(Moniteur belge n°44, du 13 février 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Verdussen donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des habitants de Beerendreecht demandent la prohibition de la chicorée hollandaise pour le cas où la chicorée indigène ne jouirait de la libre entrée en Angleterre. »
« Le sieur J.-H.-G. Brombach, pharmacien-professeur d’histoire, à Diekirch, propose des modifications à la loi de 1818 sur l’art de guérir. »
« Le sieur B. Hebbelinck, à Nazareth, ex-employé, demande une pension. »
M. le ministre des finances envoie à la chambre 104 exemplaires d’un rapport que l’archiviste du royaume lui a adressé sur les archives de la chambre des comptes des Flandres, de Lille ; et sur les travaux à exécuter dans l’histoire de la Belgique.
MM. Vandenhove, Van Hoobrouck, Donny, Lejeune, informe chambre que de l’état de leur santé ne leur permet pas d’assister aux séances de la chambre.
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Thienpont
Secrétaire : M. Dechamps
Membre de la commission des pétitions : M. Zoude
Deuxième section
Président : M. Stas de Volder
Vice-président : M. Raymaeckers
Secrétaire : M. B. Dubus
Membre de la commission des pétitions : M. Andries
Troisième section
Président : M. F. de Mérode
Vice-président : M. de Nef
Secrétaire : M. Verdussen
Membre de la commission des pétitions : M. Troye
Quatrième section
Président : M. de Muelenaere
Vice-président : M. Vanderbelen
Secrétaire : M. de Jaegher
Membre de la commission des pétitions : M. Dubois
Cinquième section
Président : M. Dubus (aîné)
Vice-président : M. Liedts
Secrétaire : M. C. Vuylsteke
Membre de la commission des pétitions : M. de Roo
Sixième section
Président : M. Pollénus
Vice-président : M. de Longrée
Secrétaire : M. Dolez
Membre de la commission des pétitions : M. Vergauwen
M. le président. - Dans la dernière séance des propositions ont été faites par MM. Smits et Dumortier pour compléter l’article 4 du chapitre XI, relatif à la pêche nationale. Vous avez renvoyé ces propositions à l’examen de la section centrale. La parole est à M. le rapporteur.
M. Heptia, rapporteur. - La section centrale à laquelle ont été renvoyés les amendements proposés par MM. Smits et Dumortier les a mûrement examinés, et vous propose une rédaction nouvelle dont je vais vous donner lecture :
« En attendant qu’il y soit pourvu, les dispositions de la loi du 6 mars 1818 (Bulletin officiel, n°13) seront suivies, pour la répartition entre les intéressés, de la somme portée au budget pour l’encouragement de la pêche du hareng et de la morue.
Néanmoins, si le total des primes acquises pendant le cours de l’exercice dépasse le chiffre alloué au budget, ce chiffre sera réparti par le gouvernement entre les intéressés. »
La section centrale a pensé qu’il était préférable de désigner d’une manière expresse et formelle les dispositions de loi auxquelles on entendait se référer que de renvoyer d’une manière indéterminée aux dispositions qui étaient en vigueur sous l’ancien gouvernement. Cette manière de renvoyer à des dispositions qui n’étaient pas connues de la chambre, et dont la connaissance ne peut être acquise qu’au moyen de recherches plus ou moins longues et plus ou moins difficiles, a paru présenter quelques inconvénients, parce qu’il aurait pu arriver qu’une partie de ces dispositions fût tombée en désuétude ou ne fût plus applicable dans notre nouvel ordre de choses.
La section centrale a aussi pensé que l’on ne devait pas mettre le gouvernement dans le cas de dépenser en primes à la pêche une somme plus forte que celle allouée au budget ; c’est pourquoi elle vous a présenté un deuxième paragraphe par lequel il est dit que si le total des primes acquises pendant le cours de l’exercice dépasse la somme allouée au budget, il subira une réduction proportionnelle qui sera déterminée par le gouvernement. On a entendu laisser au gouvernement la faculté de distribuer les primes d’après les bases qu’il croira les plus justes. On n’a pas cru devoir, dans la nouvelle rédaction, entrer dans aucune espèce de détail à cet égard. La section centrale a pensé qu’il était préférable de laisser au gouvernement plus de latitude.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) (pour une communication du gouvernement). - J’aurais quelques communications et propositions à faire à la chambre, mais je ne me sens pas la poitrine assez forte pour faire moi-même ces communications. Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien en donner lecture à ma place.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vais vous donner communication des propositions de M. le ministre de la guerre.
(Moniteur belge n°48, du 17 février 1837) Messieurs, dans votre séance du 23 décembre dernier, j’ai annoncé l’intention de soumettre à la chambre mes idées sur la force qu’il était indispensable de donner à notre organisation militaire, et de préparer des amendements au budget des dépenses de 1837 qui nous permissent d’atteindre à ce sujet le but désirable.
J’ai rappelé, dans la même séance, que le pays avait encore un ennemi en présence, et j’ai-dit que du moment où j’avais pu prendre une connaissance suffisante de notre état militaire, il m’avait paru demander d’être renforcé.
Telles sont les considérations qui m’obligent de vous déclarer que je trouve insuffisant le budget des dépenses du ministère de la guerre qui vous a été proposé pour l’année 1837, et de vous indiquer les majorations que je crois nécessaire d’y apporter.
Vous n’attendez pas de moi, messieurs, que je vienne ici vous exposer, avec détails, les motifs de telles ou telles augmentations. Mais je n’en déposerai pas l’énoncé, sans protester que depuis que j’en ai reconnu la nécessité, mon étude la plus constante a eu pour objet de me mettre en état de bien saisir et respecter la limite à laquelle je pouvais les borner.
Ce que je dois faire avant tout, c’est chercher à vous communiquer ma conviction sur la nécessité du principe de l’augmentation. Vous présenter un simple tableau de la situation de l’armée hollandaise suffira, je pense, pour me faire atteindre ce but.
Depuis la signature de la convention du 21 mai, notre intention d’en observer religieusement les stipulations n’a jamais été l’objet d’un doute.
Ainsi, il n’est pas possible que le gouvernement hollandais suppose que nous puissions avoir la pensée de l’attaquer.
Mais une telle intention pût-elle nous venir, il ne nous serait pas possible de la mettre à exécution d’une manière assez rapide, pour compromettre par une surprise qui nous permît de pénétrer dans le cœur du pays, la sécurité de la Hollande.
Par la nature non moins que par les travaux de l’art, la frontière est l’une des mieux défendues qui existent, et avant que nous eussions eu le temps de la forcer, notre adversaire aurait eu celui de préparer et de réunir tous ses moyens de défense.
De faibles garnisons dans les places fortes du Brabant septentrional seraient donc suffisantes pour permettre à ce pays de se reposer dans la plus entière tranquillité.
Au lieu de cette organisation simplement défensive, si conforme à la situation et aux intérêts de la Hollande, voici celle qu’elle ne cesse pas de maintenir.
En avant des boulevards que lui forment ses rivières, ses inondations et ses places fortes, elle tient dans les cantonnements presque toute sa cavalerie et son artillerie, et plusieurs bataillons d’infanterie qui, comme appui des autres armes, forment déjà une avant-garde menaçante. Près de la moitié de son infanterie remplit les places fortes du Brabant septentrional, et se trouve ainsi, en quelque sorte, déjà en ligne, pouvant être réunie en peu de marches, aux corps les plus avancés.
Le reste de son armée, sauf les garnisons de la Zélande et de Maestricht, occupe les places de l’intérieur, de manière cependant à pouvoir en moins de six jours de marché être concentré à l’extrême frontière.
La garnison de Maestricht, libre de tous ses mouvements, peut être regardée elle-même comme un corps détaché, concentrée sur notre flanc droit, et cette garnison comprend une artillerie de campagne considérable.
Je dois en outre vous faire observer que, tandis que dans l’armée belge, on a supprimé la presque totalité des cantonnements, tandis que l’on a réduit au minimum les différents services attachés à une armée en campagne, l’armée hollandaise au contraire a toujours maintenu, à grands frais, tous les services de cette espèce, de manière à pouvoir, sur le premier ordre reçu, se mettre en mouvement, sans avoir besoin d’attendre leur réorganisation.
Je dois, messieurs, appeler toute votre attention sur la gravité de ces circonstances. il résulte en résumé des différents faits que l’attitude de l’armée hollandaise est véritablement menaçante. La plus simple logique nous indique comme une chose difficile à expliquer qu’un gouvernement économe continue à constituer ce pays dans des dépenses aussi ruineuses, s il n’a pas pour cela des motifs puissants. Je ne veux pas essayer de vous développer quelles peuvent être les espérances et les vues du gouvernement hollandais, mais en se rappelant le langage que les ministres hollandais eux-mêmes ont tenu, récemment, au sein des états généraux, on peut affirmer, sans exagération, que ces espérances et ces vues sont essentiellement hostiles à l’existence de notre pays.
Une immense responsabilité pèse sur celui qui, par sa position, est chargé de veiller à ce que les moyens de défense du pays soient en harmonie avec les dangers qui peuvent la menacer. Un pays doit son indépendance et à son honneur de ne jamais soumettre l’avenir de son existence au hasard. Dire que nous ne serons exposés à aucun danger, parce qu’aucun malheur ne nous est arrivé depuis plusieurs années, c’est abdiquer le soin de nous défendre nous-mêmes, et confier à des chances fortuites ce qu’un pays possède de plus précieux. Je crois pouvoir en appeler, avec une confiance entière, aux sentiments de dévouement et de patriotisme si souvent éprouvés des mandataires de la nation, en réclamant d’eux les moyens qui sont indispensables pour conduire au but que le gouvernement se propose d’atteindre.
Du reste, nous croyons avoir évité, dans l’appréciation de ces moyens, toute espèce d’exagération. Placer notre armée vis-à-vis de celle de la Hollande dans une attitude d’attente aussi imposante que son attitude d’attaque est menaçante, voilà tout ce que nous voulons, voilà ce que l’honneur du pays ainsi que sa sécurité exigent.
J’ai l’honneur de déposer une série d’amendements au chapitre II, première section, article premier ; section 2, art. 1, 4 et 6 ; section 3, art. 1er, 2, 2, 4, 6, 7, 12, 13, 14 ; chapitre V, art. 2, du budget des dépenses du ministère de la guerre pendant l’année 1837, qui comportent une augmentation de dépense du montant total de fr. 2,930,899 16 c.
(Nous reproduirons dans un de nos prochains numéros les amendements proposés au budget pour l’exercice 1837.)
(Moniteur belge n°44, du 13 février 1837) - La chambre ordonne l’impression et la distribution des propositions de M. le ministre de la guerre et des développements qui les accompagnent.
M. de Brouckere. - Je demanderai le renvoi des propositions de M. le ministre de la guerre à la section centrale qui a examiné son budget, et qui procéderait à ce nouvel examen comme commission.
M. Dumortier. - Avant d’examiner de quelle manière on procédera relativement aux propositions de M. le ministre de la guerre, je désirerais savoir de M. le ministre des finances quels sont les moyens qu’il compte employer pour faire face à cette augmentation de dépense de trois millions. Si vous augmentez vos dépenses de trois millions, vous devez nécessairement augmenter vos recettes d’une somme égale. Je prie M. le ministre des finances de nous dire ce qu’il entend faire dans le cas où la chambre adopterait les propositions de M. le ministre de la guerre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous pensons, messieurs, que c’est ici l’occasion de mettre en pratique le principe de bonne administration si souvent réclamé dans cette enceinte, et consistant à voter les dépenses avant les voies et moyens destinés à y faire face. C’est ici l’occasion d’en agir ainsi, parce qu’il sera tout aussi praticable d’appliquer les voies et moyens auxquels on aura recours, à neuf mois de l’année qu’à dix. L’urgence qui jusqu’à présent nous a forcés de voter en premier lieu les voies et moyens ordinaires pour toute l’année, n’existe donc pas dans la circonstance présente.
Il importe, messieurs, avant de bien apprécier la portée des ressources qu’il y aura à créer par suite de l’adoption des amendements qui viennent de vous être présentés, que nous soyons fixés sur le montant des différents budgets dont nous avons commencé la discussion Or, le gouvernement ne peut même prévoir, approximativement, quel sera ce montant, aussi longtemps que les budgets ne sont pas votés, au moins par la chambre des représentants.
Le budget des travaux publics, par exemple, renferme deux articles comprenant une somme presque égale à celle demandée par le ministre de la guerre, dont l’adoption est tout à fait problématique. Il n’est pas certain que vous adopterez ces articles, et, par conséquent, s’il sera nécessaire de recourir à de nouveaux moyens considérables ; il serait d’ailleurs imprudent d’indiquer dès maintenant les bases de ceux-ci, car si nous les présentions trop longtemps à l’avance, nous nuirions indubitablement aux produits. Et en effet, en indiquant que telle branche des impôts indirects doit être frappée de centimes additionnels, les intérêts s’empresseraient de prendre leurs mesures pour éluder l’augmentation de droits.
Revenant aux deux articles du budget des travaux publics auxquels je viens de faire allusion, et qui sont mentionnés, pour mémoire, dans le tableau des différentes allocations destinées à ce ministère, je vous rappellerai que l’un de ces articles concerne la construction d’une digue d’assèchement dans les polders de Lillo, et dont la dépense est évaluée à 1,800 millions ; l’autre article est relatif aux victimes des inondations commises par les Hollandais : l’année dernière le chiffre alloué de ce chef comme secours à ces victimes a été de 300 mille fr. Voilà deux points sur lesquels vous aurez, messieurs, à vous prononcer, et sur lesquels nous devons être fixés avant de pouvoir apprécier la limite des nouvelles ressources qu’il faudra ajouter à celles des voies et moyens ordinaires.
Si l’on ne se décidait pas à allouer les 1,800 mille fr. destinés à la reconstruction des digues de Lillo, parce qu’après avoir médité sur les renseignements que le ministre des travaux publics a déposés sur le bureau, on jugerait à propos de recourir à d’autres mesures, nous aurions là 1,800 mille francs de moins à combler par les recettes. La prudence exige donc, je le répète, que nous agissions dans cette circonstance comme je viens de l’indiquer. La chambre, comprendra, je l’espère, la portée de ces observations, et elle attendra tout au moins que la discussion du budget des travaux publics ait eu lieu et que la section centrale ait fait son rapport sur les nouvelles propositions du ministre de la guerre, avant de demander que nous lui fassions connaître nos vues sur les moyens de faire face aux nouvelles dépenses dont il s’agit.
M. Dumortier. - Il résulte de ce que vous-venez d’entendre que si les propositions de M. le ministre de la guerre étaient admises il faudrait recourir à de nouveaux impôts, à des centimes additionnels. Dans un pareil état de choses, il faut renvoyer les propositions du ministre aux sections, afin que chacun de nous examine jusqu’à quel point il est nécessaire d’établir de nouveaux impôts. Depuis quatre années l’armée est réduite à l’état où elle se trouve ‘aujourd’hui. Au fur et à mesure que nous avançons, les chances de guerre vont en diminuant et le gouvernement voudrait malgré cela augmenter les dépenses de l’armée.
Quand nous avons demandé au gouvernement pourquoi il réduisait l’effectif de l’armée en augmentant l’état-major, il nous a répondu : Que vous importe, le chiffre de la dépensé n’est pas augmenté. Maintenant que l’état-major est augmenté, on nous demande un accroissement de dépense pour avoir un nombre de soldats en proportion avec l’état-major.
Il y aurait un moyen d’éviter l’augmentation de dépense qu’on propose, ce serait de remettre l’armée sur le pied où elle était il y a quatre ans. De cette manière vous n’aurez pas besoin de créer de nouveaux impôts.
Je demande donc que les propositions du ministre de la guerre soient renvoyées aux sections, afin que chacun de nous puisse voir jusqu’à quel point il peut être nécessaire d’augmenter les impôts.
M. de Brouckere. - Je pense que l’interpellation de l’honorable préopinant est anticipée. Non seulement il ne s’agit pas de savoir comment ou fera pour se procurer les trois millions nécessaires pour faire face aux dépenses proposées par le ministre de la guerre, mais il n’est pas même question de savoir si on adoptera ces propositions. Il s’agit uniquement de savoir qui sera chargé de les examiner.
J’ai demandé que ce soit la section centrale qui examine le budget de la guerre, comme commission. M. Dumortier déclare préférer que ce soient les sections ; si vous adoptez cette marche, la discussion du budget de la guerre sera retardée beaucoup, tandis que si vous ordonnez le renvoi à la section centrale, nous pourront avoir son rapport d’ici à quelques jours, et la discussion du budget pourra commencer la semaine prochaine. La chose est indispensable, car nous n’avons voté de crédits provisoires que pour deux mois. Nous voilà à la moitié du second, et c’est tout au plus si le sénat pourra l’avoir voté pour le commencement de mars, en supposant que nous commencions le budget de la guerre la semaine prochaine.
Je pense que la chambre fera plus sagement de renvoyer les propositions du ministre de la guerre à la section centrale qui les examinera comme commission.
M. Dumortier. - Si M. le ministre de la guerre est si pressé, il n’avait qu’à nous présenter avec son budget les propositions qu’il vient de nous apporter aujourd’hui. Quand on attend que la section centrale ait terminé son travail et déposé son rapport pour demander des augmentations, on s’expose à des retards. C’est M. le ministre actuel qui a présenté le budget de la guerre, il devait y comprendre les propositions qu’il nous fait aujourd’hui. Qu’on ne vienne pas dire qu’on n’a pas eu le temps d’examiner la position, car on avait promis d’envoyer le budget aux membres à domicile, et on ne l’a pas fait a-t-on dit, parce qu’on voulait examiner les choses avec maturité. On est donc responsable du retard que peut éprouver le vote du budget de la guerre.
La question est de savoir si nous voulons entrer dans un système de nouveaux centimes additionnels pour augmenter l’armée, lorsque les chances de guerre vont de jour en jour en diminuant. La section centrale qui a examiné le budget de la guerre, a épuisé son mandat ; elle a déposé son rapport, elle n’a plus rien à faire.
Je persiste dans ma demande de renvoi aux sections.
- La chambre, consultée, adopte la proposition de M. de Brouckere.
En conséquence, les demandes de M. le ministre de la guerre sont renvoyées à la section centrale du budget de la guerre, qui les examinera comme commission.
M. le président. - Je proposerai à la chambre de s’occuper de l’amendement l’art. 11. Vous connaissez la proposition faite par la section centrale.
M. de Jaegher. - La proposition de la section centrale commence par ces mots : « En attendant qu’il y soit pourvu. » Je demanderai que l’on change cette rédaction et que l’on dise : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. »
- Cette rédaction est adoptée ainsi que l’amendement.
« Article 1er. Lettres, sciences et arts : fr. 307,000. »
La section centrale propose une réduction de 40,000 fr.
M. Heptia, rapporteur. - Messieurs, la section centrale propose sur l’article en discussion une réduction de 40,0060 fr. Cette réduction porterait particulièrement sur la somme destinée à acheter les produits des arts lors des expositions nationales.
Votre section centrale a cru que dans la situation actuelle des finances, la plus sévère économie devait présider au vote des subsides. Depuis la fin de décembre, époque à laquelle nous avons voté la loi des voies et moyens, il a paru à votre section centrale qu’il ne fallait pas augmenter les charges de l’Etat outre mesure. Elle a de plus un autre motif pour être convaincue qu’il doit en être ainsi ; c’est la nouvelle demande qui est faite par le ministre de la guerre. Persuadée que l’économie doit être notre règle principale, la section centrale a recherché s’il était nécessaire aux arts un encouragement de 40,000 fr. ; elle a cru que non, parce que dans la situation de notre pays, alors que toutes les espèces de prospérités publiques sont arrivées à peu près à leur comble, les arts ont leur encouragement naturel dans les effets de cette prospérité publique.
Il est en effet reconnu que les artistes trouvent à placer avantageusement leurs ouvrages dans les cabinets des particuliers, et que ces placements sont assurés pour plusieurs années. Si on veut une preuve que c’est l’aisance d’un pays qui est l’encouragement le plus réel des arts, je la trouve dans une circonstance que l’on invoque très souvent pour nous engager à voter des fonds : tous les artistes d’un mérite distingué sont disposés, nous dit-on, à s’expatrier pour aller dans les grandes villes où sont les grandes fortunes particulières. Ainsi, sans que le gouvernement leur donne aucun encouragement, les artistes viennent d’eux-mêmes là où ils espèrent que les fortunes privées leur feront trouver des placements que les gouvernements ne leur offriraient jamais en aussi grand nombre.
Actuellement les beaux-arts sont dans un état de splendeur assez grand. D’ailleurs, le gouvernement ne peut faire l’acquisition d’objets d’art maintenant, puisque nous n’avons pas de localité pour les recevoir convenablement.
De telles acquisitions ne sauraient être utiles aux arts qu’autant qu’un musée national serait formé pour la gloire des artistes d’un grand mérite et pour l’émulation des jeunes artistes.
Par tous ces motifs, la section centrale a proposé la réduction de 40,000 fr. ; elle l’a proposée avec d’autant plus de raison que cette année il n’y aura pas d’exposition d’objets d’art dans la capitale.
M. le président. - On a demandé la division, je vais mettre successivement aux voix les paragraphes de l’article.
Littera A
M. Dumortier. - Je ne reviendrai pas, à l’occasion de l’article en discussion, sur le paragraphe relatif à la musique de l’école vétérinaire ; ce qui a été dit hier est suffisant ; mais je ne puis m’empêcher de faire observer à l’assemblée comment la somme de 130,000 francs pour encouragement aux sciences et aux arts a été répartie. Je trouve que les lettres et les sciences ont eu, dans ce subside, la somme de 12,937 francs ; à quoi il faut ajouter un peu plus de 6.000 francs pour divers voyages ; en sorte qu’il a été donné aux sciences et lettres 19,685 francs, tandis que 110,000 francs ont été donnés aux beaux-arts. Je suis partisan des encouragements aux beaux-arts ; les beaux-arts font la gloire de la Belgique ; mais si dans notre pays quelque chose a besoin d’encouragement, ce sont les sciences et les lettres. Quand un artiste a terminé un ouvrage, il le place toujours ; mais quand un auteur a fait un livre, il ne peut vendre son manuscrit. Voilà où nous en sommes ; voici ce que disait à cet égard un jeune littérateur enlevé trop tôt au pays (M. Delmotte) :
« Vous vous imaginez, parce que les représentants de la nation votent chaque année cinquante ou cent mille francs au budget pour l’encouragement des arts et des lettres, que l’on va encourager les lettres.
« Allez donc.
« Si vous êtes assez débonnaire pour écrire au ministre en lui demandant une miette ou deux du banquet dont on vous fait aspirer la fumée et dont vous avez payé vote quote-part de frais, témoin le receveur des contributions, on vous demandera :
« 1° Votre ouvrage sera-t-il imprimé en Belgique ?
« 2° A combien s’élèveront les frais d’impression ?
« 3° Dans quel terme sera achevée l’impression ?
« 4° Quel sera le prix d’un exemplaire de l’ouvrage ?
« Cette dernière question surtout est recommandée à l’expéditionnaire ; quelques lignes plus bas on en devinera la raison.
« Après avoir répondu catégoriquement à toutes ces demandes, il vous arrive une lettre portant pour timbre : « Ministère de l’intérieur. » Vous l’ouvrez, et vous croyez que vous allez y lire en superbe coulée : « Le gouvernement vous accorde une somme de… » On vous répond tout simplement par la formule sacramentelle : « Le gouvernement souscrit pour douze exemplaires, » quand il souscrit. »
Voilà, messieurs, comment on se conduit dans notre pays envers les littérateurs et les savants, tandis que l’on jette de l’argent à pleines mains aux artistes. Il me semble qu’il faudrait être juste et répartir le crédit avec égalité. Ce qu’il y a de plus utile à faire chez nous, c’est d’y protéger les sciences et les lettres ; tous ceux qui veulent suivre cette carrière se plaignent. Quand l’année dernière on a voté la somme de 130,000 fr., on avait dit que ce subside serait réparti également ; pourquoi a-t-il donc été absorbé par les beaux-arts qui ont eu 110, 000 fr. ? Je demanderai au gouvernement qu’il suive désormais une marche plus équitable, qu’il encourage l’impression des bons ouvrages. Il faut relever les lettres et les sciences, qui sont tombées en Belgique infiniment plus bas que les arts.
Je crois que le gouvernement a employé 40,000 fr. pour l’achat des objets d’art ; c’est un fonds bien employé ; mais il serait à désirer que l’on mît plus de discernement dans les acquisitions que l’on effectue. Il faut que le gouvernement achète des chefs-d’œuvre et non des médiocrités, qui par la suite feront rougir les artistes quand ils les verront dans des collections publiques.
Au reste, à quoi bon maintenant acheter les chefs-d’œuvre des beaux-arts ? Nous n’avons aucun musée ouvert pour les recevoir. Aussi que fait-on des ouvrages des artistes ? On les place dans les salons des ministères ; ils servent de décorations aux appartements et aux antichambres ministériels : pouvons-nous continuer à allouer des fonds pour servir à une telle décoration ?
Je m’attends bien, messieurs, à ce qu’on vienne nous dire qu’ils ne sont là que provisoirement ; je sais bien que le gouvernement a l’intention de doter la Belgique d’une galerie d’objets d’art ; mais je lui demanderai quels sont les moyens qu’il a employés pour assurer au pays la possession des objets d’art qui se trouvent aujourd’hui entre les mains de la ville de Bruxelles et qui figurent au musée, quoique cependant ils appartiennent à la Belgique ? Il est incontestable que, par exemple, tous les grands tableaux de Rubens qui se trouvent au musée de Bruxelles appartiennent au pays et non à la ville. Si le gouvernement ne prend pas incessamment des mesures pour assurer au pays la possession de ces objets, dans quelque temps on pourra venir dire qu’il y a prescription.
Je n’en dirai pas davantage sur cet objet, mais je reviendrai encore sur l’emploi qui a été fait du fonds que nous avions vote l’année dernière pour encouragements aux sciences et aux lettres : si l’usage que le gouvernement prétend faire de ce crédit doit être le même que celui qui en a été fait l’année dernière, je m’opposerai à l’allocation, ou bien je présenterai un amendement tendant à assurer à toutes les branches des connaissances humaines une part égale au banquet du budget.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable préopinant a prétendu, messieurs, que lorsqu’il s’agissait de publier des ouvrages importants, le gouvernement refusait les subsides nécessaires pour cet objet ; c’est là une véritable erreur ; à la vérité, l’honorable membre a cité une lettre d’où il résulte que le gouvernement se serait borné à prendre 12 exemplaires d’un ouvrage pour lequel un encouragement avait été demandé ; mais il est des circonstances où il suffit de prendre quelques exemplaires ou quelques abonnements, d’après la nature de l’ouvrage, tandis que dans d’autres circonstances il faut accorder des sommes plus ou moins considérables ; c’est, messieurs, ce que nous faisons chaque fois que cela est jugé nécessaire, et alors la somme est fixée d’après l’avis de personnes spécialement entendues dans cette partie.
L’honorable membre a regretté qu’il avait été employé si peu de fonds pour les sciences et les lettres ; d’abord il est tombé dans une erreur de chiffres ; les sommes qui ont été employées pour l’objet dont il s’agit sont plus considérables qu’il ne l’a prétendu ; ensuite, il existe déjà pour les sciences et lettres différentes allocations spéciales très considérables : il y a une académie qui reçoit un subside, une commission des chroniques qui reçoit un subside ; récemment encore vous avez voté un crédit de trois cent mille francs pour l’achat d’une bibliothèque. Je crois donc, messieurs, que les fonds qui sont mis à notre disposition sont employés dans une juste proportion en faveur de chacune des branches des sciences et des arts.
L’honorable membre a encore regretté qu’on n’eût pas acheté plus de chefs-d’œuvre à la dernière exposition de tableaux ; mais il est à remarquer, messieurs, que la plupart des ouvrages les plus importants qui s’y trouvaient avaient été commandés d’avance ou acheté avant leur achèvement, de telle manière qu’il n’a pas été en notre pouvoir de les acquérir, quoique nous eussions désiré tout aussi vivement que l’honorable préopinant d’en procurer plusieurs au musée. C’est pour éviter à l’avenir un semblable inconvénient que nous avons pris le parti de commander quelques tableaux à nos premiers peintres.
On a aussi trouvé mauvais que quelques tableaux fussent placés dans les différents ministères. Indépendamment, messieurs, de ce que ces tableaux doivent être restitués au musée lorsque les locaux que nous avons en vue aurait pu être construits, je dirai qu’il y avait encombrement au musée de Bruxelles, et que les tableaux dont il s’agit ne se trouvent pas plus mal la où ils ont été placés provisoirement, que si on les avait laissés où ils étaient.
M. Coghen - La commission propose, messieurs, une réduction de 40,000 fr. qui tomberait surtout sur la somme consacrée à l’action d’objets d’art. Je demanderai à M. le ministre, s’il consent à cette réduction et si, dans le cas où la chambre la vote il se trouvera à même d’acheter à l’exposition brillante qui se prépare à Anvers des objets propres à figurer dans le musée national qu’on se propose de créer.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne puis consentir à la réduction, et si la chambre la votait intégralement le gouvernement se trouverait dans l’impossibilité de rien acheter ni à l’exposition ni à celle de Bruges.
- Le chiffre de 125,000 fr. demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
Littera B
« Académie des sciences et belles-lettres : fr. 25,000
M. Dumortier. - J’appellerai l’attention du gouvernement sur la nécessité de donner à l’académie un local un peu plus convenable que celui qui lui est affecté aujourd’hui. Dans tous les pays l’académie, qui représente scientifiquement la nation, est logée convenablement, tandis qu’en Belgique le local qu’elle occupe fait peine à voir.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Personne ne désire plus que moi, messieurs, de voir assigner un local convenable à l’académie des sciences et belles-lettres. Déjà plusieurs fois j’ai cherché l’occasion de pouvoir la placer convenablement ; encore en ce moment je suis en négociation pour cet objet avec la ville de Bruxelles ; les plans que j’ai fait dresser sont communiqués à la régence ; néanmoins j’espère pouvoir placer provisoirement l’académie dans une partie de l’ancien hôtel du ministère de l’intérieur.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
Littera C
« Musée des arts et de l’industrie : fr. 25,000. »
M. Dumortier. - Je ne vois pas, messieurs, la nécessité de maintenir le crédit demandé pour le musée des arts ; mais comme je crois que la chambre n’est pas disposée à le supprimer totalement, je demanderai qu’on le réduise à 10,000 fr. Cet établissement est inutile, il ne produit rien, et j’aime beaucoup à voir employer les fonds pour des objets qui produisent, mais non pas pour des objets improductifs. Je ferai d’ailleurs remarquer qu’on n’accordait dans le principe que 10,000 fr. pour le musée, et que quand le crédit a été porté à 25,000 fr., c’était pour y approprier le local actuel, c’était là une dépense extraordinaire qui ne se présente plus cette année.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous verrons à l’avenir si allocation peut être réduite ; mais je demanderai à la chambre de ne pas encore voter la réduction dans le présent budget : nous sommes en négociation pour compléter la collection de machines qui est très utile à l’industrie. Si nous pouvons atteindre notre but, la somme de 25,000 fr. sera certainement très utilement employée. Nous avons reçu récemment un rapport très intéressante sur l’utilité du musée et sur l’emploi des fonds qui y sont consacrés ; il en résulte que certainement le musée n’est pas actuellement dans un état parfait, mais qu’il rend déjà des services très importants ; il est visité par beaucoup d’industriels, d’ingénieurs et de mécaniciens qui en tirent un parti avantageux. Ce rapport est trop long pour que j’en donne lecture maintenant ; mais je suis persuadé que si l’honorable préopinant l’avait examiné, il retirerait sa proposition.
- Le chiffre de 25,000 fr. est mis aux voix et adopté.
Littera D
« Observatoire astronomique : fr. 17,000. »
- Adopté.
Littera E
« Bibliothèque des manuscrits de l’Etat, dite de Bourgogne : fr. 25,000 fr. »
M. Dumortier. - On sait, messieurs, qu’une partie de manuscrits de la bibliothèque de Bourgogne ont été très anciennement transportés en Espagne et s’y trouvent encore aujourd’hui déposés dans plusieurs couvents ; je demande que le gouvernement prenne des mesures pour remettre la Belgique en possession de ces manuscrits. Il me semble qu’au moyen de quelques sommes peu considérables, il serait très facile de les acheter aux couvents qui les possèdent aujourd’hui.
M. Pollénus. - Messieurs en 1794, de nombreux manuscrits ont été transportés à Vienne. Si mes souvenirs sont fidèles, un honorable membre l’année dernière a prié M. le ministre de faire des démarches à l’effet de récupérer ces documents, qui n’ont été transférés à Vienne que dans le but de les conserver. Ces archives sont d’une haute importance pour nous ; et le gouvernement autrichien ne peut avoir aucun motif pour en refuser la restitution. Je prierai M. le ministre de nous dire s’il a fait quelques réclamations à cet égard. Cela me paraît extrêmement important. J’ai lu récemment un passage d’un rapport où se trouve l’énumération de ces archives : il y en a plus de cinq mille. Je crois donc devoir renouveler l’invitation déjà faites à diverses reprises à M. le ministre de l’intérieur, de réclamer ces archives, pour les réintégrer dans la bibliothèque des manuscrits.
- Le littera E est mis aux voix et adopté.
Littera F à H
« F. Académies et écoles des beaux-arts, fr. 41,900. »
- Adopté.
« G. Conservatoire de musique de Bruxelles : fr. 17,000. »
- Adopté.
« H. Conservatoire de musique de Liége : fr. 10,000. »
- Adopté.
Littera J
« J. Publications des chroniques belges inédites : fr. 8,000. »
M. Pirmez. - J’ai entendu souvent critiquer le luxe de l’impression des chroniques belges publiées par le gouvernement. Si ce que contiennent ces publications est bon à lire et curieux, on ne saurait les rendre trop communes, pour qu’un plus grand nombre de personnes puissent les acheter. Mais les chroniques belges sont imprimées avec un tel luxe, qu’elles ne sont à la portée que des personnes très riches. Ensuite, ces volumes qui se vendent si cher, ne contiennent presque pas de chroniques ; les préfaces, les accessoires, remplissent les deux tiers de chaque volume ; cela rend le prix de l’ouvrage extrêmement cher ; ce que vous pourriez avoir pour trois francs coûte dé douze à quinze francs. Encore, comme je viens de le dire, ne sont-ce pas des chroniques que vous avez pour ce prix. Et, en supposant que le volume ne contînt que des chroniques, on pourrait imprimer dans un volume in 8° ce qu’on trouve dans un volume in 4°, et on pourrait avoir pour 5 francs ce qui en coûté 22.
On m’a demandé ce qu’avait coûté au gouvernement l’impression de ces chroniques ; j’ai cherché le contrat passé avec l’imprimeur parmi les pièces, mais je n’ai rien pu découvrir. Je prie M. le ministre de vouloir bien nous dire ce que ces ouvrages ont coûté et ce que coûteront ceux que nous aurons par la suite.
En faisant la recherche dont je viens de parler, j’ai trouvé qu’une commission avait été instituée pour rechercher et mettre au jour les chroniques belges inédites. Cette commission s’est assemblée pour voir de quelle manière elle allait travailler ; et maintenant elle s’intitule commission royale d’histoire. Son mandat était d’abord uniquement de rechercher et de mettre au jour les chroniques belges inédites ; maintenant je ne sais ce qu’elle va faire, je ne sais pas non plus si c’est par un arrêté postérieur que son nouveau titre lui a été conféré, mais toujours est-il que nous avons une commission royale d’histoire au lieu d’une commission chargée de rechercher et mettre au jour les chroniques belges inédites. Si ce nouveau titre ne doit pas entraîner de plus grands frais, je n’y tiens pas ; mais je ne voudrais pas voir augmenter la dépense à raison du titre.
J’ai vu que cette commission se proposait de continuer la publication des Acta sanctorum Belgii. Je ferai observer que ce ne sont pas des chroniques inédites. Ce que le gouvernement a voulu, c’est qu’on recherchât les manuscrits inédits concernant notre histoire, pour les publier. Si on faisait cela, je ne le blâmerais pas ; mais on ne le fait pas.
M. Dumortier. - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant ; je ne pense pas qu’on puisse imprimer avec trop de luxe les chroniques belges inédites. Cette publication fait beaucoup d’honneur au gouvernement et à la Belgique. Les ouvrages publiés jusqu’à présent sont des poésies anciennes, et comme ce sont de petits vers, il en résulte qu’il y a beaucoup de blanc, c’est sans doute là ce qui a frappé l’honorable préopinant et lui a dicté les observations qu’il vient de présenter ; toutes les chroniques ne sont pas en vers ; quand on publiera les chroniques en prose, les pages seront aussi pleines qu’il peut le désirer. On ne pouvait pas adopter un format pour la poésie et un autre pour les vers.
L’honorable préopinant vous a parlé de la publication des Acta sanctorum. Je ferai observer que ce n’est que par les vies des saints qu’on peut connaître les mœurs et les usages du moyen-âge. Cette publication est tellement importante qu’en 1811 l’institut de France avait recommandé à l’empereur d’en faire continuer la publication. Je désire que le gouvernement fasse des avances pour engager les hommes spéciaux à continuer cette publication. C’est un objet de grande importance. Il y en a deux de publications des Acta sanctorum, l’une Acta sanctorum Belgii et l’autre celles des Bollandistes, congrégation dont faisait partie Ghèquière. Cette dernière était par ordre de date, on avait commencé en janvier, et on avait été jusqu’à la mi-novembre. L’autre avait été rédigée par ordre de temps. Il en est résulté que toutes les histoires de saint compris dans les premiers mois de l’année jusqu’à la mi-novembre peuvent se trouver publiées, mais celles de saints compris dans le reste de l’année sont inédites. Cette publication a été faite par quatre personnes bollandistes spécialement adonnées à l’étude de l’histoire et de la géographie. Je demande que cette publication ait lieu et que ce soit une publication nationale. Je fais cette remarque parce que j’ai appris que des savants étrangers étaient débarqués en Belgique pour avoir communication des matériaux laissés par les bollandistes et les publier en pays étranger, et que c’est le seul titre littéraire que nous puissions présenter aux étrangers, dans les siècles passés.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est question de reprendre la publication des Acta sanctorum, et les frais auxquels doit donner lieu cette publication ne dépasseront pas 6,000 fr. par an. Ces frais pourront être pris sur le littera A déjà voté. Quant au prix des publications de chroniques, il n’est pas trop élevé. Quant au prix des publications avec ce qu’on paierait en France un volume semblable, on verrait que ce qu’on paie ici 10 à 12 fr. coûterait là de 20 à 25 francs. L’impression de ces publications est très soignée, ainsi que l’a reconnu lui-même l’orateur auquel je réponds.
- Le littera I est adopté.
Littera J et K
« J. Formation d’une collection d’anciennes armes, d’armures, d’antiquités et de numismatique : fr. 10,000. »
- Adopté.
« K. Commission des monuments, frais de route et de séjour des membres de la commission et autres dépenses accessoires : fr. 4,000. »
- Adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article, qui est de 307,900 fr.
M. Verdussen. - Nous venons de voter l’art. 1er alinéa par alinéa ; mais je ne sais pas à quoi cela nous mènera si nous n’avons pas la certitude que ces divers chiffres recevront l’application que nous avons entendu leur donner en les votant. Le tableau qui a été fourni à la section centrale me donner à penser qu’on ne dépense pas toute la somme affectée à certains objets, pour appliquer l’excédant à d’autres. C’est ainsi que nous avons vu dans le rapport même de la section centrale que l’année dernière on a dépense au littera A 130,000 fr., tandis que cette année on n’y porte que 125,000 fr. ; et d’après le tableau présenté l’année dernière, nous devons penser que la dépense de ce littera n’irait pas à 125,000 fr. Il en résulte qu’on a retranché à d’autres littera une partie des allocations que nous avions jugées nécessaires.
Je ne proposerai pas, comme la deuxième section, la division en autant d’articles que de littera ; mais je désirerai que M. le ministre prît l’engagement de ne pas sortir des applications spéciales, comme nous venons de les voter, sans quoi, comme ces objets ne se trouvent détaillés que dans le développement du budget, nous n’aurions aucune garantie pour les déplacements de fonds.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’observation de l’honorable préopinant provient d’une erreur ; c’est qu’on a ajouté à la dépense du littera une partie de celle faite sur le produit de la recette de l’exposition. C’est une erreur commise par inadvertance. Mais il peut arriver des circonstances où il soit utile de dépasser le chiffre d’un littera et d’en prendre les fonds sur un autre littera ; autant que possible, on tâche de se renfermer dans les limites des divers littera ; toutefois, ce ne doit pas être une obligation imposée par la loi.
- Le chiffre total de 307,900 fr. est adopté.
« Art. 2. Monument de la place des martyrs : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Primes et encouragements aux arts et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier 1817, sur les fonds provenant des droits des brevet, et frais de délivrance de brevets : fr. 10,000. »
M. le présent. - La section centrale propose de porter le chiffre à 16,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je me rallie à cette proposition. C’est l’exécution de la loi.
- Le chiffre de 16,000 fr. est adopté.
« Art. 4. Service de santé : fr. 45,000. »
M. Pollénus. - Messieurs, depuis plusieurs années, nous voyons au budget de l’intérieur une allocation pour une commission chargée de réviser les lois et règlements des diverses branches de l’art de guérir ; d’un autre côté, il se passe rarement un jour sans qu’il nous arrive des pétitions par lesquelles on sollicite cette révision ; déjà à différentes reprises des observations ont été faites dans cette enceinte, qui démontraient la nécessité d’opérer cette révision. Je désirerais savoir si cette commission existe, si elle se livre à quelques travaux et si nous pouvons espérer bientôt la présentation d’un projet de loi qui règle cette matière. Il serait inutile de porter au budget une allocation pour une commission qui, jusqu’à présent, n’a pas donné signe de vie.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le travail de révision de la pharmacopée n’est pas terminé ; quant à la révision des lois et règlements sur l’art de guérir, ce travail est terminé ; mais le gouvernement n’a pas cru devoir arrêter le projet de loi et vous le présenter, parce que les travaux dont vous êtes saisis ne vous permettraient pas de vous en occuper.
- L’article 4 est adopté.
« Art. 1er. Frais d’administration. Personnel : fr. 21,350. »
- Adopté.
« Art. 2. Frais d’administration. Matériel : fr. 2,600. »
- Adopté.
« Art. 3. Archives de l’Etat dans les provinces. Traitements des conservateurs et autres dépenses : fr. 5,300. »
M. Dolez. - Il existe dans la ville de Mons un dépôt d’archives d’un haut intérêt, Ce dépôt se trouvait confié depuis plusieurs années à la garde et à la direction de deux conservateurs. Ces deux fonctionnaires sont morts il y a un an. Depuis cette époque il n’a pas été pourvu à leur remplacement ; de sorte que la garde et la direction de ce dépôt sont entièrement abandonnées. Je ne pense pas qu’il puisse entrer dans la pensée de M. le ministre de l'intérieur de rendre définitif cet abandon. Je le prierai de me rassurer sur ce point, et si son intention est pourvoir au remplacement de ces deux conservateurs, je le prierai de le faire le plus promptement possible. Si au contraire la somme portée au budget ne comprenait pas le traitement de deux fonctionnaires, je présenterais un amendement afin d’augmenter le chiffre de manière à couvrir ces deux traitements. Je prie M. le ministre de vouloir bien s’expliquer.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La somme portée au budget est la même que celle de l’année dernière. Quant aux places vacantes dont on vient de parler, mon intention est d’y pourvoir incessamment. Je crois être en mesure de le faire convenablement.
- L’article 3 est adopté.
« Frais d’impression des inventaires des archives appartenantes à l’Etat : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Frais d’inspection des archives dans les provinces et frais de recherches des archives manquantes ; indemnités pour cession à l’Etat des documents provenant des archives et tombés dans des mains privées ; frais de copie de documents concernant l’histoire nationale, existants à l’étranger : fr. 10,000. »
M. Dumortier. - C’est ici que les observations que faisait tout à l’heure M. Pollénus trouvent leur place. Les archives des ducs de Brabant furent emportées en Autriche en 1793. Ces archives appartiennent à la Belgique et ne sont d’aucune utilité à l’Autriche. Il serait à désirer qu’on nous les rendît. La Belgique a payé la dette austro-belge qu’elle pouvait fort bien contester ; si elle a acquitté ses charges, elle doit conserver ses archives. Il serait du devoir du gouvernement de les réclamer. Il y a cinq ou dix mille chartes originales qui ont été transportées à Vienne et qui s’y trouvent encore aujourd’hui. Si même il fallait faire un sacrifice pour les ravoir, j’engagerais le gouvernement à le faire.
Je demanderai maintenant pourquoi on demande pour cet objet cinq mille fr. de plus que l’année dernière. Je ne vois pas la nécessité de cette augmentation. Elle ne me paraît justifiée ni par le gouvernement ni par la section centrale. Je propose de réduire l’allocation au chiffre de l’année dernière.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il me semble que le rapport de la section centrale répond aux dernières observations de l’honorable préopinant. Voici ce que dit le rapport :
« La section centrale s’est adressée au gouvernement, qui lui a fait connaître que la majoration était destinée à racheter des anciens documents tombés dans les mains des particuliers, ainsi qu’à tirer des copies de ceux dont les détenteurs ne voudraient pas se dessaisir en faveur de l’Etat. Leur nombre paraît être considérable et la modicité des sommes allouées jusqu’à présent pour cet objet n’a permis d’en recueillir qu’une petite partie. Le ministre ajoute qu’il pourra donner à la chambre un état annuel de l’emploi de la somme qui sera allouée ; sur ces renseignements la section centrale a adopté le crédit à la majorité de six voix contre une. »
En effet, il est certain qu’il se présente assez fréquemment des occasions de recueillir des archives précieuses. Déjà nous en avons obtenu quelques-unes au moyen de sommes modiques. Des occasions se rencontrent aussi d’avoir des copies de documents importants conservés dans des dépôts étrangers et notamment dans les dépôts de France. Je pense donc que le crédit que nous demandons peut être très justement accordé. Si les occasions ne se présentaient pas de faire des acquisitions importantes, le crédit resterait disponible.
- L’art. 5 est adopté tel qu’il a été proposé par le gouvernement.
Le chiffre le plus élevé, 10,000 fr., mis aux voix, est adopté.
« Article unique. Fêtes nationales : fr. 50,000. »
M. Dumortier. - Je demanderai au gouvernement si cette somme est réellement nécessaire : pendant les premières années, nous ne votions que 30,000 fr. Je demande que l’on n’adopte que ce chiffre de 30,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense que, dans la réalité, on pourrait avec une somme de 40,000 fr. pourvoir convenablement aux fêtes publiques.
M. Dumortier. - Vous savez en quoi consistent les fêtes nationales ? C’est un feu d’artifice que l’on tire le dernier jour ; c’est le tir à l’arc et d’autres amusements.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Des concerts !
M. Dumortier. - On donne des concerts où le public peut assister moyennant un prix d’entrée... Je persiste à croire que la somme de 30,000 fr. est suffisante ; nous n’avons jamais eu de plus belles fêtes que lorsque nous donnions moins... (On rit.)
M. Rogier. - Je suis étonné que chaque année le chiffre des fêtes nationales soit attaqué, alors que le principe de ces fêtes a été proclamé par le congrès. La somme que l’on vous demande est destinée à exécuter un des derniers décrets de l’assemblée qui nous a constitués. Il est possible que, quelques personnes trouvent que l’emploi des 50.000 fr. ne soit pas toujours fait de la manière la plus convenable (je dois déclarer que je ne suis pas de ce nombre) ; mais je désire que l’on maintienne l’allocation et son principe.
Quand la chambre n’accordait que 30,000 fr. il y avait déficit ; c’est ce qui m’a déterminé, étant alors ministre de l’intérieur, à demander 50,000 fr. Il me semble que l’on devrait s’arrêter à ce chiffre.
Les fêtes qui sont l’exécution d’un décret, ont un grand intérêt sous le rapport politique : notre pays morcelé comme il l’a été, a besoin d’un centre de réunion où les Belges puissent venir éprouver des émotions communes, et se former à des sympathies communes. Par le moyen du chemin de fer, les vrais patriotes viendront facilement tous les ans sympathiser à Bruxelles. C’est sous ce rapport que les fêtes ont une importance qui ne doit pas échapper aux lumières de la chambre.
Il est malheureux que l’on ne puisse rien faire à Bruxelles sans exciter une sorte de jalousie dans l’esprit de certains membres qui ont pour ainsi dire déclaré une espèce de guerre à la capitale du royaume.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Rogier. - La Belgique, comme tous les autres royaumes, doit se résumer dans sa capitale ; et pour ma part, je suis disposé à voter les sommes nécessaires pour donner de la splendeur et de l’éclat à la capitale de notre nouvelle patrie. Je regrette que le ministre ait consenti à abaisser le chiffre à 40,000 fr., car j’aurais accordé les 50,000 fr.
M. Dumortier. - Il est étonnant que l’honorable préopinant ait voulu me représenter comme hostile à la ville de Bruxelles, et fasse de semblables allusions, tandis qu’on pourrait renouveler sur sa conduite les reproches qu’il a déjà essuyés relativement à l’emploi des tonds votés pour les fêtes nationales. On l’a blâmé dans cette chambre.
M. Rogier. - C’est faux !
M. Dumortier. - On l’a blâmé dans cette chambre, et je le blâme encore, d’avoir distrait une partie des fonds des fêtes publiques pour des constructions qu’à la vérité il disait destinées aux fêtes publiques. N’adressez donc à personne des reproches relativement à cet article, quand il peut être l’occasion de reproches fondés à vous adresser à vous-même. La loi des comptes n’est pas adoptée, et quand viendra sa discussion, on examinera de nouveau cette question. Vous savez que la chambre française a fait payer à M. de Peyronnet une dépense qu’il avait faite sans autorisation de la législature pour se construire une salle à manger. Au reste, puisqu’on peut employer une partie des 50,000 fr. à des constructions, il est évident que 30,000 fr. doivent suffire aux fêtes.
M. Rogier. - Je conteste hautement que la chambre m’ait blâmé…
M. Dumortier. - J’ai dit qu’on vous avait blâmé dans la chambre, et que j’étais un de ceux qui vous avaient blâmé.
M. Rogier. - Il a dit que la chambre avait blâmé la distraction des fonds pour la construction d’un bâtiment qui pourtant était destiné aux fêtes nationales : je nie que la chambre ait blâmé cet emploi. Je sais qu’il a fait de grands efforts pour motiver ce blâme ; mais il a succombé en cette circonstance comme en beaucoup d’autres ; et ce n’est pas moi qui empêcherai, lors de la discussion de la loi des comptes, l’examen de la question ; je l’appellerai, au contraire, cet examen.
Plusieurs membres, qui d’abord avaient trouvé la dépense faite irrégulièrement ont ensuite rendu hommage à mes intentions, et ont compris, avec tout le monde, la nécessité d’avoir un vaste bâtiment consacré aux grandes réunions, aux grandes solennités qui ont lieu à Bruxelles. Messieurs, peu de temps se passera avant que mon successeur ne vienne demander un crédit pour la construction d’un tel monument. Et pour prouver en un seul mot que le préopinant a avancé une chose inexacte, c’est que la chambre a plutôt approuvé ma conduite qu’elle ne l’a blâmée, puisqu’elle a voté le crédit que je demandais.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne dirai pas que la chambre a blâmé la conduite du ministre en cette circonstance, mais je dirai qu’elle a repoussé l’allocation, puisqu’elle n’a pas voulu que la somme figurât dans le budget. Quoi qu’il en soit, j’ai assisté à quelques-unes des fêtes nationales, données à Bruxelles, et je n’ai jamais pu comprendre qu’on y dépensât 50,000 fr. ; je n’y ai vu qu’un feu d’artifice, qu’un tir à l’arc, des courses de chevaux, tous divertissements qui entrent dans le programme des fêtes communales, et partant qui ne devraient pas coûter beaucoup au gouvernement.
Quant à ce que vient de dire l’honorable préopinant, que le gouvernement proposera bientôt la construction de vastes salles pour les réunions extraordinaires, je crois qu’il choisirait assez mal son temps pour demander des augmentations de dépenses ; la première chose que nous ayons à faire, c’est de défendre le pays ; et ce n’est pas dans de telles circonstances que nous devons songer à accroître la splendeur de nos fêtes. Je pense que 30,000 fr. peuvent suffire.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - En ce qui concerna le monument dont a parlé l’honorable député de Turnhout je reconnais avec lui la nécessité d’un édifice destiné à renfermer des collections publiques. Il est notoire qu’aujourd’hui nous manquons d’un local convenable. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dira à la chambre, j’ai fait dresser par un architecte le plan d’agrandissement du palais pour l’industrie. Le plan peut être exécuté sur des bases économiques, parce qu’on profiterait des constructions qui existent ; aussi estime-t-on que la dépense ne dépasserait pas 1,200,000 fr. ; et cette dépense devrait être supportée en partie par la ville de Bruxelles, en partie par la province, et en partie par le gouvernement. C’est de cette manière que se construit le palais de justice à Gand. De plus, la dépense devrait se répartir sur plusieurs années. Il serait donc possible de doter la capitale d’un monument assez étendu pour contenir les collections qu’il convient de former.
L’emplacement de l’ancien hôtel Van Maanen, sur le Petit Sablon, servirait soit à un palais pour la cour de cassation, soit à a alléger, en le vendant, la dépense d’un palais national dans le cas où la cour de cassation serait réunie dans le même emplacement avec les autres tribunaux.
Un honorable préopinant a dit qu’une partie des fêtes de septembre comprises dans le programme du gouvernement était donné aux frais de la ville. C’est une erreur : dans le programme du gouvernement on n’a jamais vu figurer que les dépenses faites par le gouvernement. C’est au contraire la régence qui rappelle dans son programme les fêtes données aux frais de l’Etat. L’article des courses de chevaux, par exemple est un de ceux pour lesquels le gouvernement contribue. Il y a, il est vrai, des courses de chevaux donnés tous les ans au printemps, et pour lesquelles la ville de Bruxelles et le Roi accordent des primes, mais quant à celles qui ont lieu en septembre, le gouvernement affecte des sommes assez considérables. Le public s’intéresse à ces courses et elles sont un moyen d’encourager dans le pays une espèce utile de chevaux.
M. Devaux. - Messieurs, si ma mémoire est fidèle, les orateurs qui ont contesté dans le temps la régularité de l’application de la somme sont convenus que l’emploi en était utile. La question qui s’est agitée à cette époque se réduisait à celle-ci : Le ministre a le droit de faire des constructions en bois pour les fêtes ; mais il n’a pas le droit d’en faire en briques et en pierres. Je n’en dirai pas davantage sur ce point.
Je ne sais s’il faut 30,000 fr. ou 50,000 fr. pour les fêtes, ainsi je ne préciserai rien à cet égard ; mais ce que je voudrais, c’est qu’elles fussent dignes de leur objet et qu’on ne les avilît pas. C’est une heureuse idée du congrès, que d’avoir une fête anniversaire de notre indépendance.
Si nous sommes impuissants pour célébrer convenablement cet anniversaire dans toutes les grandes communes du royaume, ce n’est pas une raison pour ôter tout éclat aux fêtes qui ont lieu dans la capitale. Que l’on ne se moque pas de ces idées ; elles sont patriotiques ; et si l’on venait à s’en moquer, c’est que le patriotisme serait tombé bien bas.
Ces fêtes sont importantes sous plus d’un rapport. Elles ont attiré chez nous un grand nombre d’étrangers qui ne connaissaient la Belgique que par ce qu’en disaient les journaux ennemis ; et elles leur ont appris à estimer notre pays ce qu’il vaut. On dit qu’il ne faut pas consacrer des fonds à des choses de pure splendeur quand il s’agit de notre propre défense ; mais pour être animés des sentiments qui nous feront marcher à la défense de notre indépendance, il faut conserver le souvenir des efforts que nous avons faits pour la conquérir ; il faut donc que les fêtes restent nobles et belles.
M. Dubus (aîné). - Lorsque le gouvernement demande une somme pour la consacrer à la célébration des fêtes nationales, et lorsque la chambre alloue les fonds demandés, il se fait là un contrat de bonne foi ; quelle est alors la promesse du gouvernement ? c’est de faire célébrer les fêtes ; et si la chambre vote le crédit, c’est à condition qu’il recevra sa destination.
Je demande s’il est un homme de bon sens qui puisse comprendre que les fonds pour fêtes nationales puissent être employés à faire les premiers pas dans une dépense qui montera à plusieurs millions de francs, et qui devra grever l’avenir du pays ? Si nous pouvions croire que lorsque nous votons un crédit de 50,000 fr., il est loisible au ministre, sans nous en avoir faire la moindre confidence, de nous engager dans une dépense énorme, nous ne voterions aucun fonds ; nous ne donnerions pas 20,000 fr. au gouvernement dans la crainte qu’il nous engage dans une dépense dix fois plus grande. Mais quand on veut entreprendre une grande dépense on en présente un aperçu à la législature ; on indique les divers buts d’utilité qu’on s’en promet, un objet aussi important attire l’attention de tout le monde, et donne lieu à examen dans les sections et dans le sein de la représentation nationale.
M. Rogier. - Mais le projet de construction aurait été présenté.
M. Dubus. - Mais il semble qu’on n’en a pas parlé ; et cette hypothèse est la plus favorable à l’honorable député de Turnhout.
Un membre. - Tout cela est étranger à la question ; ne perdons pas de temps.
M. Dubus. - Puisque l’interrupteur a entendu ceux qui ont parlé avant nous sur le même objet, il peut bien m’entendre aussi.
J’ai à cœur qu’il ne s’introduise pas dans cette chambre une jurisprudence telle qu’on puisse faire de chaque crédit de que l’on veut, sans consulter la volonté de la représentation nationale ; car je suis convaincu que s’il est permis d’employer les fonds destinés aux fêtes nationales pour commencer des édifices qui coûteront deux à trois millions, il n’y a pas d’article au budget dont on ne parvienne à faire le plus scandaleux abus.
Si l’on me demande où je trouve la preuve que l’édifice coûtera une somme aussi énorme je dirai que je la trouve dans les bureaux du ministère de l’intérieur : là on pourra voir que la dépense surpasserait deux millions. On pense qu’une somme de 50,000 fr. est nécessaire pour les fêtes ; je ne partage pas cette opinion, et je crois que la somme de 30,000 fr. proposée par mon honorable ami est suffisante.
Tous ceux qui ont vu la manière dont on emploie la somme allouée conviennent qu’avec 30,000 fr., on doit satisfaire aux dépenses. Mais, dit-on, on doit donner plus de splendeur aux fêtes d’année en année parce que le chemin de fer amènera toujours davantage d’étrangers, et il faut accroître l’éclat de cet anniversaire en raison de la foule qui afflue à la capitale.
M. Devaux. - Vous dénaturez tout ; vous faites la caricature de ce que l’on dit !
M. Dubus. - D’abord messieurs ce n’est pas à Bruxelles seulement, mais dans toute les communes importantes de la Belgique, que l’anniversaire de septembre est célébré ; toute la différence qu’il y a, c’est que pour les fêtes qui se donnent à Bruxelles à cette occasion, les fonds sont pris sur le budget de l’Etat, tandis que la dépense à faire pour les fêtes qui se donnent dans les autres communes, où ces fêtes attirent aussi les populations des environs, est payée par la caisse municipale.
Sans doute il faut qu’il y ait des fêtes à Bruxelles ; mais, croyez, bien, messieurs, que Bruxelles est la première intéressée à ce qu’il y ait dans son sein des fêtes qui satisfassent les nombreux étrangers qui s’y rendent, et il ne faut pas absolument que toute la dépense de ces fêtes soit supportée par le trésor public lorsque les autres communes de la Belgique doivent supporter les frais des fêtes qu’elles célèbrent à la même occasion. Je le répète, plus il viendra d’étrangers à Bruxelles, plus cette ville sentira la nécessité de donner des fêtes aussi splendides qu’il le faudra pour engager les étrangers qui s’y rendent à prolonger leur séjour.
Du reste, ce n’est pas le concours d’étrangers qui rend ces fêtes populaires : le peuple n’est guère à même de voyager et de venir à Bruxelles y prendre part ; les fêtes vraiment populaires sont celles qui se donnent dans les diverses localités de la Belgique, ou le peuple peut y participer, et pour celles-là le budget ne fournit pas un denier.
- Le chiffre de 40,000 fr., demandé par M. le ministre, est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Médailles ou récompenses pour actes de dévouement et d’humanité : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Article unique. Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale : fr. 2,540. »
- Adopté.
« Article unique. Frais de police, mesure de sûreté publique : fr. 80,000. »
M. Dumortier. - Je crois, messieurs, que voici une somme qui peut facilement et très facilement être réduite et notablement réduite ; je déclare, quant à moi, que si j’avais à faire un budget, je n’y mettrais pas un denier pour frais de police, parce que je crois que chez nous la police ne sert absolument à rien. Je parle de la police de M. François, et non pas de la police communale, ni de la police judiciaire.
Je proposerai donc à l’assemblée de réduire le crédit que nous discutons à la somme de 50,000 fr., qui suffisait il y a quelques années ; j’espère d’autant plus que la chambre voudra bien admettre ma demande, que l’on vient de nous demander une augmentation considérable pour le budget de la guerre.
Quoique je présente un amendement, je déclare néanmoins que je voterai contre tout le crédit, parce que je ne vois pas l’utilité de la police. Je sais bien que lorsque le Roi se rend dans l’une ou l’autre ville, l’honorable administrateur s’y rend aussi pour protéger le Roi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cela n’est ni nécessaire ni exact.
M. Dumortier. - Je demanderai au gouvernement une explication sur un arrêté relatif à la police des passeports ; je ne reconnais aucunement la force légale de cet arrêté ; je le regarde au contraire comme une disposition anticonstitutionnelle qui ne peut en aucune manière tenir devant l’article de la constitution qui déclare qu’aucun Belge ne peut être arrêté hors le cas de flagrant délit si ce n’est en vertu de l’ordonnance motivée du juge. Quant aux étrangers, je sais bien que ceux-là ne sont pas protégés par cet article, mais toujours est-il que la disposition prise par le ministre de l’intérieur est une violation de la loi ; cela est tellement vrai qu’il a lui-même modifié sa première disposition. En présence de semblables faits il me semble, messieurs, qu’il suffit de voter 50,000 fr. ; ce sera encore 50,000 fr. de trop.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable préopinant a attaqué la mesure prise à l’occasion de la loi sur les passeports ; je dirai d’abord, messieurs, qu’aucune nouvelle disposition n’a été prise ; seulement, on a réuni dans une seule instruction ce qui était éparpille dans plusieurs, et jusqu’à ce que l’honorable membre ait démontré que cette instruction est contraire à la constitution ou aux lois, il me permettra de croire qu’elle ne contient rien d’inconstitutionnel ni d’illégal.
Quant aux passeports dont des Belges auraient besoin pour voyager à l’intérieur du royaume, l’administration de la police est très facile à cet égard.
Je ne relèverai pas ce qu’on a dit des mesures de sûreté dont on entourerait les voyages du Roi ; tout le monde sait que le Roi voyage en toute sécurité, et que, sous ce rapport, la police n’a pas besoin de se mettre en frais.
La Belgique est un pays visité par un grand nombre d’étrangers de toutes les conditions, parce que c’est un pays central et où l’on vit à bas prix ; de là la nécessité d’une surveillance plus grande en ce qui concerne les passeports. Je pense, messieurs, que si cette surveillance était abandonnée on ne tarderait pas à réclamer unanimement contre un tel abandon et à pousser le gouvernement à des mesures extraordinaires.
Quant au montant du crédit, je pense, messieurs, que le chiffre de 80,000 fr. n’est pas trop élevé ; le réduire à 50,000 fr. serait une très fausse économie surtout lorsque d’année en année, à cause de la surveillance de la police ou au moins par le concours de cette surveillance, la sûreté publique s’affermir de plus en plus ; ce n’est pas lorsqu’on recueille les fruits avantageux d’un crédit qu’on doit le supprimer ni le diminuer considérablement.
M. Dumortier. - Il me semble, messieurs, que M. le ministre de l’intérieur donne complètement le change à ce que j’ai dit : je n’ai point prétendu que le pays pût subsister sans police, mais j’ai dit qu’il ne fallait pas de police générale comme celle dont il s’agit. Il existe une police judiciaire exercée par les parquets et, en outre, une police municipale exercée par les magistrats communaux. Ce sont là les vraies polices, les seules qui rendent des services ; vient après cela, une autre police, la police des polices, celle de M. François, à laquelle je ne reconnais aucune espèce d’utilité. Je veux le maintien de la police judiciaire et de la police municipale, mais je ne veux point de police supérieure qui n’est autre chose qu’un véritable espionnage.
M. le ministre de l'intérieur prétend qu’il ne voit pas que la constitution s’oppose aux dispositions qu’il a prises en matière de passeports ; il suffit de lire purement et simplement l’article de la constitution dont j’ai déjà parlé pour se convaincre qu’en ce qui se rapporte aux Belges, toutes ces dispositions y sont contraires. Voici ce que porte cet article :
« Or le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu d’un ordonnance motivée du juge, signifiée au moment de l’arrestation ou au plus tard dans les 24 heures. »
Ce texte, messieurs, est on ne peut plus clair ; il est imité des lois anglaises, et vous savez qu’en Angleterre nul ne peut être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge.
Je vous rappellerai un fait, messieurs, qui vous prouvera jusqu’à quel point notre première législature estimait que des dispositions de la nature de celles dont il s’agit sont contraires à la constitution. Après les événements du mois d’août 1831, alors qu’il circulait en Belgique un grand nombre d’espions, l’honorable M. C. Rodenbach et moi, nous demandions la remise en vigueur des dispositions concernant les passeports ; l’honorable M. Rodenbach formula une proposition dans ce sens, qui fut renvoyée à une commission ; comme j’avais soutenu la proposition, dans l’ignorance où j’étais de la disposition de la constitution que je viens de citer (car je ne venais que d’arriver à la chambre), je fus nommé membre de la commission ; nous examinâmes la proposition, mais là nous fut exhibé l’article de la constitution dont il s’agit, et nous fûmes tous d’accord qu’en présence d’un texte aussi formel, il était impossible de remettre en vigueur les dispositions concernant les passeports ; aussi il n’a jamais été fait de rapport sur le proposition de M. Rodenbach. Nous avons dit en commission :
« Puisque nous sommes dans une de ces circonstances extraordinaires où le salus populi est la loi suprême, faisons l’aveugle sur les mesures que le gouvernement croira devoir prendre, mais ne commettons pas une inconstitutionnalité. »
Voilà, messieurs, comment raisonnait unanimement une commission de la chambre au mois de novembre 1831, alors les souvenirs du congrès régnaient encore, alors on respectait encore la constitution.
Eh bien, messieurs, si dans des circonstances aussi graves on n’osait pas mettre en vigueur les dispositions relatives aux passeports, comment ose-t-on le faire aujourd’hui, lorsque nous jouissons de la tranquillité la plus parfaite.
D’ailleurs, messieurs, les mesures dont il s’agit n’ont d’autre résultat que d’être vexatoires pour les honnêtes gens ; les fripons trouvent toujours moyen de se procurer un passeport ; car chaque fois qu’on en arrêté un, l’on trouve toujours sur lui deux ou trois passeports. Ce n’est que l’honnête homme qui croit pouvoir, dans un pays de liberté en tout et pour tous, se promener librement sans avoir besoin d’un certificat, qui est victime de ces mesures.
Je le répète donc, les dispositions concernant les passeports sont vexatoires pour les honnêtes gens, mais elles ne parviendront jamais à faire arrêter un coquin ; aussi les autorités communales les ont mises de côté, et elles ont parfaitement bien fait ; car ces dispositions sont inutiles et, ce qui pis est, inconstitutionnelles.
M. F. de Mérode. - Ce n’est pas, messieurs, lorsque nous sommes toujours en face de notre ennemi, qui prend chez lui toutes sortes de précaution, dont il n’a pas grand besoin, que nous devons abandonner les nôtres.
L’honorable M. Dumortier dit que les dispositions dont il s’agit ne peuvent, selon la constitution, être appliquées qu’aux étrangers ; mais je demande comment on saura si un homme est étranger ou Belge ? Cela n’est pas écrit sur la physionomie.
M. Dumortier. - C’est à la police de le savoir.
M. F. de Mérode. - Comment la police pourra-t-elle le savoir ? Tout le monde a le droit de se dire Belge, et à moins que l’individu ne sache pas un mot de français ni de flamand, on devra ignorer s’il en impose. Si donc l’on veut supprimer les passeports pour les Belges, il faut les supprimer pour tout le monde, même pour les Hollandais.
Quant au chiffre, je ne sais pas s’il est indispensable, mais puisque nous jouissons d’une tranquillité si parfaite, c’est un motif pour ne rien changer à ce qui nous a procuré cette tranquillité.
- Le chiffre de 80,000 fr. est mis aux voix ; comme il s’élève des doutes sur la question de savoir si la chambre est en nombre suffisant, il est procédé au vote par appel nominal.
- 48 membres seulement ont répondu : MM. Goblet, Brabant, Coghen, Dolez, Cornet de Grez, de Brouckere, de jaegher, de Longrée, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Dubus (aîné), Dumortier, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Liedts, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.
La séance est levée à 4 heures.