai que depuis quelques temps des pièces d’artillerie, en grand nombre, ont été introduites dans Maestricht ; on a introduit de cette manière quatre ou cinq batteries, par sections de moitié ou de quart de batterie, et sur la route comprise dans la convention de Zonhoven ; cependant, quand je vois le ministre ne pas prendre de précaution pour augmenter la garnison de Hasselt, je me dis qu’il n’est pas persuadé de l’approche d’un danger quelconque.
Pour reconnaître l’existence de circonstances propres à justifier les charges accablantes des cantonnements, il me faudrait des faits ; mais ces faits ne sont pas articulés.
Si l’on en articulait, je serais le premier à voter ce que l’on demande. Je vois que la chambre ne partagera pas mon avis ; toutefois je fais ces observations au ministre pour remplir mon devoir.
Dans le camp de Beverloo il existe des casernes, des écuries en assez grand nombre ; je prierai M. le ministre de la guerre de s’assurer s’il ne serait pas possible de placer une partie de la cavalerie nécessaire, soit au camp de Beverloo, soit dans les casernes, et de diminuer ainsi la charge accablante des casernements.
Lorsque le soldat est logé dans les campagnes, éloigné de ses chefs, le particulier qui le reçoit reçoit un maître qui lui ravit la paix du foyer.
On vous a présenté le tableau de faits qui s’étaient passés, il y a deux ans, dans le district de Hasselt ; je crois que de semblables faits ne se renouvelleront plus. Il y a quelques jours, je me trouvais dans ce pays ; au seul bruit du renouvellement des cantonnements, tous les habitants voulaient faire pleuvoir des pétitions sur votre bureau, pour écarter d’eux le fléau des cantonnements.
M. Jullien. - J’ai aussi entendu souvent des plaintes contre les cantonnements, et notamment de la part des habitants qui trouvent les prétentions des soldats exorbitantes.
Il arrive que des soldats demandent pour leurs 70 centimes trois ou quatre fois plus que le cultivateur ne reçoit d’indemnités.
Cela me conduit à demander à M. le ministre de la guerre s’il existe soit un arrêté, soit un tarif qui détermine les obligations de l’habitant vis-à-vis du soldat.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Il existe en effet un règlement qui détermine les obligations des habitants à l’égard des soldats qu’ils ont à loger et à nourrir : ce règlement, qui est à la connaissance sans doute de plusieurs membres de la chambre, est un arrêté-loi du mois d’août 1814.
M. Mast de Vries. - Messieurs, je me trouve obligé de vous entretenir encore quelques instants. Je pense que c’est ici le moment de vous signaler des vices qui existent dans la disposition des étapes, et à cet égard j’appelle l’attention particulière de M. le ministre de la guerre.
Parmi les étapes, je vous en citerai qui sont tellement mal disposées que le soldat se trouve contraint de faire un jour 2 lieues 1/2 sur une bonne route et l’autre 7 lieues 1/2 dans les sables ; c’est ce qui arrive aux troupes qui se rendent d’Anvers à Beverloo : la première étape est à Lierre, et de là elles se rendent à Gheel.
Ce que je vous signale est d’autant plus déplorable que différentes autorités président aux mouvements des troupes. L’état-major général donne des ordres aux troupes qui quittent le camp de Beverloo, et les gouverneurs militaires des provinces qui doivent s’y rendre. De cette manière il arrive que dans certaines localités il y a encombrement, et les soldats qui arrivent les derniers sont obligés d’occuper les logements les plus éloignés, et qui sont parfois disséminés sur une surface de plusieurs lieues ; de là viennent des mésintelligences entre les autorités civiles et militaires qui, en définitive, ne sont point le fait de ces dernières.
M. le ministre de la guerre, en obviant aux faits que je viens d’indiquer, rendra un service signalé aux localités qui servent d’étapes, ainsi qu’aux militaires qui doivent y séjourner.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je prendrai les observations de l’honorable préopinant en considération. Je ne puis rendre compte maintenant des circonstances qui ont pu amener la complication dont il a parlé. Il y a eu, il est vrai, l’année dernière, de la perturbation dans la marche des troupes à la première période du camp. Il faut faire attention cependant qu’on ne trouve pas dans certaines parties du Limbourg et de la provinces d’Anvers des lieux d’étape en aussi grand nombre qu’on pourrait le vouloir ; on est obligé dès lors à allonger une étape et à en raccourcir une autre.
J’ai une réponse à faire à l’honorable M. Pollénus, en ce qui concerne l’entrée de pièces d’artillerie à Maestricht ; c’est par la Meuse que ces pièces sont entrées dans cette place ; la Meuse est hors de la surveillance du ministre de la guerre.
J’ai à répondre maintenant à la proposition de la section centrale, tendant à diviser l’article des cantonnements en trois autres qui seraient destinés, le premier aux cantonnements, le second aux indemnités de logement et nourriture, et le troisième aux frais de découches des gendarmes.
Je n’ai aucune objection à faire contre une division qui aurait simplement pour résultat de séparer les frais de découchers des gendarmes d’avec les cantonnements, et des indemnités de logement et de nourriture, mais quant à la séparation des deux autres articles, elle me paraît devoir entraîner des inconvénients, parce qu’on l’on n’est pas toujours bien sûr à l’avance du nombre de jours de marche, de logement et de nourriture, et du nombre de jours de cantonnement.
Je proposerais en conséquence de substituer à l’amendement de la section centrale celui-ci :
« Art. 13. Cantonnements et indemnités de logement et de nourriture : fr. 1,063,199 48 c. »
« Art. 14 (nouveau). Frais de découchers des gendarmes : fr. 70,000. »
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, la section centrale n’avait proposé de séparer les indemnités de logement et de nourriture que parce que cette séparation avait eu lieu au budget de 1835. Le motif que M. le ministre de la guerre a fait valoir en faveur de la réunion de ces deux articles de dépense me paraissant très péremptoire, je me rallie personnellement à l’amendement de M. le ministre.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 14. Frais de découchers des gendarmes : fr. 70,000. »
M. Jullien. - J’ai demandé la parole sur cet article, pour reproduire une observation qui a été faite et qui me paraît assez importante.
Presque tous les ans on se plaint des frais de découchers des gendarmes, parce que cette dépense est cause de contestations souvent fort sérieuses ; il paraît même que cela donne lieu à des imputation de faux.
Vous savez que le gendarme, pour pouvoir obtenir son indemnité à raison d’un service de nuit, doit faire viser ses feuilles de route par le bourgmestre. Or, il y a des bourgmestres qui, pour ne pas se déranger la nuit, délivrent des visas de complaisance ; il peut résulter de là que le service ne se fasse pas.
On nous a toujours promis que cet objet serait régularisé, lors de l’organisation nouvelle de la gendarmerie ; mais cette organisation n’arrive pas, et les abus se perpétuent.
Je désirerais savoir si le gouvernement a pris enfin ou entend prendre des mesures pour faire cesser cet abus.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai déjà eu l’occasion de déclarer, à propos d’un autre article, qu’une loi sur l’organisation de la gendarmerie était déjà l’objet des méditations de M. le ministre de la justice et des miennes, et qu’on tâcherait de soumettre le projet de loi aux délibérations des chambres dans le plus bref délai possible.
Je m’assurerai, messieurs, s’il y a moyen de remédier à l’abus qui a été signalé, mais il est certain qu’il est indispensable que les gendarmes puissent faire leur service la nuit ; on conçoit aussi qu’il est assez difficile d’empêcher un bourgmestre de délivrer un visa d’avance.
On pourra toutefois recommander la surveillance aux officiers de gendarmerie, quoique cette surveillance ne soit pas très facile, toutes les brigades de gendarmerie étant dispersées.
- Le chiffre de 70,000 fr. pour frais de découches des gendarmes est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous reprenons la discussion de l’article relatif à la cavalerie qui a été ajournée jusqu’après l’adoption de l’article que nous venons de voter.
- Le chiffre demandé est de 3,672,963 fr. 75 ; la section centrale propose une diminution de 50 mille fr.
- Le chiffre ainsi réduit est mis aux voix et adopté.
« Art. 14. Remontes : fr. 460,800. »
M. le président. - M. le ministre a demandé une majoration de 328,000 fr., ce qui porte le chiffre demandé à 788,800 fr.
La section centrale propose l’adoption de la majoration.
M. de Puydt a proposé un amendement.
M. de Puydt. - Je le retire, parce que la disposition proposée existe, et qu’il s’agit maintenant d’en régulariser l’exécution, ce qui regarde le ministre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, la section centrale fait remarquer dans son rapport que puisqu’on a été obligé d’évaluer à un dixième la perte annuelle des chevaux, il faut qu’il y ait eu quelques abus dans les remontes. Je dois faire observer à la chambre que le chiffre d’un dixième est de beaucoup au-dessous de la réalité. J’ai sous les yeux un tableau des pertes de chevaux que nous avons éprouvées depuis 1830, d’où il résulte que la perte annuelle a été d’un septième environ ; dans d’autres pays, en France, par exemple, on porte toujours la perte annuelle de chevaux à ce chiffre ; je crois qu’en Allemagne, où l’on soigne davantage la cavalerie, cette perte est au moins aussi forte. Il ne peut, en effet, en être autrement ; car lorsqu’un cheval, mis en service à l’âge de 4 ou 5 ans, est parvenu à 12 ou 13 ans, il a déjà fait un très bon service ; si vous tenez ensuite compte des maladies auxquelles les chevaux sont beaucoup plus exposés dans les écuries militaires et dans les cantonnements que lorsqu’ils se trouvent entre les mains des particuliers, vous reconnaîtrez sans peine que l’on n’exagère pas en évaluant la perte annuelle à un septième.
Je fais cette observation, parce que je prévois que nous aurons bientôt à réparer des pertes plus grandes que celles que nous avons éprouvées jusqu’à présent, et que nous seront conséquemment obligés de porter aux budgets futurs des sommes plus fortes pour cet objet ; en effet, messieurs, nous approchons du moment où les chevaux que l’on s’est procurés dans les premiers temps de la révolution, et dont le nombre est assez grand, devront être réformés ; à cette époque toutes les remontes n’ont pas pu être faites avec tous les soins désirables à cause des circonstances.
M. Desmanet de Biesme. - J’ai dit dans la discussion générale que j’étais disposé à majorer le budget de la guerre, me réservant mon vote pour le détail ; ce chapitre me semble susceptible d’une réduction, mais surtout d’une meilleure application. Au commencement de 1832, le bataillon du train n’ayant pas assez de chevaux, le ministre de la guerre autorisa les régiments d’infanterie à acheter chacun 20 chevaux formant les attelages de cinq fourgons destinés aux 4 bataillons et un pour l’état-major ; chaque général de division reçut les fonds pour acheter 4 chevaux pour son fourgon et 4 pour le fourgon de l’état-major de la division ; chaque commandant de brigades 2 chevaux ; le nombre total est de plus de 400.
On demande aujourd’hui des fonds pour achat, pour masses de fourrages, de harnachement, de casernement pour 820 chevaux, dont 460 pour l’artillerie, 200 pour le train, 160 pour les ambulances ; si on faisait rentrer les 400 chevaux au bataillon du train après en avoir choisi les meilleurs pour l’artillerie, on pourrait borner l’achat à 400 pour l’artillerie ; il en résulterait une économie de près d’un demi-million, et le service n’en souffrirait pas ; il y a des détachements du train dans toutes les provinces. Ainsi, en même temps qu’on donnerait l’ordre à un officier général de remplir une mission où un fourgon est nécessaire, on donnerait aussi l’ordre au commandant du détachement du train de mettre à sa disposition chevaux, fourgons et hommes ; on en ferait de même pour les régiments, et la mission terminée, les fourgons rentreraient à leurs compagnies ; il y a des généraux, des états-majors, des régiments, qui n’ont pas bougé depuis plus de deux ans, où les chevaux s’usent à ne rien faire. Les fourgons se détériorent, où on les emploie à un usage étranger au service ; on ferait cesser les récriminations que ces chevaux servent de chevaux de poste pour lesquels on fait encore payer l’indemnité. En effet, les chevaux seraient mieux soignés, les fourgons mieux entretenus, quoique les corps et autres reçoivent 15 ou 30 fr. par moi et par fourgon, pour l’entretien : on ne doit pas craindre, dans un moment pressant, le besoin de chevaux d’artillerie ou du train ; en moins de 8 jours, 2,000 pourraient être fournis sur tel point du royaume qu’on voudrait ; en octobre 1830, le marchand de chevaux Vanhaelen a fourni 600 chevaux d’artillerie, les meilleurs qui ont été livrés jusqu’à présent. Cette considération conduit à faire remarquer qu’on a sans doute perdu de vue que dans tout le royaume on ne trouverait pas 100 chevaux propres à la cavalerie, que toutes nos remontes viennent d’outre-Rhin, qu’à la moindre apparence de guerre, le passage serait interdit, et quand même il resterait libre, il faut près de trois mois pour adjuger, acheter et fournir les chevaux ; donc les remontes arriveraient trop tard. D’un autre côté, nos alliés ne peuvent nous porter aucun secours ; la France offre à peine les ressources nécessaires pour ses remontes ordinaires, et doit faire ses achats à l’étranger quand ses besoins sont plus grands. D’après ces considérations on devrait employer les sommes destinées à l’achat des chevaux d’artillerie pour augmenter les remontes de notre cavalerie.
Cela conduit à examiner s’il n’y aurait pas moyen de se procurer une réserve de chevaux pour la cavalerie ; j’ai toujours pensé que quand à la grosse cavalerie cela serait assez facile ; les chevaux employés pour cette armée ont été dans leur pays employés au tirage et y sont propres par leur conformation ; si donc à chaque batterie d’artillerie et au train on plaçait deux chevaux étrangers propres à l’arme des cuirassiers, en cas d’urgence, on trouverait des chevaux acclimatés dans la force de l’âge, et on les remplacerait aux batteries par des chevaux indigènes.
Je livre cette réflexion à M. le ministre de la guerre et le prie de vouloir la méditer.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je crois, messieurs, que notre armée tout entière devrait être maintenant sur le pied de rassemblement ; il serait imprudent d’enlever aux régiments d’infanterie les chevaux d’attelage dont ils disposent. Quant à l’idée d’avoir en quelque sorte des chevaux à deux mains, qui serviraient à l’attelage et en même temps aux régiments de cuirassiers, cela pourrait avoir de l’utilité s’il ne fallait pas dans ce cas leur donner une double instruction, ce qui serait assez difficile ; d’ailleurs nous serions toujours obligés de chercher ces chevaux hors du pays, puisque les nôtres en général ne conviennent pas pour la cavalerie, nous n’avons guère que les chevaux des Ardennes qui puissent être montés ; et encore y en a-t-il beaucoup qui ne sont pas très propres à cet usage ; les chevaux des Ardennes sont au contraire d’excellents chevaux de trait, et je crois que nous pourrons nous abstenir de prendre les chevaux destinés à l’artillerie, hors du pays.
M. d'Hoffschmidt. - D’après ce que vient de dire M. le ministre de la guerre, je craindrais bien, messieurs, qu’il ne se propose pas d’acheter les chevaux de la cavalerie dans le pays ; il vient de dire que les chevaux des Ardennes ne sont pas propres à la cavalerie ; je pense qu’il se trompe. M. le ministre en juge peut-être d’après les acquisitions précédentes ; mais alors les adjudications ont été faites par trop gros lots, de manière que les petits marchands de chevaux n’ont pu y prendre part ; elles ont été faites cependant à très bon marché ; aussi les personnes qui ont obtenu les livraisons qui ont été faites ont dû acheter au prix de 200 à 250 fr. tous les chevaux qu’ils ont fournis au gouvernement, et pour ce prix il était naturel qu’ils ne livrassent que des chevaux impropres au service ; mais si le gouvernement faisait des adjudications dans le Luxembourg même et par petits lots, de manière à ce que les Luxembourgeois pussent y prendre part, vous verriez que les chevaux qu’il se procurerait ainsi, seraient très bons pour la cavalerie légère. Quant aux chevaux de trait, M. le ministre de la guerre fera très bien de les acheter également dans le Luxembourg ; il n’est pas douteux que les chevaux ardennais résistent mieux à la fatigue que les autres.
Messieurs, le budget de la guerre est une plaie financière pour la Belgique. C’est une ruine pour les contribuables. Il s’élèvera cette année à plus de 40 millions. Ce n’est cependant qu’un demi-mal pour les provinces où les troupes sont casernées et entretenues ; et où par conséquent se dépensent ces 40 millions ; car ce qui sort de la poche des contribuables y rendre d’un autre côté. Mais la province de Luxembourg, se trouve, par suite de sa position excentrique, privée de cet avantage. Elle ne contribue même à aucune fourniture de fourrage ni autre ; cependant nous n’insisterons pas dans ce moment pour que M. le ministre nous envoie des troupes, quoique nous ayons des casernes excellentes dans deux villes de la province. Pendant que l’on s’élève ici contre la dislocation de nos troupes dans un moment où il y a danger pour la Belgique, nous comprenons qu’il est nécessaire de les concentrer sur les points menacés.
Notre province se trouve donc dans cette position malheureuse, que l’argent en sort sans cesse et que jamais il n’y rentre, et c’est un fait que le gouvernement ne doit jamais perdre de vue lorsqu’il peut lui accorder des compensations.
Je demande que M. le ministre de la guerre y fasse particulièrement attention, à propos de la remonte dont il s’agit, et fasse acheter le plus grand nombre de chevaux possibles dans le Luxembourg, en faisant faire les adjudications au chef-lieu de la province, et par petits lots, afin que les marchands du pays puissent y prendre part.
M. Desmanet de Biesme. - Je persiste à croire que si l’on voulait, on pourrait faire de notables diminutions sur cette partie du chiffre du budget. Je ne veux pas entraver le budget. Mais j’appelle sur ces points les méditations de M. le ministre de la guerre.
M. le ministre a dit que si on faisait venir des chevaux d’Allemagne pour la cavalerie et pour le train, les chevaux du train ne seraient pas dressés de manière à servir pour la cavalerie. Mais faites telle remonte que vous voudrez chaque cavalier n’aura jamais plus que son cheval. S’il y a la guerre, et que vous perdiez deux ou trois cents chevaux de grosse artillerie, vous n’aurez pas le moyen de fournir une remonte.
Sans doute les chevaux de train ne seront pas tout dressés pour la cavalerie. Mais vous les enverrez au dépôt avant de les envoyer au corps, et là ils pourront se former.
Comme je ne trouve pas qu’il faille faire du budget de la guerre une affaire provinciale, je dirai quelques mots sur la demande de M. d’Hoffschmidt. Je pense que les chevaux des Ardennes sont plus propres au train qu’à la cavalerie.
Si on veut les employer dans la cavalerie, je ne m’y oppose pas. Mais je trouve qu’il faudrait plutôt avoir un régiment de chevaux ardennais qu’un escadron de chevaux d’Allemagne et un escadron de chevaux des Ardennes ; car si les chevaux ardennais souffrent bien la fatigue, ils ne sont pas aussi maniables que les autres. Je ne crois pas que l’on se soit bien trouvé jusqu’à présenté de ce mélange.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - On a déjà eu, en grande partie, égard à l’observation du préopinant, en mettant les chevaux ardennais dans un escadron à part.
Du reste, les mesures que M. d’Hoffschmidt propose sont dans l’intention du gouvernement. On comptait faire les adjudications dans le Luxembourg pour un petit nombre de chevaux à la fois, afin de faciliter aux marchands du pays le moyen d’y prendre part.
Je reviens sur la proposition de M. Desmanet de Biesme dont j’apprécie la justesse, et qui tend à ce que les chevaux de la grosse artillerie puissent servir en même temps pour le train.
Veuillez remarquer que ce qui importe maintenant, c’est d’avoir des chevaux promptement. Si nous devions tirer des chevaux d’Allemagne, plusieurs mois s’écouleraient avant que nous les eussions, tandis que trois semaines après que le budget sera voté, nous aurions des chevaux en les prenant dans le pays même.
Mais, pour l’avenir, l’observation de M. Desmanet de Biesme pourra très bien être prise en considération.
- L’article 14 est adopté.
« Art. 15. Frais de bureau et d’administration des corps : fr. 430,000. »
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Il est évident que si la somme ainsi réduite par la section centrale était admis par la chambre, il serait impossible aux corps de faire tout ce que nécessitent les diverses branches du service. L’honorable rapporteur l’a bien senti ; car il a dit que cette insuffisance pouvait être couverte par la masse des recettes imprévues des corps. Mais il me semble que ces recettes imprévues ne devraient servir qu’à compléter l’allocation à peu près suffisante qui devrait être accordée.
Il est incontestable que la dépense pour la gendarmerie a été omise l’an dernier. Ce qui a fait une insuffisance.
Aussi M. le ministre de la guerre vous propose d’ajouter à la somme de 430,000 fr.
1° Allocation pour la gendarmerie, fr. 11,000
2° Allocation pour le bataillon de l’Escaut, fr. 2,500
3° Allocation pour le deuxième régiment de cuirassiers, fr. 6,500.
Total, fr. 450,000. »
M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai eu l’honneur de dire dans le rapport que la section centrale a adopté pour les frais d’administration le chiffre proposé l’an dernier, parce qu’elle a vu dans les 180,000 fr. de boni sur la masse des recettes et dépenses au 1er juillet un moyen de pourvoir à l’insuffisance, s’il y en avait.
Maintenant M. le commissaire du Roi propose une augmentation de 20,000 fr. Comme il admet le principe de la réduction proposée par la section centrale, et puisque cette augmentation a pour objet la gendarmerie qui a été omise l’an dernier, et deux corps qui l’an dernier n’existaient pas, je ne vois quant à moi personnellement aucun inconvénient à adopter cette augmentation.
- L’article 15 est adopté avec le chiffre de 450,000 fr.
M. Jullien. - Mais ce chapitre n’a-t-il pas été renvoyé à la section centrale ?
M. Dubus (aîné). - Lorsque nous sommes arrivés à l’article des lits militaires, le rapporteur de la section centrale nous a fait observer que cette section continuait son travail et que lundi elle pourrait faire son rapport sur plusieurs objets qui lui sont renvoyés, notamment sur le chapitre du service de santé.
Je crois que M. le ministre de la guerre a déposé sur le bureau, au commencement de la discussion, les pièces relatives au service de santé. Il n’y a pas eu de rapports sur ces pièces.
Dans cette situation je ne pense pas que nous puissions délibérer.
Je demande le renvoi à lundi.
M. de Puydt. - Il me semble qu’il est non seulement difficile, mais même impossible qu’un rapport soit fait lundi sur cet objet.
La section centrale, dont je fais partie, n’a pas encore abordé l’examen des pièces ; ces pièces sont en si grand nombre qu’il faudrait plusieurs mois pour les examiner en détail.
Pour moi je ne comprends pas comment un rapport serait présenté avec plusieurs mois. De sorte que s’il fait ajourner le vote du crédit demandé pour la pharmacie centrale jusqu’à la présentation du rapport de la section centrale, je considère cet ajournement comme indéfini.
Il y a presque un mètre cube de pièces.
M. Dubus (aîné). - Je ferai remarquer que je n’ai pas demandé un ajournement indéfini. Mais lorsqu’une question a été renvoyée à la section centrale, nous devons attendre, pour nous en occuper, qu’une déclaration officielle nous soit faite au nom de la section centrale.
M. Desmaisières, rapporteur. - La section centrale a reçu toutes les pièces relatives au service de sante que le ministre a déposées sur le bureau ; elles sont très nombreuses, très volumineuses. Il faudrait nécessairement un très grand travail pour vous faire un rapport sur le contenu de ces pièces. Mais il serait possible que par un examen superficiel en quelque sorte la section centrale arrivât (sans que je veuille préjuger ses propositions) à vous faire, malgré cela, un rapport sans entrer dans le fonds de la question.
La section centrale doit se réunir de nouveau lundi. Il serait possible que lundi même elle fît un rapport sommaire dont je ne puis pas prévoir les conclusions.
M. de Puydt. - Si la section centrale fait un rapport sans entrer dans le fonds de la question, je ne sais pas trop à quoi servira ce rapport.
Il me semble que la question est fort simple.Il y a eu ou il n’y a pas eu des abus dans le service de santé. L’examen de cette question est dans les attributions de l’administration. M. le ministre de la guerre a déclaré au commencement de la discussion qu’à son arrivée au ministère, les abus dont le public était si vivement occupé depuis quelque temps avaient été le premier objet de sa sollicitude, et qu’il avait pris des dispositions pour en prévenir le retour à l’avenir, s’il est vrai qu’ils aient existé ; mais, quant aux faits passés, il avait commencé par une investigation sur ces faits, à s’éclairer lui-même avant de prendre aucune décision. C’est donc pour le ministre de la guerre une affaire en instruction. Je n’ai jamais compris comment la chambre pouvait convenablement intervenir dans une affaire en instruction ; car, qu’il y ait eu on non des abus dans le service de santé, c’est une affaire qui concerne l’administration de la guerre ; elle ne peut être détournée de cette juridiction qu’en cas de déni du justice on d’injuste décision de la part du ministre. Laissez-lui donc achever l’instruction ; laissez-lui prendre une décision. Quand il l’aura prise, si vous jugez qu’elle n’est pas conforme à l’équité, vous interviendrez alors ; vous chargerez, si vous le jugez bon, une commission de l’examen de l’affaire ; vous mettrez la responsabilité du ministre en jeu. Mais avant tout laissez au ministre de la guerre toute sa liberté d’action pour l’instruction de l’affaire.
Autrement voyez l’inconvénient : votre commission recule devant sa besogne, dans l’impossibilité où elle est d’examiner un nombre considérable de pièces et de juger l’affaire à fond. Et l’on vient de vous dire que si vous avez dans quelques jours un rapport, il ne touchera pas au fond de la question, il ne sera que superficiel. Je ne vois donc pas ce que la chambre aura gagné à suivre une pareille marche.
M. Jullien. - Il y a dans cet incident deux faits dominants qu’on ne peut pas perdre de vue : Le premier, c’est que vous avez renvoyé l’examen de l’affaire à la section centrale : voilà un fait qui ne sera pas contesté ; le deuxième qui ne sera pas contesté non plus, c’est que la section centrale n’a pas fait son rapport. On peut prévoir ce que sera ce rapport ou ce qu’il ne sera pas. Mais c’est une discussion oiseuse ou au moins anticipée, il est certain que nous ne savons pas ce que dira la section centrale. Maintenant on propose de discuter le chapitre du service de santé avant que le rapport ne soit fait ; on ne sait si la section centrale sera en état de faire un rapport sur les pièces qui lui sont renvoyées. Les pièces, dit-on, sont volumineuses et nombreuses sans doute, on ne pourra pas, en élevant un incident, vous déterminer à voter sans examen et sans discussion.
Quant à moi, je pense qu’il y a lieu d’adopter la proposition de l’honorable M. Dubus et d’ajourner la question du service de santé jusqu’à ce qu’il y ait un rapport de la section centrale.
M. Desmaisières, rapporteur. - L’honorable M. de Puydt a commis une erreur involontaire, sans doute, lorsqu’il a dit que la section centrale se serait refusée à l’examen des pièces qui lui ont été transmises. Elle ne s’y refuse pas. Je n’ai pas dit cela tout à l’heure. Nous ne nous refusons pas à examiner. Et même la section centrale s’est réunie, depuis 3 jours, pour l’examen de tous les amendements et de toutes les pièces qui lui ont été renvoyées par la chambre.
Tout à l’heure, j’ai fait observer que les pièces étaient nombreuses et volumineuses, et par conséquent, que cela demanderait de la part de la section centrale un très long travail. Mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, il peut arriver que la section centrale, après un examen sommaire des pièces, arrive à une proposition quelconque que nous ne pouvons prévoir encore. Cet examen pourrait avoir lieu lundi et le rapport être présenté lundi même. Alors on pourrait discuter le chapitre du service de santé.
M. de Puydt. - Je ne crois pas avoir commis d’erreur. Je crois plutôt que l’honorable préopinant ne m’a pas compris. Je n’ai pas dit que la section centrale s’était refusée à faire sa besogne ; j’ai dit seulement qu’elle avait reculé devant un travail qui paraissait devoir être très long : ce qui est bien différent. Ce que vient de dire d’ailleurs le préopinant confirme mon opinion. Il vous a annoncé que la section centrale vous ferait une proposition qu’il ne peut du reste préciser.
Mais quelle proposition peut vous faire la section centrale, par suite d’un examen superficiel, et si elle ne connaît pas tous les faits ? Evidemment ce ne peut être que la proposition de recourir à une enquête et d’en charger une autre commission. Ce qui prouve l’embarras dans lequel se trouve la commission actuelle.
M. Jullien. - On serait embarrassé à moins.
M. de Puydt. - Pour moi je ne crois pas que l’honorable de la section centrale soit en rien intéressé dans cette affaire. On a pris une fausse voie. Il ne peut y avoir rien d’offensant pour personne d’en convenir et de revenir à une marche plus rationnelle.
On a parlé de la clameur publique. Mais nous savons tous ce que c’est que la clameur publique. Nous en avons tous les jours des exemples. Nous savons qu’un fait hasardé par un journal, répété par d’autres comme une certitude, suffit seul pour faire considérer comme coupables des personnes qui n’étaient rien moins que cela : qui vous dit qu’il n’en soit pas de même ici ?
Pour ne pas sortit du fait actuel, je vais mettre sous vos yeux un passage d’un journal de Bruxelles que je n’ai pas besoin de nommer ; comme ce qu’il rapporte concerne la section centrale, je suis parfaitement dans la question.
Je lis dans ce journal :
« M. Willmar a refusé de communiquer à la section centrale les pièces soumises à la commission d’enquête, sous prétexte qu’il en avait besoin pour préparer les réponses à faire à la chambre. »
Je n’avais pas d’abord fait attention à cet article le jour où il a paru, parce que je suis accoutumé à voir fort souvent des journaux avancer des faits inexacts. Mais depuis lors les journaux des provinces ont répété l’article, l’ont commenté, et sont arrivés à en tirer des conséquences qui portent atteinte à l’honneur du ministre. Eh bien, le fait est faux.
Lorsque la section centrale s’est réunie, il y a plusieurs mois, pour examiner le budget primitif de la guerre, le ministre, appelée au sein de la section centrale à l’occasion des questions que soulevait le chapitre du service de santé, a offert de lui-même les pièces qui concernaient cette affaire, à l’exception du rapport des généraux. La section centrale n’a pas cru devoir d’entrer dans ces détails. Mais la même section centrale, s’étant réunie de nouveau pour l’examen du budget supplémentaire, la question s’est encore présentée, parce qu’il y avait dans ce budget supplémentaire des amendements concernant le service de santé.
Cette fois, après délibération, nous avons écrit au ministre pour avoir communication des pièces, mais plutôt dans le but d’obtenir le rapport des généraux qui nous avait été refusé, que pour avoir les pièces qui nous avaient d’ailleurs été offertes volontairement et dont nous n’avions nullement en vue de faire l’examen.
Le ministre répondit qu’il ne pouvait pas communiquer le rapport des généraux, et que quant aux pièces qu’il avait soumises à l’examen de la commission des généraux, s’il ne les envoyait pas immédiatement, c’est parce qu’on était occupé au département de la guerre à en faire un inventaire ; mais qu’il les adresserait le lendemain ou le surlendemain, et pour mettre de suite la section à même de juger de l’importance de ces documents, il lui envoyait préalablement la partie de l’inventaire qui était terminée, vous voyez donc bien que le ministre n’a pas refusé les pièces. Cependant le journal le dit positivement.
Les autres journaux répètent cette assertion et bâtissent là-dessus. Voilà comment naît la clameur publique ! Voilà comment elle se propage ! C’est à nous à juger jusqu’à quel point elle doit influer sur notre conduite.
Quant à moi je n’attache pas grande importance à la clameur publique quand elle est fondée sur des faits légèrement avancés par les journaux, faits que ne connaissent pas même ceux qui en rendent compte.
M. Dubus (aîné). - Je ne m’attendais pas à ce que ma proposition rencontrât de l’opposition dans l’assemblée, et notamment de la part d’un membre de la section centrale. Selon cet honorable membre, c’est l’affaire du ministre. Le ministre a commencé son instruction, il faut le laisser continuer son instruction.
Je ne sais si le ministre continue l’instruction, mais il me semble qu’il a examiné et qu’il a jugé.
Et je crois qu’il a fait plus encore, il a frappé après avoir jugé. Nous n’avons donc pas à attendre que le ministre ait terminé l’instruction de cette affaire. De la manière dont s’énonce l’honorable préopinant, il semble que lui aussi ait jugé. Quant à l’honorable préopinant, il semble que lui aussi ait jugé. Quant à moi, qui n’a pas jugé, je veux être mis à même de le faire en mon âme et conscience, non sur la foi d’autrui, mais sur les éléments qui doivent former la conviction de tout homme consciencieux. Je n’avais cependant demandé qu’un ajournement à lundi ; et cette ajournement est naturel, il est commandé par les plus simples convenances. Tout à l’heure, quand nous en sommes venus à l’article casernement des hommes, qui comprend la question des lits militaires, uniquement par le motif que des pièces ultérieures nous avaient été adressées, et renvoyées par nous à la section centrale pour nous faire un rapport, la chambre a ajourné la discussion à lundi, parce que M. le rapporteur nous a annoncé que la section centrale présenterait un rapport sur tous ou presque tous les objets qui lui ont été renvoyés.
Puisque nous ne pouvons pas voter aujourd’hui tous les articles du budget de la guerre, et que nous avons déjà renvoyé un article important de ce budget à lundi, il est également dans les convenances de renvoyer à lundi l’article dont on veut que nous nous occupions dans ce moment, puisque vous avez renvoyé aussi à la section centrale les pièces qui vous ont été remises sur cet article pour qu’elle les examine et fasse un rapport à la chambre.
Quant à l’impossibilité où serait la section centrale d’examiner toutes les pièces relatives à cet article, et de faire un rapport, nous ne pourrons l’apprécier que quand un organe officiel de la section centrale, et non un membre qui juge avant que la section centrale ait parlé, viendra nous dire qu’il est impossible à cette section centrale de se borner à l’examen dont elle a été chargée.
L’honorable membre va plus loin ; on met en avant que la section centrale pourra faire une proposition ; il répond qu’elle n’en pourra faire aucune. Ce n’est pas la section centrale qui dit cela. Quand nous lui avons renvoyé des pièces à examiner, c’est à elle à venir nous dire : Nous n’avons pas le temps d’examiner ces pièces ; dans l’état actuel de l’affaire, nous ne pouvons proposer à la chambre aucune résolution sur cette question.
Que pourrait faire la section centrale, vous dit l’honorable membre ? Vous proposer une enquête ? Je lui répondrai qu’il n’en sait rien, que je n’en sais rien non plus, que j’attends une déclaration sur ce point. Si la section centrale ne peut pas examiner l’affaire, ne peut-elle pas, comme l’an dernier à propos des lits militaires, présenter une rédaction qui laisse la question entière ?
La section centrale peut juger qu’il y a lieu de rédiger l’article concernant le service de santé de manière à laisser la question entière. L’honorable membre peut-il savoir d’avance si la section centrale prendra ou non une résolution semblable, présentera une proposition de cette nature ? Puisque nous avons renvoyé la question à la section centrale, attendons qu’elle nous fasse un rapport, attendons jusqu’à lundi, et si la section centrale vous dit qu’elle ne peut présenter aucune conclusion sur la question, alors seulement la discussion s’ouvrira sur cet objet ; mais il est inutile de discuter aujourd’hui pour recommencer la discussion lundi ; c’est pour ce motif que je n’entrerai pas dans le fond de la question sous aucun rapport, quoique l’honorable membre ait paru y entrer, et que je me bornerai à demander qu’on attende le rapport de la section centrale sans rien préjuger sur le parti que la chambre pourra prendre quand ce rapport lui aura été fait.
M. de Puydt. - Je n’ai demandé la parole que pour faire observer que je n’ai pas jugé la question. Je l’ai jugée moins que personne, car je n’ai pas vu une seule pièce, ni un seul article de journal, ni un seul des imprimés qui ont été distribués ; je ne connais rien du tout à cette affaire ; je ne connais pour ainsi dire pas ceux qu’elle concerne. J’ai donc pu parler avec une certaine impartialité des embarras que doit éprouver la section centrale et que je crois qu’elle éprouve.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je prends la parole pour rectifier un fait avancé par l’honorable M. Dubus. Il a dit que le ministre, dans la question dont il s’agit, avait jugé et même frappé après avoir jugé. La première partie du fait est vraie. Lorsque j’ai eu l’honneur de me rendre à la section centrale lors de l’examen du budget primitif, je ne m’étais pas encore suffisamment rendu compte de cette affaire. C’est au moment même où l’examen du budget supplémentaire à commencé, pendant que le premier rapport de M. Desmaisières était à mon étude, que mon opinion s’est fixée ; et la mesure à laquelle a fait allusion l’honorable membre était déjà prise. Elle ne se rattachait d’ailleurs que d’une manière indirecte à la question du service de santé.
Du reste, loin de m’opposer au renvoi proposé, puisque le budget ne peut pas être terminé aujourd’hui, je l’appuie ; je désire que la section centrale nous fasse un rapport et qu’elle jette le plus de lumière possible sur cette question.
- Le renvoi du chapitre III à lundi est prononcé.
« Art. unique. Ecole militaire : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Matériel de l’artillerie : fr. 1,209,318. »
La section centrale propose sur ce chapitre une réduction de 25,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je désire que la section centrale veuille bien retirer cet amendement. Nous avons déjà fondu presque tout le bronze que nous avions ; il ne nous reste plus en anciennes pièces que quelques modèles qu’il est utile de conserver. Tout ce dont on pouvait disposer a été employé, et, je le répète, on tient à conserver les pièces qui restent.
La réduction proposée par la section centrale devrait donc être abandonnée.
M. Desmaisières, rapporteur. - La section centrale ayant vu dans le tableau du matériel de l’artillerie qu’il existait dans les arsenaux des pièces étrangères en bronze, et en ayant calculé le nombre, a vu qu’il y en avait pour cinq ou six fois autant que ce qu’on demandait au budget ; par suite, elle a cru devoir proposer une réduction. Les motifs que vient de faire valoir M. le ministre me paraissent personnellement justes, car je ne parle pas ici au nom de la section centrale, qui n’a pas été consultée ; je pense qu’il est bon, dans l’intérêt de l’art de l’artillerie, qu’on conserve ces anciennes pièces comme modèles. Ainsi, quant à moi personnellement, je retire l’amendement.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.
« Art. 2. Matériel du génie. »
M. le président. - Le chiffre primitivement demandé était de 1,430,000 fr.
Depuis le ministre a demandé à cet article une allocation supplémentaire de 1,040,000 fr.
M. de Puydt propose d’augmenter ce chiffre de 460,000 fr.
Voici comme l’article est proposé :
« Pour travaux de défense sur le Demer, fr. 1,000,000.
« Pour travaux de défense à Lierre, fr. 400,000.
« Pour travaux dans les Flandres, fr. 100,000. »
M. de Puydt. - Je retire mon amendement ; mais tout en le retirant, je conserve la conviction qui m’a porté à le proposer ; c’est que de cette manière, non seulement on augmentait les moyens matériels par des constructions de fortifications, mais ces constructions pouvaient permettre de diminuer l’effectif des troupes et étaient par conséquent un moyen d’économie. Mais j’ai eu l’occasion de m’apercevoir que les amendements directement présentés par des membres de cette chambre n’obtenaient pas grande faveur. Pour éviter d’être combattu dans la forme, je préfère retirer mon amendement.
M. Mast de Vries. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre si au moyen des allocations demandées pour le matériel du génie on pourrait continuer les routes commencées dans la Campine. Vous savez que j’ai déjà soulevé cette question au budget des travaux publics ; il y a une certaine urgence à la résoudre ; car il y a des contrats faits avec la ville d’Anvers et quelques-unes des villes intéressées à la construction de ces routes, contrats qui ont fixé un terme pour le complet achèvement de ces routes. Aujourd’hui on dit que ces routes ne peuvent pas être exécutées parce que certaines places manquent de fortifications. Par suite de cela nous avons des fonds provinciaux, 50 bons mille francs, qui, empruntés pour construction de routes, restent sans emploi. J’avais entretenu le ministre qui l’année dernière dirigeait le département de la guerre d’un objet dont il m’a dit qu’il était inutile de parler à la chambre, parce qu’il allait être fait droit à ma réclamation.
Cette année, il y a eu changement ; on a mis les poudres dans un corps de garde ; mais en cas d’accident il y aurait la plus grande partie de la ville qui en souffrirait. Ce corps de garde contient 25 milliers de poudre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne conteste certainement pas que des fortifications plus considérables à Lierre ne donnassent une force plus grande à notre système défensif ; mais j’ai déjà eu l’occasion de dire plusieurs fois à la chambre que nous ne nous sommes proposé que de donner à notre armée, et à tout notre système militaire, l’organisation nécessaire pour repousser une attaque hollandaise, parce que nous avions aussi à remplir la condition de ménager, autant qu’il était possible, les intérêts du trésor, et c’est parce que nous voulions les ménager que nous n’avons proposé au matériel du génie qu’un seul amendement, cela qui est relatif à la construction de casernes ou d’écuries dans les localités où il y aurait des cantonnements.
Si des considérations tirées de la nécessité de la défense ont empêché la construction de certaines routes, il est bien certain qu’en érigeant Diest en une place d’armes importantes, bien des difficultés seraient levées relativement à quelques-unes des communications qu’on veut établir.
Quant à la construction d’un nouveau magasin à poudre à Lierre, on a porté plusieurs fois au budget de la guerre les sommes nécessaires pour cet objet ; ce qui a toujours fait aujourd’hui cette construction, c’est qu’il s’est agi en même temps de fortifier Lierre, et qu’on voulait faire entrer le magasin à poudre dans le plan général des fortifications ; ce que l’on pourrait faire maintenant ne serait que provisoire ; je connais les localités de la ville de Lierre ; les poudres y sont dans un bâtiment isolé, et loin du centre de la ville. Si l’on arrêté un plan de fortifications pour Lierre, on change le dépôt des poudres.
C’est ici que je présenterai l’amendement que j’ai annoncé, afin de pouvoir construire des casernes et des écuries dans certaines villes pour y établir de la cavalerie et de l’infanterie. Cet amendement consiste en une augmentation de 277,000 fr. sur l’article que nous discutons.
M. le président. - Cette augmentation portera le chiffre à 2,747,000 fr.
M. Doignon. - Voici un amendement qui nous arrive encore à l’improviste, à peine en avons-nous entendu la lecture. Il me semble qu’il faudrait le renvoyer à la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne m’oppose pas au renvoi. Toutefois j’ai annoncé hier à l’entrée de la séance l’intention de présenter cet amendement, et à différentes reprises, j’ai eu l’occasion de le répéter dans le cours de la discussion.
- La chambre, consultée, n’ordonne pas le renvoi à la section centrale.
Le chiffre 2,747,000 fr., mis aux voix, est adopté.
« Art. 1er. Traitements temporaires de non-activité : fr. 269,817 fr. »
La section centrale propose une réduction de 9,036 fr. 36 c.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - La section centrale demande une réduction de 9,056 fr. ; mais je remarque qu’elle a omis de porter en compte une somme de 7,000 fr. pour les traitements de réforme, somme qui est la conséquence de la loi de juin 1836. La réduction ne serait plus alors que de 2,036 fr. 35 c. Je demande le maintien de l’article tel qu’il est.
M. Desmaisières, rapporteur. - L’omission des 7,000 fr. est réelle.
- Le chiffre de 269,817 fr. 35 c. est adopté.
« Art. 2. Traitements des aumôniers : fr. 17,000. »
M. Desmet. - Je demanderai que le ministre de la guerre veuille bien s’occuper d’organiser mieux ce service que nous considérons comme important. On nous a bien dit, dans les discussions générales, que rien n’était négligé à cet égard ; cependant à Liége et dans d’autres villes, il n’y a pas d’aumôniers ; comment peut-il en être ainsi ? est-ce que nos soldats ne sont pas les enfants d’un pays catholique ? On donne en quelques endroits 200 fr. ou 300 fr. à un vicaire, pour toute une garnison ; qu’arrive-t-il ? C’est qu’on va le chercher quand il y a un moribond ; la décence publique empêche qu’il en soit autrement ; mais, voilà tout, et nos enfants ne reçoivent aucune instruction ; et par conséquent, aucune des consolations que leur offre leur religion. Il y a un aumônier à Bruxelles, il est aimé de la garnison ; on va le consulter, et il prouve quel bien peut faire un aumônier dans nos places. Je prie donc instamment M. le ministre de la guerre de prendre en considération mes observations et de donner un aumônier à chaque garnison, et non de prendre un vicaire à 200 ou 300 fr., qui ne peut se vouer tout entier à un service qui, je le répète, nous paraît extrêmement important dans un pays catholique.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Tout ce qui concerne le service religieux est concerté avec l’évêque, non seulement pour les traitements, mais encore pour le personnel des aumôniers ; et quand l’autorité supérieure hiérarchique a décidé, il ne reste rien à faire au ministre de la guerre.
- Le chiffre 17,000 fr. est adopté.
« Art. 3. Traitements d’employés temporaires : fr. 54,915 50 c. »
- Adopté.
« Art. 4. Pensions des militaires décorés sous l’ancien gouvernement et secours sur le fonds de Waterloo : fr. 33,384 55 c. »
- Adopté.
« Art. unique. 107,215 27 c. »
La section centrale propose une réduction de 32,224 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Les observations faires par l’honorable rapporteur ne me permettent pas de juger suffisamment sur quel objet porte la diminution. Je vois seulement, dans son rapport, qu’on supprime l’entretien des fourgons des généraux ; mais cette réduction ne s’élève qu’à 13,666 fr. A la rigueur, je puis la consentir. Cependant, dans les circonstances où nous sommes, lorsque nous renforçons l’armée, lorsque nous la mettons sur un pied respectable de défense, nous devons avoir besoin de dépenses imprévues plus fortes que dans les temps ordinaires ; quoi qu’il en soit, je consentirai une réduction de 13,666 fr. 44 c. au lieu de 32,224 fr. ; mais je n’en consentirai pas une plus forte.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il compte encore, comme les années précédentes, prendre sur les dépenses imprévues les frais de location de l’hôtel de l’état-major général, ainsi que du logement du gouverneur militaire qui est à Bruxelles ; si ces dépenses devaient être faites sur le chapitre des dépenses imprévues, la réduction que nous avons demandée devrait être moindre ; mais je ne crois pas que cela puisse se faire, puisque la dépense dont il s’agit est bien évidemment une dépense prévue qui devrait plutôt être imputées sur l’article des cantonnements. Pour le cas où cela aurait lieu, je demanderai à M. le ministre s’il serait nécessaire d’augmenter de ce chef le crédit des cantonnements.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, le paiement des deux loyers dont l’honorable rapporteur vient de parler est une chose tout à fait éventuelle, puisqu’elle peut cesser d’une année à l’autre ; il ne serait, en effet, pas extraordinaire que le grand quartier-général, au lieu de rester à Bruxelles, fût transporté à Louvain ou à Malines, comme il l’a encore été. C’est pour cette raison, messieurs, que les loyers dont il s’agit ont toujours été payés sur les dépenses imprévues.
Si l’on voulait maintenant faire imputer cette dépense sur l’article des cantonnements, il est bien certain que cet article devrait être majoré de la somme qu’elle exige, car l’article des cantonnements a été établi d’après des éventualités calculées d’avance. Du reste, il me semble qu’il n’y a aucun inconvénient à ce que la dépense dont il est question continue à être imputée sur les dépenses imprévues.
M. Desmaisières, rapporteur. - C’est une dépense prévue.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Elle peut cesser d’avoir lieu.
M. Dubus (aîné). - Je ne pense pas, messieurs, qu’on puisse régulièrement imputer cette dépense sur le chapitre des dépenses imprévues, car elle est tellement prévue qu’elle se fait depuis 1833 ; je conçois fort bien que, la première fois que la nécessité d’une dépense se présente dans le cours de l’année, après que le budget a été voté, on l’impute sur le chapitre des dépenses imprévues ; mais si elle doit se reproduire chaque année, tout éventuelle qu’elle puisse être, dans ce sens qu’elle sera faite une année dans telle ville, et une autre année dans telle autre ville, elle n’en est pas moins dès lors une dépense que le ministre prévoit et pour laquelle il doit demander un crédit spécial.
Je suis très étonné que la cour des comptes ait, pendant quatre années successives, imputé une semblable dépense sur le chapitre des dépenses imprévues, car c’est une dépense que le ministre aurait dû prévoir dans son budget, et s’il avait oublié de l’y porter, il aurait dû demander un crédit par un projet de loi séparé.
Il y a ici, messieurs, quelque chose de plus important qu’un chiffre de 4 ou 5,000 fr. il s’agit d’une question de comptabilité constitutionnelle ; je désirerais donc beaucoup que l’on augmentât, s’il le faut le chiffre de l’article des cantonnements, et qu’on diminuât d’une somme égale le crédit pour les dépenses imprévues. Rien n’empêcherait qu’on diminuât le chiffre des dépenses imprévues au second vote ; nous pourrions alors augmenter le crédit pour les cantonnements.
M. le président. - Afin que je puisse mettre la proposition aux voix, je prierai M. le ministre de la guerre de nous dire quel est le chiffre dont il s’agit.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - 8,645 fr. 05 c.
M. le président. - En retranchant cette somme, ainsi que celle de 13,666 fr. 44 c. à la réduction de laquelle M. le ministre a consenti, du crédit demandé, le chiffre de ce crédit se trouverait réduit à 84,702 fr. 66 c.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, dans les budgets précédents, la chambre a toujours voté les sommes au premier vote avec la réserve qu’au second vote elles seraient modifiées de manière à produire pour total du budget une somme ronde ; je pense que telle est encore l’intention de la chambre ?
- Le chiffre de 84,702 fr. 66 c. est mis aux voix et adopté.
La proposition de majorer l’article des cantonnements de la somme de 8,646 fr. 05 c., qui vient d’être réduite du chapitre des dépenses imprévues, est également mise aux voix et adoptée.
(Moniteur belge n°65, du 6 mars 1837) M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article du budget des travaux publics qui concerne les traitements des employés et gens de service.
Le chiffre de cet article est de 97,250 francs.
M. le ministre propose d’y transférer 10,000 fr. du chapitre des dépenses imprévues, et de le porter en conséquence à 107,250 fr.
La section centrale propose de ne voter qu’une augmentation de 3,000 fr., ce qui fixerait le chiffre à 100,250.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Vous vous rappellerez, messieurs, que d’après les transferts consentis par MM. les ministres de l’intérieur et des finances, il vous avait été proposé de fixer à 40,000 fr. les dépenses imprévues du ministère des travaux publics ; je vous propose de réduire les dépenses imprévues à 30,000 fr., et de reporter les 10,000 fr. restant au chapitre premier, pour augmentation du personnel de l’administration centrale.
J’avais présenté cette espèce de transaction pour ne pas changer l’ensemble du budget ; la section centrale a pensé qu’une augmentation de 3,000 fr. suffirait, de sorte qu’eu égard à l’ensemble du budget, il y aurait au profit du trésor une réduction de 7,000 fr. Je ne puis consentir à cette réduction, et j’espère par les faits parvenir à vous convaincre que la somme de 10,000 fr. m’est indispensable pour constituer le nouveau ministère.
L’administration des travaux publics, constituée comme ministère spécial, exige-t-elle, quant au personnel, des frais qu’elle n’exigeait pas lorsqu’elle formait une division d’un autre ministère ? Je crois qu’il faut répondre affirmativement à cette question. Il ne faut pas que les partisans de la création d’un ministère spécial se fassent illusion à cet égard : chaque ministère a des services communes, un secrétariat général, un indicateur général, une expédition générale, une comptabilité générale, une surveillance générale du matériel ; chaque division ne forme pour ainsi dire qu’une branche d’un tronc commun ; aucune division ne peut exister seule, et par elle-même, mais elles se rattachent toutes aux différentes parties du service central. C’est ce que la chambre a déjà senti quand elle a accordé une allocation pour le secrétariat général du nouveau département ; mais, messieurs, cela ne suffit pas si le secrétaire général ne réunit pas en lui seul le secrétariat général, l’indicateur général, l’expédition générale, la comptabilité générale, la surveillance générale du matériel ; le secrétaire-général ne fait que diriger et surveiller chacune de ces parties, sans lesquelles il n’y a pas de ministère.
M. le ministre de l'intérieur n’a cru pouvoir détacher de l’expédition générale de son département que quatre commis auxquels on peut encore en ajouter deux, mais qui sont aussi employés à des bureaux spéciaux ; de sorte que ces deux derniers ne sont pas exclusivement expéditionnaires.
Il n’y a donc à proprement parler que quatre employés qui devraient constituer l’expédition générale du nouveau ministère ; ce nombre, messieurs, est insuffisant pour l’expédition des affaires ; il faut d’ailleurs un chef de l’expédition générale.
M. le ministre de l'intérieur n’a pu détacher personne de l’indicateur général, qu’il a dû conserver pour l’ensemble de son ministère, et cependant un indicateur général est indispensable au nouveau département. Le ministre des finances n’a pu détacher que le commis chargé au secrétariat général de ce qui concernait les postes ; ce commis ne peut suffire ; il faut en outre au moins un chef indicateur.
La section centrale, en allouant une augmentation de 3,000 fr., a reconnu qu’il faut un chef de l’expédition générale et un chef de l’indicateur général. Elle alloue à chacun 1,500 fr. ; ce traitement est trop faible, surtout pour le chef de l’expédition générale. Cet employé doit être un homme de confiance ; sur lui pèse une certaine responsabilité, car c’est à lui que le ministre confie momentanément les ordonnances de paiement et toutes les minutes. La section centrale pense donc qu’avec 3,000 fr….
M. Dubus (aîné). - M. le ministre est dans l’erreur. La section centrale n’a pas entendu accorder un traitement nouveau, mais bien une augmentation de traitement en faveur de celui des employés actuels qui serait nommé chef de l’expédition générale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Soit, j’accepte la rectification faite par l’honorable M. Dubus, car cette circonstance m’offrira, à l’appui de ma proposition, un argument plus convaincant que celui que j’avais d’abord l’intention de présenter.
Dans la pensée de la section centrale, le personnel ne recevrait donc pas d’augmentation ; seulement on donnerait à l’un des employés de l’expédition le titre de chef avec une augmentation de traitement ; j’en serais donc réduit au personnel actuel qui est tout à fait insuffisant.
En demandant une majoration de 10,000 fr., je ne comptais pas établir cette année une comptabilité générale distincte ; la somme à cet effet eût été insuffisante, et cependant une comptabilité générale distincte des comptabilités partielles de chaque division contrôle ces comptabilités spéciales, et est une véritable garantie pour l’Etat et pour le ministre.
Avec la somme de 10,000 fr., je comptais seulement compléter les bureaux de l’expédition générale et de l’indicateur général, et attacher au secrétariat général un commis qui serait chargé des arrêtés et des archives, et un autre employé qui aurait dans ses attributions le matériel du ministère ; j’espère enfin être à même de remplir les engagements qui ont été pris par mon honorable prédécesseur envers quelques employés, et augmenter leurs traitements en exécution d’un arrêté qui a été pris en leur faveur.
La section centrale a critiqué la marche qui, dit-elle, a été suivie depuis trois ans au ministère de l’intérieur ; elle a en quelque sorte dénoncé à la chambre les augmentations successives qui ont été accordées dans ce département.
Je pense, messieurs, que si des augmentations de traitement ont successivement eu lieu, c’est que mon honorable prédécesseur a voulu attirer à lui ou conserver des hommes capables ; s’il en est réellement ainsi, mon prédécesseur a très bien fait.
Messieurs, il y a dans les ministères deux sortes d’employés bien distincts ; des manœuvres, si vous voulez, et des hommes de rédaction et d’ordre ; ceux-là sont très rares. Quand on les possède, il faut chercher à les conserver, il faut leur faire une position telle qu’ils ne soient pas tentés de quitter le gouvernement.
Je crois, messieurs, qu’il y a aujourd’hui, de la part des hommes capables qui se trouvent dans les ministères, à se laisser attirer par des sociétés, des établissements particuliers ; cette tendance existe, et j’oserais prédire dès aujourd’hui que le gouvernement aura de la peine à combattre cette tendance.
C’est ainsi, par exemple, que l’année passée un teneur de livres qui avait 1,500 fr. au ministère de l’intérieur, et qui était attaché à la division des travaux publics, a renoncé à sa place, parce que la société de la « mutualité » lui a offert, je ne sais au juste quel traitement, mais bien certainement un traitement de 3,000 fr., car on lui a proposé de rester au ministère avec un traitement de 3,000 fr., ce qu’il a refusé ; j’en conclus qu’il a obtenu de la « mutualité » au moins cette somme.
Cette même tendance existe dans d’autres services ressortissant au département des travaux publics. Depuis mon entrée au ministère trois conducteurs ou sous-ingénieurs des mines ont donné leur démission, parce qu’ils ont trouvé à se placer plus avantageusement dans des établissements particuliers.
Ainsi, messieurs, je dirai à mon tour, en répondant à la critique générale qui a été faite par la section centrale, je dirai qu’il faut conserver dans l’administration centrale des ministères et dans tous les services publics des hommes capables, et qu’il faut en effet leur offrir des positions telles qu’ils ne puissent être tentés d’abandonner le gouvernement du jour au lendemain.
Le chef de la division des travaux publics a obtenu, dit-on, une augmentation de traitement ; cette augmentation est facile à justifier. Il a reçu le traitement auquel il a droit comme ingénieur en chef, car c’est là son grade dans le corps des ponts et chaussées. On veut exiger de ce fonctionnaire qu’il consente à être chef de la division des travaux publics avec un traitement moindre que celui qu’il obtiendrait s’il était ingénieur en chef de province ; il était donc juste qu’on lui accordât le traitement correspondant à son grade. C’est ainsi que serait traité un général ou un colonel qu’on attacherait à l’administration de la guerre ; il est évident qu’on ne lui donnerait pas de traitement moindre que celui de son grade.
Le 10 janvier dernier, mon prédécesseur a signé un arrêté qui accorde le titre de chef de bureau à trois commis de première classe. Deux de ces commis se trouvent aujourd’hui au ministère des travaux publics, le troisième est reste au département de l’intérieur. Ce dernier obtiendra son augmentation de traitement et par cela seul que les deux autres, à la suite d’un remaniement ministériel, sont passés au département des travaux publics, ils se verraient privés de l’augmentation de traitement qu’ils auraient obtenue s’ils étaient restés au ministère de l’intérieur.
Vous voyez, messieurs, dans quelle singulière position je serais placé à l’égard de ces deux chefs de bureau ; ils se trouveraient en quelque sorte victimes d’un concours de circonstances.
Ce n’est pas pour de légers motifs que mon honorable prédécesseur a accordé une augmentation de traitement à ces deux commis. L’un d’eux est employé depuis 22 ans, il est chargé de ce qu’on appuie le bureau des routes ; il a dans ses attributions la construction des routes nouvelles faites aux frais de l’Etat ou de la province, ou par voie de concession, l’entretien des routes, toutes les questions qui se rattachent aux barrières, aux ponts à bascule, à la police du roulage ; tout ce qui concerne la grande voirie. Cet employé, je le répète à 22 ans de service : comme réellement toutes les attributions qui lui sont confiées constituent un bureau à part, mon prédécesseur a cru, avec raison qu’il y avait lieu de lui accorder un titre qu’il avait de fait, celui de chef de bureau, avec un traitement de 4,000 francs.
L’autre employé est docteur en droit depuis 1826 ; c’était un des élèves les plus distingués de l’université de Liége. Peut-être avec un peu plus d’audace, un peu moins de timidité, aurait-il fait une tout autre carrière. Il est entré en 1826 au ministère du waterstaat en 1830 il a obtenu le titre de deuxième commis, et peu après celui de commis de première classe, avec un traitement de 1,500 florins. Il a dans ses attributions les canaux et rivières à charge de l’Etat, les demandes en concession de canaux, les mines, les moulins et usines, les ports et côtes, les phares et fanaux, les chemins de fer aux frais de l’Etat, et les concessions de chemins de fer.
Toutes ces attributions constituent un bureau spécial, l’on pourrait même dire que les seules affaires concernant les mines seraient de nature à former un bureau distinct ; mon prédécesseur a donc pensé qu’il était juste aussi de donner à cet employé le titre qu’il a de fait.
Eh bien, messieurs, si la chambre pense qu’il y a lieu de n’allouer au ministre des travaux publics qu’une augmentation de 3,000 fr., il sera dans l’impossibilité de tenir, envers ces deux employés, l’engagement qui a été pris par l’arrêté du 10 janvier dernier, engagement rempli dès à présent envers un troisième employé qui se trouve compris dans le même arrêté et qui a eu le bonheur de rester au ministère de l’intérieur.
J’ai dit, messieurs, qu’il me serait impossible d’expédier les affaires avec quatre employés, en leur adjoignant même momentanément deux commis détachés des bureaux.
En effet, messieurs, j’ai sous les yeux le relevé des pièces entrées au ministère et des pièces expédiées depuis le 16 janvier dernier jusqu’au 23 février. On a expédié au ministère des travaux publics (abstraction faite des affaires concernant les postes et la marine), on a expédié, du 16 janvier au 16 février, 862 pièces du ; 14 février au 25, 552 ; en moins d’un mois et demi. 1,414 pièces.
On peut donc supposer une expédition de 1,000 dépêches par mois ; je ne parle pas des annexes qui sont nombreuses ; quatre employés peuvent-ils suffire à ce travail ?
Remarquez encore que deux ne pourront pas être exclusivement employés au travail matériel ; l’un sera chef d’expédition, chargé de la surveillance, et un autre collationneur. Ces quatre employés seraient souvent réduits à deux. Admettons qu’ils soient quatre et même six, il sera impossible qu’ils expédient mille dépêches par mois avec les annexes nécessaires. L’indicateur général est une chose essentielle dans un ministère pour l’ordre et la régularité des affaires, pour la facilité des recherches. D’après le relevé fait du 16 janvier au 16 février, le nombre de lettres et dépêches entrées s’élève à 2,591 ; du 17 février au 23 février, il en est entré 606 ; on peut admettre qu’il entre cent lettres par jour ; cette fois j’y comprends la poste : certes ce n’est pas trop que de demander deux hommes pour inscrire ces pièces qui doivent être succinctement analysées. Le deuxième mois le nombre des pièces entrées a été en augmentant. Ma note s’arrête au 23 février ; il y a une lacune de huit jours, je croyais que la discussion ne serait pas remise jusqu’à la séance d’aujourd’hui ; sans avoir les chiffres sous, les yeux, je puis dire que le nombre de pièces a continué à suivre une progression ascendante. En résumé, l’augmentation que j’ai demandée n’est pas une augmentation eu égard à l’ensemble du budget : ne m’accorder que trois mille fr., c’est proposer au budget des travaux publics, eu égard à son ensemble, une réduction de sept mille francs. Ces trois mille francs ne suffisent pas pour constituer les services communs, indispensables dans tout ministère.
M. Desmet. - Messieurs, pour répondre à M. le ministre des travaux publics, je ferai remarquer deux choses. D’abord, c’est que lorsqu’on a distrait du ministère de l’intérieur les attributions dont on a formé le ministère des travaux publics, on n’a rien demandé de ce qu’on demande aujourd’hui, et le ministre de l’intérieur a déclaré qu’aucune affaire n’était en souffrance. Je ferai remarquer ensuite que toutes les augmentations qui ont été demandées ont pour but de faire monter les employés en grade. Nous avons fait voir dans notre rapport que les traitements des employés de ce département étaient de 4, 6 et 8 mille francs. Quand on considère que des juges et des commissaires de district qui sont constamment occupés, n’ont que deux et trois mille francs de traitement, on a lieu de s’étonner de voir donner de quatre à huit mille francs à des employés. Si on continue à marcher dans cette voie, notre budget des recettes ne pourra bientôt plus suffire.
La section centrale a examiné les demandes de M. le ministre, elle a pensé qu’il pourrait avoir besoin d’un chef indicateur et d’un chef expéditionnaire, mais seulement de chefs, et que le nombre des simples expéditionnaires devait être suffisant, puisque le ministre de l’intérieur a déclaré que rien n’était en souffrance lorsque les attributions du ministre des travaux publics faisaient partie de son département.
Quant à l’augmentation d’un commis qui était de deuxième classe qu’on a porté à la troisième et pour lequel on a ensuite pris un arrêté, afin de lui donner 1,600 fr., cela devient exorbitant.
Quand la division des travaux publics fut distraite du ministère de l’intérieur pour former un nouveau ministère, il n’y avait pas de secrétaire particulier, il y avait un chef de division et un premier commis. Vous aurez un secrétaire des travaux publics et un chef de division, puis encore un chef de bureau. Vous conviendrez que ce sont là des augmentations qui ne sont pas motivées. Quand la section centrale a accordé une augmentation de trois mille je pense qu’on n’a pas à se plaindre. Sans cela, il n’y aurait pas de raison pour ne pas obtempérer à toutes les demandes non motivées.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois m’expliquer sur les augmentations de traitement que l’on prétend que le ministre de l’intérieur n’a cessé d’apporter. Il y a une observation importante à faire. En 1832, le ministère de l’intérieur a subi le sort des autres départements.
Il a éprouvé des réductions considérables pour le traitement des employés. Mais bientôt l’expérience a démontré que ces réductions avaient été excessives et qu’il y avait nécessité de revenir sur le vote de l’année 1832. C’est ce qui a eu lieu pour tous les départements sans distinction. Mais, depuis le budget de 1834, il n’y a eu au ministère de l’intérieur qu’une majoration en 1835 pour le service de la sûreté publique. Il a été démontré qu’il fallait ajouter un autre employé pour le service des passeports, qui sous le titre de chef de division reçût cinq mille francs, et d’autres employés inférieurs, auxquels on donna trois mille francs, ce qui faisait une augmentation de huit mille francs au budget de 1835 pour le service de la sûreté publique : y compris les 14 mille francs transférés du ministère de la justice, le chiffre de l’administration centrale a été porté de 156 à 180 mille francs, En 1836, le chiffre été le même.
Il est très vrai qu’à la fin de l’année 1834, il y a eu une augmentation de traitement pour le directeur du commerce et les chefs de division, mais cette augmentation a été prise sur la suppression d’un chef de division qui avait le titre de chef de la comptabilité, et dont les attributions avaient été réunies à une autre division. C’est dans ce chiffre que j’ai trouvé le moyen d’augmenter le traitement des employés supérieurs. Cette augmentation de traitement qu’on a critiquée est cependant facile à justifier. Au ministère des finances, les employés supérieurs chefs d’administration ont chacun neuf mille francs d’appointements. Au ministère de l’intérieur, l’administrateur de la sûreté publique n’a que huit mille francs ; le directeur du commerce n’a également que huit mille francs ; les trois autres chefs d’administration n’ont chacun que six mille fr.
Maintenant, il n’en reste plus que deux, puisque l’un est passé au ministère des travaux publics : le directeur des cultes, de l’instruction publique et des arts, et le chef de la division des administrations communales et provinciales et de la comptabilité. Est-ce trop pour des chefs d’administration qui ont des attributions aussi étendues ?
Maintenant, messieurs, je dis et je répète que les affaires n’étaient pas en souffrance au ministère de l’intérieur. Mais il ne s’ensuit pas que les augmentations que j’avais cru devoir accorder à deux employés dont les attributions sont très étendues, ne fussent pas justifiées. Quand on a énuméré leurs attributions, on a été étonné de leur étendue ; on aurait dû être plus étonné encore de la modicité de leur traitement.
On ne peut pas exiger que des employés qui ne sont pas en évidence, qui n’ont pas pour stimulant l’honneur d’être à la tête d’une administration, on ne peut pas exiger, dis-je, que ces employés travaillent gratuitement ou à moitié gratuitement pour le compte de l’Etat. Indépendamment de cela, mon honorable collègue a fait observer que la dislocation avait apporté quelques changements du chef des services communs, et cette observation est restée sans réplique. On dit dans le rapport qu’il y avait 21 expéditionnaires au ministère de l’intérieur, dont quatre seulement sont passés aux travaux publics. Il est vrai qu’il y avait 21 expéditionnaires au ministère de l’intérieur, mais quelques-uns étaient chargés en même temps d’autres affaires, et six de ces employés sont passés au ministère des travaux publics ; de sorte que sur 21 employés de cette catégorie, il en est reste 15 au ministère de l’intérieur, Ainsi il n’y a aucune contradiction dans ces renseignements.
M. Dubus. - Messieurs, le rapport de la section centrale vous a suffisamment expliqué son but en proposant de borner à 3,000 fr. l’augmentation demandée pour le présent exercice par le ministre des travaux publics, augmentation qui, dans les prévisions du ministre, devra être plus grande pour l’exercice de 1838. C’était précisément pour mettre une fois un terme à ces augmentations successives de dépenses pour les frais de l’administration centrale.
Sans doute, nous sommes loin, très loin des vues d’économie qui dirigeaient le congrès. Il s’est écoulé depuis lors non pas cinq années, mais cinquante, un demi-siècle ; cependant, tout en consacrant par nos votes ultérieurs les augmentations accordées depuis cinq ans, est-ce notre intention d’en accorder chaque année de nouvelles, de manière qu’il n’y ait pas de terme ?
Voilà comment se présentait la question devant la section centrale.
A entendre le ministre de l’intérieur, presque pas d’augmentation n’a été consentie pour l’administration centrale de son département. Il a débuté par vous dire qu’en 1832 la chambre avait fait subir aux traitements des employés une réduction excessive, et que c’était parce que cette réduction avait été reconnue excessive que l’année suivante on avait accordé une somme plus élevée. Il n’en est rien, cette réduction n’a pas été excessive et n’a pas été reconnue excessive l’année suivante.
Il y a eu un autre motif pour changer le chiffre de l’année suivante.
En 1832, le ministre de l’intérieur avait demandé pour les frais d’administration centrale une somme plus forte que celle nécessaire pour le personnel de l’administration centrale. C’était afin d’augmenter les traitements d’un assez bon nombre d’employés. La chambre réduisit le chiffre. Qu’a fait le ministre ? Il réduisit non la totalité, mais une partie des augmentations qu’il avait consenties.
Au budget de 1832, d’après l’état des traitements, leur montant était de 138,000 fr. Le ministre a demandé, en 1833, 143,000 fr. La section centrale a cru qu’on voulait encore augmenter les traitements, et elle a repoussé l’augmentation. La question a été discutée en séance publique en juin 1833. Le ministre a insisté pour obtenir les 143,000 fr. pétitionnés ; il a dit qu’il s’agissait, non d’augmenter les traitements, mais d’augmenter le nombre des employés qui était insuffisant ; il a déclaré enfin qu’aucune partie de la somme demandée ne servirait à augmenter les traitements. Si on veut recourir au compte-rendu de la séance, on y trouvera cette promesse. Cependant, on s’est aperçu qu’indépendamment des 143,000 francs, il y avait des employés payés jusqu’à concurrence de 5 ou 6,000 francs sur un crédit qui n’avait pas pour objet les dépenses de l’administration centrale. C’était, je crois, les fonds de l’industrie et du commerce. On a signalé cet abus et on a demandé que le ministre de l’intérieur le fît cesser. Le ministre a déclaré que si on voulait voter la somme de 150.000 francs qui était indispensable pour le personnel de l’administration centrale, cet abus ne se renouvellerait pas. La chambre par cette considération a voté 150,000 fr.
Au budget de 1834, on a demandé 158,000 fr. et la chambre a voté 156,000 fr. Ainsi encore une augmentation.
Au budget de 1835 d’abord le ministre a déclaré comme cette fois-ci qu’il était satisfait du crédit de 156 000 fr. voté les années précédentes et il a demandé le même crédit à 500 fr. Mais il y avait alors comme il y a aujourd’hui un transfert d’une dépense de l’administration centrale du ministère de la justice au ministère de l’intérieur, par suite de ce que l’administration de la sûreté publique passait d’un ministère à l’autre. Ce transfert eut lieu d’un commun accord entre les deux ministres. Il s’agissait de 15,000 fr. La chambre voyant les 2 ministres d’accord ne s’occupa pas de ce transfert, et trouva tout très bien. Ensuite vint la question de savoir si le transfert était suffisant. Le ministre de l’intérieur déclara alors que 15,000 fr. ne suffisaient pas pour payer les employés de l’administration centrale de la sûreté publique, et qu’il fallait 23,000 fr : eh bien, la chambre s’est laissé entraîner à voter cette augmentation de 9,000 fr. pour l’administration de la sûreté publique. Ce qui a porté la dépense de l’administration centrale à 180,000 fr., somme qui a été allouée l’année dernière.
Mais cependant, en comparant le tableau joint au budget de 1836, on reconnaît qu’il y a eu autre chose que des augmentations dans le nombre des employés, et qu’il y a eu aussi des augmentations assez notables de traitement ; ainsi, selon toute apparence, la promesse d’augmenter le nombre des employés sans augmenter les traitements n’a pas été observé.
Maintenant, pour le présent exercice, le ministre de l’intérieur a commencé par déclarer qu’il était satisfait de la somme de 180,000 fr. Seulement survint un incident, c’est qu’une partie des attributions du ministère de l’intérieur est passée à un nouveau ministère, au ministère des travaux publics. Il y a donc à examiner seulement quelle augmentation de dépenses doit résulter de ce qu’il y a cette année, non un ministère de plus, mais un secrétaire-général de plus ; car, au ministère de l’intérieur, il y a deux secrétaires-généraux, et au ministère des travaux publics il y en a un, tandis que pour les ministères des affaires étrangères et de l’intérieur il n’y avait que deux secrétaires-généraux.
On a fait remarquer qu’il y avait lieu d’attacher à chacun des secrétaires-généraux un indicateur général. Nous avons voté les dépenses nécessaires pour un indicateur général de plus.
Mais, dit-on, il faut un expéditionnaire de plus. Nous ne comprenons pas cette nécessité. S’il y avait assez d’expéditionnaires l’an dernier, il doit y en avoir assez cette année. Mais, dit-on, il n’y a pas assez d’expéditionnaires au ministère des travaux publics ; cela n’est pas notre affaire. Encore une fois (car cela est dans le rapport de la section centrale) la circonstance que la division des travaux publics, au lieu d’être au département de l’intérieur, est à un autre département, ne rend pas nécessaire un expéditionnaire de plus. Si un bureau d’expédition suffisait pour toutes les affaires du ministère de l’intérieur en novembre dernier, ce bureau doit suffire pour toutes les affaires, quoiqu’elles soient divisées entre deux départements différents.
S’il est vrai que le ministre des travaux publics n’a pas assez d’expéditionnaires, c’est que, sur les 21 expéditionnaires du ministère de l’intérieur, le ministre de l’intérieur en a trop gardé et n’en a point cédé assez à son collègue. Sur ce point il n’y a rien à dire ; car, lorsqu’on a voté le budget de l’intérieur, le ministre de l’intérieur a consenti au transfert de tant au ministère des travaux publics ; le ministre des travaux publics n’a point élevé de réclamations au sujet de la quotité du transfert. C’était alors qu’il fallait élever des réclamations ; car alors la cause était entière, puisqu’on discutait le budget de l’intérieur. Maintenant il n’y a plus à discuté ; il est voté.
Mais on a dit : « Voilà un bureau d’expédition séparé en deux. Il faut donc une augmentation de traitement pour l’employé qui devient chef du bureau d’expédition du ministère des travaux publics. » Nous avons voté avec le traitement d’un indicateur général la somme nécessaire pour cette augmentation. En faisant cela, il semble que nous faisions tout ce que nous devions faire. Mais, ainsi qu’en 1835, il s’est agi de réaliser en quelque sorte les engagements qu’avait pris le ministre de l’intérieur en augmentant les traitements et en donnant de l’avancement à certains employés. Une chose étonnante, c’est que le ministre a choisi le moment de la transmission de la division des travaux publics à un autre département pour accorder à des employés une augmentation de titre et de traitement.
Ces mesures nous paraissent d’autant plus intempestives qu’il y avait peu de temps que le ministre de l’intérieur avait présenté son budget. De deux choses l’une : les augmentations avaient été calculées ou elles ne l’avaient pas été. Si elles avaient été calculées, on n’aurait pas dû accorder des traitements qui excédassent les sommes calculées ; si on ne les avait pas calculées, il fallait attendre la discussion et demander une augmentation de crédit si elle était nécessaire. Il semble singulier qu’immédiatement après la présentation du budget on prenne des arrêtés pour accorder des augmentations de traitement et qu’on veuille les considérer comme nécessaires par cela seul qu’on a pris un arrêté pour les accorder.
Mais voici qui doit être une nouvelle cause d’augmentation. On a donné le titre de chef de bureau à un employé qui le réclamait et qui en remplissait les fonctions avec le titre de commis de première classe. Eh bien, c’est là l’organisation existant depuis la révolution. Mais les autres commis de première classe, remplissant les fonctions de chefs de bureau, ne manqueront pas d’invoquer le précédent que vous venez d’établir, et de réclamer le titre de chef de bureau et par suite une augmentation de traitement.
Que mon traitement soit porté de 2,500 à 4,000 fr. Ainsi voilà un avancement, ou la création d’un nouveau grade dans le ministère de l’intérieur qui, inévitablement, va entraîner le ministre dans la voie des augmentations.
Sous ce rapport, nous avons repoussé l’augmentation. Nous avons vu, non seulement une augmentation immédiate de dépense, mais nous avons vu une augmentation plus grande encore en perspective.
Quant à la comparaison que le ministre de l’intérieur a faite de ses employés avec ceux du ministère des finances, il y a longtemps qu’on l’a présentée, et qu’on a fait remarquer que les employés de l’administration des finances étaient payés dans une proportion plus forte que les autres ; mais cette observation a été faite dans des sens différents : les uns l’ont citée pour montrer qu’on accordait trop aux employés des finances, et les autres pour montrer qu’on n’accordait pas assez aux employés des autres département administratifs. Si on a l’intention de mettre tous les employés au niveau de ceux des finances, je ne donnerai pas mon assentiment à ce projet.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je déclare que mon intention n’a pas été de scruter ce qui s’est fait en 1833 et en 1834 ; ce n’est pas moi qui ai défendu les budgets de ces exercices, n’étant pas ministre. Ce n’est pas parce que la sûreté publique passait du département de la justice à celui de l’intérieur que l’augmentation a eu lieu, c’est parce que rien n’y était organisé, pas même le bureau relatif aux passeports, et quand l’administration de la sûreté publique serait restée au département de la justice, il aurait encore fallu l’augmenter.
Messieurs, il est utile de remonter aux causes de l’augmentation de dépenses dans le département de l’intérieur. Personne n’ignore que quand ce département a été organisé à l’époque de la révolution, ce sont pour la plupart des hommes nouveaux qui ont rempli les emplois, et que les traitements ont été fixés en raison de la difficulté des circonstances. Depuis, les attributions du ministère de l’intérieur se sont successivement augmentées ; les affaires s’y sont multipliées ; les employés y ont acquis des titres à des majorations de traitement par les services qu’ils ont rendus, par l’expérience qu’ils ont acquise. Si ces employés avaient été condamnés à demeurer, à perpétuité, dans l’état provisoire ou ils étaient, ils se seraient en allés, et l’administration la plus importante du pays aurait été mal servie.
Dans l’administration des finances, il en a été tout autrement. Ce sont d’anciens employés qui ont été placés. L’administration entière y était divisée en plusieurs branches ou directions, et ces branches, en divisions, en bureaux ; aussi voyez quelle hiérarchie dans les fonctionnaires de ce département ; on ne trouve pas une semblable organisation dans l’administration du département de l’intérieur, et par conséquent elle n’offre pas la même perspective d’avancement.
Cependant, lorsqu’il existe, parmi les premiers commis, des employés d’un mérite particulier, il faut leur donner la perspective d’obtenir un jour le titre de chef de bureau : cette émulation est nécessaire dans l’intérêt même du service. Il faut en outre considérer que dans ce moment les personnes qui ont de l’expérience dans les affaires trouvent facilement à se placer dans des entreprises particulières ; et que si l’on avait suivi le système provisoire créé au commencement de la révolution, tous les employés ayant quelque mérite auraient quitté l’administration ; alors comment le ministre aurait-il pu répondre de ce qui se fait dans une administration aussi étendue ?
L’arrêté que j’ai pris, en donnant un titre à deux employés, ne faisait qu’un acte de justice ; mais cet arrêté n’avait pas et ne pouvait avoir pour but de forcer la législature.
Messieurs, malgré les augmentations qui ont eu lieu, il est de fait que plusieurs employés que j’avais formés ont quitté le ministère pour aller dans des administrations particulières. Il faut encore vous dire que le travail de bureau est tellement fatigant, parce qu’il dure toute l’année sans congé, que beaucoup de jeunes ne peuvent le supporter ; les uns y contractent des maladies ; les autres même succombent à ce genre de vie. Oui, messieurs, bon nombre d’employés sont décédés depuis 1830 et d’autres ont dû quitter leurs fonctions pour cause de santé. Ce sont là des faits.
Il n’y a pas eu prodigalité envers les employés de mon ministère ; il y a eu plutôt parcimonie. Cependant leur travail est considérable, et ce travail s’accroît tous les jours avec la richesse du pays et l’extension des affaires.
M. Desmet. - Je ne puis laisser passer sous silence une assertion de M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères. Il a dit que quand l’administration de la sûreté publique avait passé au département de l’intérieur, les bureaux n’y étaient pas organisés ; mais le ministre de la justice n’a jamais dit cela ; et l’augmentation de 3,000 fr. demandée alors n’était que pour augmenter des traitements.
On vient de prendre un arrêté ; quelles en sont les conséquences ? C’est que les premiers et seconds commis voudront devenir chefs de bureau ; les augmentations de traitements sont rapides, et les budgets s’accroissent outre mesure ; les employés ne sont jamais satisfaits ; quand ils ont deux mille francs, ils en veulent trois mille, puis quatre mille ; cependant leur travail exige-t-il les connaissances et les méditations profondes, nécessaires au magistrat, qui, occupé du matin au soit, ne reçoit que deux mille francs ?
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Il n’y a aucune comparaison à faire entre des magistrats et des employés ; le travail de ceux-ci est de beaucoup plus pénible ; et il n’y a aucun chef de division qui ne consentît à occuper une place de magistrat, avec un traitement même moindre.
M. de Brouckere. - Ils ne savent pas ce que c’est que la magistrature !
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Il y a des docteurs en droit dans les ministères ; celui dont je parle l’est depuis 1826 ; beaucoup de ses condisciples occupent de belles positions dans la magistrature amovible ou inamovible. (Bruit, interruption.) Du reste, je ne fais pas de parallèle, je dis qu’il n’y en a pas à faire. Je ne demande pas mieux que d’être dispensé des notices biographiques.
En demandant une augmentation cette année, ce n’est pas à dire que l’on fera des augmentations l’année prochaine ; j’ignore ce qui arrivera en 1838 ; tout ce que je sais c’est qu’il est aujourd’hui impossible de constituer le nouveau département sans l’augmentation demandée. J’ai cherché à démontrer à la chambre qu’il n’avait pas suffi de séparer purement et simplement la division des travaux publics du ministère de l’intérieur, pour en faire un ministère à part ; il est évident que l’on n’a pas pu transférer ce qui appartenait aux services communs, c’est là un fait positif, impossible à détruire.
On m’a rappelé la déclaration faite par mon prédécesseur que, lors de la formation du ministère des travaux publics, aucune affaire ne se trouvait en souffrance au ministère de l’intérieur ; je crois cette déclaration exacte ; cependant je me trouve dans l’impossibilité de vous annoncer qu’aucune affaire ne sera en souffrance au ministère des travaux publics si vous n’augmentez pas le personnel.
On vous a rapportés aux années 1831, 1833 ; mais, messieurs, est-ce que depuis lors les travaux publics n’ont pas singulièrement augmentés ; est-ce qu’ils n’augmentent pas tous les jours ? Les affaires augmentent, comment voulez-vous que le personnel ne doive pas augmenter proportionnellement ?
En demandant 10,000 fr., messieurs, il n’entre pas dans mon intention d’employer immédiatement toute cette somme ; je ferai d’abord l’indispensable, et j’entends par indispensable la nomination des deux employés désignés par la section centrale elle-même ; le complément de l’expédition générale ; la nomination d’un employé chargé du matériel général du ministère. Je compte aussi pouvoir rempli l’engagement pris par mon prédécesseur envers les deux employés nommés chefs de bureau. Je ne me propose donc pas de dépenser légèrement la somme que je demande ; je n’en dépenserai d’abord qu’une partie, et si je suis arrivé à la fin de l’année sans épuiser les 10,000 fr., je ne demande pas mieux.
Messieurs, le ministre et les copistes ne constituent pas un ministère ; il fait, entre les ministre et les copistes, des hommes spéciaux qui étudient les questions ; les affaires instruites, et les questions préparées, elles arrivent au ministre. Le ministre est dans l’impossibilité de faire les travaux par lui-même, d’instruire lui-même les affaires, d’étudier lui-même toutes les questions ; il ne peut que donner les indications, et faire travailler ; c’est là, messieurs, la besogne du ministre, c’est en cela que consiste son intervention dans les bureaux. Il faut donc qu’il y ait entre lui et les copistes des hommes capables, des hommes d’étude, des hommes qui, s’ils avaient suivi toute autre carrière, seraient parvenus à une position tout aussi avantageuse que celle que nous devons pouvoir leur offrir (et en disant ceci, je n’entends établir aucune comparaison entre des carrières qui sont dissemblables).
Je vais dire à la chambre comment on arrive à des économies bien entendues : quand on a dans les ministères des hommes capables alors les affaires sont bien instruites, alors le gouvernement ne s’engage pas facilement dans de mauvaises affaires, dans des affaires où un échec, un procès perdu entraîne des pertes plus considérables que les sommes qui peuvent résulter de toutes les économies qu’on ferait pendant plusieurs années sur le personnel. Il faut donc des hommes de talent et de dévouement ; avec de tels hommes, on fait des économies très grandes.
On a dit que le ministre des travaux publics possède un pouvoir extraordinaire ; messieurs, pour qu’il puisse exercer ce pouvoir avec discernement, des hommes capables lui sont indispensables ; il ne faut donc pas lui refuser de tels hommes, il ne faut pas les exposer à la tentation de quitter le gouvernement pour se placer dans des établissements particuliers.
Ainsi, messieurs, si j’ai proposé un autre principe que le principe de la section centrale, ce n’est pas que je pense qu’il y aura lieu d’augmenter encore les traitements l’année prochaine, par exemple ; c’est seulement parce que j’ai voulu dire à la chambre qu’il faut mettre le gouvernement à même de combattre la tendance qui existe chez les hommes capables, à se placer ailleurs, où ils pourraient être mieux que dans les administrations des divers ministères. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Brouckere. - Je regrette beaucoup que M. le ministre des travaux publics ait établi des comparaisons si malencontreuses…
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Ce n’est pas moi !
M. de Brouckere. - M. le ministre vient de dire des choses tout à fait inexactes ; il a dit qu’il n’y a pas d’hommes capables, qui sont docteurs en droit depuis 1826, qui n’aient des places excellentes, des places de conseillers ; je ne sais pas s’il y a un seul conseiller parmi les docteurs de 1826 ; je crois qu’il ne serait pas nécessaire de sortir de cette chambre pour trouver des hommes très capables qui sont docteurs depuis une époque antérieure à 1826 et qui cependant n’ont pas pu arriver à la cour d’appel. C’est une chose très connue que la magistrature est mal payée, et que par conséquent M. le ministre aurait très bien pu s’abstenir de la comparaison qu’il a faite. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 107,250 fr., demandé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.