Moniteur belge n°46, du 15 février 1837 et Moniteur belge n°47, du 16 février 1837)
(Moniteur belge n°46, du 15 février 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. Verdussen fait l’appel nominal à midi et un quart.
M. le président tire au sort les membres composant la commission chargée de la vérification des pouvoirs de M. Nothomb, réélu à Arlon.
M. de Renesse lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur P.-J. Hernaert, saunier à Courtray, adresse des observations sur le projet de loi sur les sels, et réfute les allégations contenues dans les pétitions des sauniers des villes de mer. »
« Les propriétaires des houillères du couchant de Mons adressent des observations sur le prix de la bouille, et proposent les moyens d’y apporter des améliorations. »
« Des rouliers de Namur demandent une loi qui fixe la clôture et l’ouverture des barrières. »
« Des habitants propriétaires de Ruremonde adressent des observations contre la pétition des cultivateurs de cet arrondissement, tendant à prohiber l’exportation du foin vers la Prusse. »
- La première pétition est renvoyée à la commission chargée d’examiner le projet de loi sur le sel.
Les autres soit renvoyées à la commission des pétitions.
M. Pollénus écrit que l’état de sa santé l’empêche d’assister aux séances de la chambre.
M. Gendebien écrit : « L’état de ma santé ne me permet pas encore de prendre part aux travaux de la chambre : défense m’est faite de parler et de m’occuper de travaux sérieux ; avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais le faire. »
M. Zoude dépose sur le bureau de la chambre le rapport sur le budget des finances.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Aussitôt que les membres de la chambre auront pu prendre connaissance du rapport présenté par M. Zoude, c’est-à-dire deux ou trois jours après son impression, je demanderai que le budget des finances soit mis à l’ordre du jour : c’est une des discussions les plus urgentes que nous puissions entreprendre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). monte ensuite à la tribune et présente un projet de loi ayant pour but d’autoriser le domaine à vendre différentes parcelles des propriétés publiques, dont le revenu n’excède pas 50 fr.
- La chambre donne acte au ministre de la présentation du projet, et en renvoie l’examen devant les sections.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau de la chambre, dès les premiers jours de la session, la situation du trésor au 1er novembre 1836 ; dans cette situation, ainsi que vous pouvez le voir par le tableau n°5, le département des finances prévoyait une amélioration de recette, sur les voies et moyens votés, de 1,336,000 fr. : maintenant que 1836 est écoulé et que nous connaissons exactement quels sont les produits rentrés au trésor, je viens rectifier le résultat dudit tableau n°5, dont les chiffres n’avaient pu être posés qu’approximativement parce qu’il restait trois mois de l’exercice à écouler.
Vous verrez avec satisfaction, messieurs, qu’il y a, selon ce nouveau tableau que je viens déposer sur le bureau, pour remplacer celui susmentionné, amélioration notable dans les ressources du trésor ; car, au lieu de 1,356,000 fr. d’excédant autorisé, il y en a réellement 2,655,354 fr. 22 c. c’est-à-dire, prés de 1,300,000 fr. d’amélioration pendant les trois derniers mois de l’année.
M. le président. - Nous en sommes restés au chapitre XVIII, frais de police, fr. 80,000.
- Ce chapitre mis aux voix est adopté.
« Article unique. Avances pour subvenir aux fabriques d’église, aux communes et aux établissements de bienfaisance situés en Belgique, qui ne sont pas payés des intérêts des capitaux inscrits en leur nom au grand-livre de la dette active d’Amsterdam : fr. 100.000. »
M. Desmanet de Biesme. - L’année dernière on ne savait pas positivement à combien se montait le chiffre nécessaire pour ce chapitre ; je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si la somme de 100,000 fr. n’est pas plus que suffisante.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il me serait impossible d’indiquer à la chambre le chiffre dont on aurait besoin. Jusqu’à présent très peu de demandes sont parvenues au département de l’intérieur. Je crois que les administrations ont craint de s’engager dans des frais en faisant des réclamations ; d’autre part, les formalités prescrites par ma circulaire pour faire ces réclamations n’ont pas été bien appréciées ; on leur a donné une portée plus étendue que celle qu’elle avait réellement ; et je me propose d’adresser une nouvelle circulaire et de montrer que ces demandes ne peuvent éprouver autant de difficulté qu’on se l’imagine. Je pense, de plus, qu’on pourrait les exempter des frais de timbre ; alors elles arriveraient probablement en plus grand nombre.
M. Verdussen. - J’aurais deux observations à présenter sur le chapitre qui nous occupe. Je ne développerai que la première. Elle tendrait à ne pas comprendre le chapitre dans le budget de d’intérieur et à le transférer au budget de la dette publique auquel il appartient. Lorsque l’année passée la section centrale chargée de l’examen du budget de la dette publique vous a présenté son rapport, elle a dit qu’il était plus convenable de porter ce chapitre au budget de l’intérieur, afin que le pays ne semblât pas adopter en principe que c’est à lui à payer une dette qui par sa nature incombe à la Hollande. Je pense que si cette opinion avait quelque poids, il faudrait l’admettre non seulement pour les objets compris dans le chapitre, mais encore pour d’autres dettes qui, sans compromettre la Belgique, ont été insérées dans la dette publique. C’est ainsi que la caisse de retraite dont les fonds sont en Hollande est portée à la dette publique ; il en est de même des cautionnements. Je dirai même que le livre auxiliaire des Pays-Bas est de nature pareille, car il fait partie de la totalité de la dette qui pesait jadis sur le royaume de Pays-Bas et dont la distinction doit être faite plus tard.
Je pense qu’il n’y a aucun motif plausible pour laisser dans le budget de l’intérieur une dette qui par sa nature doit faire partie de la dette publique de la Belgique. Les termes dans lesquels le chapitre est rédigé ne permettent pas de craindre qu’il y ait danger à le porter dans la dette puisqu’il est dit positivement que ce n’est qu’à titre d’avance que le crédit est porté au budget. Toutes les précautions sont prises pour garantir les intérêts du trésor. Lorsque nous en viendrons un jour à liquider la dette avec la Hollande, on saura que le pays fait des avances pour ne pas trop léser dans leurs intérêts des établissements qui méritent d’attirer l’attention de la législature.
Ainsi je propose le transfert du chapitre au budget de la dette publique. Si cette question était résolue négativement, je prendrais la parole pour examiner le chapitre sous un autre rapport.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je n’appuierai ni ne m’opposerai à la proposition qui est faite ; car toute la question se réduit à savoir si ce sera le ministre de l’intérieur ou le ministre des finances qui aura l’application du crédit ; or, cette question nous est tout à fait indifférente, et nous nous en rapportons à la chambre.
- Le transfert est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Dépenses imprévues : fr. 50,000. »
M. le président. - On demande un transfert de 10,000 fr. aux travaux publics.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, après avoir pris une connaissance plus spéciale de l’emploi qui a été fait du crédit pour les dépenses imprévues, je crois qu’il conviendrait de transférer aux travaux publics une somme de 20,000 fr. Les frais des procès suivis par l’administration sont payés sur ce crédit, et comme dans les travaux publics il y a fréquemment de ces procès, je présume qu’il est convenable d’y transférer 20,000 fr.
M. le président. - Le chiffre est réduit à 30,000 fr.
- Le chiffre 30,000 fr., mis aux voix, est adopté.
M. le président. - Comme il y a des amendements, le second vote sur le budget de l’intérieur ne peut avoir lieu que jeudi prochain.
« Art. 1er. Intérêts de la dette active inscrite au grand livre auxiliaire : fr. 611,894 17 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Intérêts de l’emprunt belge de 100,800000 fr. autorisé par la loi du 16 décembre 1831 : fr. 5,040,000.
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt, fr. 1,008,000.
« Ensemble, fr. 6,048,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais relatifs au paiement des intérêt et de l’amortissement du même emprunt, et arriéré des mêmes frais pour les exercices clôturés : fr. 130,000 fr.
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que la section centrale a proposé la suppression des mots « des mêmes frais. » ; si M. le ministre se ralliait à cette proposition, cela ne serait pas de nature à soulever de discussion.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est la même chose !
- L’article est adopté avec ce changement de rédaction.
« Art. 4. Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de fr. autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 300.000
« Ensemble, fr. 1,500,000. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La section centrale a fait remarquer, messieurs, qu’il faudrait ajouter entre parenthèses, après le libelle de cet article ces mots : « pour mémoire et comme rappel de la loi du 30 décembre 1836 », et je me rallie à cette demande. Vous vous rappellerez, messieurs, qu’il y avait urgence de mettre à la disposition du gouvernement, avant la fin de l’année, la somme dont il s’agit ici. La loi du 30 décembre 1836 a par ce motif été portée, mais comme le budget de la dette publique doit convenablement représenter tous les crédits qui en dépendent, il faut de nouveau insérer le crédit dont il s’agit. Toutefois, pour éviter tout doute et tout double emploi, il convient d’adopter la proposition de la section centrale, et de mettre après le libellé de la dernière partie de l’article les mots qu’elle propose d’y ajouter et que je viens de citer.
M. Verdussen. - J’appuie l’observation de M. le ministre des finances ; mais je crois que l’intercalation qu’il propose devrait se trouver dans la première partie de l’article, dont la seconde partie n’est que la conséquence ; je pense donc qu’il faudrait dire :
« Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de fr., autorisé par la loi du 18 juin 1836 (portés ici pour mémoire et comme rappel de la loi du 30 décembre 1836) : fr. 1,200,000. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est indifférent.
M. Fallon. - L’article serait donc ainsi conçu :
« Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de fr., autorisé par la loi du 18 juin 1836 (portés ici pour mémoire et comme rappel de la loi du 30 décembre 1836) : fr. 1,200,000.
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 300,000.
« Ensemble, fr. 1,500,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, dans une séance précédente j’ai dit que je n’étais pas charmé de la manière dont l’emprunt de 30,000,000 a été contracté, et que lorsque nous discuterions l’article du budget de la dette publique qui concerne l’emprunt dont il s’agit, j’aurais pris la parole à cet égard ; je viens en ce moment tenir ma promesse.
Lorsque nous avons voté la loi relative à l’emprunt de 30 millions, je pensais qu’il serait soumissionné avec publicité et concurrence ; c’est, messieurs, ce qui n’a pas eu lieu.
Je reconnais que dans cette circonstance M. le ministre des finances a rendu de grands services au pays, en apprenant à la Belgique et à l’étranger que nous pouvons nous passer des banques et des banquiers, ces sangsues qui dévorent le peuple et le trésor de l’Etat ; mais, d’un autre côté, je déclare que la manière dont l’emprunt a été contracté n’est point exempte de tout reproche.
D’abord j’aurais désiré que l’emprunt eût été négocié à un taux tel que nous pussions recevoir l’intégralité de la somme auquel il s’élève, car un pays n’est pas comme un banquier qui tient compte des intérêts cumulés, des intérêts et des intérêts des intérêts de leurs capitaux ; un pays ne fait pas valoir ses fonds. Du reste, messieurs, cette observation est la moins importante de celles que j’ai à vous présenter. Un reproche plus grave que je dois adresser à l’opération dont il s’agit, c’est le défaut d’amortissement régulier ; lorsque nous avons fait la loi relative à l’emprunt de 100,000,000, nous avons affecté 1 p. c. à l’amortissement de cet emprunt, qui de cette manière doit se trouver éteint en 32 ans, et nous avons pris en outre des mesures sévères pour l’annulation des coupons retirés, de sorte qui ne pourra jamais exister d’abus sous ce rapport ; lorsqu’au contraire la chambre a voté la loi autorisant l’emprunt de 30,000,000, elle a donné au ministre des finances les coudées franches, elle n’a pris aucune espèce de réserve. Certes, il n’est personne dans cette assemblée qui ait plus de confiance que moi en M. le ministre des finances ; avant son entrée au ministère, nous étions amis politiques, et je crois que nous sommes toujours dans les mêmes sentiments l’un à l’égard de l’autre ; mais ce n’est pas là une raison pour que je consente à laisser les intérêts publics sans garanties, et c’est parce que la loi ne stipulait pas de garanties que je m’y suis opposé ; c’est aussi parce que M. le ministre des finances, lorsqu’il a contracte l’emprunt, n’a pas établi de son côté des garanties suffisantes, que je viens aujourd’hui attaquer sa conduite dans cette circonstance.
Il a été stipulé que le gouvernement amortira l’emprunt lorsque le cours en sera avantageux : mais qui est-ce qui sera juge en cette matière ? qui est-ce qui décidera de la convenance ou de la non-convenance d’amortir ? ce sera le ministère des finances. Qui est-ce qui amortira ? le ministère des finances. Qui retirera les coupons de la circulation ? le ministère des finances. Mais, si plus tard il se trouvait un ministre des finances qui ne fût pas aussi loyal que M. d’Huart, ne pourrait-on pas remettre en circulation les coupons qui auraient été retirés ? Voilà, messieurs, une observation de la plus haute importance ; voyez ce qui s’est passé dernièrement en Hollande, où l’on a reproché avec beaucoup de raison au gouvernement d’avoir remis en circulation des coupons amortis, mais qu’il avait gardés sous la main. Toutes les fois qu’on fait un emprunt, on stipule que les titres qui en auront été amortis seront anéantis de concert avec la cour des comptes : c’est, messieurs, ce qui n’a pas été fait dans la circonstance actuelle ; nous ne voyons pas comment les coupons amortis de l’emprunt de 30,000,000 seront anéantis. Qui nous garantit que si plus tard nous refusions à un ministère les fonds qu’il viendrait nos demander, ce ministère ne se passerait pas de notre vote au moyen de coupons amortis de la dette, qu’il aurait conservés devers lui ? il me semble, messieurs, que ces considérations sont de la plus haute gravité.
J’ai une autre observation à faire relativement à la perpétuité de l’emprunt qui a été contracté.
Nous avons encore commis une grande faute, messieurs, lorsque nous avons donné à cet égard les coudées tranches au gouvernement ; c’est une leçon pour nous ; elle nous apprendra à mettre à l’avenir dans nos votes moins de complaisance que nous n’en avons montré pour l’emprunt dont il s’agit.
Cet emprunt, messieurs, est réellement perpétuel en principe, puisqu’il n’y a pas de terme d’amortissement, tellement que s’il plaisait au gouvernement, l’emprunt dans cent, deux cents ans, pourra encore être tel qu’il est aujourd’hui.
On ne dira pas sans doute que cette manière d’opérer est utile aux intérêts du pays, lorsque nous sommes en présence des perspectives de devoir payer une part, quelque minime qu’elle soit, de la dette hollandaise ; et, en parlant ainsi, je ne pense pas qu’on se méprenne sur mes véritables sentiments ; car, vous savez,, messieurs, que si tout le monde me ressemblait, on ne paierait pas un denier de la dette hollandaise, et qu’on dirait à la Hollande : L’on vous paiera votre dette en boulets de canon.
Mais enfin, lorsque je me place dans la position où le gouvernement s’est lui-même placé, je me dis que nous n’avons pas absolument abdiqué toute perspective de payer une partie quelconque de la dette hollandaise.
Nous aurons dès lors une dette nationale, créée par nous et dans notre propre intérêt, et une dette hollandaise, créée contre nous. Mais, dans un pareil état de choses, quelle est de ces deux dettes celle que le pays a intérêt à amortir ? C’est manifestement la sienne, parce qu’elle est en définitive la dette de lui-même, tandis que l’autre est celle d’autrui ; il importe donc au pays de conserver cette dernière, pour qu’il puisse, lorsque les circonstances le permettront, la reporter sur celui qui la lui a imposée.
Je le répète, j’ai dû faire ces observations pour l’acquit de mes devoirs. La chose est faite, terminée, je le sais ; mais je pense que la chambre y verra un grand enseignement, pour ne plus accorder à l’avenir des votes de confiance aux ministres qui offrent même le plus de garanties sous tous les rapports.
M. Coghen - Messieurs, je me suis levé, non pas pour répondre à certaines paroles qui ont été prononcées par l’honorable député de Tournay, parce que je suis député du pays, et que ne suis pas ici pour défendre une classe de citoyens honorables qu’on devrait s’abstenir d’attaquer sans motifs dans cette enceinte, alors qu’on les voit exposé au dehors à des déclamations injustes.
Messieurs, l’honorable préopinant a critiqué l’emprunt qui a été fait par M. le ministre des finances. Quant à moi, je trouve que l’emprunt a été négocié d’une manière favorable ; je trouve que les dispositions concernant l’amortissement sont très avantageuses, parce qu’elles sont conditionnelles. Si le gouvernement juge convenable d’amortir, il amortira ; si le taux de l’intérêt hausse, il n’amortira pas, et laissera courir l’emprunt au taux actuel.
Quant aux garanties pour l’annulation des titres, elles se trouvent dans l’institution de la cour des comptes. Quand M. le ministre veut amortir en vertu de la loi du budget, il doit demander, pour payer, l’autorisation de la cour des comptes, et certainement cette cour réclamera, en ce cas, la production des titres justificatifs de l’emploi des fonds. Le pays a donc toutes les garanties et l’abus est impossible.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, ainsi que l’a dit l’honorable M. Dumortier, les chambres m’ont accordé une grande confiance, lorsqu’elles m’ont autorisé à contracter l’emprunt de 30 millions, à peu près sans aucune espèce de condition. Mais je pense, messieurs, que si jamais le gouvernement a justifié la confiance des chambres, c’est dans la circonstance présente ; et je suis réellement étonné que ce soit pour nous adresser des reproches que l’orateur auquel je dois une réponse, ait pris la parole dans cette discussion.
Je ne conçois pas qu’il puisse s’élever la moindre critique fondée contre l’opération vraiment heureuse de l’emprunt des 30 millions : aussi M. Dumortier ne s’est-il basé que sur des erreurs, pour blâmer cette opération. Cet honorable membre reconnaîtra lui-même lorsqu’il aura entendu la lecture des conditions de l’emprunt, conditions qu’il semble avoir perdues de vue.
M. Dumortier paraît croire que l’amortissement de l’emprunt est à la libre disposition du gouvernement, et que cet amortissement se fera sans aucune espèce de garantie ; il suffit, messieurs, de lire une des conditions principales de l’emprunt, pour s’assurer que, sous ces deux rapports, toutes les garanties désirables existent : d’une part, l’obligation pour le gouvernement d’amortit (à moins d’obtenir de la législature l’autorisation de suspendre l’amortissement) ; de l’autre, l’obligation de l’annulation des titres qui doit avoir lieu en présence d’un membre délégué de la cour des comptes.
(Ici M. le ministre donne lecture de l’art. 4 des conditions de l’emprunt.)
Vous voyez donc, messieurs, qu’il n’y a rien à critiquer dans cet article, qui renferme une disposition toute de prudence, par laquelle est réservée la législature la faculté, alors que l’emprunt dépasserait le pair, de ne pas consacrer l’amortissement stipulé par la loi qui autorise l’emprunt ; c’est une réserve tout en faveur du pouvoir des chambres et dans l’intérêt du pays.
Il suit de l’article dont j’ai donné lecture que l’emprunt n’est pas perpétuel, ainsi que l’a dit M. Dumortier ; qu’il devra s’amortir suivant les conditions qui y sont stipulées, et qu’ainsi, au bout d’un certain nombre d’années facile à calculer, l’emprunt sera éteint.
Au commencement de son discours, M. Dumortier a dit que le ministre des finances a seulement mérité quelques éloges parce qu’il a su se passer des banques et des banquiers, qu’il a, je pense, qualifiés de sangsues du peuple.
Je dois déclarer à la chambre que ce n’est pas cette considération, surtout motivée de la sorte, qui a engagé le gouvernement à adopter les conditions auxquelles l’emprunt de 30 millions a été contracté : si le gouvernement a cru devoir s’arrêter au mode par lequel l’emprunt a été négocié, c’est qu’il y avait un moyen de faire connaître aux pays étrangers toute l’étendue des ressources et du juste crédit dont la Belgique jouit ; et, sous ce rapport, tout le monde doit applaudir à la marche suivie dans cette circonstance et au résultat obtenu.
M. Dumortier. - Vous voyez, messieurs, d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances qu’aucune de mes observations n’a été détruite.
En effet, nous voyons bien que le gouvernement « pourra » faire des rachats de l’emprunt ; mais c’est précisément ce que j’ai dit, que le gouvernement « pourra » ordonner le tirage en présence d’un membre de la cour des comptes ; nous sommes encore d’accord. Mais j’ai dit, et je le répète, que le gouvernement reste libre de faire ou de ne pas faire, de racheter ou de ne pas racheter.
M. le ministre des finances vous a dit que le gouvernement a voulu stipuler une réserve en faveur de la législature ; cela ne résulte pas de l’arrêté ; ce ne seront pas les chambres qui décideront s’il y a lieu ou non à amortissement, mais cette faculté est laissée au gouvernement tout seul.
Comment ! messieurs, vous votez un chiffre au budget pour l’extinction de l’emprunt, et vous laisserez le gouvernement maître de décider s’il faut ou non amortir ! Messieurs, dans des matières aussi délicates tout doit être prescrit par la législature ; il faut que la marche du gouvernement soit uniforme et qu’elle ne dévie pas de celle que la législature a tracée.
J’ai pleine confiance dans M. le ministre des finances ; je suis persuadé que tant qu’il restera au pouvoir, il prendra en cette matière toutes les mesures favorables au trésor public ; je lui rends encore hommage pour la manière dont il a négocié certaines parties de l’emprunt.
Mais je regrette encore une fois qu’à côté de ces bonnes parties de l’emprunt, il y en ait d’aussi défectueuses.
Quant à ce qu’a dit M. Coghen, que je n’ai pas à m’occuper des banques et des banquiers, je conçois qu’il parle ainsi. Que chacun écoute ses affections, ses intérêts, rien de plus naturel. Mais quant à moi qui n’ai aucun intérêt dans les banques, on me permettra de n’avoir aucune affection pour elles. Je ne saurais d’ailleurs m’empêcher de voir que ces administrations ne tendent à rien moins qu’à envahir le trésor public et à engloutir l’Etat.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je donnerai lecture d’un deuxième article des conditions de l’emprunt qui, sans doute, rassurera entièrement l’honorable M. Dumortier sur le sort des obligations retirées. Il porte :
« Les obligations amorties seront détruites en public, à l’expiration du semestre, par le directeur de l’administration du trésor, en présence d’un membre de la cour des comptes ; et les numéros de ces obligations sont immédiatement insérées au Moniteur. »
Vous voyez, d’après cela, que la destruction des titres ne peut laisser aucune inquiétude.
M. Dumortier. - Mais on pourra racheter les obligations et les remettre en circulation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est impossible, car, pour racheter, il faut des fonds ; et pour obtenir des fonds, il faut produire des pièces à la cour des comptes.
Quant au rachat des obligations à la bourse, il ne s’opère pas simplement, ainsi que l’a supposé M. Dumortier, par de simples employés des finances, mais par un agent de change qui en dresse une espèce de procès-verbal. C’est cette déclaration de l’agent de change qui est envoyée à la cour des comptes comme justification du rachat.
Maintenant M. Dumortier pense toujours que le gouvernement pourra ne pas faire usage de la faculté du tirage au sort pour le rachat des obligations lorsque le cours dépassera le pair : mais l’art. 4, dont j’ai donné lecture, porte que dans le cas où le gouvernement jugerait qu’il ne faut pas user du tirage au sort, les fonds consacrés à l’amortissement recevront une autre destination.
Ainsi de deux choses l’une : les chambres voteront les fonds nécessaires pour l’amortissement, ou elles ne les voteront pas. Si les chambres votent les fonds, ce sera une obligation morale pour le ministre, auquel le crédit sera alloué, d’en faire usage ; sans cela, il serait justement attaqué, et ne saurait se justifier de l’inexécution de la loi du budget qui serait obligatoire pour lui. Dans l’autre cas, les chambres, en ne votant pas les fonds, auraient décidé qu’il n’y aurait pas d’amortissement. Ainsi, le gouvernement devra, dans tous les cas, se conformer au vœu de la législature.
M. Fallon., président. - La parole est à M. Coghen.
M. Coghen - C’est maintenant inutile !
- L’article 4 avec le chiffre de 1,500,000 fr., est mis aux voix et adopté avec cette mention : « Pour mémoire et rappel par suite de la promulgation de la loi du 30 décembre 1836. »
M. Raymaeckers., au nom de la commission de vérification de pouvoirs. - Le collège électoral du district d’Arlon a été convoqué au 7 février courant pour procéder à l’élection d’un membre de la chambre des représentants, par suite de la nomination de M. Nothomb au ministère des travaux publics.
Le collège a été divisé en trois sections.
Au premier bureau, se sont trouvés 112 électeurs ; au deuxième 63 et au troisième 27, en tout 202 ; par conséquent la majorité a été de 102.
M. Nothomb, ministre des travaux publics, a obtenu au premier bureau l’unanimité des suffrages, savoir 112 ; au deuxième 61 suffrages et au troisième également l’unanimité de 27 suffrages, en tout 200 suffrages sur 202 votants.
M. Nothomb, ministre des travaux publics, a été par conséquent proclamé membre de la chambre des représentants par le bureau principal.
Votre commission s’est assuré, par l’examen des pièces, qu’il a été procédé à l’élection dont il s’agit conformément aux dispositions prescrites par la loi électorale, et qu’aucune contestation n’a été formée contre le résultat de l’élection.
J’ai en conséquence l’honneur de vous proposer au nom de votre commission l’admission de M. Nothomb, en qualité de membre de la chambre.
- Les conclusions de la commission sont adoptées. En conséquence, M. Nothomb est proclamé membre de la chambre des représentants. Il prête serment en cette qualité.
M. Jadot., au nom d’une autre commission de vérification de pouvoirs, présente le rapport sur l’élection de M. Corneli, nommé par les électeurs du district électoral de Maestricht, en remplacement de M. Schaetzen, nommé conseiller à la cour d’appel de Liége, et conclut à l’admission de M. Corneli comme membre de la chambre des représentants.
M. Dumortier. - Cette admission me paraît assez délicate. Il y a des pétitions pour et contre. Vous voyez que la question est très difficile. Il me semble que la chambre devrait ordonner l’impression du rapport et des pièces que la commission jugera utiles. La discussion n’aurait lieu qu’après que ces pièces auraient été distribuées et que nous aurions eu le temps de les examiner. (Appuyé.)
M. Rogier. - J’ai demandé la parole pour appuyer, en qualité de membre de la commission, la proposition de M. Dumortier. Il s’est présenté plusieurs circonstances d’une appréciation délicate et difficile, ou au moins qui m’ont paru telles. Je crois qu’il serait utile, si l’on veut rendre une décision motivée et éclairée, d’ajourner la discussion à quelques jours.
Jusque là j’engagerai les membres à voir les pétitions qui présentent, je le répète, des circonstances d’une appréciation délicate.
- La chambre ordonne l’impression du rapport et des pièces que la commission jugera nécessaires pour éclairer l’assemblée.
Le jour de la discussion sera fixé quand les pièces seront distribuées.
« Art. 5. Frais relatifs au paiement des intérêts et de l’amortissement de cet emprunt (30,000,000 fr.) : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Intérêts et frais présumés de la dette flottante : fr. 400,000. »
M. Rogier. - A propos de cet article, je crois utile de reproduire une observation déjà faite dans cette enceinte par un honorable représentant de Thielt et appuyée par moi.
A l’époque où a eu lieu la création de la dette flottante, ainsi que vient de le faire remarquer M. le ministre des finances, le crédit de la Belgique, qui a pris depuis une extension si considérable, n’était pas parvenu à ce degré de prospérité où nous le voyons aujourd’hui et auquel a efficacement concouru l’honorable ministre. On conçoit qu’à cette époque où le crédit public n’était pas si fermement établi qu’aujourd’hui, le gouvernement ait cru nécessaire de joindre aux bons du trésor un intérêt quelconque, précaution dont nous voyons que les banques s’abstiennent et avec le plus grand succès. En effet, les billets de banque et les bons de caisse (car c’est ainsi qu’on appelle je crois le papier émis par la société de commerce) sont émis dans le public, admis dans la circulation et dans les caisses de l’Etat, sans qu’il y soit joint de coupon d’intérêt. Pourquoi le gouvernement, qui certainement offre aux prêteurs autant de garanties que peut leur en offrir telle ou telle société particulière, n’essaie-t-il pas aussi d’émettre des bons du trésor ne produisant pas d’intérêt ?
Le gouvernement émet pour 12 millions de bons du trésor, pour lesquels il a 400,000 fr. d’intérêt à payer. Que peut-il arriver ? Que les banques particulières, dont je reconnais d’ailleurs sur beaucoup de points l’utilité, prennent ces bons du trésor portant intérêt, sauf à les présenter à l’échéance, et émettent en remplacement des billets de banque ne portant pas intérêt. Que voyons-nous en effet ? Les traitements sont payés en bons sur papier jaune ou bleu (on n’en voit plus d’autre couleur, je ne sais pourquoi), émis par la société de commerce.
Eh bien, pourquoi le gouvernement, qui a autant de crédit au moins que les banques les mieux établies, ne ferait-il pas lui-même cette émission de valeurs ne portant pas intérêt ?
A cela je sais l’objection que l’on pourra faire. Il peut arriver que tel jour les billets émis par l’Etat sont présentés en masse au remboursement. On dit : Cela peut arriver. Mais cela n’arrivera pas. Vous ne remarquez pas que des liasses de billets soient présentées à la caisse des banques en telle quantité que le remboursement devienne impossible. Si cependant le gouvernement avait à craindre une telle coalition de. billets présentés à remboursement, rien ne serait plus facile que de déjouer la coalition ou au moins d’y faire face. Le gouvernement pourrait être autorisé à rembourser soit en argent, soit en bons portant intérêt.
Je ne fais point de proposition formelle. Mais j’ai cru ces observations nécessaires dans un moment où nous devons faire tout ce qui dépend de nous pour augmenter les ressources du trésor.
Je prierai M. le ministre des finances de prendre note de ces réflexions, à moins qu’il n’ait dés à présent des objections graves contre mes observations, objections que j’écouterai et auxquelles je me rendrai si elles me paraissent fondées.
M. Coghen - Je dois, messieurs, combattre l’opinion de l’honorable M. Rogier.
Il serait plus qu’imprudent pour un gouvernement d’émettre des bons du trésor sans échéance fixe. Ces bons pourraient être présentés du jour au lendemain. Ce serait mettre le gouvernement dans la possibilité de recevoir un affront public ; ce serait le mettre dans l’impossibilité d’acquitter des effets émis, valeur à présentation. Il n’a pas, indépendamment des besoins du service, des millions disponibles.
D’après l’opinion de l’honorable M. Rogier, on pourrait substituer aux billets au porteur, sans intérêt, des bons du trésor ou des billets portant intérêt ; mais le jour où vous admettriez la possibilité de cet échange, le droit de l’exiger aurait lieu aussitôt, et il n’y aurait plus d’émis que des bons du trésor avec intérêt.
Il ne faut pas que l’Etat s’engage à payer des masses considérables de billets à vue ; les événements qui se succèdent, les crises, les paniques qui se reproduisent malheureusement trop souvent, peuvent altérer le crédit du pays : avec un semblable système on pourrait le compromettre au moment même où il aurait besoin d’être le plus élevé.
Je conjure donc M. le ministre des finances d’éviter la possibilité de mettre le trésor dans l’embarras, et de ne pas adopter un système qui pourrait perdre le crédit et compromettre l’honneur de mon pays.
M. Dumortier. - Je partage assez les opinions émises par le préopinant, mais nullement par les mêmes motifs. Dans l’observation faite par M. Rogier, il y a certainement quelque chose d’extrêmement fondé. Tandis que nous émettons des bons du trésor portant intérêt, il y a des sociétés qui émettent des bons sans intérêt et qui les remplacent par les bons du trésor. Toutefois, je pense, avec M. Coghen, que le moyen proposé n’est pas praticable. Nous avons en Belgique une société de mutualité qui existe malgré les lois, et qui pourrait un jour s’emparer de tous les billets du trésor et mettre le trésor dans un grand embarras. Avant d’émettre des billets au porteur, il faut que le gouverneraient ait sous la main toutes les grandes associations du pays ; or, il n’en est pas ainsi actuellement.
Quand il se forme dans un pays de grande associations sans l’assentiment du gouvernement et malgré le gouvernement, de telles associations seraient très tentées d’employer leur puissance pour attaquer le crédit du gouvernement et profiter d’une crise qu’elles auraient fait naître. Ainsi, pour admettre le système de M. Rogier, il faudrait mettre les sociétés anonymes dans l’impuissance de nuire au crédit public ; et malheureusement les lois actuelles ne donnent pas ce pouvoir au gouvernement.
La constitution a reconnu nos droits ; mais tout droit est corrélatif d’un devoir, et c’est aux lois à tracer les devoirs ; or, nous manquons de lois sur cet objet.
Concevez une association dévouée à l’ennemi que nous devrions combattre, ; ne pourrait-elle pas nuire au trésor, en employant toute sa puissance pour compromettre le crédit ?
Si l’on devait adopter le principe posé par M. Rogier, il y aurait une mesure, à y adjoindre : ce serait d’obliger les contribuables, imposés à un certain taux, de payer en billets de trésor ; de cette manière il y aurait toujours des billets du trésor en circulation ; c’est ce qui existe en Prusse, et jamais on ne s’en est plaint.
L’honorable M. Rogier a soulevé une question bien importante.
Si je suis bien informé, dans le cours de l’année dernière, la société générale de Belgique aurait demandé au gouvernement la faculté de faire une nouvelle émission de billets de banque, et d’en mettre en circulation d’un chiffre inférieur à celui des billets qui circulaient auparavant ; le gouvernement a eu la sagesse de résister, et je l’en remercie. Savez-vous ce qu’a fait la société générale ?
Elle a dit à sa fille, son associée, la société de commerce : Vous émettrez des billets jaunes et bleus ; nous paierons les employés avec ce papier de nouvelle fabrique, et nous nous passerons de l’assentiment du gouvernement. » Voilà comment on élude les lois. Le gouvernement ne devait pas tolérer cette manœuvre ; il devait empêcher que les fonctionnaires ne soient payés avec des papiers autres que ceux émis par l’ancienne société générale. Qu’est-il résulté du procédé de la banque de Bruxelles ? C’est qu’on ne voit en circulation que des billets de la caisse de commerce, et qu’on ne voit plus de billets de la banque. Il ne faut pas qu’au moyen d’un prétexte de mutualité on puisse inonder le payer de papier-monnaie que le gouvernement croirait ne pas devoir admettre. Je demande que le gouvernement propose aux chambres des mesures pour remédier à de pareils abus.
M. Verdussen. - Aucune résolution ne peut résulter de la discussion, puisque qu’aucune proposition n’est déposée sur le bureau. Mais la question est grave, et je ne puis m’empêcher de soumettre à la chambre quelques remarques sur cette question soulevée par l’honorable M. Rogier.
Relativement à l’émission du papier-monnaie, on a souvent assimilé les banques à l’Etat ; mais la différence est grande, et elle a été indiquée par l’auteur de la proposition. On a dit que puisqu’on avait autorisé l’Etat à faire disparaître un déficit par des bons du trésor, portant intérêt, on pouvait l’autoriser à combler ce déficit par des billets ne portant aucun intérêt et qu’il y aurait bénéfice ; mais faites donc attention à la manière dont les banques opèrent.
Les banques émettent des billets qui sont représentés par des valeurs en numéraire dans les caisses ou par des valeurs en papier dans les portefeuilles, valeurs en papier qui sont la représentation de marchandises ou propriétés ; mais les papiers du gouvernement ne sont pas couverts par de semblables valeurs. Si une coalition se faisait dans le monde financier contre une banque, afin d’exiger des écus en échange des billets en circulation, cette banque serait obligée de vider ses caisses et ses portefeuilles pour satisfaire aux exigences ; mais il n’en serait pas de même à l’égard du gouvernement, il n’a pas de valeurs en papier à négocier, excepté des coupons d’emprunt.
Le crédit du trésor pourrait donc être compromis momentanément ; et les hommes qui aiment à pêcher en eau trouble, qui s’enrichissent dans les malheurs publics, chercheraient à faire naître des crises, ce qui leur serait très facile dans l’hypothèse actuelle, Dans les cas de crise, toutes les bourses se resserrent, tous les crédits sont en souffrance, et tel qui dans les temps ordinaires aurait pu avoir un million n’en peut trouver que la moitié. Le trésor serait obligé à des sacrifices immenses. Ce que je dis là n’est pas un rêve : il existe un pays où la quantité de billets émis est considérable, et où une coalition a fait des efforts pour faire tomber la banque qui les émet.
Qu’a-t-elle fait pour éviter le piège dans lequel on voulait la prendre ? Elle a opposé la ruse à la méchanceté : un grand nombre de ses employés se présentaient à sa caisse les mains pleines de billets ; ils recevaient du numéraire qu’ils allaient aussitôt reverser dans la caisse ; le public, voyant qu’on ne pouvait tarir la caisse, ne montra plus d’empressement pour l’échange des billets, et l’on vit clairement que les craintes que l’on avait essayé de faire naître étaient le résultat d’une coalition.
M. Rogier a donné un moyen, pour parer à un tel danger ; c’est la faculté d’offrir des bons portant intérêt contre les billets qui n’en portent pas ; mais si la défaveur existait contre les billets, elle atteindrait les bons portant intérêt, et on ne voudrait pas plus des uns que des autres.
Ainsi on ne remplirait pas ses engagements envers le porteur, et on obligerait l’Etat à se déclarer en déconfiture.
Ces considérations doivent vous apprendre que la proposition de M. Rogier est une de celles qu’il faut examiner mûrement ; et que l’on ne peut approfondir dans une improvisation
Quant au chiffre de 400,000 fr., mis pour le paiement d’intérêts des bons du trésor, il ne m’effraie pas. Depuis fort longtemps l’intérêt des bons du trésor est réduit à 3 1/2 p. c., et il pourra évidemment encore être baissé si le crédit public continue à se soutenu comme il s’est soutenu jusqu’ici.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense, messieurs, qu’au moins dans l’état politique actuel de la Belgique, l’adoption de la mesure proposée par l’honorable M. Rogier serait dangereuse. Comme on vient de le dire, un capital de 12,000,000 de francs est une somme énorme dans un moment de crise. Si le gouvernement avait en circulation 12 millions en papier remboursable à vue, ne pourrait-il pas se présenter telle machination qui aurait pour but d’exiger à la fois le paiement de tout ce papier pour jeter le pays dans une crise et lui ôter ainsi une partie de sa force contre une entreprise d’une autre nature, une agression par exemple ? A la vérité, si nous n’avions que deux ou trois millions en bons du trésor, je concevrais qu’on pût tenter un essai dans le sens indiqué par M. Rogier, quoique je sois porté à croire qu’il ne réussirait pas.
On m’objectera peut être que s’il serait si facile d’amener une crise en réclamant le remboursement instantané de billets à vue, les bons du trésor peuvent aussi ne pas être sans danger de la même manière ; je répondrai que les bons du trésor étant échelonnés sur diverses échéances dans le cours de l’année, le même danger n’existe pas ; on ne peut jamais, en effet, réclamer à la fois qu’un douzième environ des bons du trésor mis en circulation, et par conséquent la somme à rembourser ne peut être assez considérable pour causer de grands embarras.
Il me semble qu’on a répondu d’une manière péremptoire à l’honorable M. Rogier lorsqu’il propose, comme moyen d’empêcher une crise, de remplacer les billets à vue, qu’il faudrait rembourser, par des bons du trésor ; l’honorable M. Coghen a démontré qu’il faudrait toujours opérer dans les 24 heures l’échange de bons du trésor contre les billet à vue, attendu que les porteurs préféreraient placer leur argent à intérêt.
Il a été soulevé une question très grave relativement aux billets de caisse d’une société de Bruxelles ; on a semblé croire que le gouvernement obligeait les fonctionnaires à prendre ces billets comme écus : il n’en est rien, messieurs ; le gouvernement ne reconnaît d’autre numéraire légal que celui qui est stipulé dans la loi monétaire de 1832, et lorsque des fonctionnaires reçoivent des billets de l’une ou de l’autre société, c’est sous leur responsabilité. Vous savez, messieurs, que les billets de caisse et les billets de banque obtiennent cours par la confiance qu’ils inspirent ; si les employés, comme particuliers, s’en contentent, le gouvernement n’a rien à y voir dans l’état actuel de la législation ; les particuliers comme les sociétés peuvent actuellement émettre des billets semblables : toute la question est de savoir s’ils inspirent assez de confiance pour être reçus ; c’est une transaction entre tiers dans laquelle le pouvoir exécutif ne peut pas intervenir.
Il serait sans doute inutile de prolonger cette discussion ; l’honorable M. Rogier n’a pas fait de proposition, il a seulement engagé le gouvernement à méditer la question qu’il a soulevée et qui est assez grave pour mériter notre attention ; pour mon compte je l’examinerai afin de la mettre à profit pour l’Etat si elle présente réellement quelque côté favorable ; il sera peut-être convenable, au moyen de combinaisons à rechercher, d’adopter, au moins en partie, les vues de l’honorable membre.
M. Devaux. - Quoiqu’il n’ait pas été fait de proposition formelle, je n’en crois pas moins, messieurs, que les considérations qui vous ont été soumises, méritent d’occuper au moins pendant quelques instants votre attention. Il est beaucoup de questions qui ne peuvent pas être décidées à l’instant ; mais la discussion des budgets n’est pas seulement utile par les discussions de chiffres, mais aussi par les vues qu’elle peut soulever, et je regrette qu’elle n’amène pas plus souvent de ces questions que l’examen mûrit et qui sont ensuite résolues dans l’un ou l’autre sens en pleine connaissance de cause.
Il a beaucoup été dit, messieurs, sur l’émission de papier-monnaie, et tout le monde sait qu’une semblable émission peut donner lieu aux plus graves inconvénients ; mais tout le monde sait aussi que le papier-monnaie, lorsqu’il est émis avec prudence, peut-être d’une grande utilité.
Je crois que si l’on proposait d’émettre à l’instant 12 millions en papier-monnaie, il y aurait lieu à rejeter cette proposition ; mais je crois aussi qu’il y aurait moyen de faire un essai, si pas aujourd’hui, du moins dans quelque temps.
Les bons du trésor sont aussi un papier-monnaie, mais un papier-monnaie émis avec certaines précautions : là aussi il y avait du danger ; mais au moyen de quelques précautions prises, en élevant d’abord l’intérêt et en le baissant ensuite graduellement, on est parvenu à ne plus y voir aujourd’hui aucun danger. Je crois, messieurs, qu’on pourrait de même, en employant quelques précautions, se créer une ressource au moyen du papier-monnaie.
La grande difficulté sera toujours de faire face aux remboursements qui seraient demandés ; mais la même difficulté existe aussi pour les bons du trésor ; elle n’est d’ailleurs pas beaucoup plus grande pour le gouvernement que pour les banquiers, qui gardent, dit-on, en caisse les fonds nécessaires pour opérer ce remboursement. Le gouvernement a aussi des valeurs, il a aussi des ressources qui seraient suffisantes même dans un temps de calamité ; je ne veux pas indiquer ces ressources, mais je crois qu’il aurait à sa disposition de meilleurs moyens que celui qui a été indiqué par mon honorable ami. L’Etat a aujourd’hui des conventions avec son caissier ; eh bien, ne pourrait-il pas s’entendre avec celui-ci pour ce qui serait relatif au papier-monnaie ? De même que l’Etat vient au secours de son caissier en lui prêtant ses fonds, le caissier ne pourrait-il pas aussi venir au secours de l’Etat dans un moment de besoin ? Je crois, messieurs, qu’une émission progressive de papier-monnaie pourrait très bien avoir lieu, et présenterait des avantages importants. Cela existe dans d’autres pays où cela n’offre aucun danger. Il y a en Prusse un papier-monnaie qui est très recherché, qui l’est tellement que le cours en est au-dessus du pair. J’avoue que notre position politique n’offre pas, sous ce rapport, autant de garanties que la position politique de la Prusse ; mais elle s’est beaucoup améliorée, et il est évident que notre crédit est aujourd’hui établi d’une manière solide.
On a soulevé une autre question dont je ne dirai que deux mots. Je ne partage pas sous plusieurs rapports les préventions de beaucoup de personnes contre les grandes sociétés ; mais je voudrais bien que le pays en eût les avantages en en évitant les inconvénients ; je crois que si les sociétés ont le droit d’émettre sans contrôle et sans limite du papier-monnaie, il peut en résulter de très grands dangers ; tout le monde connaît les dangers de l’excès du numéraire et surtout du numéraire en papier ; Je crois que cela est beaucoup plus dangereux que l’émission de papier-monnaie par le gouvernement, qui est toujours contrôlé et qui ne l’émettait que dans des limites étroites. Je ne crois pas que la société qui fournit la plupart des billets de banque ait, en vertu de son contrat, le droit d’en émettre ; elle en émet cependant pour des sommes considérables. Qui est-ce qui empêche toutes les autres sociétés d’en émettre aussi ? Il y a à cet égard, dans la législation, une lacune qu’il conviendrait, je crois, de combler ; car on a beau dire que quand les receveurs acceptent le papier-monnaie des sociétés particulières, ils en prennent la responsabilité ; si dans un moment de crise, où le gouvernement aurait besoin d’argent, les receveurs n’avaient en caisse que du papier, il en résulterait de bien grands dangers.
Je crois, quant à moi, que la loi devrait prescrire les conditions sous lesquelles les billets au porteur peuvent être émis ; et à cet égard, je rappellerai au gouvernement l’obligation qui lui incombe et qu’il a perdue de vue ; nous ne sommes pas à même, nous représentants, de vérifier jusqu’à point les sociétés anonymes remplissent leurs obligations, nous ne connaissons pas leurs actes si importants pour le pays, et qui ne reçoivent aucune publicité officielle.
Je demanderai qu’à l’exemple de la France (et ce qui est raisonnable), l’on veuille bien publier dans le Bulletin officiel les règlements de ces sociétés ; cela est très nécessaire et utile même au public ; car je pose en fait qu’aujourd’hui beaucoup de personnes qui font des affaires avec ces sociétés, n’en connaissent pas les statuts.
En France, toutes les sociétés autorisées par le gouvernement doivent publier leurs statuts dans le Bulletin officiel ; je recommanderai au gouvernement de vouloir bien faire la même chose.
(Moniteur belge n°47, du 16 février 1837) M. de Foere. - Messieurs, les orateurs qui se sont élevés contre l’opinion de M. Rogier ont placé la question sur un terrain sur lequel cet honorable membre ne l’avait pas posée. En effet, ils sont partis tous du principe qu’il s’agissait d’une émission d’obligations remboursables à terme, ou de bons du trésor échangeables contre argent à toute heure.
Si j’ai bien compris l’honorable M. Rogier, telle n’a pas été son opinion. Il a proposé au gouvernement d’émettre des bons royaux ou des bons du trésor sans intérêt, au lieu d’en émettre avec intérêt et à terme, comme il se pratique maintenant. Il a proposé le mode d’émission suivi par le gouvernement prussien. Or la Prusse émet des bons sans intérêt, et non remboursables ou échangeables contre argent. La valeur et la garantie de ces bons est dans la faculté et même dans le devoir de payer les impôts au moyen de ces bons. Cette manière d’émettre des bons royaux n’a entraîné jusqu’à présent en Prusse aucune espèce d’inconvénient.
On vous demande quelle sera la garantie de ces bons ? Je demanderai à mon tour quelle est la garantie des émissions des banques et des sociétés ? Assurément c’est le crédit. Et quelle est, en commerce, la véritable base du crédit ? Il repose toujours sur les ressources du débiteur, sur sa bonne foi et sa loyauté. Or, qui peut contester que l’Etat tout entier n’ait pas plus de ressources, plus de bonne foi et de loyauté pour payer ses créanciers que toutes les banques du monde qui émettent aujourd’hui des billets sans intérêt ?
Les bons royaux de Prusse sont reçus comme espèces chez tous les receveurs, en acquit des contributions. Nous avons dans notre pays un budget de dépenses de 86 millions ; nous avons une dette flottante de 12 millions. Dès lors quel danger pourrait-il y avoir à émettre 12 millions de bons du trésor sans intérêt, avec la faculté laissée aux contribuables de s’acquitter des impôts au moyen de ces bons ? Ces bons entreraient immédiatement en circulation. Et quelle peut être dans ce cas l’objection possible contre l’acceptation de ces bons du trésor, et contre le crédit dont ces bons devraient jouir, alors surtout qu’une loi les mettrait en circulation ?
J’ai présenté, je pense, l’analyse fidèle de la proposition que l’honorable M. Rogier vous a faite. Cette proposition n’est que la reproduction de celle que j’ai eu l’honneur de vous soumettre il a quatre ans ; et toutes les observations critiques que l’on a faites dans la discussion actuelle contre cette proposition, sont parties, selon moi, d’une fausse position de la question.
M. Verdussen a cité la banque d’Angleterre qu’on a voulu, dit-il, écraser au moyen de demandes considérables de remboursement. Messieurs, la banque d’Angleterre opère avec la plus grande prudence. Quel que soit le nombre de billets que cette banque émet, alors même qu’ils sont échangeables contre argent à chaque jour, à chaque heure, le crédit de cette banque est trop solidement établi pour qu’il puisse lui être porté atteinte. Ainsi les crises dont M. Verdussen vous a entretenus ont été plutôt imaginaires que réelles.
Le crédit du pays est infiniment supérieur à celui de telle ou telle banque de l’Europe, et alors même que nos bons du trésor, sans intérêt, seraient remboursables à terme fixe, ce qui ne serait, en aucune manière, nécessaire pour les mettre en circulation, il y aurait toujours moyen de parer, par leur mode d’émission, à des crises imprévues, en sorte que le crédit de l’Etat ne serait jamais exposé.
L’honorable M. Rogier a soulevé la question afin que le gouvernement songe aux moyens les plus propres à émettre des bons sans intérêt, valables, comme espèces, chez les receveurs des contributions. L’Etat ferait les bénéfices que font toutes les banques d’émission. Il les ferait à plus juste titre.
Quant aux sociétés et aux banques du pays qui émettent des papiers-valeurs, il est certain que le gouvernement et la chambre doivent intervenir par une loi, car l’intérêt public n’est pas suffisamment garanti. Leurs émissions se font sans terme et sans contrôle.
Pour moi, je ne verrais aucune espèce d’objection à ce que les sociétés constituées sur des bases solides, et autorisées comme telles, émissent des papiers-valeurs, pourvu que les valeurs ne dépassassent pas le quart ou le tiers du capital social. Alors l’intérêt public serait suffisamment garanti. Mais aujourd’hui il leur est libre d’émettre un nombre illimité de billets, de sorte que, si des crises possibles venaient à éclater, il est certain que les intérêts publics pourraient être gravement compromis.
M. Rogier. - Messieurs, j’ai déjà fait remarquer que je n’ai pas fait une proposition formelle à la chambre ; je me suis seulement permis, à l’occasion d’un article du budget des dépenses, de présenter quelques observations, en y appelant l’attention de l’assemblée et de M. le ministre des finances.
J’ai vu avec plaisir que M. le ministre des finances, tout en combattant en grande partie la proposition, a fini par déclarer qu’il en ferait l’objet d’un mûr examen ; sous ce rapport, je dirai que le but de ma proposition se trouve rempli, car je n’ai rien demandé au-delà : et, ainsi que l’a dit un honorable membre qui cependant s’est déclare immédiatement contre la question, le pour et le contre méritent d’être discutés mûrement.
Messieurs, si j’avais fait une proposition formelle à la chambre, mon devoir eût été d’entrer dans des développements dont je crois pouvoir m’abstenir aujourd’hui.
Ainsi, par exemple, lorsque j’ai indiqué quel serait, suivant moi, le moyen d’échapper à la coalition des billets qui se présenteraient au remboursement à jour fixé, je n’ai pas entendu m’arrêter à celui-là, ni supposer que beaucoup d’autres ne puissent pas être introduits.
Ce serait, messieurs, si une proposition formelle était faite, le cas pour moi de rechercher ces moyens ; mais mon but n’ayant été que d’appeler sur cette question l’attention du gouvernement, je m’en remets avec confiance, et à l’expérience de M. le ministre des finances, et à la vieille expérience d’un de ses prédécesseurs qui, j’en suis persuadé, mettra volontiers cette vieille expérience, dont il a parlé, au service de l’Etat.
Quant à moi, si j’étais ministre des finances, Je vivrais en très grande sécurité contre cette chance de coalition. Je ne pense pas qu’une seule société osât trahir les intérêts du pays jusqu’à chercher, dans un moment de crise, à ajouter des difficultés nouvelles aux difficultés du moment ; je dis que si un semblable attentat pouvait se commettre, on trouverait peut-être dans les lois pénales des moyens de répression, qui mettraient le gouvernement suffisamment à l’abri.
D’ailleurs, messieurs, il ne s’agirait pas d’émettre, comme on l’a pensé, des masses de semblables valeurs, mais d’en émettre seulement avec prudence et réserve un certain nombre, jusqu’à concurrence d’une somme qui pourrait se borner à quelques millions.
Je dis que le crédit de l’Etat belge serait tombé bien bas, s’il n’était pas en mesure de faire face à une demande de remboursement de quelques millions. Je pose en fait que les caisses des sociétés particulières ne sont pas mieux fournies à cet égard que celles de l’Etat, et que si de grands capitalistes, détenteurs de billets émis par les banques, songeaient à se coaliser contre les banques, celles-ci pourraient se trouver à leur tour dans de grands embarras, et que de ces embarras sortiraient des crises aussi fâcheuses que celle qu’on pourrait craindre d’une coalition opposée dirigée contre l’Etat.
Et remarquez qu’il y a une tendance à arriver à une telle émission ; car l’intérêt des bons du trésor, qui avait été porté d’abord à 5 p. c. est descendu à 4 et à 3 1/2. Il peut diminuer encore, de sorte qu’il dépendra du gouvernement de se placer vis-à-vis du pays dans la situation où sont les banques elles-mêmes qui émettent du papier sans intérêt. Je n’en dirai pas davantage ; le gouvernement ayant déclaré qu’il prendrait mes observations en considération, je ne puis rien demander de plus.
M. Dumortier. - Quoique la question ne soit qu’en théorie, je ne puis m’empêcher de faire quelques réflexions sur ce qu’a dit le ministre des finances relativement aux billets émis par la société de commerce.
Le ministre prétend qu’il ne peut s’immiscer dans la manière dont les receveurs font leur perception, pourvu qu’ils satisfassent le trésor ; que les receveurs perçoivent à leur corps défendant, et qu’ils sont responsables du montant de la recette ; moi, je crois que le gouvernement à le droit de défendre aux receveurs, sous les peines les plus sévères, d’accepter, en paiement des contributions, autre chose que du numéraire ou des billets autorisés. Les inspecteurs qui vérifient les caisses publiques doivent n’admettre comme valeur que du numéraire ; supposons qu’ils admettent des billets, et qu’un moment de crise arrive tout à coup ; l’Etat n’aurait pour faire face à des besoins pressants que du papier non reconnu par le gouvernement ; l’État se trouverait donc dans le plus grand danger.
J’invite M. le ministre des finances, qui prend à cœur les intérêts dû pays, de prescrire aux receveurs de ne point recevoir des billets pour les contributions.
- Le chiffre de 400,000 fr : mis aux voix est adopté.
« Art. 7. Intérêts de la dette viagère : fr. 7,500. »
M. Dumortier. - Il me semble que cette dette devrait s’éteindre plus rapidement. Ces pensionnaires proviennent de la dette autrichienne ; ils sont très vieux.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous ne pouvons pas les tuer !
« Art. 8. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Intérêt à payer à la société générale pour favoriser l’industrie générale, en exécution de la transaction autorisée par la loi du 27 septembre 1835 : fr. 230,705. »
- Adopté.
« Art. 1er. Pensions ecclésiastiques : fr. 780,000.
« Pensions civiles, fr. 585,000.
« Pensions civiques : fr. 240,000.
« Pensions militaires : fr. 1,545,000.
« Pensions de l’ordre Léopold : fr. 20,000. »
M. Dumortier. - J’ai une observation à faire relativement aux pensions civiques. J’ai vu avec peine et avec douleur qu’on écartait les demandes des blessés de septembre sous des prétextes frivoles, tandis qu’on était prodigue pour une foule d’autres personnes ; on ne devrait cependant pas être aussi défavorable aux hommes de septembre ; c’est à eux que nous devons notre indépendance ; c’est à eux que nous devons d’être ce que nous sommes.
J’ai vu de ces hommes qui avant la révolution vivaient dans une certaine aisance, et qui maintenant sont dans un état voisin de la misère. On leur refuse une pension en interprétant la loi dans le sens le plus rigoureux, et cela en même temps qu’on se montre si facile pour d’autres. Je voudrais que le ministère donnât des explications sur ce point.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les observations que l’honorable M. Dumortier vient de présenter concernent particulièrement le département de l’intérieur, et je ne pourrais donner qu’imparfaitement les explications qu’il demande. Cependant je ne crois pas que le ministre de l’intérieur se montre facile pour accorder certaines pensions, et difficile pour en accorder d’autres ; il donne des pensions aux blessés de septembre aux termes des lois, et après avoir pris l’avis d’une commission instituée pour examiner les demandes. On ne peut pas présumer que des pensions réclamées pour une cause aussi légitime soient refusées aussi légèrement. Du reste, le ministre de l’intérieur aura connaissance des observations qui sont faites ; et s’il avait été commis des erreurs dans cette partie de l’administration, il s’empresserait de les rectifier.
M. Dumortier. - Dans la loi que nous avons votée, nous avons dit que les pensions seraient accordées aux blessés de septembre qui seraient dans l’impossibilité de continuer leur travail ; on a interprété cette disposition de la manière la plus rigoureuse : on veut que le blessé, pour avoir une pension, soit dans l’impossibilité absolue de travailler ; mais jamais ce cas ne peut se rencontrer : un homme qui a perdu un bras, une jambe est encore capable d’un certain travail ; est-ce à dire qu’il ne faut pas lui donner de pension ? Je déplore que l’on soit si sévère envers des hommes qui ont versé leur sang pour la patrie et qui ont conquis notre nationalité.
M. Rogier. - Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas ici ; mais à raison de mes relations avec l’administration de l’intérieur à l’égard des pensions aux blessés de septembre, je dirai que, loin d’y être rigoureux, on y est bienveillant.
Les pensions s’accordent aux hommes de septembre sur l’avis d’une commission créée à cet effet dans le commencement de la révolution, et son avis est toujours, on peut le dire, paternel. Il n’y a pas d’exemple qu’un combattant de septembre, ayant perdu un membre, n’ait pas reçu de pension. Toutefois je ne dis pas que sur cette matière, il ne puisse y avoir eu quelques irrégularités de commises, malgré le zèle et la générosité que met la commission dans ses travaux et dans ses avis.
Si donc des citoyens ont droit à la pension, qu’ils présentent leur demande d’une manière convenable, et ils seront accueillis favorablement ; car toutes les questions concernant les hommes de septembre sont généralement décidées avec toute justice.
« Art. 2. Arriéré des pensions de toute nature : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Traitement d’attente, traitements ou pensions supplémentaires et secours annuels : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Subvention à la caisse de retraire : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Crédit supplémentaire, remboursable sur les fonds de la caisse de retraite des employés des finances, retenus en Hollande : fr. 180,000. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’ai, dans une séance précédente, proposé un amendement à cet article ; mais comme je l’ai dit alors, il conviendra d’examiner d’abord le projet de loi relatif au crédit de l’arriéré dont j’ai en même temps fait la demande, l’amendement à l’article dont il s’agit en ce moment n’étant en quelque sorte qu’une conséquence de l’adoption des arriérés. Je prierai donc la chambre d’allouer pour le moment la somme de 180,000 fr. qu’elle a votée les années précédentes, afin de permettre au gouvernement de continuer, au moins provisoirement, ce qui a été fait jusqu’ici, en attendant qu’elle ait pu prendre une décision sur le projet de loi relatif à l’arriéré dont je viens de parler ; le crédit supplémentaire pour 1837 sera, en cas d’adoption de ce projet, ajouté à celui-ci au moyen d’une disposition à rédiger.
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que M. le ministre pourra en effet comprendre dans son projet de loi relatif à l’arriéré, les fonds qu’il demandait pour 1837 d’après l’amendement qu’il vient de retirer provisoirement.
- Le chiffre de 180,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 1er. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 160,000. »
M. Zoude. - Messieurs, une cause est déférée à la justice de la chambre, celle des comptables qui, ayant versé un cautionnement à la Hollande, en garantie d’une gestion dont ils ont été déchargés depuis la révolution par un quitus de la cour des comptes, ont demandé inutilement jusqu’ici le remboursement de leur cautionnement.
Le titre sur lequel ils fondent leur réclamation est écrit dans l’arrêté-loi du 15 avril 1814, en vertu duquel il s’est établi un contrat synallagmatique entre le receveur qui s’est obligé à fournir un cautionnement et le gouvernement qui a pris l’engagement de le lui restituer lorsque sa gestion serait expirée. Cette condition remplie de la part des comptables, c’est indubitablement au gouvernement à s’acquitter à son tour de l’obligation qu’il s’est imposée ; mais cette obligation incombe aujourd’hui au gouvernement belge qui a succédé à celui de Guillaume, parce que celui qui jouit du bénéfice d’une succession dont également en supporter les charges.
Le gouvernement doit d’autant moins se refuser à acquitter cette obligation qu’il trouve toute sa garantie dans le traité du 15 novembre qui le constitue débiteur envers la Hollande ; il répétera à charge de celle-ci, lors de la liquidation générale, les remboursements auxquels Guillaume s’était obligé, et par suite le gouvernement qui lui a succédé.
Les droits des tiers que M. le ministre oppose à ces remboursements ne peut atténuer l’obligation qu’il a à remplir ; si des tiers avaient eu des droits, ils n’auraient pas manqué de les faire valoir auprès du gouvernement belge qui n’a cessé d’en payer les intérêts, ils auraient pratiqué des arrêts-saisies ; mais lorsque rien de cela n’existe, le gouvernement n’est pas fondé à refuser le capital, le paiement des intérêts entraîne la reconnaissance du principal.
Ceci est telle évidente que, sans les mesures législatives dont on veut parler maintenant, et qui ne sont qu’un moyen dilatoire peu digne du gouvernement, plusieurs cautionnements ont été remboursés sous la garantie d’une caution personnelle ; que le ministre continue à exiger la même garantie des réclamants, et tous s’empresseront à s’y soumettre.
Mais il paraîtrait, d’après le rapport qui vous est présenté, que les comptables auraient presque mauvaise grâce à se plaindre, puisque la nation belge paie même, à titre d’avance, les intérêts des sommes dont elle ne jouit pas.
Ont-ils bien le droit, dit-on, de se plaindre de la fixation d’un intérêt dont les comptables, nommés par le gouvernement, se contentent ?
Oui, messieurs, ils ont droit de se plaindre, parce que les intérêts stipulés avec Guillaume étaient plus élevés que lorsqu’il a plu à celui-ci d’en réduire le taux ; c’était pour des motifs temporaires, c’est que le prix de l’argent était baissé alors ; mais, cette circonstance étant venue à changer, les receveurs sont rentrés dans le droit qu’ils avaient d’être remboursés en renonçant à leur emploi.
L’argent était à bas prix, et cependant un honorable membre de cette chambre vous dira qu’il connaît de ces comptables qui paient encore aujourd’hui 8 à 10 p. c. des capitaux qu’ils ont versés à la Hollande.
Mais cette considération est étrangère au droit que réclament ceux pour lesquels je n’ai plus qu’un mot à dire, et je prie le gouvernement de vouloir y faire attention, c’est qu’il est des réclamants qui sont fermement résolus à quitter l’attitude suppliante qu’ils ont prise jusqu’ici, et qui vont déférer leur droit au pouvoir chargé de prononcer entre les gouvernants et les gouvernés.
Deux prétentions seront élevées à la fois, de la part des uns, le rétablissement des intérêts au taux primitif de 5 p. c. ; de la part des autres, le remboursement immédiat de leurs cautionnements.
Leur droit à tous est si évident, si incontestable, que d’après l’avis de plusieurs jurisconsultes distingués, les tribunaux n’hésiteront pas à le proclamer par des arrêts solennels.
Si le gouvernement se laisse entraîner dans cette carrière, il arrivera qu’au lieu d’opérer partiellement et successivement les remboursements au moyen d’une allocation modérée telle que la 4ème section vous l’a proposée, le gouvernement sera forcé de solliciter un crédit pour rembourser à la fois tous les comptables qui se présenteront armés de leur quitus, et qu’il faudra y ajouter l’intérêt à 5 p. c., plus les frais qu’une injuste résistance aura occasionnés.
M. Verdussen. - Vous avez dû voir, messieurs, que cette grave question n’a pas échappé à la section centrale, mais elle est entourée de tant de difficultés qu’elle a voulu plutôt en provoquer l’examen approfondi dans une discussion spéciale, séparée de celle du budget, que de vous engager à la trancher dans la discussion du budget même.
En effet, messieurs, nous nous sommes occupés dans la section centrale, pendant plusieurs séances, de cette importante question, et plus nous sommes entrés dans son examen, plus nous avons reculé devant les conséquences qui semblent devoir résulter de sa solution. Jusqu’ici la somme portée à l’article que nous discutons en ce moment n’y a jamais figuré qu’à titre d’avance, sauf la liquidation à opérer plus tard entre les deux pays ; je crois qu’il faut rester fidèle à cet antécédent, jusqu’à ce que la question puisse être mûrement examinée, et que M. Zoude devrait demander que cet examen fût renvoyé à une commission ou aux sections, plutôt que de vouloir y faire procéder immédiatement dans la discussion du budget.
M. Zoude. - J’aurais l’honneur de dire à l’honorable préopinant que depuis la révolution il a été fait des remboursements à diverses personnes dont il n’est pas nécessaire de dire les noms, d’autant plus que M. le ministre des finances n’ignore sans doute pas cette circonstance. Je demande que le même principe soit suivi pour tous.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai d’abord, messieurs, à la dernière observation de l’honorable préopinant, observation qui a déjà été reproduite plusieurs fois dans cette enceinte, à l’occasion de la discussion du crédit dont il s’agit en ce moment.
Effectivement, trois ou quatre cautionnements ont été remboursés, je crois, en 1831 mais alors le libellé de l’article permettait sans doute d’opérer ce remboursement, tandis qu’aujourd’hui, d’après la rédaction actuelle du même article, la cour des comptes ne l’admettrait plus ; je crois d’ailleurs que ce qui a été fait en 1831 a été le résultat d’une erreur, car jamais il n’a été reconnu en principe qu’il y avait lieu de rembourser en Belgique les capitaux quelconques restés en Hollande.
L’honorable M. Verdussen vient de vous faire remarquer, messieurs, que la section centrale a été au-devant de la question soulevée par M. Zoude, et qu’elle en a en quelque sorte proposé l’ajournement ou le renvoi à l’examen soit d’une commission, soit de toutes les sections ; je pense, messieurs, que si l’on veut en venir à une décision définitive dans l’un ou dans l’autre sens, il faut suivre la marche indiquée par la section centrale.
Dans mon opinion, je regarderais en ce moment le remboursement des cautionnements demeurés en Hollande comme un acte de pure bienveillance nationale, et dès lors je trouve que les dépenses que nous aurons à faire pour 1837 ne nous permettent pas des actes de cette nature. En tout cas, ainsi que le fait remarque la section centrale, reconnaître la nécessité de ce remboursement serait poser un principe qui pourrait devenir dangereux pour nos finances, car vous ne l’auriez pas plus tôt consacré, qu’on viendrait nous réclamer le paiement immédiat de sommes très fortes ; tandis que maintenant nous avons gagné des procès intentés de ce chef, et que jusqu’à un certain point il s’est établi une jurisprudence en faveur du non-remboursement de semblables créances.
Ce ne saurait donc être par un simple amendement de chiffre qu’on pourrait trancher cette question ; car, si même nous la décidions en faveur des anciens comptables, il faudrait prendre des mesures législatives contre les dangers que le remboursement non suffisamment garanti pourrait entraîner avec lui ; il faudrait en un mot se prémunir contre la lésion qui résulterait pour le trésor si l’on remboursait un cautionnement que l’on reconnaîtrait plus tard avoir déjà été remboursé en Hollande ou être la propriété d’un prêteur, lequel a, dans tous les cas, privilège immédiat après le gouvernement. D’ailleurs, le taux de 4 p. c. auquel nous payons l’intérêt de ces cautionnements est assez élevé pour que les prêteurs n’aient pas à se plaindre.
Il n’y a donc pas lieu à admettre incidemment la proposition de M. Zoude ; tout ce que nous pouvons convenablement faire, c’est de la renvoyer à l’examen des sections ou d’une commission, afin de nous en occuper d’une manière spéciale.
M. Verdussen. - L’honorable M. Zoude a parlé des droits des cautionnaires ; je ne conteste aucunement ces droits, mais il s’agit de savoir s’ils peuvent les exercer contre la Belgique ou si c’est à la Hollande seule qu’ils peuvent s’adresser.
M. Zoude a proposé une allocation de cent mille francs, mais M. le ministre des finances dit que si le principe de M. Zoude était admis, il faudrait au moins trois cent mille francs pour l’exercice de 1837 ; la dette que vous vous attireriez, messieurs, en reconnaissant la nécessité du remboursement, s’élèverait au moins à un capital de quatre millions de francs ; ce n’est pas incidemment qu’on peut décider une question de cette nature.
M. Zoude s’appuie de l’exemple de ce qui a, dit-il, été fait il y a quelques années ; mais il s’agit, messieurs, de savoir si l’on a bien fait ; si l’on a une fois commis une erreur, ce n’est pas une raison pour la commettre toujours ; mais lorsqu’on reconnaît qu’on a été dans l’erreur, il faut en revenir.
M. Coghen - Messieurs, quand j’étais ministre des finances, il m’a été adressé des demandes tendant à obtenir le remboursement de cautionnements de l’espèce ; mais l’importance des réclamations, la pénurie du trésor, la crainte de ne pouvoir régulièrement obtenir les quitus, m’ont fait ajourner ces demandes.
Toutefois, je crois qu’il est d’équité, lorsqu’un comptable quelconque a dû déposer un cautionnement pour garantie de sa gestion, et qu’il obtient sa retraite par suite d’une circonstance quelconque, je crois, dis-je, qu’il est d’équité que ce comptable dès l’instant que son quitus peut être régulièrement obtenu, soit remboursé de son cautionnement.
Aussi j’appuierai la proposition de M. le ministre des finances, tendant au renvoi de la question à une commission des finances qui pourra l’examiner à fond, et en faire l’objet d’un projet spécial, si elle le juge convenable.
M. le président. - Voici un amendement de M. Zoude :
« Je demande que la chambre alloue une somme de 100,000 fr. pour pourvoir au remboursement des fonds versés en Hollande par des comptables qui depuis la révolution ont obtenu le quitus de leur gestion. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, c’est cette proposition qui devrait être renvoyée soit aux sections, soit à la commission des finances. Je pense qu’il conviendrait d’en saisir les sections. J’en fais la proposition formelle à la chambre.
M. Dumortier. - Messieurs, la chambre a déjà pris une résolution relativement à la question soulevée par l’honorable M- Zoude ; c’est la chambre elle-même qui a voulu que l’on ne continuât pas le remboursement des cautionnements dont les fonds sont en Hollande.
Si M. Zoude a une proposition à faire, qu’il la formule en loi, qu’il la dépose, et les sections verront s’il y a lieu à en autoriser la lecture.
M. Zoude. - J’adhère à la proposition de M. le ministre des finances tendant au renvoi aux sections de la proposition que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre.
- Ce renvoi est ordonné.
« Art 1er. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Intérêts des cautionnements des comptables belges, inscrits au grand-livre de la dette publique : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Arriéré de ces intérêts (des cautionnements inscrits au grand-livre d’Amsterdam), exercices 1836 et antérieurs : fr. 14,500. »
- Adopté.
- Sur la proposition de M. Verdussen., la chambre décide que le chapitre XVIII du budget de l’intérieur, qui a été détaché de ce budget, formera l’art. 4 du chapitre III du budget des dotations et de la dette publique.
M. le président. - La discussion est ouverte sur cet article ainsi conçu :
« Avance pour subvenir aux fabrique, d’églises, communes et aux établissements de bienfaisance, situés en Belgique, qui ne sont pas payés des intérêts des capitaux inscrits en leur nom, au grand-livre de la dette publique à Amsterdam : fr. 100,000. »
M. Verdussen, rapporteur. - Messieurs, on a pu remarquer dans le rapport de la section du budget de l’intérieur qu’elle a appelé l’attention particulière du gouvernement sur les difficultés dont on entoure la possibilité d’être admis à la participation du budget en discussion.
Je me suis procuré la circulaire qui est émanée du département de l’intérieur et où on présente aux administrateurs des hospices, etc., un projet d’acte qu’ils doivent souscrire, pour mettre l’Etat en garde contre tout paiement qu’ils pourraient exiger plus tard.
Je pense, messieurs, que ce projet d’acte notarié renferme des stipulations qu’il est impossible de remplir ; un administrateur qui veut bien par humanité gérer des établissements de bienfaisance, ne pourra et ne voudra souscrire à de pareilles stipulations.
(Ici l’orateur donne lecture d’un passage de la circulaire ministérielle.)
Je le demande, continue l’orateur, comment est-il possible qu’un administrateur qui ne reçoit aucun traitement, aucun tantième, aucune garantie de sa gestion, est-il possible qu’il puisse souscrire à un pareil acte ? Je conçois que si des erreurs venaient à être commises par lui, on pourrait s’en prendre à lui personnellement ; mais lorsque la négligence est le fait de son prédécesseur, ou qu’elle est même inhérente peut-être à l’établissement, qu’il dirige gratuitement, pour le bien des pauvres, pourra-t-on avec justice la lui imputer ?
Je pense, messieurs, que ce n’est pas ainsi qu’il faut agir. Si le crédit a été voté l’année dernière dans un but honorable, il ne faut pas entourer d’aussi grandes difficultés la possibilité de participer à ce crédit.
Je sais qu’il est dangereux de soulever ici de semblables questions, car c’est faire peut-être de l’administration dans cette chambre. Mais puisque la législature a voté un crédit, c’est dans l’intention sans doute d’en rendre l’application possible.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je prends l’engagement d’examiner la question qui nous occupe, et de concilier autant que possible les facilités dont il convient d’entourer les opérations des administrations de bienfaisance, avec toutes les garanties qu’exige le trésor public.
M. Demonceau. - Messieurs, je demande la parole, et cependant je parviendrai difficilement à me faire comprendre, vu l’état précaire de ma santé ; je réclame donc votre attention pour un instant.
J’appuie toutes les observations qui vous ont été faites par l’honorable M. Verdussen, mais je crois devoir y ajouter quelques-unes auxquelles il n’a probablement pas pensé : c’est toujours à propos de la circulaire dont il vous a parlé, qu’elles me sont à l’instant suggérées.
Veuillez, messieurs, vous souvenir comment fut votée cette allocation lors de la discussion du budget de l’année dernière en allouant le crédit reproduit au budget de l’intérieur pour cette année, la chambre a entendu, je n’en fais aucun doute, payer une dette, et non faire, en quelque sorte, une charité aux établissements de bienfaisance. Cette dette, que vous avez entendu payer de la même manière et pour les mêmes motifs que ceux qui vous ont guidés en portant au budget de la dette publique des allocations pour payer les intérêts des cautionnements des comptables et les pensions à charge de la caisse de retraire, cette dette est, en effet, de la même espèce ; car de même que les comptables ont dû verser dans la caisse de l’Etat, ou produire en certificats inscrits au grand-livre de la dette publique, les sommes destinées à la garantie de leur gestion, de même aussi les établissements de bienfaisance ont été contraints de faire l’achat d’inscriptions au livre de la dette publique, au fur et à mesure que des capitaux leur étaient remboursés, car c’était en remploi sur l’Etat qu’ils devaient placer leurs fonds disponibles ; cette mesure avait pour but de maintenir et relever même le crédit public ; aussi pourrais-je produire une masse de circulaires et de décisions sur ce point ; le gouvernement allait même jusqu’à indiquer les maisons d’Amsterdam les plus dignes de la confiance des administrations pour l’achat et la conversion sur le livre de la dette publique.
Cependant, et malgré la justice des réclamations élevées par toutes les administrations de bienfaisance, quoique nous eussions reconnu le fondement de leurs justes plaintes, le gouvernement semble avoir interprété le vote de la chambre d’une manière toute différente ; cette circulaire dont M. Verdussen vient de vous parler, exige des administrations la preuve que les établissements de bienfaisance n’ont pas à leur disposition de quoi pourvoir à leurs dépenses courantes, ou, on d’autres termes, qu’ils sont dans le besoin.
Je me permets d’appeler sur ce point l’attention de M. le ministre des finances ; je ne sais, messieurs, si mes paroles arrivent jusqu’à lui, car je parle avec peine ; mais il me semble résulter des observations qu’il vient de faire que son opinion est la même que la mienne sur la manière d’appliquer le crédit dont il s’agit. Je lui ferai observer toutefois que telle ne paraît pas être l’opinion du rédacteur de la circulaire dont je parle, et sur ce point je prie M. le ministre de lire cette circulaire avec un peu d’attention, il acquerra la conviction que je me suis formée sur ce point. Mais, je le déclare, tel ne doit pas être le sens dans lequel doit être appliqué le crédit que nous votons ; tous les établissements qui justifient d’une manière suffisante avoir des créances inscrites au grand livre de la dette publique à Amsterdam doivent participer du partage de la somme allouée. Exiger qu’un établissement de bienfaisance justifie qu’il est dans le besoin, c’est, dans mon opinion, exiger un non-sens ; car tout établissement de charité, quelque riche qu’il soit, quelque forte que soit la dotation, est nécessairement dans le besoin : plus les établissements ont de ressources (dans des circonstances comme celles où nous nous trouvons surtout), plus ils sont à même de faire le bien ; d’ailleurs ils ont versé leurs capitaux, à titre de remploi, dans les caisses de l’Etat ; celui-ci ne peut, sans être injuste, leur refuser l’intérêt, et l’on sait que la Hollande refuse tout paiement d’intérêts lorsqu’elle a, comme dans ce cas, la certitude que les créances appartiennent à des établissements de la Belgique.
J’arrive maintenant à la garantie qu’on leur demande, et sur ce point je partage tout à fait l’opinion émise par notre honorable collègue M. Verdussen ; pourquoi, en effet, exiger d’administrateurs gratuits une garantie personnelle et même solidaire ? Je comprends qu’il est juste d’exiger certaines garanties pour recourir au besoin contre le gouvernement hollandais lorsque nous liquiderons avec lui ; mais les établissements de bienfaisance sont sur ce point dans une position bien plus favorable que les comptables en général, et je vais, je pense, le prouver facilement. Les établissements de bienfaisance ne peuvent rien faire sans l’accomplissement de certaines formalités ; ils ont dû faire inscrire leurs dettes au grand livre de la dette publique à Amsterdam en leurs propres noms ; chaque année, ils forment leurs budgets, chaque année aussi ils doivent dresser leurs comptes ; les sommes les plus minimes perçues ou déboursées doivent y figurer ; un état de reprise constate l’arriéré ; ils ne peuvent rien vendre ni recevoir en capitaux sans autorisation de l’administration supérieure ; leurs budgets et leurs comptes sont vus et approuvés par elle ; enfin ils sont véritablement en tutelle, et à moins de supposer chez leurs administrateurs des hommes capables de redevoir sans renseigner les recettes dans les comptes (supposition qu’il n’entre, je pense, dans l’esprit de personne de faire planer sur des gens qui, en général, sont l’élite des populations), il est impossible que le gouvernement puisse être trompé ; je conçois qu’il n’en peut être de même des comptables, parce que ceux-ci peuvent avoir cédé leurs droits à des tiers, ou des tiers ont pu leur prêter les fonds pour fournir leurs cautionnements, ou enfin des tiers ont pu exercer des poursuites à charge de certains d’entre eux ; mais, je le répète, pour les établissements de bienfaisance le gouvernement n’a rien à craindre qu’il exige des administrations, et non des administrateurs individuellement et solidairement, subrogation dans leurs droits à charge de la Hollande ; qu’il prenne telle autre mesure d’ordre qu’il croira nécessaire à cet égard, mais qu’il ne mette pas ces établissements dans l’impossibilité de prendre part au partage de la somme que nous votons : tel ne doit pas être le résultat de notre vote. C’est donc pour être appliquée ainsi que je viens de l’expliquer que je donne mon assentiment à l’article en discussion.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai lieu de croire que l’honorable préopinant est dans l’erreur s’il pense qu’on oblige les établissements de bienfaisance à justifier qu’ils sont dans le besoin. On leur demande seulement des garanties ; mais souvent elle sont, j’en conviens, difficiles à produire.
Quant aux comptables qui ont leurs cautionnements en Hollande et auxquels on en paie l’intérêt, ils doivent produire une caution valable pour le montant de ces intérêts, Ainsi l’Etat ne peut être lésé. Les précautions sont les mêmes pour les administrateurs des établissements de charité.
Je reconnais cependant que la différence entre les anciens comptables et les établissements de bienfaisance est grande. Les premiers ont versé leur cautionnement dans un intérêt privé, les autres réclament dans un intérêt d’humanité, et à l’acquit des devoirs qu’ils se sont imposés comme philanthropes et comme administrateurs à titre gratuit. Aussi, messieurs, je prends volontiers l’engagement de faire tout ce qui dépendra de moi pour que les garanties que nous demanderons à l’avenir aux établissements de bienfaisance soient facilement possibles aux administrateurs de ces établissements.
M. Verdussen. - Je demanderai que l’on transfère sur les administrations les garanties qui pèsent sur les administrateurs.
- Le chiffre de 100,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Intérêts des cautionnements versés en numéraire depuis la révolution : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Intérêts et remboursement des consignations dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Liste civile (mémoire) : fr. 2,751,322 75 c. »
Ce chiffre, n’étant ici que pour mémoire, n est pas mis aux voix.
« Art. unique. Sénat : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Chambre des représentants : fr. 420,000. »
Le chiffre de cet article a été réduit par la chambre dans son comité secret à 417,905 fr.
- Ce chiffre est adopté.
« Art. 1er. Membres de la cour : fr. 43,386 20 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 65,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel : fr. 16,900. »
- Adopté.
La chambre passe au vote du texte :
« Art. 1er. Le budget de la dette publique et des dotations, pour l’exercice de 1837, est fixé à la somme de seize millions trois cent douze mille cent quatorze francs et un centime (fr 16,312,140 01 c.), conformément aux tableaux ci-annexés. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
La chambre procède au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi du budget des dotations et de la dette publique.
Voici le résultat du vote.
53 membres prennent part au vote.
52 votent pour l’adoption.
1 (M. Seron ) vote contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Berger, Coghen, Dolez, Cornet de Grez, de Brouckere, de Foere, F. de Mérode, W. de Hérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Liedts, Milcamps, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.
- La séance est levée à 4 heures 1/2.