(Moniteur belge n°50, du 19 février 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à midi et un quart.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants des communes de Neerhaeren et Reckheim (rive gauche de la Meuse), Meerssen, Bunde et Geulle (rive droite, Limbourg), se plaignent du changement du bac de passage d’eau placé dans la commune de Smeermaes, au lieu de l’être à Bunde. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La dame veuve De Ridder, fermière, et les héritiers de la veuve Storms, en son vivant fermière à Berchem, réclament le paiement de l’indemnité qui leur revient du chef de l’incendie de leur ferme en 1830. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruges adresse des observations sur le projet de loi relatif à cet objet. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à cet objet.
M. van Hoobrouck de Fiennes demande un congé.
- Accordé.
M. Pollénus (pour une motion d’ordre.) - Le rapport de la commission chargée de la vérification des pouvoirs du député élu par le district de Maestricht a été distribué hier ; je ne vois pas de motif pour différer davantage la discussion de ce rapport. Je propose en conséquence de mettre cette discussion à l’ordre du jour de demain. Cette élection a eu lieu le 22 décembre dernier, il faut enfin prendre une décision.
- La chambre consultée met à l’ordre du jour de la prochaine séance la discussion du rapport sur l’élection du district de Maestricht.
M. le président. - Voici comment le bureau a composé la commission chargée d’examiner la proposition de M. Devaux : MM. Desmet, Desmaisières, Demonceau, Liedts, Simons, de Longrée.
Nous passons à l’ordre du jour.
« Art. 1er. Traitement du ministre (transféré du budget des affaires étrangères) : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service :
« Traitement du secrétaire-général : fr. 8,400.
« Traitement des fonctionnaires et employés attachés aux anciennes divisions des ponts et chaussées, de la milice et de la garde civique (transféré du budget de l’intérieur) : fr. 38,000.
« Traitement des fonctionnaires et employés de l’administration centrale des postes et messageries (transféré du budget des finances) : fr. 44,000
« Traitement d’un commis autrefois attaché au secrétariat-général des finances, pour le service des postes (transféré du budget des finances) : fr. 1,000.
« Gens de service autrefois attachés au ministère des finances, pour l’administration centrale des postes (transféré du budget des finances) : fr. 1,850.
« Gens de service et concierge de l’ancien ministère des affaires étrangères (transféré du budget de ce département) : fr. 4,000.
« Ensemble : fr. 97,250. »
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, il n’est demandé qu’une allocation nouvelle, c’est le traitement du secrétaire-général ; le reste consiste en transferts. Je suis forcé de dire à la chambre que le personnel attaché au nouveau ministère des travaux publics est insuffisant. Je crois même qu’il l’était déjà lorsque les travaux publics ne formaient qu’une division du ministère de l’intérieur, Sous ce rapport, j’en appellerai à mon honorable prédécesseur.
Au chapitre VIII, dépenses imprévues, on indique un transfert de dix mille francs du budget de l’intérieur. Mon honorable collègue a consenti à porter ce transfert à 20 mille fr. Je demanderai qu’on partage cette somme de 20 mille francs, qu’on ajoute la moitié au chapitre premier, et qu’on laisse l’autre moitié au chapitre dernier ; l’ensemble du budget ne serait donc pas augmenté ; le chiffre du chapitre premier serait porté à 107,260 fr.
Le service des travaux publics prend tous les jours une telle extension, la correspondance avec les autorités provinciales prend un si grand développement, que le nombre des employés ne suffit plus. Une pièce paraphée par moi aujourd’hui, par exemple, ne me revient de l’expédition que dans deux ou trois jours.
Il y a un secrétaire-général, mais il n’y a pas de secrétariat-général ; il faut au secrétaire général des employés, ces employés manquent.
Tous les orateurs que vous avez entendus hier ont applaudi à la création d’un ministère des travaux publics Je crois qu’il n’est pas hors de propos de vous faire connaître ce que coûtait ce ministère sous l’ancien gouvernement. Vous verrez que la demande que je fais et qui, en définitive, ne changera rien à l’ensemble du budget, est extrêmement modérée.
Avant 1830, le service des travaux publics formait, sous le nom de waterstaat un ministère spécial comme aujourd’hui ; mais ses attributions étaient moins étendues.
Le département dit du waterstaat avait dans ses attributions :
1° Les routes de première classe. Celles de deuxième classe étaient administrées par les provinces au moyen de subsides.
2° Les rivières navigables et quelques canaux qui n’étaient pas cédés aux provinces.
3° Les polders.
En 1837, le ministère des travaux publics a dans ses attributions (pour la partie des travaux publics) :
1° Les routes de première et de deuxième classe ;
2° La concession des routes, canaux, chemins de fer ;
3° Les rivières navigables ;
4° Les polders ;
5° Les mines ;
6° Les bâtiments nationaux ;
7° Les moulins et usines ;
8° Les chemins de fer construits aux frais de l’Etat.
En 1830, l’administration centrale du waterstaat se composait et était payée ainsi qu’il suit :
1 ministre, 20,000 fl.
1 secrétaire-général, 5,000 fl.
1 administrateur, 5,000 fl.
1 référendaire, 3,400 fl.
2 ingénieurs en chef, 6,000 fl.
1 ingénieur-archiviste, 1,800 fl.
6 premiers commis, 10,600 fl.
6 commis-adjoints, 5,200 fl.
6 commis-expéditeurs, 3,600 fl.
8 huissiers-messagers, 8,000 fl.
Total pour le waterstaat, 68,000 fl.
Les mines formaient une administration spéciale :
1 administrateur, 5,000 fl.
1 référendaire, 3,200 fl.
3 commis, 1,000, 800 et 600 fl.
1 archiviste, 750 fl.
3 huissiers-messagers, 2,400 fl.
Ensemble, 13,750 fl.
Les bâtiments civils :
1 surintendant, 6,000 fl.
Les moulins et usines ressortissaient à l’administration dé l’industrie placée sous un administrateur spécial, pour mémoire, 87,000 fl.
Lorsque le siège du gouvernement était à Bruxelles, chaque fonctionnaire ou employé touchait deux tiers en sus de son traitement pour indemnité de déplacement. Ce déplacement n’ayant lieu que tous les deux ans, la dépense n’était donc que d’un tiers en sus ; mais comme tous les employés ne venaient pas à Bruxelles, on peut l’évaluer à 1/6, 14,625 fl.
Total de ce que coûtait l’administration centrale, 102,375 fl. ou 216,665 fr.
Au montant de ces traitements, il faut ajouter celui des loyers. Aujourd’hui, la division du ministère des travaux publics, qui réunit les diverses branches de service du waterstaat, des mines, des bâtiments civils, des chemins de fer, des moulins et usines, se compose et coûte :
1 chef de division, 6,300 fr.
3 premiers commis, ou chefs de bureau, 10,600 fr.
7 commis et expéditionnaires, 8,740 fr.
1 huissier, 900 fr.
Total, 26,540 fr.
Il faut y ajouter 5 commis payés sur le chemin de fer, 7,700 fr.
Ensemble, 31,240 fr.
Le ministre des travaux publics et le secrétaire-général ayant dans leurs attributions d’autres services, il faudrait répartir leurs traitements dans la proportion des dépenses de chacune de ces branches.
Vous voyez qu’il n’y a aucune comparaison à faire entre l’ancien département du waterstaat et le ministère des travaux publics d’aujourd’hui. Sans doute, il faut tenir compte de ce qui n’est plus ; par exemple, l’administration des polders n’a plus la même étendue ; le royaume des Pays-Bas n’existe plus en entier : aussi je ne demande ni la moitié, ni les deux tiers du montant des anciennes allocations : cependant d’autres faits pourraient être pris en considération ; on ne connaissait pas alors les chemins de fer, et les demandes de concessions étaient bien moins nombreuses. Ce que je demande est que le cinquième de ce que coûtait précédemment l’ensemble des mêmes services.
Je me résume : je renonce, au chapitre VIII, à demander la totalité du transfert que m’a accordé le ministre de l’intérieur ; par compensation, je demande une augmentation au chapitre premier.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics demande une augmentation de 10,000 fr.
M. de Brouckere. - Le traitement du secrétaire-général est-il compris dans ces 10,000 fr.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Non !
M. de Brouckere. - C’est donc une augmentation de 18,400 fr.
M. Legrelle. - Messieurs, j’ai applaudi à la séparation du ministère des travaux publics, mais je ne désire pas que cette séparation devienne une nouvelle source de dépenses pour le pays. C’est cependant ce qu’on veut faire aujourd’hui. En effet, le ministre des travaux publics, sous prétexte que ce service a pris de l’extension, vient nous demander une augmentation de 18,000 et des francs.
M. le ministre vient de nous parler de l’augmentation de travail qui résulte la construction d’un chemin de fer. A moins que je ne me trompe, les dépenses occasionnées par le chemin de fer sont déduites des produits de l’exploitation. Ainsi ces dépenses ne figurent pas ici ; elles figureront plus tard au budget, j’espère, car la comptabilité actuelle ne peut être considérée que comme provisoire. Pour le moment, on ne peut donc présenter le service du chemin de fer comme nécessitant une augmentation au budget, puisque ces dépenses sont prises sur les recettes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Et l’administration centrale !
M. Legrelle. - Il est possible que la construction du chemin de fer donné quelque travail à quelques employés de l’administration centrale ; mais d’un autre côté, par suite de la construction du chemin de fer, on n’a plus besoin d’exercer une aussi grande surveillance sur d’autres routes qui sont maintenant moins fréquentées. Il y a là une espèce de compensation ; je ne vois donc pas de motif suffisant pour accorder l’augmentation qu’on nous demande. Nous devons rester dans les limites des crédits déjà votés.
Je consentirai à accorder le traitement du secrétaire-général ; mais, pour l’augmentation de 10,000, j’engagerai M. le ministre à l’ajourner jusqu’au moment où les travaux du chemin de fer tireront à leur fin, parce qu’il aura alors un excédant de personnel dont il ne saura que faire et qui lui restera sur les bras si, dès aujourd’hui, il augmente le personne de son administration lorsqu’il n’y a pas nécessité absolue. Il vaut mieux marcher avec discrétion. Je demande donc que la proposition que vient d’improviser M. le ministre des travaux publics subisse l’examen de la section centrale avant d’être soumise au vote de la chambre.
Faites attention que si vous votez aujourd’hui cette augmentation, ce sera fini, vous devrez la voter chaque année. M. le ministre a eu tort d’invoquer à l’appui de sa demande ce qui se passait sous le gouvernement précédent, car le pays entier s’est soulevé contre les dilapidations qui se commettaient, et les nombreuses sinécures qui existaient alors ont été une des causes de notre régénération politique.
Je conseille à M. le ministre de ne pas suivre cette voie erronée, et de rester dans les limites d’une sage économie, qui est dans l’intention de la chambre et de tous ses membres en particulier.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si mon honorable collègue a parlé des dépenses pour les travaux publics sous le gouvernement précédent, il n’a pas dit qu’il prenait ce gouvernement par exemple ; loin de là, et sa demande le prouve suffisamment, puisqu’elle est infiniment au-dessous de la dépense faite à cette époque. Mais il faut remettre la question sur son terrain, et l’envisager sous son véritable point de vue. Il est clair que la création d’un ministère des travaux publics exige un secrétaire-général ; cela est hors de toute discussion ; ainsi, il reste à savoir s’il y a lieu à accorder 10,000 fr. de plus pour les employés des travaux publics ; je pense que cette augmentation a été bien justifiée. Il faut considérer que la besogne augmente d’année en année aux travaux publics : par exemple, l’emprunt de six millions a fait naître beaucoup de projets, non seulement de la part du gouvernement, mais de la part des provinces ; tous ces projets doivent être contrôlés à l’administration centrale.
D’autre part le nombre des demandes en concession est vraiment extraordinaire. Toutes doivent être instruites convenablement et avec célérité. Dès lors il est hors de doute qu’en mettant l’administration des travaux publics plus à l’aise, elle accélèrera des travaux si utiles, résultat que vous voulez obtenir.
M. Dumortier. - Dans le budget du ministère des travaux publics, on remarque plusieurs irrégularités. D’abord, on devrait tenir compte du personnel qui est au chemin de fer ; mais voici la plus grande irrégularité que l’on puisse signaler. Vous avez admis que dans tous les budgets les dépenses doivent figurer au budget spécial des dépenses, et les recettes au budget général des recettes ; c’est là un principe sacramental. Le mettre en oubli, ce serait rendre impossible la liquidation des comptes des divers exercices ; et vous savez de combien d’accusations le gouvernement de Guillaume a été l’objet pour l’avoir méconnu, à dessein probablement. Je demande donc comment il se fait que nous ne voyions pas figurer au budget des travaux publics les dépenses relatives à la confection du chemin de fer ? Je voudrais même voir à ce budget le personnel attaché à l’administration du chemin de fer, soit qu’ils fassent partie de l’administration centrale, soient qu’ils soient disséminés sur les routes. Je comprends que la première année on n’ait pas procédé de cette manière ; il n’y avait, pour ainsi dire, alors qu’une administration embryonnée, et on pouvait passer par-dessus. Mais actuellement il doit en être autrement, et les employés du chemin de fer doivent figurer au budget : la dépense qu’ils occasionnent est permanente. Je demande donc l’insertion au budget, et des dépenses qu’occasionne la construction du chemin de fer, et des dépenses occasionnées par les employés à ce chemin.
M. le président. - M. Verdussen a déposé un amendement tendant à insérer dans le budget des dépenses qui n’y sont pas mentionnées.
M. Dumortier. - Mais il ne s’agit pas de dépenses dont je parle, et qui sont relatives au capital employé en constructions ; il faut que nous puissions mettre nos dépenses en regard de nos recettes ; je ne comprends pas la comptabilité qu’on veut suivre, et cependant je comprends un peu la comptabilité quand elle est régulière.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dumortier veut que l’on porte un crédit au budget du ministère des travaux publics pour les travaux de construction du chemin de fer ; mais le crédit nécessaire a été voté par deux lois spéciales en 1834 et en 1836.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je ferai d’abord remarquer que la question soulevée par l’honorable M. Dumortier reviendra quand on discutera l’amendement de M. Verdussen. Je ne demande au budget de mon ministère que les sommes nécessaires pour les employés de l’administration centrale. Du reste, je m’expliquerai plus tard en détail relativement à la demande de l’honorable membre ; il s’agit maintenant de l’administration centrale. On a allégué que des employés spéciaux, payés sur les fonds du chemin de fer, se trouvaient à l’administration centrale, chargés de traiter les questions que font naître les travaux du chemin de fer ; voici ce qu’il y a de vrai dans cette allégation : On a détaché des bureaux du chemin de fer plusieurs employés, pour une somme de 7,700 fr., afin de venir en aide, quant aux écritures, aux employés de l’administration centrale. Ces employés ne sont en quelque sorte qu’adjoints ; si la besogne dont ils sont chargés venait à diminuer ou à cesser, comme ils ne sont nommés que provisoirement, ils n’auraient pas de titres pour être maintenus à l’administration centrale. Toutes les affaires de comptabilité, toutes les questions contentieuses que soulève le chemin de fer, se traitent pas des employés supérieurs du ministère des travaux publics ; un chef de bureau est chargé de toutes les questions qui se rattachent au chemin de fer, des demandes en concessions de chemins de fer, des mines, des canaux et de polders. C’est beaucoup, c’est peut-être trop.
Il y a un autre chef de bureau chargé des routes, tant des routes de l’Etat, que des routes provinciales. Je crois qu’il n’y a aucun ministère où tant d’affaires difficiles se trouvent accumulées sur un aussi petit nombre d’employés supérieurs.
En ce moment, je le répète, tout ce qui concerne le chemin de fer est traité par le personnel de mon ministère, sauf quelques commis temporairement adjoints ; je prendrai même l’engagement envers la chambre de ne plus adjoindre à l’administration centrale d’autres employés du chemin de fer.
M. Dumortier. - Je veux faire observer que la question que j’ai soulevée était relative non seulement aux employés du ministère, mais encore aux employés du chemin de fer.
Quant à ce qu’a dit M. d’Huart, que déjà on a voté des fonds par la loi de l’emprunt de 30 millions, je lui répondrai que je sais aussi bien que lui que nous avons voté la loi sur l’emprunt de 30 millions. Mais cela n’empêche pas de porter les dépenses au budget des dépenses. Une loi a fixé la liste civile pour la durée du règne. La constitution a réglé la quotité de l’indemnité des membres de la chambre. Les traitements des membres des tribunaux sont réglés par une loi. Vous devez néanmoins porter toutes ces dépenses au budget des dépenses. Il doit en être ainsi pour les dépenses du chemin de fer. Sans cela, lorsque vous arrêterez les comptes, vous ne pourrez vous retrouver ; car les dépenses auront été faites en 1834, 1835, 1836, 1837, 1838, 1839 et 1840, et il vous faudra régler les comptes de 8 exercices pour régler le compte du crédit du chemin de fer.
Je ferai remarquer qu’en Belgique la durée des exercices n’est que de trois années. Quand l’exercice sera clos, le ministre ne pourra plus imputer aucune dépense sur les fonds du chemin de fer, attendu que la loi aura perdu ses effets. De manière que dans tous les systèmes, dans toutes les hypothèses, il faut rentrer dans le système de régularité.
Comment ! vous portez au budget des dépenses pour ordre que nous ne connaissons pas, témoin les dépenses des cautionnements, et vous ne porteriez pas au budget les dépenses du chemin de fer.
Songez que vous devez porter au budget des recettes tout ce qui est recette, et que vous devez porter au budget des dépenses tout ce qui est dépense.
M. Verdussen. - Je suis d’accord avec l’honorable préopinant quant au principe. J’ai été dans le cas de déclarer à cet égard mon opinion, quand on a discuté le budget des voies et moyens. J’ai dit alors qu’il fallait porter au budget des voies et moyens non seulement le produit brut du chemin de fer, mais encore les sommes capitales affectées à la construction de la route, d’après la loi de 1834.
Mais je crois que la chambre n’ayant pas eu égard à cette observation, il serait intempestif de s’en occuper maintenant.
Si vous aviez porté au budget des voies et moyens la somme de 27,600,000 fr., produit de l’emprunt de 30 millions négocié à 92, il me paraîtrait naturel de porter au budget des dépenses l’emploi de cette somme.
Je n’ai pas insisté dans la discussion du budget des voies et moyens, parce que les dépenses devaient être réparties sur plusieurs exercices, sans que l’on pût apprécier par avance la somme à affecter à chaque exercice.
Maintenant que la question est renouvelée immédiatement, la chambre ne doit pas ce me semble s’y arrêter. On examinera, si l’on veut, ces observations lors du vote de l’emprunt dont a parlé M. de Puydt, ou de tout autre emprunt, comme de celui dont a parlé M. le ministre de l'intérieur, pour la continuation du chemin de fer vers la France.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable député de Tournay a soumis, il y a deux ans, à la chambre la proposition qu’il lui soumet en ce moment. Elle a été résolue négativement par la raison qu’il est impossible de déterminer quelles dépenses doivent être faites chaque année pour le chemin de fer. En effet cela est impossible à déterminer. Les ingénieurs ne peuvent le faire même approximativement.
Cependant la partie de l’emprunt affectée aux travaux du chemin de fer ne peut être dépassée par le gouvernement. Il y doue des garanties dans la loi du chemin de fer.
La même considération nous a empêchés de porter au budget des dépenses les dépenses d’entretien et d’exploitation du chemin de fer. Jusqu’ici il a été impossible de déterminer d’avance d’une manière satisfaisante les sommes à dépenser. Dès lors il n’y avait aucun avantage à spécifier les dépenses dans les budgets ordinaires.
Je dirai quelques mots en faveur de l’allocation de 10,000 fr. Il est à remarquer que cette somme n’est pas nécessaire seulement pour des employés nouveaux, mais encore pour améliorer le sort des employés anciens.
Ainsi le chef de bureau dont on a énuméré les attributions, qui a fait d’excellentes études en droit et qui est depuis 10 ans dans l’administration, n’a qu’un traitement de 3,200 fr. Vous concevez que journellement il a l’occasion de se placer d’une manière plus avantageuse. C’est par attachement pour l’administration et par l’espoir fondé de voir son sort s’améliorer qu’il a consenti à rester à de telles conditions. Quant à moi j’avais déjà résolu de porter son traitement à 5,000 fr., parce qu’il a demandé la place de secrétaire du conseil des mines à laquelle est attribuée un traitement de 5,000 fr. ; et certes cet avocat qui s’occupe depuis longtemps de ces matières était le premier en titre pour obtenir cet emploi. C’est donc dans l’intérêt de l’administration que j’avais promis cette augmentation.
Un autre employé qui a 20 ans de service, et qui est chargé de tous les travaux des routes ordinaires, n’a que 3,200 fr. de traitement.
Toutes les sociétés financières accordent des traitements considérables à leurs employés. Aussi plusieurs employés ont-ils quitté le ministère, par suite de l’impossibilité où l’on était de fixer convenablement leur sort. Force est donc au gouvernement et aux chambres d’accorder des traitements suffisants aux employés sous peine de voir dépérir l’administration, ; car si les employés qui sont depuis longtemps à l’administration, et qui ont fait une étude spéciale de l’objet de leurs travaux, quittent le ministère, on ne pourra les remplacer que par des employés novices et par des employés en plus grand nombre qui, n’ayant pas la même expérience, prendront plus de temps pour traiter les mêmes matières et pour les traiter moins bien.
Sous ce rapport je n’hésite pas à dire que la majoration est indispensable, si l’on veut définitivement attacher ces employés à l’administration centrale.
M. Pirmez. - On a déjà dit ce que je voulais dire quant à la comptabilité. Mais je ferai une remarque. Lorsqu’on a vu les ministères des affaires étrangères et de l’intérieur réunis sur une même tête, les moins clairvoyants ont vu que l’on voulait arriver à la création d’un sixième ministère.
Je fais cette remarque à propos des allocations dont il s’agit, et qui vous amènent d’une manière détournée à la formation d’un sixième ministère. Pourquoi alors ne le demandait-on pas franchement ? Si vous créez un sixième secrétaire-général et tous les autres employés, il ne manquera plus que le ministère. Il valait mieux dire franchement que vous vouliez un sixième ministère ; la chambre aurait examiné si elle y consentait ou non.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je trouve qu’il est assez inutile de répondre aux dernières observations du préopinant. Le ministère a suffisamment prouvé que, dans son opinion, il n’est pas question de nommer un sixième ministre, et si M. Pirmez avait bien voulu tenir compte de la discussion récente, si mémorable qui a eu lieu à propos de certain vote du budget des affaires étrangères, il aurait pu s’épargner la réflexion qu’il vient de présenter à la chambre.
Nous avons, du reste, déclaré alors, messieurs, que si nous reconnaissions un jour la nécessité d’un sixième ministre, nous n’hésiterions pas à le dire franchement ni à demander les fonds nécessaires. Nous repoussons donc le reproche gratuit de défaut de franchise qui nous est adressé en ce moment.
Je reviens à la question de comptabilité, objet de la discussion.
Vous vous rappelez que la loi du 1er mai 1834 a mis à la disposition du gouvernement, pour commencer la construction du chemin de fer, 10 millions de fr. en bons du trésor, somme qui devait être remboursée au trésor au moyen d’un emprunt à contracter ultérieurement.
L’article 6 de cette loi porte :
« Avant le 1er juillet 1835 et d’année en année, jusqu’au parfait achèvement des travaux, il sera rendu un compte détaillé aux chambres de toutes les opérations autorisées par la présente loi. »
C’est-à-dire le compte de la comptabilité et de toutes les opérations relatives à la construction du chemin de fer.
Par la loi du 19 juin 1836, on a exécuté les stipulations de celle du 1er mai 1834, en ce qui concerne le remboursement des 10 millions de bons du trésor avancés pour le chemin de fer. En effet, l’art. 3 de la loi du 18 juin 1836 porte :
« Art. 3. Le capital effectif provenant de la négociation de l’emprunt, autorisé par l’art. 1er ci-dessus, sera spécialement affecté :
« 1° Au remboursement successif des bons du trésor émis pour la construction du chemin de fer, en vertu de la loi du 1er mai 1834. »
(Or, comme les 10 millions de bons du trésor avaient été entièrement émis, voilà 10 millions de l’emprunt affecté au remboursement.)
« 2° Au remboursement, à échéance, des 1,490,000 fr. de bons du trésor, émis par suite de la transaction approuvée par la loi du 26 septembre 1835, relative à la rétrocession de la Sambre canalisée, et au paiement du million de francs tenus en réserve, en exécution de l’art. 10 de ladite transaction. »
« Et 3° jusqu’au complément dudit capital, à la construction de routes nouvelles, pavées et ferrées, conformément à la loi du 2 mai 1836 et à la continuation de l’exécution du chemin de fer, décrété par la loi du 1er mai 1834, dans la proportion des besoins respectifs de ces travaux. »
Or, il vous a été donné connaissance, par la situation du trésor que j’ai déposée sur le bureau le 1er novembre dernier, de l’état des fonds affectés, dans le produit de l’emprunt, à la construction du chemin de fer. Outre les 10 millions de bons en réserve, remboursés, 8,810,000 fr. seront attribués à ces travaux, sauf toutefois ce qui en a déjà été dépensé ; car en ce moment il reste disponible pour 1837 à peu près six millions. Somme qui suffira, pensons-nous, pour cette année.
Ainsi, messieurs, tout ce que M. Dumortier voudrait voir adopter par la chambre, serait de faire ouvrir au budget des travaux publics un crédit de 8,810,000 fr., et vous voyez que cela est complètement inutile, puisque par une loi spéciale ce crédit a été ouvert avec celui de 10,000 fr. qui était destiné au remboursement des bons du trésor émis primitivement pour commencer la construction des chemins de fer. Nous pouvons donc dépenser actuellement au-delà du crédit ouvert par la loi du 19 juin 1836 à l’objet auquel il a été consacré par cette loi, et vous trouvez là, messieurs, toutes les garanties désirables.
M. Desmet. - Je ne suis pas dans le secret de la dernière combinaison ministérielle, mais je crois cependant qu’il y a quelque chose de vrai dans ce qu’a dit l’honorable M. Pirmez ; vous savez, messieurs, qu’il se commet toujours des indiscrétions dans ces sortes d’affaires ; eh bien, je crois qu’il y a grande apparence de créer un sixième ministère ; quant à moi, je ne désire pas une semblable création, je désire au contraire qu’il n’y ait que cinq ministères mais j’aurais voulu qu’on conservât un ministère des affaires étrangères, et qu’on déchargeât par ce moyen le ministère de l’intérieur d’une partie de ses attributions qui étaient trop nombreuses, ce qui aurait été très facile. C’est ce que la chambre et la chambre entière a toujours demandé ; je crois que l’administration y aurait beaucoup gagné si le ministère eût voulu écouter les vœux de la chambre, et qu’au lieu d’exécuter cette malencontreuse combinaison ministérielle du 15 janvier, on eût conservé le ministère des affaires étrangères et y ajouter le commerce et l’industrie.
Quant à la construction du chemin de fer, tout le monde a critiqué qu’une somme aussi forte que celle qui est consacrée à cet objet ne figure pas au budget ; c’est véritablement contre la constitution ; mais ce qui m’étonne aussi davantage, c’est d’avoir entendu M. le ministre de l’intérieur dire qu’il ne connaît pas les sommes nécessaires pendant un an pour les besoins du chemin de fer : cela prouve, me semble-t-il, qu’il y a un grand désordre dans l’administration du chemin de fer.
Je pourrais effectivement signaler une quantité d’abus qui se commettent dans cette administration ; mais je ne veux pas le faire ici. Si M. le ministre le désire, je les lui ferai connaître.
Quelques membres. - Il faut les signaler.
M. Desmet. - Je ne veux pas les signaler dans cette enceinte, mais je les ferai connaître à M. le ministre.
On dépense 30 millions sans qu’on nous donne aucune garantie à cet égard ; quand il s’agit de dépenser deux ou trois cents francs pour faire un pont, il faut que toute la direction des ponts et chaussées soit consultée, et ici tout dépend de deux individus sans contrôle.
Ces considérations, messieurs, me détermineront à voter contre le budget si la dépense relative au chemin de fer n’y est pas portée, car l’état de choses actuel est un véritable scandale, et je voterai encore contre, si le ministre nous donne l’assurance que tout ce qui concerne le travaux des chemins de fer ne sera pas mis dans les attributions de toute la direction des ponts et chaussées, car je ne puis assez rappeler que c’est un scandale de laisser des travaux si importants et si coûteux sous la direction de deux simples ingénieurs et sans aucune surveillance ni contrôle.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Si l’honorable préopinant connaît des abus, il m’obligera en m’en faisant part ; mais je vous avoue qu’après l’annonce qu’il vient de faire en public, presque autant vaudrait les signaler ici ; il pouvait me faire cette communication sans instruire le public de cette démarche officieuse : il me peine de le dire ; mais des annonces de ce genre doive décourager ceux qui sont presque devenus des hommes indispensables, doivent décourager des hommes que nous envient beaucoup de sociétés particulières. Si donc l’exemple qui vient d’être donné par l’honorable préopinant était suivi, si l’on jetait ainsi dans le découragement les auxiliaires de mon département, et si ceux-ci venaient à m’abandonner, la responsabilité de cet abandon ne devrait pas retomber sur moi.
Je dois l’avouer, le ministère est en retard de fournir à la chambre le rapport sur la situation des dépenses, qui est prescrit par la loi du 1er mai 1834 : ce rapport je l’ai reçu en partie hier : il sera très volumineux : ce sera, j’ose le dire, un véritable document historique. Il sera complet, je l’espère, avant dix jours. Il sera aussitôt livré à l’impression. Je dois aussi proposer à la chambre la prorogation de la loi sur la perception des péages du chemin de fer ; vous aurez alors l’occasion de renouveler la discussion qui vient de s’élever ; vous avez une garantie contre moi, vous pourrez me refuser la loi sur la perception du péage, loi qui expire au premier juillet ; vous pouvez donc avec certitude compter sur le rapport.
Ce travail que je vous annoncer, à en juger d’après la partie que j’ai vue, sera extrêmement important ; c’est un vaste compte-rendu ; il remonte jusqu’aux premiers jours du commencement des travaux ; il embrasse tous les détails de l’exécution, de l’exploitation, de la police et de l’entretien.
Ainsi je prie la chambre de ne rien précipiter, mais d’attendre le document que je déposerai sur le bureau ; d’ici là je connaîtrai mieux les hommes et les choses, et je serai plus sûr de moi-même.
M. Dubus (aîné). - Relativement à l’interpellation qui a été faite par un honorable député du Hainaut sur la création probable, selon lui, d’un sixième ministère, je dirai que la discussion du budget des affaires étrangères, et le refus fait par le ministère d’un traitement pour le ministre des affaires étrangères, que certains membres de cette assemblée voulaient maintenir au budget, m’ont convaincu qu’il n’est nullement question de la création d’un sixième ministère, car la conduite que les ministres ont tenue dans cette occasion, n’est pas du tout conciliable avec la pensée secrète de créer un sixième ministère, au moins dans le cours de cet exercice.
Quant au regret qu’un autre député a témoigné de ce qu’il appelle la suppression du ministère des affaires étrangères, je dirai que, dans l’état actuel des choses, je ne partage pas ce regret, pas plus que la crainte de voir créer un sixième ministère ; je pense que les choses sont très bien comme elles se trouvent maintenant.
Je dirai un mot de la question de comptabilité qui a été soulevée ; il me semble que le mode qui est suivi aujourd’hui est contraire à la constitution. On a beau dire que le mode actuellement suivi offre des garanties suffisantes ; ni les ministres, ni nous-mêmes n’avons le droit de nous mettre à côté de la constitution ; lorsque la constitution a parlé, nous n’avons plus qu’à obéir ; or, messieurs, que porte l’art. 115 de la constitution ?
« Chaque année les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget.
« Toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent être portées dans les comptes. »
Vous voyez donc, messieurs, qu’aucune dépense, qu’aucune, sans exception, ne peut échapper au budget, au budget qui se fait chaque année. Prétendrait-on, en présence d’une pareille disposition, qu’on peut faire un budget spécial pour le chemin de fer, et un budget applicable à plusieurs années ? Cela est en opposition manifeste avec l’article de la constitution que je viens de citer ; vous devez comprendre toutes les dépenses et toutes les recettes du chemin de fer dans le budget général que vous votez chaque année, vous êtes liés à cet égard par le pouvoir constituant.
Peu importe donc si une loi de 1834, si une autre loi de 1836, a réglé le point dont il s’agit ; nous faisons des lois spéciales pour beaucoup d’objets ; tous les impôts, par exemple, sont réglés par des lois spéciales ; cela ne nous empêche pas de les comprendre dans le budget annuel de l’Etat. Nous devons en faire de même pour ce qui concerne le chemin de fer.
Cette question, messieurs, n’est pas étrangère à l’article qui nous occupe, car il paraît qu’une partie des dépenses de l’administration centrale sont imputées sur la recette du chemin de fer sans qu’elles figurent au budget ; c’est là un abus réel, c’est faire un budget en dehors du budget, c’est violer d’une manière ouverte et patente l’art. 115 de la constitution.
Il ne s’agit ici ni de confiance au ministère, ni d’opposition contre le ministère ; il s’agit de quelque chose de plus fort que toutes les questions ministérielles ; il s’agit d’une question de constitution et l’hommage que nous devons rendre à la constitution doit l’emporter sur toutes les considérations.,
Une autre question a été soulevée, messieurs, c’est celle d’une augmentation de 10,000 fr. ; dans l’état actuel de la discussion, il m’est impossible de voter cette augmentation ; à mes yeux, la nécessité n’en est pas démontrée, et je ne veux voter aucune augmentation sans que la nécessité en soit établie ; cependant je n’aimerais pas non plus rejeter la somme qu’on nous demande, sans un examen préalable. Il s’agit d’augmenter le nombre des employés ainsi que le traitement d’employés existants.
Mais, messieurs, jamais la chambre n’a décidé une question de cette nature qu’après qu’elle eût été examinée par la section centrale, et ce qui doit nous déterminer d’autant plus à ne pas voter le chiffre dont il s’agit, sans examen préalable, c’est que quand le ministre de l’intérieur a dressé son budget, il n’a pas connu la nécessité d’une augmentation de 10,000 fr. ; il y a plus, quand M. le ministre des travaux publics, de concert avec son collègue de l’intérieur, a formé, il n’y a pas encore dix jours, le tableau que nous discutons en ce moment, la nécessité de cette augmentation n’a pas encore été reconnue ; il n’y a que depuis très peu de jours qu’elle s’est fait sentir ; or, la conviction d’une semblable nécessité, on doit nous la faire partager autrement que dans une discussion improvisée ; une semblable question demande à être plus mûrement examinée. J’appuie donc la proposition de l’honorable député d’Anvers, de renvoyer l’amendement à la section centrale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je consens à ce renvoi.
M. Dumortier. - Je demanderai que la section centrale veuille bien examiner, en même temps, la question qui a été soulevée par l’honorable M. Legrelle et par moi, de savoir s’il ne convient pas de porter au budget toutes les dépenses et toutes les recettes du chemin de fer.
M. Rogier. - Si l’article est renvoyé à la section centrale, je n’ai rien à dire pour le moment. J’avais demandé la parole pour appuyer l’augmentation qui me paraît nécessaire. J’attendrai que la section centrale ait fait son rapport.
M. Lebeau. - Messieurs, la discussion me paraît presqu’épuisée par l’adhésion de ministre des travaux publics au renvoi de l’article à la section centrale.
Ce procédé me semble, en effet, le plus sage. Je suis pénétré, quant à moi, de l’importance que prennent les travaux publics, et je suis persuadé que, si la séparation opérée récemment ne doit pas rester inefficace, il faut que le nouveau ministre soit en mesure de suffire, avec un personnel convenable, à l’extension, non seulement des travaux publics exécutés par le gouvernement, mais encore des travaux entrepris par des particuliers. Ces derniers travaux établissent nécessairement entre le ministère et les particuliers des relations nombreuses, à l’égard desquelles même des reproches de lenteur se sont élevés dans cette enceinte.
Je ne suis pas tout à fait de l’avis de M. Dumortier, lorsqu’il recommande à la section centrale d’examiner la question soulevée par MM. Verdussen et Legrelle ; mon intention, messieurs, n’est pas de me livrer à l’examen de la question ; je ne crois pas que nous puissions nous en occuper cette année ; je crois qu’il y a une fin de non recevoir très naturelle, tirée de la jurisprudence de la chambre, relativement au budget des voies et moyens.
Si, en effet, l’on portait dans le budget des dépenses celles qui concernent la construction du chemin de fer, en exécution de la loi du 1er mai 1834, ou devrait aussi faire figurer, dans les voies et moyens, les produits de l’emprunt des trente millions affectés aux mêmes chemins et à la construction d’autres routes pour lesquelles vous avez voté six millions ; dés lors vous établiriez un déficit entre le budget des voies et moyens et celui des dépenses. Il faudrait donc, pour rétablir l’équilibre porté au budget des voies et moyens, le prélèvement probable à faire dans le courant de l’année sur chacun des emprunts votés pour les travaux du chemin de fer et pour la construction d’autres routes.
Je ne pense pas, messieurs, que l’on puisse admettre le système de comptabilité qui a été mis en avant par deux honorables membres, mais la discussion de ce système serait en ce moment prématurée et trouvera naturellement sa place dans la discussion des budgets de 1838.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai encore deux mots sur la question de comptabilité, parce que M. Dubus lui a donné une certaine gravité en la rattachant aux dispositions qui concernent les finances.
Je prierai la chambre de remarquer que nous avons une quantité de lois spéciales qui ouvrent des crédits aux divers départements ministériels, et que l’on n’a jamais considéré comme inconstitutionnelle l’ouverture de ces crédits.
C’est ainsi, par exemple, qu’une loi spéciale a mis il y a quelques jours à la disposition du gouvernement une somme de 315,000 francs pour l’achat de la bibliothèque Van Hulthem ; je pourrais en citer une foule d’autres.
On a parlé, messieurs, de lois de principe qui déterminent le taux de certains appointements, et l’on a dit que cependant le budget portait chaque année l’application de ces lois. Mais, messieurs, il y a ici une différence notable : ces lois consacrent un principe de dépenses dont chaque année le renouvellement plus ou moins étendu est remis en question, tandis qu’ici c’est une dépense, une fois faite, une dépense votée dans une limite déterminée.
Si les lois qui ouvrent des crédits spéciaux aux départements ministériels pouvaient être considérées comme inconstitutionnelles, l’administration se trouverait entravée : c’est ce que ne voudrait certainement pas l’honorable M. Dubus.
Dans la question toute spéciale qui nous occupe, je dirai avec l’honorable M. Lebeau que si l’on voulait faire figurer au budget des dépenses les frais de construction du chemin de fer, il faudrait porter dans ce budget des recettes la partie de l’emprunt des 30 millions affectée à cette construction, et cela pour rétablir l’équilibre.
Je crois en conséquence que nous devons en finir avec cette discussion. Prétendre, messieurs, qu’il faut porter au budget les dépenses de construction du chemin de fer (je n’entends pas parler des dépenses du personnel), ce serait remettre en question la loi qui a décrété la création de ce chemin et la loi de l’emprunt des 30 millions, ce serait donner aux chambres la faculté de supprimer ces lois ce qui sans doute ne peut entrer dans l’intention de personne.
M. Dumortier. - Il y a deux questions qu’il importe de ne pas confondre. La première concerne les dépenses et les recettes proprement dites du chemin de fer, la seconde est relative à la construction du chemin de fer lui-même.
Quant à la première partie, il est incontestable, messieurs, que puisque vous avez porté au budget des voies et moyens les recettes du chemin de fer, vous pouvez et devez porter les dépenses du personnel dans le budget des dépenses : tel est l’objet de ma proposition. Il est hors de doute que les observations de M. Lebeau ne peuvent s’appliquer à ce point.
J’arrive maintenant à la deuxième question. Ici, messieurs, l’on vient vous dire que de même que vous votez des lois spéciales, de même vous pouvez vous en référer à la loi générale du chemin de fer. Je répondrai que les lois spéciales que nous votons sont des lois annuelles et des annexes du budget, tandis que la loi générale du chemin de fer doit s’appliquer à plusieurs exercices et n’est pas une annexe du budget, de façon qu’il faut nécessairement des lois qui régularisent définitivement la dépense et qui appliquent au budget de chaque année la partie de la somme qui a été votée in globo.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la question qui s’agite en ce moment a déjà été résolue, il y a deux ans, à une forte majorité ; et en effet, je pense que la résolution de la chambre était tout à fait fondée.
Qu’est-ce qui s’est passé lorsqu’on a voté la loi du chemin de fer le 1er mai 1834 ? L’on a alors ouvert un crédit de 10 millions, à couvrir au moyen de l’émission de bons du trésor, et l’on a en même temps affecté la recette de cet emprunt à la confection d’un chemin de fer, de manière que c’est une affaire consommée qui se rattache à l’exercice 1834.
L’on dernier, l’on a voté un nouvel emprunt pour être appliqué également aux travaux du chemin de fer ; l’on a donc de ce chef une nouvelle recette et une nouvelle dépense qui se rapportent à l’année 1836.
En procédant ainsi, on ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels invoqués par M. Dubus.
Veuillez remarquer, messieurs, qu’il y a une différence énorme entre un crédit dont la destination spéciale ne serait pas déterminée dans la loi, et un crédit dont la loi a clairement prescrit la spécialité.
D’ailleurs, il existe à cet égard des précédents ; l’on a, par exemple, voté des sommes pour des travaux publics qui ne pouvaient certainement pas être achevés dans la même année ; l’imputation de ces sommes peut se faire pendant trois années. Et en effet, il est une impossibilité de fait à déterminer d’une manière rigoureusement exacte la dépense qui doit être faite annuellement. Il n’est pas un seul ingénieur qui soit capable d’établir d’avance, et au juste, la dépense que le chemin de fer entraînera pendant une année.
De cette manière, l’on justifie en fait et en droit les résolutions du pouvoir législatif.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, je dirai un mot pour répondre à M. le ministre des finances qui me paraît n’avoir pas bien compris la force de l’objection que j’avais faite, lorsqu’il m’avait opposé les lois spéciales par lesquelles nous votons, dans le cours de l’année, certaines dépenses particulières. .
J’ai voulu dire que les lois spéciales font partie du budget de l’année, et que cela revient à ce que nous faisons chaque année, à voter le budget en plusieurs années : mais ces lois n’ont que la durée d’une année, comme toute loi du budget, tandis qu’ici il s’agit d’une loi qui aurait, prétend-on, établi le budget du chemin de fer, et l’aurait établi en une seule ligne de chiffre, pour 5, 6 ou 10 ans. Il y a déjà, messieurs, trois ans que la loi est votée, et je crois que si les travaux se continuent, jusqu’à leur achèvement, de la manière dont ils ont été suivis jusqu’ici, il pourra bien s’écouler 6, 8 ou 10 ans, avant qu’ils soient terminés. Mais que le terme ne soit même que de 5 ans, il n’en est pas moins vrai, puisqu’on a voté un emprunt pour être affecté à certains travaux publics, que l’on considérerait cette loi d’emprunt comme une espèce de budget de cinq ans, en dépit de la constitution, qui veut que le budget soit voté chaque année.
Messieurs, je ne pourrais jamais donner mon assentiment à un pareil système qui est en opposition manifeste avec la lettre et l’esprit de la constitution. De la manière dont on me dit que les choses se passent, non seulement l’article 115, mais l’article 116 est manifestement violé. Prenez, si vous voulez, cette loi de 1835 et les autres lois dont l’effet se perpétue aujourd’hui, quoique nous ayons voté le budget sans les y comprendre, que résulte-t-il de là ? D’après les règles de notre comptabilité, c’est que toutes les recettes doivent entrer dans le trésor, et que le ministre ne peut imputer aucune dépense sur les recettes à moins d’un vote des chambres et sans le visa préalable de la cour des comptes.
Il paraît que ce n’est pas ainsi qu’on procède dans l’administration du chemin de fer. On me dit qu’une partie des dépenses est purement et simplement prélevée sur la recette. On ne se fait pas autoriser par la cour des comptes. Que devient alors l’article 116 de la constitution ? J’engage MM. les ministres à l’avoir sous les yeux et à observer l’un comme l’autre les articles 115 et 116.
Il résulte manifestement des articles 115 et 116 que toute la recette de chemin de fer doit entrer dans la caisse de l’Etat, et que rien n’en peut sortir que dans les limites d’un vote émané des chambres et moyennant le visa préalable de la cour des comptes. Je désire qu’on me démontre que l’état actuel des choses est en harmonie avec ces deux articles.
M. Devaux. - Deux systèmes sont en présence, l’un est celui que soutiennent MM. Dubus et Dumortier ; mais je pense que celui qu’ils combattent est très justifiable.
On est d’accord que les recettes annales doivent figurer annuellement au budget des voies et moyens, et de l’autre côté, que les dépenses ordinaires doivent figurer aussi au budget annal des dépenses. La différence d’opinion n’est que sur le produit de l’emprunt, et son emploi en travaux et constructions.
Je pense, ainsi que le préopinant vient de le dire, que la loi spéciale de 1834 est une annexe au budget de cet exercice. Eh bien, cette loi, qu’a-t-elle décidé ? Elle a décidé deux choses : d’abord que c’était une annexe au budget des voies et moyens, en ce qu’elle autorise un emprunt de tant de millions, et ensuite une annexe au budget des dépenses, en ce qu’elle ouvre un crédit d’autant de millions. Considérée de cette manière, il me semble que la question devient très claire.
La constitution dit, et il est vrai, que toutes les dépenses doivent être votées chaque année ; mais elle ne dit pas que la même dépense doive être votée trois et quatre fois. Au mois de mai 1834, par une annexe au budget de 1834, vous avez décidé que telle dépense aurait lieu ; maintenant, qu’elle l’exécute en 1834, 1835 et 1836, peu importe ; le crédit pour cette dépense a été portée au budget de 1834, avec cette application ; jusqu’à ce que le travail soit terminé, vous imputez la dépense sur ce crédit.
Pour tout ce que vous avez autorisé par la loi de 1834, il n’est pas nécessaire de porter un nouveau crédit au budget. Il en est de cette dépense comme de beaucoup d’autres. Si vous aviez décidé au budget de la justice qu’un crédit de 400,000 fr. serait accordé pour la construction d’un palais de la cour de cassation, vous ne prétendriez pas que chaque année, tant que durerait la construction, on devrait porter le crédit au budget.
Il suffit qu’un crédit ait été une fois ouvert avec une application spéciale, pour que cette application continue jusqu’à l’achèvement de l’objet auquel il était destiné. C’est ainsi que la dépense du chemin de fer s’impute sur le crédit que vous avez ouvert en 1834. Cela se fait pour beaucoup de dépenses ; il y a beaucoup de travaux publics qui ne s’achèvent qu’en plusieurs années. On ne répète pas chaque année au budget le crédit ouvert pour l’exécution de ces travaux, ni les moyens de faire face à la dépense. La cour des comptes a sur ces dépenses son droit de visa comme pour toutes les autres.
Il n’y a là rien d’irrégulier ni d’inconstitutionnel.
Le système proposé par l’honorable membre qui a parlé avant moi peut avoir ses avantages ; mais puisque nous avons adoptée l’autre pour le chemin de fer, et qu’on ne signale pas d’abus, je ne vois pas de motif pour l’abandonner ; si vous le faisiez, vous devriez régulariser tous les crédits portes aux budgets antérieurs, et qui n’ont pas été épuisés dans le courant de l’année. C’est là une chose qui ne s’est jamais faite.
M. le président. - Je demanderai si toute cette discussion se rattache à la proposition de MM. Dumortier et Verdussen.
M. Dumortier. - Cette discussion se rattache assurément à la question que j’ai soulevée. Il s’agit de savoir si on peut imputer sur le produit du chemin de fer le traitement du personnel de l’administration centrale. Il est évident que cela doit figurer à l’article actuel.
M. Devaux est dans l’erreur, s’il considère la loi votée en 1834 comme devant continuer à être exécutée comme annexe au budget de 1834. Mais combien d’années pense-t-il qu’un exercice reste ouvert ? Un exercice reste ouvert pendant trois ans. Dès lors depuis le 1er janvier 1837, l’exercice de 1834 est clos ; on ne peut plus rien imputer sur cet exercice.
M. Rogier. - On a ouvert un nouveau crédit par la loi d’emprunt de 30 millions.
M. Dumortier. - Mais la loi qui autorise l’emprunt ne fait que mettre l’argent dans les caisses de l’Etat, mais elle n’autorise pas de dépenses.
Plusieurs membres. - Lisez l’article 3, vous verrez qu’il autorise des dépenses.
M. Dumortier. - C’est alors une loi singulièrement vicieuse ; jamais on n’a pu l’entendre comme cela. Vous auriez, dans un seul et même article, le budget des recettes et le budget des dépenses. Je demande si personne de vous a pu comprendre cela ainsi.
Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. Dumortier. - C’est une singulière manière de simplifier les lois ; nous n’avons qu’à voter tout le budget en un seul article. Ma proposition tend à ce que la section centrale, chargée d’examiner le supplément de crédit demandé par le ministre des travaux publics, examine en même temps quel est le crédit nécessaire pour payer le personnel chargé de l’exploitation du chemin de fer.
Un membre. - Renvoyons en même temps la proposition de M. Verdussen à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quand nous en serons au chapitre auquel elle se rapporte. Le gouvernement ne veut pas s’opposer à ce renvoi. Mais procédons régulièrement.
M. Dumortier. - Depuis plusieurs années la cour des comptes est privée de tout contrôle sur l’emploi des fonds imputés sur les recettes du chemin de fer. Si on maintenait cet état de choses, je ne vois pas pourquoi le ministre des finances ne prélèverait pas les traitements des receveurs des contributions et des receveurs et employés des douanes sur leurs recettes respectives. Si vous autorisez qu’on prélève des dépenses sur des recettes, je ne sais pas où vous iriez. Où la cour des comptes s’est-elle trouvée investie du pouvoir d’imputer la dépense du chemin de fer sur le produit de la recette ? Nulle part. Vous voyez que nous sommes dans un système radicalement vicieux dont il faut revenir.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Par la loi du 18 juin 1836, le gouvernement a été autorisé a faire plusieurs dépenses qui y sont mentionnées.
C’est en vertu de l’art. 3, dont j’ai déjà donné lecture, que la cour des comptes ordonnancera jusqu’au complément de la partie de l’emprunt qui doit être affectée à la construction du chemin de fer. Rien n’est plus clair que cela.
L’honorable M. Dubus a fait une objection en disant que la loi accordant un crédit spécial doit être considérée comme une annexe au budget des dépenses. Mais de ce qu’une dépense est votée dans l’année, il ne s’ensuit pas qu’elle doive avoir lieu dans la même année.
Les budgets ont pour leur exécution un cours de 3 ans de durée. C’est ainsi qu’une dépense votée en 1837 peut être payée en 1840 ; c’est ainsi que l’excédant de 8,810,000 fr., pris sur l’emprunt de 30 millions, outre le remboursement des 10 millions de bons du trésor, seront utilement dépensés dans les trois ans qui suivront l’époque de la loi du 19 juin 1836. Il me semble qu’il ne peut rester aucun doute à cet égard.
Je dois dire encore que l’on serait dans l’erreur si l’on supposait que le ministère des travaux publics paie des dépenses sans visa préalable de la cour des comptes ; il serait dans l’impossibilité de le faire quand bien même il le voudrait, car le département des finances n’ordonnancerait pas le paiement de dépenses sans ce visa.
Il ne se paie donc pas un centime, ni au ministère des travaux publics, ni à aucun autre département, sans le visa préalable de la cour des comptes, et ce visa, dans la spécialité qui nous occupe, est accordé régulièrement en vertu de l’art. 3 de la loi du 18 juin 1836 dont j’ai parlé.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je voulais faire les mêmes observations. J’ajouterai celle-ci : l’honorable préopinant commet une erreur de fait, lorsqu’il suppose qu’on impute les frais de perception sur les recettes du chemin de fer. Ceci est inexact. Toute la recette brute est renseignée au budget des voies et moyens ; les versements se font quotidiennement chez le caissier de l’Etat. Les frais de perception sont prélevés sur les fonds de l’emprunt. Je l’ai dit hier : cela est irrégulier ; c’est même contraire à mes intérêts comme ministre des travaux publics ; car en imputant ainsi ces frais de perception, je diminue les fonds qui sont à ma disposition pour l’exécution des travaux.
Je dois être le premier à désirer que l’on rentre dans une voie régulière.
Quand on arrivera à la proposition de M. Verdussen, j’en demanderai le renvoi à la section centrale ; et d’ici à demain, j’espère être à même de présenter une proposition analogue à celle de M. Verdussen. Hier, je doutais encore. Mais d’après les documents que j’ai reçus des ingénieurs du chemin de fer, je crois que je serai en état de faire moi-même une proposition.
Ainsi, sous ce rapport, nous rentrerons contre mon attente dans un système régulier.
M. Lebeau. - Les explications données par M. le ministre des travaux publics rendent inutile l’interpellation que je me proposais de lui adresser, et à laquelle je savais d’ailleurs la réponse qui me serait faite. Je savais que l’on renseignait au budget des voies et moyens toute la recette brute, et que les frais de perception étaient prélevés sur cette recette.
M. Dumortier. - C’est irrégulier.
M. Lebeau. - Sans doute, mais non pas dans le sens que vous aviez dit. Il n’est pas vrai que l’on ait fait subir aux recettes aucune déduction. On renseigne la recette brute.
Je conçois avec M. le ministre des travaux publics que le prélèvement des frais de perception le mette dans une mauvaise situation dont il désire sortir ; car la latitude qui lui est accordée par l’emprunt se trouve ainsi restreinte.
M. Pirson. - Quand il a été question des chemins de fer, nous en voulions tous ; mais nous ne savions pas trop ce que c’était, car nous n’en avions pas l’expérience. Mais l’expérience a justifié toutes mes espérances. Les choses ont bien marché, sauf un peu de lenteur dont on s’est plaint dans quelques localités.
Je ne crois pas qu’il y ait lieu d’insister sur l’irrégularité qui a été signalée quant à la comptabilité, d’autant plus que M. le ministre des travaux publics attend l’état exact des recettes et se propose de le présenter à la chambre. Par là nous rentrerons dans la régularité.
- Le renvoi à la section centrale de la demande de majoration de 10,000 fr. faite par M. le ministre des travaux publics, et des amendements de MM. Dumortier et Verdussen, est mis aux voix et adopté.
- L’art. 2 est adopté avec le chiffre 97,250 fr., la majoration de 10,000 fr. réservée.
« Art. 3. Matériel : fr. 17,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Papiers pour l’administration centrale des postes : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Mobilier : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Frais de voyage et d’administration ; achat, réparation et entretien d’armes : fr. 95,000. »
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - La section centrale a été d’avis d’ajourner l’allocation de 70,000 fr. demandée pour achat de sabres. Je ne puis me rallier à cette proposition.
D’après les renseignements parvenus au ministère, le nombre des gardes des bans sédentaires dans les villes où le gouvernement a rendu le nouvel uniforme obligatoire et prescrit la réorganisation, est de 31,447.
Chaque garde devant être pourvu d’un sabre, un crédit de 120,000 fr. avait été demandé aux chambres en 1836, pour couvrir une partie de cette dépense. Les chambres n’ont accordé que 50,000 fr.
Avec cette somme, le gouvernement a fait confectionner 10,000 sabres.
Le ministère de la guerre lui en avait précédemment fourni 5,100.
Total, 15,100.
Pour compléter l’armement, il faut donc encore 16,347 sabres, qui, à raison de 5 fr., coûteront 81,735 fr. ; mais on s’est borné, dans le budget de 1837, à demander une somme de 70,000 fr., dans la prévision qu’elle pourrait peut-être suffire.
La section centrale propose de rejeter cette demande, ou au moins de l’ajourner. Cette demande avait rencontré les mêmes objections en 1836 de la part de la section centrale ; mais, au vote du budget, la chambre a accordé 50,000 fr., c’est-à-dire qu’elle a mis à la disposition du gouvernement une partie de la somme nécessaire à l’achat des sabres. J’espère qu’en 1837 la chambre fera comme en 1836, et qu’elle accordera le complément de l’allocation.
En proposant l’ajournement de la dépense, la section centrale proteste « qu’elle ne veut pas entraver l’organisation déjà si difficile de cette institution. » Je le crois sans peine, car elle se compose d’hommes sincèrement dévoués au pays ; sa proposition, si elle était adoptée, ferait plus qu’entraver l’organisation de cette force constitutionnelle : non seulement elle empêcherait la réorganisation de s’achever dans plusieurs villes, mais encore elle annihilerait les résultats avantageux et complets obtenus dans d’autres localités.
La section centrale a pensé que dans l’état actuel de la garde civique, le besoin de sabres ne lui paraît pas démontré. Mais il ne faut pas perdre de vue que le sabre fait partie obligée de l’armement du garde ; que, pour que l’on soit en droit de prescrire au garde de se fournir des objets que la loi met à sa charge, il faut aussi que l’Etat lui fournisse tous les objets d’armement et d’équipement qu’il doit lui donner. Cette obligation de la part de l’Etat, la chambre l’a déjà en partie reconnue, en votant un crédit pour l’achat des gibernes et buffleteries ; elle doit la reconnaître aussi pour l’armement.
Il y a 24 villes comprenant 16,347 gardes qui doivent recevoir des sabres.
Dix villes ont reçu des sabres ; ce sont Anvers, Bruxelles, Tirlemont,, Bruges, Ostende, Mons, Tournay, Ath,Verviers et Arlon, Le nombre de sabres envoyés à ces dix villes est de 12,697.
Les villes qui attendent des sabres ; sont : Turnhout, Lierre, Malines, Ypres, Nieuport, Courtray, Menin, Nivelles, Louvain, Diest, Saint-Nicolas, Termonde, Lokeren, Alost, Liège, Huy, Hasselt, Saint-Trond, Tongres, Bouillon, Namur, Dinant, Philippeville et Charleroy.
La section centrale appelle de tous ses vœux une nouvelle organisation : est-ce à dire que la législation soit si défectueuse ? on peut contester cette assertion à mon sens, il n’y a pas de loi mauvaise, quand on veut se prêter franchement à son exécution ; l’exemple de Bruxelles, d’Arlon, de Bruges, d’Ostende et de Tirlemont est là pour justifier ce que j’avance.
Si les administrations locales voulaient prêter leur concours à l’exécution de la loi, comme l’ont fait celles de ces villes, partout la garde aurait été organisée. Pour y parvenir, il ne faut peut-être que de la bonne volonté. Un refus de la part des chambres d’accorder la somme demandée donnerait beaucoup de crédit à une opinion que l’on cherche à répandre, que ni les chambres ni le gouvernement ne veulent de la garde civique, qu’ils la considèrent comme une institution gênante, qu’enfin ils veulent que l’art. 122 de la constitution qui dit si impérativement : « il y a une garde civique, » soit un vain mot. Personnellement je devrais me considérer, par suite de ce vote, comme dispensé de m’occuper de l’organisation de la garde civique.
M. Mast de Vries. - Dans l’énumération que vient de faire M. le ministre des travaux publics, se trouve comprise la ville de Lierre. Mais elle n’a pas demande de sabres.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Eh bien, c’est ce que j’ai dit. La ville de Lierre est au nombre des villes pour lesquelles je demande des sabres.
M. Mast de Vries. - Mais c’est inutile. La loi sur la garde civique est inexécutable à Lierre comme dans la plupart des petites villes. Il faudrait à Lierre 60 officiers, et l’on ne pourrait pas même en trouver 20.
M. Heptia. - Les faits ont suffisamment démontré que l’organisation de la garde civique était impossible ; cette impossibilité est suffisamment démontrée par cette circonstance que nulle part la loi sur la garde civique n’a reçu un commencement d’exécution ; car, à part Bruxelles, je ne crois pas que la moindre exécution de la loi ait été tentée dans aucune localité.
Nulle part les officiers ne sont nommés ; nulle part on n’a pu réunir les gardes civiques pour faire ces nominations ; dans le plus grand nombre des localités ils se sont refusés à faire toute nomination. Dans ces circonstances, la section centrale a cru, avec une grande partie du pays, qu’une nouvelle loi organique de la garde civique était nécessaire. On n’a pas pensé qu’il fût utile de donner des armes à des soldats qu’on ne pouvait pas rassembler, et qu’il fallait ajourner l’allocation du crédit demandé jusqu’à ce qu’une nouvelle loi soit portée. La section centrale, comme tout le pays, appelle de tous ses vœux cette loi ; la chambre entière partage la même opinion, elle ne demande pas mieux que de s’occuper d’une législation sur cet objet, pour remplacer celle que l’on a votée un peu trop à la hâte.
Je pense que ces raisons seront comprises par tout le monde, et qu’il ne convient pas de donner des armes à une garde qu’on ne peut réunir.
M. F. de Mérode. - Une partie des faits que l’on vient de signaler est très exacte. Je crois que dans beaucoup de villes, les habitants ont de la répugnance pour mettre à exécution la loi sur la garde civique ; toutefois il importe de ne pas décourager les habitants des villes qui ont montré du zèle. A Bruxelles l’organisation de la garde civique s’est très bien faite ; les citoyens y sont couverts de leurs uniformes ; et nous avons admiré une très belle revue dans les journées de septembre. Que la loi soit incomplète, qu’elle soit mal combinée, il n’en est pas moins vrai qu’elle serait très utile si on le voulait bien.
M. Dumortier. - J’entends souvent dire que la loi sur la garde civique est inexécutable ; c’est bientôt fait ; mais ce n’est là qu’une allégation, et quand je recherche dans la loi les articles inexécutables, je n’en trouve aucun. Si la loi est inexécutable dans certaines localités, cela tient au mauvais vouloir des autorités municipales ; si ces autorités le voulaient bien, il y aurait une garde civique dans toutes les localités comme à Bruxelles…
M. Mast de Vries et M. Legrelle demandent la parole.
M. Dumortier. - Les habitants se refusent à faire partie de la garde civique ; je ne vois pas cela. Je sais fort bien que la loi sur la garde civique impose des devoirs ; mais si la constitution a donné des droits, elle a aussi prescrit des devoirs, et tous les bons citoyens ont intérêt à se trouver en armes devant un ennemi qui menace leur indépendance. Si vous voulez consulter beaucoup de personnes que le moindre devoir incommode, vous supprimerez le jury ; vous supprimerez surtout la milice, et vous resterez à la merci de votre ennemi. Ce n’est pas dans les circonstances actuelles qu’il faut jeter de la défaveur sur une loi utile au pays. La garde civique est une institution faite toute en faveur des riches, car elle a pour but le respect de propriétés, et ce sont les riches qui se soucient le moins de se soumettre à la loi.
Que les magistrats des localités le veuillent, et la garde civique s’organisera. Si vous supprimez l’allocation demandée par le ministre, c’est comme si vous supprimiez la garde civique. Quand on refuse des armes aux habitants, comment peut-on exiger d’eux qu’ils fassent la dépense d’un uniforme ? Les conseils de discipline pourraient-ils condamner un citoyen qui n’aurait pas d’uniforme, quand il ferait observer qu’on ne lui a pas donné d’armes ? Si le gouvernement manque à ses engagements, peut-on obliger un citoyen à remplir les siens ?
Je voudrais que le crédit porté au budget fût divisé en personnel et en matériel.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - On peut faire cette division à l’instant même.
M. Dumortier. - Quant au crédit en lui-même, vous ne pouvez le rejeter. Refaites la loi sur la garde civique, si vous voulez ; mais n’allez pas porter le découragement là où l’on a montré du zèle, en disant que la loi est inexécutable.
M. Mast de Vries. - Je félicite M. Dumortier, colonel de la garde civique de Tournay, d’avoir pu si bien l’organiser en cette ville ; je voudrais que l’honorable membre fût bourgmestre de toutes les localités afin d’arriver partout à une organisation semblable à celle de la cité qui le compte au nombre de ses habitants. Le zèle ne suffit pas pour accomplir cette tâche, car beaucoup de magistrats municipaux, qui n’en manquent pas, ont vu leurs efforts inutiles. M. Dumortier a dit que la garde civique était faite pour les riches, et que les riches devaient s’empresser d’en faire partie ; c’est sans doute parce qu’il y a beaucoup de riches à Tournay que M. le colonel y commande de très beaux bataillons ; mais comment faire là où il n’y à pas de riches et beaucoup de pauvres ? Sous les Hollandais nous étions, à Lierre, obligés d’habiller les habitants pour la schuttery ; nous ne pouvons maintenant y trouver presque personne pour les grades à cause de la dépense ; peut-être que si M. Dumortier était bourgmestre dans ma localité, il pourrait avec des pauvres faire des riches ; je n’ai pas ce secret ; je sais seulement que le plus ordinairement il est facile de faire des pauvres avec des riches. (On rit).
M. Pollénus. - On semble se méprendre sur la portée de la proposition de la section centrale ; il ne s’agit en aucune manière de supprimer la garde civique, seulement on demande l’ajournement d’une allocation de 70,000 fr. pétitionnée pour achat de sabres.
Cet ajournement me paraît tout rationnel dans l’état d’organisation incomplète de la garde civique. Il a été démontré que la loi telle qu’elle est ne peut obtenir une exécution convenable, et l’état de désorganisation de la garde civique n’est-elle pas la preuve la plus irrécusable des vices de la loi qu’on s’obstine à vouloir maintenir ? Je soutiens donc avec plusieurs des préopinants qu’il faut ajourner l’achat de sabres puisqu’il ne peut s’agir de vouloir armer une garde civique qui n’existe pas.
Messieurs, il faut bien le reconnaître, nos mœurs repoussent une institution qui étend au-delà de ses justes limites l’obligation du service militaire ; il est un âge où l’homme veut se reposer, où il lui répugne de jouer au soldat ; veut-on une garde civique, il faut alors de toute nécessité limiter le service à un âge moins avancé que ne le fait la loi actuelle.
Mais, dit-on, le jury est aussi une charge ; que ne propose-t-on aussi de le supprimer ?
On fait sonner bien haut l’organisation de la garde civique de Bruxelles ; je ne contesterai certes point ce degré tout exemplaire de l’organisation de cette garde dans la capitale, cependant je n’ai pas oublié que les ministres ont dû intervenir à l’effet d’engager bon nombre d’employés à venir habiter la ville, et qui émigraient dans les faubourgs afin de se soustraire aux agréments du service de la garde civique.
Je pourrais vous citer d’autres localités, je me bornerai à celle que j’habite ; à Hasselt on n’est point parvenu encore à pouvoir se procurer des officiers, personne ne se rend à ces élections, et si parfois on y prend part, ces élections présentent alors tous les caractères d’une plaisanterie… et les élus n’ont rien de plus pressé que d’offrir leur démission, et puis c’est à recommencer.
Je suis intimement convaincu que la législation sur la garde civique est inexécutable ; ce que nous pouvons faire de mieux c’est d’adopter la proposition de la section centrale en ajournant une allocation qui me paraît un non-sens dans l’état d’organisation défectueuse de la garde civique.
Encore une fois, il n’est pas question de supprimer, il s’agit uniquement d’ajourner une somme qui resterait sans application en attendant la révision de la loi sur la garde civique que nous tous nous considérons comme une nécessité.
Mais on n’a pas été heureux en objectant l’institution du jury.
Oui, le jury, tel qu’il existe, est vicieux et très vicieux ; le gouvernement en fait lui-même l’aveu dans la présentation du projet de loi sur lequel il nous a été fait rapport récemment par M. de Behr ; mais pourquoi ne fait-on pas pour la garde civique ce que l’on a fait pour le jury ? C’est là une inconséquence, me semble-t-il, car si les vices d’une institution font reconnaître la nécessité du remède dans un cas, il en droit être de même de toute autre institution dont les vices sont aussi patents que dans celle de la garde civique.
Dans l’état actuel de notre organisation militaire, la garde civique ne me paraît pas d’une rigoureuse nécessité ; voyez la Hollande dont on nous oppose toujours le système d’armement ; eh bien ! s’il faut en croire les journaux hollandais, le budget de Hollande ne porte pour l’exercice courant aucune allocation pour l’état-major de la schuttery ; l’opinion de nos voisins sur l’importance de cette garde semble donc diminuer aussi d’après cette indication du budget néerlandais.
Dans l’état d’organisation incomplète où se trouve la garde civique, il est inutile de voter la dépense dont il s’agit puisqu’elle ne pourrait pas recevoir d’application, la garde civique n’étant pas organisée et ne pouvant pas l’être dans un grand nombre de localités, et les difficultés qui s’opposent à son organisation devant se perpétuer aussi longtemps que nous n’aurons pas apporter de modifications à la loi qui régit cette institution.
M. Legrelle. - Messieurs, lorsque l’année dernière, à l’occasion de la demande d’un crédit considérable pour achat de sabres pour la garde civique, j’ai cru de mon devoir de demander l’ajournement d’une partie au moins de ce crédit, j’ai été attaqué par l’honorable député de Tournay, qui est en même colonel de la garde civique de la même ville, et par d’autres membres de cette assemblée ; je vois avec plaisir aujourd’hui que l’opinion que je soutenais alors a fait de grands pas dans la chambre, ce n’est plus maintenant une opinion isolée, mais l’opinion de la section centrale tout entière. La section centrale, que certes on ne pourra pas accuser de mauvais vouloir, demande à l’unanimité, l’ajournement du crédit de 70,000 fr. destiné à l’achat de sabres pour la garde civique ; et sur quoi se fonde la section centrale ? Sur l’argument que j’ai fait valoir l’année dernière, sur l’impossibilité de mettre en pratique la loi actuelle et la nécessite d’y apporter des modifications ; voici comment elle s’explique :
« La section centrait a alloué à la majorité de 4 voix contre 3 la somme de 25,000 fr., et elle vous propose à l’unanimité d’ajourner le litt. C jusqu’à la réorganisation définitive de la garde civique. Elle n’a pas voulu entraver l’organisation déjà difficile de cette institution, en diminuant le crédit ; mais elle a pensé qu’on pouvait, sans inconvénient, ajourner l’achat des sabres, dont le besoin, dans l’état actuel de la garde civique, ne lui paraît pas démontré. Toutefois, la section appelle de tous ses vœux une nouvelle organisation, qu’elle désire voir entreprendre le plus tôt possible ; il se pourrait que la tâche fût aujourd’hui simplifiée et devenue plus facile ; le pays possède une armée de réserve capable de contribuer puissamment à sa défense, et dans laquelle sont incorporés les miliciens qui ont fini leur temps de service ; cette armée de réserve absorbe les soldats d’élite qui auraient dû, aux termes de la loi actuelle, faire partie du premier ban de la garde civique, qui se trouve par la privée de sa principale force. Ce nouvel état de choses ne doit-il pas amener un changement dans l’organisation de la garde civique ? Voilà la question que la section centrale livre aux méditations du gouvernement et de la chambre. »
Je ne saurais messieurs, rien dire de mieux pour exprimer mon opinion que ce que dit la section centrale ; je suis tout à fait d’accord avec elle, et si j’ai pris de nouveau la parole, c’est parce qu’on a voulu récriminer contre les bourgmestres de certaines villes, et leur attribuer le défaut d’organisation de la garde civique dans les communes qu’ils administrent. D’après la loi communale actuelle, messieurs, les bourgmestres ne peuvent rien sans le concours des conseils communaux ; et que sont les conseils communaux, sinon les représentants légaux des habitants de la commune ? Si donc le conseil communal déclare qu’il est impossible d’attacher aux habitants un uniforme sur les épaules, ce sont bien tous les habitants qui se prononcent dans ce sens, à l’exception peut-être de quelques individus qui ont intérêt à ce qu’il y ait des uniformes.
Lorsqu’à Anvers les élections ont eu lieu, il y a eu des réunions où il se trouvait 5, 6 ou 8 électeurs ; il y en a eu même où l’on n’en comptait que quatre ; eh bien ! messieurs, des officiers qui ont été élus de cette manière, il en est plus de la moitié qui n’ont pas accepté ou qui ont donné leur démission. Combien encore, parmi les officiers de la garde, civique, n’y a-t-il pas d’employés du gouvernement qui n’ont accepté leurs fonctions que parce qu’ils croyaient ne pouvoir décemment faire autrement ? Je suis persuadé qu’à Bruxelles même, si l’on pouvait faire pouvait une distinction entre ceux qui ont accepté librement et ceux qui ne l’ont fait que par des motifs de convenance, le nombre de ces derniers surpasserait de beaucoup celui des autres. Qu’on dise après cela que si la garde civique n’est pas organisée dans un grand nombre de localités, c’est la faute des bourgmestres !
Voulez-vous encore une preuve du contraire, messieurs ? Malgré toutes les peines qu’on s’est données à Anvers, quoique les conseils de discipline n’aient pas cessé de siéger, malgré les amendes sans nombre qui ont été infligées et toutes les condamnations à la prison qui ont été prononcées, il a été jusqu’ici impossible d’amener plus d’un douzième des gardes à se présenter pour le service. Voilà donc les onze douzièmes d’une population condamnés à l’amende ou à la prison ! Peut-on dire après cela les habitants ne sont pas contraires à la loi actuelle sur la garde civique, et que c’est la faute des autorités locales que cette loi n’est pas exécutée ? Non, messieurs, les autorités locales ne sont pour rien dans l’inexécution de la loi sur la garde civile ; ce qui en empêche l’organisation c’est l’esprit des populations, ce sont les vices de la loi elle-même, c’est l’impossibilité de faire revêtir l’uniforme des gens dont les épaules sont déjà usées, à des personnes qui ne l’ont jamais porté quoiqu’ils aient parcouru les trois quarts de leur carrière.
Je vous en conjure donc, messieurs, ralliez-vous à l’opinion de la section centrale, faites disparaître les vices de la loi, et surtout cette honteuse anomalie qu’un père peut se trouver placé sous l’autorité de son enfant comme cela se rencontre dans la garde civique, et à cet égard j’en appelle à l’honorable M. Dumortier lui-même ; je suis bien persuadé qu’il me donnera raison sous ce rapport.
M. Dumortier. - Certainement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais demandé la parole pour rectifier l’interprétation que M. Legrelle a donnée à une interruption qu’il avait entendue sur mon banc, lorsqu’il parlait des vices qui, selon lui, rendent la loi sur la garde civique inexécutable.
L’interruption à laquelle M. Legrelle a cru répondre tendait simplement à lui faire remarquer que si l’on mettait partout de la bonne volonté dans l’exécution de la loi sur la garde civique, il est bien certain que les vices qu’on reproche à cette loi seraient bien minimes ; ce qui le prouve c’est que dans certaines villes la garde civique est parfaitement organisée.
J’ajouterai, puisque j’ai la parole, que l’on a eu raison lorsqu’on a dit tout à l’heure que l’organisation de la garde civique marcherait beaucoup mieux si les administrations communales y apportaient plus de zèle.
L’honorable M. Legrelle trouve que la loi est mauvaise parce qu’on ne se rend pas aux élections qu’elle prescrit ; mais qu’est-ce que cela prouve ? cela ne prouve rien contre la loi : cela prouve uniquement que dans certaines localités on ne se soucie pas d’élections. Quand, il y a peu de temps, il s’est agi de nommer des membres du tribunal de commerce d’Anvers, les négociants de cette ville ne pouvaient pas non plus se réunir en nombre suffisant pour choisir des candidats ; cela prouverait-il qu’on ne veut pas de tribunaux de commerce, ou que l’organisation de ces tribunaux est mauvaise ?
M. Dumortier. - Messieurs, deux honorables membres, dont l’un est en même temps bourgmestre de Lierre, et dont l’autre est en même temps bourgmestre d’Anvers, ont fait allusion aux fonctions de colonel de la garde civique que j’exerce dans la ville que j’habite ; et ils ont cru trouver dans cette circonstance un excellent argument pour combattre les raisons que j’avais fait valoir. Il est vrai, messieurs, que je suis colonel de la garde civique ; j’ai accepté ces fonctions lorsque la patrie était en danger, et je m’en félicite ; ce sont des fonctions purement gratuites ; j’ai cherché à faire exécuter la loi, et je désire que ceux qui exercent des fonctions rétribuées pour faire exécuter la loi, la fassent exécuter comme je l’ai fait.
On vient nous dire que la loi est inexécutable parce qu’à Lierre il n’y a que des pauvres, et parce qu’à Anvers on ne se rend pas aux élections : l’honorable ministre des finances a fait justice de l’argument du député d’Anvers ; je vais à mon tour faire justice de celui du député de Lierre. La loi est inexécutable à Lierre parce qu’on y est trop pauvre ; mais à Arlon, où l’on est tout aussi pauvre, elle s’exécute parfaitement : c’est que là règne l’amour de la patrie, c’est que là on ne veut pas du retour du prince d’Orange.
M. Mast de Vries. - On ne le veut pas non plus à Lierre.
M. Dumortier. - Je ne dis pas qu’on le veut à Lierre, mais je dis qu’on ne le veut pas à Arlon, et que là la loi sur la garde civique ne rencontre point d’obstacles.
Voilà ce que l’on a fait dans les provinces où règne un véritable patriotisme, et je désire de tout mon cœur que dans toutes les villes frontières de la Hollande on imite l’exemple d’Arlon.
Ce sont, dit-on, les habitants qui ne veulent pas de la loi sur la garde civique, et l’on ajoute même que la section centrale a reconnu ce fait.
Mais vraiment, messieurs, c’est singulièrement tromper la chambre que de recourir à un pareil système de défense ; car la section centrale, loin de prétendre que la loi est inexécutable, dit au contraire qu’il n’est pas dans son intention d’en entraver l’exécution.
Si donc il est démontré que le rejet du crédit que le gouvernement vous demande serait une véritable entrave à l’organisation de la garde civique, nous devons nous empresser de voter ce crédit.
La loi est inexécutable, disent certains membres de cette chambre. Mais pourquoi ? Disons, pour nous, les choses comme elles sont ; le vice de la loi sur la garde civique, le voici : c’est que le trésor communal doit intervenir dans les dépenses d’habillement des gardes qui n’ont pas le moyen de s’équiper par eux-mêmes : c’est ce que vous ont dit les bourgmestres de certaines localités. Voilà le vice, le seul vice de la loi sur la garde civique. On veut bien dans ces localités consacrer des fonds à la construction de salles de spectacle, de monuments, etc. ; mais on recule devant le moindre sacrifice en faveur de la garde civique.
MM. les bourgmestres actuels, prenez exemple de ce qui s’est fait sous le roi Guillaume ; on est parvenu alors à organiser une garde civique, et cela au profit du despotisme ; organisez-en une maintenant pour le soutien de la liberté.
M. Rogier. - Messieurs, j’ai pris la parole, pour faire une espèce de motion d’ordre. Je demanderai si d’honorables membres sont dans l’intention de continuer les attaques qu’on a dirigées de nouveau contre la loi que nous avons votée, il y a deux ans. S’il en est ainsi, je proposerais que la discussion fût close immédiatement.
Je crois, messieurs, qu’il y a un grand inconvénient à se livrer dans cette enceinte à des attaques aussi vives contre une loi qui est notre propre ouvrage, attaques qui ne peuvent que perpétuer la désorganisation où se trouve la garde civique dans plusieurs localités.
Je n’ai pas besoin de rechercher les motifs qui, dans certaines villes peuvent s’opposer à l’exécution de la loi. Mais n’allons pas, nous qui avons fait la loi, n’allons pas donner un mauvais exemple, exercer une fâcheuse influence en proclamant ici que cette loi est impraticable, en jetant une espèce de ridicule sur une loi qui produirait les meilleurs résultats, si le zèle et le patriotisme présidaient à son exécution.
Je dois relever une erreur qui est échappée à un honorable préopinant. Cet honorable membre a dit que la loi sur la garde civique pouvait rester sans exécution en Belgique, attendu qu elle n’est pas non plus exécutée dans un pays voisin. C’est une erreur, messieurs, la garde civique en Hollande (car c’est sans doute à ce pays qu’on a fait allusion) a conservé une organisation qu’on peut appeler formidable, en présence de ce qui existe chez nous ; je pense qu’en Hollande, dans toutes les localités, la loi sur la garde communale est exécutée très rigoureusement. Que si l’on ne voit pas figurer au budget annal de ce pays les dépenses de cette garde, c’est que ces dépenses sont communales, et que là beaucoup de citoyens sont habillés aux frais de la commune. Là encore, l’ardeur du patriotisme ne semble pas avoir abandonné les citoyens, et au besoin les autorités chargées de l’exécution de la loi ont conservé assez de force pour empêcher les habitants de se retrancher dans un état d’inertie, sans doute fort commode pour eux, mais en même temps très préjudiciable aux intérêts du pays.
Au reste, je ne veux pas me poser ici le champion exclusif de la loi sur la garde civique. Mais, je le répète, il ne nous appartient pas de nous livrer contre elle à des attaques inconvenantes. Je ne prétends pas que cette loi soit à l’abri de toute critique dans toutes ses parties, quoique je doive avouer que ses adversaires, jusqu’ici, se sont bornés à des observations générales, et n’ont pas indiqué, suivant moi, un seul point sur lequel la réforme devra porter.
Qu’on nous dise quels sont les vices radicaux de cette loi ; comment il se fait qu’une loi, qu’on exécute facilement dans une localité, ne puisse pas du tout l’être dans une autre ?
Il est à désirer que M. ; le ministre des travaux publics s’explique d’une manière catégorique sur ses intentions, relativement au résultat du vote qu’on va émettre ainsi qu’aux modifications qu’on propose d’apporter dans l’institution de la garde civique.
Le ministre a déclaré que la somme qu’il demande est nécessaire, pour parfaire l’organisation de la garde civique. S’en suivra-t-il que si le chiffre est rejeté, on considérera la loi sur la garde civique comme inexécutable, et de nul effet ?
Il me semble, messieurs, que l’on ne peut pas faire dépendre le sort de la loi de l’adoption ou du rejet de ce chiffre. Autrement il est certain que les localités qui répugnent à l’institution de la garde civique trouveraient dans le rejet du chiffre de nouveaux motifs de ne pas coopérer activement à l’exécution de la loi, tandis que le découragement pourrait gagner celles qui ont fait preuve de zèle et de bonne volonté.
Il est dès lors important que M. le ministre s’explique à cet égard.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je ne connais qu’un moyen de révoquer une loi : c’est de l’abroger par une autre loi ; de sorte que je dois répondre à l’honorable préopinant que la loi sur la garde civique ne sera pas précisément révoquée sur le refus de la chambre ; mais voici ce qui résultera de ce vote.
Je suis chargé de l’exécution de la loi : c’est mon devoir. Il faut des moyens d’exécution ; si ces moyens me sont refusés, alors, bien que la loi existe, il est impossible de la faire exécuter. Telle serait ma position. Je prie la chambre de la prendre en sérieuse considération.
Une voix. - Vous pouvez exécuter la loi sans donner de sabres aux gardes.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Organisez, me dit-on, la loi sans donner de sabres aux gardes. J’ai déjà répondu à cette objection, j’ai été au-devant d’elle, et je l’ai discutée, je pense, de manière à rendre toute réponse impossible.
La loi promet aux gardes civiques l’armement qui consiste dans le sabre et le fusil, et, d’un autre côté, elle exige que les gardes civiques pourvoient à leur équipement. Comment voulez-vous que je dise aux citoyens : Vous exécuterez votre obligation ; mais je n’exécuterai pas la mienne. N’y a-t-il pas ici en quelque sorte un contrat bilatéral ? Vais-je exiger que la garde civique s’organise à Liége sans sabres, tandis que la garde civique à Bruxelles a reçu des sabres ? La comparaison suffirait pour autoriser la garde civique de la première ville à refuser de se prêter à une organisation. Il faut même craindre de soulever une question d’amour-propre.
Messieurs, je ne connais pas les vices de la loi sur la garde civique, j’ai besoin de les constater, et à cet effet même il m’est indispensable d’en poursuivre l’organisation. Si dans certaines localités il était démontré à l’évidence que l’exécution de la loi fût complètement ou partiellement impossible, dès lors je ne dépenserais pas la totalité du crédit que je demande ; je ne prélèverai sur ce crédit que les sommes dont l’emploi sera reconnu possible.
Je dirai d’ailleurs qu’on n’a articulé aucun fait direct contre l’institution de la garde civique. Si, comme le dit l’honorable M. Legrelle, c’est l’horreur de l’uniforme, alors il faudra supprimer la garde civique Si c’est, selon le même membre, l’espèce d’atteinte portée aux prérogatives de la paternité, il faudra supprimer la garde civique.
M. Legrelle ne veut pas qu’on lui puisse être le supérieur de son père ; mais, messieurs, cette anomalie se rencontre dans beaucoup d’autres relations civiles, Pour n’en citer qu’un exemple il peut arriver qu’un homme fort jeune, dont le père vit encore, soit bourgmestre : son père, dès lors, est au nombre de ses administrés. (Hilarité.)
La garde civique est complètement organisée dans plusieurs villes. Si elle est organisée à Bruges, pourquoi ne le serait-elle pas à Liége, ville si semblable à la première ? Elle l’est à Bruges ; règne-t-il donc, dans cette paisible ville, un esprit plus belliqueux qu’ailleurs ? Si Ostende, ville maritime, est parvenue à constituer sa garde civique, pourquoi Anvers, autre ville maritime, ne l’essaierait-elle pas ? La garde civique est organisée à Tirlemont, ville de campagne, en quelque sorte ; pourquoi ne le serait-elle pas à Lierre, par exemple ? Elle ne peut l’être à Lierre, dit-on, parce qu’on y est trop pauvre ; par un motif contraire, il me semble qu’elle devrait l’être à Anvers ; si elle ne l’est pas ici, c’est probablement qu’on y est trop riche. (Hilarité.)
Il est une ville reléguée à l’extrémité di royaume, dont la position offre des dangers et des incertitudes, Arlon, ville de 4,000 âmes ; la garde civique y est parfaitement organisée ; pourquoi n’en agirait-on pas de même à Hasselt, ville dont la position politique est la même ?
Une voix. - La garde civique n’est pas organisée à Arlon.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - La garde civique d’Arlon, comme celle de Bruxelles, est complètement organisée ; je puis l’attester.
Ainsi, messieurs, ce n’est pas seulement dans la capitale que la garde civique est organisée. S’il en était ainsi, on pourrait dire que c’est une exception. L’organisation est possible par analogie de position dans beaucoup d’autres villes que j’ai énoncées tout à l’heure.
Messieurs, ce serait une chose très grave, un acte dont la chambre doit calculer toute la portée que le refus de l’allocation demandée ; ce serait dire ou autoriser à dire qu’on ne veut plus de garde civique, qu’on regarde cette institution comme impossible en Belgique. Je pense qu’il ne faut pas que cette conséquence puisse même indirectement être attachée à un vote de la chambre. Vous pourriez par la suite, messieurs, vous trouver dans des circonstances où vous auriez besoin de la garde civique, elle nous manquerait au jour du danger. Je consens volontiers, comme l’a proposé M. Dumortier, à ce qu’on divise l’article pour le vote et même qu’on en fasse plusieurs articles ; là n’est pas la question.
M. Pirson. - Je ne dirai pas que nous avons fait une mauvaise loi sur la garde nationale, c’est une loi que nous avons faite selon les circonstances dans lesquelles nous nous trouvions ; mais je pense que les circonstances ne sont plus les mêmes. Je regrette que M. le ministre de la guerre ne soit pas ici pour entendre les observations que je vais avoir l’honneur de faire.
Lorsque nous avons organisé la garde civique, nous étions menacés par l’étranger ; nous avons établi un premier, un second et un troisième ban. Depuis lors notre système de défense et d’armement a été changé, j’ai peut-être été pour quelque chose dans ce changement.
J’ai parlé souvent à l’ancien ministre de la guerre de cet objet, et je ne sais si c’est d’après ce que je lui ai dit ou d’après ses propres idées qu’il a agi.
Voici ce que je disais au ministre : Que voulez-vous faire du premier ban qui n’est pas exercé, qui est formé d’une réunion de toutes sortes de populations et sans ensemble ? Que voulez-vous faire de ce que vous appelez réserve et que vous prenez dans la milice de l’année qui n’est pas non plus exercée ? Quand on fait une réserve, il faut la composer d’hommes faits pour la guerre et en état d’en supporter les fatigues. C’est alors que le ministre a fait son armée de réserve en la composant des miliciens libérés, mais qui à l’occasion auraient été rappelés sous les armes si la défense du pays l’avait rendu nécessaire. Si aujourd’hui vous révisiez la loi sur la garde civique, que vous supprimiez le premier ban pour n’en garder que deux, les plus jeunes et les plus vieux, cela vaudrait mieux ; vous conserveriez la garde civique, non comme une arme de réserve, mais pour tenir en tout temps, en paix comme en guerre, la police dans les localités ; et en second lieu pour remplacer les garnisons qui devraient entrer en campagne, pour garder les magasins, les fortifications. Au besoin, si nous avions le malheur d’être envahis, je pense que les citoyens entre les mains desquels nous aurions mis des armes ne les garderaient pas inutiles, mais voleraient à la défense de la patrie. C’est pour cela que je voudrais voir réviser la loi sur la garde civique parce que notre système d’armement et de défense n’est plus le même que quand vous avez voté cette loi.
Puisque j’ai la parole, je dirai un mot sur les obstacles qui s’opposent à ce que dans la ville de Dinant la loi sur la garde civique reçoive son exécution. Nos officiers sont nommés mais notre garde civique n’est pas habillée. La raison en est que nous avons beaucoup de pauvres qui sont de la garde civique, qui n’ont pas le moyen de s’habiller. Ce serait une dépense très onéreuse pour la ville si elle devait en faire les avances.
Nous avons demandé une chose au ministre de l’intérieur nous lui avons dit : Nous avons six compagnies ; réformez-en deux, celles des pauvres, et le reste pourra marcher. Je comprends que la garde civique est instituée dans l’intérêt du riche et non dans l’intérêt du pauvre ; car le pauvre ne risque pas d’être pillé, si le Russe on l’Autrichien envahit votre territoire. Alors en l’organisant, mettez de côté la classe presque indigente, n’appelez que les hommes qui ont le moyen de s’habiller : vous aurez le droit de vous plaindre, s’ils ne veulent pas faire ce qui est nécessaire non seulement pour la défense du pays, mais pour leur propre défense et la conservation, de leurs propriétés dans le cas, où il se trouverait dans le pays des mauvais sujets qui pussent mettre ces propriétés en danger.
D’après cela j’appelle de tous mes vœux, la révision de la loi sur la garde civique. Cela n’empêche pas d’organiser ce qui est susceptible de l’être. J’espère que M. le ministre des travaux publics, dans les attributions duquel se trouve le service de la garde civique, fera attention à mon observation, de mettre de coté les plus pauvres. A Dinant, nous n’avons que cela qui arrête notre organisation. (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
M. Legrelle. - Je demande la parole contre la clôture.
D’abord on m’a attaqué personnellement rien n’était plus simple que de demander la parole pour un fait personnel ; j’en avais le droit, on ne pouvait pas me la refuser ; je me suis laissé incriminer parce que je m’attendais à ce qu’on me permettrait de me défendre ; M. le ministre des finances entre autres.
M. président. - Vous n’avez la parole que contre la clôture.
M. Legrelle. - C’est contre la clôture que je parle ; je dis qu’après avoir été attaqué comme chef d’administration communale, j’ai le droit de me défendre. Je demanderai que le rapporteur, qui après des votes sur les observations faites pour réclamer la discussion, soit aussi entendu.
Voyez ce qui arrivera si vous formez la discussion, vous n’entendrez pas le rapporteur de la section centrale.
M. Dubus. - Je désirerais savoir si le rapporteur réclame la parole.
M. Heptia. - Je l’ai demandée pour faire observer que dans cette discussion on a travesti l’opinion de la section centrale.
M. Legrelle. - Je demande à avoir la parole après le rapporteur.
M. Dubus. - Je demande qu’il soit entendu que si la chambre clôt la discussion, la parole est réservée au rapporteur.
- La clôture est prononcée avec cette réserve.
M. Heptia, rapporteur. - En proposant l’ajournement du crédit de 70 mille fr. destiné à acheter des sabres pour la garde civique, la section centrale n’a entendu aucunement attaquer l’institution de la garde civique ; institution qui repose sur un texte de notre pacte fondamental. Il ne s’agit pas de savoir si on pourrait ou non supprimer cette institution quant à présent. Voilà pourquoi je tenais à prendre la parole : c’est pour que le pays ne pût pas se méprendre sur les intentions de la section centrale qui a examiné la question avec toute la maturité que son importance comportait.
Ce qui a frappé la section centrale, c’est que l’organisation de la garde civique dans beaucoup d’endroits n’avait pas même reçu un commencement d’exécution, c’est que la loi n’était pas exécutée partout d’une manière uniforme et large. S’il y a des charges imposées aux citoyens, elles doivent être également réparties sur tous.
La faculté de se soustraire aux obligations qu’impose la loi ne devrait être laissée à aucune espèce de citoyens, aux habitants d’aucune localité.
Pour mon compte je suis frappé de la circonstance que la résistance à l’organisation de la garde civique n’a été combattue nulle part. Si cependant la loi soumet les citoyens à une obligation, il ne doit être au pouvoir de personne de les y soustraire.
On a demandé que l’on signale les vices de la loi. Les vices de la loi sont qu’on ne peut forcer les gardes à organiser les cadres. D’abord je ne crois pas qu’il existe de dispositions qui forcent les gardes civiques à se rendre aux élections, les officiers à accepter les grades qui leur sont conférés et à ne pas donner leur démission quand bon leur semble. Il faudrait peut-être adopter des dispositions de cette nature ; car je ne crois pas qu’il y ait lieu d’agiter la question de savoir si l’on organisera ou si l’on n’organisera pas la garde civique. Je crois que l’on devrait seulement aviser aux moyens d’organiser la garde civique dans les localités où il y a eu à cet égard résistance de la part des gardes ou de l’administration.
- La division étant demandée par M. Dumortier l’article unique du chapitre « garde civique, » est mis aux voix et adopté, par littera comme suit :
« A. Frais de voyage de l’inspecteur-général de la garde civique, des aides-de-camp qui l’accompagnent, et frais de bureau de l’état-major général : fr. 9,000.
« B. Réparations et entretien des armes de la garde civique : fr. 16,000.
« C. Achat de sabres pour l’armement de la garde civique (la section centrale avait proposé l’ajournement de cette somme) : fr. 70,000.
« Total, fr. 95,000. »
L’article est ensuite adopté dans son ensemble avec le chiffre de 95,000 fr.
« Art. unique. Impressions des listes alphabétiques pour l’inscription des miliciens : fr. 1,600. »
- Adopté.
« Art. 1er. Routes : fr. 2,065,000. »
M. Verdussen. - Mon amendement ayant été renvoyé à la section centrale, je n’y donnerai aucuns développements. Je suppose que la chambre m’autorisera à me rendre au sein de la section centrale. (Oui ! oui !)
C’est là que je me réserve de faire valoir les motifs de mon amendement.
M. Pollénus. - A la séance d’hier vous avez entendu plusieurs membres se plaindre des obstacles que rencontrait la construction de plusieurs routes nouvelles, sous le prétexte que la défense du pays s’y opposait. L’honorable M. Mast de Vries a adresse à cette occasion à M. le ministre des travaux publics une demande à laquelle il n’a pas jugé à propos de répondre jusqu’à ce moment. M. Mast de Vries a fait connaître que, contre toutes les routes importantes projetées dans la province d’Anvers, on avait fait une seule objection, et que cette objection était tirée des besoins de la défense du pays. Il est à ma connaissance que dans le Limbourg déjà plusieurs projets de routes ont été écartés par le même motif. Il résulte de cet état de choses que les provinces d’Anvers et du Limbourg, qui, d’après la loi de l’emprunt des 6 millions pour construction de routes, devraient jouir de nouvelles communications, sont privées du bénéfice de cette loi, sans aucuns motifs qu’elles puissent apprécier, sans aucunes données qu’elles puissent débattre.
Si ces motifs de défense des frontières doivent constamment leur être objectées, alors il en résultera qu’aucune des constructions de routes qu’il importait le plus à ces provinces d’obtenir, ne pourra être réalisée, et que sur les 6 millions affectés à la construction de routes nouvelles et sur l’excédant du produit des barrières, rien ne pourra être appliqué aux provinces du Limbourg et d’Anvers.
L’honorable M. Mast de Vries a demandé au gouvernement s’il n’y aurait aucun moyen de lever ces obstacles, et, ainsi que je l’ai dit, M. le ministre des travaux publics n’a pas répondu.
Si le gouvernement persiste à garder le silence, nous verrons dans ce silence la preuve que nous n’avons rien à espérer quant à la construction de routes nouvelles, même de celles dont la nécessité a été reconnue par le gouvernement lui-même ; car plusieurs communications auxquelles on oppose les besoins de la défense du pays avaient été autorisées par arrêté royal. Il en est ainsi des routes de Lierre à Herenthals, de Malines à Westerloo et de Turnhout à Diest. On a fait la même objection en masse contre les routes dans la Campine du Limbourg. Pour moi, je ne puis consentir à laisser au gouvernement la disposition de toute la somme à laquelle s’élève l’article en discussion lorsque, d’après ce qui a été dit, je dois penser qu’il n’en sera pas fait la moindre application à la province du Limbourg. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de méditer sur la demande de M. Mast de Vries.
Je conçois que cette considération de la défense du pays, si elle était bien justifiée, ne devrait pas rencontrer d’objections. Mais quand j’entends parler de la défense du pays, je ne puis m’empêcher d’exprimer l’étonnement que m’a causé l’exposé des motifs de la demande du budget supplémentaire du département de la guerre. Ces messieurs si soucieux de la défense du pays nous apprennent que, par une voie sur laquelle on a tous les moyens de surveillance, il a été introduit dans Maestricht plusieurs batteries d’artillerie de campagne ; et ils sont si bien informés que le rapport adressé au gouvernement porte que ces batteries sont au nombre de 6, et qu’elles ont été introduites dans la forteresse de Maestricht par quart de batterie.
Après cela, lorsque j’entends le gouvernement faire toujours la même objection contre toutes les routes de la province d’Anvers, à peu près contre toutes les routes du Limbourg, contre ce qu’ont dit les honorables MM. Scheyven et Simons, ne suis-je pas autorisé à demander ce que signifient ces objections du gouvernement ?
Je déclare donc que si le ministère persiste dans son silence sur la demande de M. Mast de Vries, je serai obligé comme plusieurs préopinants de voter contre ce budget ; car je ne puis mettre à la disposition du gouvernement une somme à laquelle je suis sûr d’avance qui deux provinces ne participeront pas, contre l’intention clairement exprimée par la législature.
En 1833, vous avez voté des fonds pour l’exécution d’une route de Hasselt à Diest. Cette route qui n’est que de quatre heures n’est pas encore terminée. Cependant, elle est réclamée vivement par l’industrie de cette contrée. Il serait donc à désirer qu’elle fût achevée le plus tôt possible. Il importe de hâter les travaux, afin de ne pas laisser trop longtemps improductifs les capitaux qui y sont employés.
Il y a une communication qui est vivement désirée sur la rive droite de la Meuse. Je veux parler d’une route partant du hameau de Rothem, commune de Meerssen, se dirigeant sur Heer ; elle intéresse surtout ces cantons du Limbourg qui ont été sans représentants dans le conseil de leur province. Il suffirait de faire une route en gravier ; et les habitants de la rive droite, mis en communication les uns avec les autres, le seraient encore avec d’autres parties des environs de Maestricht ; et alors ils seraient dispensés de s’enfoncer dans des chemins vicinaux en mauvais état pour éviter la forteresse de Maestricht. Je livre ces idées au ministre.
Il y a un autre projet de route qui a reçu un commencement d’exécution : c’est une route de Diest par Beeringen à Hasselt ; il faudrait qu’elle fût prolongée jusqu’à Beverloo.
Les communes du Brabant et du Limbourg seraient ainsi mises en communication avec le camp de Beverloo qui est le principal marché de nos contrées, pendant le séjour des troupes. Cette route serait donc utile au camp, aussi bien qu’à ceux qui viennent l’approvisionner.
Je ferai une dernière observation relativement aux difficultés que l’on rencontre pour l’exécution des routes dans la Campine anversoise et limbourgeoise ; il faudrait qu’on pût lever de tels obstacles.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - D’honorables préopinants se sont plaints de ce que l’on n’avait pas fait de travaux suffisants dans les provinces du Limbourg et d’Anvers et des empêchements que le génie militaire a apportés à la confection des routes dans ces contrées : cependant, messieurs, je ferai observer que depuis la révolution belge, les provinces d’Anvers et de Limbourg n’ont pas été moins bien partagées que les autres provinces du royaume. Il est très vrai que dans la Campine d’Anvers et du Limbourg, ainsi que dans la province du Hainaut, le département de la guerre s’est opposé à l’exécution de divers projets de routes ; mais son opposition n’a pas été de même nature en tous ces lieux. A l’égard de plusieurs projets, il y a prohibition absolue ; à l’égard d’autres, il y a prohibition temporaire, et à l’égard d’une troisième catégorie, le département de la guerre s’en est référé à la décision du département de l’intérieur pour savoir si les routes étaient tellement utiles qu’on dût en commencer promptement la construction : il est inutile de dire que les routes de cette troisième classe ont été aussitôt entreprises.
Quant à celles pour lesquelles il y a prohibition temporaire, le gouvernement s’empressera, lorsque les circonstances le permettront, d’effectuer les travaux.
Cependant on ne peut autoriser la création simultanée de plusieurs routes qui, dans certaines localités et dans certaines circonstances, seraient avantageuses à un ennemi que nous voyons dans un état constant d’hostilité. Néanmoins, je pense qu’avant l’épuisement de l’emprunt de six millions, beaucoup de prohibition seront levées, et que plusieurs intérêts locaux pourront être satisfaits.
Un honorable membre vient de parler d’une route de Hasselt à Diest, dont l’exécution dure depuis longtemps : l’honorable membre a-t-il perdu de vue que dans les premières années on n’a pu disposer que de très peu de fonds ? La dernière adjudication relative à cette route a eu lieu avant l’emprunt de six millions ; on a donc dû donner un temps suffisant à l’entrepreneur pour achever son travail ? Depuis l’emprunt on a voulu hâter la construction de la route, et pour arriver à ce but, on a offert des fonds à l’entrepreneur qui n’a pas cru devoir les accepter ; il a répondu qu’à cause de la difficulté de se procurer des pavés et du haut prix où ils sont parvenus, il y aurait perte pour lui à accepter la proposition qu’on lui faisait.
Une telle difficulté disparaîtra bientôt par suite de l’achèvement de plusieurs routes, parce qu’alors les pavés seront moins recherchés et parce que ces routes seront un moyen plus facile de les transporter.
M. le président. - Une disposition additionnelle au budget des travaux publics a été déposée sur le bureau par M. Dumortier.
D’après cette disposition la répartition de l’excédant du produit des barrières pour 1838, et de l’emprunt de six millions serait présentée aux chambres avec le budget.
La parole est à M. Dumortier pour développer sa proposition.
M. Dumortier. - Messieurs, la chambre est toujours en droit de répartir comme elle l’a déjà fait l’excédant du produit des barrières. Je crois que nous pouvons déclarer que nous procéderons ainsi l’an prochain. Ma proposition a pour but qu’aucune province ne soit favorisée aux dépens d’une autre, c’est-à-dire d’empêcher qu’aucune province ne soit exclue du partage de l’excédant des barrières au profit d’une autre province.
On a élevé des plaintes relativement à la répartition qui a eu lieu ; elles sont fondées tant pour l’excédant du produit des barrières que pour l’emprunt de six millions. Ainsi nous savons que dans l’emprunt de six millions la province du Hainaut n’aura rien ou presque rien ; nous savons que la Flandre occidentale n’a obtenu que 67 mille francs dans l’excédant du produit des barrières depuis plusieurs années ; et cependant il y a des besoins réels dans cette localité.
Dans l’origine, la chambre avait réparti par elle-même l’excédant du produit des barrières ; c’est ainsi que nous avons procédé pendant deux ans. Nous pouvons nommer dix-huit membres formant une commission de répartition ; ce sera deux membres par province.
Lorsque la dernière fois nous avons consenti à laisser au gouvernement le soin d’opérer cette répartition, il a été formellement stipulé que c’était pour une année seulement ; mais aujourd’hui que les grands travaux de la chambre sont terminés, il est de notre devoir de faire par nous-mêmes ce que nous faisions auparavant, et que nous n’avons abandonné momentanément qu’à cause de la besogne qui nous absorbait. Messieurs, la répartition ne sera jamais mieux faite que quand chacun de nous exposera les besoins de sa localité ; nous sommes les représentants des intérêts locaux.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Vous ne pouvez m’interrompre ; je développe une proposition ; quand j’aurai terminé, vous prendrez la parole.
M. le président. - Aux termes du règlement, on peut interrompre l’orateur pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - On ne peut m’enlever la parole ; ce serait une chose odieuse qu’une assemblée ôtât la parole à un orateur quand il développe une proposition qu’il a faite. (Bruit.)
M. le président. - Mais il y a un article du règlement qui autorise l’interruption pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Mais il y a un autre article du règlement qui veut que le membre qui a déposé une proposition ait le droit de la développer.
M. le président. - En ce cas je vais consulter la chambre.
M. Lebeau. - Il n’y a pas lieu à consulter la chambre, le règlement est formel.
M. Dumortier. - Non, il n’y a pas lieu à consulter la chambre, et je vais continuer. (Bruit.)
M. Lebeau. - Ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre !
Je demande que M. Verdussen veuille bien dire quel est l’article du règlement qu’il invoque.
M. Verdussen. - C’est l’article 11 ; il me donne le droit de parler pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. - Citez l’article que je viole ! (Aux voix ! aux voix !)
M. Verdussen. - Messieurs, nous discutons en ce moment le budget des travaux publics pour 1837, et l’amendement de l’honorable M. Dumortier ne se rattache pas du tout au budget de 1837, car il porte en toutes lettres qu’il concerne le budget de 1838...
M. Dumortier. - On ne peut pas interrompre un orateur si ce n’est pour un rappel au règlement ; cependant M. Verdussen ne parle pas du règlement, mais il parle sur le fond de ma position ; si j’ai manqué au règlement, qu’on cite l’article auquel j’ai contrevenu, mais qu’on ne vienne pas m’enlever la parole sous un vain prétexte.
M. Verdussen. - J’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre que l’objet que nous discutons en ce moment est le budget des travaux publics pour 1837 ; or, comme la proposition de M. Dumortier est tout à fait étrangère à cet objet, il faut nécessairement l’autorisation des sections pour qu’elle puisse être développée. (Appuyé ! Appuyé !)
M. Dubus (aîné). - La critique que fait M. Verdussen de la proposition de mon honorable ami est tout à fait hors de propos. Il faut laisser à l’auteur de la proposition le temps de la développer ; après cela on aurait vu si cinq membres se seraient levés pour l’appuyer ; si la proposition n’était pas appuyée, elle ne pouvait plus donner lieu à aucune discussion ; mais si elle l’était, M. Verdussen pouvait encore proposer la question préalable ou toute autre fins de non-recevoir, ou bien le rejet formel. De quel droit donc vient-on, avant que ces deux préliminaires aient eu lieu, interrompre l’auteur de la proposition dans les développements qu’il y donne ?
Remarquez, messieurs, que les formalités dont je parle ont été introduites dans le règlement pour empêcher ces sortes d’interruptions qui sont tout au moins fort inconvenantes. Un membre de la chambre fait une proposition ; mais sur la simple lecture l’assemblée n’en saisit pas entièrement le but ni la portée ; l’auteur est donc appelé à la développer, et la chambre est ensuite constituée pour voir si cinq membres appuient la proposition : il fallait le laisser accomplir ces préliminaires, et dans le cas où ils auraient été favorables à la proposition, on aurait encore eu le temps de proposer la question préalable.
M. Lebeau. - Ce que je vais avoir l’honneur de vous dire, messieurs, n’a rien de personnel ; il s’agit simplement d’une interprétation du règlement. Je pense que l’interprétation qu’y donne M. Verdussen n’a rien d’inconvenant, à moins qu’on ne dise que le règlement lui-même est inconvenant ; je crois que d’après l’art. 35 du règlement, M. Verdussen avait le droit d’interrompre l’orateur pour un rappel au règlement ; je pense encore qu’il était dans son droit en disant que l’orateur s’écartait du règlement en présentant sous la forme d’amendement une proposition tout à fait étrangère à l’objet en discussion : si l’honorable M. Dumortier avait rattaché sa proposition au budget de 1837, s’il avait demandé que la somme pétitionnée dans ce budget ne pourrait être employée que conformément à une loi spéciale ultérieure, je pense qu’il aurait été dans son droit, et qu’il n’y aurait pas eu lieu à un rappel au règlement ; mais il ne s’agit pas du budget de 1837, mais de celui de 1838 ; il n’y a donc pas péril en la demeure, et l’honorable membre pouvait faire sa proposition aussi bien dans quelques jours qu’aujourd’hui, et se soumettre aux dispositions fort sages de l’article 35 du règlement que voici. (Ici l’orateur donne lecture de cet article.)
Je crois qu’il est impossible que l’honorable M. Dumortier ne reconnaisse pas lui-même qu’il est en dehors du règlement s’il ne rattache pas sa proposition au budget de 1837, que nous discutons, ou s’il ne la soumet pas aux formalités prescrites par l’art. 35 ; quoi qu’il en soit, je pense qu’on ne peut pas laisser continuer l’orateur dans les développements de sa proposition.
M. Dumortier. - Il est vraiment étonnant que l’honorable préopinant, tout en prétendant vouloir discuter simplement le règlement, vienne examiner ma proposition.
M. Lebeau. - Je n’ai pas examiné le fond.
M. Dumortier. - Vous avez dit que la proposition est étrangère au budget de 1837.
On a invoqué le règlement ; or, messieurs, voici ce que porte l’article 31 du règlement :
« Si un membre trouble l’ordre, il y est rappelé nominativement par le président ; en cas de réclamation, le président consulte l’assemblée, etc. »
Eh bien, messieurs, qui est-ce qui a troublé l’ordre si ce n’est l’honorable M. Verdussen qui est venu me rappeler au règlement ? Remarquez, messieurs, que la chose est d’autant plus sérieuse que c’est un membre du bureau qui est descendu du bureau pour interrompre un orateur. On dit que ma proposition se rapporte au budget de 1838 : eh bien, messieurs, j’en appelle à votre souvenir, n’a-t-on pas introduit de semblables dispositions dans les budgets des années antérieures ? N’avons-nous pas voté des dispositions analogues ? Alors on n’a pas demandé de rappel au règlement, alors on aurait trouvé qu’il était scandaleux de venir d’une manière déloyale interrompre un orateur sous prétexte d’un rappel au règlement. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dubus (aîné). - L’ordre exige, messieurs, qu’on n’interrompe pas l’orateur, et si vous ne voulez pas rendre faciles les moyens de troubler l’ordre, il ne faut pas permettre qu’on vienne interrompre un orateur sous prétexte d’un rappel au règlement, car tout rappel au règlement trouble nécessairement l’ordre.
Tout amendement déposé sur le bureau amène avec lui la question de savoir, d’abord s’il est recevable, et ensuite s’il doit être adopté, la question de savoir s’il est recevable s’éclaircit par les développements dont l’auteur l’accompagne, et ce n’est qu’après avoir entendu ces développements qu’on voit si l’amendement est appuyé.
Si l’amendement est contraire au règlement, il n’y aura pas cinq membres pour l’appuyer. S’il est appuyé, quelqu’un pourra alors proposer la question préalable ou l’ajournement, ou faire toute autre demande.
La question préalable est invoquée, lorsque l’amendement est en délibération ; mais alors que l’auteur de l’amendement ne fait que développer sa proposition, elle n’est réellement pas en délibération.
J’entends donc le règlement, me paraît-il, conformément au but que doit atteindre tout règlement ; quel est ce but ? Celui de maintenir l’ordre dans les délibérations...
Des membres. - Aux voix ! aux voix !
D’autres. - A demain ! à demain !
M. Dubus (aîné). - Mais messieurs, j’ai encore à ajouter quelques observations.
J’ai débuté par dire que mon intention n’était pas d’aborder maintenant le fond de la question, comme l’ont fait d’honorables préopinants ; je me bornerai à déclarer quant à présent qu’il y a réellement quelque chose à dire sur la question, et je crois qu’on pourrait opposer aux honorables préopinants des précédents de la chambre elle-même ; par exemple, si ma mémoire est fidèle, des articles ont été ajoutés en 1832, notamment au budget des finances, articles dont l’effet devait se reporter au budget de l’année suivante ; or, la question qui nous occupe est précisément ce que la chambre a déjà fait. (Assez ! assez ! Aux voix ! aux voix ! A demain ! à demain !)
M. le président. - Je vais consulter la chambre sur la question de savoir si la parole sera continuée à M. Dumortier.
- L’assemblée n’étant plus en nombre, il n’est pas pris de décision.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.